Le transit à travers le territoire du cameroun des hydrocarbures en provenance du Tchad et du Niger( Télécharger le fichier original )par HAMIDOU AMADOU Université de Yaounde 2 - Master 2 2014 |
Section 2 : La perception du projet de pipeline transnational au CamerounLe pipeline transnational présente certes des avantages pour l'Etat du Cameroun (Paragraphe 1), mais, ces enjeux rencontrent des limitations et risques susceptibles de menacer la cohésion sociale et la stabilité des Etats parties (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : Les bienfaits du pipeline pour l'Etat du CamerounLes avantages que tire le Cameroun en contrepartie de la reconnaissance du droit d'accès à sa côte atlantique sont de deux ordres. On a d'une part les avantages d'ordre économique (A) et d'autre part les avantages sociaux (B). A- Les avantages économiques liés à l'accès à la côte camerounaise par pipeline Au plan économique, le droit de transit perçu par le Cameroun sur les activités du pipeline contribue d'une part au budget de l'Etat (1) et d'autre part à la croissance du pays (2). 1- La contribution des ressources au budget de l'Etat Pour recouvrer son couvert végétal et autres pertes engendrées par le passage du pipeline à travers son territoire, l'Etat du Cameroun a dû imposer aux exportateurs d'hydrocarbures, la soumission au paiement d'un droit de transit calculé en fonction du volume d'hydrocarbures transportés. Cette liquidité perçue au titre du droit de transit contribue au budget de l'Etat. Depuis l'inauguration du pipeline Tchad-Cameroun en octobre 2003, Le droit de transit des hydrocarbures a contribué à accroitre le budget de l'Etat du Cameroun. A travers un texte de l'AEDEV Cameroun, préparé par Honoré TAPOKO et le docteur DJEUDA T. Henri, pour le seul pipeline Tchad-Cameroun en attendant l'effectivité du transit des hydrocarbures en provenance du Niger, la contribution annuelle du droit de transit au budget de l'Etat du Cameroun est de l'ordre de 3 à 4%. C'est un statistique énorme au regard des chiffres que cela représente. Le projet d'exportation tchadien par pipeline à travers le territoire du Cameroun qui s'étend sur une durée de 30 ans apportera aux caisses de l'Etat du Cameroun 900 millions de dollars. Lors de la présentation de son rapport d'activités au premier semestre 2015, le CPSP a annoncé la hausse du droit de transit de l'ordre de 44,6%. Ainsi, le droit de transit qui était de 8,62 milliards de francs en 2013, est passé en 2014 à 22 milliards de francs CFA193(*). Avec des hausses permanentes, on s'attend à une plus grande contribution du droit de transit au budget de l'Etat, de quoi améliorer le niveau de vie de la population camerounaise. Avec le transit des hydrocarbures en provenance du Niger par le même pipeline dont la fin des travaux de raccordement est annoncée au courant de l'année 2017, les statistiques estiment à plus de 6% de contribution au budget de l'Etat, du droit de transit par pipeline à travers le territoire du Cameroun et d'accès à sa côte atlantique. Cette contribution permet de financer des projets de développement du pays, ce qui par ailleurs favorise la croissance économique. 2- La contribution des revenus du pipeline à la croissance économique du Cameroun Le produit intérieur brut (PIB) est un indicateur économique qui permet de mesurer la production économique intérieure réalisée par un pays. Il a pour objet de quantifier la production de richesses réalisée par un pays sur une période donnée, généralement un an ou un trimestre, grâce aux agents économiques résidant dans le pays concerné. Le PIB permet de mesurer le taux de croissance d'un pays. Le droit de transit issu de l'accès à la côte camerounaise par voie de pipeline est d'un grand apport à la croissance du Cameroun. Pour l'année 2014, le droit de transit a généré un montant de 22 milliards de francs CFA. Ce montant peut être revu à la hausse dans les années à venir avec l'utilisation du même canal pour l'accès à la mer du Niger, toutes choses qui contribue à fortifier le niveau de croissance du pays. La convention d'établissement de la COTCO au Cameroun a fixé le droit de transit par pipeline des hydrocarbures en provenance des pays tiers à 0,41 dollars/baril d'hydrocarbures transporté. Ce taux a été revu à la hausse depuis octobre 2013 suite à l'amendement de la convention qui fixe le nouveau tarif à 1,3à dollars/baril. Ce nouvel accord prévoit également un ajustement du droit de transit à la fin de chaque quinquennat en fonction du taux d'inflation publié par la BEAC. Au cours de la réunion des ministres de l'économie et des finances des pays de la zone franc du 2 octobre 2015 à Paris, il en ressort que les revenus pétroliers représentent un taux considérable à la croissance des Pays de la CEMAC et du Cameroun en particulier194(*). En effet, plus le coût du baril est élevé, plus on assiste à la hausse du PIB. Au Cameroun par exemple, de 2010 à 2014, le pays a connu une augmentation de son niveau de croissance (de 2010 à 2014, on a les taux suivants : 3,3%, 4,1%, 4,6%, 5,6% et 6,3%). La chute du PIB de l'année 2015 à 5,5% s'explique en partie par la chute des cours de pétrole qui a eu un impact considérable sur le droit issu des exportations par pipeline à travers le territoire du Cameroun. Quoiqu'il en soit, le droit de transit perçu par l'Etat du Cameroun en contrepartie de l'accès aux marchés internationaux du Tchad et du Niger à travers sa côte atlantique contribue au budget de l'Etat et à la croissance économique du pays. Cet reconnaissance du droit d'accès aux Etats sans littoral présente également pour le pays, d'autres avantages qui sont de natures sociaux. B- Les avantages sociaux du Cameroun du fait du pipeline Le passage du pipeline en territoire du Cameroun présente deux types d'avantages sociaux. On a d'une part la réduction du chômage et le désenclavement (1) et d'autre part des contributions dans les domaines sanitaire et éducatif (2). 