Paragraphe II : La perte de crédibilité de
l'OIF
La perte de crédibilité de l'OIF pourrait
s'expliquer par la désillusion des pays du sud quant à leur
développement (A). De plus, le rayonnement du Commonwealth constitue de
nos jours une réelle menace à la survie de l'OIF (B).
A- Le dilemme du développement des pays du
sud
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« Sans développement, il n'y a guère
d'espoir de réduire les conflits en Afrique »102. Ces
propos de Kofi Annan traduisent bien les ambitions des Etats en matière
de développement. L'OIF a pris la mesure de la chose en apportant son
soutien faisant sienne l'un des objectifs principaux de son institution
à savoir la promotion du développement. Pour ce faire, l'OIF
s'emploie à développer des liens de coopération en vue
d'un développement durable et solidaire des Etats qui se résument
en l'intégration des Etats du sud à l'économie mondiale et
l'aide à la lutte contre la pauvreté. Il est bien reconnu qu'il y
aura une réduction des situations d'instabilités si les Etats
connaissent ou arrivent à un niveau de développement où
tous les citoyens pourraient satisfaire leurs besoins primaires notamment
manger à leur faim.
Dans cette perspective, l'organisation s'est employée
à réaliser ce double objectif. D'abord, elle mène des
actions ciblées en termes d'expertise et de formation. Ensuite, elle
encourage l'économie de proximité et les partenariats d'affaires,
les appuis aux financements des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et de la
microfinance, des soutiens aux formations universitaires en économie et
gestion et des programmes de développement local mettant en avant
organisations non gouvernementales et associations francophones.
Ces différents programmes très modestes sont
insignifiants au regard de l'objectif affiché par l'OIF à savoir
créer un espace de solidarité. Cette situation justifie
l'interrogation sur l'efficacité des actions de l'OIF en ce domaine.
Dans l'ensemble, il faut noter que l'OIF constitue un ensemble
hétérogène et peu dynamique sur le plan
économique.
Hétérogène puisqu'elle rassemble cinq
pays parmi les plus riches du monde et vingt-quatre autres qui figurent dans la
catégorie des Pays les Moins Avancés (PMA). En plus, chaque
sommet témoigne des résistances des bailleurs de fonds et des
conceptions divergentes de ce que doit être le fonctionnement des
institutions francophones : divergences entre pays du Nord et du Sud mais aussi
entre pays du Nord notamment entre la France et le Canada...
Peu dynamique car sa croissance est faible. La majeure partie
de ses membres sont des pays en développement, producteurs de
matières premières et touchés par la dette. En outre, les
échanges commerciaux dans cet espace sont dominés par des flux
Nord-Nord qui fournissent 70% des échanges tandis que les flux Nord-Sud
ne représentent que 28% des échanges.
Toutes ces analyses nous permettent de mettre en exergue le
fait que les membres de l'OIF ont des intérêts économiques
et des objectifs trop dissemblables. En réalité, chaque Etat
102 Voir à ce sujet Kofi Annan, causes des conflits et
la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique,
rapport du Sécrétaire Général de l'ONU,
A/52/871-S/1998/318, paragraphe 7, New York, 13 avril 1998.
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membre a ses propres intérêts et ses motivations
spécifiques en y adhérant. Les Etats espèrent trouver dans
cet ensemble géoculturel, les moyens d'assurer leur développement
économique. Leurs approches de l'OIF en cette matière et leurs
attentes sont toutes aussi différentes pour espérer qu'à
court terme la solidarité puisse se manifester.
De plus, les Etats les plus nantis font passer leurs
principales contributions et aides au développement par d'autres canaux
bilatéraux et multilatéraux. Sur cet aspect, il y a eu des
critiques aussi sur l'impact des plans mis en place par les institutions
internationales en faveur des pays en développement sur
l'économie notamment les Plans d'Ajustement Structurel (PAS)
imposés aux Etats à faible taux de croissance.
L'une des faiblesses de l'OIF est son incapacité
à organiser un espace économique véritable. Finalement,
l'OIF ne peut véritablement rien faire si ce n'est des interventions
limitées à la concertation, au conseil, à la
formation...
Les atermoiements observés dans la gestion du volet
économique ne rassurent pas les Etats quant à la prise en compte
du développement. Cette lacune se manifeste par le manque de symboles
forts ayant un impact économique suffisant. Le partage des valeurs de
liberté et de démocratie, face à cette faiblesse
économique, semble être pour la majorité des pays du Sud et
en particulier ceux d'Afrique noire en état d'indigence constante, un
objectif secondaire voire de dernier plan. La liberté prise dans ce
domaine comme celle d'entreprise, l'emporterait sur la vraie valeur qu'est la
démocratie. Elle impose en effet sa dure loi au Nord comme au Sud avec
des conséquences incalculables en termes d'accroissement de la
pauvreté, de la précarité et de la marginalisation de
couches importantes de la population d'où la déception des pays
du Sud.
Cette situation ne peut être comparée à
celle vécue par les Etats membres du Commonwealth, ce qui ne manque pas
d'attirer les Etats de l'espace francophone. Ces derniers commencent à
se désintéresser de l'OIF et de la langue française
pourtant considérée comme porteuse de valeurs fortes à
savoir le développement et la solidarité des membres à
travers des actions de coopération et d'aide. Le Commonwealth
présenterait donc à cet égard une réelle menace
à l'avenir de l'OIF.
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