Le Cameroun est un pays de l'Afrique centrale qui a obtenu son
indépendance en Janvier 1960 et compte 17 463 836
habitants384 en 2005, avec deux langues officielles que
sont le français et l'anglais. Les religions qui y sont les plus
pratiquées sont le christianisme, avec énormément de
déclinaisons, l'islam et le bouddhisme. Le pays compte plus de 70% de sa
population qui est jeune, et le chômage a atteint des niveaux recours; la
pauvreté est perceptible dans tous les domaines d'activités Le
multipartisme a connu une éclosion particulièrement prolifique
depuis 1990 (près de 300 partis politiques répertoriés),
éclosion qui ne saurait occulter sa naissance avant
l'indépendance de 1960, où le pluralisme politique était
déjà fortement présent et remarquable, de par les
batailles et les enjeux divers inhérents à cette phase de
l'histoire du Cameroun. L'élection présidentielle du 9 octobre
2011 est donc la 12ème élection présidentielle
organisée depuis l'indépendance de ce pays, l'un de ses enjeux
majeurs était de voir un leadership nouveau s'imposer pour
répondre de manière crédible et lisible aux besoins
d'épanouissement des populations qui ont subi de plein fouet la crise
économique des années 80 et les affres des multiples programmes
de redressement économiques proposés au Cameroun par les
institutions occidentales. Elle s'est déroulée alors que le
Président Paul Biya, candidat à sa propre succession est au
pouvoir depuis 29 ans.
Le Président de la République du Cameroun a
annoncé lors du discours radio télévisé, du 31
décembre 2007, la modification de la constitution de 1996. Cette
modification s'est faite en avril 2008, et l'un de ses points marquants a
été la suppression du verrou qui empêchait à un
président en fonction au Cameroun de se représenter plus d'une
fois à une élection présidentielle. L'article 6 ayant
été modifié, le Président sortant pouvait de
nouveau candidater pour briguer un nouveau mandat.
En outre, l'élection présidentielle allait se
dérouler avec un nouvel acteur majeur, ELECTIONS CAMEROON qui avait
été créé en 2006, et qui avait l'étiquette
hautement revendiquée d'organisme indépendant de gestion des
élections au Cameroun.
On ne saurait ignorer les débats houleux qui ont eu
lieu autour non seulement du vote de la loi qui permettait au Président
de se représenter, puis de la légalité de sa candidature
quant à la non-rétroactivité de la loi, mais aussi ceux
autour de l'indépendance et de la neutralité annoncée
d'ELECAM, du fait de sa composition politique vilipendée par les partis
d'opposition et la société civile. La pilule est assez mal
passée pour les opposants. Dans la foulée, le pays tout entier a
été secoué en février 2008, par un
soulèvement populaire de jeunes non coordonné. Le Cameroun avait
vécu un mauvais moment qui allait parcourir plusieurs pays d'Afrique
subsaharienne; un mouvement continental que les medias avaient vite fait de
baptiser « les émeutes de la faim ».
Comme inspiré des secousses en Afrique subsaharienne,
2011 est une année assez particulière à travers le monde,
surtout pour ce qui est de l'expression démocratique. Nous avons
assisté successivement à la chute de plusieurs vieux chefs d'Etat
africains, en Tunisie, en Egypte, en en Lybie, et de nombreux paramètres
relatifs à la typicité de ces régimes déchus
faisaient croire que ce serait au tour du Cameroun de voir un changement
à la tête de l'Etat surtout grâce à l'élection
présidentielle. De par les spéculations qui sont allées
galopantes à travers la république et en dehors, tant de la part
des nationaux que de tous les pays qui s'intéressent directement ou
indirectement au Cameroun, de nombreux foyers d'incertitudes sont nés,
et ont fortement contribué à créer une psychose sans nulle
autre pareille autour de cette élection présidentielle.
D'abord, de nombreux acteurs non étatiques ont
commencé par se prononcer en faveur d'un changement à la
tête de l'Etat camerounais, ensuite de nombreux médias nationaux
et
384 D'après le rapport du 3e Recensement
Général de la population.
internationaux ont véhiculé le spectre d'un
effondrement de l'Etat en 2011. Pour consolider leurs positions politiques, des
leaders du parti au pouvoir, des élites traditionnelles et responsables
administratifs, ont organisé de nombreuses manifestations publiques
autour du thème de la paix, pour appeler les populations à plus
de responsabilité, de sérénité. Le paradoxe est que
cette série de manifestations n'a contribué qu'à augmenter
le sentiment d'insécurité dans l'imaginaire populaire, et les
mesures de sécurité nombreuses et successives, avec leur
caractère spectaculaire en termes de déploiement des forces
armées et police, ont contribué à inquiéter le bas
peuple.
En outre, les populations éprouvent le besoin de vivre
un management étatique plus efficace, face à la corruption, la
dépravation des moeurs, les détournements de deniers publics, et
injustices diverses crées par des micros entités
systémiques qui se servent de leurs positions dominantes pour piller
l'Etat et asphyxier les populations à tous les niveaux d'existence, tant
le clientélisme s'est installé comme pré condition
à certains niveaux pour rentrer dans ses droits.
L'autre enjeu, et non des moindres était de savoir si
il existe au Cameroun une opposition puissante, structurée et capable de
mener à bien un projet socioéconomique alternatif au point
d'obtenir une forte adhésion des populations. Un besoin de changement,
en somme tant dans l'expression de la démocratie à la
camerounaise, que dans les rhétoriques et les pratiques diverses
relatives à la gestion de l'Etat du Cameroun. Enfin cette
élection était l'occasion de voir si l'on peut avoir alors des
élections réellement démocratiques au Cameroun avec la
nouvelle administration électorale.
L'observation électorale de l'ONG Un Monde Avenir et
ses Partenaires est une observation nationale. Conscient du fait qu'un
processus électoral ne se limite pas au
jour du scrutin, mais s'intègre dans un cycle
électoral incluant des questions à long terme portant sur le
cadre juridique, l'inscription des électeurs, l'enregistrement des
partis et des candidats, la campagne électorale, le vote, le
dépouillement, la compilation des résultats et le contentieux,
conscient également que le processus électoral est aussi plus
largement relié aux questions de démocratie, d'État de
droit et de droits de l'homme. En conséquence, une observation
détaillée d'un processus électoral implique une
présence à long terme d'observateurs (OLT), et d'un
déploiement accrue le jour du scrutin d'observateurs court-terme
(OCT).
Afin d'assurer une approche cohérente de l'observation
électorale, Un Monde Avenir applique la même méthodologie
dans l'ensemble du territoire national. La mission a déployé des
observateurs disposant d'expériences professionnelles très
diverses et leur a assuré une formation portant sur les
différents aspects du cadre juridique et légal, des techniques
d'observation électorale et de la citoyenneté.
Tous les observateurs sont tenus de respecter le code de
conduite pour les observateurs électoraux du Ministère de
l'Administration Territoriale et de la Décentralisation ainsi que le
Guide de l'observateur de Un Monde Avenir.
La méthodologie de l'observation électorale de
l'ONG Un Monde Avenir permet de s'assurer que l'information sur la conduite
d'une élection et sur d'autres indicateurs de l'environnement
démocratique en général est recueillie de manière
systématique par la Mission d'observation électorale. Des outils
conçus à cet effet ont constitués des garde-fous pour
éviter au mieux des évaluations subjectives ou partisanes des
processus électoraux.
La méthodologie de l'observation électorale de
Un Monde Avenir se concentre de manière détaillée sur tous
les aspects et les étapes d'un processus électoral.
Le travail d'évaluation de la mission a impliqué
l'observation directe d'événements électoraux par ses
observateurs ainsi que l'analyse de l'information obtenue à partir des
documents pertinents et au travers des rencontres avec un large éventail
de personnes concernées par les élections au niveau national et
régional.
Les observateurs ont été déployés
dans l'ensemble des 10 régions du pays ainsi que dans 50
départements sur le triangle national.
