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La loi handicap du 11 février 2005 - quelle reconnaissance de la langue des signes française?


par Magali Leske
Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes - Maîtrise Droit Public et Science Politique 2009
  

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ANNEXE 1

Direction Générale des Affaires Sociales
Monsieur Daniel CORRE
Inspecteur
Samedi 14 mars 2009
Durée
: 1h50

Monsieur Corre, pourriez-vous présenter vos missions?

Je suis à la Cellule d'Inspection Pédagogique et Technique de la Direction Générale de l'Action Sociale (DGAS) au sein d'une équipe très réduite d'ailleurs de deux inspecteurs qui avons pour mission d'évaluer la qualité des interventions auprès des jeunes sourds dans les établissements médico-sociaux qui les accueillent.

D'accord. Cette cellule elle existe depuis combien de temps ?

Je ne sais pas exactement, mais elle est très ancienne cette cellule puisque, en tout cas, moi quand j'ai commencé professionnellement, elle existait déjà, mais elle a probablement existé sous des formes différentes. En tout cas, je peux dire au moins que dès les années 1970 il y avait ce corps d'inspection, mais c'est une bonne question car je ne me suis jamais posé la question de savoir quand ça a commencé la cellule d'inspection. Mais au moins dans les années 1970, c'était déjà le cas.

Et la prise en charge de la surdité et de l'éducation de l'enfant sourd par le Ministère de la Santé, c'est...

Alors là, il me semble que c'est l'histoire la plus ancienne, je veux dire ...cette figure de la surdité qu'est l'abbé de l'Epée par exemple, que les sourds vénèrent, c'est l'abbé de l'Epée, c'est 1760, par-là. L'abbé de l'Epée, c'est le premier qui..., bon on ne

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va pas redire son histoire, il rencontre deux jeunes filles et il observe une communication qu'elles mettent en place et il s'intéresse à cette communication particulière. Alors... c'est vrai que l'on peut se poser... l'abbé de l'Epée était un janséniste... donc un petit peu rebelle quand même et, il s'est peut-être dit que les sourds pouvaient accéder à la parole de Dieu autrement que par le souffle que l'on peut retrouver d'ailleurs sur les peintures. La parole de Dieu c'était un souffle et donc les sourds en étant privés ne pouvaient pas être... y avoir accès. De la même manière que les sourds ne pouvaient pas hériter, par exemple, parce que l'acte notarié devait être écrit, etc. il y avait beaucoup de choses comme ça...bon...

Et à votre avis, son regard sur les sourds justement il était lequel. Est-ce qu'il avait affaire à des enfants malades ou est-ce qu'il avait affaire à des enfants qui avaient un problème de communication, tout simplement ?

Je crois que, je ne pense pas qu'à cette époque l'abbé de l'Epée devait réfléchir en ces termes. Je pense, c'était un religieux, il faisait une démarche d'aide, voilà. Le milieu médical n'était pas organisé comme il a pu l'être cinquante, cent ans plus tard. Mais par contre, bon, en même temps que l'abbé de l'Epée, il y avait aussi un précepteur qui était Péreire et Péreire et l'abbé de l'Epée sont les deux grandes figures... Je trouvais toujours intéressant de lier l'abbé de l'Epée à une vision du sujet collectif sourd tandis que Pereire, en fait Pereire serait le digne représentant des SSEFIS, faisant des rééducations individuelles et lui-même très oraliste, etc.

Et pourquoi ce besoin de faire oraliser l'enfant sourd justement, d'éduquer par

l'oral ?

D'abord Pereire appartenait à la noblesse et justement on parlait de ces histoires d'héritage, il était donc important qu'il y ait cette oralisation, voilà. Je crois que l'abbé de l'Epée, lui, de son côté, il a jeté un regard positif sur un phénomène qui était

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singulier. Il observait que les sourds pouvaient se mettre en place un système de communication entre eux qui était différent. Il s'y intéressait plutôt.

Et est-ce que l'oralisation aurait une relation avec la politique d'unification linguistique en France ?

C'est avec la naissance de l'école de Jules Ferry qu'on a assisté au... comme ça, à l'idée par l'école de faire une république « une et indivisible » et tout le monde parle la même langue. Moi, si je regarde du côté de mes parents, je n'ai pas hérité de la langue maternelle, la langue bretonne parce qu'on ne me l'a jamais parlée. Et ma mère qui est âgée aujourd'hui, quand j'échange avec elle sur ce qu'elle a vécu à l'école, c'était un interdit de parler la langue. Elle, elle a vécu ça, donc, elle a vécu cette honte de sa propre langue donc elle ne nous l'a pas transmise. Et c'est vrai que la langue des signes en 1880 faisant l'objet d'un interdit était dans cette dynamique là, ça n'est pas un cas isolé. Mais avec autre chose en plus, c'est que les premiers agencements qu'il y a eus en terme de jeux de pouvoirs c'était le religieux et le politique. Et puis au XIXème siècle sont venus de nouveaux acteurs, notamment la science, la science et la médecine devenant très puissantes donc l'enfant sourd a été à la fois, enfin la langue des signes a été un peu prise en otage de cette problématique là, à la fois de religion...de médecine...

C'est donc à cette même période que le sourd a été catégorisé parmi les malades,

au XIXème siècle ?

Oui, et le vocabulaire utilisé, les débiles...bon, les asiles... On retrouve dans les travaux de Michel Foucault, tout l'univers de Surveiller et Punir, les établissements... parce que quand on regarde les établissements de sourds, l'architecture, elle n'est pas très différente de celle des prisons : c'est de longs couloirs, des classes ou des cellules de chaque côté... C'est un peu pareil, les grands internats. Mais bon les écoles comme beaucoup d'écoles primaires sont aussi comme ça. C'était des lieux quand même

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pour surveiller et punir comme disait Foucault. J'exagère peut-être un peu, mais bon il n'y a pas beaucoup de différence entre les bâtiments d'une école, d'une maison de retraite... Les bâtiments anciens étaient comme ça. Donc, je crois que la question de la surdité n'est pas un phénomène isolé des autres faits sociaux de l'histoire, mais malgré tout, tout ce XIXème siècle a été ce désir de maintenir les jeunes sourds dans un univers de rééducation, de... D'ailleurs, moi, quand j'ai commencé mon activité professionnelle, il n'y avait pas encore les services d'éducation précoce qu'on connaît aujourd'hui.

C'était en quelle année ?

C'était dans les années 70, en 1974, par-là. Oui, 74 j'ai commencé, on appelait ça des classes de démutisation. Alors le premier souvenir que j'ai, moi, de ma rencontre avec les sourds, c'était, ça a été une stupéfaction quoi. Moi j'étais à l'époque jeune, à l'université... et lorsque j'ai eu ce contact avec les jeunes sourds ça a été une révélation, quelque chose de... J'avais un petit emploi de surveillant d'internat pour arrondir mes fins de mois d'étudiant et du jour au lendemain je me suis retrouvé avec soixante-dix jeunes sourds dans un internat, avec qui je ne pouvais pas communiquer, ils signaient, c'était très impressionnant et j'avais vraiment l'impression d'être dans un autre monde. Et ça m'a intrigué suffisamment pour que plus tard je reste travailler avec eux finalement jusqu'à aujourd'hui. Mais, je veux dire, c'était un phénomène vraiment particulier, vraiment particulier.

Et aujourd'hui justement, votre regard sur la surdité : c'est quoi un sourd ? C'est quoi être sourd ?

