PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
§ Enfin dans les années 2000, les grandes agences
généralistes ont créé des départements
non-profit saisissant ainsi l'opportunité de construire une
relation commerciale avec les organisations humanitaires, même si parfois
elles garantissent des tarifs préférentiels. Lorsque c'est le
cas, il faut rester vigilant pour que cet avantage financier ne se
répercute pas sur la qualité des prestations ou qu'il
réduise la marge de manoeuvre des associations qui pourraient ne pas
bénéficier des mêmes exigences qu'un client payant le prix
fort.
A cela s'ajoutent les agences ayant une
spécialité graphique, audiovisuelle ou
évènementielle qui peuvent être sollicitées au coup
par coup.
3.2 Communication versus marketing
En plus des raisons liées aux innovations, la
professionnalisation de la communication humanitaire s'est imposée avec
l'arrivée du fundraising. Cette nouvelle discipline a été
un tournant pour ces organisations qui ont adopté les mêmes
techniques marketing que les entreprises commerciales. Antoine Vaccaro,
président du Centre d'étude et de recherche sur la philanthropie,
parle de « transposition des règles du marketing industriel et
commercial à celui des causes humanitaires51 ».
D'après son propos, la collecte de fonds est devenue un axe
stratégique, indispensable au fonctionnement des organisations et le
donateur, un consommateur dont l'ONG satisfait les attentes morales. Petit
à petit, les objectifs de la communication humanitaire se sont donc
recentrés sur la recherche de fonds « La communication s'est alors
retrouvée dans l'ombre du marketing52 ». L'utilisation
de nouvelles ressources engendrant des sommes considérables a
nécessité une gestion financière adéquate et
poussé à l'emploi de professionnels.
La professionnalisation s'est aussi
accélérée au moment où les organisations
humanitaires ont eu besoin de rendre visible leur marque dans un contexte
compétitif. Rony Brauman fait le constat de cette recherche de
notoriété : « les ONG doivent être visibles et
audibles pour exister [...]. Il faut se montrer, séduire,
émouvoir, attirer53. » Pascal Dauvin confirme « il
est nécessaire de faire connaître sa
54
marque (ses actions, son positionnement idéologique, son
mode de fonctionnement) ».
Les organisations humanitaires ont dû s'adapter à
ce nouveau paradigme qui a nécessité des changements
stratégiques et une mutation du secteur. Certaines l'ont fait plus
facilement et plus rapidement que d'autres, mettant une pression
supplémentaire sur leurs concurrents, sommés pour rester dans le
jeu, de recourir aux mêmes armes.
En pratique, certaines structures ont
préféré séparer la communication (liée au
plaidoyer ou à la noble fonction de témoignage) et la
communication qui s'adresse aux donateurs (dont le but est la collecte de
fonds). D'autres, à l'instar de MDM, ont, dans un souci organisationnel
ou de diminution des coûts, rassemblé ces deux disciplines au sein
d'un même service, évitant ainsi les conflits inter-service.
Isabelle Finkelstein, ancienne directrice de la communication et du marketing
de MDM le confirme et propose une définition de ces deux disciplines :
« La communication dénonce la réalité du monde alors
que le marketing propose des représentations arrangées pour
susciter la générosité du public55. »
51 Antoine Vaccaro cité par Dauvin, La
communication des ONG humanitaires, p.16
52 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.13-14
53 Brauman, La communication des ONG
humanitaires, p.149
54 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.8
55 Isabelle Finkelstein, La communication des ONG
humanitaires (Paris: Ed. Pepper: L'Harmattan, 2010), p.53
31
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
Pour Rony Brauman, les ONG voient dans l'information publique
« la seule raison légitime de la communication, alors que la
médiatisation à des fins d'auto-publicité est mal
considérée parmi les humanitaires qui la relèguent au rang
dédaigné d'activité boutiquière56
». N'étant ni au coeur de la raison d'être des ONG qui est de
soigner, ni aussi « noble que le témoignage, les rhétoriques
liées au don » sont, d'après Pascal Dauvin,
considérées comme « putassières
»57.
Les deux domaines utilisent des registres distincts : d'une
part, l'indignation pour la communication qui cherche à dénoncer
tout en préservant l'image de la marque. Créer de la
notoriété et rendre visible l'association étant la
finalité recherchée. De l'autre, l'émotion pour le
marketing qui joue sur les sentiments pour stimuler le don. Les
réfugiés, les catastrophes naturelles et les urgences
étant les thèmes les plus porteurs.
Séparer la communication de la collecte de fonds peut
servir de garde-fou. Il paraît important pour les structures humanitaires
de trouver un équilibre entre les contraintes de rentabilité et
le devoir d'informer. Quand cette dernière fonction est confiée
au service communication, appelé aussi information publique, le service
fundraising peut se focaliser plus librement sur ses objectifs de
rentabilité et de retour sur investissement. L'emploi de techniques
marketing, issues du monde marchand, pour décrypter le comportement des
membres de la base de données et déterminer ce qui fonctionne le
mieux, est plus facilement accepté par la communauté.
Les fundraisers peuvent choisir les sujets les plus porteurs
tout en veillant à ne pas lasser leurs donateurs. Le risque d'attrition,
à savoir la perte d'un donateur, oblige à une certaine
diversité des contenus et évite les excès, tout comme
l'éthique que nous développerons plus tard. Pour varier les
sujets et éviter de solliciter constamment les donateurs avec des appels
au don, les services de collecte s'attachent aussi à donner de
l'information, notamment à travers une newsletter ou des mini-sites
dédiés ou encore en créant un journal des donateurs. Comme
nous l'avons vu, proposer une gradation de l'information à travers
différents types de message est un facteur clé qui permet de
mieux convertir.
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