La mission d'observateurs à long terme (OLT)
déployés quatre (4) mois avant le scrutin dans tous les 10
régions du Cameroun, a été présente depuis les
inscriptions des électeurs, pendant la campagne électorale
jusqu'à l'annonce des résultats définitifs et
l'épuisement des recours liés aux élections.
Le jour du scrutin, la mission a accru sa capacité de
couverture pour l'observation du vote et du dépouillement dans les
bureaux de vote. Les observateurs de Un Monde Avenir et partenaires ont
été déployés à travers le pays et chacun
d'eux avait pour mission de visiter un certain nombre de bureaux de vote
à l'intérieur du centre de vote qui lui a été
attribuée. Les observateurs ont utilisé une fiche d'observation
conçue à cet effet pour leur rapport de mission. Pour s'assurer
de la fiabilité et de la cohérence de l'observation du scrutin,
chaque observateur visite l'ensemble des bureaux de vote de son centre, puis
choisi parmi eux un bureau témoin où il observe jusqu'au
dépouillement.
Les observateurs avaient l'obligation d'être strictement
impartiale et de ne faire preuve d'aucun parti pris en faveur d'un camp lors du
processus électoral. Leurs conclusions ont été
fondées exclusivement sur des informations exactes et
crédibles.
Elle a été indépendante dans ses
constatations et ses conclusions.
Les observateurs ne se sont pas ingérés dans le
processus électoral.Lorsque des problèmes ont été
observés, ils les ont porté à l'attention des
autorités électorales et n'ont pas intervenu pour corriger ou
influencer directement sur le déroulement du processus.
Un Monde Avenir a organisé une conférence de
presse à mi- parcourt le 9 septembre 2011 (10 jours après
la convocation du corps électoral) pour faire une lecture
critique du processus d'inscription des électeurs.
De même, le 12 octobre 2011 (72 heures après le
scrutin), Il a rendu publique lors d'une conférence de presse où
la coordination du projet EDE/ACPE était ouverte aux questions des
journalistes. Au vu des constatations et irrégularités, une
déclaration préliminaire sur la position de Un Monde Avenir a
été faite. Le rapport national d'analyse détaillé
vient sonner l'aboutissement de l'observation du processus électoral. Il
évoque les recommandations pour l'amélioration du processus en
même temps qu'il capitalise les leçons apprises et les
difficultés rencontrées.
· Formation des observateurs long- terme puis court-terme
;
· Briefing et déploiement des observateurs
long-terme (OLT) ;
· Observation du processus électoral depuis les
inscriptions des électeurs ;
· Point de presse à mi- parcourt sur l'observation
de la période pré-électorale ;
· Préparatifs en vue du déploiement des
observateurs court- terme (OCT) ;
· Briefing régional et déploiement des OCT
;
· Observation du scrutin, du dépouillement à
l'échelle nationale ;
· Rapport d'observation ;
· Débriefing des observateurs ;
· Point de presse : Déclaration préliminaire
de la mission ;
160
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
? Départ des OCT ;
? Observation de l'environnement postélectoral par les
OLT ;
? Départ de la mission ;
? Rapport final d'analyse de la mission, y compris les «
leçons tirées » et les
recommandations en vue d'éventuelles améliorations
du processus électoral.
II. DESCRIPTION DES ACTIVITES DE L'OBSERVATION
ELECTORALE DE UN MONDE AVENIR ET SES PARTENAIRES
L'observation électorale au Cameroun de l'ONG
Un Monde Avenir et ses partenaires, s'est faite avec le Financement du
Fond des Nations Unies pour la Démocratie (FNUD), et
elle s'inscrit dans le cadre du projet-programme « Education au
Droit Electoral et Accompagnement des Citoyens dans les Processus Electoraux au
Cameroun » (EDE/ACPE). Après avoir assuré la
formation de 700 observateurs électoraux sur l'ensemble du territoire
national, à travers les 10 régions du Cameroun, ayant ainsi
formé des ressortissants de tous les 58 départements du Cameroun,
les observateurs ont reçu, en dehors des badges d'accréditation,
un kit d'observation, des questionnaires d'observation
préélectorale, électorale et postélectorale, qui
ont permis d'obtenir des comptes rendu détaillés. Ils se sont
tous servi des consignes à eux adressées durant les formations et
aussi ont utilisé un même « modèle de rapport de
synthèse d'un observateur » suivant le canevas
élaboré à cet effet.
Structure
La mission d'observation électorale de Un Monde Avenir
et ses partenaires (MOE 1MA) était composée d'une équipe
de coordination, des coordonnateurs de pool et d'observateurs.
L'équipe de coordination comprenait le Coordinateur
(Philippe NANGA), le Chef de Projet (Francis Albert KAMGUEM), le Superviseur,
deux secrétaires et un responsable logistique. Elle assurait le suivi,
la coordination et la centralisation des informations des régions.
Les coordonnateurs de pools au nombre de 100 étaient
les chefs d'équipe qui assuraient la supervision des observateurs et
leur approvisionnement le jour du scrutin. Toutefois, ils constituaient
l'équipe des observateurs à long terme (du processus)
déployé quatre (4) mois avant le scrutin.
Les 600 observateurs court-terme (du scrutin) étaient
déployés dans l'ensemble des dix régions du Cameroun et
dans 50 départements sur les 58 que compte le Cameroun.
Chronogramme
Les observateurs du processus ont travaillé du 1er
Juin au 7 octobre et du 10 au 21 octobre; et les observateurs du scrutin quant
à eux ont été déployés le jour du scrutin
à savoir le 9 octobre 2011.
La mission a été clôturée avec la
proclamation des résultats par la Cour Suprême le 21 Octobre
2011.
Activités
Le Coordinateur et le Chef de Projet, ont eu des entretiens
avec les responsables d'antennes d'ELECTIONS CAMEROON, des candidats à
l'élection présidentielle. Ils ont donné des interviews
à la presse nationale et internationale.
Les dix équipes d'observateurs du processus ont
été déployées après une session de formation
de deux jours à Douala les 26 et 27 mars 2011. Cette session a
été suivi par 22 autres sessions d'observateurs du scrutin d'un
jour chacune dans les 10 régions à raison de deux sessions par
régions du 4 avril au 5 juillet 2011.
161
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
Les observateurs long-terme ont été accueillis
de manière très positive par la population en
général. Ils ont tenu des entretiens avec les responsables locaux
d'ELECTIONS CAMEROUN, avec les autorités traditionnelles locales, et la
société civile.
La présence d'une mission d'observation long terme (du
processus électoral) sur place a créé des confusions chez
les populations locales lors des premiers entretiens. Il a alors fallu
expliquer en quoi les mandats de cette mission étaient différents
de ceux de l'administration électorale nationale, la MOE 1MA
étant, elle, une mission indépendante pour observer et faire un
rapport publiquement sur le processus électoral.
Déploiement de la mission
La mission a déployé des observateurs
long-terme (100) quatre mois avant le scrutin et des observateurs court-terme
(700) le jour du scrutin. Ce déploiement s'est effectué dans
l'ensemble des dix régions du Cameroun. Pour des contraintes
d'enclavements, logistiques et météorologiques, elle a couvert 50
départements sur les 58 que compte le territoire national.
III. ANALYSE DU PROCESSUS ELECTORAL
L'analyse du processus s'attardera sur la période
pré-électorale, la campagne électorale, le scrutin et la
période postélectorale.
3.1. Analyse multisectorielle de la période
préélectorale
? L'inscription des électeurs
D'après les chiffres du dernier recensement de la
population en 2005 la population totale était de 17 463 836 habitants
avec une projection de 20 397 760 habitants en 2011. La population
électorale découlant des chiffres a été
déclarée être de 9 millions d'électeurs. Finalement,
en 2011, le chiffre de 7 500 000 électeurs a été
annoncé par Elections Cameroon comme le nombre total
d'électeurs.
Commencé depuis le 1er Janvier 2011, le processus
d'inscription des électeurs a été conduit par Elections
Cameroon à travers ses antennes communales. Il s'est conduit sans la
participation des partis politiques d'opposition, ni de la
société civile.
