B. Analyse du thème à
travers le film « La Loi du Marché »
Thierry est au chômage suite à un licenciement
économique, il était ouvrier dans une usine et travaillait sur
des machines.
Le licenciement économique a touché 750
personnes. On s'interroge sur la légitimité de ce licenciement
puisque l'entreprise faisait des bénéfices. Il n'est pas
précisé s'il s'agissait d'une liquidation ou d'une
réduction d'effectifs.
06 : 00
Dans un café, Thierry se regroupe avec plusieurs de
ses anciens collègues.
Un collègue : « La boîte
était largement viable, donc les licenciements qu'on a subi, on les
conteste...En réunion de CE on avait fait des rapports d'expertise qui
sont clairs, il n'y avait pas de raison économique...Moi je ne laisserai
pas tomber 750 gars. »
On voit dans cette scène que Thierry est
désappointé, démoralisé de se retrouver dans une
telle situation à son âge, à la limite de la rupture.
« Je suis fatigué, j'ai envie de couper
les ponts avec Perrin (ancien employeur), j'en ai
jusque-là...Moi aussi j'avais un boulot. Je l'ai perdu et j'en ai
bavé derrière. Moralement, j'ai morflé, c'est bon, je
pense que pour ma santé mentale, je préfère tirer un
trait, est-ce que ça fait de moi un
lâche ? »
Dans cette scène, l'employeur est qualifié de
« bourreau », terme particulièrement violent. Le
licenciement économique est assimilé à une mise à
mort.
Au début du film, lors de son entretien avec son
conseiller Pôle emploi, on apprend que Thierry est chômeur
indemnisé depuis 15 mois, qu'il ne lui reste que 9 mois de droits aux
allocations, à la suite de quoi il touchera l'ASS, environ 500 euros par
mois.
Dans le système français, le chômeur ne
peut bénéficier des allocations chômage que s'il a
travaillé suffisamment avant, c'est à dire s'il a cotisé
suffisamment longtemps à l'assurance chômage,
prélevée sur le salaire. Le chômeur qui n'a pas
travaillé ou insuffisamment travaillé n'a pas droit à
l'allocation de retour à l'emploi.
En tant que père de famille, la situation est donc
critique pour lui, il est fatigué, dépité et recherche
désespérément une issue au bout du tunnel qui lui
permettrait d sortir de la précarité.
C'est pourquoi dans cette scène, on le voit en
colère. Il a suivi une formation de grutier de 4 mois, à l'issue
de laquelle il apprend qu'il n'a aucune chance de travailler en tant que
grutier n'ayant jamais travaillé au sol sur un chantier.
00 :37
Thierry : « N'envoyez pas les gens faire
un stage si vous savez qu'il n'y a rien à l'arrivée. On ne fait
pas n'importe quoi avec les gens, on les traite bien. Vous les envoyez vers
quelque chose qui est utile, quelque chose qui sert...J'ai perdu 4 mois...Dans
9 mois, je suis à l'ASS, je vais toucher 500 euros, je vais faire
comment ? »
Le conseiller Pôle
emploi : « Votre formation, il n'aurait pas fallu aller
là-dessus. »
Thierry : « Il aurait fallu qu'on me
le dise, personne ne dit rien. C'est n'importe quoi, vous vous foutez de la
gueule du monde...Evidemment, on est payé pendant la formation, mais
tout le monde touche de l'argent, moi, le formateur...et à
l'arrivée, je n'ai pas de travail...Moi, je suis là, dans votre
bureau et j'ai l'impression de venir là
indéfiniment. »
L'organisme Pôle emploi apparait complètement
incompétent et inefficace. Il envoie les demandeurs d'emploi faire des
formations inutiles pour justifier de son rôle dans l'accompagnement du
chômeur et du budget qui lui est alloué. Le conseiller qui est
face à Thierry « noie le poisson ». Il reste vague
sans explication ni solution concrète.
Au cours de sa période de chômage, les
activités sociales de Thierry sont très limitées. Il a un
entretien d'embauche. Il suit un atelier de coaching. Il cherche du travail. Il
a un entretien avec sa conseillère financière à la banque.
