Le consensus en droit électoral camerounais
AVERTISSEMENT
« La Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
de l'Université de Douala n'entend donner aucune approbation, ni
improbation aux opinions émises dans ce mémoire ; celles-ci
doivent être considérées comme propres à leur auteur
».
II
Le consensus en droit électoral camerounais
DÉDICACE
A
MES PARENTS
III
Le consensus en droit électoral camerounais
REMERCIEMENTS
Nous souhaitons adresser nos remerciements les plus
sincères à ceux qui ont contribué, à
l'élaboration de ce mémoire ainsi qu'à la réussite
de notre année universitaire.
Nos remerciements vont à l'endroit :
- Du Professeur ABIABAG ISSA pour avoir accepté de
superviser ce travail.
- Du Docteur ATANGANA Etienne Joël Louis, pour sa
disponibilité, ses conseils et ses nombreux recadrages lors de la
rédaction de ce mémoire.
- De mes parents Monsieur et Madame ONDOA pour leur amour
infaillible.
- De ma tante Madame SEMA née AYISSI Marie Madeleine pour
son soutien financier.
- De monsieur NGOUALEM Carlos Rodrigue, 6ème
Adjoint au Maire de la Commune de Douala 5ème pour les nombreux
échanges fructueux lors de la rédaction de ce travail.
- De Monsieur ESSAME Isaac pour ses conseils.
IV
Le consensus en droit électoral camerounais
LISTE DES ABBRÉVIATIONS
AAEL : Association pour l'Art et l'Expression
Libres
CADEG : Charte Africaine de la
Démocratie, des Élections et de la Gouvernance
CENA : Commission Électorale Nationale
Autonome
CPP: Cameroon People's Party
CS/CA : Chambre Administrative de la Cour
Suprême
ELECAM: Election's Cameroon
G.R.A.P : Groupe de Recherches Administratives et
Politiques
Ibid. : Ibidem
LGDJ : Librairie Générale de
Droit et de Jurisprudence
MINATD: Ministère de l'Administration
Territoriale et de la Décentralisation
MRC: Mouvement pour la Renaissance du
Cameroun
NDH: Nouveaux Droits de l'Homme
O.I.F: Organisation Internationale de la
Francophonie
O.N.U: Organisation des Nations Unies
Op cit: Opere Citato
PUF: Presses Universitaires de France
RAPD: Revue Africaine de Parlementarisme et
de Démocratie
RCSP: Revue Camerounaise de Science
Politique
RDC: République Démocratique du
Congo
RDPC: Rassemblement Démocratique du
Peuple Camerounais
RFDC: Revue Française de Droit
Constitutionnel
RFECP: Revue Française d'Etudes
Constitutionnelles et Politiques
SDF: Social Democratic Front
V
Le consensus en droit électoral camerounais
UA: Union Africaine
UDC: Union Démocratique du Cameroun
UNDP: Union Nationale pour la
Démocratie et le Progrès
UPC : Union des Populations du Cameroun
Th. : Thèse
VI
Le consensus en droit électoral camerounais
RÉSUMÉ
La présente recherche qui porte sur « le consensus
en droit électoral camerounais » se trouve au coeur d'une
controverse qui n'a cessé d'animer le droit électoral depuis les
réformes engagées en 1990. Ces réformes qui ont permis de
poser le consensus comme une exigence juridique en matière
électorale n'ont pas pour autant su faire taire les tensions
sociales.
C'est donc dans un contexte bien particulier que nous avons
entrepris de réfléchir sur la pertinence de la mise en oeuvre du
consensus. Autrement dit, il a été question de savoir si
l'articulation du droit électoral permettait un enracinement
conséquent du consensus. Après avoir scruté la dynamique
institutionnelle devant accompagner ce projet, il en ressort que le consensus
ne peut avoir d'impact significatif que s'il est aménagé de
façon cohérente, c'est-à-dire, disposé
rationnellement aussi bien dans sa formulation textuelle que dans son
application. Or comme nous l'avons déterminé dans ce travail,
l'aménagement juridique du consensus est encore fortement marqué
par des incohérences en dépit d'une consécration textuelle
dont la cohérence ne fait aucun doute.
La contestation évidente des règles
électorales devrait alors motiver les autorités étatiques
à opérer des réajustements nécessaires à
l'ancrage juridique du consensus, afin de rendre le système de
production de la loi électorale plus attractif.
VII
Le consensus en droit électoral camerounais
ABSTRACT
The present research that is about the consensus in
Cameroonian electoral right° is at the heart of a controversy that stopped
animating the electoral right since the reforms in 1990. These reforms that
permitted to put the consensus like a legal requirement in electoral matter
don't have known as much to make say nothing about the social tensions.
It is therefore in a very particular context that we undertook
to think on the relevance of the implementation of consensus. In other words,
it was question to know if the joint of electoral right permitted a consequent
rooting of the consensus. After having scrutinized the institutional dynamics
having to accompany this project, it takes of it out again that the consensus
cannot have a meaningful impact that if it is arranged in a coherent way, that
is, disposed rationally as well its textual formulation that its application.
However as we determined it in this work, the legal panning of the consensus is
again greatly marked by incoherencies in spite of a textual consecration whose
consistency doesn't make any doubt.
The contestation obvious of the electoral rules motivate the
state-controlled authorities then to operate adjustments necessary to the legal
anchorage of the consensus, in order to return the system of production of the
more attractive electoral law.
VIII
Le consensus en droit électoral camerounais
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : LA CONSTRUCTION CERTAINE DU CONSENSUS EN
DROIT ÉLECTORAL 13
CHAPITRE 1 : L'AFFIRMATION PROGRESSIVE DU CONSENSUS DANS LE
CADRE LÉGAL DES
ÉLECTIONS 15
SECTION 1: L'APPORT DES INSTRUMENTS JURIDIQUES
INTERNATIONAUX 17
SECTION 2: LA DÉMARCATION DES DYNAMIQUES
JURIDIQUES INTERNES 23
CONCLUSION DU CHAPITRE 1 30
CHAPITRE 2: LA CONFIRMATION SIGNIFICATIVE DU CONSENSUS EN
DROIT ÉLECTORAL
CAMEROUNAIS 31
SECTION 1: LA DÉTERMINATION DES
CARACTÉRISTIQUES JURIDIQUES 32
SECTION 2: LE RENFORCEMENT DES ACQUIS
DÉMOCRATIQUES 40
CONCLUSION CHAPITRE 2 51
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE 52
PARTIE II : LA MISE EN OEUVRE INCERTAINE DU CONSENSUS EN DROIT
ELECTORAL 53
CHAPITRE 1 : LøAMBIGUÏTÉ DU
MÉCANISME DE MISE EN OEUVRE DU CONSENSUS 55
SECTION 1 : UNE AMBIGUÏTÉ STRUCTURELLE
ÉTABLIE 57
SECTION 2 : LA PRISE EN COMPTE DES
CONSIDÉRATIONS D'ORDRE CONJONCTUREL 65
CONCLUSION CHAPITRE 1 76
CHAPITRE 2: L'INCERTITUDE SUR LA CONTINUITÉ DU
CONSENSUS 77
SECTION 1 : LA TRADUCTION LACUNAIRE DU CONSENSUS DANS
LE DROIT RÉNOVÉ 79
SECTION 2: LE NÉCESSAIRE RÉAJUSTEMENT DU
CONSENSUS DANS LA DÉFINITION DES
RÈGLES ÉLECTORALES 86
CONCLUSION CHAPITRE 2 98
CONCLUSION PARTIE 2 99
CONCLUSION GÉNÉRALE 100
1
Le consensus en droit électoral camerounais
INTRODUCTION GENERALE
Les Etats d'Afrique noire francophone1 peuvent-ils
prétendre à un modèle électoral à
l'ère des transitions politiques ? C'était du moins l'objectif
recherché au sortir des conférences nationales dites
souveraines2 organisées dans la plupart de ces pays. Alors
motivée par des revendications économiques et sociales, cette
partie de l'Afrique va connaître dès la fin des années 1980
de « profonds bouleversements politiques»3
entraînant dans ses flancs une nouvelle phase du processus de
démocratisation4. Cette dernière était
« particulièrement perceptible sur le terrain du droit
constitutionnel et, plus spécifiquement encore, du droit
électoral »5.
Il n'est pas douteux en effet lorsqu'on observe les pratiques
électorales dans l'espace noir francophone de se rendre compte des
évolutions consenties, qu'il s'agisse du renforcement du dispositif
juridique et institutionnel ou de l'appropriation, par les acteurs nationaux,
des outils d'organisation et de contrôle des scrutins6.
À l'exception des États tel le Cameroun7, «
la conférence nationale souveraine fut déclarée sans objet
»8 et substituée de facto par la rencontre
tripartite de 1991 pour inaugurer les bases d'un nouveau contrat social
fondé sur « la recherche d'un équilibre normatif et
institutionnel reflétant la mutation socio-politique (...) capable de
servir de facteur régulateur du système
politique»9.
Le Parlement, dépositaire du régime des
élections10 et lieu de recherche du
consensus11,
1 Il s'agit d'une part des Etats de l'ancienne
Afrique-Occidentale Française : Bénin, Burkina-Faso, Côte
d'Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger et Sénégal. D'autre part
l'ancienne Afrique équatoriale Française : Gabon, Centrafrique,
Congo Brazzaville et Tchad. De même que les pays sous tutelle à
savoir Togo et Cameroun.
2 GUEYE (Babacar), « La démocratie
en Afrique : Succès et résistances », Seuil, Pouvoirs,
Revue Française d'Etudes Constitutionnelles et Politiques, n°129,
2009, p.6.
3 KEUTCHA TCHAPNGA (Célestin), «
Droit Constitutionnel et conflits politiques dans les Etats francophones
d'Afrique noire », In Revue Française de Droit
Constitutionnel, 63, 2005, pp.2-3. Lire aussi ETEKOU (Bédis Yves
Stanislas), L'alternance démocratique dans les Etats d'Afrique
francophone, Thèse, Paris-Est, Cocody-Abidjan, 18 décembre
2013.
4 GUEYE (Babacar), op. cit., p.25.
5 OLINGA (Alain Didier), « Politique et
droit électoral au Cameroun : Analyse juridique de la politique
électorale », Polis, R.C.S.P/C.P.S.R,Vol.6, n°2, 1998,
p.31.
6 Rapport sur l'état des pratiques de la
démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone,
Bamako, Dix ans après 2000-2010, p.51.
7 GUEYE (Babacar), op. cit., p.6.
8 Observation de BEGNI (Bagagna), « Les
ambiguïtés du bicamérisme en Afrique depuis les transitions
démocratiques des années 1990 », R.A.P.D, Volume III,
n°9, octobre 2014, p.139.
9 OLINGA (Alain Didier), « Politique et droit
électoral au Cameroun (...) », op.cit., p.31.
10 Article 26 (2) Loi Constitutionnelle du 18 Janvier
1996.
11 OLINGA (Alain Didier), « Politique et
droit électoral au Cameroun (...)», op.cit., p.37.
2
3
Le consensus en droit électoral camerounais
n'opéra des réformes qu'en 1996 lors de la
révision constitutionnelle avec une méthodologie qui reste
toutefois discutable. Par la présente, le Cameroun affirma
néanmoins sa volonté d'élaborer des cadres
législatifs et politiques nécessaires à l'instauration et
au renforcement de la culture, de la démocratie et de la
paix12. Aussi s'est-il fixé pour objectif d'initier des
actions d'ordre législatif, exécutif et administratif
appropriées 13 afin de conformer la loi électorale
à ses engagements internationaux. Pour ce faire, il s'est donné
sous l'impulsion de la communauté internationale, de repenser le cadre
méthodologique et les modalités de pacification du processus
électoral en maintenant un dialogue politique et social
permanent14. D'où la ratification des différents
instruments régionaux et internationaux sécrétés
à cet effet. Il s'agit notamment de la Charte des Nations Unies ; du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; de l'acte
constitutif de l'U.A ; de la Charte Africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance ; de la Déclaration de l'U.A sur
les principes régissant les élections démocratiques en
Afrique entre autres. Il est particulièrement intéressant de
souligner la récurrence de l'engagement des États membres et donc
du Cameroun à oeuvrer à la mise en place, au renforcement et
à la consolidation des institutions de bonne gouvernance, d'unité
et de solidarité15.
Par ces marques distinctives, l'Etat Camerounais ne s'est-il
pas implicitement donné de promouvoir les valeurs universelles et les
principes de la démocratie fondés sur la recherche d'un consensus
national. Ce dernier nous semble-t-il est le dénominateur commun
à peine dévoilé, du moins si l'on se réfère
au préambule de la loi constitutionnelle du 18 janvier
199616.
Toutefois, l'analyse des processus électoraux en
Afrique noire francophone tel qu'on les observe depuis les années 1990
révèle que ceux-ci « ont conduit pour la plupart
à une plus grande fragilisation des situations politiques sans apporter
de véritable gain en terme de légitimation du pouvoir » 17
. Le droit électoral camerounais bien qu'empreint de l'idée
de
12 Art.11 du chapitre5 de la Charte africaine de la
démocratie, des élections et de la gouvernance, Janvier 2007.
13 Art.44 du chapitre10 de la C.A.D.E.G.
14 Art.13 de la C.A.D.E.G.
15 Préambule de la Charte africaine de la
démocratie, des élections, et de la gouvernance, Janvier 2007.
16 Le préambule de la loi constitutionnelle
du 18 Janvier 1996 affirme par exemple la volonté du peuple camerounais
« (..) de construire la patrie sur la base de l'idéal de
fraternité, de justice et de progrès ;(..) son attachement aux
libertés inscrites dans la déclaration universelles des droits de
l'homme, la charte des Nations Unies, la Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples et toutes les conventions internationales y relatives
dûment ratifiées, (..) ».
17 Election et risques d'instabilité en
Afrique : quel appui pour des processus électoraux légitimes ?
Mai 2014. Lire aussi MELEDJE (Djedjro Francisco), « Le contentieux
électoral en Afrique », Seuil, Pouvoirs, 2009/2, n°129,
pp139-155.
Le consensus en droit électoral camerounais
consensus n'échappe pas au récit du bilan
mitigé de la gestion des élections dont fait état le
rapport dressé au sortir des actes de Bamako18. L'on se
souvient encore de l'appel lancé en 1997 par DJONA VALAMA JEAN,
Député, au Président de la République en ces mots :
« Monsieur le Président et le consensus ? On ne peut pas
évoluer sans consensus s'il vous plaît
»19. Ces propos repris par le Professeur ALAIN
DIDIER OLINGA dans un article consacré à l'occasion raisonnent
encore aujourd'hui en considérant d'une part la non-participation des
principaux partis de l'opposition (UDC, UNDP, SDF) à l'élection
présidentielle du 12 Octobre 1997, et plus récemment des vagues
de contestations engendrées tour à tour par la levée de la
clause limitative du nombre de mandant présidentiel en Avril 2008, de
l'adoption du code électoral en 2012 et du mode de désignation
des principales autorités des organismes électoraux à
l'image d'ELECAM traducteur d'une certaine crise de la politique
électorale20,d'autre part.
Cet état des lieux a contribué à jeter un
doute réel sur l'effectivité même du consensus à
l'aune du processus électoral camerounais. C'est donc en toute logique
que se positionne l'objet de notre étude, notamment sur l'indice de
référence d'élaboration du droit électoral, afin
d'apporter notre modeste contribution à une analyse juridique de la
politique électorale. Il apparaît donc nécessaire
d'instituer de véritables cadres de dialogues démocratiques,
espaces d'échange et de concertation devant permettre aux acteurs
politiques de tous bords de se trouver, de se rapprocher, de réduire le
gap d'indifférence et de divergence21.
Le consensus envisagé en matière
électorale a-t-il alors pour ambition de faire rayonner la
démocratie au Cameroun. Tout en observant une démarche
particulière (II), il nous sera nécessaire de construire un cadre
théorique approprié (I) afin de mieux comprendre l'enjeu actuel
de cette étude.
18 Rapport sur l'état des pratiques de la
démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone,
Bamako, l'O.I.F, p.54.
19 Député Djona Alama Jean, Commission
des lois, Séance du 6/3/1997.
20 A titre d'illustration, Monsieur Biya, alors
conforté par la majorité parlementaire, procéda à
la modification de la constitution par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008,
assurant ainsi sa future candidature à l'élection
présidentielle de 2011, puisque la présente devait faire sauter
le verrou de la clause limitative du mandat présidentiel.
Dans la même lancée, à l'occasion d'une
interview accordée à l'AEUD, quotidien disponible sur le site
www.aeud.fr/Cameroun, le
Professeur MAURICE KAMTO opérant une lecture approfondie sur la loi du
19 avril 2012 portant code électoral, relève qu' « une
vive controverse a entouré le vote de ce texte à
l'Assemblée Nationale : les députés des principaux partis
de l'opposition ont quitté l'hémicycle en signe de
désapprobation lors de la l'adoption en séance
plénière ». Il ajoute en outre que « les
élus du parti allié au parti majoritaire à
l'Assemblée Nationale ont voté contre, exprimant ainsi leur
désaccord de manière solennelle ».
21 Document de plaidoyer réalisé par NDH
et ses partenaires, Dialogue démocratique, Yaoundé, 9
avril 2013, p.2.
4
Le consensus en droit électoral camerounais
I- LE CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE
L'assise du cadre théorique de notre sujet commande que
soit analysé les termes qui le composent (B) afin de faire
émerger une problématique centrale (C), laquelle permettra alors
de révéler tout l'intérêt de la recherche sur le
consensus en droit électoral (A).
A- L'intérêt de l'étude
La présente étude à laquelle nous nous
livrons n'est pas un fait nouveau. Beaucoup en effet ont exploré le
vaste champ des processus électoraux en Afrique noire francophone et
notamment les modalités de création du support normatif et
institutionnel des élections. L'on pourrait à cet égard
nous reprocher de peindre de nouveau la réalité d'un tableau
jadis servis. Au contraire, « faire de la recherche, c'est chercher
à nouveau, examiner quelque chose une seconde fois, plus attentivement
pour découvrir plus. Nous revenons sur le phénomène parce
qu'il peut y avoir quelque faille dans ce que nous savons déjà
»22. De ce postulat, l'on pourra noter que l'analyse des
pratiques électorales n'aura cessée de nous livrer ses secrets
tant que nous n'aurons arrêté de nous pencher sur les processus
normatifs qui les accompagnent. La réévaluation du «
consensus en droit électoral camerounais » nous est
avérée nécessaire eu égard à la
recrudescence de la contestation des règles et des résultats
des élections23.
En s'accordant avec BAUDOUIN DUPRET, l'on dira qu'à ce
jour « le droit est devenu, non plus seulement une source de
véridiction ou un instrument normatif, mais un objet d'enquête
sociologique (...) »24. Ainsi, l'analyse du consensus
appliquée à la matière électorale nous permettra au
plan théorique de mettre en lumière la dynamique institutionnelle
qui a permis d'inscrire le consensus sur le terrain du droit électoral.
L'élaboration préalable de cette grille de lecture servira dans
une approche pratique, de mesurer l'adhésion du consensus dans le
système politique camerounais, et plus spécifiquement encore dans
le processus électoral. Mais il reste toutefois impérieux de
clarifier les termes de notre sujet au sens où nous entendons
l'aborder.
22 CLAIRE (Selltiz), LAWRENCE S. (Wrightsman),
STUART W. (Cook), Les méthodes de recherche en sciences
sociales, éditions HRW, 1977, p.2.
23 Ce constats s'établit aisément en
Afrique noire francophone si on considère les crises Ivoirienne
(2000-2010 et 2011), burundaise (2015), gabonaise (2016), camerounaise. Pour ce
dernier cas, même si les crises ne se sont pas
5
6
7
8
9
Le consensus en droit électoral camerounais
B- Précisions terminologiques
L'analyse préalable de notre sujet nous a permis de
mettre en relief les termes qui se rapportent directement à
l'intitulé, et ceux dont l'utilisation s'est avérée utile
à notre recherche. Nous avons pu les regrouper de la manière
suivante:
- Consensus :
Notion centrale de notre recherche, le consensus mérite
qu'on observe une attention particulière. Ce mot aussi complexe que
fascinant vient du latin « consentire » qui veut dire « accord
», au sens de « sentiment commun ». Lexicalisé au
XIXème siècle dans la langue française sous le
sens de « large accord », le terme consensus n'a cessé
d'évoluer. Ainsi, dans ses récentes évolutions, il se
distingue désormais de l'unanimité et de la
quasi-unanimité. On parle dans ces deux derniers cas de « consensus
absolu » ou de « consensus parfait » pour faire allusion
à un accord qui ne recueil aucune opposition, bref un accord
complet25.
En d'autres termes, le consensus peut être entendu au
sens du Dictionnaire Larousse comme « un accord de plusieurs
personnes, de plusieurs textes » ; mieux « du plus grand
nombre, d'une majorité de l'opinion publique
»26.
Le Lexique des termes juridiques quant à lui le
définit comme un « un accord général sur les
valeurs sociales essentielles (...) ce qui a pour effet de modérer les
antagonismes politiques ».Ou davantage « une méthode
d'adoption des décisions consistant dans la recherche d'un accord mutuel
sans que l'on procède à un vote formel
»27.
Il se dégage à la lumière de ces
définitions que le consensus est envisagé à deux points de
vue : « au sein d'une collectivité, il entérine la
reconnaissance d'une opinion ou d'un sentiment qui est largement partagé
soit parce qu'une forte majorité penche en faveur de cette position
donnée soit qu'elle repose sur le constat de l'absence d'une opposition
réelle ou sérieuse », d'une part. « Dans la pratique
collective, le consensus est le résultat visé et obtenu par
ponctuées par des affrontements violents, cela
n'enlève en rien au fait que toutes les élections de 1990
à 2013 n'ont été émaillées que de
contestations.
24 DUPRET (Baudouin), Droit et sciences
sociales, janvier 2008, p.2.
25 Eléments définitionnels de consensus,
tirés dans la 9e édition du dictionnaire de
l'Académie française.
26 Dictionnaire Larousse, Maxi Poche, Ed.
Larousse, Paris, 2009, p.141.
27 Raymond GUILLIEN, Jean VINCENT, Lexique des
termes juridiques, sous la direction de GUINCHARD Serges et MONTAGNIER
Gabriel, 12e Edition, Dalloz, Paris, 1999, p. 138.
Le consensus en droit électoral camerounais
l'emploi d'une méthode de prise de décision, ou
après avoir fait exprimer et reconnu la validité des opinions
exprimées par chacune des parties en présence, le groupe ou ses
animateurs s'efforcent de dégager et de recueillir un accord (...)
»28, d'autre part. Toutefois, JEAN RIVERO alerte sur le fait
que si l'idée de consensus doit nécessairement s'entendre d'un
accord fondé sur des valeurs, elle ne renseigne pas cependant sur la
nature de cet accord ni sur celles des valeurs
évoquées29. Partant de là, il recommande de
prendre en compte la double dimension sociale et politique du consensus. La
première, souligne-t-il, concerne les bases de la vie collective, les
structures des principales cellules qui la composent (famille, entreprise,
règles éthiques). La seconde est relative à la forme du
pouvoir et à son mode d'exercice, au régime, à la
République, à la démocratie, etc.30 En
considérant donc l'application variable du consensus, l'on s'accordera
avec JACQUES RIGAUD31 sur le faite qu'une analyse de cette notion
doit intégrer les réalités politico-sociales de chaque
nation. L'étude du consensus qui est au coeur de nos propos sera
entendue certes sous angle politique, mais également
complété par l'approche proposée par GUY
LACHARRIÈRE.
Dans son Annuaire de droit international, ce dernier
défini en effet le consensus comme « une procédure de
prise de décision, exclusive du vote, consistant à constater
l'absence de toute objection présentée comme étant un
obstacle à l'adoption de la décision en cause
»32.
- Droit électoral :
Mot composé du nom « Droit » et de l'adjectif
« électoral ».
- Droit : C'est une notion
polysémique. Le mot Droit s'entend à la fois au sens objectif et
subjectif. Seul sera retenu le sens objectif du mot, mieux adapté
à notre étude. À la lecture du Lexique des termes
juridiques, le mot droit réfère à « un ensemble
des règles régissant la vie en société et
sanctionnées par la puissance publique »33.
28 Notes tiré du site de recherche Google.
29 Il explique que, non seulement l'accord qui se
trouve à la base du consensus peut revêtir des significations
très différentes, mais les valeurs sur lesquelles il porte
accentuent encore cette polyvalence. Cf. RIVERO (Jean), « Consensus et
légitimité », In Pouvoirs, n°5, 1978, p.60.
30 Ibidem.
31 RIGAUD (Jacques), « Réflexions sur
la notion de consensus », In Pouvoirs, n°5,1978, p.8.
32 LACHARRIERE (Guy De), L'Annuaire de droit
international, 1968, Cité par Jacques RIGAUD, op.cit., p.8.
33 Lexique des termes juridiques, sous la
direction de Raymond GUILLEN et Jean VINCENT, 5e Edition, Dalloz,
Paris, 1981, pp.164-165.
Le consensus en droit électoral camerounais
- Électoral : C'est ce qui se rapporte
aux élections, au droit d'élire34.
Le droit électoral peut donc être cerné
comme la branche du droit public régissant le domaine des
élections et des opérations de vote et de façon plus
générale l'inscription sur les listes électorales, aux
campagnes électorales ou à la contestation de l'élection.
Selon JEAN-CLAUDE MASCLET, « le droit électoral est celui qui
régit les élections par lesquelles le citoyen désigne ses
représentants »35.
- Élection :
Du latin « eligere » c'est- à- dire choisir,
l'élection est, au sens du Dictionnaire de la culture
juridique, un « mode de dévolution du pouvoir reposant sur un
choix opéré par l'intermédiaire du suffrage universel
»36. En claire, c'est un « mode de
désignation des titulaires des rôles politiques octroyant aux
membres d'une collectivité concernée le droit de choisir leurs
représentants »37.
- Processus électoral :
D'après MATHIAS HOUNKE et ISMAILA MADIOR FALL le
processus électoral est une notion extensive revoyant à
« une série d'étapes nécessaire dans la
préparation et la réalisation d'une élection. Le processus
électoral généralement inclut la promulgation de la loi
électorale, l'inscription sur les listes électorales, la
désignation des candidats et/ou des partis politiques ou de
l'enregistrement des propositions, la campagne, le vote, le comptage et le
dépouillement des voix, la résolution des différends
électoraux et l'annonce des résultats
»38.
À l'aide des éléments
dégagés plus haut, l'on peut tenter de construire une
définition opérationnelle de notre sujet au sens où nous
l'entendons dans la présente étude. D'un point de vue juridique,
si l'on considère que le consensus s'entend à la fois d'un accord
général sur certaines valeurs sociales essentielles à
l'effet de modérer les antagonismes politiques, et d'une
34 Dictionnaire Larousse, op,cit., p.463.
35 MASCLET (Jean-Claude), Droit
électoral, Paris, PUF, 1989, p.11.
36 Dictionnaire de la culture juridique, sous la
direction de Denis Alland et Stéphane Rials, Quadrige PUF, Paris, 2003,
p.946.
37 Dictionnaire de la science politique et
institutions politiques, Colin, pp.93-94.
38 Cité par Serge Paulin AKONO EVANG, «
L'administration et le processus électoral au Cameroun : le
désir étatique constant de l'administration », R.A.P.D,
Volume III, n°7, août 2013, p.73.
Le consensus en droit électoral camerounais
méthode d'adoption desdits accords sans que l'on
procède à un vote formel 39 ; appliqué
spécifiquement au droit électoral, et en considération de
l'idée d'une majorité gouvernante, on est donc en mesure de dire
que le consensus en droit électoral est un accord relatif aux
règles électorales devant bénéficier d'un
aménagement juridique nécessaire à son ancrage en vue de
« modérer les antagonismes politiques ».
C- La problématique et l'hypothèse du
sujet
Il convient de déterminer la question centrale de notre
sujet (1) et d'élaborer une réponse provisoire que nous nous
chargerons de vérifier par la suite (2).
1- La détermination de la
problématique
Dans le cadre de la recherche, la problématique
s'entend d'un « ensemble construit, autour d'une question principale,
des hypothèses de recherche et des lignes d'analyse qui permettront de
traiter le sujet choisit »40. L'étude des processus
électoraux en Afrique telle que JEAN DU BOIS DE GAUDUSSON41 a
pu s'en rendre compte, renseigne que « les élections
disputées depuis 1990 sont portées par un bilan ambigu ».
Mais comment expliquer ce bilan mitigé ? BABACAR GUEYE pense en
effet que « les manipulations, intimidations et recours à la
force qui émaillent bien des élections en Afrique sont les signes
du refus d'accepter les règles du jeu démocratique, souvent
à l'origine de troubles postélectoraux » 42 . Cette
situation justifie amplement qu'on se penche sur la pertinence de la mise en
oeuvre du consensus en droit électoral. En considérant alors un
contexte marqué par la remise en cause de la loi électorale, on
peut autrement se poser la question suivante : l'articulation du droit
électoral camerounais permet-elle un enracinement conséquent du
consensus?
2- L'hypothèse de travail
Ainsi qu'on peut l'observer, la remise en cause des règles
électorales au Cameroun reste des plus vives malgré les efforts
consentis par les autorités étatiques. S'il en est ainsi, c'est
sans doute
39 Raymond GUILLIEN, Jean VINCENT,
Lexique des termes juridiques, op.cit.
40 BEAUD (Michel), L'art de la thèse,
Paris, La découverte, 2003, p.38.
41 Cité par Dodzi KOKOROKO, « Les
élections disputées : réussites et échecs
», Seuil, Pouvoirs, Revue Française d'étude
Constitutionnelles et Politiques, n°129, 2009, p.115.
42 GUEYE (Babacar), op. cit., pp.24-25.
Le consensus en droit électoral camerounais
parce que les mécanismes existant ne permettent pas
encore de garantir une certaine pérennité du consensus aussi bien
dans la formulation des règles que dans la mise en place du dispositif
institutionnel devant conduire l'ensemble des opérations de vote. De ce
postulat, et dans la mesure où la recherche de la vérité
s'emploie à établir et à expliquer les
phénomènes, l'hypothèse de recherche se positionne comme
un effort pour résoudre la contradiction engendrée. Il s'agit en
clair d'une explication anticipée, c'est-à-dire a priori, sans
que le fait y soit confronté. Vu sous cet angle, notre sujet appel
à poser provisoirement qu'au Cameroun, le consensus s'illustre davantage
comme une entreprise dont l'issue reste relative eu égard à la
méthodologie empruntée pour sa mise en oeuvre. L'inscription de
la démocratie électorale camerounaise aux standards
internationaux ne vaudra son effectivité qu'à travers la
convergence des valeurs sociales fondées sur un consensus
débarrassé de toute suspicion, gage de la paix et de la
stabilité politique.
À la réalité, le problème du
consensus en droit électoral n'est pas spécifique au Cameroun
puis qu'il se pose aussi avec acuité dans d'autres pays et plus
particulièrement ceux d'Afrique noire francophone. Il n'est pas donc
erroné de dire que celui-ci est inhérent à tous les
systèmes électoraux. C'est du moins la lecture
opérée par le professeur JEAN DU BOIS DE GAUDUSSON, lorsqu'il
écrit que « ni au Sud, ni au Nord, il n'existe
d'opérations électorales parfaites »43. Sans
prétendre à une analyse exhaustive, seul le Cameroun demeure
notre champ expérimental. En conséquence, les droits et cadres
géographiques étrangers ne seront abordés qu'à
titre de droit comparé.
En outre, le point de départ retenu dans le cadre de
notre recherche est l'année 1990. Le choix de cette date n'est pas
hasardeux car elle a marqué le renouveau du constitutionalisme d'Afrique
noire francophone, et dont les élections ne sont restées
insensibles. Ceci permet de mettre en lumière l'évolution du
cadre légal des élections depuis les transitions politiques des
années 1990.
II- Le cadre méthodologique
Dans l'optique de traiter ce sujet, nous observerons une
démarche particulière pour
43 BOIS DE GAUDUSSON (Jean Du), « Les
élections entre démocratie et crise : l'enjeu stratégique
des opérations électorales ». In, Prévention des
crises et promotion de la paix : démocratie et élections dans
l'espace francophone, Volume II. Textes réunis par Jean-Pierre
VETOVAGLIA, Jean Du Bois de Gaudusson, Albert BOURGI, Christine DESSOUCHES,
Joseph MAÏLA, Hugo SADA et André SALIFOU, Bruyant, Bruxelles, 2010,
p.179.
10
Le consensus en droit électoral camerounais
parvenir à un résultat positif. La
méthode est alors une organisation rationnelle de l'esprit en vue de
parvenir à un but, de découvrir et de démontrer la
vérité44. Dans cette perspective, nous emprunterons la
méthode de l'exégèse (A), mais aussi celle de
l'herméneutique (B) afin de répondre à la double exigence
d'objectivité et d'exactitude.
A- L'approche principale : l'exégèse
Toute activité objectivant une compréhension
rationnelle de la réalité est un défi majeur pour tout
esprit qui s'essaye à la recherche en droit. Ainsi, dans le cadre qui
est le notre, l'exégèse, méthode par excellence du
positivisme et par ailleurs du juriste 45 aidera à la
description et à l'explication des textes ayant consacré le
consensus dans la sphère de régulation des élections. Le
fait marquant de cette approche nous a permis de nous rendre compte que
« la conception la plus étroitement juridique ne dissocie pas
légitimité et légalité (...)46.
L'approche exégétique à donc la particularité
d'expurger l'analyse du phénomène juridique de toute
considération politique, sociologique et même économique.
C'est du moins la tâche à laquelle s'était livré le
« maître de VIENNE » HANS KELSEN lorsqu'il établissait
sa Théorie pure du droit. Cette dernière devait marquer
la distanciation nécessaire du théoricien vis-à-vis de son
objet d'étude.
Mais cette approche louable suffira-t-elle à rendre
compte du consensus en droit électoral lorsqu'on sait que la
problématique du consensus est fortement imprégnée des
considérations d'ordre sociologique, et dont le droit entend encadrer ?
Cette question qui amène à rappeler avec LEON DUGUIT47
que dans la mesure où le droit émerge des
nécessités sociales en vue de préserver la
solidarité sociale, il y a lieu de considérer que
l'exégèse à elle seule ne permet pas véritablement
de cerner les enjeux actuels d'une telle étude. C'est que le dogmatisme
dans lequel cette approche nous enferme constitue un obstacle majeur à
la compréhension globale du
44 Le Robert, Dictionnaire alphabétique et
analytique de la langue française, SNL Le Robert, 1988, p.650.
45 VICTORIA (Villa), « La science du droit
», traduction française, Paris, LGDJ, 1989. Cité par
Atangana Etienne (J.L.), La révision des constitutions en droit
camerounais, Thèse, Université de Douala, 2012, p.54.
46 RIVERO (Jean), op.cit., p.58.
47 Cité par MBALLA OWONA (Robert), «
Réflexions sur la dérive d'un sacro-saint principe : la
souveraineté du peuple à l'épreuve des élections au
Cameroun », Juridis Périodique, n°88,
Octobre-Novembre-Décembre, 2011, p.93.
11
Le consensus en droit électoral camerounais
phénomène juridique. Nous nous accorderons donc
avec ATANGANA ETIENNE JOËL LOUIS, auteur de La révision des
constitutions en droit camerounais que nous ne saurons réduire la
recherche à une simple analyse du système normatif, et en
l'occurrence celui des élections. Aussi conviendra-t-il de
dépasser l'analyse des textes qui consacrent le consensus pour
épouser finalement un fond dialectique afin « d'affranchir la
recherche juridique du dogmatisme de l'école de l'exégèse
», comme l'a suggéré LOUIS ASSIER-ANDRIEU. Au surplus,
d'échapper au piège du « statu quo idéologie
».
Au demeurant, la prise en compte du contexte actuel autorise
à s'interroger sur la finalité même du consensus.
L'approche de l'herméneutique permettra donc de l'aborder.
B- L'approche complémentaire :
l'herméneutique
Le mot « herméneutique » vient du grec «
hermeunèo » c'est-à-dire interpréter. C'est la partie
de la critique consistant à déchiffrer, traduire et à
interpréter les textes. Dans De l'art de philosopher avec
sobriété et précision, ANTOINE GUILLAUME AMO,
philosophe de la côte de l'Or (actuelle Ghana), indiquait en 1738 que
« l'art d'interpréter ou herméneutique est une attitude
de l'intelligence théorique qui, par des règles logiques et des
moyens appropriés mis en oeuvre, dégage le sens d'un texte assez
spécial »48. Pour cet auteur, toutes les choses
sont déterminées selon une intention et une fin. Mais dans la
mesure où celles-ci sont souvent cachées, il incombera alors au
chercheur d'adopter une attitude féconde pour les
révéler.