Alors, être sourd d'abord c'est d'avoir probablement un rapport au monde qui est un peu différent de celui qui entend et justement parce qu'il n'entend pas, parce que la personne n'entend pas. On est dans une société qui est majoritairement entendante, où tous les médias, les systèmes de communication sont faits pour l'oreille. Et donc

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lorsque l'on n'entend pas bien, eh bien, ce rapport au monde est différent. Et je prends souvent l'exemple moi, avec l'expérience d'un enfant sourd, du repas de famille. Je vais vous prendre un exemple qui est l'humour. On est à table, on discute en famille, tout le monde est heureux, il y a quelqu'un qui dit une bêtise et tout le monde rit. L'enfant sourd qui est à table avec nous, il ne rit pas. Pourquoi il ne rit pas ? Parce qu'il n'a pas entendu... la blague. Et alors il demande pourquoi, pourquoi on rit. Quand on se met à expliquer la blague, c'est déjà fini. C'est trop tard. Parce qu'on ne peut pas expliquer une deuxième fois l'humour, c'est passé...

Et à l'inverse, il y a des blagues de sourds qui ne nous font pas rire, nous autres entendants.

Vous avez raison. Une année, j'allais accompagner des étudiants qui étaient à l'IUT à Nantes pour les aider dans leurs études et notamment pour signer les cours et tout ça... et, un jour, un professeur fait un cours sur ... sur Raymond Devos et voilà ce professeur qui rentre avec un magnétophone dans la salle, ... à ce cours, il y avait 5-6 étudiants sourds. Alors évidemment... Le professeur a utilisé son magnétophone et les sourds qui étaient là m'ont dit à un moment, ils m'ont interpellé, moi qui étais leur interprète, en me disant (Monsieur Corre signe) : nous on n'entend pas... le magnétophone ! Alors donc j'arrête le cours, enfin je demande à la personne, je lui dis ben moi avec les jeunes sourds qui sont là, ça marche pas, etc. Et alors le professeur donne les textes de Raymond Devos, donc c'est un humour, bien sûr l'absurde avec les mots, etc. Les sourds se mettent à lire au lieu donc d'entendre le magnétophone, pendant ce temps, pendant qu'ils lisaient, ils tournaient la tête de temps en temps parce qu'ils regardaient leurs collègues entendants qui riaient. Et eux ne riaient pas, bon, parce qu'ils n'entendaient pas. Ils n'avaient pas le même rapport au monde, comme je disais tout à l'heure. Le temps des entendants et le temps des sourds n'était pas le même. Donc, quand on n'est pas dans le même temps, il y a quelque chose qu'il faut quand même prendre en compte...

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Alors est-ce qu'on peut dire alors qu'il s'agit d'une minorité culturelle puisqu'ils ont des codes, ils ont une langue qui se distingue finalement de la culture dominante. Est-ce que les Sourds appartiennent à une minorité culturelle et linguistique ? Ou est-ce que l'on a affaire à une maladie puisque la surdité à la base c'est un problème physiologique ?

Une maladie certainement pas. ... Le positionnement de la médecine par rapport à ce qu'est la déficience auditive, à la déficience d'une oreille, c'est un... je veux dire c'est tout à fait légitime. Euh... et que la science effectivement puisse s'y intéresser et essayer de soigner nos difficultés, qui là, en l'occurrence, concernent l'oreille, mais ça peut concerner d'autres problèmes : pour marcher, pour se déplacer... bon là, c'est pour entendre. Bon c'est compliqué mais il y a une légitimité effectivement du médical et de la technologie médicale à s'intéresser à cette question. Mais de là à faire d'un problème d'oreille un problème de personne, il faut aller doucement là... Parce que... et être aussi précis sur les termes qu'on utilise. Par exemple, quand on dit, euh... on va voir, on va plus facilement entendre du médical par exemple « la personne déficiente auditive », « c'est un déficient auditif », nommer une personne à travers son manque, c'est, c'est pas acceptable. Et moi, je préfère les sourds qui viennent me dire moi je suis sourd, je préfère qu'on utilise finalement les termes du sens commun : sourd, malentendant tout ça, ça me...plutôt que d'utiliser, de réinjecter dans notre vocabulaire quotidien des savoirs savants qui deviennent alors complètement dénaturés. Vous comprenez ?

Oui. Et est-ce que ces savoirs savants ont eu un impact sur la lente reconnaissance de la langue des signes ?

La première reconnaissance officielle de la langue des signes dans cette histoire récente, c'est 1991, c'est ce qu'on appelle l'article 33 de ce que l'on a appelé la loi Fabius aussi. Et alors je ne me souviens plus exactement, mais il faudrait aller

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vérifier, cet article se trouve entre deux autres, ... dont l'un doit concerner les retraites de gens à Mayotte et l'autre je ne sais pas si ça n'est pas des nomenclatures de médicaments. Et puis c'est un article sur l'éducation. C'est quand même bizarre de trouver un tel article dans un code de la sécurité sociale, quand même, hein ! Un article qui dit désormais que dans l'éducation, les enfants sourds ont le choix entre une éducation orale ou une éducation bilingue. Cet article là, qui date de 1991, a été reproduit tel quel dans la nouvelle loi. Même si la loi de février nous dit peu de choses sur la place du médico-social dans cette affaire, c'est quand même une loi qui positionne fortement les choses en matière d'accessibilité, accessibilité aux lieux de droit commun dont l'école. C'est une bonne chose, c'est une bonne chose. Je veux dire, peut-être qu'il y a eu une époque très ancienne, très, très ancienne où le fait de ne pas être comme les autres on vous jetait des pierres, hein ? Etre aujourd'hui dans une époque où on dit : « oui bon, ton oreille ne fonctionne pas bien mais bon tu as le droit d'aller à l'école comme les autres... » C'est génial. C'est un fait social et humain qui est devant nous. Et quand on regarde l'histoire la plus récente quand même de la prise en considération par notre société des problèmes de handicap, c'est plutôt positif.

Et...

Normalement, pour comprendre, on n'a pas besoin de temps. La compréhension est immédiate, mais çà c'est une autre affaire. Mais effectivement, bon là, on a une histoire qui est lente mais qui évolue quand même favorablement. Maintenant, il y a des points de vue qui sont diachroniques, qui sont très rassurants. Et puis, il y a des points de vue synchroniques à avoir, ici et maintenant pour notre histoire de vie à nous, personnelle. Comment on fait pour être aussi lent, pour ne pas, par exemple, mutualiser les compétences qui existent dans la prise en charge des jeunes sourds. La prise en charge des jeunes sourds elle est conduite depuis très très longtemps, on parlait de l'abbé de l'Epée tout à l'heure, mais ça a donné naissance à des Instituts de

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jeunes sourds partout en France, regardez, il y en a un à Nantes ici, il y a un grand Institut. Il y en a un à Auray, il y en a à St Brieuc, il y en a à Angers, il y en a partout. Vous n'avez pas d'autres handicaps qui ont la chance de bénéficier de toutes ces infrastructures et de cette logistique là. Bon, maintenant, le fait d'être dans un système de... de..., un peu comme des chiens de faïence qui se regardent : l'éducation d'un côté, le médico-social de l'autre et les difficultés à créer les passerelles, à ne pas mutualiser les compétences, c'est vrai que c'est... qu'on est là devant une lenteur qui est impressionnante.

Juste pour conclure sur cette lenteur et sur la loi de 2005, est-ce que vous n'avez pas le sentiment, comme pour la loi dite Fabius dont cet article 33 effectivement était un peu perdu parmi des articles qui n'avaient aucun rapport avec la surdité ou avec la langue, la loi de 2005 elle-même contient un nombre considérable d'articles. Est-ce que ça peut être un frein aussi à la mise en oeuvre de la loi ? C'était un chantier considérable.