Les commissions d'inscriptions ne comprenaient que les
représentants du parti du candidat sortant. Des commissions mobiles ont
été mises sur pied avec l'objectif déclaré de
résoudre le problème d'éloignement géographique
observé.
En fait l'inefficacité de ces commissions mobiles
s'est rapidement révélée, notamment du fait d'un
calendrier de déploiement inconnu des populations. L'implication des
cadres du pouvoir ayant contribué à certains niveaux à
accentuer l'indifférence des citoyens, trouvant en ELECAM un outil au
service du pouvoir. Des Chefs traditionnels ont eux aussi été
impliqués au plus haut degré au processus d'inscription en
inscrivant eux même les électeurs. La faible accessibilité
des points d'inscription par les personnes handicapées a
contribué à éliminer une bonne frange de la population; en
effet, la mission a relevé de nombreux bureaux d'inscriptions
localisés à l'étage des immeubles. Le cas des bureaux de
l'antenne communale de Douala 2ème, en est une
illustration.
Toutefois, le processus d'inscription comme le prévoit
la loi, devait déboucher sur la publication et l'affichage des listes
électorales provisoires à travers tout le pays. La mission a ici
relevé une volonté insuffisante d'Elections Cameroon à
vulgariser les listes électorales.
En effet, dans près de 80% des cas observés,
les listes n'ont été que partiellement affichées au niveau
des antennes communales dans l'ensemble des 10 régions du Cameroun ; et
à certains endroits comme l'illustre la photo ci-dessus, les listes
trainaient au sol et chacun y allait de sa manière pour rechercher son
nom. En outre le fichier électoral n'a pas été
nettoyé comme annoncé et ceci a inéluctablement conduit
à la non publication des listes définitives et ipso facto
impacté négativement sur le processus de distribution des cartes
électorales.
? La distribution des cartes
électorales
Un autre aspect, peut-être plus important encore,
concerne la distribution des cartes d'électeurs. En effet, prévu
pour débuter 25 jours avant le scrutin, cette distribution n'a
162
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
réellement commencé que huit (8) jours avant le
scrutin dans la quasi-totalité des points observés. Plusieurs
dysfonctionnements ont contribué à décourager les
électeurs, notamment le personnel insuffisant en charge de la
distribution, causant de longues files d'attendes de la part des
électeurs. Plusieurs doublons ont été enregistrés
comme le témoignent les cartes ci-dessous.
Les cartes électorales ont été quelques
jours avant le scrutin, transférées au niveau des chefferies
traditionnelles, la raison déclarée étant de les
rapprocher des électeurs, mais cela a davantage enfoncé le clou
de la confusion des électeurs qui pour bon nombres se sont
retrouvés en train de faire en vain des allers-retours en vue d'entrer
en possession du précieux sésame. En résultats, des
centaines de milliers de cartes d'électeurs sont restés dans
l'attente des propriétaires dans toutes les régions.
? La campagne électorale
La campagne électorale est légalement
prévue pour débuter quinze (15) jours avant le scrutin.
Officiellement ce délai a été respecté mais dans la
réalité, la campagne du candidat sortant a commencé
plusieurs semaines avant le lancement officiel, ceci notamment à travers
des documentaires diffusés sur la chaine de télévision
nationale sur ses réalisations, ainsi que des reportages sur les
activités des leaders de son parti.
La campagne électorale a démarré dans
une certaine inquiétude de la part des candidats d'opposition qui, une
semaine après n'avaient pas encore reçu les financements
prévus par l'Etat. Aussi certains candidats d'opposition ont
été victimes d'intimidation. C'est le cas du candidat du PADDEC,
Jean De Dieu MOMO qui avait choisi le village d'origine du candidat sortant
(Mvokmeka) pour le lancement de sa campagne, mais a été
finalement empêché par les autorités administratives de la
localité.
La mission a constaté la disproportion énorme
entre les moyens mis en oeuvre par le candidat sortant Paul BIYA et ceux des
autres candidats, ainsi que l'utilisation massive par le premier nommé
des ressources publiques à des fins de propagande personnelle. De
nombreux opérateurs économiques ont personnellement
contribué à titre privé à la collecte des fonds
pour sa campagne. N'ayant pas de chiffres publiés à ce sujet,
l'on ne saurait établir une proportionnalité entre les
contributions privées et les ressources étatiques
utilisées.
La campagne s'est déroulée dans une
atmosphère peu enthousiaste; pour certains candidats qui n'avaient pas
assez de ressources, les activités de campagne se limitaient à
quelques déplacements ciblés dans le pays. De toute
manière, l'on a remarqué grâce aux journaux radio et
télévisés des chaines privées et publiques, que de
nombreux candidats de l'opposition ont ciblé des marchés
fortement fréquentés pour passer leurs messages.
Des membres du gouvernement ont été mis
à contribution pour la mobilisation des ressources financières du
candidat sortant comme l'ont attesté plusieurs quotidiens nationaux. Le
Premier Ministre ayant été désigné comme directeur
de campagne du candidat sortant. Dans la plupart des agglomérations les
panneaux publicitaires ont été dominés par les affiches du
candidat sortant.
De leur côté, les partis d'opposition ont
été relativement absents sur le terrain. La majorité des
candidats semble avoir manqué de stratégies et d'organisation
requises pour pouvoir gérer une campagne de soutien à
l'échelle nationale. La totalité des candidats d'opposition s'est
plainte d'une insuffisance de moyens financiers.
Cependant le principal parti d'opposition, le SDF a
retourné le chèque de 15 millions de Frs CFA qui lui avait
été remis en guise d'avance sur la subvention de l'Etat relative
à la campagne électorale, comme le prévoit la loi;
critiquant ainsi le caractère modique de cette enveloppe
évaluée à 30 millions de FCFA par candidat. Il est tout de
même pertinent de noter que la majeure partie des candidats comptait sur
la somme de 30 millions de Frs CFA qui était réservée
à chaque candidat pour battre campagne. Sachant de prime abord que la
mobilisation des fonds est un véritable problème pour la plupart
des partis politiques camerounais, que tous
163
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
les candidats ont déposé une somme de 5
millions pour faire enregistrer leur dossier de candidature, sachant que la
somme de 30 millions de Frs CFA ne suffirait même pas à battre
campagne dans une grande ville comme Douala, il faudrait profondément
questionner le fait que ces candidats aient accepté une somme si
dérisoire. Allaient-ils véritablement battre campagne pour gagner
une élection nationale?
Par ailleurs, le délai légal de quinze (15)
jours de campagne ne permet pas aux différents candidats de battre
efficacement campagne, compte tenu des difficultés liées au
transport le Cameroun comportant 10 régions, il faut au minimum 3 jours
pour partir d'une région du Sud faire campagne dans le Grand Nord, et
retourner au point de départ.
? Ressources publiques
L'équité d'accès aux ressources
publiques pendant le processus électoral n'a pas été
respecté. Comme l'ont relevé les observateurs dans toutes les
régions, les ressources humaines et matérielles de l'Etat ont
été ouvertement et massivement mobilisées dans tout le
pays pour soutenir la campagne du candidat sortant Paul BIYA: usage de
véhicules et de bâtiments publics; recours aux fonctionnaires de
l'Etat, etc. Les fonctionnaires des régions, préfets,
sous-préfets ont été mobilisés lors des meetings du
candidat sortant.
? Suivi des médias
Dès le 26 septembre, la mission a
procédé à un suivi quantitatif et qualitatif de
l'audiovisuel public. Les observateurs média de la mission ont
relevé le temps d'attention consacré aux candidats, aux partis
politiques et à leurs membres. Le temps d'attention est le temps
où un sujet politique est couvert, soit indirectement par le reportage
des journalistes, soit directement par l'accès direct à
l'audiovisuel. La qualité À positive, neutre ou négative -
de la visibilité des acteurs politiques a également
été relevée.