Dans notre étude, l'approche de l'herméneutique
déployée dans un contexte marqué à la fois par le
rejet des règles électorales et le relâchement du lien
social, permettra de mettre en lumière les fins poursuivies par les
autorités étatiques lorsqu'elles envisagent un « consensus
en droit électoral » : D'un point de vue « spécial
», c'est-à-dire, ce qui se rapporte à un dessein
déterminé, le consensus vise à la fois la
légitimation du droit électoral et la modulation des antagonismes
politiques. D'un point de vue « universel », c'est-à-dire, ce
qui est commun à tous, le consensus en droit électoral vise la
construction de la démocratie. Le philosophe français JEAN PAUL
SARTRE49 n'avait-il donc pas vu juste lorsqu'il affirmait dans son
Etre et néant
48 MENDA (Azombo) et KOSSO (Enobo), Les
philosophes africains par les textes, Editions Fernand Nathan, 1978,
p.14.
49 Cité par MBALLA OWONA (Robert), Les
délais de distance en contentieux administratif camerounais ,
Mémoire de DEA, Droit Public Interne, Université de Douala,
2003-2004, p.
12
Le consensus en droit électoral camerounais
que les choses sont conçues et destinées
à une fin précise avant d'être matérialisées.
En tout cas, il faut reconnaitre que l'herméneutique nous a permis de
nous rendre compte avec FREEMAN que « le droit n'est pas un ensemble
normatif de règles simplement imposé à la
société, mais une part intégrale de cette
société, qui plonge des racines profondes dans les habitudes
sociales et économiques et les attitudes de ses membres passés et
présent »50. Celui-ci autrement « se
conforme probablement de manière large et générale aux
schèmes de comportements qui sont largement approuvés, ou du
moins acceptés, dans cette société
»51.
Partant de ces considérations, nous avons
effectué des enquêtes empiriques sur les contours du consensus
avec pour instrument de collecte d'informations « l'observation
documentaire » constituée de l'analyse des ouvrages, des textes en
vigueur, de la production doctrinale et des rapports relatifs aux pratiques
électorales. Leur regroupement a donc soutenu la réalisation de
cette étude. Loin de nous de dire que cela s'est fait sans
difficulté. Il en est ainsi parce que « la notion de consensus
est assez difficile à saisir par les instruments d'analyse les plus
raffinés de la science juridique et politique, c'est qu'elle se situe
à un niveau supérieur ou inférieur, comme on voudra,
à celui de l'organisation constitutionnelle et de la vie politique
»52. En tout état de cause, « selon que le
consensus est un bien dont une société est consciente de jouir,
un idéal dont elle rêve ou un équilibre instable qu'elle
cherche à atteindre ou à conserver, il prend la forme d'un
principe permanent d'organisation sociale, d'une expression culturelle de
l'imaginaire collectif ou d'une limite de tolérance des tensions
sociales »53. Si l'on admet aujourd'hui que le consensus
politique autour des règles électorales est nécessaire
pour une société comme la nôtre, cette idée
novatrice n'aura véritablement revêtu de signification juridique
qu'au prix d'une combinaison de dynamiques dont les incidences ont
été certaines. Notre étude a donc pour ambition de montrer
que si, le consensus a fait l'objet d'une construction juridique certaine
(Partie I), sa mise en oeuvre reste toutefois incertaine au regard des
méthodes usitées (Partie II).
50 FREEMAN, 2001, cité par Baudouin DUPRET,
op.cit., p.7.
51 Ibidem.
52 RIGAUD (Jacques), op.cit., p.10.
53 Ibid.
Le consensus en droit électoral camerounais
13
PREMIÈRE PARTIE :
LA CONSTRUCTION CERTAINE DU CONSENSUS EN DROIT
ÉLECTORAL
14
Le consensus en droit électoral camerounais
L'observation des dynamiques électorales sur le jeune
continent montre que l'Afrique noire francophone particulièrement est en
pleine ébullition. En effet la question du consensus politique autour
des règles du jeu électoral n'a cessé d'alimenter le
débat politique tant sur la scène nationale qu'internationale.
Elle est devenue aujourd'hui une préoccupation majeure pour les
États enclins de construction démocratique. À la
lumière de ces dynamiques, le constat qui se dégage après
tant d'années d'efforts du moins depuis la réactivation du
processus démocratique en 1990, est que la proclamation normative du
consensus est le résultat d'une lente et ingénieuse
évolution juridique qui remonte bien au-delà de 1990. Par
construction, il faut entendre au sens du Dictionnaire Larousse l'« action
de construire, de disposer les parties d'une bâtisse ». En rapport
avec notre étude, la construction du consensus est relative à la
manière dont l'État a, à travers l'agencement des textes
et d'autres mouvements juridiques, procédé à
l'édification du consensus dans la matière électorale.
Perçu comme un réengagement de la
société démocratique, la construction juridique du
consensus dans le domaine des élections peut être assimilée
à « une volonté de retour au constitutionnalisme
définissant et encadrant les nouvelles règles du jeu politique
» 54 . Son investissement en droit électoral s'est donc
progressivement affirmé (chapitre1) pour finalement s'imposer dans le
système de régulation des élections (chapitre2).
54 ETEKOU (Bédi Yves Stanislas),
L'alternance démocratique dans les Etats d'Afrique francophone,
Thèse, Paris-Est/Cocody-Abidjan, 18 décembre 2013, p.8.
15
Le consensus en droit électoral camerounais
CHAPITRE 1 :
L'AFFIRMATION PROGRESSIVE DU CONSENSUS DANS LE
CADRE
LÉGAL DES ÉLECTIONS
Le consensus en droit électoral camerounais
La doctrine a presque toujours observée une attention
particulière sur le déroulement des opérations
électorales, en isolant très souvent la question de
l'adhésion des règles du jeu. Très peu de recherches y
sont d'ailleurs consacrées. Ce parent pauvre de la littérature
doctrinale se trouve encore plus dépouillé lorsque les textes
cadres tel la CADEG55 qui, en consacrant les principes de ce qu'elle
appelle élection démocratique56, n'a
réservée qu'une infime place à celui devant régir
l'établissement des règles électorales à savoir le
consensus.
Or nul ne doute que pour qu'une élection se
déroule dans un climat apaisé avec toutes les qualités
démocratiques qu'on a pu dégager, il est nécessaire que
les acteurs politiques s'accordent au minimum sur les règles du jeu.
Dans la mesure où il n'est plus une surprise pour personne de savoir
qu'à ce jour, les crises électorales enregistrées sur le
continent africain ont pour l'essentiel une origine bien plus profonde que la
simple contestation des résultats, il devient dès lors
impératif de se pencher sur la question du consensus qui de toute
évidence a su s'imposer sur le terrain de la politique
électorale. Et pour preuve, l'analyse de l'émergence du consensus
en droit électoral camerounais montre bien que l'idée même
de consensus, intimement liée aux « luttes souterraines » qui
ont émaillées le processus électoral camerounais, est le
fruit d'une construction juridique dont les dynamiques tant bien internes
(Section 2) qu'externes (Section1) ont été
déterminantes.
16
55 CHARTE AFRICAINE DE LA DEMOCRATIE, DES ELECTIONS ET
DE LA GOUVERNANCE.
56 Le chapitre VII de la C.A.D.E.G relatif à
l'élection démocratique dispose en son article 17 que «
les Etats parties réaffirment leur engagement à tenir
régulièrement des élections transparentes, libres et
justes conformément à la Déclaration de l'Union sur les
principes régissant les élections démocratiques en Afrique
».
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Le consensus en droit électoral camerounais
SECTION 1: L'APPORT DES INSTRUMENTS JURIDIQUES
INTERNATIONAUX
La mobilisation internationale autour de l'idée de
consensus s'est faite dès le lendemain de la seconde guerre mondiale, et
s'est accrue au constat de la persistance de la détérioration des
situations électorales. Perdant particulièrement de sa valeur au
fil des compétitions, l'élection en Afrique va prendre des
allures inquiétantes. Ainsi qu'on peut désormais le
déterminer, cette détérioration tire son origine profonde
de la contestation des règles électorales57. Par cette
référence, il devenait évident que « les
élections en Afrique, sont en elles-mêmes, sources de
difficultés de toutes sortes et surtout de conflits constatables par les
irrégularités nombreuses, (...)»58.
Longtemps illustrée comme un facteur de cohésion sociale,
l'élection sur le continent noire appris un tel tournant au point de
désenchanter plus d'un et s'est transformée en source principale
de conflit59.
Dans ce sillage, l'on remarquera sur la scène
internationale un changement de ton dans la modélisation du droit. Il se
distingue en effet des textes qui, à leur lecture, ont été
d'un apport décisif dans la promotion juridique du consensus
(Paragraphe2). Ces textes bien qu'ayant très souvent une forte
connotation régionale, reçoivent tout de même le soutient
indirecte des textes cadres des Nations unies (Paragraphe1).
PARAGRAPHE 1: LE CARACTÈRE EMBRYONNAIRE DU
CONSENSUS DANS LES TEXTES ONUSIENS
Au niveau des Nations unies, l'idée de consensus en
matière électorale n'est abordée que de manière
implicite.
Traiter de l'implicite dans le cadre de ce modeste exercice,
voilà qui à première vue apparaît déroutant.
Cette situation quelque peu insolite est dû au fait que le terme d'«
implicite » n'est pas d'essence juridique, bien que très
utilisé par la doctrine publiciste, pas plus que son champ
57 On se souvient de la non-participation des
partis principaux de l'opposition aux élections présidentielles
de 1997, de 2004 et de la menace de boycott de celle de 2011 par le SDF. Le
dénominateur commun de ces boycotts reposait sur le rejet des
règles du jeu.
58 MELEDJE (Djedjro Francisco), « Le
contentieux électoral en Afrique », op.cit., p.143.
59 Ibidem. Lire également JEAN DU BOIS DE
GAUDUSSON, « Les élections à l'épreuve de
l'Afrique », Cahiers du conseil constitutionnel, n°13, janvier
2003, p.2 ; et KASSABO (Léon Die), « Le contentieux de
l'élection présidentielle en Afrique ».
Le consensus en droit électoral camerounais
définitionnel ne fait l'unanimité60.
Cette difficulté n'est pas pour autant insurmontable. Ainsi, dans
l'optique de traiter la question de l'implicite, nous sommes-nous
référé aux éléments définitionnels du
Dictionnaire Larousse. À sa lecture, l'implicite renvoie
à ce qui est « contenu dans », ce « qui découle
»61.
Dans ses travaux de thèse, ANNE JENNEQUIN
établit en effet que « l'implicite désigne à la
fois, dans sa conception statique, ce qui se trouve dans
l'énoncé, ce qui relève du non-dit et, dans une conception
dynamique, ce qui résulte d'un raisonnement logique
»62. De ce postulat, elle déduit la méthode
dite de « l'implication nécessaire » qui, en ses termes, vise
à combler une lacune de fond résultant de ce que l'auteur n'a pas
exprimé en effet de droit qui est pourtant entraîné
inévitablement comme conséquence de l'acte ou de la norme. Il
s'agit en clair et en l'espèce de quelque chose d'inexprimé qui
découle logiquement soit d'un acte ou d'un comportement, soit d'une
norme.
De ce fait, l'analyse de la Charte de l'ONU du 26 juin 1945
(A) et du Pacte international de 1966 (B) permet-elle de retracer les germes
lointains du consensus.
A- La Charte des Nations Unies de 1945
La Charte des Nations Unies avait vu le jour le 26 juin 1945
dans un contexte d'après-guerre, laquelle fut d'ailleurs restée
dans la mémoire collective. Désormais conscient de la
fragilité du tissu social et des enjeux de la paix, les peuples, dans
l'espoir de prévenir de nouvelles escalades se sont résolus
à « préserver les générations futures du
fléau de la guerre (...) Et à créer les conditions
nécessaires au maintien de la justice (...)63.
L'affirmation de ces engagements à l'international par les États
seront-ils par conséquent soutenus par les peuples avec la mise en place
des conditions nécessaires à la stabilité et au
bien-être en vue de développer des relations pacifiques et
amicales entre les nations64.
Certes le Cameroun à la date de 1945 n'est qu'un
territoire sous tutelle au sens de l'article
60 JENNEQUIN (Anne), L'implicite en droit
administratif, Notes de résumé, Thèse,
Université Lille 2, 10 novembre 2007, p.1.
61 Dictionnaire Larousse, op.cit., p.702.
62 JENNEQUIN (Anne), op.cit., p.2.
63 Termes non exhaustifs du préambule de la
Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.
64 Article 55 de la Charte des Nations Unies.
Le consensus en droit électoral camerounais
77 du chapitre XII65, compte tenu du régime
de mandat sous lequel il était administré à cette date. Et
de surcroît il ne s'agissait que des engagements pris au niveau
international. Néanmoins, la recherche d'une identité propre ne
l'a pas empêché de participer à sa manière à
la construction de la communauté internationale naissance. D'ailleurs
les fins essentielles du régime de tutelle indiquées à
l'article 76 de cette Charte ne visaient-elles pas l'émancipation des
territoires anciennement occupés. Il y ressort en effet que «
conformément aux buts des Nations Unies, énoncés à
l'article 1 de la présente Charte, les fins essentielles du
régime de tutelle sont les suivantes :
a. Affermir la paix et la sécurité
internationale ;
b. Favoriser le progrès politique (...) des
populations sous tutelle (...) »66.
À ce stade, des remarques peuvent être faites :
la Charte des Nations Unies est produite dans un contexte de crise
internationale ; elle entend assurer la stabilité internationale en
définissant de nouvelles bases devant gouverner les rapports humains ;
elle marque la volonté des États à oeuvrer pour le
maintien de la paix et de la sécurité internationale. Cela
conduit à nous poser quelques questions utiles: Comment envisager la
paix et la sécurité à une grande échelle si
celles-ci ne peuvent être garanties à une moindre échelle,
c'est-à-dire au niveau national. De même, comment prétendre
à la stabilité internationale sans un accord minimale sur les
règles sociales, et a fortiori sur la stabilité politique au
niveau national? La contribution des États dans cette entreprise ne
suppose-t-elle pas l'existence d'entités fortes ? Autrement dit, la
réalisation des projets internationaux n'est-elle pas subordonnée
à la participation d'États ayant un socle démocratique
fort ? Ces interrogations ont la particularité de se ramener
inéluctablement à l'idée de consensus, laquelle se
décline aussi sur le pacte international relatif aux droits civils et
politiques.
B- Le pacte international de 1966 relatif aux droits civils
et politiques
Les textes internationaux ont ceci de particulier, qu'ils
émergent des circonstances particulières, mais sont surtout
élaborés dans un esprit de cohésion et de consensus. En
outre, la
65 Conformément à l'article 77
alinéa 1(a) du chapitre XII relatif au régime internationale de
tutelle, « le régime de tutelle s'appliquera aux territoires
entrant dans les catégories ci-dessous et qui viendraient à
être placés sous ce régimes en vertu d'accords de
tutelle.
a. Territoire actuellement sous mandat, (...)
Le consensus en droit électoral camerounais
participation de tous les États est souvent
recommandée dans la mesure où il en va de la
sécurité mondiale. Cette participation intervient soit pendant la
négociation e l'élaboration, soit elle se manifeste par la
possibilité d'émettre des réserves. Par ces
dernières, la Convention de VIENNE sur le droit des traités
« entend d'une déclaration unilatérale, quel que soit son
libellé ou a désignation, faite par un État quand il
signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par
laquelle il vise à exclure ou à modifier l'effet juridique de
certaines dispositions du traité dans leur application à cet
État »67.
C'est dans la continuité de cet esprit que les
États membres de l'ONU ont négocié et conclu à New
York un « pacte international » relatif aux droits civils et
politiques en date du 16 décembre 1966. En fixant ainsi le cadre
général des droits civils mais surtout politiques, le pacte de
1966 a le mérite d'avoir recentré le rôle primordial des
individus dans les sociétés en dépit de la divergence des
opinions politiques. D'où l'exhortation faite aux États de
s'engager à respecter et à garantir à tous les individus
les droits reconnus par ledit pacte. Cette reconnaissance à la
participation politique d'alors affirmée va-t-elle semer les germes du
consensus dans la construction des États à l'aune des transitions
démocratiques. La participation politique, conséquence logique de
la reconnaissance des droits politiques aux citoyens tels que posé par
le pacte de 1966 suppose selon NONNA MEYER et PASCAL PERRINEAU un «
ensemble distinct et homogène des activités par lesquelles
les membres d'une communauté politique entrent en contact avec le
pouvoir »68. C'est donc dire en l'espèce que par la
participation politique, les individus doivent être capables d'apporter
leur contribution à l'édifice normatif des élections. Et
cela ne peut être vrai que s'il existe à la base un cadre qui leur
permet de s'exprimer et de se faire entendre. Ce cadre de concertation ferait
alors émerger le consensus proclamé dans la matière
électorale. La reprise expresse de l'idée de consensus par
certains textes régionaux ne s'inscrit-elle pas à la suite des
textes précurseurs des Nations Unies ?
PARAGRAPHE 2- L'APPORT DÉCISIF DES TEXTES
RÉGIONAUX DANS LA
PROMOTION DU CONSENSUS
À la suite des jalons posés par les textes cadres
de l'ONU, les acteurs régionaux ont
66 Extrait de l'article 76 de la Charte des Nations
Unies.
67 Article 2 alinéa de la lettre d, Convention
de VIENNE du 23 mai 1969 sur le droit des traité.
68 Cité par le professeur NGUELIEUTOU, Cours de
sociologie politique, Université de Douala, FSJP, 2011-2012.
Le consensus en droit électoral camerounais
entrepris pérenniser en formalisant l'idée de
consensus de façon plus solennelle. Celle-ci devait alors devenir la
pierre angulaire sur laquelle reposeraient les jeunes démocraties
nouvellement libérées de l'autoritarisme. C'est donc dans la
perspective de renouer le dialogue et le lien social jadis rompu que certains
textes ont vu le jour: il s'agit entre autres de la Déclarations de
Bamako (A) et de la CADEG (B) dont la résonnance faisait échos
des conséquences des échecs du processus démocratique
engagé par les États africains. En claire, ce sont les textes les
plus achevés qui ont permis au niveau régional d'assoir une base
juridique du consensus.
A- La Déclaration de Bamako
Véritable « processus inédit ayant
doté la francophonie d'un texte normatif sur la démocratie
»69, la Déclaration de Bamako avait
été adoptée le 3 novembre 2000 par les Ministres et Chefs
de délégation des États et pays ayant le français
en partage. Cette Déclaration présentait en réalité
un bilan sur les pratiques de la démocratie, des droits et des
libertés dans l'espace francophone. Bien que ce texte soit limité
à un espace déterminé, il a néanmoins permis
d'esquisser une approche juridique du consensus au terme d'un bilan
effectué sur les transitions démocratiques 10 ans après.
Alors conscient des échecs et des acquis70, les États
francophones n'ont pas hésité à confirmer leur
adhésion à certains principes fondamentaux. En substance, ils
affirment que la démocratie, système de valeurs universelles, est
incompatible avec toute modification substantielle du régime
électoral. Quelle suppose en outre « la pratique du dialogue
à tous les niveaux entre les citoyens, entre les partenaires sociaux,
entre les partis politiques qu'entre l'État et la société
civile »71. Pour ce fait, ils réitèrent leurs
engagements à consolider les institutions démocratiques et de
l'État de droit encourageant le renouveau de l'institution parlementaire
et l'implication accrue des partis politiques (majorité,
minorité) à tous les étapes du processus
électoral72, d'une part. D'autre part, les États
membres de la francophonie au sortir du « symposium international »
ayant marqué la fin de leurs travaux, n'ont pas manqué de
réaffirmer
69 Propos recueillis de l'ancien Secrétaire
Général de l'OIF, BOUTROS BOUTROS-GHALI.
70 Selon ladite Déclaration, les pratiques
démocratiques dans l'espace francophone présentent des acquis
indéniables : la mise en place des institutions de la démocratie
et de Etats de droit; contribution de l'opposition au fonctionnement de la
démocratie ; progrès dans l'instauration du multipartisme.
Toutefois, elle reconnait des insuffisances et des échecs :
récurrence des conflits, interruption du processus démocratique,
persistances de comportements freinant le développement d'une culture
démocratique.
71 Déclaration de Bamako, OIF, 3 novembre 2000,
p.6.
72 Déclaration de Bamako, OIF, 3 novembre 2000,
p.8.
Le consensus en droit électoral camerounais
leur volonté à « faire en sorte que les
textes fondamentaux régissant la vie démocratique
résultent d'un large consensus national (...) ». D'où la
promotion de la culture d'une démocratie intériorisé.
Quid de la CADEG ?
B- La Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance
La CADEG constitue un tournant décisif dans
l'affirmation juridique du consensus dans la matière électorale.
En effet, c'est par le regain de la violence électorale observée
en Afrique noire que le constituant régional s'est donné de fixer
le consensus comme la pierre angulaire devant fonder toutes les
sociétés enclin de construction démocratique. C'est ainsi
que fut adoptée en 2007 une Charte dont les termes posent clairement les
bases juridiques du consensus. Dans l'optique de dissiper les foyers de
tensions issues à la fois de la contestation des résultats des
élections et des règles du jeu politique, les États
membres de l'UA et dont le Cameroun fait incontestablement partie se sont
engagés par la présente à :
- Promouvoir la culture du compromis et du consensus73
- Maintenir un dialogue politique et social74
Par ces deux considérants, le législateur
régional de 2007 a-t-il propulsé le consensus au rang des valeurs
devant fonder les processus électoraux. À cet égard, on
pourrait naturellement s'interroger sur le bien-fondé d'une telle
approche, d'un tel engouement relevé autour des élections :
C'est que les élections sont au coeur d'enjeux qui
dépassent le simple cadre d'un « jeu ». En effet, si la
victoire à une élection permet de légitimer un ordre
politique donné dans la mesure où c'est elle qui fournit aux
gouvernants un titre pour agir et commander, c'est surtout le contrôle
des richesses qu'elle induit qui est la véritable motivation des partis
politiques en compétition. Du coup, les calculs politiques et
économiques qui se cachent derrière les élections
provoquent un engouement qui peut très vite
dégénérer en affrontements violents, la lutte opposant
ceux qui veulent se maintenir au pouvoir à ceux qui malgré tout
veulent y accéder. L'enthousiasme
73 Article 39 de la CADEG.
74 Article 13 de la CADEG.
Le consensus en droit électoral camerounais
observé autour des élections se trouve aussi
justifié par le Professeur MAURICE DUVERGER en ce qu'elles constituent
« la base du modèle démocratique » 75 . Sa
consécration selon KASSERE AFO SABI ne serait alors que la traduction
textuelle du principe qui voudrait que la souveraineté réside
dans le peuple et appartienne au seul peuple habilité, également
seul, à décider de ceux des citoyens qui vont le
diriger76. On comprend alors le pourquoi de toute l'attention
portée à l'égard des transitions démocratiques des
années 1990 qui, faut-il le rappeler, ont permis de redéfinir les
bases de l'État en Afrique noire francophone. C'est dans cet élan
de modernisation que le Cameroun, tout en renouant avec le multipartisme a
entendu replacer le vote au centre de sa politique77 dans le strict
souci de restaurer « l'acte électif ».
Au total, il se dégage clairement qu'au niveau
international, l'idée de consensus envisagée dans le nouveau
contrat social s'appréhende à tous les stades de la vie politique
et dont la définition des règles du jeu électoral
n'échappe. D'où cette allusion constante faite au consensus,
directement ou indirectement dans la matière électorale. S'il est
vrai que l'émergence de l'idée de consensus dans la
matière électorale a été portée au plus haut
par les dynamiques externes, il n'en demeure pas moins vrai que celle-ci s'est
aussi forgée au prix des luttes politiques qui ont
émaillées le processus électoral camerounais.
SECTION 2: LA DÉMARCATION DES DYNAMIQUES
JURIDIQUES INTERNES
Lorsqu'on aborde la contribution des dynamiques du «
dedans » qui ont rendu possible l'émergence du consensus, il
intéressant de se rendre compte avec PAUL ROUBIER dans sa Théorie
générale du droit, qu'il brûle dans la « conscience
» de chaque peuple un désir ardant de justice et
d'égalité.
Les évènements de 199178 sont
édifiants à plus d'un titre. Ils ont permis non seulement de
75 Cité par SABI (Kassere Afo), La
transparence des élections en droit public africain à partir des
cas béninois, sénégalais et togolais, Th. Doctorat en
Droit, Université Montesquieu-Bordeaux IV/ Université de
Lomé, 26 mars 2013, pp.32-33.
76 SABI (Kassere Afo), Thèse, op.cit., p.33.
77 Lire HELENE-LAURE MENTHONG, « Vote et
communautarisme au Cameroun : « un vote de coeur, de sang et de raison
», G.R.A.P.S, Yaoundé, pp.40-52.
78 Il s'agit des « villes mortes » du 18
avril 1991.
Le consensus en droit électoral camerounais
faire voir au grand jour l'étendue de la fracture
sociale au Cameroun79, mais ont aussi dans le même temps
montré toute la nécessité de recourir à un
consensus politique, tout au moins en matière électorale. C'est
dans ce sillage nous semble-t-il qu'avait été convoquée la
Tripartite de 1991(Paragraphe1), laquelle déboucha dans un esprit de
dialogue et de consensus sur une révision conséquente du texte
constitutionnel du 2 juin 1972 (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LA CONTRIBUTION DE LA CONFÉRENCE
TRIPARTITE DE 1991
À la suite des mouvements de « l'Est »,
l'Afrique noire va connaître une nouvelle ère dans le processus de
démocratisation. Ainsi va-t-on assister à l'organisation des
Conférences nationales souveraines dans la plupart de ces États.
Ces dernières ayant eues la particularité de renouer le dialogue
social jadis rompu, devaient semer dans le même temps les germes du
consensus.
Au Cameroun, le déroulement des
évènements sera différent. Lors d'un Congrès
ordinaire du RDPC, parti au pouvoir, il avait été
décidé de la mise en oeuvre d'un programme de réformes
dont les principaux axes reposaient sur la réintroduction du
multipartisme et l'abolition conséquente de l'ordonnance de 1966.
Malgré cela, cette ouverture du jeu politique ne suffira pas à
satisfaire les acteurs politiques qui visiblement réclamaient eux aussi
la convocation d'une Conférence nationale. Déclarée «
sans objet »80 par le Président de la République,
il s'en suivra une crise sans précèdent. Sans toutefois
prétendre à une analyse approfondie, encore moins à une
analyse exhaustive sur la question, nous nous limiterons dans nos propos
à mettre en lumière les éléments qui ont permis de
poser l'idée de consensus dans le champ normatif des élections.
Il convient pour ce faire d'observer que la tenue de la Conférence
tripartite d'alors imposée par les évènements, fera entrer
le Cameroun dans « une étape de construction du dialogue social
» (A). En outre, par l'entremise de cette tripartite, de nouvelles
règles émergeront des débats aux fins de régir les
compétitions avenir (B).
79 INTERNATIONAL CRISIS GROUP, Cameroun : mieux
vaut prévenir que guérir, Briefing Afrique, n°101, 4
septembre 2014, p.1.
80 Le 27 juin 1991, devant l'Assemblée
Nationale, le Président de la République déclara que la
conférence nationale était sans objet pour le Cameroun (...) et
que seules les urnes parleraient. Cameroon Tribune, n°4916, 28 juin 1991.
Cité par PATRICE BIGOMBE LOGO et HELENE-LAURE MENTHONG, GRAPS, p.18.
Le consensus en droit électoral camerounais
A- La mise en relief de la nécessité d'un
dialogue national
À ce jour, le consensus se trouve au coeur de toutes
sociétés démocratiques pérennes. Ce
dénominateur commun qui est la marque des sociétés
contemporaines doit son avènement à l'existence d'un dialogue
entretenu et soutenu par les acteurs politiques. C'est donc dire autrement que
le consensus envisagé dans l'État n'est obtenu qu'au terme d'un
dialogue entre les acteurs sociaux. Le dialogue dans une société
en construction devient alors un pré requis incontournable pour
atteindre le niveau de consensus souhaité. L'attention retenue sur le
consensus politique est justifié par ÉTÉKOU BÉDI
YVES STANISLAS dans ses travaux de thèse lorsqu'il y voyait le moteur
devant permettre la transformation institutionnelle pour établir un
nouvel ordre démocratique ou tout au moins, comme une arme puissante de
conciliation et de rapprochement des points de vue81. Tout
dépendra cependant de la manière dont ce dialogue sera introduit
dans la société.
Au Cameroun, c'est sur fond de contestation politique que sera
convoquée une Conférence tripartite pour inaugurer le dialogue
social. Ouverte au Palais des Congrès du 30 octobre au 15 novembre 1991,
la rencontre tripartite présidée par le nouveau Premier Ministre
allait bientôt introduire, dans un esprit de dialogue et de concertation,
les nouveaux paradigmes de la société politique. Avec la
participation des partis politiques, de la société civile et des
représentants des pouvoirs publics, les débats de la tripartite
seront certes intenses mais lourds de signification sur les plans politique et
juridique.
Sur le plan politique, la tripartite fut perçue par
beaucoup comme une étape décisive dans « la construction du
dialogue social », condition sine qua none pour asseoir le consensus.
Sur le plan juridique, elle a permis de jeter les germes du
consensus politique dans l'architecture du droit. Ceci peut aisément se
comprendre sans les sociétés en pleine mutation et pour peu qu'on
se veut cohérent, le dialogue social est principalement fondé sur
la définition des règles communes. Ce qui permettra enfin de
réduire dans la mesure du possible les antagonismes persistants. En
toute vraisemblance, c'est cet esprit qui a aminé la tripartite de 1991
dans la mesure où elle a permis d'asseoir à l'arrachée
certains règles consensuelles en matière électorale.
81 ETEKOU (Bédi Yves Stanislas), Thèse,
op.cit., pp.50-52.
Le consensus en droit électoral camerounais
B- L'avènement des règles consensuelles
Dans un rapport sur les processus électoraux, le
Réseau du savoir électoral indiquait que «
l'étude des processus électoraux, peu importe la
législation, tient toujours compte de considérations liées
au contexte historique, social, politique, économique et culturel
»82. Si la trajectoire historique rend compte des
comportements politiques en matière électoral, on peut donc
envisager que depuis la réactivation du processus de
démocratisation, le Cameroun n'a sans cesse fait face à la
contestation de la gouvernance électorale. Loin d'être un
phénomène sporadique, la contestation de la gouvernance
électorale au Cameroun est restée des plus vives. Et pour cause,
les acteurs politiques de premier plan ne se sentent pas suffisamment
impliqués dans les processus décisionnels. Tout simplement que,
lorsque les acteurs politiques ne se sentent pas suffisamment impliqués
dans la définition des règles du jeu politique, ils seront
naturellement tentés de rejeter l'ordre proposé par les
autorités. Tout se passe au cas d'espèce comme si l'ordre
électoral leur était imposé. Du coup ils manifestent un
certain ressentiment à l'endroit de cet ordre, lequel peut donc
être compris autrement et en toute logique comme la négation de
l'idéologie véhiculée par le parti au pouvoir. Pour s'en
convaincre, il faudrait garder à l'idée que le droit
électoral en vigueur dans un système représentatif est le
fruit d'une majorité qui s'impose à la société
entière, mais surtout à la minorité.
Or comme on le sait, la minorité politique est en
elle-même porteuse d'une idéologie, d'une offre politique propre,
laquelle a vocation à substituer celle majoritaire en temps opportun.
C'est donc dire au-delà de ces considérations
que les partis d'opposition sont de véritables alternatives politiques.
Cette position de contre-pouvoir politique trouve l'adhésion favorable
de BÉLIGH NABLI pour qui l'opposition, quelle que soit sa forme, est au
coeur de l'équilibre démocratique83. En
conséquence, on comprend que la soumission à la logique
gouvernante peut être une situation difficile à vivre pour
l'opposition lorsqu'on sait avec JEAN GICQUEL84 qu'elle a vocation
à devenir le pouvoir de demain. C'est dans cet optique qu'avait
été convoqué la tripartite avec pour ambition de
définir de façon concerté les règles de la
compétition politique, entre autre. Cette initiative aura alors le
mérite de rompre avec l'ordre ancien dominé par ce que
82 RESEAU DU SAVOIR ELECTORAL ACE, op. cit., p.14.
83 BELIGH (Nabli), « L'opposition
parlementaire : un contre-pouvoir politique saisi par le droit »,
Seuils, Pouvoirs, n°133, 2010, p.129.
Le consensus en droit électoral camerounais
PATRICK QUANTIN appelle l' « autoritarisme normatif
»85. Car l'on a encore en mémoire les paroles de
l'ancien président de la République Démocratique du Congo,
PASCAL LISSOUBA pour qui « on n'organise pas les élections pour
perdre ». Cette boutade reprise par le doyen DODZI KOKOROKO
86 illustre bien l'esprit qui a toujours aminé les
présidents africains nouvellement convertis en démocrates
dès la décennie 9087. Finalement exposé au
tribunal de la légitimité, la loi électorale n'a
cessé de faire l'objet de contestations. Les débats de la
tripartite permettront alors d'asseoir des règles au terme de longues
négociations. Il s'agit notamment de la majorité
électorale fixée à 20 ans ; du contrôle des
élections assuré par des commissions instaurées au niveau
national et préfectoral avec pour membres les représentants des
partis politiques ; etc.
Si le dialogue inter camerounais de 1991 a permis de projeter
le consensus comme une nécessité sociale devant fondée
l'Etat à tous les niveaux, c'est surtout la réforme
constitutionnelle qui va suivre qui en fixera définitivement le cap.
PARAGRAPHE 2: LA RÉVISION CONSÉQUENTE DE
LA CONSTITUTION DU
02 JUIN 1972
Au terme des débats de la conférence tripartite
devait déboucher une réforme du texte constitutionnel du 2 juin
1972. Étant donné que l'idée d'une conférence
nationale souveraine devait déverser sur une inconstitutionnalité
en ce sens qu'elle avait vocation à restructurer le « contrat
social », elle fut déclarée sans objet. Or, le texte
constitutionnel, loi fondamentale de l'Etat détermine non seulement
l'organisation politique mais prévoit aussi les modalités de sa
révision ou de sa modification le cas échéant. Raison pour
laquelle la conférence nationale substituée en tripartite
devenait alors une instance consultative chargée à titre
temporaire d'émettre des propositions pour être ensuite transmise
à l'organe délibérant pour examen et décision
finale.
C'est dans ce sillage qu'intervient la révision
constitutionnelle opérée en 1996 pour inscrit
84 Cité par SADRY (Benoit), Bilan et
perspectives de la démocratie représentative, Ph. Doctorat
en Droit, Limoges, 18 décembre 2007, p.321.
85 Expression reprise par QUANTIN (Patrick),
« La démocratie en Afrique à la recherche d'un
modèle », Seuil, Pouvoirs, R.F.E.C.P, 2009/2, n°129,
p.74.
86 DODZI KOKOROKO, « Les élections
disputées (...) », op. cit., p.115.
Le consensus en droit électoral camerounais
dans le marbre de la loi fondamentale les propositions de la
tripartite (A). Ce repositionnement du constituant camerounais n'a pas
été sans impact sur le constitutionnalisme rénové
(B).
A- LA FORMALISATION DES RÉSOLUTIONS TRIPARTITES
PAR LE CONSTITUANT DE 1996
Dans la littérature constitutionnelle, la notion de
pouvoir constituant se trouve au coeur de la théorie
générale du droit constitutionnel. Il convient alors d'apporter
un élément de définition utile à la
compréhension de la revendication avec succès du pouvoir
constituant. Selon PIERRE AVRIL et JEAN GIQUEL, le pouvoir constituant
désigne le « pouvoir mis en oeuvre pour l'élaboration et
la révision de la constitution »88. Faut-il encore
rappeler que ce pouvoir peut être originaire ou
dérivé89. Dans l'optique de donner une force juridique
aux propositions faites lors des débats de la tripartite, il fut mis sur
pied une commission chargée de rédiger un avant-projet de la
constitution. C'est ainsi que pour Monsieur le Professeur ALAIN DIDIER OLINGA,
« il n'est nullement excessif de dire que c'est à peu près
dans l'avant-projet OWONA que l'on retrouve le souffle du consensus
constitutionnel issu de la tripartite.90 Il reconnaît
toutefois que certaines propositions furent purement et simplement
évacuées dudit projet lors de sa transmission à
l'assemblée parlementaire en novembre 1995.91
Au terme des travaux de la « commission OWONA
»92 en 1994, le projet retouché sera transmis à
la chambre pour examen. Il sera définitivement adopté au cours de
la session ordinaire de l'assemblée nationale en décembre 1995,
qui suivra la promulgation par le président de la république le
18 janvier 1996. Il se dégage dans le nouveau texte constitutionnel
révisé des évolutions notables : l'introduction de la
décentralisation avec la création des régions,
l'instauration d'un pouvoir judiciaire, la création d'un conseil
constitutionnel, la création d'une
87 QUANTIN (Patrick), « La démocratie
en Afrique (...) », op.cit., p.74.
