Annexe 4 : Taux de chômage, données
OCDE.
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Annexe 5 : Face a face.
à face
Quo la monc is I isation
profite aux pauvres
Kevin Watkins
0
Kevin Watkins est Conseiller principal en politique
Économique à Oxfam.
N CRITIQUE parfois les économistes pour leur
incapacité de se mettre d'accord. D'ailleurs, le dramaturge
irlandais, George Bernard Shaw, l'a bien dit : «Si l'on alignait tous les
économistes, ils n'arriveraient jamais à une conclusion.» Si
Shaw écrivait aujourd'hui, il lui faudrait ajouter cette clause
: «à moins qu'ils ne discutent des avantages pour les pauvres de
l'ouverture aux échanges».
L'»ouverture» est devenue le credo de l'ère
de la mondialisation. Il n'y a pas de grand-messe des institutions
financières internationales qui n'inclue d'homélie sur ses
effets bienfaisants. Pour le FMI, la Banque mondiale et la plupart des
gouvernements des pays du Nord, la suppression des obstacles aux
échanges est l'une des mesures les plus décisives que
les gouvernements puissent prendre pour donner aux pays pauvres plus
largement accès à la prospérité mondiale.
D'ailleurs, un rapport de la Banque mondiale publié en 2001 concluait
que «l'ouverture est la raison pour laquelle la mondialisation conduit
à une croissance et à une réduction de la pauvreté
plus rapides dans les pays pauvres». En d'autres termes, l'ouverture -- de
pair avec les réformes axées sur le libre-échange -- est
la clé du succès de la mondialisation pour les pauvres.
A quoi certains critiques répondent que la
mondialisation ne pourra jamais profiter aux pauvres et que
l'intégration aux marchés mondiaux ne fera qu'accroître la
pauvreté et l'inégalité. Aussi répandue soit-elle,
pareille «globaphobie» est injustifiée. Les échanges
internationaux peuvent être un puissant catalyseur de réduction de
la pauvreté, comme l'expérience de l'Asie du Sud-Est le prouve.
Ils peuvent donner aux pays et populations pauvres l'accès aux
marchés, aux technologies et aux idées qui est indispensable pour
soutenir une croissance plus forte et plus équitable.
Mais si la globaphobie est
injustifiée, il en est de même pour la
«globaphilie» -- pathologie galopante dans les institutions de
Bretton Woods, selon laquelle l'intégration par les
échanges et l'ouverture est une garantie quasi automatique de
croissance et de réduction de la pauvreté plus rapides.
Des inégalités de revenu
croissantes
Pour parler sans ambages, l'argument selon lequel la
mondialisation profite aux pauvres ne mérite pas d'être pris au
sérieux. Entre 1988 et 1998, l'incidence de la pauvreté dans le
monde a reculé au taux dérisoire de 0,2 9'0 par an. Les
inégalités de revenu déjà colossales ne font que se
creuser. A la fin des années 90, les pays à revenu
élevé regroupant 14 % de la population mondiale se partageaient
plus des trois quarts du revenu mondial -- à peu près la
même part qu'au début de la décennie. A la fin des
années 80, l'économie mondiale était plus inégale
que toute économie nationale, et elle est devenue encore plus
inégale depuis lors (le coefficient de Gini pour le monde a
augmenté de 3 points entre 1988 et 1993 seulement). Ces chiffres sont
tirés d'un rapport publié par la Banque mondiale en 1999,
«Ttue World Income Distribution, 19SS and 1993», de Branko Milanovic,
membre du Groupe d'études sur le développement mondial. On peut
bien sûr les contester. Certains économistes affirment sans aucune
preuve crédible que les revenus des riches et des
pauvres commencent à converger. En réalité, le
problème est que la distribution actuelle des inégalités
autour du globe est incompatible non seulement avec les valeurs d'un monde
civilisé, mais aussi avec l'engagement pris par la
communauté internationale de réduire la pauvreté de
moitié d'ici à 2015.
Le commerce international renforce les
inégalités de revenu. Du fait que les exportations augmentent
plus rapidement que le PIS mondial, elles ont un effet de plus en plus
important sur la répartition des revenus. Et les parts du
commerce mondial sont à l'image des schémas de
répartition des revenus. Ainsi, pour chaque dollar lié aux
exportations, 0,75 dollar va aux pays les plus riches du monde et environ 0,03
aux pays à faible revenu. Tant que les pays en développement ne
recevront pas une
82
24 Finances & Développement / Mors 2002
plus large part, le commerce continuera de contribuer au
creusement des écarts de revenu en termes absolus.