D'une manière générale, la campagne a
principalement été couverte dans le cadre des journaux et de
l'émission « Espace politique », émission produite sur
la télévision nationale d'Etat (CRTV) à l'occasion de
l'élection présidentielle pour la présentation des
programmes des candidats et pour le reportage de leurs activités. La
Mission a constaté un accès équitable à l'antenne
pour ce programme spécialise où tous les candidats qui le
désiraient ont eu la possibilité de présenter leur
programme. Outre ce programme spécial, Il a été en
revanche remarqué une disproportion dans la visibilité des
candidats, à l'avantage manifeste du candidat sortant. La position de
force de ce dernier a aussi été constatée pour ce qui
concerne la quantité et la qualité de la couverture de sa
campagne. Le Président et ses comités de soutien ont
été les sujets principaux de toute l'information de l'audiovisuel
public, la couverture de leurs activités dépassant la
moitié du temps consacré à la politique et à
l'élection.
Dans plusieurs médias audiovisuels privés, des
émissions spéciales ont elles aussi vu le jour pour le traitement
de la campagne électorale. On a relevé « Etoudi 2011 »
sur Equinoxe tv et Radio, « Au coeur des présidentielles
» sur LTM tv, « Sur le chemin du palais » sur canal 2
international. Ces émissions ont reçu les candidats et
représentants des candidats pour communiquer sur leur programme
politique. La mission a plusieurs fois été sollicitée sur
plusieurs de ces plateaux.
Durant la période préélectorale, le
climat politique était marqué par de multiples incertitudes:
incertitude quant au fait que les élections auront effectivement lieu en
2011, incertitudes quant à la candidature de M. Paul Biya à cette
élection, incertitude quant au fait qu'ELECAM soit en mesure d'organiser
une élection nationale, et enfin incertitude quant au fait que le
Cameroun résisterait face au mauvais vent qui faisait tomber depuis le
début de l'année 2011 des chefs d'Etat africains dont
l'ancienneté au pouvoir devenait très importante.
Il faut avouer que l'issue de la crise ivoirienne avait
créé une psychose et une indignation sans
précédente au sein des populations camerounaises, et
malgré les divergences d'opinions sur la question ivoirienne, à
tous les niveaux de la société, la peur d'une guerre
164
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
civile ou d'une guerre pour le pouvoir au Cameroun
s'était installée et avait fini par marquer les formes de
langage, les mises en scène, les représentations, et les
pratiques politiques dans toutes les couches sociales et politiques
camerounaises. On commençait à s'attendre au pire, le tout
était maintenant de savoir comment il viendrait. Et c'est dans ce
contexte que le gouvernement en place a choisi, comme stratégie
communicationnelle autour des élections, le silence, voire la
rétention d'informations stratégiques. Une pratique contraire
à l'émergence démocratique.
Par exemple, il a régné pendant des mois, un
silence assourdissant sur la date exacte à laquelle l'élection
aura effectivement lieu, et ce silence était combiné au bout d'un
moment à l'incertitude de la candidature du président sortant.
Perdue dans cette phase d'incertitude, incapable d'élaborer une
stratégie adaptée à la situation de crise politique
larvée, l'opposition toute entière s'est
démobilisée et s'est caractérisée par une
réelle incapacité à faire front en termes de
stratégies globales et pertinentes pour l'échéance
électorale. Tandis que le RDPC avait démarré des campagnes
d'inscription sur les listes électorales depuis octobre 2010, la mission
a relevé l'immiscions de certains de ses cadres dans le processus des
inscriptions sur les listes, en lieu et place d'ELECAM.
Le principal parti d'opposition, le SDF, qui au départ
a donné le mot d'ordre d'abstention, remettant en cause la composition
politique d'Elections Cameroon et ayant proposé l'organisation
d'élections à deux tours ainsi que l'usage d'un bulletin unique,
a attendu 3 semaines avant la fermeture des listes pour demander aux
populations d'aller s'inscrire. Entre temps aucun consensus n'était
visible entre partis de l'opposition quant à la manière dont il
faudrait battre le RDPC. Au contraire, des déchirements, et des
désistements faisaient la une au sein des grandes organisations telles
que le SDF et l'UPC. Il n'y eu aucun consensus au sein de l'opposition pour
obliger le pouvoir à améliorer de façon satisfaisante les
règles de jeu en matière électorale. Certains leaders
d'opposition ont dans ce sens exigé notamment l'adoption des bulletins
uniques, d'un scrutin à deux tours et aussi décrier la
composition politique d'Elections Cameroon.
ELECAM en tant que responsable de la gestion
matérielle de l'élection sur l'ensemble du territoire national,
s'est surtout lancée dans une vaste bataille pour inscrire les citoyens
dans les listes électorales, en usant au besoin de caravanes mobiles,
sans mesurer la complexité de communication qu'il faudrait mettre sur
pied afin de gérer cette mobilité et les repères que les
votants devraient avoir une fois les inscriptions faites depuis leurs domiciles
respectifs. Et durant toute cette période, aucune révision des
listes n'a été faite. C'est donc dans ce climat d'insuffisances
multiformes que le décret présidentiel précisant la date
de l'élection et convoquant le corps électoral est survenu le 30
Août 2011, dans la surprise totale même des membres d'Elections
Cameroon engagés dans plusieurs missions dans les représentations
diplomatiques à l'étranger en vue de donner des clarifications
sur le processus d'inscriptions des électeurs.
Cinquante-trois (53) candidatures à l'élection
présidentielle ont été enregistrées au
départ, et les études de dossiers par la cours suprême ont
permis d'en retenir tout d'abord 21. La Cour suprême du Cameroun statuant
en qualité de Conseil Constitutionnel, a rendu le mardi 20 Septembre,
ses différents verdicts à la suite des requêtes
déposées par de nombreux candidats déclarés. Ainsi,
deux autres candidats ont été repêchés (Anicet EKANE
du MANIDEM et SOH FONE du PSU), ce qui a porté à 23 le nombre
total de candidats, un record dans l'histoire des élections depuis le
retour du multipartisme au Cameroun. Les raisons déclarées des
rejets ont été principalement : le dépôt hors
délai des dossiers, l'absence de certificat de cautionnement, l'absence
de certificat de domiciliation, la signature non légalisée sur la
déclaration de candidature.
Parmi les 23 candidats retenus, beaucoup d'inconnus et
plusieurs dont la base électorale n'est pas plus grande que leur
famille. Cette pléthore de candidature a contribué à
165
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
effriter les bases d'une compétition serrée
entre les candidats de l'opposition et celui du RDPC.
3.2. Analyse du déroulement du scrutin et de
dépouillement
Les dix régions couvertes par nos observateurs, nous
ont permis d'avoir des informations empiriques assez précises sur le
scrutin en particulier, le jour du 9 Octobre 2011. Dans la Région du
Centre la majeure partie des bureaux de vote ont ouvert à l'heure;
même si certaines irrégularités étaient
répertoriées, à savoir certains bureaux de vote où
les isoloirs n'étaient pas conformes, car ne garantissant pas le secret
du vote, à l'instar de l'école publique de Nkolndongo B, ou le
centre linguistique appliqué d'Obili. Autre problème dans la
gestion du matériel, le constat a été fait dans plusieurs
bureaux de votes quant au caractère délébile de l'encre.
Par ailleurs la mission a observé à Yaoundé des bureaux de
vote dans les commissariats (notamment au commissariat du sixième
arrondissement à Mendong) et gendarmerie (brigade de gendarmerie
d'Emombo). Ajouté à cela, le zèle de certaines
élites du RDPC, députés en occurrence, les a conduit
à intimider à la fois les responsables de bureaux de vote de
ESIEG B (face acropole), et les observateurs présents en les faisant
sortir des bureaux pour « délibérer à leur
manière ».
En outre, au centre de l'Hôtel des Finances de Bafia,
la mission a relevé la passation des consignes de vote en langue locale
par une dame représentant le RDPC tenu près de l'isoloir
D'autres problèmes ont été
rapportés, à savoir, les doublons dans les listes
électorales, le fait que de très nombreuses cartes
électorales soient restées abandonnées à
elles-mêmes sans que les propriétaires viennent les prendre. Dans
l'ensemble les bureaux de vote ont fermé à 18h Les chiffres que
nous avons obtenus dans la Région du Centre pour les 68 bureaux
visités dans 38 centres de vote font état de 29809 inscrits pour
14983 votant, soit un taux de participation de 50,26%.
