IV. L'INFLUENCE DE LA
LOI DU MARCHE SUR LE LIEN SOCIAL
A. Analyse du thème à
travers le film « La loi du marché »
Dans le Capital (1867), Karl Marx définit le demandeur
d'emploi comme le possesseur de force de travail et l'employeur comme le
possesseur d'argent.
La force de travail est une
« marchandise » que le demandeur d'emploi vend sur le
marché du travail, elle s'échange contre de l'argent. L'employeur
qui consomme cette force du travail va donc créer de la valeur et de la
plus-value.
L'employeur est en position de force, de dominance, il
décide d'acheter la force de travail. Dans le film, la loi du
marché est régie par les dominants, ceux qui profitent, qui
imposent leur volonté à Thierry qui subit la domination.
L'entretien qu'il passe face à un recruteur sur skype
en est le premier exemple.
09 :30
L'employeur remercie Thierry d'avoir accepté de passer
son entretien sur skype, ce qui nous indique que Thierry s'est soumis à
la demande de l'employeur, en position de dominance.
L'employeur lui demande sur quelle version de la machine il a
travaillé :
Thierry : « On a travaillé sur la 7
jusqu'à la fermeture de l'usine, je n'ai pas eu l'occasion de travailler
sur la 8. »
L'employeur : « Vous n'avez pas eu envie de
vous renseigner sur la 8 ? »
Thierry : « C'est difficile d'avoir
accès aux documents techniques quand on n'est pas sur les
machines. »
L'employeur : « Est-ce que vous seriez
d'accord pour intégrer une fonction inférieure à celle que
vous occupiez dans votre ancienne entreprise ? »
Thierry : « je pense »
L'employeur : « vous pensez ou vous
êtes sûr ?...Quelque chose que je me permets de vous dire,
vous pourriez avoir un meilleur CV...Il n'est pas clair. »
Ce commentaire n'a d'intérêt que celui de
rabaisser Thierry en position de dominé. Le recruteur a tous les droits
puisqu'il détient les clés du marché, lui seul va
décider d'employer la personne ou non.
Thierry : « C'est vous qui me contactez,
c'est moi qui vous contacte ? »
L'employeur : « Non, non, non, surtout pas,
ni l'un ni l'autre. On vous enverra un mail c'est beaucoup plus simple. Je vais
être honnête, il y a très peu de chances que vous soyez
pris. »
On se demande pourquoi l'employeur a souhaité avoir un
entretien avec Thierry. Finalement, l'entretien a été plus
humiliant pour Thierry qu'utile.
Le recruteur indique qu'il a d'autres candidatures, le
marché du travail est tel qu'il y a plus de chômeurs que de postes
à pourvoir, ce qui met les postulants en situation de concurrence et les
entreprises en situation dominante. Cette situation serait inversée en
période de plein emploi, les salariés auraient le pouvoir
d'imposer leurs conditions et de négocier leur salaire.
Lors de la scène du coaching vidéo, qui est sans
doute la plus humiliante, Thierry est jugé par d'autres demandeurs
d'emploi comme lui qui sont certainement encore plus acerbes dans leurs propos
comme si la situation de concurrence dans laquelle ils se trouvent les pousse
à vouloir écraser l'autre.
Dans « Le nouvel esprit du capitalisme »
(1999), Luc Boltanski et Eve Chiapello définissent la loi du
marché par «la concurrence de tous contre chacun,
la projetisation de la vie, l'irresponsabilité du
système et la négociation permanente. On retrouvebien dans
ce film la lutte permanente menée par le chômeur en quête
d'un emploi qui doit se débattre sur le marché du travail seul,
contre ses semblables, et sans l'aide su système puisque les organismes
tel que Pôle emploi sont inefficaces.
30 :32
L'animateur : « Que pensez-vous de la
posture de Thierry ? »
Un chômeur : « pas très
dynamique franchement, enfoncé dans sa chaise....également la
chemise ouverte, ça fait un peu plagiste. »
L'animateur : « pour ce qui est de
l'amabilité, qu'en pensez-vous ? »
Un chômeur : « un peu froid, pas
très souriant »
Pendant toute cette scène, Thierry est
gêné, il acquiesce à tout ce qui est dit sans protester. Il
est totalement dominé par ses semblables et il semble s'y être
résigné comme s'il ne pouvait y échapper.
Lorsqu'il va prendre son poste de vigile, au moment des
licenciements, Thierry va se retrouver brutalement en situation de pouvoir,
bien malgré lui, puisqu'il n'a pas vraiment le choix. Il risque de
perdre sa place s'il n'use pas de son pouvoir, étant lui-même
dominé.
Thierry est soumis et obéît au directeur pour
pouvoir garder son poste, il n'a pas la liberté de ses choix. Il a vendu
sa force de travail, il n'en est plus propriétaire et ne peut plus en
disposer. Il est lié à son employeur par un contrat de travail
qui se définit par un lien de subordination, en d'autres termes il n'est
plus libre de ses actes
Il est soumis à la dure loi du marché, peut-il
tout accepter pour conserver son emploi, il est face à un choix moral,
être lui-même bourreau ou rester victime ?
La loi du marché implique l'individualisme, c'est
chacun pour soi et le plus fort l'emporte telle la sélection Darwinienne
qui définit l'évolution des espèces, un tri naturel qui
s'opère selon les espèces les plus fortes qui s'adaptent plus
facilement à leur environnement. Thierry n'a pas su s'adapter à
son nouveau poste parce qu'il a choisi de ne pas renier les valeurs
humaines.
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