Dans beaucoup de pays en développement, la
mondialisation aggrave les inégalités à divers niveaux.
Les écarts de revenu liés à l'accès au
marché, aux avoirs productifs et à l'éducation ne font que
se creuser, freinant les efforts de réduction de la pauvreté. En
même temps, l'intégration aux marchés mondiaux renforce
d'autres formes de privation, liées notamment à la
problématique hommes-femmes. Avec la mondialisation, des millions de
femmes sont venues gonfler les rangs de la main-d'oeuvre, mais l'augmentation
du revenu est allée de pair avec des formes extrêmes
d'exploitation, l'érosion des droits des travailleurs et une
vulnérabilité accrue face aux marchés mondiaux. La
»souplesse» des marchés du travail est devenue, par
euphémisme, synonyme de violations criantes des droits de
l'homme. Ainsi s'exprimait une ouvrière colombienne de l'industrie
florale interviewée récemment par Oxfam : »Bien sir, j'ai
davantage d'argent, mais j'ai perdu la santé. J'ai un emploi -- mais
sans droits ni sécurité.» L'un des problèmes du
débat actuel sur la mondialisation, c'est que les dimensions de la
pauvreté autres que le revenu -- le respect humain, la
sécurité et la santé -- ont été
ignorées.
Le problème de l'ouverture
Les champions de l'ouverture veulent que l'engagement
renouvelé à la libéralisation soit la dé du
succès de la mondialisation pour les pauvres. Et ils invoquent les
résultats d'études économétriques comme preuves
scientifiques de cette affirmation. La confiance que l'on accorde à
ces preuves trouve écho dans les conditions relatives à la
libéralisation des échanges auxquelles les prêts du FMI et
de la Banque mondiale sont subordonnés et dans les conseils que les
gouvernements du Nord donnent à leurs homologues du Sud. Une
récente revue par le FMI de sept programmes appuyés par la
facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la
croissance a montré que chaque prêt était soumis à
sept conditions en matière de politique commerciale. A la suite de la
crise financière de 1997 en Asie de l'Est, les prêts de secours
consentis par le FMI ont été une fois encore surchargés de
conditions relatives à la libéralisation des importations. La
plupart des gouvernements du Nord soutiennent pleinement cette approche. Par
exemple, le livre blanc sur le développement présenté par
le Ministère chargé du développement international au
Royaume-Uni a donné un appui retentissant à l'ouverture des
échanges -- citant, comme toujours, les »preuves» fournies par
la Banque mondiale. Malheureusement, les preuves en question reposent sur un
raisonnement économique contestable et une interprétation
hautement sélective des données, qui ne justifient pas la
confiance accordée aux politiques prescrites.
La démonstration la plus souvent citée en faveur
de l'ouverture est celle de David Dollar et Aart Kraay, de la Banque mondiale.
En résumé, cette démonstration repose sur deux arguments.
Le premier est que l'ouverture est associée à une plus forte
croissance. Dollar et Kraay identifient 24 pays en développement dont
l'ouverture, définie par la part des échanges dans
le PIB, s'est beaucoup accrue. Ces »mondialistes» -- qui
regroupent le Brésil, la Chine, l'Inde, le Mexique et la Thaïlande
-- ont enregistré dans les années 90 des taux de croissance du
PIB par habitant supérieurs de 4 % à ceux des non-mondia- listes,
soit une énorme différence. Le deuxième argument
est que l'augmentation des échanges n'est pas associée,
en moyenne, à une tendance systématique à une
inégalité crois-sante
roissante : les pauvres bénéficient de la
croissance en proportion de leur part initiale du revenu national. Tbutes
autres choses égales, la conjugaison d'une plus forte croissance et
du statu quo dans la répartition du revenu se traduit par une
diminution plus rapide de la pauvreté.
Certaines des questions que soulève cette approche
découlent de ce que les moyennes pondérées
sont calculées à partir de larges échantillons.
Si l'on retient une moyenne non pondérée, le taux de
croissance par habitant chez les vmondia-listes» tombe à 1,5 Ro
(à peu près le même niveau que pour les non-mondialistes)
-- et 10 des 24 pays du groupe enregistrent des taux de croissance de
1 9'a ou moins pendant les années 90. Difficile d'y voir une base solide
pour une réduction soutenue de la pauvreté.