88 AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Lexique droit
constitutionnel, Paris, PUF, 8e édition, 2001, p.101. Lire
aussi Raymond Guillien et Jean Vincent, Lexique, op.cit.
89 Selon le Lexique des termes juridiques, le
pouvoir constituant originaire s'exerce d'une manière
inconditionnée pour doter d'une constitution l'Etat qui n'en a pas
(nouvel Etat) ou n'en a plus (après une révolution). Le pourvoir
constituant dérivé (ou institué) quant à lui
s'applique à la révision d'une constitution déjà en
vigueur, selon les règles proposées par celle-ci. Raymond
Guillien et Jean Vincent, Lexique des termes juridiques et politiques, op.cit.,
p.325.
90 OLINGA (Alain Didier), La constitution de la
République du Cameroun, Yaoundé, éd. Terre Africaine
/Presse de l'UCAC, 2006, p.330.
91 OLINGA (Alain Didier), La constitution
(...), op.cit., p.56.
92 Terme repris par le professeur OLINGA (Alain
Didier), La constitution (...), op.cit., p.22.
29
Le consensus en droit électoral camerounais
Chambre des comptes à la Cour Suprême, le passage
du mandat présidentiel de 5 à 7 ans, la fixation de la
majorité électorale à 20 ans, la création du
Sénat.
L'affirmation du pouvoir constituant dans la
détermination des règles constitutionnelles devant régir
la société politique n'est pas sans incidences.
B- LA RÉAFFIRMATION DE LA COMPÉTENCE DU
POUVOIR CONSTITUANT
Dans une société politiquement organisée,
l'ordre constitutionnel est l'oeuvre du constituant, qu'il soit originaire ou
dérivé. Autrement dit, la définition des règles
constitutionnelle telle que posées dans un Etat ressorti de la
compétence du pouvoir constituant. Ainsi, qu'elles aient vocation
à fixer l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, les
règles générales relatives aux institutions de la
République et plus spécifiquement encore des règles de la
compétition politique sont secrétés par un pouvoir
spécialement conçu à cet effet.
Or la Conférence tripartite de 1991, loin d'être
ce pouvoir spécial, avait justement pour ambition de se substituer
à lui en redéfinissant les règles de l'organisation
sociale sans que la défaillance ou l'indisponibilité de celui-ci
soit dument constaté. On comprend dès lors la reprise
légitime des points de la discussion de la tripartite par le constituant
de 1996. Celui-ci en réexaminant ces points débattus à
entendu leur donner un caractère plus solennel, réaffirmant au
passage sa compétence dans la définition des règles
relatives à la dévolution du pouvoir politique
c'est-à-dire à sa conquête, à son exercice, à
sa transmission et à ses rapports avec les citoyens. Cette
démarcation repositionne ainsi le pouvoir constituant dans le jeu
institutionnel de l'État. Partant de là, la tripartite
organisée en 1991 fut réduite à une instance consultative
à partir de laquelle devait émerger des propositions
nécessaires à l'élaboration de l'avant-projet de la
constitution pour ensuite servir de fond à la révision de 1996.
Mais le mérite de cette instance est d'avoir initiée
l'ébauche juridique d'un ordre constitutionnel consensuel.
Le consensus en droit électoral camerounais
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
L'affirmation progressive du consensus dans le cadre
légal des élections. Tel a été l'objet d'analyse de
ce premier chapitre.
Au terme de cette étude, il a été
déterminé que le consensus, tirant ses racines profondes des
dynamiques internationale et interne, s'est progressivement affirmé en
droit électoral comme une valeur normative. Le point saillant de cette
émergence est incontestablement l'implication internationale dans les
processus électoraux des Etats. Cette implication internationale se
justifie-t-elle par souci de restaurer le principe électif qui demeure
après tout, la « marque du système de démocratie
représentative appliqué dans la plupart des états
contemporains et prôné par la CADEG »93.
Ainsi en invitant les pays d'Afrique subsaharienne à s'engager
résolument sur la voie des réformes électorales, le
Cameroun tout comme les autres pays qui se trouvent dans la
précarité politique, à évidemment entrepris
d'élaborer des cadres législatif et politique nécessaires
à l'instauration et au renforcement de la
démocratie94. Aussi pour assurer à la loi
électorale une dose de légitimité, il n'a pas
hésité à souscrire à prendre des mesures pour
établir et maintenir un dialogue politique et sociale (...) en vue de
consolider et de préserver la paix, gage de la stabilité
sociale95. Tous ces engagements ont-ils permis d'augurer une assise
normative du consensus dans la matière électorale.
30
93 Pour reprendre le Professeur MBALLA OWONA (Robert),
« Réflexions sur la dérive d'un sacro-saint principe
(...) », op.cit., p.91.
94 Article 11 de la CADEG.
95 Article 13 de la CADEG.
Le consensus en droit électoral camerounais
31
CHAPITRE 2: LA CONFIRMATION SIGNIFICATIVE DU CONSENSUS
EN DROIT ÉLECTORAL CAMEROUNAIS
32
33
34
Le consensus en droit électoral camerounais
Nous avons déterminés dans le premier chapitre
que l'idée de consensus s'est progressivement affirmée dans la
matière électorale grâce aux mouvements juridiques internes
et externes. Ce syncrétisme construit devra-t-il assurer l'inscription
du consensus au marbre des valeurs constitutionnelles défendues et
encadrées par l'État camerounais, preuve d'une confirmation
significative. Traitant de la confirmation significative du consensus en droit
électoral camerounais, l'on entend par là rechercher les marques
distinctives qui permettent d'attester de façon plus expressive
l'érection du consensus dans la matière électorale
(section1). Ce premier aspect a pour ambition de justifier la force dont le
consensus revêt désormais. Mais au- delà de cette approche,
il est évident que la détermination du consensus en droit
électoral marque la volonté des autorités étatiques
à soutenir le processus démocratique (section2).
SECTION 1: LA DÉTERMINATION DES
CARACTÉRISTIQUES JURIDIQUES
Partant du texte constitutionnel de 1996, il est possible
à travers un « faisceau d'indices » de recentrer les
éléments juridiques plaidant en faveur de l'assise textuelle du
consensus. Ces éléments qui s'inscrivent dans la
continuité des mouvements juridiques relevés aussi bien à
l'international qu'au niveau interne permettent de réaliser sans ombre
de doute l'ancrage du consensus dans le système de valeurs retenu par
l'État. Naturellement les sociétés démocratiques
sont assises sur un système de valeurs, lequel s'inspire des dynamiques
divers. Quoi qu'il en soit, ces valeurs, parce que intégrées dans
l'ordonnancement juridique seront protégées en conséquence
par l'État. Le consensus, terrain expérimental de notre
étude fait l'objet d'une réitération constitutionnelle
indubitable (Paragraphe 1), laquelle le place définitivement au rang des
fondements du droit électoral (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1: LA CONSTITUTIONNALISATION DU
CONSENSUS
Le processus d'incorporation des normes internationales dans
le système juridique interne se réalise au moyen de la
constitutionnalisation96. Cette dernière selon KEVIN
FERDINAND NDJIMBA a vocation à transformer les normes internationales en
normes constitutionnelles dans le but de leur donner une force juridique
supérieure97. Il relève ainsi à la suite de la
doctrine traditionnelle, la grande dépendance du droit international
à la constitution. Ce mariage apparent
96 NDJIMBA (Kevin Ferdinand), «
L'internationalisation des constitutions et la revalorisation du droit
constitutionnel (...), op.cit., p.13.
Le consensus en droit électoral camerounais
vise en réalité à assurer
l'efficacité de ce dernier dans l'ordre interne par le biais de la
constitution qui elle a une connotation véritablement obligatoire. Dans
cet d'ordre d'idée, on comprend mieux pourquoi DIDIER MAUS estimait que
la constitutionnalisation correspondait à un phénomène
spécifique traduisant la volonté de l'État de renforcer
l'intégration du droit international dans son ordre interne en lui
reconnaissant une valeur constitutionnelle98. Loin d'être
une simple « symbolique », la constitutionnalisation 99 du
consensus est la conséquence directe de la ratification de la CADEG (A).
La réalisation de l'intégration du consensus dans l'ordre interne
entraine alors l'obligation juridique de conformité (B) afin d'assurer
l'harmonie dans la pyramide.
A- Une conséquence de la ratification de la
CADEG
Bien qu'en agonie100, la démocratie demeure
à ce jour le système politique de référence des
sociétés modernes. Or comme il a été
déterminé aux termes de la Déclaration de Bamako, la
démocratie est fondée sur un certain nombre de principes
axés entre autres sur « le consensus ». C'est la raison pour
laquelle le constituant camerounais de 1996 en marquant sa volonté
à être lié par les principes démocratiques, a
entendu les pérenniser dans son système de fabrication des lois
en y faisant référence à chaque fois. Par ratification, la
Convention de VIENNE sur le Droit des traités précise en son
article 2 de la lettre « b » qu'elle « s'entend de l'acte
international ainsi dénommé par lequel un État
établi sur le plan international de son consentement à être
lié par un traité ».
Loin de faire une énumération exhaustive, le
Cameroun a ratifié un certain nombre d'instruments internationaux afin
d'inscrire son droit électoral à la normalité
internationale. Il s'agit entre autres de la CADEG, texte qui a la
particularité de valoriser le dialogue social et la participation des
citoyens dans la gestion des affaires publiques. Une telle approche est
d'autant plus nécessaire pour les États dont les bases demeurent
encore fragiles. En 2011, le Cameroun a donc ratifié ce texte. Cette
ratification a donc comme conséquence l'intégration des valeurs
de
97 Ibidem.
98 Cité par MAZIAU (Nicolas), « Les
constitutions internationalisées : Aspects théoriques et essai de
typologie », p.5.
99 Par constitutionnalisation, il faut entendre
« le changement de valeur normative d'une norme préexistante,
qui devient constitutionnelle », BARBE (Vanessa) et MILLET
(François-Xavier), Contribution à l'étude de
l'effectivité de la constitutionnalisation en droit de
l'environnement, Rev., trim., h., (78/2009), p.469.
100 SABI (Kassere Afo), op.cit., p.24.
Le consensus en droit électoral camerounais
l'international dans l'ordre juridique interne.
Depuis quelques années, on assiste en effet à
une pénétration constante, mais savante des valeurs de
l'internationale dans l'ordre juridique interne des États101.
Ces valeurs qui sont sécrétées par les organismes
internationaux s'accompagnent d'une idéologie constructive permettant de
garantir la stabilité des sociétés. Pour cette raison, le
constituant camerounais de 1996 en marquant son adhérence aux
systèmes de valeurs universelles a tenu à leur conférer
une place de choix. Les dispositions la loi constitutionnelle du 18 janvier
1996 sont édifiantes à ce sujet. Elle dispose clairement que
« les traités ou accords internationaux
régulièrement approuvés ou ratifiés ont, dès
leur publication, une autorité supérieure à celle des
lois, sous réserve pour chaque accord ou traité, de son
application par l'autre partie »102. Par cette
disposition, il s'opère comme une « transfiguration juridique
»103 des valeurs de l'international dans l'ordre
constitutionnel sans aucune forme de procédure particulière. Par
conséquent, il ne souffre d'aucune contestation que toutes les valeurs
à incidences électorales contenues dans le texte de la CADEG sont
marquées du sceau de la constitution. Qu'à cela ne tienne, leur
érection au niveau constitutionnel emporte, comme le souligne ATANGANA
ÉTIENNE JOËL LOUIS, la conséquence que le législateur
tout comme l'administration sont tenus dans les actes qu'ils prennent sous
peine d'inconstitutionnalité104.
B- L'obligation juridique de conformité
Relativement à l'obligation juridique de
conformité aux valeurs contenues dans la constitution, il faudrait
remonter à HANS KELSEN dans sa Théorie pure du droit. Ce
dernier avait établi que l'architecture des textes juridiques dans un
État se présente de façon hiérarchique. Au sommet
de celle-ci se trouve une norme fondamentale, norme qu'on connaît
désormais sous le nom de constitution depuis les
évènements de la fin du XIXème
siècle105. Cette position recueille l'assentiment de la
doctrine publiciste en ce que la constitution, d'après ZOLLER E.
101 Le terme ordre juridique qui s'entend autrement de «
système juridique » ou d' « ordonnancement juridique »,
désigne l'ensemble des règles qui, pour un Etat et à un
moment donné, définissent le statut des personnes publiques et
privées et les rapports juridiques qui existent entre elles. Il
symbolise l'ordre social, un tout cohérent, rationnel dans lequel chaque
norme à une place bien déterminée.
102 Article 45 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
103 Selon BARBE (Vanessa) et MILLET (François-Xavier),
« La constitutionnalisation transfigure juridiquement les valeurs
propres à une société donnée en instant « t
» en leur conférant l'imprimatur suprême »,
op.cit., p.469
104 ATANGANA (Etienne Joël Louis), Thèse, op.cit.,
p.296.
105 En référence au mouvement
constitutionnaliste qui revendiquait la supériorité normative de
la constitution dans l'ordre interne, mettant fin au «
légicentrisme ».
35
Le consensus en droit électoral camerounais
dans son ouvrage maître Droit Constitutionnel
est perçue comme un acte qui « définit les
principes et les règles selon lesquels seront résolues les
questions communes et générales »106.
Malgré le fait qu'elle soit «asservie par les faits
»107, l'hégémonie constitutionnelle se trouve
toujours restaurée comme l'affirme à juste titre PATERNE MAMBO
108 . Ainsi placée, la suprématie
constitutionnelle109 « induit la conformité des
règles inférieures et corrélativement en cas de
contrariété leur invalidité, avec comme conséquence
que, dans le meilleur des mondes juridiques, elles ne devraient jamais entrer
en vigueur ou toutes être supprimées de l'ordre juridique
»110. Pour cette raison, THÉODORE HOLO conscient du
jeu des acteurs politiques n'a pas cru si bien dire en réitérant
l'utilité d'un contrôle de constitutionnalité de la loi
111 et notamment électorale. En considérant que
« les règles électorales énoncées dans les
constitutions ne sont pas de voeux pieux, mais constituent plutôt des
normes juridiques que les régimes constitutionnels et
démocratiques sont tenus de respecter »112, le
contrôle de conformité induit par la suprématie
constitutionnelle tend aussi à renforcer l'idée que « la
volonté du peuple souverain, directement et solennellement
exprimée par lui à travers la constitution, est supérieur
à celle de ses représentants ordinairement exprimée par la
loi »113.
Du coup les valeurs sociales ratifiées et contenues
dans le texte constitutionnel s'imposent comme de véritables «
obligatoires » au législateur. Ce dernier doit-il tenir compte des
engagements internationaux de l'État contenus dans le texte
constitutionnel. Au Cameroun, ces valeurs sont pour la plupart
énoncées dans le préambule. Faut-il encore rappeler que le
préambule fait partie intégrante de la constitution.
La loi électorale dans ce sillage se doit de se
conformer en tout état de cause au texte constitutionnel dont elle tire
inexorablement ses racines du point de vue de la procédure comme du
contenu, afin d'assurer la cohérence juridique du système
normatif des élections. Aussi la
106 Cité par NDJIMBA (Kevin Ferdinand),
L'internationalisation des constitutions des Etats en crise :
Réflexions sur les rapports entre Droit international et Droit
constitutionnel, Th. Doctorat en Droit, février 2011, p.201.
107 Expression empruntée au Professeur KARIM DOSSO,
« Les pratiques constitutionnelles dans les Etats d'Afrique noire
francophone (...) », op.cit., p.72.
108 MAMBO (Paterne), Les rapport entre la constitution et
les accords politiques dans les Etats africains : Réflexion sur la
légalité constitutionnelle en période de crise, Revue
de droit de McGill, Vol.57, n°4, 2012, p.941.
109 Lire BETUKUMESU MANGU (André Mbata), «
Suprématie de la constitution, indépendance du pouvoir
judiciaire et gouvernance en République démocratique du Congo
».
110 KARIM (Dosso), « Les pratiques constitutionnelles
dans les Etats d'Afrique noire francophone (...) », op.cit., p.73.
111 HOLO (Théodore), « Emergence de la justice
constitutionnelle », Pouvoirs, R.F.E.C.P, n°129, 2009, p.103.
112 RESEAU DU SAVOIR ELECTORAL ACE, Cadre juridique,
op.cit., p.29.
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Le consensus en droit électoral camerounais
cohérence normative devra permettre, en dernière
analyse de réaliser l'État de droit pour une meilleure
sécurité juridique. L'érection du consensus au niveau
constitutionnel permet de le hisser au rang des fondements du droit
électoral.
PARAGRAPHE 2 : LA RECONNAISSANCE DU CONSENSUS COMME
FONDEMENT DU DROIT ÉLECTORAL
Dans son cours introductif de contentieux électoral,
ATANGANA ETIENNE JOËL LOUIS souligne le nécessaire arrimage du
droit électoral à la logique internationale. À la
réalité, les règles électorales au Cameroun sont
loin de recueillir l'assentiment des acteurs politiques, ceux-ci y voient, pour
la plupart, un instrument de perpétuation de la domination du parti au
pouvoir. Désormais élément de discorde, ces règles
vont entrer dans une crise sans précèdent. Le travail des
autorités étatiques dans cette situation est donc principalement
axé dans le sens de restituer à la norme électorale un
certain dynamisme teinté des valeurs démocratiques. En inscrivant
donc le consensus au rang des valeurs constitutionnelles, le droit
électoral camerounais qui tire son fondement de la constitution
sera-t-il alors en fin revalorisé (A). Toutefois, même s'il est
vrai que l'entrée des valeurs internationales dans le système
électoral national n'est pas forcément de mauvais aloi pour
l'avenir du droit constitutionnel en général et du droit
électoral en particulier114, l'on ne peut non plus faire fi
d'ignorer que cette introduction en plus de mettre la constitution au pas,
réduit considérablement le champ du « domaine
réservé » des États (B).
A- La revalorisation du droit électoral
Opérant une lecture croisée du Dictionnaire Le
Petit Robert, KEVIN FERDINAND NDJIMBA a pu déterminer dans son champ
contextuel que le terme « revalorisation » est analysé dans le
cadre de l'internationalisation tantôt comme la réhabilitation
normative de la suprématie de la loi fondamentale, tantôt comme un
mécanisme ayant pour finalité de rendre la constitution plus
contraignante115. De là il déduit que
l'internationalisation, pris sous l'angle des constitutions des États en
crise vise d'une part la revalorisation interne du droit constitutionnel
relativement à
113 HOLO (Théodore), op.cit., p.103.
114 Car selon les conclusions de NDJIMBA (Kévin
Ferdinand), l'internationalisation des constitutions est accusée de deux
maux principaux. D'une part, elle réduire l'autonomie constitutionnelle
des Etats au bénéfice des instances internationales (...),
d'autre part déprécie le caractère de norme suprême
reconnu à la constitution.
115 NDJIMBA (Kévin Ferdinand),
L'internationalisation des constitutions et la revalorisation du droit
constitutionnel (...), op.cit., pp.3-4.
Le consensus en droit électoral camerounais
sa portée normative et à l'organisation de
l'intangibilité de ses dispositions. Et d'autre part sa revalorisation
externe116. Cette ingénieuse conclusion nous sensibilise
opportunément sur « la revalorisation du droit électoral
» que nous entendons analyser dans ce considérant.
En réalité les crises occasionnées par
les élections produisent un effet boumerang : autant l'élection
peut s'accompagner d'une crise, autant le support normatif qui en constitue la
base en est dévalorisé. Dans un contexte marqué par le
reflux de la loi électorale par les acteurs politiques, la
revalorisation sera donc envisagée comme « la réhabilitation
» du droit électoral à travers « la restauration »
de la procédure législative pour redonner à
l'élection toutes ses lettres de noblesse. De ce point de vue, il est
clair que l'internationalisation se réclame d'un processus à
double sens :
Sur le premier moyen, l'internationalisation ambitionne de
donner une nouvelle orientation à une norme électorale devenue
incapable d'assurer et de rassurer les acteurs politiques quant à la
tenue d'élections véritablement démocratique. Ainsi se
donne-t-elle autrement d'inscrire la loi électorale dans une dynamique
d'acceptation non sans avoir reconsidéré le cadre
méthodologique de son élaboration, celui-ci fondé en
dernière analyse sur des considérations innovantes. À ce
titre, la configuration de nouvelles bases dans le domaine législatif
vise, sans ombre de doute, la légitimation interne du droit
électoral.
Sur le second moyen et dans une perspective plus grande,
l'internationalisation se propose d'assurer la permanence des valeurs de
l'international dans l'ordre juridique interne en vue de préserver le
caractère démocratique du gouvernement représentatif. Une
telle intrusion qui « s'apparente à une dépossession du
peuple de sa souveraineté n'est pas un problème en soi »117
dans la mesure où la fin est sans aucun doute légitime, du
moins si l'on s'en tient aux analyses effectuées par CLAUDE
KLEIN118.
B- Le problème du « domaine
réservé » de l'État
L'investissement du système électoral national
par les valeurs de l'international n'est plus un phénomène
étranger. Avec «la mondialisation du droit », il faut
désormais considérer la
116 Ibidem.
117 KARIM (Dosso), « Les pratiques constitutionnelles
dans les Etats d'Afrique noire francophone : cohérences et
incohérences », Revue française de droit
constitutionnel, 2012/2, n°90, p.82.
118 Cité par KARIM (Dosso), Ibidem.
Le consensus en droit électoral camerounais
perméabilité des systèmes juridiques.
Touchant la sphère nationale, l'internationalisation qui résulte
de ce mouvement devenu irréversible investit dès lors sans
surprise les domaines « hautement internes ». Le système
électoral qui captive de plus en plus l'attention de la
communauté internationale, va devenir par la même occasion le
terrain de prédilection des règles internationales.
C'est que la production législative originellement
relève de la compétence souveraine des États, en vertu du
traditionnel principe de l'autonomie constitutionnelle119. L'on a
donc toujours considéré jusqu'à une époque
récente que la régulation des élections par
conséquent relevait de « l'autorité exclusive de
l'État». Toutefois avec « la mondialisation du droit »,
on « s'aperçoit aujourd'hui que l'internationalisation touche
de plus en plus à la matière électorale » 120 .
L'affirmation du professeur DIDIER MAUS selon laquelle « les
élections ne dépendent plus uniquement du cadre constitutionnel
national (et qu'il) existe une véritable dimension internationale des
élections » 121 , vient raviver le débat sur les
implications de l'internationalisation du droit électoral en rapport
avec la souveraineté. C'est en effet par la prolifération des
valeurs de l'international dans l'ordre interne que l'État se trouve
quelque peu dépouillé de « la compétence des
compétences »122. Le domaine
réservé123 devient-il du fait de
l'internationalisation le domaine partagé ?
Il faut reconnaître que dans la mesure où ce
phénomène opère une sorte d'intervention des instances
internationales dans les domaines relevant de la compétence des
États, il se produit un dessaisissement même temporaire des
autorités nationales124. Les développements actuels de
l'internationalisation vont plus loin. Pour PIERRÉ-CAPS «
l'intervention de la communauté internationale dans la résolution
des crises ne se limite plus à l'envoi de force d'interposition.
119 L'article 2 du paragraphe 7 de la Charte des Nations Unies
pose avec réserve le principe de l'autonomie constitutionnelle lorsqu'il
dispose d'une part « que aucune disposition de la présente
Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui
relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat
(...), et d'autre part que ce principe toutefois ne porte en rien atteinte
à l'application des mesures de coercition prévues au chapitre VII
».
120 SABI (Kassere Afo), Thèse, op.cit., p.117.
121 Cité par SABI (Kassere Afo), op.cit., p.118.
122 Expression consacrée pour marquer
l'exclusivité de la compétence de l'Etat dans un domaine ;
employée par SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.105.
123 Le domaine réservé s'entend du «
domaine d'activités dans lequel l'Etat, n'étant pas lié
par le droit international, jouit d'une compétence totalement
discrétionnaire et, en conséquence, ne doit subir aucune
immixtion de la part des autres Etats ou des organisations internationales
», SALMON (Jean), Dictionnaire de droit international public,
Bruxelles, bruylant, 2001, p.356.
124 SABI (Kassere Afo), Thèse, op.cit., p.115.
Le consensus en droit électoral camerounais
Elle prend (...) plus que jamais aujourd'hui une dimension
juridique à tout au moins constitutionnelle » 125 . On
comprend dès lors toute l'inquiétude qui découle de
l'internationalisation du droit électoral126.
L'inquiétude à lieu à deux niveaux :
Au premier niveau, elle résulte de l'instabilité
du système international qui à tout égard pourrait
s'étendre sur la matière électorale. Dans un second
moment, l'inquiétude est axée sur l'altération
supposée de la compétence étatique. Comme le fait
remarquer AFO SABI ce dernier cas, objet de notre analyse, a pris sous l'effet
de l'internationalisation une ampleur qui est telle que le domaine hautement
interne des États se trouve inéluctablement
touché127. De toutes les façons, même si la
production du droit électoral relève toujours en premier ressort
de la compétence étatique, elle n'empêche pas pour autant
le recadrage des acteurs internationaux face à certains
législateurs véreux. De plus les législateurs font de plus
en plus référence aux valeurs de l'internationale comme on le
verra plus bas. D'ailleurs AFO SABI n'a-t-il pas lui-même reconnu que
« la plupart des normes électorales sont aujourd'hui d'essence
ou d'inspiration de cet ordre international »128.
L'implication internationale dans les processus électoraux des
États fragiles à l'instar de ceux d'Afrique noire est devenue
presque incontournable, voir nécessaire. En tout cas, en
considération des actions menées par les acteurs internationaux
dans la matière électorale, le Doyen MELEDJE voit en
l'élection une véritable affaire internationale129.
Elle n'est donc plus la seule affaire de l'État130. C'est
donc dire en dernière analyse que la sécrétion du droit
électoral par les législateurs nationaux ne saurait
évoluer en marge de cette nouvelle donne. Le domaine dit réserver
devra tout simplement coexister avec la normalité internationale.
Quoi qu'il en soit, la juridicisation du consensus a permis
d'impulser une nouvelle dynamique dans le processus démocratique au
Cameroun.
125 Cité par KARIM (Dosso), « Les pratiques
constitutionnelles dans les Etats d'Afrique noire francophone (...)
», op.cit., p.82.
126 SABI (Kassere Afo), Thèse, op.cit., p.120.
127 Ibidem.
128 SABI (Kassere Afo), Thèse, op.cit., p.121.
129 MELEDJE (Djedjro Francisco), « Le contentieux
électoral en Afrique », op.cit., p.151.
130 Ibidem.
Le consensus en droit électoral camerounais
SECTION 2: LE RENFORCEMENT DES ACQUIS
DÉMOCRATIQUES
Si le Cameroun entend organiser des élections dont les
résultats traduiraient fidèlement la volonté des
citoyens-électeurs, c'est-à-dire des « élections
justes, libres et transparentes », il doit pouvoir s'employer à ce
que le système normatif en vigueur puisse être à même
d'assurer une meilleure participation des populations au jeu politique. Ce qui
aura pour effet de maintenir la paix et la cohésion
sociale131. Il serait légitime de penser que c'est cet esprit
qui a animé les pouvoirs publics camerounais en ratifiant la CADEG,
instrument fort saisissant qui réaffirme l'engagement de l'État
à l'effort démocratique.
En recentrant le débat sur l'avènement du code
électoral de 2012, l'on note avec le Professeur MAURICE KAMTO que les
dispositions électorales qui y ressortissent sont déterminantes
à plus d'un titre. Non seulement elles sont susceptibles d'influencer la
construction de la démocratie dans notre pays132 (paragraphe
1), mais sont toutes aussi essentielles à la construction de
l'état-nation en hibernation depuis trop longtemps (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LE RENFORCEMENT DE LA «
DÉMOCRATIE ÉLECTORALE »
Les développements quelque peu pessimistes
effectués par DJEDJRO FRANCISCO MELEDJE dans Le contentieux
électoral en Afrique laissent transparaître les signes de
l'émergence de ce qu'il est convenu d'appeler démocratie
électorale. Celle-ci s'évalue à l'existence du pluralisme
politique, des élections plus ou moins concurrentielles et
transparentes, et la mise en oeuvre du contentieux
électoral133.
À la lecture de PATRICK QUANTIN, le concept de
démocratie électorale renvoi à « un régime
politique dans lequel la dévolution du pouvoir dans l'État est
soumise au vote dans les conditions de concurrence et de participation ne
subissant que de réserves mineurs. Il s'agit d'une définition
minimum, poursuit-il qui ne prend pas en compte la qualité de la
démocratie, c'est-à-dire l'enracinement de la compétition
et de la participation dans la société. À la limite
peuvent être qualifiés de démocratie électorale, des
régimes qui offrent de mauvaises performances en terme de qualité
de la démocratie, en particulier en portant atteintes aux droits
131 FRIEDRICH EBERT STITFUNG, op. cit., P.10.
132 KAMTO (Maurice), op.cit., p.2.
133 MELEDJE (Djedjero Francisco), « Le contentieux
électoral en Afrique », op.cit., p.143.
Le consensus en droit électoral camerounais
politiques, mais qui parviennent à gérer les
conflits liés à la lutte pour le pouvoir par le moyen des
élections »134. Simplement, nous retiendront que la
démocratie électorale est celle qui permet de faire respecter la
volonté des citoyens-électeurs (l'admission du contentieux
électoral) à la lumière du choix à eux porté
sur tel ou tel candidat, sur tel ou tel liste (supposant un pluralisme
politique à la base) au terme des élections concurrentielles, le
tout encadré par des règles débarrassées de toute
suspicion partisane135.
La démocratie électorale renforcée, celle
qui est donc capable d'influer positivement sur le processus électoral
ne peut se faire qu'à la réunion d'un certain nombre
d'éléments existentiels. Ces éléments
déduits à l'aune de certains points cardinaux (A) ont pour
principal fonction de recadrer le système normatif sur la trajectoire de
la démocratie (B).
A- Les fondements de la « démocratie
électorale » au Cameroun
Comme on a eu à le souligner dès nos propos
liminaires, le développement de la démocratie électorale
au Cameroun est en plein chantier. Celui-ci a été renforcé
sans doute au lendemain de la ratification de la CADEG par le Cameroun. Aussi
les règles de la compétition électorale qui s'accommode
tant bien que mal avec l'idée de consensus ont-elles favorisées
l'éclosion du pluralisme politique (1). Ce dernier qui a le
mérite d'avoir entraîné dans ses flancs la diversification
de l'offre politique et donc de la concurrence électorale, a dans le
même temps activé le contentieux électoral afin de garantir
la sincérité de l'ensemble des opérations de vote (2).
1- Un pluralisme politique en plein essor
L'élévation de la démocratie pluraliste
au rang de « nouveau principe du droit international
»136 doit sa reconsidération aux dynamiques
récentes observées dans le monde relativement à la
question globale de la démocratie, qui naguère constituée
une préoccupation majeur au niveau des instances internationales, du
moins à partir du dégel des relations des deux
134 Cité par MUKONDE MUSULAY (Pascal), «
Démocratie électorale en Afrique subsaharienne: Entre droit,
pouvoir et argent »,
Globethics. Net African Law 4, 2016,
p.22.
135 MELEDJE (Djedjero Francisco), « Le contentieux
électoral en Afrique », op.cit., p.143.
136 NDJIMBA (Kevin Ferdinand), Thèse, op. cit., p.205.
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Le consensus en droit électoral camerounais
blocs idéologiques137. Ayant
considérablement évolué depuis lors, le statut
international de la démocratie, notamment libérale
envisagée comme régime politique, va finalement s'imposer comme
source de légitimité internationale138. La
démocratie pluraliste figure donc désormais en bonne place en
Afrique comme partout ailleurs comme une expression à la
mode139. Cette nouvelle tendance est d'un écho favorable
à l'ancrage démocratique des États d'Afrique noire
francophone, si l'on considère avec ISSAKA SOUARÉ que «
la plupart des leaders africains furent obligés, par des pressions
locales conjuguées avec une pression internationale, de céder aux
appels exigeant l'ouverture politique et l'instauration ou l'autorisation du
multipartisme »140.
Alors fondé sur l'idée que « les partis
politiques sont considérés comme des outils essentiels du
pluralisme démocratique »141, le Cameroun, dans
l'optique de faire taire la grogne sociale d'alors préoccupante
renonça à la logique du parti unique pour définitivement
renouer avec le pluralisme politique en 1990. Ce changement de situation
va-t-il concourir à l'éclosion de partis politiques,
marquée par une montée en puissance de certaines formations
à l'instar du SDF142 et plus récemment du CPP et
MRC143.
Si l'on a donc pu considérer cette place essentielle
des partis politiques dans le nouvel l'espace politique, on doit
également en conséquence s'employer à leur ménager
un terrain propice à leurs activités pour qu'ils puissent jouer
un rôle efficient dans la construction de la société. C'est
sans doute dans cette optique que le constituant camerounais de 1996 a entendu
leur conférer un statut dans l'architecture sociale lorsqu'il dispose
que : « les partis et formations politiques concourent à
l'expression du suffrage (...) »144. Le code électoral
de 2012 renchérit cette position en déterminant les
modalités de création et de financement publique des partis
137 NDJIMBA (Kevin Ferdinand), Thèse, op. cit., p.204.
138 Ibidem.
139 MELEDJE (Djedjero Francisco), « Le contentieux
électoral en Afrique », op.cit., p.141.
140 SOUARE (Issaka), thèse, op.cit., p.16. Lire aussi
ALINE AKA LAMARCHE, « L'évolution du régime
représentatif (...) », op.cit., pp.132-138.
141 MBALLA OWONA (Robert), « Réflexions sur la
dérive du sacro-saint principe(...) », op.cit., p.12.
142 Au sortir de l'élection présidentielle de
1992, le SDF va, grâce aux prouesses de son leader John Frudi, conforter
sa position de meilleur prétendant à l'alternance à l'issu
des législatives organisées 5 ans plus tard, en raflant un nombre
considérable de sièges au Parlement d'alors monocamérale.
Toutefois même si cet exploit n'a pu être
réitéré par la suite, cela l'a néanmoins permis de
se positionner comme principale force de l'opposition dans le paysage politique
camerounais.
143 D'après le MINATD, Le Cameroun compte à la
date de 2016, 298 partis politiques ayant reçus une autorisation
légale d'exercice (donnée disponible sur son site d'information).
Il existe néanmoins d'autres partis qui sont soient en attente de
légalisation (non spécifié), soit qui exerce en toute
illégalité (non spécifié).
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Le consensus en droit électoral camerounais
politiques145. Toutefois, ces dispositions
constitutionnelles et légales sont biens flatteuses mais hélas
éloignées de toute la galère des partis politiques et
notamment ceux de l'opposition. Un nuage ombrageux subsiste lorsqu'on aborde
l'épineuse question du contenu du statut constitutionnel à eux
conférer, mettant ainsi à nu l'insuffisance avérée
des textes. Cette situation d'incertitude d'éteint sur la plus-value que
pourrait apporter l'opposition dans la vie démocratique du Cameroun ou
plus exactement dans la politique électorale. Il reste donc beaucoup
d'efforts à entreprendre à cet effet.
Le repositionnement du pluralisme au sein des
démocraties s'est-il aussi illustré dans le domaine du
contentieux électoral.
2- Un contentieux électoral en phase de
maturation
Dans la continuité de la consolidation de la
démocratie électorale, le contentieux découlant
logiquement de la réactivation de la compétition
électorale devait venir parachever le processus démocratique
relancé dès les années 1990146. C'est dans
cette optique que JEAN GICQUEL affirma que le contentieux électoral est
consubstantiel aux élections tout comme l'élection le serait
à la démocratie147. À vrai dire
l'élection perdrait toute authenticité si sa
régularité ne pouvait faire l'objet de contestation devant un
organe constitué à cet effet 148. Si les États
d'Afrique en général ont longtemps été
confrontés à une situation de quasi absence du contrôle de
la régularité des élections149, la «
contentialisation » du jeu politique doit son avènement à
l'émergence de concepts nouveaux150 qui devaient venir
normaliser le processus électoral.
À cet effet, le contentieux appliqué dans la
matière électorale avait pour objet, selon JEAN-CLAUDE MASCLET,
de vérifier la conformité des actes et la validité des
résultats des élections 151 afin d'assurer autant que
possible la légitimité de la représentation dans la
démocratie électorale152. Il se définit donc
autrement d'après le même auteur comme une
144 Disposition non exhaustive de l'article 3 de la loi
constitutionnelle du 18 Janvier 1996.
145 Article 275 et suivants du code électoral, 19 avril
2012.
146 JEAN-MARIE DENQUIN, cité par le Dr. NDJOCK, Cours de
contentieux électoral, année 2013-2014.
147 Cité par KASSABO (Léon Die), « Le
contentieux de l'élection présidentielle », op.cit.,
p.2.