C'est un chantier considérable. Tout le travail interministériel qui s'est fait montre que c'est complexe... c'est complexe. Et puis il y a des échéances qui ont été manquées, parce que tout ne peut pas se faire d'un seul coup. Regardez le sous-titrage, il y a obligation pour les chaînes d'y arriver à terme, les chaînes publiques, en tout cas, et là-dessus en France on était en retard par rapport aux Anglais, aux pays nordiques etc. Donc l'accessibilité aux sous-titrages, les questions aussi des, comment on appelle ça... de l'accessibilité aux alertes en cas de..., etc., tout passant par la radio, les sourds pouvaient y être exclus. Donc, il y a des centres « d'audio-touchement » qui vont être mis en place, il y a énormément de choses. C'est extraordinaire, c'est extrêmement important ces différentes rencontres entre les différents ministères. Ca touche l'équipement, le tourisme, la justice, c'est... c'est très impressionnant. Moi, c'est plutôt la question... je pense que là le législateur il est allé loin. La question, pour moi, c'est mon domaine, hein, je peine à voir que les choses ne

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vont pas assez vite dans le champ de l'éducation. Parce que le champ de l'éducation s'intéresse d'abord aux enfants, donc il y a tout un devenir chez ces enfants. Alors que la loi va donner des réponses pour déjà, les sous-titrages, ça va être accessible pour tout le monde. Mais le temps de l'éducation, c'est du temps, donc là-dessus j'ai du mal à comprendre pourquoi ça ne va pas plus vite.

Et...

Pourtant je suis tout le temps sur ce sujet là parce que je pense qu'il y a encore des représentations qui doivent fonctionner en matière de handicap, parce que tout à l'heure vous m'avez demandé si c'est une maladie, j'ai dit non. Est-ce que c'est un handicap ? Oui, oui parce que... et la loi justement elle a revu ces notions de handicap puisqu'elle parle de situation de handicap plus que de personne handicapée. C'est-à-dire qu'elle a mis l'accent aussi sur l'environnement qui est en fonction des réponses qu'apporte l'environnement, la difficulté de la personne, elle est plus ou moins grande, hein. Donc nécessité de changer cet environnement avec des aides matérielles, des aides humaines et ça ne concerne pas que le handicap de la surdité ça concerne d'autres handicaps aussi. Donc, il y a effectivement des situations de handicap que le jeune sourd pourra rencontrer et rencontrera probablement même toute sa vie. Bon, ça veut pas dire que ça doit donner un regard de compassion et de pitié sur la personne etc., non ! Parce que justement quand on s'habitue à regarder cette personne qui a un handicap on est aussi surpris du génie des personnes à s'adapter à un environnement difficile, hein. Donc il y a les deux aspects : il y a l'environnement qui peut être pénalisant et il y a les ressources de la personne qui sont plus ou moins disponibles en fonction de son histoire, de son affectivité, de son vécu... de la crainte qu'elle peut avoir d'évoluer dans un monde qui ne lui est pas toujours favorable ou alors du défi de mettre, de conquérir ce monde et de dire, moi je suis sourd, j'existe aussi, etc., de se battre pour ça. Donc il y a donc sur l'aspect du handicap, il y a l'environnement qui favorise ou empêche la

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réalisation de la personne et le potentiel qu'a la personne elle-même, qui s'exprime ou pas, en fonction de pas mal de critères.

Et en termes d'éducation, il y a quand même besoin d'une véritable reconnaissance de la langue si l'on souhaite que justement ce génie puisse ... « se faire

entendre »... j'me permets...

Ouais, ouais. Bon alors vous savez que dans l'éducation aujourd'hui, les parents sont supposés faire un choix entre l'oralisme, l'école de l'oralisme, c'est l'école ordinaire. L'école ordinaire c'est un instituteur qui parle, c'est des enfants qui oralisent. Et puis voilà, il y a quelques enfants sourds qui sont par-là, c'est une école de l'oralité. Mais, la langue des signes, c'est aussi une école de l'oralité, dans un environnement, je dirais, socioculturel où les gens pratiquent cette langue. Donc, que cette langue ait sa place à l'école, c'est évident.

Il y a eu du changement, est-ce que cela a créé du changement, ne serait-ce qu'au sein de votre service ? Cette loi, est-ce qu'elle a apporté quelque chose de nouveau pour vous, en tant que spécialiste de l'éducation des sourds ? Et comment elle a été reçue ?

C'est-à-dire que moi, par rapport à moi, j'avais déjà une expérience avant d'être au ministère, de la fréquentation des personnes sourdes, d'être dans le champ de l'éducation des personnes sourdes depuis très longtemps. Donc, ça a pas, pour moi... non ! Par contre, effectivement, il y a de nouvelles, de nouvelles... comment dire ça... de nouvelles actions de formation, par exemple, qui ont été mises en place. Moi, j'ai ma collègue qui était dans le bureau voisin, toute la semaine dernière, elle était en formation de langue des signes. L'appel à des interprètes aussi est beaucoup plus fréquent qu'avant, des budgets existent derrière.

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Et le fait que la loi ne cite pas l'éducation spécialisée et que l'on axe finalement l'éducation de l'enfant sourd sur le tableau ordinaire de l'éducation nationale, cela a changé des choses ?

Moi j'ai tendance à penser que les mots ne sont pas les faits. Les mots ils changent, le balancier revient toujours si vous voulez. Un jour on va dire que c'est spécialisé, le lendemain on va dire que ça ne l'est pas. Sachez que tous les progrès en matière d'éducation sont venus de l'éducation spéciale. C'est pas les directives officielles qui ont fait les progrès de l'éducation. C'est des pédagogues qui se sont mis parfois en situation mais alors difficile face à l'autorité académique et justement ils ont fait quelques entorses à l'Académie pour qu'il y ait de la création. Pour qu'il y ait de la création, il faut des espaces de liberté. Il y a des pédagogues qui l'ont pris, des gens comme Célestin Freinet, Montessori, c'est des gens qui étaient...pas dans le long fleuve tranquille de l'éducation et qui ont créé des courants pédagogiques, sur les bords, là, qui ont remué parfois l'eau avec de la boue. Et on n'y voyait pas trop clair et puis ces courants là ont apporté des nouveautés.

L'éducation nationale finalement, elle, n'a pas cette histoire, cette expérience que vous avez, vous, dans l'éducation spécialisée.

Mais moi, si j'avais le... le pouvoir de... la baguette magique, je réinjecterais rapidement les savoir-faire du médico-social dans le champ de l'éducation. Je chercherais pas à... je me dis c'est pas l'an I, il ne faut pas tout réapprendre, il faut mutualiser ce qui existe. Et le fait est que les professeurs, par exemple, des instituts médico-sociaux, les professeurs CAPEJS par exemple, ce sont des enseignants qui sont un peu dans l'héritage de l'abbé de L'Epée et de Pereire. L'abbé de l'Epée, donc, plutôt le professeur, au sens classique, qui enseigne et qui avait repéré cette réalité de langue signée avec une fonction sociale parce que, deux, trois le parlaient ensemble donc vraiment il avait repéré qu'il y avait là une langue, pas une espèce de

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gesticulation mais une langue, bon ! Et puis Pereire qui fait cette éducation de la parole... parce que, il a le projet que les enfants oralisent. Et puis finalement le professeur CAPEJS, c'est quelqu'un qui est formé dans cette double compétence. Il est à la fois enseignant, c'est-à-dire qu'il a le projet que les enfants apprennent les savoirs disciplinaires de l'école : l'histoire, la géographie, les mathématiques... Mais en même temps, pour que les enfants y parviennent, ce pédagogue-là, des disciplines, il doit être un super spécialiste au point de vue linguistique et donc ces enseignants sont formés dès la première année par exemple à des unités de valeurs concernant la linguistique, l'acoustique physique, la phonétique, etc.

Donc la langue des signes au sein de l'éducation spécialisée était reconnue avant même que le législateur ne vienne reconnaître la langue ?