1- La contribution du projet à la réduction du chômage et au désenclavement Conformément à sa convention d'établissement du 20 mars 1998 en République du Cameroun, la COTCO participe à la réduction du chômage en employant des personnels camerounais. Au même titre, pour son accès aux installations du pipeline et à la mer, elle a participé à la réalisation des infrastructures dont des routes qui contribuent au désenclavement de certaines localités du Cameroun. Durant les travaux de construction du pipeline en territoire camerounais tout comme pendant l'utilisation et l'entretien de l'oléoduc, la COTCO et l'entreprise Exxon mobil qui sont chargé de la gestion des activités pour le compte du consortium au Cameroun contribuent à la réduction du chômage en recrutant les nationaux dans ce projet d'accès à la mer du Tchad et du Niger. Ce recrutement est un engagement des transporteurs contenu dans la convention d'établissement. Selon les explications de Stéphane De Mathieu, directeur général d'EEPCI, l'entreprise procède au recrutement des nationaux en fonction de deux catégories, les uns sont recrutés pour les emplois locaux consistant à la surveillance et à la maintenance du système de transport et les autres sont recrutés pour les fonctions de direction. La contribution de cette société à la réduction chômage au niveau local est également démontrée dans les travaux d'Alain BOUSSOUGOU pour ce qui est de la ville de Belabo195(*). Notre descente sur le terrain dans le cadre du présent travail de recherche au siège de la COTCO à Douala nous a permis de comprendre que la société participe effectivement à la réduction du chômage. Les données recueillies sont assez significatives, 250 emplois permanent au terminal pétrolier de Kribi et 2000 à 3000 emplois temporaires le long des installations. Pour leur accès aux installations, la COTCO et la compagnie EEPCI ont contribué au désenclavement de certaines localités en bitumant certaines pistes rurales. Les riverains, en grande partie agricole, pourra y bénéficier pour l'écoulement de leur production agricole. L'assistance des transporteurs va plus loin, elle concerne également des assistances sanitaires et éducatives. 2- Les contributions au développement sanitaire et éducatif La contribution du projet de pipeline dans les domaines sanitaire et éducatif est perceptible au Cameroun grâce aux efforts de la COTCO et d'EEPCI consistant à la lutte contre les maladies, l'octroi des bourses et la construction des infrastructures sanitaires et éducatives. La COTCO et Exxon mobil contribue à la lutte contre le paludisme au Cameroun. En 2011, Exxon mobil a lancé à Douala, une campagne de prévention et de lutte contre le paludisme. Financé à hauteur de 250 000 dollars, ce programme s'inscrit dans du plan stratégique dont le but est de réduire l'ampleur et le fardeau de la maladie par la prévention ( et notamment par la promotion de l'usage du moustiquaire imprégné d'insecticides à longue durée d'action, la pulvérisation intra-domiciliaire et le traitement préventif des femmes enceintes) et les prises en charge des cas. Dans les villages et au sein de la population riveraine du pipeline, la COTCO contribue à la construction des centres de santé et de remise des équipements sanitaires. C'est le cas notamment de l'assistance portée à la population pygmée Baka et Bagyeli, de l'Est et du Sud Cameroun. L'éducation est une priorité des exploitants du pipeline au Cameroun. Par l'entremise de la FEDEC, la COTCO participe depuis quelques années à la scolarisation des couches sociales vulnérables. Dans la région de l'est la COTCO finance la scolarisation des enfants du peuple pygmée Baka depuis l'implantation du projet de pipeline au Cameroun. C'est ce qui ressort du magazine bimensuel d'analyse et de politique environnementale qui a consacré son édition au salon de l'économie et du développement durable tenue du 4 au 8 mai 2011 au Gabon196(*). Le 25 mai 2016, la COTCO a organisé des cérémonies de remise des prix d'excellence au cours desquelles, elle a primé d'un montant total de 20 millions de francs CFA, les meilleurs élèves du primaire et du secondaire d'Obala et d'Okola, deux localités de la région du centre traversées par le pipeline. En somme, l'Etat du Cameroun bénéficie des avantages économiques et sociaux du projet de pipeline qui traverse son territoire pour rejoindre la mer. Si le droit de transit perçu sur les activités de pipeline représente les intérêts économiques du Pays, les transporteurs, à savoir la COTCO et Exxon mobil participent à la réalisation des actions sociales de nature sanitaire et éducative. Certes l'accès des Etats sans littoral présente des avantages énormes pour les acteurs impliqués dans ce projet, mais les limites et risques qui entourent ce projet sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité et à la cohésion sociale notamment dans les territoires des Etats contractants en général et au Cameroun en particulier. * 193 SNH INFOS, N° 47/48, juillet 2015, P.8 * 194 Cette réunion a permis de présenter la conjoncture économique, financière et monétaire des Etats membres de la CEMAC en 2014 et de jeter les perspectives pour l'année 2015 * 195 A. BOUSSOUGOU, la cohabitation entre autochtone et anciens travailleurs migrants sédentaires dans la ville camerounaise de Belabo : analyse des rapports sociaux, des modes d'accès à l'emploi et de l'espace forestier, mémoire de master recherche, Université de Paris I Panthéon Sorbonne, 2009-2010, P. 8 * 196 Afrique Environnement Plus, édition mars-avril 2011, Pp 22-23 |
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