Dans la Région de l'Extrême-Nord, l'un des
problèmes était la difficulté que de nombreux
électeurs ont eu à trouver leur bureau de vote, d'abord à
cause de l'emplacement peu connu de ceux-ci excepté certains qui
étaient dans des lieux publics. Le démarrage des
opérations de vote a connu quelques problèmes sérieux
d'organisation matérielle du scrutin, tels que l'absence d'isoloir dans
des bureaux tels que celui de Sera Ndoumba Blama, celui de la
Coopérative dans la ville de Kousseri.
Plus étonnant, le fait que certains électeurs
n'aient pas pu voter, car ils ont trouvé que l'on avait voté
à leur place; à Warba Ecole Publique, au Pont vert, et Nassarao.
Il a été aussi noté l'intervention magistrale d'un chef de
quartier qui à Zokok 1A trouvait indiqué d'entrer dans le bureau
de vote avec ses sujets, pour leur indiquer le bulletin à choisir (celui
du RDPC).
La mission a relevé plusieurs cas de vote multiple
dans les bureaux de vote des centres : Pont vert, Bala Ouro Dole, Sera Doumba
Blama, Warba centre, où certains électeurs ont voté
plusieurs fois. Il y'en a d'ailleurs qui sortaient des bureaux de vote avec les
bulletins qu'ils n'ont pas introduit dans l'enveloppe. Dans certains bureaux de
vote les électeurs n'ont pas émargé après avoir
voté.
Dans les bureaux de vote de Palar 1A école publique,
Bawliwol Zouloum ESPL Djaoro, Palar II, Douaye, Datcheka, Sirlawe, certains
responsables du RDPC donnaient pendant le scrutin 500 Frs CFA ou 1000 Frs aux
électeurs; l'opération se faisait dans une case pas loin des
bureaux. Quelques bureaux se retrouvaient avec de sérieux
problèmes d'arithmétiques, car par exemple au bureau de vote
situé dans les services du Gouverneur de la Région, on a obtenu
300 votants pour 183 inscrits, au Mayo-Kani le RDPC a obtenu un score de 275%,
3760 personnes ont effectivement voté alors que 1538 personnes
étaient inscrites, et 3670 ont voté pour le RDPC. Dans le
Diamaré 9223 personnes ont effectivement voté alors qu'il n'y
avait que 6693 votants dans les procès-verbaux; ce qui permis au RDPC
166
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
d'avoir 116,18% de voies. Ces incohérences flagrantes
ont été notées dans quelques bureaux de vote où par
exemple à Sera Doumba Blama, il n'y a pas eu de dépouillement
vrai. L'arbitraire avec lequel il a été établi le nombre
de votant ne respecte aucune règle.
Nombreux sont les représentants de partis politiques
qui ont brillé par leur absence, ce qui fait que la majeure partie des
bureaux, on avait tout au plus le RDPC, l'ADD, le SDF et le CPP. Cependant,
l'ensemble des analyses menées démontrent à
l'échelle nationale que les candidats de l'opposition majoritairement
étaient peu représentés dans les bureaux de vote.
Les chiffres obtenus des 32 bureaux de vote visités
dans 29 centres différents dans l'Extrême Nord présentent
13200 inscrits pour 6693 votants, soit un taux de participation de 50,7%.
Dans la Région du Nord-ouest, 94,6% des bureaux de
vote se trouvaient dans des lieux publics. Les opérations de vote ont
débuté pour la majeure partie des bureaux à l'heure.
Certains bureaux de vote se trouvaient dans des locaux de l'armée ce qui
n'était pas de nature à encourager ceux qui y devaient voter.
Les observateurs ont noté que des bureaux de vote tels
que ceux de C.S Bayell G, H, PMI A, B, D, G.S Ngomgham A, B n'étaient
pas très facile d'accès pour les handicapés et les vielles
personnes; pour cause les escaliers hauts des édifices qui servaient de
bureau de vote étaient des obstacles réels pour les
handicapés moteurs. Il fallait en permanence les porter pour les hisser
au niveau des bureaux.
De nombreux actes de fraude ou d'intimidation ont
été notés, soit venant des membres du RDPC, soit de
président de bureaux de vote, soit des agents de sécurité
de la police, des membres d'ELECAM ou encore de officiers de l'armée :
à CS Bayelle A, B, C, D, E, F, G, H ; Bamenda III, G.B.H.S. (C,F,G,H)
Bamenda II Mezam, certaines personnes du RDPC se sont accordés la
liberté de donner 5000 Frs ou 1000 Frs CFA selon les zones à ceux
qui ressortaient des bureaux de vote avec le bulletin du SDF. Ces actes de
corruption et de fraudes se sont accompagnés donc par endroits d'acte
d'intimidation verbale de certains présidents de bureaux de vote
(à GBHS Bamenda E Chomba), des officiers de police (au Congres hall
(J,C) au CBC Musang dans Bamenda II, G.S Bujong dans Bamenda I), de ceux de
l'armée.
Il est tout de même à constater que la majeure
partie des bureaux de vote visités dans le Nord-ouest, l'on a vu que les
scrutateurs du RDPC et du SDF.
Dans la Région du Sud-ouest, la majeure partie des
bureaux de vote visités ont commencé à recevoir les
électeurs dès 8h00, tout le matériel dans les bureaux de
vote était déjà disponible. De nombreuses cartes
d'électeurs sont restées en attente de leurs propriétaires
jusqu'à la fin du vote. Les partis les plus présents lors de ce
scrutin au Sud-ouest étaient le RDPC, le SDF, et le PAP. En dehors du
fait que de nombreuses personnes aient eu le droit de voter sans cartes
d'électeurs, mais avec les cartes d'identités, du moment
où elles étaient identifiées formellement, il y'a tout de
même eu le fait de nombreuses personnes déjà
décédées avaient leur noms dans les listes. Paradoxalement
nombreux d'autres électeurs bien qu'en possession de cartes de vote,
cherchaient en vain leurs noms sur les listes électorales de bureaux de
votes en bureaux et ont fini par être frustrées et
découragées, donc n'ont pas voté. Les données
obtenus, pour les 37 bureaux de vote visités dans 23 centre de cette
région illustrent, 16055 personnes inscrites 8395 votants, soit une
participation de 52,3%.
Dans la Région du SUD, quelques actes d'intimidation
ont été constatés en zone rurale, surtout dans les zones
indexées traditionnellement comme étant rebelles : à
Biwong Bulu, un camion de 20 gendarmes et policiers y est resté
mobilisé pendant 3 jours. Certains « homme en tenus » ont
trouvé indiqué de venir ordonner le démarrage des
opérations de vote. Tandis que l'Equipe Spéciale d'Intervention
rapide patrouillait dans les quartiers, les autorités administratives
faisaient elle aussi le tour de bureau de vote. Plus objectivement, l'encre
dans plusieurs bureaux de vote était facile à effacer car
délébile. Aussi quelques astuces locales ont été
utilisées pour orienter les votants à choisir le bulletin du
candidat du RDPC: des expressions dont l'interprétation en
français signifie, « ici le mot d'ordre est le feu » pour
167
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
inspirer la flamme qui symbolise le RDPC, ou encore des
logiques plus élaborées du type « je mange cette
chauve-souris parce que l'arachide de ma mère y est allé».
En dehors de ces aspects ingénieux, puisés de notre riche
culture, il ne serait pas correct d'oublier d'une part que les lampes
prévues en plusieurs bureaux, pour le dépouillement le soir,
n'avaient pas de pétrole et d'autre part qu'il n'a été
observé aucun représentant d'un parti d'opposition dans la
quasi-totalité des bureaux visités.
Pour l'échantillon de 48 bureaux de vote
visités dans 38 centres, on note 15502 inscrits pour 9979 votants,
correspondant à un taux de participation de 64,37%.