Oui, c'est-à-dire que les, les... Mais je reprends ça, mais si je termine donc je réinjecterais cette approche globale de l'enfant avec des pédagogues qui sachent communiquer avec les enfants, qui soient des spécialistes de la langue et qui à cette condition pourront les faire entrer dans les apprentissages. Parce que pour l'instant, le système ordinaire dispose d'enseignants qui sont obligés de sous traiter par du soin, quand je dis soin entre guillemets, la problématique linguistique. Donc ce n'est qu'une question d'évolution conceptuelle, pour moi. Pour moi, la question linguistique chez les jeunes sourds n'est pas une question de soin, c'est une question d'éducation. Mais comme le milieu ordinaire n'a pas fait cette révolution encore mais considère toujours que la question linguistique du jeune sourd serait une question de soin, on accepte que les enseignants puissent être là sans disposer de ces compétences linguistiques. C'est aberrant. Donc c'est pour ça que je pense que la réinjection dans le milieu ordinaire d'une approche beaucoup plus globale du métier d'enseignant de jeunes sourds et notamment du métier CAPEJS, je pense que le métier de CAPEJS qui paradoxalement est un métier de la santé est largement en avance sur le plan sociétal que le métier aujourd'hui de prof spécialisé parce que

l'école fait des professeurs de matière, elle fait des professeurs de maths, des professeurs de... il faut être professeur de maths et là chez les CAPEJS on s'occupe d'abord de dire « ah c'est un enfant sourd », « ah ben oui, il a besoin de ceci, il a besoin de cela ». Ah ben non ! On va quand même essayer de s'ajuster à lui et puis après, ensemble, on va faire le voyage de l'éducation, des apprentissages, hein.

Mais si vous vous n'avez pas la baguette magique justement pour faire fusionner ces deux systèmes, qui peut le faire ?

Bon, moi je pense quand même que... Vous savez en 1978, il y a eu un texte réglementaire qui a intégré à l'éducation nationale tous les éducateurs scolaires qui travaillaient dans le médical sauf les professeurs de déficience sensorielle. Alors les raisons pour lesquelles ça ne s'est pas fait, bon... tiennent pour une part au fait je pense que ce système était déjà bien organisé et essentiellement dans le privé. Que, à l'époque les établissements de jeunes sourds étaient dirigés plutôt par des congrégations religieuses, qu'il y avait là probablement des systèmes qui ne convergeaient pas tout à fait, bon. Mais ce n'est pas la seule explication à mon avis. Mais en tout cas, on peut penser qu'il y avait, parce que derrière, c'est... c'est pour ça que je parlais tout à l'heure de tous ces établissements qui existent, il y a une richesse en France au niveau de la prise en charge des enfants sourds qui... c'est extraordinaire, extraordinaire. Et aujourd'hui qu'est-ce qu'on voit, on voit des instituts médico-sociaux qui sont vides. Qu'on continue à entretenir quand même, hein, avec l'argent de nos impôts. Mais...

Pourquoi sont-ils vides alors ?

Ils sont vides parce que les enfants fréquentent beaucoup plus les milieux ordinaires que par le passé.

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Donc il n'y a pas de demande d'éducation spécialisée avec la langue des signes ?

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Attendez, il me semble... Parlons de la langue des signes, c'est une langue, c'est une langue donc elle a une fonction sociale et pour que cette langue soit parlée il faut être au moins deux mais il faut qu'il y ait du collectif. Là, le fait d'un enfant sourd d'être en intégration individuelle ne lui donne pas ... ne lui permet pas de fréquenter un contexte socioculturel où la langue des signes s'exerce. Donc la langue des signes,... en tous cas l'idée de dire que la langue des signes est importante pour les enfants sourds pour apprendre, pour vivre, bon c'est utile, etc., - c'est une évidence, suppose un champ, suppose un contexte d'éducation qui donne à la langue des signes cette fonction sociale, donc suppose du collectif.

Oui. Alors quel avenir pour la langue des signes si la priorité est donnée à l'intégration individuelle ?

Quand je disais tout à l'heure que les bâtiments sont vides, ça veut dire qu'ils sont vides parce que les territoires ne sont plus les mêmes. Mais les équipes de ces établissements, c'est-à-dire qu'un projet d'établissement dans un établissement médico-social aujourd'hui, un projet d'établissement il est moins structuré, il est plus systémique. Il s'applique à l'extérieur des locaux mêmes de la structure, bon. Et du coup, le risque aussi c'est que... les enseignants soient beaucoup plus isolés, qu'ils partagent moins une culture d'entreprise que par le passé, par exemple. Ca c'est un peu, c'est un peu difficile. Euh, mais j'ai perdu le sens de votre question...

Alors la question c'était quel avenir pour la langue des signes si on fait de l'éducation ordinaire mais vous venez de me répondre que les enseignants spécialisés sont toujours là mais intégrés à l'école.

Ils sont toujours là avec leurs compétences, c'est-à-dire que beaucoup d'enseignants connaissent la langue des signes ou le français signé. En général, il y a beaucoup plus de gens qui pratiquent le français signé que de gens, chez les professionnels, qui connaissent véritablement la langue des signes. Il n'y en a pas beaucoup en fait.

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Donc finalement la langue des signes elle a déjà pénétré l'éducation nationale mais par un autre vecteur, par celui, par votre ministère.

Euh oui, c'est vrai, c'est vrai,... peut-être qu'il y avait dans les CLIS, les UPI c'est encore assez récent, mais dans les CLIS option A où on accueille des jeunes sourds... Il y avait peut-être déjà des pratiques de langue des signes qui existaient mais je ne connais pas bien ce dispositif. Enfin... non, je crois... vous savez ... les établissements de jeunes sourds étaient, en fait, ont toujours été les lieux d'ancrage de la communauté des sourds. Un établissement de jeune sourd dans les années 1970, c'était, par exemple à La Persagotière (Institut Public de Nantes), c'était si vous vous promenez dans les bâtiments, vous allez voir que c'est très grand et il y avait des classes, il y avait vingt, trente classes dans cet établissement depuis les tout-petits jusqu'à l'enseignement professionnel. Il y avait des ateliers.

Qu'est-ce qu'ils vont devenir ces points d'ancrage ?

Ce que je veux dire, c'est que les enfants entraient touts petits dans l'établissement et en sortaient presque adultes avec le métier qu'on avait choisi pour eux. C'est-à-dire qu'ils devenaient peintres ou menuisiers ou pardon ajusteurs ou tourneurs. Donc, l'établissement était un peu comme un village, il y avait des associations qui occupaient les locaux, des personnes âgées aussi. Je vous disais ça l'autre jour (référence à notre entretien téléphonique, la veille), les enfants pouvaient voir un grand-père sourd. Comment un enfant qui est tout seul en SSEFIS, le soir il va rentrer dans sa famille, qu'est-ce qu'il va voir du phénomène sourd ? Moi je pense effectivement qu'il y a un phénomène socioculturel autour de la surdité évidemment, bon, après quand on dit la culture sourde, bon, je suis... ça dépend ce que l'on entend par culture, hein. Il y a des manifestations culturelles évidentes à travers le phénomène surdité, par la langue des signes certainement, par l'oralisme, non, il n'y avait rien, hein. Mais par la surdité, oui, il y a un phénomène culturel. Dire ensuite que c'est un

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phénomène social c'est une autre affaire et il y a aujourd'hui des gens qui militent pour une communauté, au sens communautariste du terme, une communauté sociale sourde, bon je pense que ça c'est une autre histoire, hein ! Mais il y a effectivement un phénomène social et culturel sourd qui mériterait que l'école prenne en compte cette dimension. Ca n'est pas une fiction, c'est évident que les enfants sourds, les enfants sourds profonds, les enfants sourds sévères le cas échéant ont besoin de se rencontrer, ont besoin d'être ensemble, donc la meilleure chose qui puisse leur arriver c'est d'aller à l'école comme tout le monde mais d'avoir le droit d'aller dans une classe où on ne communique pas tout à fait comme les autres, et que la maîtresse quand elle écrit au tableau elle ne continue pas à parler, elle se tourne, pour permettre la lecture sur les lèvres. Il y a des postures, il y a des choses chez... des manières d'évoluer dans l'espace, quand on enseigne au jeune sourd qui n'est pas commune à toutes les classes.

