Collectes de fonds humanitaires (fundraising) : comment élaborer une stratégie de communication digitale adaptée aux nouveaux profils de donateurs particuliers.par Guillaume Dubus Université Jean Moulin Lyon 3 - IAE Lyon - Master 2 Management et Communication 2019 |
INTRODUCTIONÀ travers ces mots, Filippo Grandi, Haut-Commissaire de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), rappelle la nécessité d'une action collective à l'égard des réfugiés et l'importance des contributions de chacun. Un appel à la générosité qui va dans le sens de la stratégie de financement de l'UNHCR qui s'oriente désormais vers le développement des partenariats du secteur privé et des dons individuels. En effet, l'organisation onusienne a récolté en 2018 un total de 422,7 millions de dollars américains auprès des donateurs du secteur privé, sur un budget total de 8,22 milliards de US$. Des contributions qui n'étaient que de 70 millions de US$ en 2010 et qui ont pour objectif de doubler d'ici 2025 : « Une étape importante a ainsi été franchie en direction de l'objectif du HCR, qui est de collecter 1 milliard de dollars auprès de partenaires du secteur privé d'ici 2025. »3 Pour garder une cohérence avec mon stage, j'ai choisi d'orienter mon mémoire de fin d'études sur le sujet des collectes de fonds humanitaires et plus spécifiquement sur le rôle joué parla communication digitale pour susciter la générosité du public. Dans ce cadre, nous tenterons de répondre à la problématique suivante : Collectes de fonds humanitaires (Fundraising) : comment élaborer une stratégie de communication digitale adaptée aux nouveaux profils de donateurs particuliers. Pour ce faire, nous définirons en préambule ce qu'est l'humanitaire en rappelant ses origines, ses acteurs et en détaillant les enjeux actuels auxquels le secteur est confronté. Nous exposerons aussi dans un chapitre dédié, le choix de cette problématique ainsi que le contexte dans lequel elle s'inscrit. Notre réflexion s'articulera ensuite en trois parties. Nous ferons une première revue documentaire pour comprendre comment s'organise et se structure la communication humanitaire. Dans une seconde synthèse documentaire, nous explorerons les multiples formes de don et les différents profils de donateurs avant d'analyser, à travers une approche socio-économique, les moteurs de la générosité et les motivations liées à cet élan philanthropique. Enfin, dans une troisième partie, nous ferons une veille sur les innovations dans le domaine du fundraising, un secteur qui est amené à évoluer pour s'adapter aux nouveaux profils de donateurs et aux nouveaux usages, notamment numériques. Afin d'avoir un panorama complet des possibilités, nous listerons les innovations marketing qui se pratiquent dans d'autres secteurs et qui seraient adaptables au domaine humanitaire. Nous conclurons sur des préconisations qui regrouperons, sous forme de points-clés, les bonnes pratiques pour concevoir une communication engageante. 8 3 « Rapport Global 2018 UNHCR » (UNHCR), p.44, (consulté le 22 août 2019), http://reporting.unhcr.org/sites/default/files/gr2018/pdf/GR2018_French_Full_lowres.pdf 9 PRÉAMBULE - Chapitre 1 : État des lieux du secteur de l'humanitaire en France PRÉAMBULE - Chapitre 1 : État des lieux du secteur de l'humanitaire en France En préambule de ce mémoire dont le propos est centré sur la communication humanitaire, il convient de s'intéresser au domaine dans lequel il s'inscrit, à savoir l'humanitaire. Dans cette entrée en matière qui se veut succincte, nous partirons des origines du mouvement avant de détailler les enjeux actuels, d'en définir les acteurs et de déterminer les moteurs qui font aujourd'hui avancer des organisations décrites parfois comme des « entreprises de charité ». Nous évoquerons les raisons qui motivent les différentes parties prenantes, qu'elles soient bénévoles, volontaires, salariés, donateurs, entreprises privées car c'est grâce à leur engagement que l'action humanitaire existe et participe à rendre ce monde meilleur. 