Un problème plus sérieux a trait à
ce qui est mesuré. Essentiellement, Dollar et Kraay
partent d'un résultat économique sous forme d'un ratio des
échanges au PIS. Ils retiennent ensuite les variations de ce
ratio en tant que valeur approchée des changements de politique
commerciale. L'hypothèse implicite est que la libéralisation
des échanges explique le succès de
l'intégration, le surck étant défini, en
l'occurrence, comme une croissance et une réduction de la
pauvreté plus rapides.
En réalité, il ne s'agit guère plus que
d'un pari. Des pays tels que la Chine, la Thaïlande et le Vietnam sont
peut-être des mondialistes de premier ordre. Ils peuvent aussi faire
état de solides performances en matière de croissance
économique et de réduction de la pauvreté. Pourtant, ils
ont été très lents à libéraliser leurs
importations et ils maintiennent des barrières commerciales relativement
restrictives. Inversement, des pays comme le Brésil,
Haïti, le Mexique, le Pérou et la Zambie ont été des
champions en matière de libéralisation des importations,
mais ils affichent de piètres résultats en ce qui concerne la
croissance et la réduction de la pauvreté. En bref, beaucoup de
mondialistes de premier ordre arrivent en queue de peloton pour ce qui est
de la réduction de la pauvreté.
Nous ne proposons pas ici de remplacer un modèle
axé sur l'ouverture par un modèle protectionniste. Mais nous
devons certainement étudier de plus près des questions telles que
l'agencement, le rythme et la structure de la libéralisation des
importations. Dans la mesure où il y a des enseignements
généraux à tirer de l'expérience de l'Asie de
l'Est, l'un des plus importants est, semble-t-il, que la
libéralisation et la promotion des exportations ont été
engagées avant la libéralisation des importations et de
manière beaucoup plus agressive.
La situation de l'Amérique latine est frappante. Les
gouvernements nationaux y ont libéralisé les
importations beaucoup plus rapidement que dans toute autre région,
faisant de leurs pays des modèles d'ouverture. Les rendements en termes
de réduction de la pauvreté ont été
épouvantables. A la fin des années 90, le nombre de personnes
vivant au-dessous du seuil de pauvreté de 1 dollar par jour avait
augmenté de quelque 15 millions par rapport à 1987, en
dépit de la reprise économique. Dans une grande partie de
l'Amérique latine, la libéralisation rapide des importations a
été associée 4 un renforcement des
inégalités, déjà extrêmes. Au
Pérou, par exemple,
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Finances & Développement / Mars 2002
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les moyens de subsistance des pauvres ruraux ont
été mis à ma] par l'importation massive de denrées
alimentaires bon marché -- souvent subventionnées --, tandis que
les grandes exploitations commerciales sont en mesure de tirer parti des
possibilités d'exportation. Dans le bilan des gagnants et des perdants
de la libéralisation des échanges, les pauvres ne sont que trop
souvent du mauvais côté.
Ce que l'exemple de l'Amérique latine montre, c'est que
la répartition des revenus compte. Mais on fait fausse route en
af-firmant
ffirmant qu'en moyenne, les revenus des
pauvres progressent systématiquement au même rythme que la
croissance économique. Les pays où l'inégalité
des revenus est faible peuvent s'attendre à enregistrer des
niveaux beaucoup plus élevés de réduction de la
pauvreté que ceux où l'inégalité est
forte. Les raisons sont évidentes. Si les pauvres ne comptent que pour
une faible part du revenu national, le taux de réduction de la
pauvreté sera beaucoup plus faible. Un pays à forte
inégalité, comme le Brésil, devra enregistrer une
croissance trois fois plus forte que le Vietnam pour que le
cinquième le plus pauvre de la population obtienne la même
augmentation moyenne du revenu. Tandis que la croissance économique a
été égale à la réduction de la
pauvreté en Ouganda durant la première moitié des
années 90, ce rapport a été de 1 à 0,2 au
Pérou. S'il est vrai
«Ce qui compte vraiment dans le débat sur la
mondialisation est de savoir pourquoi certains pays ont mieux
réussi que d'autres à conjuguer la croissance des
exportations à une réduction de la pauvreté.»
qu'une augmentation de l'inégalité peut
être compensée par une croissance rapide -- comme en Chine --,
elle entralne aussi un plus faible taux de réduction de la
pauvreté.