Et votre idéal pour l'éducation des enfants sourds, ce serait quoi ? Au sein de l'éducation nationale avec le savoir de l'éducation spécialisée ?

Je pense qu'il faudrait reconnaître des espaces juridiques qui existent dans le médico-social en termes d'accueil des enfants. Il y a..., disons, des établissements médico-sociaux fonctionnent en sections et services. Aujourd'hui, on a tendance à être dans le tout service. C'est sûr que l'on réussit sa vie, seul, vous n'allez pas réussir ma vie, moi je ne vais pas réussir la vôtre, c'est évident, mais une fois qu'on a dit ça, on vit quand même ensemble, hein. Et donc, je pense que les sections des établissements, dont beaucoup pensent aujourd'hui qu'il faudrait que ça existe plus, c'est une vieille affaire qui est terminée, c'est une grave erreur. C'est une grave erreur parce que ce sont les lieux de régulation justement de la... pour les jeunes sourds, de l'articulation indispensable qu'il y a entre le tout ordinaire et le... ce qui est un peu plus singulier quand même, hein ? La langue des signes c'est pas ordinaire. Alors on peut dire, oui, une reconnaissance de la langue des signes, oui mais c'est la langue des signes, c'est

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singulier. Si vous voulez, je pense qu'il faudrait réinjecter, je pense que l'idée d'injecter des sections de ces établissements (médico-sociaux) dans le milieu ordinaire, par exemple en articulation avec les UPI ou avec les CLIS, c'est une bonne chose pour les enfants sourds parce qu'ils ont besoin de... d'être ensemble, de vivre ensemble, parce qu'ils se reconnaissent, parce qu'ils pratiquent la même langue, etc. Ils ont besoin... ce qui n'empêcherait pas, à partir de ces pôles, de pouvoir à l'intérieur d'un projet d'école ou d'un projet de collège ou de lycée d'avoir des jeunes qui pourraient pour telle ou telle discipline y aller seuls. Pourquoi pas ? Ensuite, ensuite, effectivement, je trouve que ces... ces sections là, qui existeraient dans leur identité collective... d'accueil collectif sourd ont toute leur légitimité pour être les lieux de régulation, entre le tout spécialisé ou le tout ordinaire, parce que les réponses ne sont jamais dans les extrêmes, c'est pas vrai, hein ? Il faut construire quelque chose... qui serait à la fois de garantir que ces enfants ont des enseignants qui les comprennent, qui peuvent communiquer avec eux. On n'est pas obligé de sous-traiter du soin, ce qui coûte d'ailleurs beaucoup plus cher à la sécu que..., on pourrait faire autrement, hein ? Dire que tous les enfants sourds doivent être scolarisés suppose d'aller plus loin que le mot scolarité mais d'aller dans la pédagogie, dans le rapport au savoir, à l'apprentissage, comment on apprend quand on est sourd ? Est-ce que un enfant sourd, je prends un exemple, mais est-ce qu'un enfant sourd peut apprendre la conjugaison comme un enfant entendant ? Ben non, parce que la conjugaison on l'apprend par l'oreille pour beaucoup... donc avec les enfants sourds il y a un temps différent pour cette approche. Euh, on va peut-être passer plus par le lien à l'écrit, on va le reformuler peut-être plus oralement avec le code (il s'agit d'une référence au Langage Parlé Complété-LPC, code qui permet de faciliter la lecture labiale) par exemple de façon plus précise etc., pour qu'il ne, parce qu'il ne peut pas avoir un accès immédiat. Donc il y a... je pense que les... il y a un débat qui existe depuis longtemps sur le fait que les enfants sourds devraient faire leur CP en deux ans, on entend beaucoup ça. Et moi je remarque beaucoup dans les instituts, alors parfois je rencontre des gens qui disent « ben non, ils doivent faire un an comme les autres », mais moi je dis

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« pourquoi pas en deux ans, on a toute une vie pour être heureux, hein ? ». Et je pense, oui ! que l'apprentissage déterminant du CP sur la maîtrise de l'écrit, enfin de l'entrée dans l'écrit, c'est tellement déterminant que pourquoi pas ? D'ailleurs, quand on a organisé la scolarité en cycles, c'était dans cet esprit là. C'était... les évaluations qui sont faites au milieu des cycles sont des évaluations de fin de cycle. D'ailleurs pendant trois ans, on a le temps de venir. Donc dire les enfants sourds ça doit être comme ci, ça doit être comme ça, je pense qu'ils ont leur rythme. La surdité c'est là où il y a handicap, c'est effectivement de ne pas avoir accès aux infos à la même vitesse, à la même rapidité que celui qui entend. Bon, donc ça veut dire qu'ils ont donc besoin d'un peu plus de temps, ben il faut leur donner du temps et puis c'est tout. Mais si on leur donne ce temps, ils peuvent arriver à des niveaux d'étude et des niveaux de réussite comme les autres. Comme les autres ! La surdité, c'est pas, c'est pas...un empêchement d'apprendre, pas du tout. Mais ça suppose que les enfants sourds aient en face d'eux des gens compétents, des gens qui savent communiquer avec eux, qui savent, qui comprennent comment les enfants s'organisent dans leur rapport au monde justement dont je parlais tout à l'heure, qui n'est pas tout à fait le même.

Et...

Et justement ces pôles, ces structures qui devraient exister, alors il faudrait faire des études un peu géographiques, quoi... parce que si on prend le département de la Loire-Atlantique, Nantes étant dans le tiers-sud du département, ça n'est pas évident pour les gens qui habitent à St Mars-du-Désert ou à Chateaubriand de venir. L'enfant peut avoir des temps de transport absolument inouïs mais par contre c'est d'aller vers les lieux et s'organiser alors dans un contrat avec une école, avec un collège, un lycée, ces pôles un peu plus spécialisés, des enfants sourds peuvent être accueillis sans préjudice du fait qu'ils pourraient être suivis individuellement pour telle ou telle matière, telle ou telle discipline.

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Donc finalement, vous pensez qu'il est préférable que l'enfant soit intégré à

l'Education Nationale.

Moi, comme on dit, enfin, dans mes rêves, dans mes espoirs, c'est effectivement que l'enfant sourd soit un citoyen de l'école à part entière. Pour moi, la question de la surdité, bien sûr, bon il y a une question de diagnostic, il y a une question d'appareillage, il y a une question du suivi régulier du handicap mais bon, mon expérience moi de parent, c'est que si mon enfant, parce qu'il a eu un problème de santé, bah, on allait voir notre généraliste. Quand il a eu un problème d'oreille on avait notre ORL aussi et on avait notre audioprothésiste. Donc, on n'a pas besoin d'institution qui médicalise le handicap, on va voir notre médecin, notre ORL et puis l'affaire est... puis la sécu finance ça comme tout le monde, et puis voilà. Donc, effectivement... dans mes rêves, je pense que la situation des enfants sourds doit être une situation d'enfant qui, qui va à l'école et puis... Mais je suis prudent parce que je dis qu'il faudrait que l'on évolue sur le plan conceptuel. Qu'on ne parle plus du même mot pour dire la même chose, parce que si on raisonne en termes de soins ou qu'on raisonne en termes d'éducation, on ne parle pas de la même chose.

Sur la question du coût, le coût journalier en section c'est je crois un peu plus de 160€ par jour pour la prise en charge des enfants sourds.