On le voit une seule fois avec ses anciens collègues au café.
La seule activité au cours de laquelle il reste
intégré socialement c'est le cours de rock qu'il suit avec son
épouse (14 :50), on le voit sourire, il apprécie cette
activité au cours de laquelle il peut interagir en société
en dehors de ses soucis quotidiens. Le reste du temps, il s'occupe de son fils,
on le voit nettoyer la cuisine de fond en comble (14 :09), ou regarder
fixement par la fenêtre de son appartement (14 :30). Malgré
tout, on constate qu'il a tissé des liens familiaux solides avec sa
famille, on assiste à plusieurs reprises aux repas familiaux
(4 :10) et on le voit faire avec sa femme une démonstration de
danse devant leur fils (48 :00), on voit Thierry sourire
sincèrement et prendre du plaisir.
Bien qu'ouvrier en usine, Thierry et sa femme sont
accédants à la propriété de leur appartement et
déjà propriétaire d'un mobil home depuis 10 ans en bord de
mer, ils appartenaient à la classe moyenne.
En perdant son travail, Thierry a perdu une source de revenu
conséquente qui le contraint à vouloir vendre son mobil home
(23 :09), il se sent inutile, il a perdu la fierté qu'il avait
d'appartenir à un collectif de travail, il n'a plus de contact avec ses
collègues.
Il est en situation de fragilité financière, il
rencontre sa conseillère à la banque, sa priorité est
d'assurer l'avenir de son fils handicapé qui souhaite faire des
études de biologie après le bac et devra donc quitter le foyer
familial pour poursuivre ses études à 150 kms, avec pour
conséquence une charge supplémentaire de 300 euros afin de
rémunérer une auxiliaire de vie.
18 :20
La conseillère : « J'ai
constaté depuis que le revenu a baissé que vous prenez sur votre
épargne pour éviter d'être dans le rouge à la fin du
mois, est ce que vous avez des dépenses imprévues....est-ce que
vous avez envisagé la vente de votre
appartement ? »
Thierry : « Oui, mais c'est non, ce serait
comme si tout ce qu'on avait fait avait servi à rien, c'est la seule
chose qui nous appartient. »
La conseillère : « Demain,
qu'est-ce qu'il se passe si vous n'êtes plus là, ça veut
dire un décès....Est ce que vous avez mis une assurance en
place...Aujourd'hui on est dans une situation précaire et ça
pourrait vous rassurer pour l'avenir... »
Tout en le culpabilisant, la conseillère propose
à Thierry d'épargner dans une assurance décès alors
que sa situation le pousserait à consommer plus qu'à
épargner.
Thierry était ouvrier peu qualifié. Le taux de
chômage des ouvriers était de 14,3% en 2016 (Source : INSEE
Tableaux de l'économie française édition 2016), un taux 3
fois plus élevé que chez les cadres, il est aussi plus
élevé que la moyenne, le taux de chômage de la population
active étant de 10,3%.
Malheureusement, les compétences de Thierry pour
retrouver un emploi similaire sont limitées par la modernisation des
machines, le logiciel qu'ilutilisait étant devenu
obsolète.(09 :30). L'évolution technologique fait que ses
qualifications se dégradent au fil du temps et rendent ses chances de
travailler à nouveau dans ce domaine quasiment nulles. La concurrence
étant rude, il est prêt à travailler pour un salaire moins
élevé sur un poste en dessous de ses qualifications.
(09 :31)
Si l'on suit la théorie néoclassique, l'offre et
la demande de travail se rencontrent sur le marché du travail qui est
régi par le taux de salaire réel. Si celui-ci est trop
élevé, il fait baisser la productivité, par
conséquent, il empêche les entreprises d'embaucher et donc
contribue à créer du chômage. A contrario, Keynes pense que
le chômage est dû à un manque de demande des entreprises et
de consommation des ménages. Selon Keynes, le marché du travail
n'existe pas.
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