148 GAYE (Oumar), « Le contentieux électoral
devant les juridictions suprêmes », Actes du colloque
international sur le contentieux électoral et l'Etat de droit, p.22.
149 KASSABO (Léon Die), op.cit., p.3.
150 Il s'agit entre autres de la promotion d'élections
libres, de la démocratie pluraliste, de la transparence, etc.
151 Cité par MELEDJE (Djedjro Francisco), « Le
contentieux électoral en Afrique », op.cit., p.139.
152 Ibidem.
Le consensus en droit électoral camerounais
opération qui vise à régler les litiges
mettant en cause la régularité des processus
électoraux153. Dans ce contexte, l'ambition clairement
affichée est « d'expurger le scrutin de tous les vices
susceptibles d'entraver la légitimité interne et internationale
des élus »154. Quoi qu'il soit encore
contesté la plupart du temps par les candidats ou les partis qui perdent
les élections, les États s'efforcent comme le reconnaît
DJEDJRO FRANCISCO MELEDJE à organiser le contentieux
électoral155.
Le site camerounais à parti duquel se fonde notre
étude révèle que la régulation des situations
électorales est principalement l'oeuvre des organes
juridictionnels156, au côté desquels participent
d'autres organes157 chacun agissant dans les limites
matérielles définies par le code électoral d'avril 2012.
Toutefois comme le note le Professeur MELEDJE158, nombre de faillent
demeurent quant à la fiabilité du contentieux électoral
dans la plupart des États en Afrique. En effet, l'auteur met en
évidence dans ses analyses effectuées sur le contentieux
électoral en Afrique quelques cas de « dysfonctionnements ».
Au Cameroun, la pratique contentieuse donne pour bien d'observateur donne le
sentiment d'un processus inachevé. Ainsi « à l'image
d'un enfant qui marque ses premiers pas, disait le Professeur ROGER GABRIEL
NLEP, l'organisation générale du contentieux liée aux
élections est encore largement marquée par nombre d'imperfections
et d'oublis »159.
Sur le premier point, comment expliquer valablement
l'exclusion du citoyen du « prétoire du conseil constitutionnel
», instance principale du débat contentieux en matière
électorale lorsqu'on sait par exemple qu'au Bénin et au
Sénégal, possibilité est donnée à tout
citoyen d'y
153 Ibidem.
154 KASSABO (Léon Die), « Le contentieux de
l'élection présidentielle », op.cit., p.2.
155 MELEDJE (Djedjro Francisco), « Le contentieux
électoral en Afrique », op.cit., p.144.
156 Au rang de ceux-ci : le conseil constitutionnel qui veille
à la régularité de l'élection présidentielle
et des élections parlementaires (article 48 de la loi constitutionnelle
de 1996 ; article 132(1), article 168(1) et article 239(1) du code
électoral d'avril 2012), les tribunaux administratifs qui connaissent en
premier ressort du contentieux des élections régionales et
municipales (article 2(2), loi n°2006/022 du 29 décembre 2006) et
article 194 et suivants du code électoral d'avril 2012.
157 Allusion étant faite principalement à ELECAM
qui, au sens de l'article 10 du code électoral d'avril 2012 est
chargé par l'entremise du conseil électoral de veiller au respect
de la loi électorale par tous les intervenants de manière
à assurer la régularité, l'impartialité,
l'objectivité, la transparence et la sincérité des
scrutins, d'une part. D'autre part, il connaît à ce titre (...)
des contestations et réclamations portant sur les opérations
préélectorales et électorales, sous réserve des
attributions du conseil constitutionnel et des juridictions ou administrations
compétentes (...). Outre, le même code institue des commissions
électorales investies dans la pratique du contentieux électoral :
La commission locale de vote (articles 54 à 62), la commission
départementale de supervision (articles 63 à 67) et la commission
nationale de recensement général des votes (articles 68 à
69).
158 MELEDJE (Djedjro Francisco), « Le contentieux
électoral en Afrique », op.cit., p.142.
159 Cité par le Dr. NDJOCK, Cours de Contentieux
électoral, op.cit.
Le consensus en droit électoral camerounais
accéder. Cet empêchement qui s'inscrit à
l'opposé de la garantie de la loyauté du processus
électoral160 donne davantage l'image d'un « peuple
spolié de sa souveraineté »161. Relativement au
deuxième point noir du contentieux électoral, on notera la
persistance des actes exempts de tout contrôle juridictionnel. Tels sont
les cas de la convocation du corps électoral, du découpage des
circonscriptions électorales et plus globalement de tous les actes
liés à l'organisation des élections. Une telle
soustraction dans un contexte de construction de l'État de droit ne peut
qu'étonner lorsque dans un pays comme la France, pays donné comme
une grande démocratie, soumet les actes liés au découpage
électoral à l'hôtel du juge. Dans la mesure où la
délimitation des frontières électorales est d'une
importance capitale, les actes y afférant font l'objet d'un
contrôle effectué par le Conseil d'État pour les
découpages effectués par décret (Cantons) et du Conseil
constitutionnel pour ceux effectués par la loi162. En outre,
la gestion des irrégularités électorales constitue sans
doute l'un des plus curieux en Afrique noire. On est toujours frappé par
la rapidité avec laquelle le juge électoral balaie les recours
portés devant lui. Lorsqu'il ne déclare pas
l'irrecevabilité pour problème de forme, il applique sa
traditionnelle conclusion, à savoir que les irrégularités
observées ne sont pas susceptibles de remettre en cause la
sincérité de l'élection. Y a-t-il de petites fraudes ? En
tout cas l'histoire retient toujours les violences électorales qui
suivent. Sur un plan technique en fin, le Professeur JEAN DU BOIS DE GAUDUSSON
marquait ses distances sur le développement du contentieux
électoral en Afrique. En ce sens, il déclarait que « le
contentieux des élections se caractérisent dans la plupart des
États africains par une complexité décourageante pour les
populations provoquée par le partage des compétences entre
plusieurs juges et ordres de juridictions ainsi que les conflits qui ne
manquent pas de surgir dans l'applications des lois électorales
rédigées en des termes propices aux divergences
d'interprétations ... »163.
Malgré ces quelques moments de regrets pour reprendre
DODZI KOKOROKO164, la régulation du jeu électoral, on
l'espère atteindra sa phase de maturation pour sécuriser de
façon optimale la volonté des citoyens électeurs. Dans une
autre optique, son avènement autorise-t-il à
160 OLINGA (Alain Didier), « Justice
constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution
à la sérénité de la démocratie
élective et à l'enracinement de l'Etat de droit ? Le cas du
Cameroun », Conférence panafricaine des présidents des
Cours Constitutionnelles et Institutions Comparables sur le renforcement de
l'Etat de droit et de la démocratie à travers la justice
constitutionnelle, Marrakech (Maroc), 26-28 novembre 2012, p.5.
161 SADRY (Benoit), Thèse, op. cit., p.163.
162 GHEVONTIAN (Richard), « Les pouvoirs du conseil
constitutionnel français en matière électorale
», Séminaire UniDem, Les standards européens du droit
électoral (...), op.cit., p.76.
163 Cité par DODZI (Kokoroko), « Les
élections disputées (...) », op.cit., pp.152-153.
Le consensus en droit électoral camerounais
fonder un espoir sur sa vertu démocratique.
B- La compatibilité du dispositif normatif à
l'idéal démocratique
Toute législation électorale fondée sur
les principes relatifs aux droits politiques peut être un gage de
consolidation de la culture démocratique. Mais avant, les
autorités de l'État doivent s'évertuer à parvenir
à un équilibre politique capable de valoriser la construction
démocratique par la contradiction165. Cette dernière
qui suppose à la base l'existence d'un débat entre tous les
acteurs de la classe politique, devrait être perçu «
comme un moyen de rapprocher des points de vue divergents et asseoir un cadre
normatif accepté de tous »166. La mise en place de
cette « dynamique réflexive inclusive »167 aura
pour fonction d'arrimer le droit électoral à l'idéal
démocratique.
Parler de la compatibilité du dispositif normatif des
élections à l'idéal démocratique dans notre
étude, revient à envisager la conformité des règles
du jeu à l'expression de la société. Autrement dit, dans
la mesure où la représentation politique agit pour et au nom du
peuple, les actes législatifs et notamment électoraux pris par
celle-ci doivent en conséquence refléter la volonté du
peuple et par extension des acteurs politiques de premiers plan. En inscrivant
ainsi la politique électorale à l'école des valeurs
démocratiques universelles, les autorités étatiques
entendent promouvoir et faire valoir la volonté du peuple afin que
celui-ci devienne le véritable détenteur du droit
électoral168. Il sera alors nécessaire pour le
Cameroun particulièrement, de reconsidérer à l'avenir les
mécanismes actuels de la gouvernance électorale169 et
notamment de la politique d'élaboration des règles du jeu
« si on veut respecter le principe démocratique de la
primauté de la volonté du peuple »170. C'est
dire en dernière hypothèse que le support normatif en vigueur
dans un État, pour peu qu'il se veut démocratique et
accepté, doit être assis sur les valeurs et les exigences de la
société à laquelle il tire ses racines profondes.
En bref et clair, le législateur doit s'assurer que le
dispositif légal des élections soit le reflet plus ou moins
fidèle de la volonté du peuple souverain. Et ce n'est qu'à
partir de ce moment qu'on pourra envisager la part du droit électoral
dans le renforcement de l'état-nation.
164 DODZI (Kokoroko), « Les élections
disputées (...) », op.cit., p.117.
165 ETEKOU (Bédi Yves Stanislas), Thèse, op.cit.,
p.42.
166 ETEKOU (Bédi Yves Stanislas), Thèse, op.cit.,
p.43.
167 Empruntée à ETEKOU (Bédi Yves
Stanislas), op.cit., p.44.
168 SOBZE (Serge), Note sous jument n°119/CEL du 07
août 2007, KWEMO Pierre c/ Etat du Cameroun (MINATD), Revue de Droit
Administratif, n°2, 1er septembre 2013, p.97.
169 Cf. p.106.
Le consensus en droit électoral camerounais
PARAGRAPHE 2: LE RENFORCEMENT DE L'«
ÉTAT-NATION »
Le chantier de l'état-nation jadis engagé par le
constituant camerounais de 1996171 est-il en phase d'être
renforcé avec la recherche d'un « compromis politique
»172 autour des règles électorales ?
173 Il existe donc une volonté étatique en ce sens
qui, au gré des conjectures politiques, essaye tant bien que mal
d'assoir un fondement juridique de l'adhésion de la
société à l'idéal politique
commun174.
Pour cette raison, le droit électoral est conçu
aujourd'hui en référence aux valeurs démocratiques pour
aider à la construction du « vouloir-vivre » ensemble des
peuples (B) vu la relative adhérence des fondements
matriciels175 de l'état-nation (A).
A- La relative adhésion des fondements matriciels de
l'état-nation
Les sociétés politiques modernes se sont
construites suivant des considérations différentes selon qu'on
soit à tel ou tel point du globe. Ainsi, la littérature
constitutionnelle des États met en lumière qu'à la base de
cette unité politique existe un certain « fond » qui permet de
les singulariser. Toutefois, notre propos n'est pas de refaire, encore moins de
réévaluer l'histoire constitutionnelle de ses
sociétés politiques 176 . Cependant, il serait utile
pour aborder la préoccupation qui est la nôtre notamment la
relative adhérence des fondements matriciels de l'état-nation, de
s'attarder sur les points saillants de la dialectique État et nation.
L'état-nation est un État177 qui
coïncide avec une nation178, c'est-à-dire, le
sentiment
170 SABI (Kassere Afo), Thèse, op.cit., p.464.
171 Dès la lecture du préambule de la loi
constitutionnelle de 1996, allusion est fait que « le peuple
camerounais (...) proclame solennellement qu'il constitue une seule et
même Nation (...) ».
172 Expression empruntée à ETEKOU (Bédi Yves
Stanislas), Thèse, op.cit., p.41.
173 La construction de l'état-nation dépend d'un
ensemble d'instruments, et le droit électoral se positionne
désormais comme un prétendant sérieux à cette
entreprise.
174 ETEKOU (Bédi Yves Stanislas), Thèse, op.cit.,
p.42.
175 Terme de construction ; celui qui sert de base à la
fixation des cotes en matière de constructions directes. Dictionnaire
Larousse, op.cit., p.
176 Lire à ce sujet SANDJE (Rodrigue Ngando), Etat
et nation dans le constitutionnalisme africain : Etude thématique,
Th. Doctorat en Droit Public, Université de Bourgogne, 17 juin 2013, 671
pages.
177 L'Etat fait l'objet de définition plurielle. Nous en
donnons quelles unes.
Le Littré. Le dictionnaire de référence
de la langue française, Varese, Editions Garnier, 2004, p.519,
« la forme du gouvernement d'un peuple, d'une nation (...)
».
Pierre AVRIL, Jean GICQUEL, Lexique droit constitutionnel,
Paris, PUF, 8e édition, 2001, p.55, « organisation
politique et juridique de la nation qu'elle personnifie. L'Etat est une
personne morale caractérisée par la détention
Le consensus en droit électoral camerounais
d'appartenance à un groupe (nation) structuré
autour d'une institution politique et administrative (État). Sa
naissance n'est donc pas un fait hasardeur. Dans un premier cas de figure,
l'État préexiste à la nation, et ensuite on cherche
à développer un sentiment national 179 : c'est
l' « état-nation ». Dans une seconde
illustration, des individus se reconnaissant d'une même nation et
manifestent leur volonté de vivre ensemble en se dotant d'un État
: on parlera alors de « nation-état ». De toutes les
théories formulées autour de « l'état-nation »
ou de la « nation-état » selon les cas, il est frappant de
constater la récurrence de l'idée d' « appartenance à
une communauté » où les individus auraient en partage
certaines valeurs existentielles.
Une fois ceci dit, il convient à présent
d'évaluer l'adhésion de ces valeurs à l'aune de
l'évolution des sociétés humaines. En rappel, les
développements qui ont précédés montre bien que
l'état-nation est un construit. Il est comparable à ce que l'on
pourrait qualifier de « phénomène de psychologie collective
». En ce sens, il est laissé à la merci du temps et peut
donc s'élargir, s'approfondir et même se
désagréger180. Si on prend les critères
développés par la tradition allemande on se rend bien compte
qu'à ce jour, des individus peuvent avoir en commun la langue, la race
sans pour autant manifester l'envie de vivre ensemble : les français et
les québécois partage la langue française et la race, cela
n'a pas suscité en eux l'envie de se rattacher. Bien plus, aucune
contrée n'a en commun une religion unique quand bien même certains
constituants revendiquent l'islam comme religion de l'État. Au pire
certaines sociétés se sont polarisées malgré ce
fond qu'ils avaient en commun (cas de la Corée, du Soudan). Quid de la
logique développée par la France? Là encore les
idées émises se heurtent à la dure réalité
du genre humain. De la sorte, le « vouloir-vivre ensemble »
dépend de ce qui lie les hommes à un moment donné. Ce lien
fondé parfois sur des considérations sociales,
idéologiques, politiques, économiques ne manquent pas de
s'évanouir tôt ou tard. Les exemples évoqués supra
témoignent de la fragilité des valeurs qui sont censés
constituer la base de l'état-nation. Au Cameroun la situation est encore
plus complexe où l'État a bien du mal à créer et
à maintenir durablement ce vouloir-vivre ensemble. On se souvient encore
du fameux plébiscite qui permit à une partie du
de prérogatives de puissance publique et par sa
soumission aux sujétions correspondantes. Sujet du droit international
public caractérisé par un territoire, une population et
l'existence d'un ordre juridique souverain. »
178 Selon MICHEL DE VILLIERS, Dictionnaire de droit
constitutionnel, 2e éd., A. Colin, Paris, 1997, p.149,
le terme nation avec « n » minuscule représente
l'élément humain. Cité par SANDJE (Rodrigue Ngando),
Thèse, op.cit., p.35. Tandis que nation avec « N » correspond
davantage à l'Etat.
179 Ce fut le cas en France, avec « l'obligation
d'utiliser le français dans tous les actes administratifs »
imposée par FRANÇOIS Ier par l'ordonnance de
Villers-Cotterêts en 1539 ; la création d'une école
gratuite laïque et obligatoire par JULES FERRY à la fin du
XIXe siècle ; la création des symboles nationaux.
Le consensus en droit électoral camerounais
« Cameroun anglophone » de se rattacher
définitivement au Nigéria voisin. C'est dire toute la
fragilité et le dynamisme du vivre ensemble. Dans ces conditions, face
à la peine des traditionnels fondements de l'état-nation comment
ne pas envisager la piste du droit électoral dans la réanimation
du vouloir vivre ensemble camerounais ?
De tout évidence, le droit électoral tel
qu'envisagé aujourd'hui dans l'État, regorge une
potentialité certaine mais attendue.
B À Les prouesses du droit électoral dans
la construction de la nation
Le doit électoral camerounais n'a cessé de
s'enrichir de la sève nourricière des valeurs internationales
depuis la période dite des « transitions politiques ».
Même s'il peine encore aujourd'hui à faire l'unanimité ou
tout au moins à marquer un niveau d'accord satisfaisant au sein de la
classe politique, un travail de fond est néanmoins en train d'être
abattu. Ce travail qui se situe entre autres dans la logique de la recherche
d'un compris autour des règles électorales a-t-il pris un
tournant décisif au lendemain de la ratification de la CADEG. En tout
cas, il nous semble que tous les regards sont désormais portés
sur ce droit quant à la pertinence d'une plus-value dans le laborieux
chantier de l'état-nation, tâche à laquelle les instruments
traditionnellement admis ont, en toute vraisemblance, montré leur
limite.
Pour autant que cet apport soit encore rangé au
musée des probabilités eu égard à sa quête de
légitimation, le droit électoral se donne pour ambition de
célébrer à l'hôtel de la diversité
l'unité de la nation et de la société politique. Au risque
donc de muer cette attente à de vains espoirs, la hardiesse doctrinale
préconise qu'un « consensus politique »181 soit
formulé autour des règles du jeu politique, auquel cas il
faudrait à l'inverse se remettre au hasard du « miracle ». De
toute évidence selon ETEKOU, ce consensus impliquerait au stade ultime
de la construction de la communauté, des choix politiques fondés
sur l'adhésion et la faveur des acteurs politiques et civils de la
société182. Le droit électoral qu'il s'agit
donc d'analyser dans cette perspective serait un excellent instrument de
cohésion sociale, à condition que ses promoteurs et notamment
étatiques soient capable d'y ajouter une dose suffisante de
légitimité acquise au terme d'une « négociation
politique » avec les acteurs de l'opposition. Une telle
180 Réflexions opérées par JEAN RIVERO sur
le « Consensus et légitimité », op.cit.
181 Lire ETEKOU (Bédi Yves Stanislas), Thèse,
op.cit.
182 ETEKOU (Bédi Yves Stanislas), Thèse, op.cit.,
p.47.
50
Le consensus en droit électoral camerounais
entreprise s'avère impérieuse pour faire du
droit électoral la lanterne du vouloir vivre ensemble dans une
société camerounaise étrillée par des divergences
multiformes. Au mieux, ce droit, s'il est produit dans des conditions propres
à promouvoir les valeurs de la société politique dans
toute sa diversité, pourra sans difficulté transcender les
clivages idéologiques qui minent l'unité nationale.
51
Le consensus en droit électoral camerounais
CONCLUSION CHAPITRE 2
Nous avons entrepris dans ce chapitre qui s'achève de
réfléchir sur la confirmation significative dont le consensus
fait l'objet en droit électoral.
Cette quête a mis de mettre en évidence des
éléments juridiques caractéristiques, lesquels attestent
de l'inscription du consensus au boulevard du processus électoral. De ce
fait, si le consensus de trouve désormais justifier sur le terrain du
droit électoral, sa reconnaissance comme fondement de ce droit
particulier révèle la volonté du constituant camerounais
à redéfinir les contours de la politique électorale. Le
droit électoral consensuel, du moins envisagé d'un point de vue
théorique tend à se positionner alors comme un instrument
incontournable dans l'édification et la consolidation de la
démocratie en générale et électorale en
particulier. Aussi se propose-t-il dans une perspective plus grande de
réanimer le vouloir-vivre ensemble des peuples qui se trouve
particulièrement en sursis au Cameroun.
52
Le consensus en droit électoral camerounais
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE
Au terme de la réflexion opérer dans cette
partie qui portait sur la construction certaine du consensus en droit
électoral camerounais, nous avons entrepris restituer dans l'ordre
théorique la noblesse d'une idée qui, tant bien que mal s'est
imposée comme une exigence normative dans la construction
démocratique d'une société politique enquête de
légitimité. La Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance qui a permis de planter ce décor
devait définitivement engager les États d'Afrique noire
francophone et particulièrement ceux réunis au sein de l'UA dans
le chantier d'une démocratie ancrée des valeurs de
l'international.
Le Cameroun, site principal à partir duquel s'est
structuré notre analyse nous a permis de faire valoir dans un premier
temps que l'émergence de l'idée de consensus dans la
matière électorale a été rendue possible à
la conjugaison des dynamiques externe et interne. Dans cette trajectoire, ces
dynamiques souterraines devaient-elles préparer en seconde articulation
la confirmation significative du consensus dans le champ normatif des
élections. Aussi a-t-il fallu sur ce dernier point mettre en
lumière des marques distinctives pour lever le doute sur la pertinence
juridique de cette valeur qui se trouve désormais
célébré au plus haut niveau de l'architecture juridique de
l'État.
Toutefois, si l'effectivité du consensus se
conçoit aisément sous l'angle théorique, sa mise en oeuvre
révèle d'étranges résistances. C'est que le
consensus, valeur constitutionnelle confirmée, reste encore
confinée dans les belles lettres de la constitution. De la sorte
lorsqu'il ne tombe pas dans l'oubli d'une attente messianique du décret
d'application, il est tout simplement laissé à la merci des
mécanismes complexes qui, en dernière analyse le range
définitivement au rayon « des voeux pieux ».
53
Le consensus en droit électoral camerounais
PARTIE II :
LA MISE EN OEUVRE INCERTAINE DU CONSENSUS EN
DROIT
ÉLECTORAL
Le consensus en droit électoral camerounais
Dans un ordre électoral qui se réclame
démocratique, l'élaboration du cadre juridique183 des
élections doit être une préoccupation majeure pour une
Nation en pleine construction. Il est donc dans l'intérêt des
acteurs politiques actants ou non de s'assurer que les règles encadrant
la compétition électorale, ainsi que la façon dont elles
sont appliquées, garantissent que de véritables élections
démocratiques aient lieu184. Dès lors il se forme au
sein de ces sociétés politiques une certaine sacralisation de la
fonction du droit électoral, qu'on a d'ailleurs vite fait de
considérer comme un ensemble normatif différent des
autres185, qui plus est, à lui seul une constitution pour
reprendre ROYER-COLLARD186.
Vu le contexte de construction démocratique et de
renforcement du lien social auquel le Cameroun et plus globalement l'Afrique
noire s'emploi depuis quelque temps, on peut être surpris de la
méthodologie juridique adoptée pour assurer l'effectivité
du consensus dans le processus de création des règles
électorales. En effet, l'analyse des mécanismes usités
pour produire le droit électoral révèle certaines
indiscrétions à la fois techniques et politiciennes qui entravent
considérablement le cours de la mise en oeuvre du consensus. La
combinaison de ces deux paramètres permet-elle de comprendre toute
l'ambiguïté du mécanisme d'implémentation du
consensus (Chapitre1), laquelle occasionne une incertitude sur sa
continuité (Chapitre 2).
54
183 Selon le RESEAU DU SAVOIR ELECTORAL ACE, le terme cadre
juridique pris sous l'angle électoral s'entend à un double sens
large et technique. Respectivement, il réfère d'une part à
l'« ensemble des règles constitutionnelles,
législatives, réglementaires, jurisprudentielles et
managériales qui, ensemble, établissent les droits relatifs au
vote utilisés par les citoyens pour l'élection des
représentants ». Et comme « un groupement de
techniques procédurales », d'autre part. P.8.
184 RESEAU DU SAVOIR ELECTORAL ACE, Cadre juridique,
op.cit., p.8.
185 OLINGA (Alain Didier), « Politique et droit
électoral au Cameroun (...) », op.cit., p.37.
186 Cité par OLINGA (Alain Didier), « Politique
et droit électoral au Cameroun (...) », op.cit., Ibid.
Le consensus en droit électoral camerounais
55
CHAPITRE 1 :
L'AMBIGUÏTÉ DU MÉCANISME DE MISE EN
OEUVRE DU CONSENSUS
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63
64
Le consensus en droit électoral camerounais
Il a déjà été posé que le
support normatif des élections au Cameroun se veut empreint de
l'idée de consensus. D'ailleurs BEDZIGUI CÉLESTIN n'a-t-il pas vu
juste quant-il affirmait que « la définition consensuelle des
principes et des modalités régissant le choix des dirigeants
tient une place importante dans le contrat social »187.
Cependant, ceci ne peut être vrai que si l'État consenti à
créer des mécanismes législatifs propres à garantir
son application. Cette dernière devra-t-elle préparer le terrain
à une politique électorale à même d'assurer le
développement d'une saine concurrence entre les acteurs politiques.
C'est dans cet esprit que le Professeur NARCISSE MOUELLE KOMBI à
déterminé qu'« un processus électoral
démocratique suppose l'existence de mécanismes aptes à
assurer une compétition ouverte ». S'il est utile de rappeler
qu'à la base d'un tel processus se trouve en bonne place le consensus
politique autour des règles du jeu, une analyse préalable de
l'environnement électoral a permis de mettre au-devant des anomalies
versant sur un tâtonnement manifeste des pouvoirs publics en la
matière188. Ces flottements sont entretenus au moins à
deux niveaux : d'une part, on fera remarquer que la production du droit
électoral et incidemment la mise en oeuvre du consensus sont les oeuvres
de la représentation politique. Or, comme on le sait, la
légitimité de cette dernière se trouve hautement
altérée, ses actes n'étant pas épargnés. On
peut donc rester perplexe face à l'inertie du constituant qui,
malgré cette déliquescence avéré189
n'ait pas trouvé opportun d'explorer de nouvelles pistes pour produire
la législation électorale. Sans doute entend-il promouvoir le
système de gouvernement représentatif190. D'autre
part, on notera l'existence d'un processus normatif équivoque,
c'est-à-dire, qui opère par deux logiques aux essences
opposées. C'est fort de ces évidences que nous avons entrepris
fournir dans ce chapitre, une grille de lecture sur les éléments
pratiques qui mettent en relief le caractère asymétrique de mise
en oeuvre du consensus du. Ce défaut de correspondance observé au
niveau structurel (section1) tend à s'amplifier lorsqu'on prend en
compte la récurrence de certaines considérations d'ordre
conjoncturel (section2).
187 Cité par OLINGA (Alain Didier), « Politique
et droit électoral au Cameroun (...) », op.cit., p.37.
188 Pour le Professeur ALAIN DIDIER OLINGA, s'il est vrai que
tous les acteurs s'accordent sur la nécessité d'un consensus
autour des règles, des divergences apparaissent nettement lorsqu'on
aborde les questions relatives au sens et au seuil de ce consensus. OLINGA
(Alain Didier), « Politique et droit électoral au Cameroun
(...) », op.cit., p.38.
189 Voir SADRY (Benoit), Thèse, op.cit.
190 Article 3(3) de la CADEG.
Le consensus en droit électoral camerounais
SECTION 1 : UNE AMBIGUÏTÉ STRUCTURELLE
ÉTABLIE
L'importance du droit électoral dans les États
enclins de construction démocratique et d'unité est
désormais confirmée. Cependant, l'analyse de cet édifice
normatif révèle une ingénierie complexe construite
à partir des organes disséminés à travers la
représentation politique. Cette architecture trouve son fondement dans
l'article 2(1) de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. Il ressort en
effet que la souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui
l'exerce entre autres par l'intermédiaire du Président de la
République et des membres du Parlement. Cette affirmation
constitutionnelle qui place la représentation politique191 au
coeur de la production législative constitue-t-elle par extension les
foyers de recherche et de mise en oeuvre du consensus. Or la
représentation politique qui est constituée des pouvoirs
évoqués (Exécutif et Législatif) opère,
à la lecture de la constitution, par des mécanismes
opposés. Malgré cette « ambiguïté construite
», et loin d'être un fait de hasard, le pouvoir constituant a
entendu mettre en interaction tous les leviers de la représentation
nationale dans la définition des règles du jeu politique pour
faire émerger dans « le meilleur des mondes possible »
l'opinion de toutes les couches sociales. Pour cette raison, celui-ci, en
confiant au Parlement le soin de déterminer le régime des
élections192 a tenu à rester fidèle à sa
logique en admettant les marges de manoeuvre de l'exécutif dans la
même matière (Paragraphe 1). Seulement, l'implication de ces
organes dans la production du droit électoral débouche
inéluctablement sur l'adoption d'un processus normatif ambivalent qui
présage une concurrence réelle (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LA PLURALITÉ DES ORGANES DE MISE
EN OEUVRE DU
CONSENSUS
D'entrée de jeu, il faudrait souligner une fois de plus
que la mise en oeuvre du consensus en droit électoral est
nécessairement liée à la création des règles
électorales. C'est dire autrement que le consensus, objet de notre
analyse, se réalise valablement au terme de la procédure
d'élaboration du droit électoral. Une fois cela dit, envisager la
pluralité « des pôles » de recherche du consensus dans
la fabrication de la loi électorale au sein de l'État peut
être perçu comme une marque politique visant à assurer
l'effectivité du consensus. Ce procédé met au premier plan
les
191 Pour une lecture approfondie, lire Paula Diehl et Alexandre
Escudier (dir.), La « représentation» du politique :
Histoire, concepts, symboles, Les Cahiers du CEVIPOF, n°57,
février 2014, 104 pages.
192 Article 26 de la loi constitutionnelle de 1996.
Le consensus en droit électoral camerounais
principales institutions de l'État au rang desquelles
figurent le Parlement (A) et l'exécutif (B). A- Le Parlement,
dépositaire du régime des élections
En dépit des multiples révisions
constitutionnelles, le constituant camerounais n'a cessé de
désigner le Parlement comme titulaire du régime des
élections. Dans cette suite, le pouvoir législatif qui est
positionné comme le principal lieu de fabrication du droit
électoral s'efforce-t-il par le biais du débat de faire valoir
les différentes sensibilités du peuple qu'il
représente193. Faut-il rappeler que l'Assemblée
Nationale représente la nation, tandis que le Sénat
représente les collectivités territoriales
décentralisées194. C'est lui qui détient alors
la compétence exclusive du vote des lois. De cette manière, SERGE
VINCENT NTONGA souligne que pour qu'une proposition ou projet de texte puisse
se transformer en loi, il faut nécessairement l'intervention d'un
certain nombre d'actes ou de techniques dont certains entre dans les travaux
préparatoires de la loi ... C'est la procédure
législative195. La conséquence de cette
prépondérance législative fait donc que toutes les lois
électorales depuis 1991, ont été adoptées par le
parlement196. Et pour garantir cette position, il a
été nécessaire d'introduire dans le processus
législatif des mécanismes dont la pleine utilisation permet une
recherche optimale du consensus. Il s'agit notamment du débat
parlementaire et du double examen des textes : Le premier est le point
culminant du travail parlementaire institué aux diverses étapes
de la procédure législative ; le second est la conséquence
de l'adoption du bicamérisme.
B- L'investissement du pouvoir exécutif dans la
matière électorale
L'implication de l'exécutif dans la production
législative tire son fondement dans la loi constitutionnelle du 18
janvier 1996.
Ainsi, aux termes de l'article 25 de ladite loi, «
l'initiative des lois appartient concurremment au Président de la
République et aux membres du Parlement ». L'article 28
renchérit en posant clairement que « dans les matières
énumérées à l'article 26 alinéa 2
ci-dessus,
193 Le Parlement, centre de décision et tribune
politique, est un foyer émetteur de langues composites. C'est le lieu
par excellence du débat politique. ERIC (Landowski), Le débat
parlementaire et l'écriture de la loi, In Revue française de
science politique, 27e année, n°3, 1977, p.428.
194 Lecture combinée des articles 15 (2) et 20 (1) de la
loi constitutionnelle de 1996.
195 NTONGA (Serge Vincent), « La procédure
législative devant l'Assemblée Nationale du Cameroun »,
CAFRAD, Cahiers Africains d'Administration, n°58, p.2.
196 OLINGA (Alain Didier), « Politique et droit
électoral au Cameroun (...) », op.cit., p.32.
Le consensus en droit électoral camerounais
le parlement, peut autoriser le Président de la
République, pendant un délai limité sur des objectifs
déterminés, à prendre des ordonnances (...) ». S'il
n'est pas utile de s'attarder sur le fait que par ces deux considérants
le Président de la République est un véritable
législateur, il est toutefois à souligner qu'en matière
électorale, c'est sur habilitation du Parlement que celui-ci est
fondé à légiférer. Il en est ainsi pour la simple
raison que le domaine des élections relève de la
compétence du Parlement. C'est d'ailleurs pour cette raison que le
Professeur ALAIN DIDIER OLINGA a tenu à confirmer cet état de
lieu lorsqu'il souligna qu'« en principe, la constitution n'a pas
institué le pouvoir réglementaire comme instance de production du
droit électoral »197. Mais la question
inévitable qui se pose est celle de savoir si cette instance permet
véritablement de faire valoir l'idée de consensus lorsqu'on
connait la méthode utilisée.
En tout état de cause, l'étude de la mise en
oeuvre du consensus par des organes aux essences opposées a permis de
mettre en lumière l'existence d'une procédure198
concurrente.
PARAGRAPHE 2 : L'AFFIRMATION DE DEUX PROCÉDURES
CONCURRENTES
L'idée de concurrence dans la mise en oeuvre du
consensus est consécutive à l'existence de méthodes aux
allures opposées. Cette concurrence s'évalue dans l'admission de
procédés parlementaires (A), et aux côtés desquels
se déploient aussi les procédés usités par
l'exécutif (B)
A- Les procédés parlementaires
Dans la recherche de la manifestation du consensus en droit
électoral, le Parlement dispose des moyens spécifiques. C'est en
effet dans l'institutionnalisation du débat parlementaire et de
l'existence d'un double examen des textes qu'il faut mesurer la pertinence
d'une telle prétention.
Sur le premier point, notamment le débat parlementaire,
c'est la modalité qui lie le travail parlementaire. Le débat
parlementaire est échelonné à divers stades de la
procédure depuis le dépôt des textes sur le bureau de
l'Assemblée Nationale et du Sénat, jusqu'à leur adoption
finale en assemblée plénière199 en passant par
une seconde lecture éventuellement200. Et ce n'est
qu'à la
197 OLINGA (Alain Didier), « Politique et droit
électoral au Cameroun (...) », op.cit., p.33.
198 La « procédure est synonyme d'un
processus, de progression. C'est une trajectoire à suivre
destinée à obtenir un résultat » : ATANGANA
(Etienne Joël Louis), Thèse, op.cit., p.74.
199 Article 29 (1) de la loi constitutionnelle de 1996.
200 L'article 19 (3) de la loi constitutionnelle de 1996
dispose qu'« avant leur promulgation, les lois peuvent faire l'objet
d'une demande de seconde lecture par le Président de la
République (...) ».
Le consensus en droit électoral camerounais
fin de ce débat que le Parlement, par une
délibération c'est-à-dire par une résolution
collective, prise à la majorité des voix, adoptera
définitivement le texte. Telle est du moins la lecture faite par le
Doyen MAURICE HOURIOU201. En conséquence, la
législation qui émerge du Parlement à de particulier que
son contenu est déterminé, selon ÉRIC LANDOWSKI,
« par une confrontation préalable entre parlementaires (...)
à travers l'échange d'arguments et de contre-propositions, de
démonstrations et de réfutations »202.
Cette apologie du débat parlementaire prend-t-elle en
compte la réalité de l'environnement politique qui conditionne le
fonctionnement du Parlement ? À vrai dire, l'éloge fait au
débat parlementaire ne prend pas en compte certaines
considérations pratiques car la vitalité et la pertinence de
celui-ci dépend entièrement de l'équilibre politique de
l'institution parlementaire. C'est dire autrement que la pertinence du
débat parlementaire est largement tributaire de la configuration
politique même du Parlement. En clair, le poids du débat
parlementaire ne prend une résonnance objective que si les deux camps
qui s'affrontent sont équilibrés. Dans le cas contraire, on aura
un débat à sens unique, c'est-à-dire, « une suite de
monologues disjoints »203 . Tout se passera alors comme si la
tribune parlementaire était un lieu réservé à ceux
de la majorité qui ont en commun les mêmes intérêts,
qui parlent d'une même voix ; les dissidents étant proscrits. Quoi
qu'il en soit, l'issue de ce débat est sanctionné par ce que
ÉRIC LANDOWSKI204 appel « l'arbitrage quantitatif »
qui conduit à l'adoption d'un texte en considération de la
règle majoritaire. Cette règle fondamentale qui a
été propulsée au rang de légitimation du pouvoir
politique en régimes démocratiques à la fâcheuse
vocation à faire taire l'opposition205, même si ALAIN
FENET fait remarquer que les actes législatifs et notamment ceux
illustrés dans la matière électorale ne sont pas par
essence arbitraire, dans la mesure où ils ont à l'origine une
base sociologique206.
