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Le travail au cinéma: vecteur d'intégration sociale ou d'isolement?


par Valerie Cardot
Institut universitaire de technologie du Havre - Licence Pro Gestion des Ressources Humaines 2018
  

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IV. L'INFLUENCE DE LA LOI DU MARCHE SUR LE LIEN SOCIAL

A. Analyse du thème à travers le film «  La loi du marché »

Dans le Capital (1867), Karl Marx définit le demandeur d'emploi comme le possesseur de force de travail et l'employeur comme le possesseur d'argent.

La force de travail est une « marchandise » que le demandeur d'emploi vend sur le marché du travail, elle s'échange contre de l'argent. L'employeur qui consomme cette force du travail va donc créer de la valeur et de la plus-value.

L'employeur est en position de force, de dominance, il décide d'acheter la force de travail. Dans le film, la loi du marché est régie par les dominants, ceux qui profitent, qui imposent leur volonté à Thierry qui subit la domination.

L'entretien qu'il passe face à un recruteur sur skype en est le premier exemple.

09 :30

L'employeur remercie Thierry d'avoir accepté de passer son entretien sur skype, ce qui nous indique que Thierry s'est soumis à la demande de l'employeur, en position de dominance.

L'employeur lui demande sur quelle version de la machine il a travaillé :

Thierry : « On a travaillé sur la 7 jusqu'à la fermeture de l'usine, je n'ai pas eu l'occasion de travailler sur la 8. »

L'employeur : « Vous n'avez pas eu envie de vous renseigner sur la 8 ? »

Thierry : « C'est difficile d'avoir accès aux documents techniques quand on n'est pas sur les machines. »

L'employeur : «  Est-ce que vous seriez d'accord pour intégrer une fonction inférieure à celle que vous occupiez dans votre ancienne entreprise ? »

Thierry : «  je pense »

L'employeur : « vous pensez ou vous êtes sûr ?...Quelque chose que je me permets de vous dire, vous pourriez avoir un meilleur CV...Il n'est pas clair. »

Ce commentaire n'a d'intérêt que celui de rabaisser Thierry en position de dominé. Le recruteur a tous les droits puisqu'il détient les clés du marché, lui seul va décider d'employer la personne ou non.

Thierry : « C'est vous qui me contactez, c'est moi qui vous contacte ? »

L'employeur : « Non, non, non, surtout pas, ni l'un ni l'autre. On vous enverra un mail c'est beaucoup plus simple. Je vais être honnête, il y a très peu de chances que vous soyez pris. »

On se demande pourquoi l'employeur a souhaité avoir un entretien avec Thierry. Finalement, l'entretien a été plus humiliant pour Thierry qu'utile.

Le recruteur indique qu'il a d'autres candidatures, le marché du travail est tel qu'il y a plus de chômeurs que de postes à pourvoir, ce qui met les postulants en situation de concurrence et les entreprises en situation dominante. Cette situation serait inversée en période de plein emploi, les salariés auraient le pouvoir d'imposer leurs conditions et de négocier leur salaire.

Lors de la scène du coaching vidéo, qui est sans doute la plus humiliante, Thierry est jugé par d'autres demandeurs d'emploi comme lui qui sont certainement encore plus acerbes dans leurs propos comme si la situation de concurrence dans laquelle ils se trouvent les pousse à vouloir écraser l'autre.

Dans « Le nouvel esprit du capitalisme » (1999), Luc Boltanski et Eve Chiapello définissent la loi du marché par «la concurrence de tous contre chacun, la projetisation  de la vie, l'irresponsabilité du système et la négociation permanente. On retrouvebien dans ce film la lutte permanente menée par le chômeur en quête d'un emploi qui doit se débattre sur le marché du travail seul, contre ses semblables, et sans l'aide su système puisque les organismes tel que Pôle emploi sont inefficaces.

30 :32

L'animateur : « Que pensez-vous de la posture de Thierry ? »

Un chômeur : « pas très dynamique franchement, enfoncé dans sa chaise....également la chemise ouverte, ça fait un peu plagiste. »

L'animateur : « pour ce qui est de l'amabilité, qu'en pensez-vous ? »

Un chômeur : « un peu froid, pas très souriant »

Pendant toute cette scène, Thierry est gêné, il acquiesce à tout ce qui est dit sans protester. Il est totalement dominé par ses semblables et il semble s'y être résigné comme s'il ne pouvait y échapper.

Lorsqu'il va prendre son poste de vigile, au moment des licenciements, Thierry va se retrouver brutalement en situation de pouvoir, bien malgré lui, puisqu'il n'a pas vraiment le choix. Il risque de perdre sa place s'il n'use pas de son pouvoir, étant lui-même dominé.

Thierry est soumis et obéît au directeur pour pouvoir garder son poste, il n'a pas la liberté de ses choix. Il a vendu sa force de travail, il n'en est plus propriétaire et ne peut plus en disposer. Il est lié à son employeur par un contrat de travail qui se définit par un lien de subordination, en d'autres termes il n'est plus libre de ses actes

Il est soumis à la dure loi du marché, peut-il tout accepter pour conserver son emploi, il est face à un choix moral, être lui-même bourreau ou rester victime ?

La loi du marché implique l'individualisme, c'est chacun pour soi et le plus fort l'emporte telle la sélection Darwinienne qui définit l'évolution des espèces, un tri naturel qui s'opère selon les espèces les plus fortes qui s'adaptent plus facilement à leur environnement. Thierry n'a pas su s'adapter à son nouveau poste parce qu'il a choisi de ne pas renier les valeurs humaines.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci