La communication pour le développement. Pour une approche participative des stratégies de développement. Etude de cas : la politique nationale de communication pour le développement du Burkina Faso.( Télécharger le fichier original )par Hawa Ba Université Laval de Québec - Communication publique - internationale et interculturelle 2015 |
2.4. Évaluation et révision de la politiqueLa révision de la politique nationale de communication pour le développement du Burkina Faso (PNCDBF) a été motivée par trois points essentiels : - L'inadéquation relevée de la politique avec les stratégies de développement, dont la CSLP ; en effet, celle-ci a eu un faible cadrage avec les orientations de la CSLP. Par ailleurs, la définition de nouvelles stratégies nationales de développement telles que la SCADD et Burkina 202520(*) encourage une révision en vue de préserver la contextualisation de la politique avec les stratégies de développement. - Une difficulté de mobilisation des ressources nécessaires au bon appui des secteurs de la communication et de l'information. - Le constat que d'importants changements sont survenus dans l'environnement technologique de la communication du Burkina Faso au cours de la décennie qui a précédé la révision. Ainsi, la principale préoccupation qui a justifié la révision de la politique - et a donné le document P.N/COM -- a été de s'assurer qu'elle reste contextualisée à la situation globale du secteur de la communication, et qu'elle reste également alignée sur les stratégies nationales de développement, qui ont été actualisées. La politique affirme ainsi qu'elle « s'intègre dans la stratégie nationale de développement et tire ses fondements du projet de société contenu dans la vision prospective `Burkina 2025' » (Min. com., 201121(*), p31) ; de plus, sa périodicité s'aligne formellement sur celle de la SCADD (Min. com., 2011, p8). Afin d'assurer un alignement effectif, un état des lieux de la situation des secteurs de la communication a été refait afin de relever les difficultés auxquelles se heurtent encore les structures de communication au Burkina Faso. En effet, cette analyse de la situation révèle que malgré les promesses de la PNCDBF, celle-ci a échoué dans ses missions à faire des médias des outils de participation sociale ainsi que des partenaires auprès des programmes de développement. En effet, cette analyse révèle que, par exemple, entre 2001 et 2009, les médias ont fait face à trois enjeux récurrents, d'abord une insuffisance dans l'appropriation de la communication pour le développement par les ressources humaines, puis des difficultés budgétaires pénalisantes, et finalement une couverture nationale insuffisante. La révision de la politique s'est voulue complète en reconsidérant chacun des outils sur lesquels s'est penché le document d'analyse de la situation de la communication pour le développement au Burkina Faso en 2000. De ce fait, les faiblesses ainsi que les atouts et acquis de chacun de ces volets ont été présentés. Néanmoins, il y'a dans cette présentation une nuance qu'il est important de souligner : l'analyse de sa structure révèle qu'il ne s'agit là que d'un exposé de la situation plutôt qu'une révision qui aurait voulu que cette analyse soit mise en perspective avec celle de 2000. En effet, malgré le fait que la P.N/COM s'inscrive dans un processus de relecture de la PNCDBF, elle accorde peu de place à une analyse des résultats et des échecs de cette dernière. Il aurait pourtant été pertinent de procéder à une évaluation de la mise en oeuvre de la PNCDBF. Car, la révision d'une politique exige : - une bonne connaissance du précédent contexte, - une prise en compte des objectifs de la précédente politique et des précédentes données, car il s'agit non seulement d'évaluer les résultats atteints, mais également -et surtout - d'évaluer les échecs afin de proposer des solutions ainsi que des stratégies correctives de la politique, - de réévaluer la cohérence des missions, fondements et objectifs avec le contexte actuel -notamment avec les stratégies de développement nationales. Or, la politique révisée ne fait aucune référence formelle aux résultats atteints par la PNCDBF, ainsi que les échecs et leurs causes, et également les contraintes auxquels la mise en oeuvre de la politique a fait face. Pourtant l'analyse de ces éléments est une étape cruciale vers une proposition de solutions, et d'ajustements à faire. D'autant plus que la P.N/COM reprend sensiblement les mêmes objectifs que la PNCDBF, sans une analyse préalable de la cause de la non-atteinte de certains d'entre eux. Toutefois, la P.N/COM présente - sans en faire référence explicitement - deux réalisations abouties de la PNCDBF. D'une part, il ressort qu'au cours de la dernière décennie, les journaux ont reçu un soutien majeur lors de la mise en oeuvre de la PNCDBF, particulièrement les journaux en langues nationales. La mise en oeuvre des stratégies de la politique a donné à ces journaux le potentiel et les ressources nécessaires leur permettant de contribuer à « la formation d'un environnement lettré en milieu paysan et à la promotion des langues nationales (Min. com., 2011, p. 18). En effet, il ressort des conclusions de l'analyse que bon nombre de ces journaux sont devenus des instruments de formation, venant ainsi en appui aux programmes et aux projets de développement, d'autant plus que « la plupart sont orientés vers des questions de développement » (Ibid). Mais, malgré ce succès, la révision de la politique affirme que ces journaux, ainsi que les médias de manière générale, sont encore confrontés à de difficultés financières cruciales. D'autre part, les conclusions de la révision révèlent également que certaines des préoccupations auxquelles la PNCDBF aspirait répondre concernant la formation en communication pour le développement ont également été satisfaites. Puisque le bilan atteste que suite à la validation de la PNCDBF « certaines structures formelles de formation se sont engagées à faire une relecture de leurs programmes de formation pour intégrer la communication pour le développement » (Min. com., 2011, p.26). Néanmoins, malgré l'orientation de la PNCDBF sur le monde rural, on constate que l'analyse accorde peu de place aux préoccupations du monde rural dans les formations mentionnées. Tout comme pour les journaux et la formation en communication pour le développement, l'analyse de la politique révisée aurait été davantage pertinente si une référence aux autres outils de la communication avait été faite permettant ainsi de mettre en perspective les données recensées lors de l'état des lieux avec celui effectué en 2000. 