Pour le dire, il suffit simplement de se remémorer les
propos de l'ancien porte-parole du Gouvernement KONTCHOU KOUOMEGNI AUGUSTIN qui
en substance déclara que « dans aucun régime
démocratique au monde d'aujourd'hui la majorité n'a l'obligation
d'aller s'entendre avec la minorité pour venir ensuite gouverner(...) Et
je ne sais pas si actuellement dans l'une des grandes démocraties
occidentales le gouvernement est fondé sur l'entente entre la
majorité et l'opposition »207. Cette vision
rétrograde et à la limite « fantaisiste » pour
reprendre le
201 Cité par Jean GICQUEL et Eric GICQUEL, Droit
constitutionnel et institutions politiques, Paris, Domat Montchrestien,
21e édition, 2007, p.631.
202 LANDOWSKI (Eric), « Le débat parlementaire
(...) », op.cit., pp.433-434.
203 LANDOWSKI (Eric), « Le débat parlementaire
(...) », op.cit., p.441.
204 LANDOWSKI (Eric), « Le débat parlementaire
(...) », op.cit., p.438.
205 SADRY (Benoit), Bilan et perspectives de la
démocratie représentative, Thèse, op.cit., p.321.
206 FENET (Alain), op.cit., p.99.
207 Voir Cameroon Tribune, n°6438 du lundi 22, septembre
1997, pp.3-4. Propos analysé par OLINGA (Alain Didier), «
Politique et droit électoral au Cameroun(...) », op.cit.,
p.40.
Le consensus en droit électoral camerounais
Professeur ALAIN DIDIER OLINGA, illustre fort bien le sort
réservé à la minorité politique en
générale et celle parlementaire en particulier. Il conviendrait
alors d'échauder des politiques d'équilibre pour corriger et
atténuer les imperfections du paradigme majoritaire208 qui
cantonnent la minorité à une insignifiance
certaine209. L'objectif étant à long terme, de
guérir le « mal de consensus » dont souffriraient selon
MILACIC SLOBODAN210les démocraties contemporaines, puisque le
vote majoritaire, en dernière analyse, dénature l'idée
véritable de consensus au point d'en diluer la consistance. De toute
évidence, dans une situation où une classe politique fusse-t-elle
majoritaire s'accorderait sur les termes d'un texte au dépend d'une
autre, il ne sera pas étonnant que la doctrine le qualifie de «
consensus biaisé »211. Cependant l'on doit rester lucide
sur la pratique réelle de ce mécanisme, car même s'il est
admis que la discussion d'une loi électorale est d'un enjeu politique de
première importance, il serait naïf, comme le souligne le
Professeur ALAIN DIDIER OLINGA de penser que le discours sur la
nécessité du consensus est politiquement
désintéressé212.
Sur le second moyen, le double examen des textes comme on la
indiqué est la conséquence de l'adoption par le Cameroun d'un
système bicaméral. Ce bicamérisme qui s'entend dans
l'existence de deux chambre au Parlement induit que tous les textes soit
examinés à la fois par le Sénat et l'Assemblé
Nationale. Cette exigence a pour avantage de densifier les débats avant
toute adoption finale des textes, et des règles électorales au
cas d'espèce. Mais comme l'a relevé plus haut, la configuration
déséquilibrée du Parlement camerounais qui produit
déjà un résultat mitigé du débat
parlementaire, tend aussi à édulcorer la sincérité
du double examen des textes en même temps qu'elle éloigne la
perspective d'une navette. Relativement à la navette parlementaire,
certaines précisions méritent d'être faites.
Dans la recherche du consensus autour des textes
législatifs, il a été institué dans les Parlement
des mécanismes particuliers. Ceux-ci, essentiellement axés sur le
débat parlementaire s'échelonne comme on l'a déjà
précisé, à divers stade de la procédure
législative. Il est à noter que théoriquement, ce
débat peut être prolongé par ce qu'il est convenu d'appeler
« navette
208 NJOYA (Jean), « Etats, peuples et
minorités en Afrique sub-saharienne : contraintes anthropologiques et
défi démocratique », 4e Forum Mondial des
droits de l'homme (Thème Identités et minorités : vivre et
agir ensemble dans la diversité), Nantes-France, 28 juin 1er juillet
2010, p.16.
209 Ibidem.
210 Cité par NJOYA (Jean), « Etats, peuples et
minorités en Afrique sub-saharienne (..) », op.cit., p.16.
211 OLINGA (Alain Didier), « Politique et droit
électoral au Cameroun (..) », op.cit., p.38.
212 OLINGA (Alain Didier), « Politique et droit
électoral au Cameroun (..) », op.cit., p.38.
Le consensus en droit électoral camerounais
parlementaire ». Ainsi, cette exigence qui s'origine du
texte constitutionnel et réitéré par le règlement
intérieur des assemblées permet d'aboutir à une «
écriture » objective de la loi. Dans le cas qui nous
préoccupe, il faudrait préciser d'entrée de jeu que la
navette parlementaire qui figure au rang des grandes innovations du travail
parlementaire au Cameroun, doit son avènement à un
réajustement du système parlementaire effectué par le
constituant camerounais de 1996213. Ce bref aperçu permet
donc d'établir avec KAMO TIEKWE que l'avènement de la navette
parlementaire et le système bicaméral sont consubstantiellement
liés214. Bien plus, suivant le raisonnement de COLIN
JEAN-PIERRE, elle favorise la recherche du consensus
démocratique215 puisqu'elle a vocation à prolonger les
débats entre les deux chambres réunies en commission mixte. Elle
a alors le mérite de redorer d'un point de vue théorique les
débats au sein du Parlement.
Seulement, lorsqu'on aborde la question pratique de son
exercice, on découvre la réalité d'une institution
laissée à la merci de la conjecture politique. Il en est ainsi
parce que le jeu de la navette parlementaire n'est ouverte qu'à partir
du moment où il n y a pas accord absolu entre les députés,
après rejet de tout ou partie du texte par les sénateurs, et le
Président de la République peut convoquer la réunion d'une
commission mixte paritaire216. C'est dire toute la contingence de
cette procédure. Or les Parlements tel qu'on les connaît dans le
monde sont composés d'individus partageant les mêmes convictions,
et regroupés suivant leur sensibilité politique de telle sorte
que d'un côté il y a une majorité et de l'autre une
minorité. Cette configuration presque constante crée un
déséquilibre conséquent au sein de l'institution
parlementaire, rendant alors le déclenchement de la navette quasiment
improbable. Et c'est à cette idée qu'elle confirme son
caractère éventuel, tout en marquant une rupture dans la
recherche du consensus.
Déjà minée par la force du nombre,
l'idée d'un processus législatif consensuel n'est-elle pas
définitivement larguée par l'adoption d'une garantie qui
étrangement subit le même sort que l'illusion entretenue autour de
la séance plénière. En conséquence, il n y a plus
lieu de faire la surenchère d'une procédure dont la mise en
oeuvre est subordonnée à la survenance d'un éventuel
désaccord entre les parlementaires de la majorité. La conclusion
qui s'impose alors est que le
213 Cf. KAMO TIEKWE (Idrys Sorel), La navette parlementaire
au Cameroun, Mémoire de DEA, Droit Public Interne,
Université de Douala, 2013/2014, p.32.
214 KAMO TIEKWE (Idrys Sorel), Mémoire, op.cit., p.30.
215 Cité par KAMO TIEKWE (Idrys Sorel), Mémoire,
op.cit., p.13.
216 Article 30 (3.c.) de la loi constitutionnelle de 1996.
Le consensus en droit électoral camerounais
débat parlementaire aussi bien que la navette qui
l'accompagne, éventuellement, ne sont que de belles institutions qu'on a
malheureusement vite fait de couronner en droit parlementaire camerounais.
B- La survivance des procédés
unilatéraux
Dans une société soucieuse des grands
équilibres politiques, l'élaboration des règles
électorales doit obéir à des mesures propres à
prévenir tout « monopole politique et administratif du
pouvoir». Ceci étant, la pratique électorale
développée dans les pays d'Afrique noire francophone peut
susciter des interrogations lorsqu'on sait toutes les difficultés
politiques que ceux-ci traversent.
C'est que la législation électorale de ces pays
et donc du Cameroun fait l'apologie des actes unilatéraux dans
l'organisation des élections au profit du Président de la
République qui, il faut le souligner est lui-même engager avec son
parti dans la compétition électorale. Au rang de ces actes
figurent le découpage des circonscriptions électorales
217 , la convocation du corps électoral218, la
nomination et la révocation des autorités administratives et
« indépendantes » chargées de l'organisation et du
contrôle des scrutins.
Sur le premier moyen, les analyses du Professeur RICHARD
GHEVONTIAN sont formelles en ce que, « la question du découpage
électoral, c'est-à-dire la technique par laquelle le territoire
national (ou une partie de celui-ci) est divisé en circonscriptions
électorales dans lesquelles les électeurs sont répartis
pour exercer leur droit de vote, est déterminante a plan collectif sur
l'expression sincère de la volonté du corps électoral
» 219 . Pour l'auteur, la délimitation géographique des
surfaces électorales est d'un enjeu démocratique
particulièrement important car, soutient-il, si sa finalité est
détournée, et sa mise en oeuvre manipulée, le
résultat électoral obtenu de façon déloyale, ne
sera dû qu'à un regroupement artificiel
d'électeurs220. Cette inquiétude est partagée
par la plupart des organisations internationales s'étant
intéressées à
217 L'on peut entendre par circonscription électorale,
une « unité territoriale dans laquelle le vote définit
la manière dont les sièges sont distribués parmi les
candidats ou les partis politiques », RESEAU DU SAVOIR ELECTORAL,
op.cit., p.53. Au Cameroun, la carte électorale est l'oeuvre du
Président de la République, réalisée au terme d'un
décret notamment
218 Article 86(1) du code électoral.
219 GHEVONTIAN (Richard), « Les pouvoirs du conseil
constitutionnel français en matière électorale
», op.cit., p.76.
220 GHEVONTIAN (Richard), « Les pouvoirs du conseil
constitutionnel français en matière électorale
», op.cit., p.76.
Le consensus en droit électoral camerounais
cette problématique. Ainsi par exemple, pour la
fondation FRIEDRICH EBERT STIFTUNG, le fait pour le législateur de
laisser la maîtrise du découpage des circonscriptions
électorales à la discrétion du Président de la
République, est perçu comme un moyen favorisant l'expression de
la fraude électorale221. En réalité, au
Cameroun il n'est pas rare que les découpages soient faits de
manière totalement calculée. Dans ce contexte, l'autorité
compétente en raison de ses affinités politiques n'hésite
pas à allouer la majorité des circonscriptions dans des zones
favorables. Cette technique selon la fondation FRIEDRICH EBERT STIFTUNG
consisterait en l'utilisation du pouvoir du décret pour doter les zones
favorables à certains partis politiques en vue de compenser celles qui
leur seront hostiles, ou à créer de nouvelles circonscriptions
électorale à la veille de l'échéance222.
De même, il serait curieux de constater que malgré les
règles de découpage, qu'au Cameroun la distribution des
sièges soit faite de manière tendancieuse. Pour cette raison,
certains pays telle l'Allemagne confie à une commission spéciale
le soin de procéder à un tel découpage.
À cela vient s'ajouter la convocation du corps
électoral. Encore laissée à la diligence du
Président de la République, la discrétion quelle suppose
permet-elle d'ouvrir une fois de plus une brèche à la fraude.
C'est du moins la conclusion que la FRIEDRICH EBERT STIFTUNG tire, lorsque
celle-ci permet d'entretenir un flou quant à la tenue exacte du jour de
l'élection. En effet, selon cette fondation, « elle consiste
à donner la latitude au Président de la République qui est
un acteur et partie prenante au processus de déterminer de façon
unilatérale la date des élections »223. Le
Président qui détient donc seul l'agenda électoral peut
allègrement utiliser ce gadget légal à des fins politiques
et surprendre ses adversaires. Pour cette organisation internationale, ces deux
moyens unilatéraux ne sont ni plus ni moins que des « fraudes
légales ».
Cette liste non exhaustive s'accompagne de la nomination et de
la révocation des organismes étatiques investis dans la conduite
des élections. Laissée une fois encore à la
discrétion du Chef de l'État. Aux termes de l'article 12 (3) du
code électoral camerounais de 2012, « le Président, le
Vice-Président et les membres du Conseil Electoral sont nommés
par décret du Président de la République après
consultation des partis politiques représentés à
l'Assemblée Nationale et de la société civile ».
Cependant, il y a un silence coupable de ce code
221 FRIEDRICH EBERT STIFTUNG, Prévenir et lutter
contre la fraude électorale au Cameroun, op.cit., 15.
222 Tel fut le cas en 2007 avec la création de 60
nouvelles circonscriptions électorales créées à
moins d'un mois des élections législatives et municipales.
FRIEDRICH EBERT STIFTUNG, Prévenir et lutter contre la fraude
électorale au Cameroun, op.cit., 15.
223 FRIEDRICH EBERT STIFTUNG, Prévenir et lutter contre la
fraude électorale au Cameroun, op.cit., 15.
65
Le consensus en droit électoral camerounais
non seulement sur la forme de cette consultation, mais aussi
sur son sa force juridique. La nomination du Directeur Générale
et du Directeur Adjoint ELECAM est régie à l'article
24(1)224.
Cet état juridique est clôturé par
l'irrecevabilité des demandes formulées contre ces actes,
lesquels sont qualifiés d'« actes de gouvernement » 225 et de
facto couverts d'immunité juridictionnelle.
SECTION 2 : LA PRISE EN COMPTE DES
CONSIDÉRATIONS D'ORDRE
CONJONCTUREL
Les organes chargés de la mise en oeuvre du consensus
en droit électoral sont par nature des organes politiques. Et en
dépit des moyens juridiques dont ils disposent pour réaliser
l'idéal de consensus, il n'est pas rare que ceux-ci en face usage pour
d'autres fins ou bien qu'ils cèdent à la manipulation. C'est dans
cette logique que MPESSA ALOYS226 affirmait opportunément que
« `'les institutions juridiques» ne sont jamais ce qu'on croit
qu'elles sont. Produit de l'imagination intellectuelle des hommes, elles
révèlent leur caractère réel au contact des
réalités sociales qui les façonnent ». La
combinaison des facteurs tels la dérive du pouvoir législatif (A)
et la participation mitigée de l'administration dans le jeu
électoral (B) tend à conforter cette thèse.
PARAGRAPHE 1 : LA DÉRIVE DU POUVOIR
LÉGISLATIF
Par dérive, il faut entendre au sens du Dictionnaire
Hachette Encyclopédique227« l'évolution
incontrôlée et dangereuse d'un phénomène ou de
l'action de quelqu'un », ou « le fait de ne pouvoir se diriger, de se
laisser aller, d'être sans volonté ». Parler alors de
dérive du pouvoir parlementaire revient à envisager
l'incapacité pour ceux qui l'incarne à pouvoir affirmer leur
autonomie dans le jeu institutionnel, et notamment dans leur capacité
à assumer leur rôle de
224 L'article 24(1) dispose que « le Directeur
Général et le Directeur Adjoint des Elections sont nommé
par décret du Président de la République pour un mandat de
(5), éventuellement renouvelable, après consultation du conseil
électoral ».
225 Il est admis dans la tradition jurisprudentielle que les
actes de gouvernement s'apprécient en considération de la
matière à laquelle ils se rapportent. Ils doivent donc être
pris dans des domaines bien précis. C'est en effet à la suite de
quatre affaires distinctes (KOUANG GUILLAUME-CHARLES c/ Etat du Cameroun,
Jugement rendu en date du 31 mai 1979 ; ESSOMBA MARC-ANTOINE c/ Etat du
Cameroun, Jugement 29 mars 1980 ; ESSOUGOU BENOIT c/ Etat du Cameroun, 24 avril
1980 et 19 mars 1981) que le juge administratif camerounais sur les pas de son
homologue français, va définitivement fixer le contenu des actes
de gouvernement. Voir MAURICE (Kamto), Actes de gouvernement et droits de
l'homme au Cameroun, Lex Lata, n°026, mai 1996, pp.9-14.
226 Cité par BEGNI (Bagagna), « Les
ambiguïtés du bicamérisme en Afrique (..) »,
op.cit., p.153.
227 Cf. MBALLA OWONA (Robert), « Réflexions sur
la dérive d'un sacro-saint principe (..) », op.cit., p.93.
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74
Le consensus en droit électoral camerounais
représentants. L'instrumentalisation dont-ils font
l'objet, (A) déteint sur la séance plénière (B).
A- L'instrumentalisation228 des assemblées
parlementaires
Lorsqu'on se penche sur la condition réelle des
institutions politiques « rénovées » ou «
consolidées » au lendemain des transitions politiques des
années 1990, il est frappant de constater avec MATHURIN C.
HOUNGNIKPO229 que « le vent du renouveau a simplement
manqué d'apporter du vrai nouveau, car dit-il, Øles mordus du
pouvoir' en Afrique ont eu le temps de jongler avec l'histoire ». On se
rend compte en effet que le grand ménage institutionnel annoncé,
n'a en réalité été effectué que dans le sens
d'accroitre la sphère d'influence du Chef de
l'État230. Aidé par le jeu trouble de certains acteurs
dans le débat politique, les manoeuvres présidentielles ont
considérablement affaiblies les mécanismes classiques de la
représentation politique puisqu'elles agissent comme des forces
contraignantes sur les représentants de l'opinion231. Mais
comment comprendre l'instrumentalisation dont la représentation du
peuple fait l'objet ? À la base, BENOIT SADRY explique que le
système mis en place par les partis est tel que, avant de pouvoir
être candidat, un individu doit rechercher au préalable
l'investiture de l'une de ces entités pour bénéficier d'un
soutien politique et financier pour assurer sa campagne
électorale232. En sus de l'investiture du parti, une
poignée de parlementaires, à l'instar des sénateurs sont
nommé par le Président de la République233.
Cette nomination si elle ne constitue pas aux dire du Professeur ALAIN DIDIER
OLINGA234 une violation du principe général de non
contradiction, force est de reconnaître que les mécanismes actuels
mis en place pour assoir la représentation politique créent un
lien de dépendance du parlementaire vis-à-vis du Président
de la République, mais aussi des partis politiques. D'ailleurs pour
BÉGNI BAGAGNA, la
228 L'instrumentalisation peut être entendue comme une
« action, pour un système politico-économique, de
considérer l'Homme comme le moyen d'atteindre des objectif qui ne
correspondent pas à ses intérêts matériels et moraux
», MIGNARD (Patrick), L'illusion démocratique : Essai sur la
politique à l'intention de celles et ceux qui doutent ... Toulouse,
AAEL, janvier, 2003, p.106.
229 MATHURIN (C. Houngnikpo), « L'illusion
démocratique en Afrique », L'Harmattan, 2004, p.7.
230 Lire ONDOA (Magloire), « La
dé-présidentialisation du régime politique Camerounais
», in Solon, Revue Africaine de parlementarisme et de
démocratie, vol. II, n°1, 2003, PP.1-40.
231 SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.118.
232 SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.120.
233 L'article 20 alinéa 2 de la loi constitutionnelle du
18 janvier 1996.
234 Cité par BEGNI (Bagagna), « Les
ambiguïtés du bicamérisme en Afrique (...) »,
op.cit., p.154.
Le consensus en droit électoral camerounais
nomination des sénateurs réalise une
inféodation du pouvoir législatif par le pouvoir
exécutif235. Pour BERNARD CHANTEBOUT, ce système va
plus loin. En ce sens, les partis politiques interfèrent aussi, sur la
représentation par l'encadrement des groupes parlementaires (...). Les
représentants restent dépendant de leur famille politique tout au
long de leur mandat et, par ce biais, les partis tiennent les
assemblées236. Acculés en outre par la discipline du
parti, les parlementaires et notamment ceux de la majorité sont
réduits à des porte-parole de l'exécutif dominé par
le Président de la République, président du parti
majoritaire. C'est ce qui fait dire à BENOIT SADRY que les
décisions dans ce contexte paraissent bien arrêtées en
dehors du Parlement, celui-ci n'étant plus le lieu
privilégié de la discussion
délibérative237. Au-delà de cette
considération, le lien presque inébranlable entre le
parlementaire et le parti politique débouche sur le développement
de la « partitocratie ». Le phénomène de la
partitocratie qu'il est donné d'analyser dans le contexte africain en
rapport avec la production du droit électoral, est en
réalité une problématique qui préoccupe les pays du
vieux continent. Ce n'est donc pas un problème proprement africain. Nous
allons néanmoins nous focaliser sur le site qui est le nôtre pour
révéler la portée de la logique « partitocratique
» dans le système de fabrication des règles du jeu
politique.
Alors que le pluralisme s'obtenait à
l'arraché238, la société politique africaine
allait bientôt faire face à un système partisan miné
par un développement exacerbé de la partitocratie. Cette
dernière, ayant favorablement nourrit les fantasmes du parti unique
devait curieusement refaire surface à l'avènement proclamé
du multipartisme dès les années 1990. D'après MICHEL
HEINTZ239, « le régime des partis » tel que
pensé à l'ère du politique contemporain a abouti à
un gel du jeu politique au point d'empêcher l'émergence d'une
alternative franche, preuve que ce système s'est emparé des
rouages institutionnels. C'est que la prise en otage des processus
décisionnels par les partis240 a conduit à un
«verrouillage » institutionnel déversant sur ce que JEAN-LOUIS
BRIQUET241 appel le « clientélisme des machines
politiques » pour assurer leur maintien au sommet de la chaîne
politique.
235 BEGNI (Bagagna), « Les ambiguïtés du
bicamérisme en Afrique (...) », op.cit., p.154.
236 Cité par SADRY (Benoit), Thèse, op.cit.,
p.121.
237 SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.123.
238 AKA LAMARCHE (Aline), « L'évolution du
régime représentatif dans les Etats d'Afrique francophone,
Jurisdoctria, n°9, 2013, p.132.
239 HEINTZ (Michel), « D'une partitocratie
tempérée », avril 2006, pp.43-44.
240 SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.118.
241 BRIQUET (Jean-Louis), « Le clientélisme
politique dans l'Italie contemporaine », HAL, 16 décembre
2013, p.4.
Le consensus en droit électoral camerounais
Le clientélisme de parti242 duquel
émerge le « phénomène partitocratique »
constitue une véritable « anomalie » politique243
qui affecte largement les mécanismes de sécrétion du droit
en dénaturant la « sincérité » du débat
parlementaire. Et comme on le verra plus bas, il explique en partie le
déclin de la séance plénière. Dans ce sillage, on
comprend que, les parlementaires (surtout ceux de la majorité) plus
soucieux de la sauvegarde des intérêts des partis dont leurs
carrières dépendent, se livrent à des montages juridiques
orientés. La loi qui émerge dans ce contexte perd-t-elle toute
signification objective, au point de laisser les illustres BRUNO OPPETIT et
CARBONNIER sur un air nostalgique. Pour ces derniers, la loi est devenue une
technique de « pilotage à vue » devant servir les
intérêts immédiats 244 . Cette consistance
sommaire des implications de la partitocratie sur le fonctionnement normal des
institutions étatiques montre bien que la représentation
politique est sous l'emprise d'« un gouvernement occulte
»245.
Au totale, le Parlement au Cameroun est encore dominé
par un exécutif fort. Cette position qui a la particularité de
déteindre sur ses missions n'atteste-t-il pas du « déclin
» de cette institution. Cette dérive parlementaire qui est au coeur
de nos propos affecte principalement la séance
plénière.
B- Le « déclin » de la séance
plénière
Le rôle du Parlement au sein des démocraties
représentatives est essentiel, car il constitue un haut lieu de
rencontre des différentes sensibilités de la
société politique. Sphère par excellence de
création du droit électoral, et donc de recherche du consensus,
l'institution parlementaire captive désormais toute l'attention. Raison
pour laquelle le constituant camerounais de 1996 a par exemple entrepris
d'effectuer un réaménagement conséquent de l'institution
parlementaire en lui dotant d'une seconde chambre pour densifier les
débats autour des textes. Toutefois, même s'il est
indéniable que l'institutionnalisation du double examen des textes et
accessoirement de la navette parlementaire constitue les points focaux du
réaménagement de la procédure législative
246 , l'évolution supposée du « système
242 Employé par BRIQUET (Jean-Louis), op.cit., p.2.
243 BRIQUET (Jean-Louis), op.cit., p.2.
244 Cité par PERROT (Annick), « La doctrine et
l'hypothèse du déclin du droit », p.183.
245 SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.123.
246 KAMO TIEKWE (Idrys Sorel), Mémoire Master 2, op.cit.,
pp.23-24.
Le consensus en droit électoral camerounais
parlementaire »247 n'a guère
apporté une plus-value à la séance plénière,
instance du débat parlementaire. C'est pourquoi l'annonce de son
déclin 248 n'a pas manqué de susciter des
inquiétudes et des interrogations sur l'avenir et la qualité de
la production des règles du jeu politique. La particularité de
cette dégénérescence est qu'elle affecte inexorablement
l'ensemble du travail parlementaire, entrainant la séance
plénière à une ruine certaine. De ce point de vue, nous
serons naturellement tentés de nous poser les questions de savoir :
Qu'elles sont les raisons d'une telle débandade ? Qu'elles sont les
implications sur le processus législatif ?
Si les travaux de BENOIT SADRY permettent de mettre en relief
le déclin programmé249 du Parlement, ils ont surtout
permis de révéler au grand jour la face cachée du
débat parlementaire. Mais avant d'examiner cette question, nous
proposons de marquer un temps d'arrêt sur les deux interrogations
annoncées plus haut.
Relativement aux raisons susceptibles d'expliquer le
déclin de la séance plénière, il se dégage
des lectures possibles. Les premières, fondées sur un mobile
externe repose sur « le phénomène majoritaire
»250 et la discipline du parti. Comme l'observe JAN
PASCAL251, le phénomène majoritaire qui réalise
l'emprise de l'exécutif sur le législatif cantonne le dernier
dans un rôle d'exécutant des volontés gouvernementales. Au
Cameroun, le législatif a même été réduit
247 Reprenant les termes de KAMO TIEKWE (Idrys Sorel),
Mémoire, op.cit., p.20.
248 Lire à ce sujet SADRY (Benoit), Thèse,
op.cit., pp.59-70. Egalement XAVIER VANDENDRIESSCHE, « Le Parlement
entre déclin et modernité », Pouvoirs, n°99,
2001.
249 Dans ce contexte, on parle de « déclin
programmé » en considérant les implications juridiques de
certaines règles constitutionnelles qui impactent négativement
sur l'institution. BENOIT SADRY en donne quelques-unes :
L'énumération limitative des compétences
réservées au pouvoir législatif par rapport à
l'exécutif (article 34 de la constitution française et article 26
de celle camerounaise), la définition de la politique de la nation
laissée à l'initiative du Président de la
République (article 20 de la constitution française et article
5(2) de la constitution camerounaise), la portée limitée des
propositions loi et amendements (articles 40 et 41 de la constitution
française ; article 18(3.a) de la constitution camerounaise), la
maîtrise de l'ordre du jour des assemblées par l'exécutif
(article 48 de la constitution française), le fait majoritaire et la
délégation du pouvoir législatif (articles 38, 47(1) et
74(1) de la constitution française; articles 28 et 36de la constitution
camerounaise) qui viennent clore cette déchéance
annoncée.
250 Le fait majoritaire constitue une pratique politique qui
influence le cours normal de la vie des institutions. Selon ATAGANA ETIENNE, le
phénomène majoritaire est la situation dans laquelle la
majorité présidentielle coïncide avec la majorité
parlementaire. D'un autre côté, ce phénomène peut
être la résultante d'une coalition de partis politiques se
regroupant pour soutenir le Président. Dans tous les cas cette situation
a la particularité de conférer au Président de la
République un contrôle absolu sur l'institution parlementaire.
ATANGANA (Etienne Joël Louis), Thèse, op.cit., pp.199-200.
Aujourd'hui, il existe de plus en plus des cas où la
majorité parlementaire retire sa confiance à un Président
devenu encombrant bien qu'étant de la même famille politique. Les
exemples récents de la destitution de la Présidente
brésilienne par une initiative de ses camarades politiques en 2016, de
la présidente Sud-coréenne la même année, et de
celle qui pèse désormais sur le Président Sud-africain.
251 Cité par SADRY (Benoit), Thèse, op.cit.,
pp.61-62.
Le consensus en droit électoral camerounais
selon ATANGANA ÉTIENNE252 «
à un instrument servant à convertir les opinions politiques
du gouvernement en loi (...)». Les parlementaires qui se retrouvent
donc absorbés par les spirales du fait majoritaire sont en
réalité prisonnier des logiques des partis qui conditionnent et
orientent leurs comportements au sein des Assemblées, c'est la
discipline du parti. De cette manière, les débats qui
émergent ne sont qu'une « mascarade politique », une simple
formalité. Tout simplement que la discipline du parti qui s'impose au
parlementaire indique la démarche que celui-ci doit avoir lors des
débats.
Il est à annoter cependant que l'explication sommaire
du déclin de la séance plénière à partir des
éléments externes n'est que la face visible d'un plus grand vice.
En observant les interactions entre les parlementaires et les partis
politiques, le constat qui se dégage est que la plupart des membres du
Parlement sont rendus complice du déclin de ce prestigieux temps fort du
travail parlementaire. C'est ce que BENOIT SADRY a eu à mettre en
évidence lorsqu'il dénonça avec vigueur la pratique de la
partitocratie. Dans ce contexte, les parlementaires qui sont censés
défendre les valeurs et les intérêts nationaux, se livre
à corps perdu à « un banditisme » législatif
pour assurer la sauvegarde de leurs intérêts propres, mais surtout
ceux des partis responsable de leur investiture.
Que les causes du déclin de la séance
plénière soient d'origine externe ou interne, cela
dénature le débat parlementaire dans son essence profonde,
affectant au passage la production législative.
Certes « l'Assemblée
délibérante-l `enceinte parlementaire-demeure le cadre
institutionnel privilégié pour le développement de ce
débat contradictoire entre les arguments des groupes/partis majoritaires
et des groupes/partis minoritaires »253, mais dans ces
conditions on est amené à se demander si elle n'est pas devenue
une simple antenne du pouvoir exécutif comme CHRISTINE DESSOUCHES le
faisait remarquer à juste titre254 ? Ou alors n'est-elle pas
simplement placée dans une situation d'allégeance
vis-à-vis de l'exécutif255?
Dans tous les cas, il y a lieu de constater que le Parlement,
en renonçant peu à peu à son
252 ATANGANA (Etienne Joël Louis), Thèse, op.cit.,
p.290.
253 NABLI (Beligh), « L'opposition parlementaire (...)
», op.cit., p.128.
254 Cité par KARIM (Dosso), « Les pratiques
constitutionnelles dans les Etats d'Afrique noire francophone (...)
», op.cit., p.10.
255 CHARLES B. OUOBA, op.cit., p.59.
Le consensus en droit électoral camerounais
pouvoir d'initiative a favorisé le repositionnement
stratégique de l'exécutif 256 dans le jeu
institutionnel. Cette hégémonie confirmée de
l'exécutif dans le constitutionnalisme noire africain a consacré,
à bien d'égard, « l'exercice d'un présidentialisme
accru »257. On comprend désormais tout l'enjeu de la
« dé-présidentialisation » préconisée par
le Professeur MAGLOIRE ONDOA258. Aussi déroutant que cela
puisse paraître, les lois de la République ont fait du
Président le personnage autour duquel tout se fait et se défait.
C'est que le « phénomène majoritaire » induit un
soutien presque inconditionnel de la majorité parlementaire au
Président de la République, faisant de ce dernier non seulement
le chef de l'exécutif, mais aussi du législatif259. Il
n'est donc pas étonnant de constater le jeu trouble des institutions
publiques puisque celles-ci sont directement ou indirectement placées
sous son autorité, la séparation des pouvoirs n'étant que
formelle 260 . Du coup, les instances de création du droit
électoral, embrigadées à tous les stades du processus ne
feront que traduire la seule volonté du Président de la
République dans le texte qui malheureusement s'imposera à
l'ensemble de la société politique.
PARAGRPAHE 2 : LA PARTICIPATION MITIGÉE DE
L'ADMINISTRATION DANS LA RÉGULATION ÉLECTORALE
Dans une analyse de circonstance, SERGE PAULIN AKONO EVANG,
souligne opportunément que le rôle de l'administration dans le
processus électoral entre dans un contexte plus grand qu'il ne
paraît, notamment celui de la « dynamique administrative en Afrique
noire francophone »261.
Sans toutefois se lancer dans cette grande
problématique, nous avons circonscris notre étude à la
participation de l'administration dans le processus de formation du droit
électoral. Dans la mesure où celle-ci est jugée
mitigée, l'administration s'est-elle rendue responsable de tous les maux
à cause des relations incestueuse qu'elle entretient avec le
pouvoir262. Cet aperçu pour peu
256 SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.67.
257 AKA LAMARCHE (Aline), op.cit., p.29.
258 ONDOA (Magloire), « La
dé-présidentialisation du régime politique Camerounais
», in Solon, Revue Africaine de parlementarisme et de
démocratie, vol. II, n°1, 2003, PP.1-40.
259 ATANGANA (Etienne Joël Louis), Thèse, op.cit.,
p.200.
260 ATANGANA (Etienne Joël Louis), Thèse, op.cit.,
p.200.
261 AKONO EVANG (Serge Paulin), « L'administration et
le processus électoral au Cameroun : le désir étatique
constant de l'administration », volume III, n°7, août
2013, R.A.P.D, p.71.
262 C'est du moins la lecture opérer par Serge Paulin
AKONO EVANG, op.cit., p.73.
Le consensus en droit électoral camerounais
qu'il soit accablant pour une administration en quête de
marques ne peut manquer de susciter des interrogations, tant celle-ci
trône sous le dogme de la neutralité263, qu'au surplus
on pourrait soupçonner que la production du droit électoral ne
relève pas originellement de sa mission. Mais de toute évidence
l'administration d'une manière ou d'une autre intervient dans le
processus électoral et peut être appelé à prendre
des actes susceptibles d'avoir une répercussion sur la
législation électorale en vigueur. Mais que fait-elle
concrètement dans le processus électoral ?
Outre la collaboration et l'appui qu'elle apporte à
« Election's Cameroon » 264 , l'Administration265, «
bras séculier de l'État », est investie d'un pouvoir
réglementaire qui, selon VEDEL et DEVOLVÉ dans leur précis
de Droit Administratif lui donne la latitude « de faire des
règlements, c'est-à-dire de prendre des décisions
exécutoires de caractères générales et impersonnels
» pour mener à bien certaines missions liées au bon
déroulement d'une élection transparente et
démocratique.266 Par le biais de certaines
autorités étatiques267, l'Administration intervient
à plusieurs sites de la régulation électorale. En plus,
elle assure les mesures de polices en cas de menace à l'ordre
public268, les actes relatifs aux modalités de financement
publics des partis politiques269, des financements des campagnes
électorales et référendaires270. Faut-il encore
déterminer que les actes administratifs et notamment unilatéraux
constituent une source importante du droit, et donc susceptibles de
créer des droits et des obligations à l'endroit des
particuliers271, ou plus exactement des acteurs politiques voire des
citoyens électeurs. Quid de sa participation mitigée ?
Pour mieux comprendre ce rapport mitigé, il importe de
recentrer l'assise juridique de la participation de l'administration à
l'édification du support normatif des élections (A). Cette
263 Selon SABI (Kassere Afo), « La neutralité
s'analyse de l'interdiction faite à tout agent public d'user de sa
qualité ou de son autorité en faveur ou aux détriments
d'un candidat ou d'un parti », Thèse, op.cit., p.83.
264 En vertu des articles 3 et 4(1) du code électoral
de 2012, « Election's Cameroon » est un organe indépendant
chargé de l'organisation, de la gestion et de la supervision de
l'ensemble du processus électoral et référendaire.
265 Article 43(1) du code électoral.
266 Cité par AKONO EVANG (Serge Paulin), op.cit., p.79.
267 Suivant les articles 12(1) ,24(1) ,44(2) du code
électoral de 2012, le Président de la République
intervient dans la nomination et la révocation des membres d'ELECAM ; le
Ministre des finances désigne un comptable public (article 36) et nome
un commissaire aux comptes (article 37) ; le Ministre de l'administration
territoriale, le Gouverneur, le Préfet, le Sous-préfet et le
Maire désignent respectivement aux termes des articles 31, 32, 33, 34,
35, leurs représentants au sein des différentes commissions
électorales.