Dans la Région de l'ADAMAOUA, le contrôle
systématique des cartes Nationales d'identité ne s'est pas fait,
d'ailleurs les électeurs n'y avaient pas besoin de carte
d'électeur pour voter. Dans tous les bureaux de vote visités
l'encre était délébile. La mission a relevé la
localisation de certains bureaux de vote dans des lieux privés (foyers
traditionnels). Les observateurs n'ont pas eu la liberté de travailler
dans l'arrondissement de Ngaoundéré 3e car intimidés par
le sous-préfet.
Par ailleurs, il a aussi été observé des
électeurs disposant plusieurs cartes.
L'exemple de Monsieur Tewa Joseph, électricien de
profession, qui avait deux cartes de vote dans le bureau de Haut-Nkam A (carte
N°AD05 0617110603 et carte N°AD0506175B205111101) en est une
illustration. Excepté le MP, l'ADD, et l'UDC la mission a relevé
la très faible présence des scrutateurs des partis d'opposition.
Des 45 bureaux de vote visités dans 31 centres, on note pour l'Adamaoua
16855 inscrits pour 7657 votants avec un taux de participation de 45,4%.
Dans la Région de l'OUEST, dans le département
de la MIFI, l'encre était délébile dans tous les bureaux
visités, et les bulletins du CPP, de l'AFP et du GC n'étaient pas
en nombre suffisant partout. Mais aucun autre problème
signalé.
Dans le département de Bamboutos, au centre de
l'école CEBEC de Lafi, les observateurs ont relevé que certains
membres de RDPC orientaient les votants dans 6 bureaux de vote, pour qu'ils
votent leur candidat. En outre, dans tous les bureaux de vote de très
nombreuses cartes sont restées sans titulaire jusqu'à la
clôture du scrutin. Dans le département de la Menoua, à
Penka-Michel on a noté un vote massif de personnes n'ayant pas la
majorité électorale.
L'existence des bureaux de vote dans des chefferies, casernes
militaires (Bafou, Fongo-Tongo, Dschang, Baleveng) a eu de fortes
répercutions sur l'engagement des électeurs à se rendre
dans ces bureaux de vote. Des personnes détentrices de plusieurs cartes
électorales ont pu voter dans plusieurs bureaux des centres de
Fontsa-Toula, Bamengwou, Ecole publique Fotomena. Il faut noter que tous nos
observateurs ont parlé dans ce département de l'encre qui
n'était pas indélébile.
Dans le département de KOUNG KHI, au centre de vote du
foyer municipal de Pété, un bureau de vote n'avait pas d'isoloir,
cependant une salle de classe a été réquisitionnée
à côte pour servir en lieu et place de l'isoloir conventionnel.
Dans le bureau n°3 du Foyer socioculturel à Bayangam, les bulletins
du candidat Paul Biya étaient en nombre nettement inférieurs aux
autres. Pour l'ensemble de la Région de l'Ouest, on a relevé pour
l'échantillon de 150 bureaux de vote visités dans 80 centres,
28180 votants sur 48 436 inscrits, soit un taux de participation de 58,17%.
Dans la Région du Littoral, la publication tardive des
listes électorales a fortement contribué à
désorganiser le scrutin, car beaucoup d'électeurs ne savaient pas
comment se retrouver. Dans certains centres de vote, les bulletins
présents dans certains bureaux de vote étaient en nombre
insuffisant pour un ou plusieurs candidats, sauf pour M. BIYA Paul, candidat
sortant. On peut citer entre autre le centre de la Mission Catholique de
Bonabéri où les bulletins du Candidat Albert DZONGANG
étaient absents au bureau « Q », ceux de HAMENI BIELEU absent
au bureau « B » de même qu'au centre de l'Ecole la
Rénovation de
168
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
Mabanda dans l'arrondissement de Douala 4e où les
bulletins de la Candidate Esther DANG étaient absents au bureau « A
». L'ignorance et le zèle encore de certains dignitaires du
régime, leur a laissé la liberté de chasser des
électeurs et des observateurs au moment du dépouillement,
notamment dans des centres tels que Collège de la Salle à Douala
1er, Aussi, la mission a relevé des cas de bureaux avec plusieurs urnes
(bureau K Ecole Publique Déido, Douala 1er ).On peut s'interroger sur la
destination de la seconde urne. De plus, certains bureaux de votes ont
été victime d'une absence de pétrole dans les lampes
tempêtes au moment du dépouillement; ce qui a été
par exemple le cas au Lycée de Bonadoumbe à Douala 1er, où
l'obscurité a régné dans les bureaux le soir.
Il y a tout de même un problème récurrent
que l'on a constaté, c'est le fait qu'avant l'élection, le
dispositif mobile d'ELECAM a permis à beaucoup de citoyens de s'inscrire
dans les listes, mais que par la suite, il y'ait eu un désordre
indescriptible pour le retrait des cartes; cette mauvaise organisation a
fortement contribué à ce que de nombreux électeurs ne
rentrent pas en possession de leurs cartes. Dans la Région du Littoral,
218 bureaux de vote ont été visités dans 141 centres. Pour
un nombre de votant de 26 826 sur 79 311 inscrits. Ce qui correspond à
un taux de participation de 33,8%.
Dans la Région du NORD, la présence des forces
de police dans les bureaux de vote notamment à l'Ecole d'aides-soignants
de Garoua 1er, de la gendarmerie et de la police dans plusieurs centres de vote
de l'école publique de Koléré, de l'Ecole publique du
plateau, a été un des faits majeurs observés par la
mission. Aussi il n'y avait pas assez de bulletin pour les candidats de
l'opposition au centre de vote de l'Ecole publique de Boukorana à
Garoua. En fin la dernière irrégularité rapportée
est le refoulement des scrutateurs de l'opposition, pour le peu qui
étaient représentés, au centre de Pakete dans
l'arrondissement de Gashiga. Sur la base des 47 bureaux de vote visités
dans 31 centres, il y'avait 18964 personnes inscrites pour 10462 votants. Ce
qui correspond à un taux de participation de 55,16%.
Dans la Région de l'EST, pour ce qui est du
département du Lom et Djerem, la mission a constaté plusieurs cas
de votes multiples et cela a été favorisé par le fait que
la procédure d'identification des électeurs n'était pas
respectée par certains responsables de bureau de vote. Dans le bureau de
vote EPC Radio C, l'isoloir donnait sur une fenêtre, et à
Nkolbikon I bureau A, il était monté de manière que les
membres de la commission voient l'électeur choisir le bulletin qui met
dans l'enveloppe. Il est tout de même à noter que de nombreux
observateurs, dans au moins trois région ont noté cette
disposition des isoloirs près de fenêtres, même s'ils ne
semblent pas avoir vu en quoi cela pouvait être utilisé dans les
fraudes.
Les 29 bureaux de vote témoins de 28 centres dans la
région de l'Est font état de 11292 inscrits pour 6081 votants,
correspondant à un taux de participation de 53,85%.
3.3 Analyse de la période post-
électorale
Quelques jours après le déroulement du scrutin,
douze recours d'annulation totale ont été introduits par certains
candidats d'opposition à la cour suprême officiant en lieu et
place du Conseil Constitutionnel. Les griefs portés contre Elections
Cameroon et le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais ont un
dénominateur commun : la mascarade électorale. La cour
suprême a dû ainsi examiner entre autres la question d'abstention
forcée, la problématique posée par le candidat Albert
DZONGANG qui n'a eu droit de voter alors qu'il était candidat,
l'établissement de plusieurs cartes d'électeurs pour un seul
individu, les cas des personnes ayant voté sans être inscrits,
l'exclusion des scrutateurs de certains bureaux de vote, les
dépouillements en privé et des violences physiques sur des
militants de certains partis politique. Le RDPC, parti du candidat sortant a
lui aussi introduit un recours pour l'annulation du scrutin dans le
Département de la MEZAM, au Nord-ouest, fief du principal parti
d'opposition (SDF) Il dénonçait des fraudes massives dans ce
département.