Ce qui compte vraiment dans le débat sur la
mondialisation est de savoir pourquoi certains pays ont mieux
réussi que d'autres à conjuguer la croissance des exportations
à une réduction de la pauvreté. L'augmentation de la
part des pauvres dans une croissance axée sur le
marché requiert des stratégies qui vont de la redistribution des
terres à l'investissement dans les infrastructures de commercialisation,
en passant par un meilleur accès à l'éducation et aux
soins de santé et des mesures de lutte contre la corruption. Elle peut
aussi requérir des politiques qui sont frappées
d'anathème à l'ère de l'«ouverture», y compris
la protection des frontières pour les petits exploitants agricoles et
(sur une base sélective et temporaire) les industries naissantes, le
rétablissement des droits fondamentaux dans le domaine du travail et la
protection du salaire minimum.
Le point essentiel est que l'ouverture, en soi, n'est pas une
stratégie de réduction de la pauvreté. Les documents de
stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP),
établis par les gouvernements qui engagent des programmes
appuyés par le FMI et la Banque mondiale, donnent une
excellente occasion de concevoir une approche de la politique commerciale
véritablement centrée sur la pauvreté. Malheureusement, on
ne saisit pas souvent cette occasion. La plupart des DSRP ne font
guère plus que répéter les idées reçues sur
les bienfaits de l'ouverture et ont souvent de graves conséquences pour
la réduction de la pauvreté. Par exemple, le DSRP
intérimaire du Cambodge envisage une rapide libéralisation
générale des importations, avec l'abaissement des droits
de douane à 5 % en moyenne, même pour les produits agricoles
sensibles comme le riz. Pourtant, dans un pays où un tiers de
la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, ce DSRP ne comporte
aucune évaluation des conséquences de telles mesures sur la
pauvreté et la distribution des revenus ruraux, alors que le riz est le
pilier de l'économie rurale.
Ouverture sélective
L'ouverture est une doctrine économique curieuse
à cet égard : les ministres des finances et du commerce
des pays du Nord comptent parmi ses plus ardents défenseurs, en
particulier lorsqu'ils donnent des conseils de politique
économique aux pays pauvres. Mais pour ce qui est de leur
économie intérieure, ils enfreignent les principes du
libre-échange plus souvent qu'ils ne les respectent Le
précepte fondamental est «faites ce que nous disons, et non ce que
nous faisons», ce qui n'est pas une base constructive pour
assurer une mondialisation plus inclusive.
Les coûts du protectionnisme pratiqué par le Nord
à l'égard des pays en développement sont bien
documentés. Une estimation prudente les chiffre à 50 milliards de
dollars par an. Quand les pays pauvres traitent sur les marchés
mondiaux, ils sont soumis à des droits de douane à peu
près quatre fois plus élevés en moyenne dans les pays
industrialisés que ceux auxquels les autres pays industrialisés
font face. Les tarifs douaniers les plus punitifs sont appliqués
précisément dans les domaines -- comme les industries
manufacturières à forte intensité de main-d'oeuvre et
l'agriculture -- où les pays en développement ont l'avantage
potentiel le plus important. Dans aucun secteur, les
différences de traitement ne sont plus hallucinantes que dans
l'agriculture. Tandis que les pays en développement libéralisent,
les pays industrialisés dépensent 1 milliard de dollars par jour
à subventionner la surproduction et le dumping à l'exportation,
détruisant ce faisant, sur une échelle massive, les moyens de
subsistance des petits exploitants vulnérables. Les
bénéficiaires de cette débauche sont une poignée de
gros exploitants politiquement influents, comme les magnats des
céréales du Bassin parisien et ceux des arachides en
Géorgie.
L'indice de restriction au commerce (IRC) du FMI -- qui
classe les pays selon leur ouverture sur une échelle allant de
1 (ouverture totale) à 10 (fermeture totale) -- est un outil
d'analyse qui donne une idée de l'hypocrisie du Nord. Cet indice est de
4 pour les pays de l'Union européenne, les États-Unis et
le Japon, tandis qu'il se situe entre 1 et 2 dans des pays aussi pauvres que
l'Ouganda, le Pérou et la Bolivie.
L'inégalité de la libéralisation est
l'une des raisons pour lesquelles les pays industrialisés
continuent de se tailler la part du lion dans les bienfaits de la
mondialisation. Les pays en développement absorbent les coûts de
l'ajustement à des
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