268 Articles 94 et 95 du code électoral.
269 Articles 279 à 283 du code électoral.
270 Articles 284 à 287 du code électoral.
271 Cour Fédérale de Justice, arrêt
Ngongang Njanke Martin, 20 mars 1968. Lire également Georges Vedel,
Pierre Delvolvé, Droit Administratif, Tome1, 12è
édition, Paris, Presses Universitaires de France, 1992.
Le consensus en droit électoral camerounais
analyse préalable a le mérite de mettre en
lumière le lien quasi naturel qui existe entre l'Administration et le
politique (B).
A- Le fondement de la participation de l'Administration
La politique électorale est des plus importantes dans
une société qui considère le mode électif comme
source de toute légitimité du pouvoir politique. La
compétition électorale qui se profile alors ne peut être
organisée dans un État démocratique sans une
législation appropriée272. Encore faut-il que des
institutions dignes de ce nom puissent assurer en conséquence une bonne
administration des élections. Justement comme on l'a vu vue plus haut,
au Cameroun un grand nombre d'institutions sont assignées à cette
tâche. Il s'agit principalement d'ELECAM273, des commissions
électorales274 (locale, départementale,
régionale et le cas échéant nationale) et de
l'Administration entre autres. Seule la dernière fait l'objet de notre
analyse.
Compte tenu des sens pluriels du terme « administration
», il est nécessaire de fixer un champ définitionnel
préalable. Ainsi dans notre contexte nous retiendrons à la suite
du Doyen GEORGES VEDEL et du Professeur ROGER GABRIEL NLEP que l'Administration
est « l'ensemble des organes et des activités qui, sous le
contrôle du gouvernement, tendent au maintien de l'ordre et à la
satisfaction des besoins d'intérêt général
»275. À la lumière des considérants
du code électoral276 de 2012 repris par l'auteur de
L'administration et le processus électoral au Cameroun, il est
facile de déduire sans équivoque une base légale de la
participation de l'administration dans la régulation électorale.
Au-delà de cette assise textuelle, il nous est donné d'observer
que l'organisation des élections, relevant d'un service publique ne
saurait échapper à la sphère d'intervention de
l'Administration. Cette dernière alors saisie comme une institution que
l'État mobilise dans la réalisation de ses missions, se trouve
inévitablement à la merci de l'instrumentalisation du politique
277 avec qui elle a un lien inébranlable.
272 Intervention d'OUMAR TOP, Directeur général
des élections au Sénégal, La présentation du
système électoral Sénégalais, 22 janvier
2014.
273 Article 4(1) du code électoral.
274 Article 54 et suivants du code électoral.
275 Cité par AKONO EVANG (Serge Paulin), «
L'administration et le processus électoral au Cameroun(...) »,
op.cit., p.72.
276 Cf. articles 12(3) ,24(1), 44(2) ; 31, 32, 33, 34,35 ; 94,95
; 279 à 287.
277 AKONO EVANG (Serge Paulin), op.cit., p.76.
Le consensus en droit électoral camerounais
B- Une Administration dominée par le politique
L'on doit toujours aborder le principe de la neutralité
administrative avec prudence. Il faut donc tenir compte à
l'évidence de son aspect organisationnel pour comprendre la
dérive de ce principe essentiel.
Le bilan mitigé de l'Administration dans la
régulation de l'élection, objet de notre analyse ne peut
être compris que si on s'intéresse de près sur ce qui la
lie foncièrement à l'État. Il existe en
réalité un lien ancestral entre l'État (institution
dirigé par le politique) et l'Administration, son « bras
séculier ». C'est en effet par elle que l'État assure la
réalisation de ses missions. L'Administration se définie donc
à certains égards aux missions qu'elle exécute au nom du
politique. L'organisation matérielle de l'élection qui est une
compétence étatique est accomplie sur le terrain par
l'Administration. On comprend dès lors que la gouvernance
électorale est un service public, lequel tombe inexorablement dans le
champ de l'Administration. Suivant ce raisonnement, l'Administration
exécute les missions à elle confiées par le politique en
matière électorale278. Et ce n'est qu'à partir
de là qu'on peut appréhender la problématique de la
partisannerie.
Peut-on penser un seul instant que le chien puisse mordre sa
propre queue ? La reprise de cet adage populaire sous la forme interrogative
aussi vulgaire qu'il puisse paraître, illustre bien la
réalité d'une fusion ou confusion entre les autorités
politiques à celles administratives. Il est difficile voir aventureux
d'établir une nette différence entre elles. Si d'un point de vue
théorique la distinction « politique et Administration » se
fait aisément, l'angle de la science administrative nous remet à
la réalité des faits. Proclamée non seulement par des
dispositions statutaires279 et confirmée par des
données de la science administrative 280 , l'assimilation des
autorités administratives à celles politiques laisse fort peu de
doute à la démarcation de ces deux entités.
L'Administration dans ce contexte est saisie comme un simple prolongement du
pouvoir
278 Aux termes de l'article 11 de la loi constitutionnelle du
18 janvier 1996, « le gouvernement est chargé de la mise en
oeuvre de la politique de la Nation telle que définie par le
Président de la République ». On peut également
se prêter à la lecture de l'Instruction générale
n°002 du 1er octobre 2002 relative à l'organisation du
travail gouvernemental. Texte révisé.
279 Selon l'article 2 (2) du décret n°94/199 du 7
octobre 1994 portant Statut Général de la Fonction Publique de
l'Etat, la Fonction Publique de l'Etat « est placée sous
l'autorité du Président de la République ».
280 Dans son cours de Sciences administratives, le
Professeur MANASSE ABOYA ENDONG ne manque pas d'analyser le champ de
l'Administration publique camerounaise : celle- ci se présente comme une
« pyramide » au sommet de laquelle se trouvent la « haute
administration » (Président de la République, Premier
Ministre, Ministres, les démembrements locaux de l'Etat) et
l'administration, formée par les fonctionnaires.
Le consensus en droit électoral camerounais
politique281.
Sinon comment envisager une distinction objective dans cet
imbroglio où des individus sont à la fois autorités
politiques et autorités administratives. Cette confusion de genre
entretenue et masquée par l'illusion de « dédoublement de
fonction » consacre le déclin du dogme de la neutralité de
l'administration.
Au regard de ce qui précède l'on pourra en toute
sérénité conclure avec GÉRARD TIMSIT à la
«crise de légitimité » 282 de
l'Administration, laquelle déteint négativement sur sa
contribution à la construction du champ normatif des
élections.
75
281 ROSANVALLON (Pierre), « La légitimité
démocratique », Seuil, Points Essais, 2008, p.5.
282 Cité par AKONO EVANG (Serge Paulin), op.cit., p.84.
76
Le consensus en droit électoral camerounais
CONCLUSION CHAPITRE 1
Au terme de cette analyse qui portait sur
l'ambiguïté du mécanisme de mise en oeuvre du consensus, il
a été mis en relief la difficile réception du consensus
sur le terrain de la procédure d'élaboration des règles du
jeu électoral. En effet, l'examen des différents pôles
d'émission du droit électoral couplé à la
procédure usité révèle que ceux-ci ne sont pas
aptes à assurer la continuité juridique du consensus. A
contrario, il s'est développé un véritable tourbillon
dissimulé sous la règle majoritaire dans la pratique
législative absorbant à son passage le consensus tant
clamé. En réalité, cette perversité
favorisée par la démocratie avait déjà
été dénoncée très tôt par les
illustres PLATON et ARISTOTE qui voyaient en elle une véritable tyrannie
de la majorité283.
Malgré cela, le constituant camerounais n'a pas
jugé utile de prendre des mesures adéquates pour atténuer
l'effet produit par cette règle afin d'assurer la
pérennité du consensus, déviant ainsi son engagement
à l'élaboration d'un cadre juridique et politique
nécessaire à l'instauration et au renforcement de la culture, de
la démocratie et de la paix et l'initiation des actions
appropriées notamment d'ordre législatif, exécutif et
administratif284. Contrairement à lui, le constituant
capverdien de 1990285 a pris par exemple la peine d'inclure des
dispositions fortes relatives à la politique de mise en oeuvre des
engagements internationaux. Ces dispositions sont de véritables «
obligatoires » pour les pouvoirs publics capverdiens de s'arrimer
nécessairement aux engagements internationaux dans la prise des actes
législatifs et réglementaires. Le cas camerounais qui nous
intéresse particulièrement nous apprends que les dispositions
constitutionnelles, fussent-elles des engagements internationaux devront
attendre les miraculés décrets d'application pour
déterminer les modalités de leur mise en oeuvre. Cette
fébrilité avérée du constituant va-t-elle
déteindre sur les options de la consolidation du consensus.
283 SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.27.
284 Article 11 et 44(1.a) de la CADEG.
285 Cas de l'article 11 (4) de la constitution de la
République du Cap Vert dispose que « les règles et les
principes du Droit International général ou commun et du Droit
International conventionnel dûment ratifiés ou approuvés
prévalent après leur entrée en vigueur dans l'ordre
juridique international et interne sur tous les actes législatifs et
réglementaires internes soumis aux principes de la constitution
après leur entrée en vigueur dans l'ordonnancement juridique
international et interne ».
Le consensus en droit électoral camerounais
77
CHAPITRE 2:
L'INCERTITUDE SUR LA CONTINUITÉ DU
CONSENSUS
78
79
Le consensus en droit électoral camerounais
La tendance majoritaire de la doctrine constitutionnaliste
semble unanime sur le fait que le droit constitutionnel africain a connu une
nette évolution dès les transitions politiques des années
1990. Ce droit qui est encore à ce jour enquête de fondements
solides connait par conséquent une constante mutation. Cette
dernière qui se réalise à l'aune de l'introduction de
nouvelles valeurs, objective-t-elle d'inscrire les constitutions d'Afrique
noire notamment, au concert des exigences démocratiques définies
à l'international. Le Cameroun mêlé dans ce mouvement
d'ensemble, n'a pas hésité à marquer de son empreinte son
adhésion à la nouvelle conception de la politique
électorale fondée sur la recherche du compromis et du consensus.
Si la ratification de la Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance (instrument de référence de
la gouvernance démocratique et des élections en Afrique) par le
Cameroun peut être aperçue comme une volonté de s'arrimer
à cette nouvelle donne, l'intention politique à elle seule ne
suffit pas. Car comme le dit si bien le Professeur ATANGANA AMOUGOU «
le degré d'en racinement de la démocratie est souvent
proportionnel à la volonté des dirigeants et au suivi des
conditionnalités » 286. Et dans le cas qui nous
préoccupe, cette noble intention se heurte à la
réalité du jeu politique des acteurs. Le résultat produit
est que les valeurs proclamées sont laissées à la merci de
mécanismes équivoques, lesquels s'évaluent tant dans
l'application que dans la consolidation.
Ces derniers points qui débouchent sur une incertitude
sur la continuité des valeurs définies au niveau constitutionnel
permettent de mesurer tout le « paradoxe du nouveau constitutionnalisme
africain » dont le Professeur ATANGANA AMOUGOU 287 faisait
état. La réception par les pouvoirs publics camerounais de
l'idée de consensus, entre autres valeurs dans la matière
électorale, montre bien que celle-ci fait l'objet d'une traduction
lacunaire dans le droit rénové (Section1). L'engrenage
institutionnel approximatif qui ne permet pas d'assurer l'atteinte d'un
résultat fiable va-t-il contribuer à amplifier la contestation
d'un droit déjà mal en point. Il importe donc de réajuster
le système de production de la loi électorale (Section 2) afin de
réaliser une entrée véritable au concert de la
démocratie.
286 ATAGANA AMOUGOU (Jean-Louis), « Les révisions
constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain »,
p.19.
287 ATAGANA AMOUGOU (Jean-Louis), op.cit., p.3.
Le consensus en droit électoral camerounais
SECTION 1 : LA TRADUCTION LACUNAIRE DU CONSENSUS DANS
LE DROIT RÉNOVÉ
Le renforcement des institutions politiques pour asseoir une
culture, de la démocratie et de la paix288 semble figurer
parmi les grandes oubliées du cortège d'engagements pris par le
Cameroun au niveau régional. Si le consensus est posé aujourd'hui
comme une valeur constitutionnelle s'imposant aux pouvoirs publics, on note une
absence totale de mesures spécifiques permettant de le consolider.
Aussi, l'évaluation des règles électorales telles qu'elles
ressortissent du code électoral d'avril 2012 montre bien que le
consensus fait l'objet d'une réception modérée. C'est en
effet par le traitement variable de cette valeur (Paragraphe 1) qu'il faudrait
comprendre toute la réticence du législateur de 2012. Et face
à cela, l'on note une incapacité réelle du juge à
assurer la pérennité d'une valeur dont l'importance est pourtant
proclamée en régime démocratique (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LE TRAITEMENT VARIABLE DU CONSENSUS PAR
LE LÉGISLATEUR DE 2012 : LE CAS DES ORGANISMES
ÉLECTORAUX
En vertu de la loi constitutionnelle de 1996, le Parlement
est, comme nous l'avons souligné, le titulaire désigné du
régime des élections. Il faut donc considérer en
conséquence que toutes les lois électorales sont adoptées
par lui. Or on le sait, ces lois qui ont vocation à régir
l'ensemble des situations électorales et référendaires
contiennent, entre autres, des dispositions spécifiques relatives
à la mise en place des organismes électoraux chargés pour
la circonstance. En réaffirmant donc l'organisation et le fonctionnement
d'ELECAM et des Commissions Électorales, le législateur de 2012 a
fait preuve de retenue quant à l'exigence constitutionnelle de
consensus. Dans la législation produite, si on peut observer une
certaine inclusion dans la composition et le processus décisionnel de
ces organismes (A), en revanche, la consécration par le
législateur du monopole présidentiel en matière de
désignation des membres desdits organismes tempère la
velléité déclarée (B).
288 Article 12 (2) de la CADEG.
80
Le consensus en droit électoral camerounais
A- L'inclusion dans la composition et le processus
décisionnel des organismes
électoraux
Pour la bonne tenue des élections au Cameroun, le
législateur de 2012 a sollicité l'apport des organismes tels
ELECAM et les commissions électorales. En réaffirmant la
composition et la modalité devant accompagner la prise de
décision par ces organismes, le législateur a-t-il fait preuve
d'une logique inclusive. C'est du moins la lecture que nous pouvons faire
à ce niveau lorsqu'on prend en considération l'effectif revu
à la hausse du Conseil Électoral. Ainsi, depuis la
révision du code électoral par la loi n°2012/017 du 21
décembre 2012, le Conseil Électoral compte désormais 18
membres289. À cet élargissement qui
s'interprète comme une volonté du législateur à
marquer cette instance de l'empreinte du consensus, il faut ajouter la
consultation préalable à la fois des partis politiques et des
acteurs de la société civile dans la nomination des
membres290. On peut toutefois regretter que la participation des
partis politiques et de la société civile en la matière ne
soit qu'à titre consultative, vu que les avis émis par ceux-ci ne
lient pas le Président de la République. À l'actif du
législateur, l'on notera aussi la composition inclusive des commissions
électorales qui, en fonction de leurs missions, sont constituées
des membres d'ELECAM, de l'administration, des partis politiques, du pouvoir
judiciaire et le cas échéant de la société
civile291. Cette inclusion dans la composition est également
de mise dans le processus décisionnel. À l'image d'ELECAM,
l'article 21du code électoral dispose en son alinéa 1 que
« les décisions conseil électoral sont prises par
consensus ou, à défaut, à la majorité simple des
membres présents ». En tout état de cause, la
présence des 2/3 des membres est nécessaire pour la
validité des délibérations.
Si la recherche du consensus demeure une exigence
légale dans la composition et la délibération, celui-ci se
trouve par contre exclu lorsqu'on prend acte de l'acte de désignation
des membres de ces organismes.
B- L'exclusion dans la désignation des membres des
organismes électoraux
L'acte de désignation des membres des organismes
électoraux est, au sens du code
289 Article 12 alinéa 1 du Code électoral.
290 Article 12 alinéa 3 du Code électoral.
291 Selon les cas, il s'agit en l'occurrence des articles 52(2) ;
53(2) ; 54(1) ; 64(1) ; 68(1) du Code électoral de 2012.
81
82
83
84
Le consensus en droit électoral camerounais
électoral, un décret du Président de la
République. À titre d'illustration, on peut lire aux termes des
articles 12(3) et 24(1) du code électoral que le Président, le
Vice-Président et les membres du Conseil Électoral ; le Directeur
Général et le Directeur Général Adjoint des
élections sont nommés par décret du Président de la
République. Ce décret, en dépit de l'indication selon
laquelle les partis politiques et la société civile doivent
être consulté, demeure un acte administratif unilatéral. Au
surplus, la consultation dont la loi électorale fait allusion ne
s'impose par au Président de la République, elle n'a aucune force
contraignante. Tout simplement, et au grand dam des partis de l'opposition, les
avis consultatifs, du point de vue du droit n'ont aucune charge normative et ne
s'imposent pas, en conséquence, à l'autorité publique. On
peut donc s'étonner de l'attitude du législateur qui
décidément réserve un traitement mesuré au
consensus. Les revendications de l'opposition prennent dès lors tout
leur sens. En effet, le SDF et le MRC ont introduit sans succès
plusieurs propositions de lois visant à instaurer l'élection
comme mode de désignation des membres des organismes
électoraux.
Qu'à cela ne tienne, face à ces actes du
législateur peu soucieux de la réalisation du consensus à
tous les niveaux, nous sommes portés à réfléchir
sur les moyens dont dispose le juge, seul rempart de la pérennité
du consensus.
PARAGRAPHE 2 : DES MÉCANISMES JURIDICTIONNELS
LIMITÉS
Dans son Contrat social, JEAN-JACQUES
ROUSSEAU292 affirmait que « l'obéissance à la
loi qu'on s'est prescrite est liberté ». À l'inverse,
la pensée de ROUSSEAU est révélatrice d'une
réalité qu'on ne peut plus feindre d'ignorer : qu'il est
difficile pour les citoyens de se soumettre à une loi lorsqu'ils ne s'y
reconnaissent pas, a fortiori lorsque celle-ci ne sert qu'à promouvoir
les intérêts égoïstes d'un individu ou d'un groupe
d'individus. Dans cette position, si cette idée permet de recentrer le
débat sur le rôle du juge électoral, garant du respect des
lois par les acteurs, c'est qu'il est de plus en plus confronté aux cas
de contestations desdites lois, bien plus encore, de leur
légitimité. La question qui se pose alors est celle de savoir que
peut le juge? Peut-il connaitre une action en contestation de la loi
électorale pour défaut de consensus ou tout au moins pour
inconstitutionnalité ?
Ces interrogations semblent a priori dénuées
d'intérêt lorsqu'on prend acte du champ
292 Cité par VERGEZ (André), HUISMAN (Denis),
Histoire des philosophes illustrée par les textes, Fernand
Nathan, paris-VIe, 1966, p.211.
Le consensus en droit électoral camerounais
matériel du contentieux électoral qui, à
tout égard, est bien circonscrit. Cependant l'instrumentalisation des
processus électoraux en Afrique noire devrait interpeller la doctrine
sur l'apport réel du « juge des élections » à la
protection des valeurs proclamées par le texte constitutionnel
nécessaires à l'édification de la démocratie.
L'étude du processus électoral camerounais depuis 1990 montre en
effet que l'évolution de celui-ci des luttes politiques, le juge ayant
très peu participé. La fonction du juge dans la matière
électorale est non seulement limitée (B), mais aussi soumis
à l'application d'un droit se déversant par le haut (A).
A- Le juge tenu par le droit
Dans une réflexion forte édifiante
opérée sur la justice en rapport avec la démocratie, PAPA
OUMAR SAKHO indiquait que « la démocratie et la justice sont en
Afrique des concepts qui coexistent dans une logique empreinte
d'ambiguïtés »293. En fait, si la contribution
du « juge de l'élection » à l'édification du
droit électoral est réelle294, celle-ci n'est faite
cependant qu'à titre exceptionnel, puisqu'il n'est pas, par essence, un
législateur. Du coup la fonction qu'on lui reconnait en droit
camerounais est essentiellement portée sur l'interprétation et
l'application des règles produites outre instances qui s'imposent
à lui295.
Le cas du juge camerounais qui nous intéresse
particulièrement révèle l'image d'un individu qui est tenu
de ne qu'agir dans le sens définit par la loi quelle que soit sa
formulation. On est donc en droit de se poser la question de savoir comment
peut-il valablement consolider l'idée de consensus dans la production de
la norme électorale lorsque lui-même en est exclu du processus ?
Tout se passe en effet comme si le juge était embrigadé dans un
mécanisme juridico-politique lui tombant sur la tête et auquel il
doit se soumettre pour connaitre les litiges soulevés à
l'occasion des compétitions électorales. Pour ainsi dire avec le
Professeur ALAIN DIDIER OLINGA, même si de nombreuses dispositions
électorales ont été éclaircies grâce aux
interprétations du juge, il reste que la norme électorale que le
juge de l'élection applique lui est donnée par le
législateur. Et lorsqu'on connait toute la contestation dont ces lois
font l'objet, on ne peut rester indifférent face à l'impuissance
du juge qui, malgré tout, est tenu de les appliquer
293 PAPA OUMAR SAKHO, « Quelle justice pour la
démocratie en Afrique ? », Seuil, Pouvoirs, n°129, 2009,
p.64.
294 Voir OLINGA (Alain Didier), « Politique et droit
électoral au Cameroun (...) », op.cit., pp.35-36.
295 OLINGA (Alain Didier), « Justice
constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution
à la sérénité de la démocratie
élective et à l'enracinement de l'Etat de droit ? »,
op.cit., p.2.
Le consensus en droit électoral camerounais
au risque de déni de justice.
Le juge de l'élection est-il alors dans l'impasse,
peut-on s'interroger sur sa fonction ? À cette question, le Professeur
ALAIN DIDIER OLINGA rappelle que dans l'analyse du travail du juge et
précisément constitutionnel en matière électorale,
il faut pouvoir distinguer ce qui est à imputer au producteur de la
norme à appliquer (et qui ne dépend nullement du juge) et ce qui
est attribué au choix interprétatif, au choix de posture
institutionnel, bref à ce que l'on appelle la politique
jurisprudentielle du juge296. C'est dire autrement que la fonction
du juge est hautement circonscrite à des matières définies
préalablement.
B- Une fonction contentieuse circonscrite
La justice électorale au Cameroun se présente
suivant une architecture bien ficelée au sommet de laquelle figure le
juge constitutionnel, aidé dans biens de matières par le juge
administratif et le juge pénal. Si l'on se féliciter à
l'idée de l'avènement de la justice électorale au
Cameroun, nous ne saurons cacher notre inquiétude sur les moyens dont
disposent les juges face à la résurgence de l'autoritarisme
normatif.
A priori, on pourrait croire que le juge constitutionnel, juge
de la constitutionnalité des lois et accessoirement juge principiel des
élections, dispose de tous les moyens nécessaires pour
protéger les valeurs proclamées au niveau constitutionnel. Pour
rappel, la justice constitutionnelle et la contestation juridictionnelle des
aspects liés à la gestion des processus électoraux sont
comme l'indique le Professeur ALAIN DIDIER OLINGA297, des
problématiques intimement liées. De la sorte, le travail du juge
constitutionnel semble donc aller bien au-delà des aspects
électoraux pour embrasser des domaines considérables, telle la
protection des institutions et des valeurs promues par la constitution. Cette
extension trouve-t-elle grâce aux yeux du Professeur ALAIN DIDIER OLINGA
pour qui, « le jeune juge constitutionnel africain est invité
à accompagner la balbutiante démocratie électorale
africaine, dans un contexte ou l'héritage du parti unique est encore
fortement prégnant, et ou la culture démocratique des
institutions (y compris du juge) est elle-même à bâtir
»298.
296 OLINGA (Alain Didier), « Justice constitutionnelle
et contentieux électoral », op.cit., p.3.
297 OLINGA (Alain Didier), « Justice constitutionnelle
et contentieux électoral », op.cit., p.2.
298 OLINGA (Alain Didier), « Justice constitutionnelle
et contentieux électoral (...) », op.cit., p.2.
Le consensus en droit électoral camerounais
Derrière cette apparente importance donnée
à la fonction juridictionnelle se cache un paradoxe assourdissant. En
théorie, on sait que le droit électoral est produit sur la base
des règles définies au niveau constitutionnel, depuis l'exigence
du respect des valeurs contenues dans le préambule jusqu'à la
procédure conduisant à son élaboration. Or le
préambule de la constitution contient des valeurs à incidence
électorale et au rang desquelles figure le consensus. À ce stade,
toute l'attention sera désormais focalisée sur la capacité
du juge constitutionnel à garantir le respect de cette valeur. Ceci est
d'autant plus vrai lorsqu'on sait que les mécanismes législatifs
actuels ne permettent pas de réaliser en toute
sérénité l'idée de consensus, vue la règle
majoritaire qui sanctionne in fine l'adoption des lois. On se pose alors en
toute légitimité la question de savoir, que peut le juge pour
pallier ce handicap procédural afin de restaurer un processus
véritablement consensuel ? Au surplus, un candidat ou un parti politique
est-il fondé à saisir le juge constitutionnel pour défaut
de consensus dans les règles du jeu politique, ou pour
inconstitutionnalité ? Ces interrogations ont la particularité de
nous plonger au coeur des incohérences et des paradoxes dont parlait le
Professeur ATANGANA AMOUGOU. Dans cette mesure, elles nous amènent
à constater que le juge constitutionnel est autant un spectateur que les
autres juges face à une législation produite au mépris des
valeurs constitutionnelles qu'il est censé protéger, et dont la
majorité aurait marqué son accord en totale indifférence
vis-à-vis de la minorité.
Il faut noter en passant l'irrecevabilité des demandes
pour défaut de consensus dans les règles (en considération
des matières inscrites à l'ordre des débats
contentieux)299 et pour inconstitutionnalité (en raison du
défaut de qualité de la personne du candidat, et/ou du parti
politique)300. Dans ce contexte, comment comprendre qu'un candidat
ou un parti politique soit fondé à saisir le juge constitutionnel
agissant, certes en qualité de juge électoral (notamment juge des
élections présidentielle et législative), et que ceux-ci
soient inapte à saisir le même juge pour
inconstitutionnalité ? Comment comprendre que le juge constitutionnel
chargé de veiller au respect de la constitution soit non seulement
exclut du processus législatif, mais aussi dépourvu
299 En effet, l'objet du contentieux électoral est
circonscrit aux éléments relatifs au rejet, acceptation ou
publication d'une candidature ou d'une liste de candidats ; la couleur, single
ou symbole adopté par le candidat ou parti ; l'annulation totale ou
partielle des opérations électorales. Lecture du Professeur
OLINGA (Alain Didier), « Justice constitutionnelle et contentieux
électoral (...) », op.cit., p.6.
300 Au sens de l'article 47 (2) de la loi constitutionnelle de
1996, « le Conseil Constitutionnel est saisi par le Président de la
République, le président de l'Assemblée Nationale, le
président du Sénat, un tiers des députés ou un
tiers des sénateurs.
Le consensus en droit électoral camerounais
d'un droit d'auto saisine ? Le Virgile de la constitution au
Cameroun serait-il alors comparable à cette flamme qui ne brûle
pas, ou bien à un simple décor institutionnel ? Réduit
à des tâches juridictionnelles classiques, l'apport du juge dans
la protection des valeurs proclamées par la constitution au Cameroun se
trouve en bien d'hypothèse voué à une insignifiance
certaine. Ce paradoxe persistant dans le constitutionnalisme camerounais
mérite que la fonction juridictionnelle soit revue dans son ensemble,
car comme le Professeur ATANGANA AMOUGOU le précise
opportunément, « les mouvements démocratiques n'auraient
aucune force si les risques d'instrumentalisation des constitutions demeuraient
réels »301.
(...) »304.
D'autres États ont par contre su construire une justice
constitutionnelle à la hauteur des enjeux démocratiques. À
l'instar du Bénin, aux termes de l'article 117 de la constitution, la
Cour Constitutionnelle statue obligatoirement sur la constitutionnalité
des lois organiques et des lois en général avant leur
promulgation302. En outre, le Professeur HOLO souligne dans
l'analyse de l'Émergence de la justice constitutionnelle
à partir du cas du Bénin que la jurisprudence de la Cour
Constitutionnelle « révèle aussi des situations
d'arbitrage, (...) entre la majorité et la minorité
parlementaires. Ainsi, saisie par la minorité parlementaire,
poursuit-il, qui conteste la répartition des personnalités
appelées à siéger à la CENA, répartition
imposée par la majorité parlementaire, la Cour, dans sa
décision DCC 00-078 du 07 décembre 2000, donne raison à la
minorité en jugeant qu'il faut tenir compte de la configuration
politique pour assurer la répartition de toutes les forces politiques
représentées à l'Assemblées Nationale (...)
»303. Elle a aussi eu l'occasion de se prononcer
l'année suivante sur requête de la minorité parlementaire,
en estimant que « la composition de la CENA, telle que
décidée par l'Assemblée Nationale conduit à une
confiscation de cette institution par certains groupes parlementaires en
violation de la règles d'égalité édictée
à l'article 26 de la constitution
C'est donc dire en conclusion que le juge constitutionnel
béninois contrairement à son homologue camerounais, en plus
d'avoir un rôle actif dans le processus législatif, dispose des
pouvoirs lui permettant d'élargir ses compétences pour
réaliser l'idéal démocratique. Le
85
Les présidents des exécutifs régionaux
peuvent saisir le Conseil constitutionnel lorsque les intérêts de
leur région sont en cause ».
301 ATAGANA AMOUGOU (Jean-Louis), op.cit., p.3.
302 Analysé par HOLO (Théodore), «
Emergence de la justice constitutionnelle », Le Seuil, Pouvoirs,
n°129, 2009/2, p.105.
303 HOLO (Théodore), op. cit., pp.105-106.
304 HOLO (Théodore), op. cit., p.106.
86
Le consensus en droit électoral camerounais
Cameroun gagnerait à prendre l'exemple béninois, ou
au besoin, à acclimater son système de production du droit
électoral pour une adhésion plus large des acteurs sociaux et
politiques.
SECTION 2: LE NÉCESSAIRE RÉAJUSTEMENT DU
CONSENSUS DANS LA DÉFINITIONS DES RÈGLES
ÉLECTORALES
Dans ses analyses sur les pratiques électorales en
Afrique noire francophone, le Professeur DODZI KOKOROKO revenait sur la
nécessité de revitaliser le champ électoral en
péril. Non pas qu'il faille précise-t-il « refaire ce
monde politique mais d'empêcher qu'il ne se défasse sous les coups
de boutoir de médiocres autorités pouvant tout détruire
(...) »305. De ce fait, les défis nés de la
violence électorale et politique mettent-ils en relief l'importance que
revêt la mise en place d'institutions à même de garantir
l'équilibre entre la compétition et l'ordre, la participation et
la stabilité, la contestation et le consensus306. Les
défis ainsi lancés devraient à long terme parachever
l'effort démocratique engagé depuis 1990. Toutefois compte tenu
des interférences politiques et juridiques qui n'ont cessé porter
de sérieux coup à cette entreprise, il devenait nécessaire
de murir l'idée d'une nouvelle approche politique dans
l'établissement des règles devant régenter à
l'avenir les compétitions électorales. Les autorités
publiques devraient donc, pour préparer les échéances
avenir, développer un sens aigu de la «gouvernance
électorale »307. Le travail consistera à la
longue à polir l'image de la « démocratie fantôme
» dont faisait allusion VAN BOVEN308. En effet, l'auteur
déclarait en substance que « nombre de situations nationales et
de régimes politiques, à travers le monde, ne sont guère
plus que des démocraties fantômes. Dans leurs constitutions et
dans leurs institutions politiques, les accessoires de la démocratie ne
sont qu'une façade. De larges secteurs de la population ne participent
aucunement à la vie politique, et il n'existe à peu près
aucune possibilité de critique ou de dissidence »309.
Ces propos qui coïncident avec le schéma politique actuel des
États d'Afrique noire francophone monopolisé par les « big
man » , justifient la thèse d'une ouverture significative des
sphères de création du
305 DODZI (Kokoroko), op. cit., p.121.
306 RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE L'UA, op.cit., p.17.
307 L'on pourrait entendre par gouvernance électorale
« l'adoption des techniques et d'élaboration des instruments
juridiques pouvant assurer la transparence électorale »,
Elément de définition proposé par SOBZE (Serge), Note sous
jument n°119/CEL du 07 août 2007, KWEMO Pierre c/ Etat du Cameroun
(MINATD), Revue de Droit Administratif, n°2, 1er septembre
2013, p.94.
308 Cité par SOBZE (Serge), Note sous jument
n°119/CEL du 07 août 2007, KWEMO Pierre c/ Etat du Cameroun
(MINATD), Revue de Droit Administratif, n°2, 1er septembre 2013, p.96.
309 Cité par SOBZE (Serge), Note sous jument
n°119/CEL du 07 août 2007, KWEMO Pierre c/ Etat du Cameroun
(MINATD), Revue de Droit Administratif, n°2, 1er septembre 2013, p.96.
87
Le consensus en droit électoral camerounais
droit électoral (Paragraphe 2) pour garantir une
participation politique plus cohérente des acteurs politiques
(Paragraphe 1).
PARAGRAPHE 1: LE RÉAMÉNAGEMENT DE LA
PARTICIPATION POLITIQUE
Comme nous l'avons déjà déterminé,
la participation politique réfère à un « ensemble
distinct et homogène des activités par lesquelles les membres
d'une communauté politique entre en contact avec le pouvoir ». Elle
concourt ainsi à la légitimation et la pérennisation du
pouvoir politique. Dans la perspective d'amélioration de l'environnement
électoral et notamment du système de production de la loi
électorale, la tâche consistera en la reconsidération par
les pouvoirs publics de la fonction citoyenne dans l'ingénierie
normative des élections (B), chose qui ne devrait pas
particulièrement rencontrer des résistances310. Cela
doit se faire naturellement non sans avoir réaffirmé au niveau
constitutionnel le statut des partis politiques, acteurs incontournables dans
les interactions entre gouvernants et gouvernés311(A).
A- La revalorisation constitutionnelle de l'opposition
Selon BÉLIGH NABLI, l'opposition est une notion
clé de la vie politique ayant vocation à exercer un
contrepouvoir, c'est-à-dire à contrôler la majorité
au pouvoir, à lui apporter la contradiction et à proposer des
solutions politiques alternatives312. C'est probablement dans cette
lancée que les États membres de l'Union Africaine ont entendu
prendre des engagements forts dans le sens de la promotion de la gouvernance
politique pour assurer le renforcement des capacités de
l'opposition313. Mais comme le souligne toutefois PARFAIT OUMBA,
« tout dépend de l'étendue et de la nature du
renforcement des capacités qui sera accordée aux partis
politiques314. D'ailleurs pour le Professeur LUC SINDJOUN,
« (...) on ne peut pas comprendre l'opposition indépendamment
des partis politiques qui agissent et parlent en son nom et dont les
310 Pour le Professeur MBALLA OWONA (Robert), « (...)
la démocratie est indissociable de la participation du peuple.
», « Réflexions sur la dérive d'un sacro-saint
principe(...) », op.cit., p.101.
311 Selon le Professeur AUGUSTE NGUELIEUTOU, le champ
politique est le lieu où se déroulent les interactions entre
l'Etat et les gouvernés, et au sein duquel les partis politiques
assurent une médiation dans les transactions politiques. Cours de
sociologie politique, op.cit.
312 NABLI (Beligh), « L'opposition parlementaire (...)
», op.cit., p.128.
313 OUMBA (Parfait), « Promouvoir une culture de la
gouvernance en Afrique », HAL, 22 mai 2016, p.4.
314 Ibidem. Lire pour approfondir OLINGA (Alain Didier),
« Un parti d'opposition est-il banal ? Le régime juridique des
partis des politiques », In LUC SINDJOUN, (dir.), Comment peut-on
être opposant au Cameroun ? Politique parlementaire et politique
autoritaire, Dakar, CODESRIA, 2004.
88
89
Le consensus en droit électoral camerounais
pratiques font de l'opposition une réalité
concrète »315. C'est donc dire en
conséquence que la revalorisation de l'opposition 316 est
consécutive de la revalorisation du statut des partis
politiques317 dans leur ensemble.
Mais pourquoi parler d'une revalorisation constitutionnelle de
l'opposition? Avant d'apporter quelques éléments de
réponse, il serait intéressant de rappeler que nous n'avons pas
pour ambition dans nos propos de revenir sur la littérature
constitutionnelle produite sur et autour de la notion d' « opposition
»318. A contrario, nous entendons formuler un plaidoyer
à l'endroit des plumes averties de la doctrine pour que soit
portée au plus haut cette question qui est des plus cruciales. Il est en
effet incontestable que ces « clubs de réflexion » ont fait
progresser la pensée et la morale319. Car même si les
idées qui s'y débattent sont souvent taxées d'utopiques,
elles finissent toujours par trouver le chemin de leur réalisation, de
leur application tout en constituant des garde-fous pour une
société en décomposition320. Malgré
cela, un regard rétrospectif montre
315 SINDJOUN (Luc), Ce que s'opposer veut dire :
L'économie des échanges politiques, In LUC SINDJOUN, (dir.),
Comment peut-on être opposant au Cameroun ? Politique parlementaire et
politique autoritaire, Dakar, CODESRIA, 2004, p.9.