169
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
Par ailleurs, peu avant le début des recensements des
votes, l'Alliance des Forces Progressistes (AFP), parti du candidat Bernard
MUNA a décidé de claquer la porte de la commission nationale de
recensement général des votes en retirant son mandataire.
Une semaine après le scrutin, sept (7) candidats
leader de l'opposition ont lancé un appel dit « déclaration
de Yaoundé » réclamant l'annulation du scrutin et demandant
au peuple d'aller dans la rue. Les signataires de cette déclaration
étaient : Ni John Fru Ndi (SDF), Edith Kahban Walla (CPP), Adamou Ndam
Njoya (UDC), Bernard Muna (AFP), Albert Dzongang (La Dnamique), Jean de Dieu
Momo (PADDEC), Ayah Paul Abine (PAP). A la suite de la déclaration de
Yaoundé, le président de la conférence épiscopale
nationale du Cameroun, Monseigneur Atangana a appelé le peuple à
s'abstenir de descendre dans la rue à l'issue de la proclamation des
résultats des présidentielles. Le vendredi 21 octobre 2011 a eu
lieu la proclamation des résultats des présidentiels par la cour
suprême, officiant en lieu et place du Conseil Constitutionnel. Certains
candidats invités à la cérémonie ont
boycotté.
La prestation du serment est intervenue le jeudi 3 novembre
2011 à l'Assemblée Nationale. En parallèle à cette
cérémonie d'investiture, le candidat du Mouvement Progressiste,
Jean Jacques EKINDI, bravant l'interdiction de toute manifestation
ordonnée par le Préfet du Wouri en vigueur, organisait une marche
à Douala en désapprobation au processus électoral ayant
conduit à la victoire déclarée du candidat Paul Biya.
IV. DIFFICULTES RENCONTREES ET LECONS
APPRISES
4.1 Difficultés rencontrées
La mission d'observation de l'ONG Un Monde Avenir ne s'est
pas faite sans difficultés. On a noté :
? La collaboration faible des membres des commissions
électorales
Certains observateurs bien que accrédités ont
été empêchés d'accès à
l'intérieur des bureaux de vote.
? L'accès à l'information
La mission a rencontré d'énormes
difficultés quant à l'accès à des observateurs long
terme aux informations pendant la période pré-électorale.
Notamment, le taux d'inscription des électeurs, la liste des bureaux de
vote dans chaque arrondissement.
Ceci a entravé profondément le travail de la
cartographie des observateurs dans les bureaux de vote.
? La limite des moyens financiers
L'insuffisance des moyens financiers n'a pas permis d'assurer
la visibilité de tous les observateurs sur le terrain à travers
notamment le port de tee-shirts ou casquettes.
4.2 Leçons apprises
? La société civile a besoin d'une
stratégie cohérente
Bien que certaines organisations de la société
civile camerounaise aient acquis une expérience certaine en
matière d'observation électorale au cours des dernières
années, les approches adoptées ont été diverses et
parfois on a même réinventé la roue. Certains
progrès ont été accomplis, notamment en ce qui concerne
les critères applicables pour l'organisation d'une mission
d'observation, l'élaboration d'un code de conduite pour les observateurs
et les critères de recrutement de ceux-ci. Il reste qu'une
stratégie cohérente doit être mise en place pour
gérer l'observation et l'assistance électorale.
La tenue d'élections n'est pas toujours synonyme de
démocratie. Il arrive que le pouvoir en place soit tenté de
manipuler les élections afin d'acquérir une
légitimité internationale. Il faut faire preuve d'une
extrême prudence et veiller à ce que la décision
d'organiser une mission d'observation nationale ne contribue pas à
cautionner un processus illégitime.
170
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
? Les élections ne se font pas en un
jour
Il importe d'observer toutes les étapes du processus
électoral pour pouvoir procéder à une évaluation
étayée et complète. À titre d'exemple,
l'enregistrement des électeurs, le déroulement de la campagne
électorale ou la résolution des différends après
les élections peuvent être d'une importance cruciale pour pouvoir
évaluer correctement le processus électoral. Ces étapes
peuvent parfois se dérouler sur plusieurs mois en raison de
difficultés logistiques. Les observateurs à long terme devraient
être sur le terrain quelques mois avant les élections et y rester
suffisamment longtemps pour pouvoir commenter la mise en oeuvre finale des
résultats des élections. Une assistance technique visant à
encourager la bonne gestion des affaires publiques et la démocratisation
doit être fournie dès que possible et devrait se poursuivre entre
les élections.
? Les intervenants sur le terrain doivent se coordonner et
parler d'une seule voix pour maximiser leur influence
Une bonne coordination entre les missions d'observations
nationales par la société civile est nécessaire pour
assurer le succès d'une mission électorale. En dépit d'une
coordination étroite, une harmonisation des outils peut contribuer
à des résultats probants en évitant la dispersion des
efforts.
? La collaboration entre tous les acteurs peut améliorer
le processus électoral L'administration électorale, les partis
politiques, la société civile, les médias ont des points
de vue différents sur les élections et la collaboration parmi ces
acteurs peut améliorer le processus électoral.
V. CONCLUSIONS DE LA MISSION
D'OBSERVATION
Il est important de relever que sur l'ensemble du territoire
national, il y'avait environ 25000 bureaux de vote, et que la mission
d'observation d'Un Monde Avenir ne pouvait pas avoir la prétention de
couvrir tous ces bureaux; encore que d'autres se trouvaient dans les diasporas
camerounaises à l'étranger. Cependant, l'échantillon que
nous avons pu couvrir avec les 700 observateurs formés, ainsi que la
méthodologie utilisée nous ont permis d'avoir un regard
suffisamment édifiant sur le déroulement effectif à la
fois, de la période préélectorale, du scrutin et
même de la phase postélectorale.
Les règles électorales souffrent encore de
plusieurs incongruités telles que l'absence de code électoral
unique, l'absence de consensus dans l'espace politique quant aux conditions
idéales dans lesquelles les élections auraient dû se
dérouler, l'absence de lisibilité dans le travail d'ELECAM,
l'absence, d'un organe véritablement indépendant.
Il serait juste de relever que ces
irrégularités et fraudes doivent être prises dans leurs
contextes. D'abord, il est absolument évident pour tous les observateurs
qu'ELECAM n'a pas suffisamment préparé cette élection,
tant au niveau de la gestion des inscriptions, des listes, des cartes
électorales, ou de tout ce qu'il fallait comme matériel sur le
terrain. Il est urgent que des corrections se fassent dans ce domaine y compris
dans les outils et les méthodes de communication sur les cartes et les
listes électorales.
Par contre, il nous semble évident que les fraudes
constatées représentent un faible pourcentage comparativement aux
lieux où aucun incident ou dysfonctionnement n'a été
rapporté.
Mais aussi, il est connu des croyances sociopolitiques au
Cameroun, que de nombreuses élites du RDPC en mal d'émergence, ou
en quête d'une positionnement administratif ou politique, ont toujours
pensé, à tort ou à raison, que le système de
récompenses avec le président du parti était plus
favorable à ceux qui faisaient d'excellents scores lors des
élections, et qu'ainsi avoir des chiffres records à tout prix,
étaient l'une des
171
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
meilleures manières de marquer des points aux yeux de
la hiérarchie du parti. Or cette façon de faire a ceci de
profondément dangereux qu'elle révèle une profonde
incompétence des certaines bases du RDPC à construire un
militantisme vrai, fondé sur des convictions saines et non sur des
calculs peu citoyens. Ce type de situation est d'autant plus redoutable qu'elle
fausse totalement les données tant pour le parti RDPC en termes
d'appréciation des dimensions motivationnelles et convictionnelles de
ses militants, mais donne raison à ceux qui en face, sans
compétence politique avérée, peuvent arguer qu'il y'a eu
fraude pour légitimer leurs échecs qui pourtant sont souvent
consubstantiels à leur incapacité à faire un travail de
fond au niveau de l'espace politique.