Moi, il me semble déjà que si les autorités en termes de, de prise en charge entre guillemets, qui est un mot pas très joli hein, faisaient une différence très claire entre ce qui relève de l'hébergement, déjà, internat ou pas, et ce qui relève de, de... je veux dire de l'activité de nuit ou de jour en termes d'accueil, on met un terme, on peut imaginer que ça représente des coûts de... de logement, etc. Et puis, il y a l'activité au quotidien qui, elle, est d'ailleurs, le rapport entre section et semi-internat est immédiat. Mais moi je vois pas le rapport de, c'est-à-dire que, si vous voulez, les sections pour moi ce sont des sections d'éducation et d'enseignement spécialisés,

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donc si je prends les termes qui définissent ces sections, l'enjeu il est enseignement et éducation spécialisée. C'est pas internat. Or, on mélange les situations, on oppose en tous cas les situations de SSEFIS aux situations de SEES en disant les SEES ça coûte plus cher mais en fait, ça coûte aussi cher que le SSEFIS puisqu'on continue à faire valoir du soin parallèlement au système éducatif qui, lui, ne peut pas apporter toutes les réponses. Et en plus, comme ce sont des réponses individualisées, les coûts de transport que ça représente de personnel, par exemple, c'est inouï. Donc ça coûte beaucoup plus cher à la sécu que, enfin bon euh...

Le ministère de la Santé a lancé une étude sur le dépistage précoce de la surdité, et sur les implants cochléaires. Est-ce que ça ne concerne que la Direction de la Santé ou est-ce que vous y participez ?

Oui, enfin... Bon, par exemple la DGAS (Direction Générale des Affaires Sociales) a une commande auprès du CTNERHI (Comité Technique National d'Etudes et de Recherches sur les Handicaps et les Inadaptations) sur le suivi longitudinal des enfants implantés. Bon... Quand j'étais jeune professeur, à Nantes ici dans les années 1970, le discours médical c'était un discours oraliste. On disait aux parents... « surtout... faites attention à la langue des signes parce que si il fait de la langue des signes votre enfant ne parlera pas. » Or, c'est pas parce qu'on fait de la langue des signes qu'on parle pas. Bon... Donc, il y avait un discours qui était assez cohérent, finalement, je trouve. C'était logique qu'un médecin dont le métier c'est de réparer l'oreille, de... de réhabiliter l'audition conseille un système éducatif oraliste, bon ! Et c'est encore plus vrai aujourd'hui, je reconnaîtrais encore plus le discours du médecin là-dessus, parce que la technologie est encore meilleure.

Et le médecin est dans son rôle.

Mais le problème, c'est que les médecins aujourd'hui ne raisonnent plus comme ça. Ils ont un pari sur l'implant en tant qu'appareil et ils sont persuadés que l'implant, et

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puis... après ça marche. Donc, le conseil donné aux familles aujourd'hui est dans un consensus mou. C'est-à-dire que le débat, les débats intellectuels qu'on a pu connaître sur les partisans du geste, de l'oral, plutôt l'oral dans le milieu médical, le geste dans le milieu éducatif plutôt, ... dans le sanitaire plutôt l'oralisme et puis, dans la vision plutôt médico-sociale, les gestes... Aujourd'hui on est dans un consensus mou, aujourd'hui là-dessus. C'est ça... Ca, je trouve qu'on est dans un peu tout quoi ! On est dans un peu tout. Et donc... préconisations, moi je pense que les préconisations en termes de port d'implant et de laisser, après, dire « Oh ! bah ! oui, vous pouvez faire le choix de la langue des signes ou vous pouvez faire... », « c'est votre choix après tout ». On dit aux parents « c'est votre choix », c'est un peu comme à la télé, « c'est mon choix », oui, mais sauf que un choix, c'est partir dans une direction et pas dans l'autre. Donc ce choix, il est impossible pour les parents, je pense, c'est, c'est une mauvaise approche. On devrait être plutôt dans une approche qui serait de dire « bon voilà écoutez, avec un enfant sourd, il y a ça comme outillage, il y a ça, ça, ça. Et à mon avis, intéressez-vous à tout ça, et puis essayez de voir comment tout ça peut se mettre en place parce que l'enfant, lui, il va prendre tout, il va tout prendre ». Un enfant c'est tout neuf, un enfant c'est... Bon, et c'est nous les parents qui, les parents, les éducateurs, qui mettons des barrières en disant « ça doit être comme ci, ça doit être comme ça et pas ça et pas ça » parce que c'est des... des débats idéologiques qui n'ont rien à voir avec la réalité concrète des besoins de l'enfant. Donc, je veux dire, moi ça me paraît logique de dire « Bon voilà, pari de l'audition, de la réhabilitation, donc projet oraliste ». Bon, parce qu'il y a des échecs de l'implant qui tiennent aussi, à mon avis, hein, qui peuvent tenir à ... l'implant il marche pas bien, la greffe n'a pas pris,... je sais pas. C'est pas, c'est pas, c'est moins vrai qu'autrefois. Mais, il peut y avoir des sujets qui sont moins réceptifs, bon. Il peut y avoir des problèmes techniques. Et puis après, l'implant... c'est aussi l'enfant avec son implant, donc, une réalité sociolinguistique dans laquelle l'enfant évolue, bon ! Et puis les efforts qu'on demande à un enfant pour entendre, ils sont numériques. Avec l'implant, c'est tout un travail d'éducation, qui nécessite beaucoup d'efforts,

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beaucoup de travail, beaucoup d'attention, c'est pas simple, ça va pas de soi, c'est pas évident. C'est pas vrai, un implant pof ! ça marche, non ! Il y a un suivi post-implant, qui, qui est... Il y a des réglages, on va souvent au médecin, on va souvent à l'hôpital, on va... bon. Il y a beaucoup de suivi et puis l'enfant, lui, il peut très bien... Il va rencontrer des copains sourds, naturellement avec des copains sourds on va se mettre à signer et puis il va faire..., émotionnellement c'est chouette, et puis il va faire ce choix là. Et peut-être que le choix de la concentration...sur l'implant, et tout, va finalement aller en sens contraire du pari de réhabilitation de l'audition. Je fais une simple hypothèse.

Oui bien sûr.

Et à la mise en oeuvre du bilinguisme à l'école, vous y participez ?

Je vais souvent à des réunions avec Pierre-François Gachet... On parle souvent du bilinguisme en éducation, on fait du bilinguisme, on dit, aussi, on fait du SSEFISME. Le bilinguisme, c'est un état, c'est le résultat d'une action. Quelqu'un qui est bilingue c'est quelqu'un qui peut parler dans les deux langues, qui peut s'exprimer dans les deux langues. Mais pour arriver à cette maîtrise des deux langues, on suppose une action éducative pour y parvenir, une situation de scolarité, de pédagogie... d'être en classe. Bon ! La classe, pour moi, c'est un endroit un peu différent du centre aéré quand même, c'est un peu différent des lieux d'expression de la société, c'est un peu comme un laboratoire dans lequel on essaie d'appréhender la réalité, de la reconstruire en miniature, enfin bon, on apprend des savoirs, des savoir-faire, dans différentes disciplines, donc c'est un milieu, cela ne va pas de soi, il faut faire des efforts. Apprendre ça passe par rencontrer des obstacles, les surmonter, en rencontrer d'autres, etc. Donc le fait, la logique d'apprendre, la logique d'être à l'école passe par une logique qui va de « difficile à facile » pour moi. L'idée de dire, c'est facile tout va bien, donc, avec la langue des signes y'a beaucoup cette idée-là, ça va être facile, c'est plus facile... Sauf que c'est le contraire de la démarche de l'apprentissage.