1. Définitions et originesDans l'étymologie du mot humanitaire, dont la première mention est relevée en 1835 sous la plume de Lamartine, nous retrouvons l'humanité et par extension l'homme. Ces deux termes sont au coeur de l'action humanitaire, c'est pourquoi les définitions s'en inspirent. Le Larousse propose une définition générale : « [l'humanitaire] s'intéresse au bien de l'humanité [et] cherche à améliorer la condition de l'homme4. » Au-delà d'une définition dépourvue de son contexte, nous pouvons nous intéresser à l'approche de Rony Brauman, médecin et ancien président de MSF, qui en décrit le sens initial dans un ouvrage sur ses origines : « L'humanitaire est une disposition d'esprit philanthropique, une attitude de confiance en l'humanité considérée comme un tout5. » Utilisé premièrement comme qualificatif, le mot humanitaire a évolué vers une forme d'action et décrit désormais un dispositif régit par un ensemble de normes et d'obligations. Le site spécialisé Solidaire-info le définit comme une action qui utilise des moyens pacifiques et qui cherche, au nom de la solidarité, à « préserver la vie dans le respect de la dignité et à restaurer l'homme dans sa capacité de choix6 ». Cette démarche s'adresse principalement aux populations vulnérables en offrant des services gratuits pour tous, sans aucune discrimination. Puisant ses origines dans les confréries religieuses puis autour du Mouvement international de la Croix-Rouge, l'humanitaire moderne apparaît au XXème siècle avec la naissance de plusieurs organisations qui souhaitent venir en aide aux victimes des deux guerres mondiales. Des noms aujourd'hui évocateurs, comme Save The Children ou Oxford Committee for Famine Relief (OXFAM), voient le jour en Grande Bretagne ainsi qu'aux USA avec les naissances d'International Rescue Committee (IRC), de Catholic Relief Service (CRS) ou encore de Cooperative for Assistance and Relief Everywhere (CARE)... Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la priorité des États est de maintenir la paix. Dans ce sens, ils créent l'Organisation des Nations Unies en 1945 pour assurer plusieurs mandats dont ceux de faire respecter les droits de l'homme et le droit international humanitaire. Ce dernier, qui régit toute l'action humanitaire, s'appuie fortement sur les Conventions de Genève pour fixer un cadre à la guerre et des règles de protection des civils (comprenant aussi les membres du personnel sanitaire ou 4 Éditions Larousse, « Définitions: humanitaire - Dictionnaire de français Larousse », (consulté le 4 avril 2019), https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/humanitaire/40620 5 Rony Brauman, « Chapitre premier. Aux origines », Que sais-je? 3e éd. (1 novembre 2018): p.7-28, (consulté le 6 mai 2019), http://www.cairn.info/la-medecine-humanitaire--9782130809234-page-7.htm 6 « Humanitaire, Développement, Urgence », solidaire-info, (consulté le 28 mars 2019), https://www.solidaire-info.org/domaines/humanitaire-developpement-urgence 10 PRÉAMBULE - Chapitre 1 : État des lieux du secteur de l'humanitaire en France d'organisations humanitaires) et de ceux qui ne prennent plus part aux combats (les blessés, les malades, les prisonniers de guerre). La première Convention de Genève de 1864 est considérée comme l'acte de naissance du droit international humanitaire contemporain. Tournée vers le traitement des victimes de guerre, elle a permis de « transformer les dispositions d'esprit bienveillantes, jusqu'alors laissées à la discrétion des chefs militaires, en un traité diplomatique devant être appliqué en tout temps et tout lieu7 ». Dans les années 70, l'humanitaire se développe fortement avec l'apparition des organisations « sans-frontiéristes », à l'image de Médecins Sans Frontières (MSF) ou de Médecins du Monde (MDM). En décidant de rompre avec les organisations internationales traditionnelles liées aux Nations Unies ou à la Croix Rouge pour lesquelles ils travaillent, les « French doctors » créent leurs propres structures qu'ils souhaitent indépendantes des États (non gouvernementales) et de leurs financements. En plus des actions purement opérationnelles, ils cherchent à s'appuyer sur l'opinion publique pour pouvoir prendre à témoin et interpeller, une nouvelle approche qui a bouleversé la manière de communiquer et donné un nouveau rôle à la communication humanitaire. |
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