2.4.1. Des objectifs révisés et mieux définisCette section de notre analyse met l'accent sur la redéfinition des objectifs de la PNCDBF présentés dans la politique révisée. En effet, les objectifs de cette nouvelle politique de communication pour le développement ont été révisés. Toutefois, elle reste fidèle à sa mission initiale à savoir promouvoir la démocratisation et l'atteinte des objectifs de développement par la participation et la mobilisation des populations afin qu'elles expriment et partagent leurs expériences, et afin qu'elles s'engagent ainsi volontairement dans des actions de développement local et national (Min. com., 2011,p.30). Nous nous sommes, ici, demandé d'une part dans quelle mesure cette redéfinition des objectifs cadre-t-elle encore avec les enjeux considérés ; et d'autre part, dans quelle mesure l'actualisation des objectifs a-t-elle pris en compte les déficits qui ont enfreint à l'atteinte des résultats escomptés par la précédente politique. Il est important de souligner ici que la politique révisée maintient explicitement l'objectif principal de la politique de communication pour le développement comme étant celle d'accompagner la mise en oeuvre des projets et des programmes ; ce qui fait qu'elle doit impérativement s'inspirer des stratégies nationales de développement, mais également être calquée sur les objectifs internationaux de développement (Min. com., 2011, p.31). La politique révisée reste également fidèle à la PNCDBF dans la mesure où elle s'appuie sur toutes les stratégies sectorielles qui portent sur des préoccupations nationales, car elle reconnait que la « communication est transversale » (ibid). Cependant, un des points positifs de la P.N/COM est qu'elle affirme plus clairement ses objectifs que la PNCDBF. En effet, tandis que la PNCDBF présente d'une part, des objectifs généraux comme étant ceux de renforcer les structures de communication, de se placer comme support aux stratégies de développement, de favoriser l'expression des communautés, ainsi que de promouvoir les outils de communication pour le développement auprès des acteurs du développement ; et d'autre part, des objectifs sectoriels thématiques (liés à des domaines fondamentaux du développement local, tels que l'agriculture). La P.N/COM, quant à elle, présente précisément quatre objectifs généraux (stratégiques) qui en fait reprennent et consolident significativement les objectifs de la PNCDBF, notamment en assignant à chacun des objectifs spécifiques. Ces derniers sont pertinents dans la mesure où au lieu d'être des objectifs sectoriels, elles viennent fermement en appui à chacun des objectifs stratégiques définis. Ainsi, pour l'objectif stratégique 3 « renforcer l'Accessibilité et l'Acquisition des outils et moyens de communication par les populations » (Min. com., 2011, p.35), les objectifs spécifiques suivants sont affectés « mettre en place un cadre législatif et règlementaire facilitant l'accès des populations aux moyens d'information et de communication et favorisant l'acquisition de matériels de communication ; soutenir l'implantation des médias dans les communes urbaines et rurales ; renforcer l'appui technique et financier aux médias publics, associatifs et privés » (Ibid). La présentation et la définition des objectifs dans la politique révisée sont, ainsi, à notre sens, plus claires et plus complètes que celles de la PNCDBF. Par ailleurs, un des mérites de la politique révisée à souligner est, sans conteste, sa structure d'élaboration. En effet, même si elle omet les références à la PNCDBF dans l'état des lieux, elle veille à exposer une analyse complète des huit secteurs de la communication d'une part, et d'autre part de la situation de la communication pour le développement au Burkina Faso. De plus, la redéfinition qu'elle fait des objectifs en font des objectifs sans équivoque, et qui se justifient autant par les principes directeurs que par la mission de la politique (Min. com., 2011, p.32).Par ailleurs, la P.N/COM est d'autant plus précise que, contrairement à la PNCDBF, elle définit clairement les stratégies d'intervention, les mécanismes de mise en oeuvre, de suivi et d'évaluation, ainsi que les facteurs de risques à prendre en considération lors de la mise en oeuvre. Une structure dont la cohérence, il faut le souligner, est de surcroit calquée sur celles des stratégies et projets de développement. Ce qui en fait, assurément, une politique dont les préoccupations confortent les enjeux qui guident les initiatives de développement, et auxquels une telle politique de communication se doit de répondre. Néanmoins, en dépit des améliorations appréciables contenues dans la P.N/COM, le fait que l'état des lieux de la situation, ainsi que la définition des objectifs et des stratégies ne soient pas mis en perspective avec ceux de la PNCDBF amenuise son crédit en tant que politique révisée. * 20Burkina 2025 est une étude prospective qui a pour objectif de « dégager les tendances d'évolution de la société burkinabé, [de définir le profil souhaité en 2025], d'en déterminer les différents germes de changement et d'élaborer des scénarios alternatifs devant servir de base à la formulation des politiques et stratégies à moyen terme » (Burkina 2025, p.3) * 21 Ministère de la Communication. 2011. Politique nationale de communication (P.N/COM). 43p. [En ligne]. http://www.information.gov.bf/files/PN-COM_du_05-09-_2011_Der-H_O.pdf. |
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