La mission a relevée l'impressionnante absence des
scrutateurs de la majeure partie des candidats de l'opposition à
l'élection présidentielle 2011 au Cameroun.
Autrement dit, l'impréparation de l'opposition
à cette échéance électorale nous amène
à dire que les irrégularités, les fraudes
constatées auraient eu plus de poids que si la compétition avait
eu véritablement lieu entre les diverses candidatures.
En outre aucun parti politique au Cameroun n'a
démontré durant cette élection, avoir compris les vrais
enjeux d'une élection, le sens du vote ou encore l'urgence à
mobiliser les électeurs autour de vrais programmes structurants et
structurés, clairs, réalistes et opérationnels. Il est
inquiétant de constater que les raisons pour lesquelles les militants
votent un candidat ne sont pas les plus représentatives de
l'idéal que l'on se ferait du sens du vote. Très difficilement
vous en verrai voter un homme pour un programme. Enfin aucun de ces partis n'a
donné l'impression de vouloir s'attaquer à un problème de
fond qui mine le champ social au Cameroun et qui affecte les bases depuis
lesquelles se construit l'espace politique, c'est l'extrême
fragilité de la citoyenneté et de l'action citoyenne.
Sur la base des critères prioritaires qui permettent
de valider une élection démocratique, nous pouvons nous prononcer
comme suit :
L'élection présidentielle du 09 octobre 2011 au
Cameroun respecte les critères de périodicité
établis par la loi, au vu de ce que ce soit en principe tous les sept
ans qu'il faille en organiser; et ce délai légal a
été respecté.
Quant à l'honnêteté de cette
élection, elle n'a pas été honnête, car le
défaut d'informations autour de l'élection, autour des
inscriptions, autour du retrait des cartes, a fortement contribué
à pérenniser l'apathie électorale et faire perdre à
l'électeur camerounais, la confiance nécessaire en ce
système électoral. En outre, jusqu'à preuve du contraire,
il n'existe pas de compétition politique crédible au Cameroun; il
n'existe pas de perspective crédible et réelle pour les
électeurs, de pouvoir, par leur vote, démettre leurs dirigeants
de leurs fonctions. De nombreuses insuffisances ont été
relevées, d'abord au niveau informationnel, par rapport au calendrier
électoral, ce qui a contribué à fausser les
stratégies des opposants en occurrence, car il n'aurait pas fallu qu'ils
se mettent à spéculer sur la date de la tenue effective des
élections, mais plutôt que la date soit publiée au moins un
an avant de manière claire et précise.
Sur l'ensemble du territoire national, l'élection n'a
pas été libre partout, En effet, des consignes de vote sur le
choix d'un candidat ont été relevés dans plusieurs bureaux
de vote, aussi, certains individus et même un candidat (Albert DZONGANG)
se sont vus incapables de voter, tandis que d'autres dans certains bureaux de
votes se faisaient refoulés en tant qu'observateurs.
La liberté des observateurs n'était pas
établie et plusieurs d'entre eux ont été repoussés
des bureaux de vote.
Cette élection ne saurait être qualifiée
de juste, à cause d'une part de la disproportion flagrante entre les
moyens et ressources dont disposait le candidat Paul Biya, en comparaison aux
moyens des candidats de l'opposition et d'autre part de
l'inéquitabilité d'accès aux médias.
172
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
L'exigence d'un respect des règles de suffrage universel
a été suivie dans le sens où
l'ensemble des citoyens remplissant les conditions ont le
droit de voter. Cependant l'accès au vote des personnes appartenant
à des minorités (personnes handicapées) ou d'autres
groupes particuliers de citoyens a été entravé. Des
dispositions nécessaires devraient être prises pour rendre
possible le vote des handicapés.
Pour cette élection présidentielle, le suffrage
égalitaire a été respecté, en raison de ce que le
vote de tous les citoyens à la même valeur.
Quant au concept de secret de vote, il est correct de dire
l'absence d'isoloir ou la présence des chefs traditionnels dans certains
bureaux de vote ait entravé le secret du vote. VI.
RECOMMANDATIONS
Au regard de l'ensemble du processus électoral
observé pour le compte de l'élection présidentielle 2011
au Cameroun, les recommandations que nous faisons sont les suivantes :
· Il est impératif de créer au Cameroun
une véritable commission électorale indépendante qui soit
composée prioritairement de personnes venant de la société
civile et sans aucune attache avec les partis politiques. Qu'elle ne soit pas
le fruit de nominations, mais de concertations ouvertes de manière
transparentes et claires entre les partis politiques, l'Etat et la
société civile. Cette commission devra jouir de toutes les
ressources nécessaires pour son bon fonctionnement ;
· La conception et l'utilisation d'un bulletin unique
est une avancée par laquelle les élections au Cameroun doivent
passer pour réduire considérablement le risque de fraude ;
· En outre il urge d'avoir un code électoral
unique, et il faudrait ramener l'âge minimum de vote à 18 ans,
pour l'harmoniser avec les pratiques qui pénalement rendent responsable
à cet âge-là ;
· Quel que soit le type d'élections,
l'administration électorale devrait veiller à ce que des
informations claires et précises soient publiées sur le
calendrier électoral au moins Un an avant toute élection à
caractère national et ce calendrier devra être respecté
scrupuleusement ;
· La mission recommande la refonte totale des listes
électorales au Cameroun et de la manière la plus transparente qui
soit, pour éviter des doublons, les décédés dans
les listes, les déplacé, ou les personnes frappées
d'incapacité électorale. Ceci aura pour effet de
crédibiliser un peu plus le résultat du scrutin ;
· Les partis politiques, la société
civile, l'Administration électorale doivent tous s'engager
désormais et profondément, dans l'éducation civique des
électeurs afin que ces derniers puissent avoir suffisamment
d'informations à la fois sur le déroulement du scrutin et sur les
principaux candidats. Sans ce travail de fond, l'absentéisme restera
toujours un problème profond dans les élections au Cameroun, car
beaucoup de nationaux ne comprennent pas le pouvoir du vote, son sens et ses
enjeux ;
· ELECAM devrait former véritablement ses
représentants bien avant l'élection, pour que leur
présence sur le terrain ne soit pas des fois un facteur de
discrédit de l'élection dans un bureau de vote. De nombreux
représentants d'ELECAM ont démontré sur le terrain qu'ils
ne maitrisaient ni les procédures de vote, ni la loi ;
· ELECAM devrait non seulement publier les listes
électorales provisoires au moins Un mois avant chaque scrutin, mais
aussi distribuer les cartes dans les délais que prévoit la loi.
Mais surtout s'assurer bien à l'avance (au moins 8 semaines avant le
scrutin) que tout le matériel qui sera utilisé est conforme et en
quantité suffisante. Nous proposons d'explorer la possibilité de
remettre la carte au moment de l'inscription ;
· Les partis politiques camerounais gagneraient à
construire leurs bases de depuis les éléments convictionnels et
motivationnels qui les constituent. Ils gagneraient surtout à structurer
un autre leadership fondé sur des valeurs républicaines et
citoyennes et non
sur des calculs erronées et subjectives. Ils
gagneraient même à sanctionner à la fois les pratiques qui
tendent à duper la hiérarchie du partie quant à la vraie
base électorale laquelle il faut compter dans chaque localité
;
? Nous recommandons l'adoption d'un scrutin à deux
tours ; il serait de nature à favoriser une compétition plus
structurée et équitable entre les divers candidats et partis
politiques, et aussi il légitimerait le vainqueur ;
? Nous recommandons fortement que la durée de la
campagne électorale soit allongée à 21 jours. La
durée légale de 15 jours est courte et il s'avère
difficile pour les candidats d'opérer efficacement dans l'ensemble des
10 régions dans cette limite de temps ;
? Des mesures spéciales doivent être prises pour
favoriser la participation des personnes handicapées. Ainsi, nous
recommandons la mise en place des points d'inscriptions et bureaux de vote
spécifiquement accessibles aux personnes handicapées,
l'utilisation des bulletins de vote spécifiques aux aveugles et
malvoyants.