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L'apprentissage... c'est pour ça que, pour moi, il me semble qu'en tout cas, dans l'espace de la classe, moi, à travers mes pérégrinations comme inspecteur, moi qui ne connaissais pas bien la question du LPC, quand je vois aujourd'hui ce que produit le LPC, je suis très envieux des gens qui ont cette maîtrise, et je constate que les situations où... je me rappelle une inspection, un jour, dans un établissement où le directeur me propose de lire son projet d'établissement, et dans le projet d'établissement, il était fait référence à tout, pour bien se vendre un projet d'établissement, c'est fait pour se vendre, aux parents, on est les meilleurs, venez chez nous, etc. Donc on faisait la verbo-tonale, le LPC, on faisait tout. Sauf que, moi, mon métier c'est d'aller voir les gens concrètement et puis, je me rends compte que c'est bien joli de l'écrire mais dans la réalité tout le monde ne le fait pas, et je dis au directeur : « Ecoutez, moi je viens de voir un professeur, là, je lui ai posé comme question, lors de notre entretien, après l'avoir observé faire la classe, je lui ai demandé pourquoi il ne pratiquait pas le LPC, mais pas du tout, alors que c'est écrit dans le projet d'établissement. Alors ce professeur m'a dit qu'il était, bah, il était quand même à deux ans de la retraite, c'était un peu tard pour lui, etc. J'ai dit bon, bon, bon, bon, bon ! D'accord, d'accord ! Puis j'en ai vu un deuxième professeur, lui, je l'ai vu coder pendant, j'sais pas, cinq six minutes, à certains moments... Je lui ai dit, « Tiens, c'est intéressant, je vous ai vu coder un petit peu, pourquoi vous avez utilisé le code, pourquoi pas plus, pourquoi, un peu, comme ça... » Elle me dit « Parce que moi je code, comme ça, pour coder un mot nouveau. » Ouais, j'ai dit c'est bien, mais, bon... c'était un peu plus que le premier. Et puis, je vois un troisième professeur qui lui codait beaucoup. Je me dis, tiens, voilà trois professeurs qui sont dans le même établissement, qui ont le même projet d'établissement, mais les trois n'utilisent pas l'outil du code de la même façon. Ca manque un peu d'harmonie tout ça ! Parce que les enfants peuvent passer d'un professeur à l'autre, ils ne vont pas avoir la même offre. Bon ! Et puis, celui qui m'a effectivement le plus épaté, c'est celui qui utilisait le plus le code... celui qui l'utilisait pas, il m'a pas épaté par rapport au code, il l'utilisait pas, donc pas... défaut d'utilisation. L'autre l'utilisait. Et je

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discute avec ce professeur, et... bon. Il utilisait le code et il utilisait les gestes aussi ! Et, lui, il avait une approche de l'utilisation des signes et de l'oral, de proposer la langue orale d'abord. C'est-à-dire de proposer l'effort, de partir du plus difficile. Le rôle de l'enseignant étant de faciliter les tâches, vous comprenez le rapport entre « difficile facile » et la facilitation à mettre en place. Vous comprenez ? Eh donc, comme il avait une relation formidable avec les élèves, il s'exprimait oralement en codant ses messages d'abord avec une bonne diction, une bonne oralisation, parce qu'on n'en parle pas beaucoup de ça non plus. Hein, bon, avant de parler de l'utilisation du code, avant de parler de... il faut dire qu'il faut parler doucement, bien articuler, il faut avoir une bonne lecture labiale aux enfants, c'est très important, et finalement chaque fois, il utilisait le principe de la reformulation pédagogique et je pense que le principe de la reformulation pédagogique chez les sourds vaut à la fois sur le plan des outils de communication - ça vaut le coup de se répéter, d'abord, comme ça on comprend mieux - mais on peut tout à fait envoyer une info en code et donc l'enfant fait un effort en code, et c'est comme le forgeron hein, c'est en forgeant qu'on devient forgeron, donc quand on offre la langue française avec le code, ça donne des performances chez les enfants en lecture labiale qui sont réelles, c'est pas une fiction, certains vont gagner 60-70%, c'est-à-dire que... 80% de réussite en lecture sur les lèvres, ça veut dire que ces enfants vont avoir une pratique du français comme langue d'usage et les apprentissages linguistiques ça se fait par la langue d'usage. Si comme vous m'avez dit tout à l'heure (à mon arrivée), à d'autres moments, on va signer, on va pas chercher à faire du code, etc., en classe on est dans une situation d'apprentissage, donc tout ça c'est réglementé, c'est organisé, c'est pas le centre aéré. Donc, ce professeur que j'ai pu voir faire dans ce que moi je considère être l'approche la meilleure en matière de bilinguisme, c'est qu'il donne d'abord... il met les enfants dans une situation difficile, mais il les met, pas pour les embêter, pas pour leur faire du tord, mais pour pouvoir ensuite, pour être pour eux finalement à terme le meilleur médiateur de leur intégration future, parce que c'est ça qu'ils vont rencontrer à l'extérieur, des situations d'oralisation, partout. Donc, il les entraîne à

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ça. Résultat : dans l'entretien avec lui, je lui ai dit, mais ça marche ? Il me dit « Il y a des enfants dont les parents pratiquent, donc ils sont déjà plus à l'aise. D'autres, les parents pratiquent pas, donc ils ont appris... ils ont plus de retard que les autres ». Il y a des enfants qui réagissent plus vite que d'autres, parce que je pense que la lecture labiale, c'est déjà, une histoire de compétence, au départ hors LPC, je pense qu'il y a ... Moi j'ai pu voir ça de ma pratique, de constater qu'il y a des jeunes sourds qui ont un don, peut-être, à ce niveau de lecture labiale facile. D'autres ont plus de mal avec la labiale, beaucoup plus. Ils sont perdus parce qu'ils n'ont pas la méthode non plus. Il y en a qui vont être dans une approche linéaire du discours, ils bloquent sur un mot, paf, ils bloquent sur tout le reste. Y'en a qui ne vont pas tout comprendre mais ils vont comprendre les indicateurs du contexte, ils vont se servir du contexte. Donc, il y a des manières de lire sur les lèvres qui ne sont pas très différentes des critères que l'on prend pour comprendre une situation, par ailleurs. Donc je pense qu'il y a des jeunes qui sont de bons lecteurs déjà, d'autres moins, bon. Mais la lecture labiale, seule, est très complexe. Le LPC, faut pas oublier qu'on est dans une langue syllabique et que le LPC syllabe la langue. En plus, il donne, il rythme - la parole c'est du rythme, mais il y a un rythme biologique de la langue des signes qui n'a rien à voir avec le rythme d'une bande audio-vocale, c'est pour ça que le bilinguisme de deux langues audio-vocales et le bilinguisme de la langue des signes et d'une langue audio-vocale, c'est un autre sujet. On peut prendre des éléments, par exemple on peut prendre des éléments de cohérence de discours. Moi, je me rappelle d'une réunion de parents d'élèves, à une époque, la maman était pour les signes, le papa oraliste. Ils viennent en réunion de parents, moi je faisais donc la réunion, je leur explique un peu comment je faisais, eh puis... Parce que moi, j'ai toujours procédé comme ça, c'est-à-dire que j'ai toujours eu tendance... mais je ne pratiquais pas le code à cette époque, mais j'essayais de voir quelles chances pouvait avoir l'enfant de saisir les messages oralement. Alors à l'époque on était utilisait la dactylologie, on utilisait le dessin, des tas de choses, bon ! Et puis, je signais dans un deuxième temps. Si j'avais connu à l'époque le LPC, je crois que j'aurais été encore plus performant

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dans mon approche, parce que je pense que c'est la meilleure, pour moi. Donc, c'est de proposer à l'enfant avec le code de rentrer dans la langue française, mais surtout de veiller à ce que ça marche. Il s'agit pas de le faire et que ça marche pas ! Or, on se rend compte que tous les enfants n'y arrivent pas au même rythme, que tous n'ont pas la même histoire dans le contact avec le LPC parce qu'ils ont pu l'avoir dans la famille ou pas, mais que ça marche. Et, l'idée... d'abord un professeur de jeune sourd c'est quelqu'un qui doit avoir une habileté du code et qui doit maîtriser la langue des signes et je pense que le bilinguisme, enfin la situation le contexte d'éducation bilingue, consiste à donner à l'enfant des repères clairs dans l'une ou l'autre langue, le malheur c'est qu'on est dans le pidgin du français signé donc qui est une commodité pour l'enseignant qui donne l'illusion de bien communiquer mais cela ne permet pas à l'enfant de faire des repères clairs dans l'une et l'autre langue. Je pense que le bilinguisme c'est d'aboutir à la fin à une situation où le jeune va rencontrer des signeurs, plus besoin d'oralité et puis dans d'autres contextes où il va rencontrer des entendants, qu'il soit pas complètement perdu. Il sera pas en situation de force...