316 Il existe dans la littérature constitutionnelle un
nombre considérable de définition au sujet de l'opposition. Au
terme de la Conférence européenne des Présidents de
Parlements tenu du 11 au 12 septembre 2014, il s'est accordé que
l'opposition désigne « l'ensemble des partis politiques ou des
mouvements qui n'appartiennent pas à la majorité parlementaire ou
à la coalition au pouvoir, qui expriment leurs divergences et leurs
points de vue critiques par rapport à l'action du gouvernement, et sont
en compétition pour l'accession légale au pouvoir et son exercice
pacifique ». Pour EL HADJI OMAR DIOP, l'opposition
réfère à « tous les groupes ayant un but plus ou
moins politique et qui dans le cadre juridique existant professent des vues
différentes de celles du gouvernement en place et donne une expression
concrète à ces idées dans l'intention le plus souvent de
conquérir le pouvoir », Cité par KAMO TIEKWE IDRYS
SOREL, La navette parlementaire au Cameroun, Mémoire Master II
Recherche de Droit Public, Univ. De Douala, 2013-2014, p.89.
317 ISSAKA SOUARE, face à la pluralité des sens
réservés à la notion de « parti politique », met
en évidence l'analyse d'OFFERLÉ (1987) selon laquelle il n'existe
que des usages politiques et sociaux très divers qu'on applique à
des groupes considérés comme partis politiques. Aussi retient-il
à la suite de la doctrine, la conception dite « restrictive »
formulée par LA PALOMBARA et WIENER d'après laquelle, le parti
politique est une « organisation durable (dont l'espérance de vie
politique est supérieure à celle de ses dirigeants) ; bien
établie aux niveaux local et national du pays dans lequel elle se trouve
; avec une volonté de ses dirigeants de prendre et d'exercer le pouvoir,
seuls ou avec d'autres partis ; et qui a, enfin, le souci de rechercher un
soutien populaire à travers les élections ou toute autre
manière ». D'une part. D'autre part, celle dite « extensive
» offerte par MAX WEBER selon laquelle, les partis politiques sont «
des associations reposant sur un engagement (formellement) libre ayant pour but
de procurer à leurs chefs le pouvoir au sein d'un groupement et à
leurs militants actifs des chances-idéales ou matérielles- de
poursuivre des buts et objectifs, d'obtenir des avantages personnels ou de
réaliser les deux ensemble ». ISSAKA SOUARE, Thèse, op.cit.,
pp.60-61.
318 Sur cette question lire SINDJOUN (Luc), en intelligence
avec OLINGA (Alain Didier) et DONFACK SONKENG (LEOPOLD), Comment peut-on
être opposant au Cameroun ? In LUC SINDJOUN, (dir.), Comment peut-on
être opposant au Cameroun ? Politique parlementaire et politique
autoritaire, Dakar, CODESRIA, 2004. Consulter aussi les Conclusions de la
Conférence européenne des Présidents de Parlements,
Majorité et opposition-trouver un équilibre en
démocratie, OSLO, Norvège, 11 au 12 septembre 2014.
319 MIGNARD (Patrick), L'illusion démocratique
(..), op.cit., p.25.
320 MIGNARD (Patrick), L'illusion démocratique
(..), op.cit., p.25.
Le consensus en droit électoral camerounais
bien que l'« opposant » au Cameroun a fait
très tôt l'objet de stigmatisation 321 . Rendu
responsable de « la fragilisation du tissu national » par l'ancien
régime, il sera purement et simplement proscrit de parole par
l'ordonnance n°62/OF/18 du 12 mars 1962322. Bien entendu ce
musellement légal n'est plus d'actualité, du moins de
façon aussi visible. Il sera toutefois important de noter que, dans
l'esprit de la plupart des camerounais, il s'est comme formé
inconsciemment l'idée qu'un opposant représente davantage un
ennemi de la République qu'une force politique à part
entière. Et les partis aux pouvoirs conscients de cette lecture
erronée et à la limite rétrograde, profite de l'occasion
pour assoir en toute quiétude une dictature dissimulée dans un
« gant de velours ».
Malgré les tentatives inavouées de
banalisation323, l'institutionnalisation de
l'opposition324 devra-t-elle permettre de changer les perceptions
que peuvent avoir les citoyens à son égard. Dans un espace
politique africain encore fermé, les pouvoirs publics se doivent de
ménager un terrain propice à l'opposition, afin que ses actions
puissent converger d'une manière efficiente et efficace à la
construction du modèle démocratique souhaité. Il sera donc
nécessaire de soutenir l'opposition dans son rôle de contrepoids
à la majorité gouvernante 325 en l'octroyant
régulièrement des moyens pour mener à bien ses
missions326. Aussi, s'accorderons-nous avec PARFAIT OUMBA qui
préconise que soit prise en compte les problèmes des partis
minoritaires au Parlement dans la composition des groupes parlementaires
327. In fine, pour donner la possibilité aux partis de
l'opposition de s'affirmer comme véritables alternatives, en plus
d'un
321 SINDJOUN (Luc), «L'opposition au Cameroun, un
nouveau jeu politique parlementaire », op.cit., p.1.
322 Cette ordonnance avait pour cible principale l'opposition
et tendait à la répression des actes de subversion. Au sens des
article 1 et 2, était compris comme acte subversif, le fait «
par quelque moyen que ce soit d'inciter à résister à
l'application des lois, des décrets, des règlements ou ordres de
l'autorité publique... de porter atteinte au respect dû aux
autorités publiques ou d'inciter à la haine contre le
gouvernement de la République (...) », SINDJOUN (Luc),
L'opposition au Cameroun, un nouveau jeu politique parlementaire, op.cit.,
p.2.
323 Lire OLINGA (Alain Didier), « Un parti de
l'opposition est-il banal ? (...) », op.cit., pp.102-166.
324 Thèse analysée par LEOPOLD (Donfack
Sonkeng), L'institutionnalisation de l'opposition : Une
réalité objective en quête de consistance, In LUC
SINDJOUN, (dir.), Comment peut-on être opposant au Cameroun ? Politique
parlementaire et politique autoritaire, Dakar, CODESRIA, 2004, pp.44-101.
325 Dans une réflexion sur l'opposition parlementaire,
PIERRE PACTET et FERDINAND MELIN-SOUCRAMANIEN ont établi que dans sa
diversité, les oppositions (parlementaire, extraparlementaire ou
présidentielle) sont autant de « centre organisés de
décisions, de contrôle, d'intérêts ou d'influence
qui, par leur seule existence ou par action, quel que soit l'objectif
poursuivi, ont pour effet de limiter la puissance de l'appareil dirigeante de
l'Etat » : Cité par NABLI (Beligh), L'opposition parlementaire
: un contre- pouvoir politique saisi par le droit, Pouvoirs, n°133,
2010, pp.127-128.
326 OUMBA (Parfait), Promouvoir une culture de la gouvernance
en Afrique, HAL, 22 mai 2016, p.4.
327 OUMBA (Parfait), Promouvoir une culture de la gouvernance
en Afrique, HAL, 22 mai 2016, p.3.
90
Le consensus en droit électoral camerounais
assainissement du « cadre institutionnel de la
compétition politique »328, il sera aussi indiqué
de réajuster le cadre politique de la compétition
électorale329.
Cette réévaluation est d'autant
nécessaire pour le bon fonctionnement des jeunes démocraties
africaines. Aussi devra-t-on à l'actif des réformes attendues,
reconsidérer la fonction citoyenne dans les processus
décisionnels.
B- La reconsidération de la fonction citoyenne
Dans sa conception classique, la citoyenneté est
l'attribut par lequel l'individu manifeste son appartenance à la
communauté des nationaux, traduite autrement par la qualité
d'électeur qui lui est reconnue330. Cette conception
étroitement politique n'a cessé dès lors d'évoluer
avec la prise en compte d'autres considérations qui ont permis à
ce jour de le remodeler. Relativement à sa conception moderne, BENOIT
SADRY indique que la citoyenneté se comprend désormais dans une
pluri dimensionnalité. En sus de celle politique, la citoyenneté,
supposant au passage l'existence d'un lien juridique entre l'individu et
État331, prend dorénavant en compte les dimensions
socio-économique et administrative332. Cependant, cette
restructuration ne doit pas voiler la complexité et l'instabilité
de ce concept qui, suivant les analyses d'ATAGANA ÉTIENNE JOËL
LOUIS reste encore de plus flexible et précaire au
Cameroun333. En effet le statut de citoyen est souvent reconnu et
octroyé suivant des critères définis par chaque
État. Ces critères sont souvent déterminés suivant
les termes du Réseau du Savoir Électoral en fonction du lieu de
naissance, de l'âge, de la parentalité, des liens juridiques avec
certains citoyens, de la
328 Il faut entendre par « cadre institutionnel de la
compétition politique », « l'ensemble des
mécanismes et des règles formelles ou informelles qui peuvent
avoir une incidence sur le déroulement et/ou les résultats des
scrutins », ISSAKA (Souaré), Thèse, op.cit., p.154
329 Le cadre politique de la compétition
électorale est saisi par ISSAKA SOUARE aussi bien au niveau interne (par
un aménagement des conditions politiques de la compétition
électorale, relativement à l'état de la presse et de la
situation générale des droits humains), qu'au niveau externe (il
s'agit de la capacité des Etats africains à organiser des
élections à la mesure des critères définis à
l'internationale, vu la grande dépendance de la plupart de ces pays
vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux). ISSAKA SOUARE,
Thèse, op.cit., p.187.
330 SADRY (Benoit), Bilan et perspectives de la
démocratie, Thèse, op.cit., p.171. On trouve
également un élément de définition de la notion de
citoyenneté chez ATANGANA (Etienne Joël Louis), Thèse,
op.cit., p.329. Il écrit en effet que « la citoyenneté
se conçoit comme le lien juridique qui unit l'individu à la
cité ». « Ce lien, poursuit-il, est
matérialisé par l'existence des lois démocratiques et qui
reconnaît à ce dernier des droits et devoirs ».
331 Réseau du Savoir Electoral, op.cit., p57.
332 Selon BENOIT SADRY, elles se traduisent respectivement par
une reconnaissance de droits sociaux : droit à la grève,
liberté syndicale, etc. ; et de telle sorte que le citoyen ne soit plus
assujetti à l'administration puisqu'il est appelé à
participer à son fonctionnement. SADRY (Benoit), Thèse, op.cit.,
pp.201-209.
333 ATAGANA (Étienne Joël Louis), Thèse,
op.cit., p.329.
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96
Le consensus en droit électoral camerounais
relation entre le pays étranger et le nouveau
pays334, etc. Qu'à cela ne tienne, la reconnaissance de cette
qualité constitue le fondement de la participation de l'individu aux
affaires publiques.
Précisément à l'analyse de ce dernier
point, BENOIT SADRY note dans ses travaux de Thèse une certaine crise de
l'implication citoyenne dans la vie publique335. Aussi propose-t-il
pour sa réhabilitation de repenser la fonction citoyenne, laquelle
devrait désormais être fondée sur une participation
évidente336.
La participation citoyenne337 qui est donc
évoquée dans ces propos «vise (...) à susciter
une adhésion plus forte des citoyens aux systèmes politiques par
l'organisation des procédures (débats, enquêtes, instances
consultatives etc...) permettant de les faire participer à
l'élaboration même des décisions politiques
»338 . On pourra au surplus dire avec PHILIP BRAUD que
cette participation doit permettre aux gouvernés d'exercer une influence
sur le fonctionnement du système politique339 et
spécifiquement sur le processus de mise en oeuvre des règles
électorales. Mais les habitudes politiques étant difficiles
à délier 340 , il va falloir procéder de
façon progressive. Cette progressivité, nous semble-t-il, passe
nécessairement par une ouverture du système de
sécrétion du droit électoral.
PARAGRAPHE 2- L'ouverture des sphères de
création du droit électoral
Dans le sillage du réajustement du consensus en droit
électoral, il est nécessaire que le système
électoral soit conçu de telle sorte qu'il puisse réduire
les distorsions imposées par la règle et le fait majoritaire.
Ainsi, en admettant que la légitimation nationale et internationale du
pouvoir politique passe par le droit, la fixation des règles
électorales doit alors être mue par la
334 Réseau du Savoir Electoral, op.cit., p57.
335 SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.171.
336 A la lecture des articles 2(10) et 3(7) de la CADEG, les
Etats s'engagent à promouvoir la création des conditions
nécessaires pour faciliter la participation des citoyens et
démocratie participative.
337 Selon le Professeur MBALLA OWONA (Robert), « la
participation politique revoie à l'ensemble des activités
individuelles ou collectives marquant l'investissement des citoyens au jeu
politique ». Réflexions sur la dérive d'un
sacro-saint principe (...), op.cit., p.101.
338 Le processus électoral au Maroc : Cadre
législatif, 2015, p.6.
339 Cité par MBALLA OWONA (Robert), «
Réflexions sur la dérive d'un sacro-saint principe (...)
», op.cit., p.101.
340 A la réalité, cette perspective
réformiste peut être comprise à tort par les politiques
comme une dépossession de la gestion des élections au profit
d'une appropriation citoyenne. En mal d'influence, ils peuvent bloquer cette
initiative ou tout simplement la jeter au rayon des illusions.
Le consensus en droit électoral camerounais
nécessité d'éviter l'exclusion de
certains acteurs politiques 341 . Le développement des «
consultations informelles » (A) et des arrangements politiques (B)
pourront-ils enfin permettre l'ancrage du consensus.
A- Le développement des « consultations
informelles »
La démocratie se présente sous trois formes :
directe, indirecte et semi-directe. La démocratie directe,
envisagée dans sa forme originelle est, selon PHILIPPE ARDANT, celle
où le peuple ce gouverne directement lui-même par la participation
de tous les citoyens. Encore appelée démocratie
représentative, la démocratie indirecte consiste pour les citoyen
à transférer à d'autres individus la charge de diriger
pour eux les affaires publiques342. Les imperfections manifestes de
cette seconde forme ont favorisé le développement « des
formules alternatives pour permettre de temps en temps au peuple de s'exprimer
directement à côté des institutions de
représentation »343. Cette démarche a
conduit à l'adoption par le constituant camerounais de 1996, la
démocratie semi-directe344. L'article 2(1) de la loi
constitutionnelle de 1996 dispose en effet que « la
souveraineté appartient au peuple camerounais qui l'exerce soit par
l'intermédiaire du Président de la République et des
membres du Parlement, soit par voie de référendum ». Vu
la méfiance des autorités 345 et de la difficile
opérationnalisation de la démocratie directe, on pourrait tout au
moins développer des consultations informelles dans le sens de
recueillir la plus grande adhésion de la loi électorale.
L'exploration de nouvelles perspectives en matière
législative a conduit depuis quelques années au
développement des « consultations informelles ». Ces
consultations qui, selon BENOIT SADRY impliquent une concertation quasi
constante avec les différents publics concernés, consistent en
une analyse préalable de l'impact que peut avoir la législation
une fois adoptée346. Il s'agit en claire de recueillir le
plus largement possible l'avis des acteurs sociaux et
341 DODZI (Kokoroko), op.cit., p.121.
342 Cité par ATANGANA (Etienne Joël Louis), La
révision des constitutions en droit camerounais, Thèse,
op.cit., p.94.
343 Ibidem.
344 Selon Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, c'est une forme de
démocratie qui combine la démocratie représentative et la
démocratie directe : le pouvoir est normalement exercé par les
représentants, mais les citoyens peuvent dans certaines conditions
intervenir directement dans son exercice. (Initiative populaire,
référendum, révocation populaire, véto populaire),
Lexique des termes juridiques, op.cit., p. Lire aussi SADRY
(Benoit), Bilan et perspectives de la démocratie
représentative, Thèse, op.cit., p.5.
345 ATANGANA (Etienne Joël Louis), La révision
des constitutions en droit camerounais, Thèse, op.cit., p.94.
346 SADRY (Benoit), Bilan et perspectives de la
démocratie, Thèse, op.cit., p.329.
Le consensus en droit électoral camerounais
politiques par une « étude d'impact législatif
» afin de mesurer l'adhésion du texte en gestation.
Ainsi que le rapporte BENOIT SADRY dans ses travaux de
thèse, le système d'étude d'impact législatif avait
été initiée en Grande-Bretagne dès l'année
1994 dans un contexte de crise chronique de la loi. Ce système, dit-il,
avait pour vocation première de déterminer les
conséquences de toutes nouvelles réglementations par le
procédé du bilan coûts-avantages, de recenser les
alternatives possibles et acteurs concernés par le projet347.
Dans le même contexte, le Conseil d'État français avait-il
à la suite des exemples Anglais et Allemand proposé le recours
à la technique de l'évaluation préalable de la loi par le
biais d'étude d'opinions, pour les textes les plus simples ou
d'études d'impact pour les projets dont les enjeux sont lourds
(...)348. Même si BENOIT SADRY marque sa méfiance sur
la pertinence d'une telle étude349, les pouvoirs publics
africains, mêlés dans un contexte généralisé
de rejet de la loi électorale, ne devraient-ils pas apprendre de
l'expérience occidentale sur la pratique des consultations informelles ?
En tout cas une telle option semble désormais possible au Cameroun
d'autant qu'elle ne s'inscrit ni à l'opposé du texte de la CADEG
encore moins de la constitution.
En réalité, le développement des
consultations informelles aura vocation à impliquer davantage la
population et surtout les acteurs de premier plan dans la politique
électorale. Cette ouverture du système de production du droit
électoral par les consultations informelles peut être
perçue comme un moyen de légitimer l'ordre électoral. Au
surplus, les autorités de l'État pourront au cas de besoin
recourir aux arrangements politiques pour renforcer l'adhérence des
normes électorales dans une société rongée par des
divisions profondes.
B- Le recours aux arrangements politiques
Peut-on encore envisager une « stabilité
électorale » en Afrique noire indépendamment des accords
politiques?350
Cette interrogation qui à première vue
paraît surprenante (en raison des solutions
347 SADRY (Benoit), Thèse, op. cit., p.329.
348 SADRY (Benoit), Thèse, op. cit., p.331.
349 SADRY Benoit prévient en effet que « le
mécanisme des études d'impact législatif est d'un
fonctionnement difficile et peu satisfaisant », tel que cela se
dégage du Rapport Mandelkern dressé en 2002.
350 SEVERINE (Bellina), IVAN (Crouzel), DOMINIQUE (Darbon),
SALVATORE (Pappalardo), CELINE (Thiriot), Election et risques
d'instabilité en Afrique : Quel appui pour les processus
électoraux légitimes ?, mai 2014, p.26.
Le consensus en droit électoral camerounais
juridictionnelles existantes) n'est pas pour autant
dénuée d'intérêt. En effet, même si ALINE AKA
LARMARCHE note une certaine évolution positive du contrôle
électoral351, il reste que la pratique contentieuse dans sa
tendance générale livre le récit d'une régression
qu'on ne saurait ignorer. Pour s'en convaincre, il suffit de se
référer à l'exemple ivoirien. Sur ce cas, le juge
électoral, proclamant les résultats de l'élection
présidentielle de 2000 déclarait à l'issue du débat
contentieux qu'« aucune réclamation concernant la
régularité du scrutin ou de son dépouillement n'a
été présentée à la Chambre constitutionnelle
dans les délais requis ; par ailleurs, que l'examen des documents
électoraux ne révèle aucune irrégularité de
nature à entacher la sincérité du scrutin ».
Cette conclusion hasardeuse du juge électoral ivoirien, est-elle, selon
le Doyen MELEDJE, l'élément déclencheur de près de
10 ans de crise politique meublée par des coups d'États à
répétition et confirmée plu tard par une rébellion
armée352. Plus récemment, le traitement de la
contestation des résultats de l'élection présidentielle au
Gabon en 2016 par le juge constitutionnel n'a pas suffi à calmer les
ardeurs du « camp PING », celui-ci ne reconnaissant pas toujours la
victoire d'ALI BONGO.
Ces quelques cas d'école qui démontrent
l'insuffisance des solutions proposées par la loi ne devraient-ils pas
justifier le recours aux arrangements politiques 353 . Bien entendu
il est incontestable que le règlement des différends
électoraux tout comme la conduite des élections sont
déterminés par des règles constitutionnelles qui
définissent les paramètres de la concurrence
politique354, mais « les expériences récentes
relatives aux conflits politiques et à la violence électorale
sont le témoignage de l'existence de questions non résolues dans
les arrangements constitutionnels »355. Le cas camerounais
est certes moins virulent, mais n'est pas à l'abri d'une implosion
sociale. Afin d'assurer la conformité des règles du jeu
politiques à l'idéal démocratique, il est
nécessaire de faire appel quelques fois aux manoeuvres politiques, mieux
adaptées à la circonstance pour atténuer les
ambiguïtés imposées par la procédure en vigueur.
351 ALINE (Aka Lamarche), op.cit., pp.141-143.
352 MELEDJE (Djedjro Francisco), « Le contentieux
électoral en Afrique », op.cit., p.140.
353 D'après le Professeur ATANGANA AMOUGOU, les accords
politiques peuvent être entendus comme « des conventions conclues
entre des protagonistes d'une crise interne dans le but de la résorber.
Leur élaboration, poursuit-il, résulte généralement
d'un différend entre le pouvoir et l'opposition qui ne trouvent pas de
solution, générant un conflit interne propice à un blocage
institutionnel ». Cité par PATERNE (Mambo), « Les rapport
entre la constitution et les accords politiques dans les Etats africains (...)
», op.cit., p.924.
354 RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE L'UA, op.cit., p.20.
355 RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE L'UA, op.cit., p.20.
Le consensus en droit électoral camerounais
Dans tous les cas, le processus électoral au Cameroun est
fortement présidentialisé.
Cette présidentialisation du processus électoral
est l'aboutissement d'un mécanisme législatif dominé par
une majorité parlementaire et présidentielle qui entend bien
assurer son hégémonie au dépend d'une classe qui aurait,
selon la formule du député socialiste français
ANDRÉ LALGNEL356, le malheur d'avoir juridiquement tort parce
qu'étant politiquement minoritaire. Par la suite, il en résulte
un désaccord entre les acteurs relativement au contenu des règles
de la compétition politique, lequel donne lieu très souvent aux
affrontements. Il importe alors par le biais des arrangements politiques, de
construire un cadre juridique consensuel pour garantir la
sérénité de l'élection.
À ce jour, la plus part des observateurs sont unanimes
à l'idée que face à instabilité des
sociétés africaines, il faut opposer une négociation
politique inclusive. L'avantage des accords politiques lorsqu'ils sont bien
négociés est qu'ils remodèlent « le contrat social
» tout en dégageant un corpus normatif consensuel à
incidence électorale. Cette redéfinition consensuelle des
modalités d'accession aux postes électifs induite par les
arrangements politiques permettent ainsi d'assoir une base juridique
fidèle à l'esprit démocratique. Mais pour mieux comprendre
la portée des accords politiques dans les sociétés
démocratiques enquête de stabilité, il est
nécessaire de garder en esprit le contexte dans lequel ils
émergent. En ce sens, le Professeur ATANGANA AMOUGOU 357
enseigne que les arrangements politiques ne peuvent objectivement être
compris que dans un contexte marqué par une instabilité
politique. Dans ce sillage, l'Afrique subsaharienne engluée dans les
crises électorales à répétition, connait une «
prolifération des compromis politiques qui, aux yeux du Professeur
PATERNE MAMBO, révèle, l'insuffisance des solutions
constitutionnelles proposées pour les résoudre
»358. C'est donc dire qu'à la base des
résolutions des situations conflictuelles se trouvent presque toujours
des accords politiques359.
En considérant alors une Afrique marquée par des
désaccords constants entre les
356 Cité par ATANGANA (Etienne Joël Louis),
Thèse, op.cit., p.200.
357 Cité par PATERNE (Mambo), op.cit., p.924.
358 PATERNE (Mambo), op.cit., p.929.
359 Pour citer quelques cas, on note les accords de
Linas-Marcoussis de 2003 qui devaient mettre fin à la crise ivoirienne,
les accords d'Arusha de 2000 pour la paix et la réconciliation au
Burundi, les résolutions prises par la Conférence
épiscopale pour régler le problème de la succession en RDC
(2016).
Le consensus en droit électoral camerounais
gouvernants et l'opposition 360 , le Professeur
PATERNE MAMBO propose de revisiter la thématique sur les relations entre
droit et politique et précisément sur la normativité
juridique pénétrée ou rattrapée par la
réalité factuelle et politique361. La dialectique
ainsi posée ouvre-t-elle des perspectives pour une reconfiguration
politique de la société en marge des règles
constitutionnelles. Précisément à ce sujet, l'ignorance
par ces accords des dispositions constitutionnelles existantes ont fait
naître des inquiétudes au sein de la doctrine constitutionnaliste,
en ce qu'ils favoriseraient « la déstabilisation de l'ordre
constitutionnel »362. Que ces inquiétudes soient
fondées ou non, il n'est pas question pour nous de traiter la question
du « déclassement » supposé de la normativité
constitutionnelle induit par les arrangements politiques, encore moins sur leur
valeur juridique363. Le cadre restreint de notre sujet ne permettant
pas une telle extension. Qu'à cela ne tienne, nous nous limiterons
à présenter « les vertus » de tels accords pour le
droit constitutionnel et particulièrement le droit électoral.
Sur ce dernier point, les arrangements politiques auxquels les
acteurs ont souvent recours comportent un contenu juridique destiné
à pallier les insuffisances et les lacunes de la
constitution364. Il y a donc une cohabitation évidente, mais
pacifique entre « les conventions politiques » et « les
règles constitutionnelles ». Les premières qui
s'évertuent de réorganiser le champ normatif des élections
en élargissant le plateau des présidentiables seront
réitérées plu tard par les règles
constitutionnelles. Tels fut par exemple le cas des accords de LINAS-MARCOUSSIS
qui avaient posés de nouvelles conditions d'éligibilité
à la présidence de la République en Côte d'Ivoire,
en permettant au candidat ALASSANE OUATTARA de se présenter à
l'élection présidentielle. Il en fut de même pour les
accords d'ARUSHA qui, en préparant un nouveau cadre juridique pour les
élections, ont imposés au passage de nouvelles institutions dans
la République burundaise.
En dépit d'un « déclassement »
insoupçonné de la constitution, les rapports entre les
arrangements politiques et le droit constitutionnel ne doivent plus seulement
être perçu dans leur
360 PATERNE (Mambo), op.cit., p.921.
361 PATERNE (Mambo), op.cit., pp.923-924.
362 PATERNE (Mambo), op.cit., p.934.
363 Voir Pierre Avril, Les conventions de la constitution,
Revue française de droit constitutionnel, 1993. Dominique Rousseau,
Question de constitution, dans Jean-Claude Colliard et Yves Jegouzo, dir, Le
Nouveau constitutionnalisme : Mélange en l'honneur de Gérard
Conac, Paris, Economica, 2001. Et Adama Kpodar, « Politique et ordre
juridique : les problèmes constitutionnels posés par l'accord de
Linas-Marcoussis du 23 janvier 2003 », Revue de la recherche juridique,
2005.
364 PATERNE (Mambo), op.cit., p.921.
Le consensus en droit électoral camerounais
dimension conflictuelle, car, comme PATERNE MAMBO en conclut
si bien, ils débouchent inéluctablement sur un enrichissement du
texte constitutionnel torpillé jusqu'ici par des vices
certains365. La finalité de ce périple politique se
justifie par le souci de restaurer les valeurs hautement sacrées de la
société démocratique en restituant à la
constitution son autorité366. Cet enrichissement du texte
constitutionnel aussi bien que la restauration de son autorité a
d'ailleurs été reconfirmé par la Cour constitutionnelle
burundaise le 5 Mai 2015 à l'occasion de la contestation de la
candidature du Président sortant PIERRE NKURUNZIZA. La Cour a
affirmé en substance d'une part que : « Attendu que les accords
d'Arusha sans être supra constitutionnelle en constituent tout de
même le socle surtout dans sa partie relative aux principes
constitutionnels ; que celui qui violerait les grands principes
constitutionnels de ce dernier ne pourrait prétendre respecter la
constitution », et d'autre part que : « Attendu que, bien que
comme dit si haut les accords d'Arusha soient le socle de la constitution dans
un régime républicain, la gouvernance institutionnelle repose
toujours sur la constitution »367.
97
365 PATERNE (Mambo), op.cit., p.944.
366 PATERNE (Mambo), op.cit., p.942.
367 ONDOUA (Alain), Cours de Droit constitutionnel approfondi,
op.cit.
Le consensus en droit électoral camerounais
CONCLUSION CHAPITRE 2
Il a été question dans ce chapitre d'analyser
l'incertitude sur la continuité du consensus.
Loin d'être exhaustive, cette réflexion de base a
permis de mettre en exergue la traduction lacunaire du consensus dans le droit
électoral existant. Cette situation a motivé l'exploration
d'autres pistes afin de garantir le consensus dans le système de
production du droit électoral. Delà, les pistes de
réflexion empruntées ont débouchées d'une part, sur
la réaffirmation du rôle du citoyen et des partis politiques dans
le jeu institutionnel de l'État, et d'autre part, sur la greffe des
arrangements politiques dans le système de production des lois
électorales, gage de l'émergence d'une nouvelle forme de
gouvernance électorale.
Nous ne saurons toutefois terminer nos propos sans
réitérer les recommandations du Groupe de Sages de l'UA faites
aux États membres. En ce sens, « l'Afrique doit, souligne-t-il,
faire des efforts concertés pour évoluer, de façon
progressive et créative, vers des systèmes électoraux qui
élargissent la représentation, reconnaissent la diversité
et respectent le principe d'égalité et la règle de la
majorité, tout en protégeant les minorités
»368.
98
368 RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE L'UA, op.cit., p.20.
99
Le consensus en droit électoral camerounais
CONCLUSION PARTIE 2
Il a été question dans cette deuxième
partie d'évaluer la pertinence des mécanismes concourant à
la mise en oeuvre du consensus dans le processus normatif des
élections.
Structurés autour de l'ambiguïté du
mécanisme de mise en oeuvre et de l'incertitude sur la continuité
du consensus, les éléments d'alors développés ont
permis de mettre en lumière une curieuse pratique qui rappel fort bien
un célèbre adage : « lorsqu'on prie pour qu'il pleuve, on
doit aussi faire avec la boue ». Cet adage des milieux populaires a
été empruntée pour illustrer l'attitude des élites
politiques africaines qui, ayant marquées leur volonté
d'adhérer aux valeurs de l'international, ont manifestement du mal
à assumer la responsabilité qui est la leur, notamment, de
prendre en compte les exigences qui en découlent. En effet le spectacle
auquel on est désormais habitué, est l'empressement de ces
élites, qui, en manque de légitimité souscrivent
aveuglément aux valeurs universelles de la démocratie sans
prendre la peine de ménager un terrain favorable à leur
effectuation sereine. Cette attitude déconcertante ne valide-t-elle pas
l'idée avancée sur les États africains à savoir
« des démocraties sans démocrates ». Il y a tout de
même lieu de constater la déficience de la démocratie
« à l'africaine »369. Fort du contexte politique
ambiant dans ces pays, ne sommes-nous pas en droit de regretter avec ALINE AKA
LAMARCHE370 la peine que les techniques juridiques de
démocratie représentative en vigueur dans ces États ont de
prouver leur efficacité et notamment en matière d'expression des
tendances d'opinions ?
En tout cas, il a été mis en exergue dans cette
partie qui s'achève l'engrenage d'un dispositif ambigu qui à vrai
dire fait du consensus une valeur volatile. Entremêlé dans un
mécanisme juridique à l'issue incertaine, le consensus
connaît une mise en oeuvre problématique parce que torpillé
par des procédures et des pratiques qui la vide de sa véritable
substance. La restitution de cet état des lieux amplifié par la
porosité des moyens de consolidation ont permis d'inscrire à
l'ordre de la recherche quelques « perspectives réformistes »
pour restituer au droit électoral la valeur qui est sienne.
369 Expression reprise par le Doyen MELEDJE dans son «
Contentieux électoral en Afrique », op.cit., p.140.
370 AKA LAMARCHE (Aline), « L'évolution du
régime représentatif (...) », op.cit., p.150.
100
Le consensus en droit électoral camerounais
CONCLUSION GÉNÉRALE
Dès son introduction à L'illusion
démocratique, PATRICK MIGNARD relevait que « le
problème de celle ou celui qui écrit sur la société
est d'en dire trop ou pas assez. Si c'est trop, soutient-il, on lui reprochera
d'empiéter sur le cours de l'histoire, sinon de la manipuler, du moins
de manipuler ceux et celles qui la font. Si ce n'est pas assez, on lui
reprochera de rester en de ça des possibilités et des portes
closes que l'on voudrait voir s'ouvrir »371. Par contre,
émettre une idée, souligne-t-il, ce n'est pas faire l'histoire,
mais aider à la réflexion qui, produisant une praxis, la
fera372. Il convient à cet égard de rappeler que les
réflexions opérées sur le consensus en droit
électoral camerounais, sujet ayant retenu notre attention tout au long
de cette étude, ne peuvent prétendre à une
compréhension exhaustive du phénomène électoral,
encore moins à une réécriture de l'histoire contemporaine.
A contrario, il s'est agi de vérifier si le consensus tel
qu'envisagé en droit électoral au Cameroun obéissait
à une trajectoire conforme à la logique de construction d'une
démocratie « authentique » pour reprendre le Professeur ALAIN
DIDIER OLINGA373. Ce faisant, les réformes politiques
engagées depuis 1990 ont-elles été renforcées en
2007 par l'adoption de la Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance aux fins d'assurer au tant que se peut
l'attractivité des élections.
Au coeur de cette mutation, l'idée de consensus
déduite de la dynamique institutionnelle nous a amenée à
poser comme hypothèse que le consensus dans la matière
électorale est davantage une entreprise dont l'issue est relative. Pour
le dire, nous avons exploré dans notre travail deux pistes de
réflexion. D'ans un premier temps, nous avons analysé la
construction textuelle qui a permis de réaliser le syncrétisme
juridique du consensus dans le domaine des élections. Dans un second
aspect, il a été déterminé l'incertitude qui plane
sur la mise en oeuvre de cette valeur qui pourtant constitue la base du «
pacte républicain ». En cette dernière hypothèse,
PATRICK MIGNARD a pu dire qu'on parle de consensus républicain pour bien
signifier qu'une entente est possible entre les différentes
catégories sociales, courants d'opinions
371 MIGNARD (Patrick), L'illusion démocratique
(...), op.cit., p.7.
372 MIGNARD (Patrick), L'illusion démocratique (...),
op.cit., p.7.
373 OLINGA (Alain Didier), Un parti d'opposition est-il
banal ? Le régime juridique des partis des politiques, In LUC
SINDJOUN, (dir.), Comment peut-on être opposant au Cameroun ? Politique
parlementaire et politique autoritaire, Dakar, CODESRIA, 2004, p.102.
Le consensus en droit électoral camerounais
(...)374. Le mérite d'une telle approche
repose sur l'idée d'une pacification des rapports entre les acteurs
politiques minoritaires et ceux appartenant à la majorité, afin
de déterminer d'un commun accord les règles du jeu politiques
délimitant les conditions d'accès aux postes électifs. Au
terme de cette étude, il est donc possible de déduire sans
ambiguïté que l'enracinement d'une démocratie par le biais
d'un droit consensuel se trouve fortement altéré vue les
incertitudes qui pèsent sur la continuité juridique du consensus.
On comprend mieux pourquoi les réaménagements institutionnels
opérés dans les États d'Afrique noire ont toujours
laissés PATRICK QUANTIN quelque peu dubitatif à l'idée de
la construction d'un modèle démocratique propre. Pour cet auteur,
« les expériences africaines y donnent l'impression de
s'épuiser pour atteindre des modèles hors de portée sans
parvenir pour autant à se stabiliser dans une forme spécifique et
identifiable qui pourrait fonder une originalité de démocratie
»375.
Si nous n'entendons pas nous résoudre à conclure
avec VAN BOVEN à l'idée des « démocraties
fantômes », en revanche, grande est notre tentation de souscrire
à la thèse de constructions démocratiques « factices
». Il est en effet à craindre avec PATRICK MIGNARD376
que le consensus tel qu'appréhendé dans les textes n'est qu'une
simple institution dont la formulation ne serait que « symbolique »,
« sans aucune conséquence pratique ». Et c'est à partir
de cette note douteuse que l'on peut mesurer, avec lucidité, toute la
nécessité de l'intervention des acteurs internationaux sur les
processus électoraux. En ce sens, le droit électoral plus que
jamais connait une dimension internationale dont les contours permettent de
mieux apprécier la trajectoire démocratique des États
enquête de légitimité internationale.
