PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
Dans cet état de l'art de la communication humanitaire,
nous étudierons à partir d'une revue documentaire, comment s'est
construite la communication humanitaire depuis ses fondements jusqu'à
ses objectifs actuels. Nous expliquerons pourquoi le secteur s'est fortement
professionnalisé, notamment avec le développement du marketing
social et du fundraising, et en quoi ces changements ont affecté le
message. Nous analyserons les composantes du discours, coproduit par des
humanitaires, des journalistes et des communicants pour montrer qu'il
s'articule bien souvent autour d'une victime anonyme et conforme à un
modèle occidental. Enfin, nous aborderons les notions d'éthique,
de déontologie et de neutralité qui régissent aujourd'hui
le secteur et tracent naturellement les frontières du dicible.
1. Origines et enjeux
Afin de comprendre comment se construit la communication
humanitaire, il convient d'en comprendre les enjeux multiples qui n'ont
cessé d'évoluer depuis la création des structures
humanitaires modernes au début des années 70 et l'apparition des
ONG « sans-frontiéristes ». Celles-ci ont bouleversé la
manière de communiquer et lui ont donné un nouveau rôle,
orienté sur la médiatisation des actions et sur l'interpellation
de l'opinion publique et des décideurs.
Dès le début, la fonction de communiquer, au
sens de porter un message, est ancrée dans l'ADN de ces ONG même
si initialement, ce devoir hautement symbolique de témoigner
était confié soit aux dirigeants des ONG (fondateur ou
Secrétaire général), soit aux responsables de mission ou
aux médecins revenant du terrain. Seule leur parole et leur regard
étaient considérés comme légitimes pour faire
connaître au monde la réalité de la situation et rapporter
ce qu'ils avaient vécu sur place. Mais au fil du temps, le besoin
d'être visible dans un secteur devenu concurrentiel a contraint les
structures à se professionnaliser et à développer la
communication au même titre que toutes les autres composantes du secteur,
entrainant de profondes modifications du discours. Communiquer est alors devenu
un pilier central de toute l'action humanitaire car il ne s'agit plus seulement
d'agir mais de montrer qu'on agit.
Pour garantir leur liberté d'action et leur
indépendance financière, conditions fondamentales des
organisations non gouvernementales, les structures ont très vite fait
appel à la générosité du public et sollicité
des dons pour absorber leur frais de fonctionnement toujours plus importants et
financer les projets sur le terrain.
La communication humanitaire remplit aujourd'hui la double
fonction d'information publique et de collecte de fonds. C'est un domaine
sensible que tout le monde souhaite maîtriser car elle est au centre de
jeux de pouvoir, côtoie les médias, les journalistes, ou encore
fabrique la notoriété. Communiquer est parfois un acte politique
qui peut influencer les décideurs ou l'opinion publique et constitue
« un repère qui situe engagement et politique dans l'espace
public21 ».
19
21 Pascal Dauvin, La communication des ONG
humanitaires (Paris: Ed. Pepper: L'Harmattan, 2010), p.159
20
|