Conflits enAafrique centrale: le cas de la RCA de 1960 à 2013. Dynamique récurrente d'une trappe de conflictualité( Télécharger le fichier original )par Yannick Stéphane NGBWA ESSO Université de Yaoundé II - Master-Recherce en Science Politique, option: Relations Internationales 2014 |
PARAGRAPHE 2 :LES FRACTURES RELIGIEUSESLe phénomène religieux est plus ou moins problématique en RCA. Il est très souvent un instrument au service d'une élite politique (A). En outre, il existe des rivalités et des luttes entre les religions pour la gestion des affaires. Ce cocktail explosif constitue une source de tensions dans le pays (B). A- L'INSTRUMENTALISATION POLITIQUE DE LA RELIGION La genèse religieuse des conflits repose sur une croyance en une entité supérieure et créatrice de la race humaine. C'est le domaine de la foi avec son corollaire de prescriptions et de proscriptions conformes aux règles édictées dans les livres dits saints. En RCA, le christianisme et l'islam sont les deux principales religions révélées qui génèrent des conflits identitaires. La question religieuse pose un certain nombre de problèmes relatifs à l'identité et à l'instrumentalisation religieuse à des fins politiques. A ce propos, Samuel HUNTINGTON avait prédit un changement de situation dans son article publié en 1993 dans la revue ForeignAffairs. Sa thèse repose sur l'idée selon laquelle «après l'effondrement de l'Union Soviétique, les motifs d'affrontement et de guerre ne seront plus bien sûr les motifs Est-Ouest, mais des affrontements à venir entre grandes zones culturelles, entre grandes aires religieuses»115(*). Cette pensée montre très clairement que la religion demeure foncièrement une cause de conflits. Bien que lointaines, les razzias esclavagistes des Peulhs musulmans ont laissé des traces profondes dans les mentalités. Les leaders du Sud jouent sur cette mémoire et sur la peur de l'envahisseur musulman pour mobiliser et joindre les populations à leur cause. Ainsi, des clichés populaires circulent abondamment sur cette histoire traumatique de l'esclavage. Elle soulève le problème d'autochtonie et de nationalité. Les leaders du Nord quant à eux s'appuient sur le fait que sans la colonisation, ils auraient le pouvoir en RCA. C'est sur ces arguments que certains fondent leurs actions. Ce regard en chiens de faïence entre les deux croyances est à l'origine des tensions au sein de la société centrafricaine. B- LES DISCRIMINATIONS SOCIALES Il règne une certaine animosité entre les musulmans et les chrétiens centrafricains. Elle est due principalement à la manipulation et l'épanouissement des uns au détriment des autres. La religion y est un facteur de division plutôt que d'union. Le Nord-est musulman s'insurge régulièrement contre le Sud essentiellement chrétien à cause de sa politique. L'exemple le plus récent est la formation d'une coalition armée Séléka en 2012. En effet, les musulmans se sentent marginalisés et abandonnés à leur propre sort. Leur région est parmi les plus pauvres du pays. Le désenclavement a atteint un état poussé. Le manque de routes bitumées, d'infrastructureset d'écoles est criard. Les musulmans en RCA ont le sentiment au fil des régimes que les richesses du pays ne bénéficient qu'aux populations du Sud chrétien. Ils se sentent écartés dans la gestion des affaires courantes et dans le partage des retombées de la manne minière et pétrolière. De là, naissent des sentiments de frustration, de méfiance et de haine vis-à-vis des autres religions. Elles sont dès lors perçues comme des menaces dont il faut impérativement se débarrasser. Certains leaders politiques et militaires profitent de la fragilité psychologique des populationspour servir leurs causes égoïstes. D'où la multiplication des coups de force pour la contestation de l'ordre établi, la priseen compte de leurs revendications et l'exercice du pouvoir. La conséquenceest la prolifération des milices et l'insécurité. * 115 Antonio TARRANZANO, op. cit,. p, 165. |
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