Transition démocratique en Guinée: perceptions de la diaspora vivant au Bénin( Télécharger le fichier original )par Pierre Pévé BAVOGUI Université d'Abomey Calavi - Diplôme d'Etudes Approfondies 2012 |
7.1.2. Les exigences de la mouvance présidentiellePour les enquêtés de la mouvance présidentielle, c'est l'opposition qui ne veut pas aller à la réconciliation. Pour cela, ils exigent: - La conformité aux directives du président élu : Pour eux, il n'ya pas deux présidents élus mais un seul et unique. Ce qui signifie que c'est le président élu qui commande et tous les autres doivent se plier à ses ordres jusqu'à la fin de son quinquennat. L'opposition est indiquée être la cause de tous les problèmes que la transition traverse. Ils soutiennent que tous les citoyens guinéens doivent suivre les directives du président élu afin de bâtir une société harmonieuse ; - Le dialogue et la participation de tous : Ils sont convaincus que sans le dialogue et la participation effective de tous les guinéens, la transition ne peut aboutir à son terme et sera confrontées à des difficultés majeures qui ralentiront son évolution. Pour cela, le dialogue et à la participation de tous les guinéens au processus démocratique est indispensable ; - L'implication des sages et des religieux : les sages et les religieux ont une grande renommée aux yeux des populations et donc, il faut passer par eux pour faire participer certaines personnes ne voulant pas prendre part à cette commission ou qui ne veulent pas se livrer par doute de confidentialité des auditions ; - L'amour du prochain : Cette règle religieuse trouve sa place dans la morale. On ne doit pas faire du mal à autrui mais il faut aimer son prochain comme soit même. Dans la pratique religieuse, le prochain est toute personne que l'ont peut rencontrer où que ce soit. Ce sont les pauvres, les enfants de la rue et tous ceux qui sont dans le besoin. Pour la réussite du processus démocratique et de la réconciliation, les guinéens doivent s'aimer mutuellement sans tenir compte des différences religieuse, politique, régionale et socioculturelle ; - Eviter de se faire manipuler par les leaders politiques : Les interviewés affirment que les leaders politiques sont des manipulateurs des populations. La population doit 91 être vigilante pour éviter de se faire manipuler par les politiciens qui ne les utilisent que pour détruire la cohésion nationale ; - Pardonner les évènements passés : la réconciliation ne passe pas par le châtiment des coupables mais par le pardon. Ceux qui ont subi les évènements et ceux qui ont perdu des parents au cours de ses évènements, doivent accepter de pardonner car, tous les guinéens sont à la fois victimes et bourreaux si on doit dresser une liste de tous les évènements politiques. Les uns ont fait du tord aux autres à un moment donné de l'histoire et les autres en ont fait aux uns à un autre moment. Qui faut-il accuser ? Qui faut-il oublier ? La seule réponse, c'est de se pardonner car, tous les guinéens sont responsables de ce qui s'est passé dans leur pays et il serait injuste de pointer du doigt certains et d'oublier les autres ; - Les partis politiques doivent sensibiliser leurs partisans : tous les débordements sont la cause du manque de sensibilisation des militants dans les situations politiques. Ce sont les partis qui ont la charge d'éduquer leurs militants et sympathisants à la citoyenneté électorale. En jouant aussi à l'apaisement, les partis contribueront à la construction de la paix sociale en Guinée ; - Assise nationale : le président à la responsabilité de faire assoir tous les guinéennes et guinéens autour d'une table et leur expliquer que le pays appartient à tout le monde et que nos différents ne seront résolus que si l'on discute de nos problèmes et qu'on trouve ensemble des solutions ; - La démonopolisation du commerce : tant que le commerce est monopolisé par les peuls, ceux-ci seront toujours pointés du doigt par les autres groupes socioculturels car, il y a toujours une logique de domination économique entre les peuls et les malinkés. En démonopolisant le commerce, personne n'accusera plus l'autre d'être la raison de son malaise économique et les peuls ne seront plus accusés d'être les détenteurs du pouvoir économique.13 13 Le médiateur de la république, le General Facinet Touré, est souvent cité parmi ces personnes pour avoir déclaré que : «Les peulhs ont le pouvoir économique, ils doivent donner la chance aux autres ethnies de se partager le pouvoir politique» consultable à l'URL
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http://conakryinfos.com/fichiers/livre- 7.2.La commission vérité, justice et réconciliation 92 La réconciliation est souhaitée par l'ensemble des enquêtés. Si le retard de la constitution de cette commission est perçu différemment, les critères qu'ils définissent pour sa composition et son fonctionnement ne sont pas aussi divergents. 7.2.1. Le retard de la constitution de la commission de réconciliation Le président de la république de Guinée, le Pr. Alpha Condé, avait annoncé dès son investiture, le 21 décembre 2010, qu'il mettra en place une commission vérité, justice et réconciliation à l'image de celle sud-africaine pour réconcilier les filles et fils de la Guinée. Mais après cette investiture, il a fallu attendre plusieurs mois pour que les représentants provisoires de la commission soient désignés. Les personnes interrogées ont des opinions différentes sur cette situation. Pour les uns (42 % de l'échantillon), c'est la preuve du manque de volonté du pouvoir à réconcilier les guinéens. Si le nouveau président avait réellement la volonté de réconcilier son peuple, il ne pouvait attendre aussi longtemps sans en faire une priorité. Ce qui apparait comme une faiblesse du pouvoir qui jusque là n'a pas touché à l'essentiel de la mission qui l'attend. Cette position s'explique par l'appartenance politique de la majorité de ses tenants aux partis de l'opposition qui ne peuvent qu'accuser leur adversaire politique qu'est le président de la république, son gouvernement et son parti. Pour les autres (35 % des enquêtés), c'est un manque de volonté politique du pouvoir et de l'opposition en ce sens qu'il n'existe pas de dialogue entre les deux parties. Il y a d'un côté, l'intransigeance du président et de l'autre côté, les actes de sabotages de l'opposition qui, malgré la volonté du président de la faire participer à cette commission, refuse de dialoguer dans ce sens en posant plusieurs conditions. C'est donc l'atmosphère tendu de la situation politique qui explique le retard de la constitution de cette commission. Pour faciliter la constitution de cette commission, il est nécessaire que les guinéens retrouvent un minimum d'apaisement face aux évènements passés et gagnent la confiance des uns et des autres. Cette position explique la neutralité de ses tenants malgré leur appartenance politique et socioculturelle différente. La diversité politique et socioculturelle de cette tendance explique sa pertinence et sa crédibilité car, les enquêtés n'ont tenu compte ni de leur lien avec l'opposition ni de leur lien avec le pouvoir pour les accuser conjointement. 93 Pour la troisième tendance (19 % des enquêtés), la population a des besoins urgents qu'il faut combler avant de faire face à la constitution de la commission de réconciliation. Ce qui fait appel à plus de patience et de retenue de la part de l'opposition. La position de ces enquêtés s'explique par les raisons de départ du pays de ses tenants qui sont arrivés au Bénin pour la recherche d'une vie meilleure parce qu'ils étaient confrontés à des difficultés économiques. |
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