101
374 MIGNARD (Patrick), L'illusion démocratique
(..), op.cit., p.40.
375 QUANTIN (Patrick), « La démocratie en Afrique
(..) », op.cit., p.65.
376 MIGNARD (Patrick), L'illusion démocratique
(..), op.cit., p.40.
102
Le consensus en droit électoral camerounais
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Présidents des Cours Constitutionnelles et Institutions Comparables sur
le Renforcement de løEtat de Droit et la Démocratie à
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19 pages.
III- Monographies, Articles et Chroniques >
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Le consensus en droit électoral camerounais
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VII- Dossiers de presse
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VIII- Textes et Lois A-Législation
nationale
> Loi constitutionnelle n°96/06 du 18 janvier 1996
portant révision de la constitution du 02
juin 1972.
> Loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant code
électoral.
> Loi n°90/056 du 19 décembre 1990 relative aux
partis politiques au Cameroun.
109
Le consensus en droit électoral camerounais
B- Instruments juridiques régionaux
> Acte constitutif de l'UA.
> Charte Africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance.
> Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples.
> Déclaration de løUA sur les principes
régissant les élections démocratiques en Afrique.
> Déclaration de Bamako.
C- Instruments juridiques internationaux >
Charte des Nations Unies.
> Pacte de 1966 relatifs aux droits civils et politiques.
110
Le consensus en droit électoral camerounais
LISTES DES ANNEXES
ANNEXE 1 : EXTRAIT DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DU
18 JANVIER 1996 PORTANT RÉVISION DE LA CONSTITUTION DU 02 JUIN
1972
ANNEXES 2 : EXTRAIT DU CODE ÉLECTORAL
CAMEROUNAIS D'AVRIL 2012
ANNEXE 3 : EXTRAIT DE LA CHARTE AFRICAINE DE LA
DÉMOCRATIE, DES ÉLECTIONS ET DE LA GOUVERNANCE
ANNEXE 4 : EXTRAIT DE LA LOI N°90/056 DU 19
DÉCEMBRE 1990 RELATIVE AUX PARTIS POLITIQUES AU CAMEROUN
ANNEXE 5 : LA DÉCLARATION DE BAMAKO
111
Le consensus en droit électoral camerounais
ANNEXE 1 : EXTRAIT DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DU 18
JANVIER 1996
PORTANT RÉVISION DE LA CONSTITUTION DU 02 JUIN
1972
PREAMBULE
Fier de sa diversité linguistique et culturelle,
élément de sa personnalité nationale qu'elle contribue
à enrichir, mais profondément conscient de la
nécessité de faire son unité, proclame solennellement
qu'il constitue une seule et même nation, engagée dans le
même destin et affirme sa volonté inébranlable de
construire la Patrie camerounaise sur la base de l'idéal de la
fraternité, de justice et de progrès ;
Jaloux de l'indépendance de la patrie camerounaise
chèrement acquise et résolu à préserver cette
indépendance ; convaincu que le salut de l'Afrique se trouve dans la
réalisation d'une solidarité de plus en plus étroite entre
les peuples africain, affirme sa volonté d'oeuvrer à la
construction d'une Afrique unie et libre, tout en entretenant avec les autres
nations du monde des relations pacifiques et fraternelles conformément
aux principes formulés par la Charte des Nations unies ;
Le peuple camerounais,
Affirme son attachement aux libertés fondamentales
inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, la
Charte des Nations Unies, la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples et toutes les conventions internationales y relatives et dûment
ratifiées, notamment aux principes suivants :
à Tous les hommes sont égaux en droits et en
devoirs. L'Etat assure à tous les citoyens les conditions
nécessaires à leur développement ;
à L'Etat assure la protection des minorités et
préserve les droits des populations autochtones conformément
à la loi ;
Art.2. à (1) La souveraineté nationale
appartient au peuple camerounais qui l'exerce soit par l'intermédiaire
de du Président de la République et des membres du Parlement,
soit par voie de referendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne
peut s'en attribuer l'exercice.
(2) Les autorités chargées de diriger l'Etat
tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d'élections au suffrage
universel direct et indirect, sauf disposition contraires de la
présente
Constitution.
Art.3. à Les partis et formations politiques concourent
à l'expression du suffrage. Ils doivent respecter les principes de la
démocratie, de la souveraineté et de l'unité nationale.
Ils se forment et exercent leurs activités conformément à
la loi.
112
Le consensus en droit électoral camerounais
TITRE XII
DES DISPOSITIONS SPECIALES
Art. 65.- Le Préambule fait partie intégrante de la
Constitution.
Yaoundé, le 18 janvier 1996.
Le Président de la République,
Paul BIYA
113
Le consensus en droit électoral camerounais
ANNEXES 2 : EXTRAIT DU CODE ÉLECTORAL
CAMEROUNAIS D'AVRIL 2012
Loi N°2012/001 du 19 avril 2012 portant code
électoral
L'Assemblée nationale a délibéré
et adopté, le président de la République promulgue la loi
dont la teneur suit :
PARAGRAPHE I
DES ATTRIBUTIONS
ARTICLE 10.- (1) Le Conseil Electoral veille au respect de la loi
électorale par tous les intervenants de manière à assurer
la régularité, l'impartialité, l'objectivité, la
transparence et la sincérité des scrutins.
PARAGRAPHE II
DE LA COMPOSITION ET DE LA DUREE DU MANDAT
ARTICLE 12.- (1) Le Conseil Electoral comprend dix-huit (18)
membres, dont un (01) Président et un (01) Vice-Président.
(3) Le Président, le Vice-Président et les membres
du Conseil Electoral sont nommés par décret du Président
de la République après consultation des partis politiques
représentés à l'Assemblée Nationale et de la
société civile.
CHAPITRE IV
DE LA DIRECTION GENERALE DES ELECTIONS
ARTICLE 22.- La Direction Générale des Elections
est chargée de la préparation et de l'organisation
matérielle des opérations électorales et
référendaires, sous l'autorité du Conseil Electoral.
SECTION I
DE LA DESIGNATION
ARTICLE 24.- (1) Le Directeur Général et le
Directeur Général Adjoint des Elections sont nommés par
décret du Président de la République pour un mandat de
cinq (05) ans, éventuellement renouvelable, après consultation du
Conseil Electoral.
114
Le consensus en droit électoral camerounais
CHAPITRE VI
DISPOSITIONS DIVERSES
ARTICLE 40.- Un décret du Président de la
République fixe les rangs protocolaires et les privilèges du
Président et du Vice-Président du Conseil Electoral, ceux des
membres du Conseil Electoral, ainsi que ceux du Directeur Général
et du Directeur Général Adjoint des Elections.
CHAPITRE V
DE LA CONVOCATION DU CORPS ELECTORAL
ARTICLE 86.- (1) Le corps électoral est convoqué
par décret du Président de la République.
(4) Le décret convoquant le corps électoral
précise les heures d'ouverture et de fermeture des bureaux de vote.
CHAPITRE VIII
DE LA CONVOCATION DU COLLEGE ELECTORAL ET DES DECLARATIONS DE
CANDIDATURE
ARTICLE 230.- Le collège électoral en vue de
l'élection des sénateurs est convoqué par décret du
Président de la République, quarante-cinq (45) jours au moins
avant la date du scrutin, suivant les modalités prévues à
l'article 86 ci-dessus.
Yaoundé, le 19 avril 2012
Le président de la République
(é) Paul BIYA
115
116
Le consensus en droit électoral camerounais
ANNEXE 3 : EXTRAIT DE LA CHARTE AFRICAINE DE LA
DÉMOCRATIE, DES
ÉLECTIONS ET DE LA GOUVERNANCE
CHAPITRE II DES OBJECTIFS Article 2
La présente Charte a pour objectifs de
:
10. Promouvoir la création des conditions
nécessaires pour faciliter la participation des citoyens, la
transparence, l'accès à l'information, la liberté de
presse et l'obligation de rendre compte de la gestion des affaires
publiques.
13. Promouvoir les meilleures pratiques dans l'organisation des
élections aux fins de stabilité politique et de bonne
gouvernance.
CHAPITRE V
DE LA CULTURE DEMOCRATIQUE ET DE LA PAIX Article
11
Les Etats parties s'engagent à élaborer les cadres
législatif et politique nécessaires à l'instauration et au
renforcement de la culture, de la démocratie et de la paix.
Article 13
Les Etats parties prennent des mesures pour établir et
maintenir un dialogue politique et social, ainsi que la transparence et la
confiance entre les dirigeants politiques et les populations en vue de
consolider la démocratie et la paix.
Article 39
Les Etats parties assurent la promotion d'une culture de
respect du compromis, du consensus et de la tolérance comme moyens de
régler les conflits, de promouvoir la stabilité et la
sécurité politiques et d'encourager le travail et la
créativité des populations africaines pour le
développement.
CHAPTIRE X DES MECANISMES DE MISE EN APPLICATION Article 44 Pour
honorer les engagements contenus dans la présente Charte,
1. Au niveau de chaque Etat partie
Les États parties s'engagent à réaliser
les objectifs, à appliquer les principes et à respecter les
engagements énoncés dans la présente Charte de la
manière suivante:
Le consensus en droit électoral camerounais
a. Les États parties initient les actions
appropriées, y compris les actions d'ordre législatif,
exécutif et administratif afin de rendre leurs lois et les
règlements nationaux conformes à la présente Charte.
b. Les Etats parties prennent toutes les mesures
nécessaires conformément aux dispositions et procédures
constitutionnelles pour assurer une dissémination plus large de la
présente Charte et de toute législation pertinente indispensable
à l'application des principes fondamentaux y contenus.
c. Les Etats parties encouragent la volonté politique
comme une condition nécessaire pour la réalisation des objectifs
énumérés dans la présente Charte.
d. Les Etats parties intègrent les engagements et
principes énoncés dans la présente Charte dans leurs
politiques et stratégies nationales.
ADOPTEE PAR LA HUITIEME SESSION ORDINAIRE DE LA
CONFERENCE TENUE LE 30 JANVIER 2007 A ADDIS ABEBA (ETHIOPIE)
117
118
Le consensus en droit électoral camerounais
ANNEXE 4 : EXTRAIT DE LA LOI N°90/056 DU 19
DÉCEMBRE 1990 RELATIVE AUX PARTIS POLITIQUES AU CAMEROUN
Chapitre I: Des dispositions
générales
Article premier: Les partis politiques sont des associations
qui concourent à l'expression du suffrage.
Article 2.- Les partis politiques se créent et exercent
librement leurs activités dans le cadre de la constitution et de la
présente loi.
Chapitre II : De la création
Article 4 : (1) La demande de création d'un parti
politique se fait par le dépôt d'un dossier complet auprès
des services du gouverneur territorialement compétent
(2) Une décharge mentionnant le numéro et la
date d'enregistrement du dossier est délivrée au
déposant.
Article 5.- (1) Le dossier à déposer comprend
:
- la demande timbrée indiquant les noms, adresse ainsi
que l'identité complète, la profession et le domicile de ceux qui
sont chargés de la direction et/ou de l'administration du parti ;
- le bulletin N° 3 du .casier judiciaire des dirigeants
;
- le procès-verbal de l'assemblée constitutive
en triple exemplaire ; - les statuts en triple exemplaire ; '
- l'engagement écrit .avec signature
légalisée de respecter les principes
énumérés à l'article 9 ci-dessous;
- un mémorandum sur le projet de société
ou le programme politique du parti ; - l'indication du siège.
(2) Tout changement ou toute modification dans ces
éléments ainsi que les pièces le constatant, doit
être communiqué au gouverneur territorialement
compétent.
Article 6.- Le gouverneur dispose d'un délai franc de
quinze (15) jours francs pour transmettre au
Ministre chargé de l'Administration territoriale tout
dossier comportant l'ensemble des pièces énumérées
à l'article 5 ci-dessus.
Article 7.- (1) La décision autorisant l'existence
légale d'un parti politique est prise par le ministre chargé de
l'Administration territoriale.
Le consensus en droit électoral camerounais
(2) En cas de silence gardé pendant trois (3) mois
à compter de la date de dépôt du dossier auprès des
services du gouverneur territorialement compétent, le parti est
réputé exister légalement.
Article 8.- (1) L'autorisation visée à l'article 7
ci-dessus ne peut être refusée que si le dossier ne remplit pas
les conditions énumérées aux articles 5, 9, 10 et 11 de la
présente loi.
(2) Tout refus d'autorisation doit être motivé et
notifié au déposant par tout moyen laissant trace. Le
déposant peut, le cas échéant, saisir le juge
administratif dans les conditions prévues par la loi.
(3) Par dérogation aux dispositions de l'article 12 de
l'ordonnance N° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la
Cour suprême, le refus de l'autorisation prévue a l'alinéa
2 ci-dessus est susceptible de recours, sur simple requête devant le
président de la juridiction administrative.
Ce recours doit intervenir dans un délai de 30 jours
à compter de la date de notification à personne ou à
domicile.
Le président statue par ordonnance dans un délai de
30 jours. L'exercice des voies de recours n'a pas d'effet suspensif.
Le Président de la République
(é) Paul Biya
119
Le consensus en droit électoral camerounais
ANNEXE 5 : EXTRAIT DE LA DÉCLARATION DE
BAMAKO
Adoptée le 3 novembre 2000 par les Ministres et chefs de
délégation des États et gouvernements des pays ayant le
français en partage lors du « Symposium international sur le bilan
des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans
l'espace francophone »
1 - Constatons
· que le bilan des pratiques de la démocratie,
des droits et des libertés dans l'espace francophone, au cours de ces
dix dernières années, comporte des acquis indéniables :
consécration constitutionnelle des droits de l'Homme, mise en place des
Institutions de la démocratie et de l'État de droit, existence de
contre-pouvoirs, progrès dans l'instauration du multipartisme dans
nombre de pays francophones et dans la tenue d'élections libres, fiables
et transparentes, contribution de l'opposition au fonctionnement de la
démocratie, promotion de la démocratie locale par la
décentralisation ;
· que ce bilan présente, aussi, des insuffisances
et des échecs : récurrence de conflits, interruption de processus
démocratiques, génocide et massacres, violations graves des
droits de l'Homme, persistance de comportements freinant le
développement d'une culture démocratique, manque
d'indépendance de certaines institutions et contraintes de nature
économique, financière et sociale, suscitant la
désaffection du citoyen à l'égard du fait
démocratique ;
2. Confirmons notre adhésion aux principes
fondamentaux suivants :
1. La démocratie, système de valeurs
universelles, est fondée sur la reconnaissance du caractère
inaliénable de la dignité et de l'égale valeur de tous les
êtres humains ; chacun a le droit d'influer sur la vie sociale,
professionnelle et politique et de bénéficier du droit au
développement ;
2. L'État de droit qui implique la soumission de
l'ensemble des institutions à la loi, la séparation des pouvoirs,
le libre exercice des droits de l'Homme et des libertés fondamentales,
ainsi que l'égalité devant la loi des citoyens, femmes et hommes,
représentent autant d'éléments constitutifs du
régime démocratique ;
3. La démocratie exige, en particulier, la tenue,
à intervalles réguliers, d'élections libres, fiables et
transparentes, fondées sur le respect et l'exercice, sans aucun
empêchement ni aucune discrimination, du droit à la liberté
et à l'intégrité physique de tout électeur et de
tout candidat, du droit à la liberté d'opinion et d'expression,
notamment par voie de presse et autre moyen de communication, de la
liberté de réunion et de manifestation, et de la liberté
d'association ;
4. La démocratie est incompatible avec toute
modification substantielle du régime électoral introduite de
façon arbitraire ou subreptice, un délai raisonnable devant
toujours séparer l'adoption de la modification de son entrée en
vigueur ;
5. La démocratie suppose l'existence de partis
politiques égaux en droits, libres de s'organiser et de s'exprimer, pour
autant que leur programme et leurs actions ne remettent pas en cause les
120
Le consensus en droit électoral camerounais
valeurs fondamentales de la démocratie et des droits de
l'Homme. Ainsi, la démocratie va de pair avec le multipartisme. Elle
doit assurer à l'opposition un statut clairement défini, exclusif
de tout ostracisme ;
6. La démocratie requiert la pratique du dialogue
à tous les niveaux aussi bien entre les citoyens, entre les partenaires
sociaux, entre les partis politiques, qu'entre l'État et la
société civile. La démocratie implique la participation
des citoyens à la vie politique et leur permet d'exercer leur droit de
contrôle ;
3 - Proclamons
1. que Francophonie et démocratie sont indissociables
: il ne saurait y avoir d'approfondissement du projet francophone sans une
progression constante vers la démocratie et son incarnation dans les
faits ; c'est pourquoi la Francophonie fait de l'engagement démocratique
une priorité qui doit se traduire par des propositions et des
réalisations concrètes ;
2. que, pour la Francophonie, il n'y a pas de mode
d'organisation unique de la démocratie et que, dans le respect des
principes universels, les formes d'expression de la démocratie doivent
s'inscrire dans les réalités et spécificités
historiques, culturelles et sociales de chaque peuple ;
3. que la démocratie, cadre politique de l'État
de droit et de la protection des droits de l'Homme, est le régime qui
favorise le mieux la stabilité à long terme et la
sécurité juridique ; par le climat de liberté qu'elle
suscite, la démocratie crée aussi les conditions d'une
mobilisation librement acceptée par la population pour le
développement ; la démocratie et le développement sont
indissociables : ce sont là les facteurs d'une paix durable ;
4. que la démocratie, pour les citoyens - y compris,
parmi eux, les plus pauvres et les plus défavorisés - se juge,
avant tout, à l'aune du respect scrupuleux et de la pleine jouissance de
tous leurs droits, civils et politiques, économiques, sociaux et
culturels, assortis de mécanismes de garanties. Il s'agit là de
conditions essentielles à leur adhésion aux institutions et
à leur motivation à devenir des acteurs à part
entière de la vie politique et sociale ;
5. que, pour préserver la démocratie, la
Francophonie condamne les coups d'État et toute autre prise de pouvoir
par la violence, les armes ou quelque autre moyen illégal ;
6 que, pour consolider la démocratie, l'action de la
Francophonie doit reposer sur une coopération internationale qui
s'inspire des pratiques et des expériences positives de chaque
État et gouvernement membre ;
7. que les principes démocratiques, dans toutes leurs
dimensions, politique, économique, sociale, culturelle et juridique,
doivent également imprégner, les relations internationales.
4 - Prenons les engagements suivants : A. Pour la
consolidation de l'État de droit
121
Le consensus en droit électoral camerounais
1. Renforcer les capacités des institutions de
l'État de droit, classiques ou nouvelles, et oeuvrer en vue de les faire
bénéficier de toute l'indépendance nécessaire
à l'exercice impartial de leur mission ;
2. Encourager le renouveau de l'institution parlementaire, en
facilitant matériellement le travail des élus, en veillant au
respect de leurs immunités et en favorisant leur formation ;
3. Assurer l'indépendance de la magistrature, la
liberté du Barreau et la promotion d'une justice efficace et accessible,
garante de l'État de droit, conformément à la
Déclaration et au Plan d'action quinquennal du Caire adoptés par
la IIIe Conférence des Ministres francophones de la justice ;
4. Mettre en oeuvre le principe de transparence comme
règle de fonctionnement des institutions ;
5. Généraliser et accroître la
portée du contrôle, par des instances impartiales, sur tous les
organes et institutions, ainsi que sur tous les établissements, publics
ou privés, maniant des fonds publics ;
6. Soutenir l'action des institutions mises en place dans le
cadre de l'intégration et de la coopération régionales, de
manière à faire émerger, à ce niveau, une
conscience citoyenne tournée vers le développement, le
progrès et la solidarité.
B. Pour la tenue d'élections libres, fiables et
transparentes
7. S'attacher au renforcement des capacités nationales
de l'ensemble des acteurs et des structures impliqués dans le processus
électoral, en mettant l'accent sur l'établissement d'un
état civil et de listes électorales fiables ;
8. S'assurer que l'organisation des élections, depuis
les opérations préparatoires et la campagne électorale
jusqu'au dépouillement des votes et à la proclamation des
résultats, y inclus, le cas échéant, le contentieux,
s'effectue dans une transparence totale et relève de la
compétence d'organes crédibles dont l'indépendance est
reconnue par tous ;
9. Garantir la pleine participation des citoyens au scrutin,
ainsi que le traitement égal des candidats tout au long des
opérations électorales ;
10. Impliquer l'ensemble des partis politiques
légalement constitués, tant de la majorité que de
l'opposition, à toutes les étapes du processus électoral,
dans le respect des principes démocratiques consacrés par les
textes fondamentaux et les institutions, et leur permettre de
bénéficier de financements du budget de l'État ;
11. Prendre les mesures nécessaires pour s'orienter
vers un financement national, sur fonds public, des élections ;
12. Se soumettre aux résultats d'élections libres,
fiables et transparentes.
C. Pour une vie politique apaisée
122
123
124
125
Le consensus en droit électoral camerounais
13. Faire en sorte que les textes fondamentaux
régissant la vie démocratique résultent d'un large
consensus national, tout en étant conformes aux normes internationales,
et soient l'objet d'une adaptation et d'une évaluation
régulières ;
14. Faire participer tous les partis politiques, tant de
l'opposition que de la majorité, à la vie politique nationale,
régionale et locale, conformément à la
légalité, de manière à régler pacifiquement
les conflits d'intérêts ;
15. Favoriser la participation des citoyens à la vie
publique en progressant dans la mise en place d'une démocratie locale,
condition essentielle de l'approfondissement de la démocratie ;
16. Prévenir, et le cas échéant
régler de manière pacifique, les contentieux et les tensions
entre groupes politiques et sociaux, en recherchant tout mécanisme et
dispositif appropriés, comme l'aménagement d'un statut pour les
anciens hauts dirigeants, sans préjudice de leur responsabilité
pénale selon les normes nationales et internationales ;
17. Reconnaître la place et faciliter l'implication
constante de la société civile, y compris les ONG, les
médias, les autorités morales traditionnelles, pour leur
permettre d'exercer, dans l'intérêt collectif, leur rôle
d'acteurs d'une vie politique équilibrée ;
18. Veiller au respect effectif de la liberté de la
presse et assurer l'accès équitable des différentes forces
politiques aux médias publics et privés, écrits et
audiovisuels, selon un mode de régulation conforme aux principes
démocratiques ;
D. Pour la promotion d'une culture
démocratique intériorisée et le plein respect des droits
de l'Homme
19. Développer l'esprit de tolérance et
promouvoir la culture démocratique dans toutes ses dimensions, afin de
sensibiliser, par l'éducation et la formation, les responsables publics,
l'ensemble des acteurs de la vie politique et tous les citoyens aux exigences
éthiques de la démocratie et des droits de l'Homme ;
20. Favoriser, à cet effet, l'émergence de
nouveaux partenariats entre initiatives publiques et privées, mobilisant
tous les acteurs engagés pour la démocratie et les droits de
l'Homme ;
21. Ratifier les principaux instruments internationaux et
régionaux relatifs aux droits de l'Homme, honorer et parfaire les
engagements ainsi contractés, s'assurer de leur pleine mise en oeuvre et
former tous ceux qui sont chargés de leur application effective ;
22. Adopter en particulier, afin de lutter contre
l'impunité, toutes les mesures permettant de poursuivre et sanctionner
les auteurs de violations graves des droits de l'Homme, telles que
prévues par plusieurs instruments juridiques internationaux et
régionaux, dont le Statut de Rome portant création d'une Cour
Pénale Internationale ; appeler à sa ratification rapide par le
plus grand nombre ;
23. Créer, généraliser et renforcer les
institutions nationales, consultatives ou non, de promotion des droits de
l'Homme et soutenir la création dans les administrations nationales de
structures consacrées aux droits de l'Homme, ainsi que l'action des
défenseurs des droits de l'Homme ;
Le consensus en droit électoral camerounais
24. Prendre les mesures appropriées afin d'accorder le
bénéfice aux membres des groupes minoritaires, qu'ils soient
ethniques, philosophiques, religieux ou linguistiques, de la liberté de
pratiquer ou non une religion, du droit de parler leur langue et d'avoir une
vie culturelle propre ;
25. Veiller au respect de la dignité des personnes
immigrées et à l'application des dispositions pertinentes
contenues dans les instruments internationaux les concernant ;
À ces fins, et dans un souci de partenariat
rénové, nous entendons :
· Intensifier la coopération entre l'OIF et les
organisations internationales et régionales, développer la
concertation en vue de la démocratisation des relations internationales,
et soutenir, dans ce cadre, les initiatives qui visent à promouvoir la
démocratie ;
· Renforcer le mécanisme de concertation et de
dialogue permanents avec les OING reconnues par la Francophonie,
particulièrement avec celles qui poursuivent les mêmes objectifs
dans les domaines de la démocratie et des droits de l'Homme ;
5 - Décidons de recommander la mise en oeuvre
des procédures ci-après pour le suivi des pratiques de la
démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone
:
1. Le Secrétaire général se tient
informé en permanence de la situation de la démocratie, des
droits et des libertés dans l'espace francophone, en s'appuyant
notamment sur la Délégation aux droits de l'Homme et à la
démocratie, chargée de l'observation du respect de la
démocratie et des droits de l'Homme dans les pays membres de la
Francophonie ;
Une évaluation permanente des pratiques de la
démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone
sera conduite, à des fins de prévention, dans le cadre de
l'Organisation internationale de la Francophonie, sur la base des principes
constitutifs énoncés précédemment. Cette
évaluation doit permettre :
· de définir les mesures les plus
appropriées en matière d'appui à l'enracinement de la
démocratie, des droits et des libertés ;
· d'apporter aux États et gouvernements qui le
souhaitent l'assistance nécessaire en ces domaines;
· de contribuer à la mise en place d'un
système d'alerte précoce ;
2. Face à une crise de la démocratie ou en cas
de violations graves des droits de l'Homme, les instances de la Francophonie se
saisissent, conformément aux dispositions de la Charte, de la question
afin de prendre toute initiative destinée à prévenir leur
aggravation et à contribuer à un règlement. À cet
effet, le Secrétaire général propose des mesures
spécifiques :
· il peut procéder à l'envoi d'un
facilitateur susceptible de contribuer à la recherche de solutions
consensuelles. L'acceptation préalable du processus de facilitation par
les autorités du pays concerné constitue une condition du
succès de toute action. Le facilitateur est choisi par le
Le consensus en droit électoral camerounais
Secrétaire général après
consultation du Président de la Conférence ministérielle,
en accord avec l'ensemble des protagonistes. La facilitation s'effectue en
liaison étroite avec le CPF ;
· il peut décider, dans le cas de procès
suscitant la préoccupation de la communauté francophone, de
l'envoi, en accord avec le CPF, d'observateurs judiciaires dans un pays en
accord avec celui-ci;
3. En cas de rupture de la démocratie ou de violations
massives des droits de l'Homme, les actions suivantes sont mises en oeuvre :
· le Secrétaire général saisit
immédiatement le Président de la Conférence
ministérielle de la Francophonie à des fins de consultation ;
· la question fait l'objet d'une inscription
immédiate et automatique à l'ordre du jour du CPF, qui peut
être convoqué d'urgence en session extraordinaire, et, le cas
échéant :
À confirme la rupture de la démocratie ou
l'existence de violations massives des droits de l'Homme,
À les condamne publiquement,
À exige le rétablissement de l'ordre
constitutionnel ou l'arrêt immédiat de ces violations ; Le CPF
signifie sa décision aux parties concernées ;
Le Secrétaire général se met en rapport
avec les autorités de fait. Il peut envoyer sur place une mission
d'information et de contacts. Le rapport établi dans les plus brefs
délais par cette mission est communiqué aux autorités
nationales pour commentaires. Le rapport de la mission, ainsi que les
commentaires des autorités nationales, sont soumis au CPF, pour toute
suite jugée pertinente ;
Le CPF peut prendre certaines des mesures suivantes :
· refus de soutenir les candidatures
présentées par le pays concerné, à des postes
électifs au sein d'organisations internationales,
· refus de la tenue de manifestations ou
conférences de la Francophonie dans le pays concerné,
· recommandations en matière d'octroi de visas
aux autorités de fait du pays concerné et réduction des
contacts intergouvernementaux,
· suspension de la participation des
représentants du pays concerné aux réunions des
instances,
· suspension de la coopération
multilatérale francophone, à l'exception des programmes qui
bénéficient directement aux populations civiles et de ceux qui
peuvent concourir au rétablissement de la démocratie,
· proposition de suspension du pays concerné de
la Francophonie. En cas de coup d'État militaire contre un régime
issu d'élections démocratiques, la suspension est
décidée ;
Lorsque des dispositions sont prises en vue de restaurer
l'ordre constitutionnel ou de faire cesser les violations massives des droits
de l'Homme, le CPF se prononce sur le processus de retour au fonctionnement
régulier des institutions, assorti de garanties pour le respect des
droits de
Le consensus en droit électoral camerounais
l'Homme et des libertés fondamentales. Il détermine
les mesures d'accompagnement de ce processus par la Francophonie en partenariat
avec d'autres organisations internationales et régionales ;
Si besoin est, le CPF saisit la Conférence
ministérielle de la Francophonie par le canal de son Président
;
La question de la rupture de la démocratie ou des
violations massives des droits de l'Homme dans un pays et des mesures prises,
reste inscrite à l'ordre du jour du CPF aussi longtemps que subsistent
cette rupture ou ces violations.
Nous, Ministres et chefs de délégation des
États et gouvernements des pays ayant le français en
partage,
Adoptons la présente Déclaration ;
Demandons au Secrétaire général de
l'Organisation internationale de la Francophonie d'en assurer la mise en oeuvre
;
Transmettons, à l'intention des chefs d'État et de
gouvernement, en vue de leur IXe Sommet à Beyrouth, le projet de
Programme d'action ci-joint en annexe.
Bamako, le 3 novembre 2000
126
Le consensus en droit électoral camerounais
Table des matières
AVERTISSEMENT I
DÉDICACE II
REMERCIEMENTS III
LISTE DES ABBRÉVIATIONS IV
RÉSUMÉ VI
ABSTRACT VII
SOMMAIRE VIII
INTRODUCTION GENERALE 1
I- Le cadre théorique de l'étude
4
A- L'intérêt de l'étude
4
B- Précisions terminologiques 5
C- La problématique et l'hypothèse de
travail 8
1- La détermination de la problématique
8
2- L'hypothèse de travail 8
II- Le cadre méthodologique 9
A- L'approche principale: l'exégèse
10
B- L'approche complémentaire:
l'herméneutique 11
PREMIERE PARTIE : LA CONSTRUCTION CERTAINE DU CONSENSUS EN
DROIT
ÉLECTORAL. 13
CHAPITRE 1 : L'AFFIRMATION PROGRESSIVE DU CONSENSUS
DANS LE CADRE LÉGAL DES
ÉLECTIONS 15
SECTION 1: L'APPORT DES INSTRUMENTS JURIDIQUES
INTERNATIONAUX 17
PARAGRAPHE 1: LE CARACTÈRE EMBRYONNAIRE DU
CONSENSUS DANS LES TEXTES
ONUSIENS 17
A- La charte des nations unies de 1945 18
B- Le pacte international de 1966 relatif aux droits
civils et politiques 19
127
128
129
Le consensus en droit électoral camerounais
PARAGRAPHE 2: L'APPORT DÉCISIF DES TEXTES
RÉGIONAUX DANS LA PROMOTION
DU CONSENSUS 20
A- La Déclaration de bamako 21
B- La Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance 22
SECTION 2: LA DÉMARCATION DES DYNAMIQUES
JURIDIQUES INTERNES 23
PARAGRAPHE 1 : LA CONTRIBUTION DE LA CONFÉRENCE
TRIPARTITE DE 1991 24
A- La mise en relief de la nécessité du
dialogue national 25
B- L'avènement des règles consensuelles
26
PARAGRAPHE 2: LA RÉVISION CONSÉQUENTE DE
LA CONSTITUTION DU 02 JUIN 1972
27
A- La formalisation des résolutions tripartite
par le pouvoir constituant de 1996 28
B- La réaffirmation de la compétence du
pouvoir constituant 29
CONCLUSION DU CHAPITRE 1 30
CHAPITRE 2: LA CONFIRMATION SIGNIFICATIVE DU CONSENSUS EN
DROIT ÉLECTORAL
CAMEROUNAIS 31
SECTION 1: LA DÉTERMINATION DES
CARACTÉRISTIQUES JURIDIQUES 32
PARAGRAPHE 1: LA CONSTITUTIONNALISATION DU CONSENSUS
32
A- Une conséquence de la ratification de la
CADEG 33
B- L'obligation juridique de conformité
34
PARAGRAPHE 2 : LA RECONNAISSANCE DU CONSENSUS COMME
FONDEMENT DU
DROIT ÉLECTORAL 36
A- La revalorisation du droit électoral
36
B- Le problème du "domaine
réservé" de l'État 37
SECTION 2: LE RENFORCEMENT DES ACQUIS
DÉMOCRATIQUES 40
PARAGRAPHE 1 : LE RENFORCEMENT DE LA «
DÉMOCRATIE ÉLECTORALE » 40
A- Les fondements de la « démocratie
électorale » au Cameroun 41
1- Un pluralisme politique en plein essor
41
2- Un contentieux électoral en phase de
maturation 43
Le consensus en droit électoral camerounais
B- La compatibilité du dispositif normatif
à l'idéal démocratique 46
PARAGRAPHE 2: LE RENFORCEMENT DE L'«
ÉTAT-NATION » 47
A- La relative adhésion des fondements matriciels
de l'état-nation 47
B À Les prouesses du droit électoral dans
la construction de la nation 49
CONCLUSION CHAPITRE 2 51
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE 52
PARTIE II : LA MISE EN OEUVRE INCERTAINE DU CONSENSUS EN DROIT
ELECTORAL 53
CHAPITRE 1 : LøAMBIGUÏTÉ DU MÉCANISME
DE MISE EN OEUVRE DU CONSENSUS 55
SECTION 1 : UNE AMBIGUÏTÉ STRUCTURELLE
ÉTABLIE 57
PARAGRAPHE 1 : LA PLURALITÉ DES ORGANES DE MISE
EN OEUVRE DU CONSENSUS 57
A- Le Parlement, dépositaire du régime des
élections 58
B- L'investissement du pouvoir exécutif dans la
matière électorale 58
PARAGRAPHE 2 : L' AFFIRMATION DE DEUX PROCÉDURES
CONCURRENTES 59
A- Les procédés parlementaires
59
B- La survivance des procédés
unilatéraux 63
SECTION 2 : LA PRISE EN COMPTE DES
CONSIDÉRATIONS D'ORDRE CONJONCTUREL
65
PARAGRAPHE 1 : LA DÉRIVE DU POUVOIR
LÉGISLATIF 65
A- L'instrumentalisation des assemblées
parlementaires 66
B- Le « déclin » de la séance
plénière 68
PARAGRAPHE 2 : LA PARTICIPATION
MITIGÉE DE L'ADMINISTRATION DANS LA
RÉGULATION ÉLECTORALE 71
A- Le fondement de la participation de l'Administration
73
B- Une Administration dominée par le politique
74
CONCLUSION CHAPITRE 1 76
CHAPITRE 2: L'INCERTITUDE SUR LA CONTINUITÉ DU CONSENSUS
77
SECTION 1 : LA TRADUCTION LACUNAIRE DU CONSENSUS DANS
LE DROIT RÉNOVÉ 79
Le consensus en droit électoral camerounais
PARAGRAPHE 1 : LE TRAITEMENT VARIABLE DU CONSENSUS PAR
LE LÉGISLATEUR
DE 2012: LE CAS DES ORGANISMES ÉLECTORAUX
79
A- L'inclusion dans la composition et le processus
décisionnel des organismes électoraux 80
B- L'exclusion dans la désignation des membres
des organismes électoraux 80
PARAGRAPHE 2 : DES MÉCANISMES JURIDICTIONNELS
LIMITÉS 81
A- Le juge tenu par le droit 82
B- Une fonction contentieuse circonscrite
83
SECTION 2: LE NÉCESSAIRE RÉAJUSTEMENT DU
CONSENSUS DANS LA DéFINITION
DES RÈGLES ÉLECTORALES 86
PARAGRAPHE 1: LE RÉAMÉNAGEMENT DE LA
PARTICIPATION POLITIQUE 87
A- La revalorisation constitutionnelle de
l'opposition 87
B- La reconsidération de la fonction citoyenne
90
PARAGRAPHE 2: L'OUVERTURE DES SPHÈRES DE
CRÉATION DU DROIT ÉLECTORAL
91
A- Le développement des "consultations
informelles" 92
B- Le recours aux arrangements politiques
93
CONCLUSION CHAPITRE 2 98
CONCLUSION PARTIE 2 99
CONCLUSION GÉNÉRALE 100
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 102
LISTES DES ANNEXES 110
TABLE DES MATIÈRES 126