Oui et...

... Un sourd au milieu des entendants n'est pas en situation de force, mais quand, moi, quand je passe une journée - je le fais moins maintenant que je suis en inspection - mais avant, je pouvais aller à des rencontres avec des sourds, à la fin de la journée avec des sourds, j'en avais un ras le bol des sourds parce que je n'arrivais pas, moi, à avoir la concentration au niveau visuel que les sourds sont habitués à avoir, j'étais fatigué après une journée chez les sourds, et donc je comprends qu'un sourd avec une journée avec les entendants, il est fatigué aussi. Mais, c'est encore plus dur pour les sourds parce que moi j'arrivais toujours à avoir des gens qui oralisaient mais... Et puis l'oreille, à part chez certains animaux, - on voit les oreilles qui bougent comme ça, hein, ...mais - l'oreille, elle est passive. Les yeux, il faut qu'ils aillent chercher l'information, c'est beaucoup d'énergie à mettre en place, c'est

beaucoup plus fatigant. Mais je crois que, pour réussir le bilinguisme, il faut donner aux enfants des repères dans l'une et l'autre langue et je pense que si on commence par l'offre en LSF on rentre dans une logique de rapport à l'apprentissage qui va de facile à un difficile qui restera difficile et qu'on n'atteindra peut-être pas. Donc...

Mais les deux ne peuvent pas...

Si !

... se mettre en place en même temps ?

Je donne... je pense qu'une langue s'apprend par le bain de langage qu'on a dans cette langue...

Mais prenons la situation du bébé qui, lui, ne va pas pouvoir entendre ni parler, est-ce qu'avec lui la langue des signes n'est pas...de meilleur emploi.

Ah si ! Moi je pense à ce que je vous ai dit...

Donc, finalement, on ne peut pas commencer par l'oralisme !?

Non, mais là je parle d'enfants qui sont en situation scolaire, c'est-à-dire qu'il y a un moment, je pense, par exemple, pour un enfant sourd profond, je pense que c'est la langue des signes qui est le premier vecteur, cela me paraît évident.

Ensuite si j'ai bien compris vous préconisez que les deux langues soient au même plan, considérées de même façon, qu'il n'y en ait pas une qui soit dévalorisée par rapport à l'autre et qu'elles soient employées dans un cadre qui soit respectueux de ces deux langues.

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Oui.

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Le niveau de LSF, savez-vous s'il est prévu de l'évaluer ?

Disons que là, pour l'instant, on a fait une avancée, quand même, parce que, je veux dire, la LSF, on a parlé de la loi de 1991, hein, reconnaissance, on va dire que réglementairement avant 91, vous savez bien qu'elle était interdite, depuis... 1800 je ne sais plus, elle était interdite... mais en fait, avant 91, la langue des signes a commencé à rentrer dans les établissements, peut- être un peu dans la clandestinité des salles de classe, mais petit à petit c'est venu, bon ! Dans les annexes XXIV quater, par exemple, on a reconnu dans les équipes, le profil d'adulte sourd. Et moi, je considère que adulte sourd, c'est pas un métier ! Par contre, que des adultes sourds puissent se faire reconnaître à travers des compétences de métiers, oui ! Vous comprenez ? Donc on est à une étape où je pense, progressivement, on va... parce que la meilleure chose qui ait pu arriver à la langue des signes c'est la reconnaissance de son enseignement, bien entendu, mais cela prendra un peu de temps !

Oui, pour l'instant, il n'est pas prévu d'enseigner en langue des signes.

La circulaire sur le bilinguisme qui est sortie, là, au mois d'août ça laisse plutôt entendre quand même un peu ça, puisque on dit que la langue orale ne fera pas l'objet ni d'une évaluation ni d'un enseignement.

Hum.

Moi je pense d'abord que tout est une histoire d'harmonie,... d'abord 1) de pas priver les enfants d'une capacité qu'ils auraient d'apprendre, donc dire qu'il y a un siècle, il ne fallait pas qu'ils signent, dire maintenant qu'il ne faut pas qu'ils oralisent, c'est la même stupidité, hein donc, dire que la langue des signes empêche l'oralité, c'est stupide aussi, il n'empêche quand même que, en matière d'apprentissage, non pas de la communication, parce qu'on nous parle de la communication tout le temps, moi

j'ai une réflexion qui va jusqu'à la conquête du langage, des compétences langagières ; or, les compétences langagières, on les acquiert par l'usage.

Vous êtes donc favorable à un enseignement par l'oral.

Moi je pense que les enfants... Je pense qu'un vrai bilinguisme c'est un bilinguisme langue des signes d'un côté et langue française orale, lue et écrite, d'un côté et que il faut permettre aux enfants de faire un apprentissage dans ces deux registres, donc, effectivement, on a l'impression que la langue des signes est pauvre à côté de la langue orale qui a une transcription écrite, lue et écrite. Bon ! Ben oui, mais c'est comme ça ! Ceci dit, le fait aujourd'hui comme à Toulouse de dire en gros que la langue écrite c'est la langue écrite de la langue des signes, c'est faux, non ? La langue écrite est la langue écrite de la langue orale française, pas de la langue des signes. Donc, c'est un arrangement conceptuel pour essayer de définir quelque chose de..., à part entière. Mais c'est faux, moi je pense que... donc je vous ai dit, dans la démarche pédagogique du rapport à l'élève et à l'apprenant, moi je suis pour le bilinguisme, je suis, je pense que si on n'offre pas le français oral d'abord, et si on offre les signes d'abord, l'effort à faire pour le français oral est inutile, devient inutile. Parce que dans l'espace entre l'enfant et le professeur, si on lui dit ! « tu as compris ? », bon et il a compris, si on fait le signe. L'effort qu'il aurait à faire pour dire : « tu as compris, il ne le fera pas, puisqu'il a compris ». Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire...

Si, si.

..., c'est-à-dire que, en fait, dans la fenêtre linguistique de la langue des signes - elle a cette taille-là - elle occulte complètement celle-ci, donc...

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L'objectif, c'est de faire en sorte que les enfants parlent d'abord ?

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Non, attendez, moi, je parle pas pour ce qui serait ou qui se passe, moi ce que je veux dire c'est qu'il fut un temps, moi quand j'ai commencé mon métier, les premiers temps où je suis allé dans les salles de démutisation, ça m'a fait hérisser les poils, ça me paraissait violent. Et l'idée, c'était de faire oraliser pour obtenir de l'articulation et moi je pense que c'est un objectif secondaire, par contre, c'est jouer la langue, je ne parle pas que de la question de l'articulation chez les sourds, au niveau d'une performance esthétique m'intéresse peu, parce que je sais qu'il y a des sourds qui n'oralisent pas parfaitement mais par contre ils ont une sacrée maîtrise de la langue française et donc c'est de donner l'occasion aux sourds de pratiquer la langue française, de l'avoir comme langue d'usage et la question qu'ils ont à faire pour articuler n'est pas importante pour moi. Ceux qui y arriveront tant mieux, ceux qui y arriveront pas, eh bien, ils parleront moins et la réalité, c'est ça : vous avez des sourds qui oralisent plutôt bien et d'autres...

Donc acquérir un français oral de qualité n'est pas évident. Quels sont les moyens mis en oeuvre pour que les Sourds pratiquent bien la langue des signes, pour qu'ils maîtrisent au moins une des deux langues ?

Disons que, maintenant il va y avoir, dans les emplois du temps des élèves, il va y avoir maintenant l'apprentissage de la langue des signes. La question c'est de savoir si on veut que les enfants apprennent la langue des signes dont l'usage et la fonction sociale sera limitée à la communauté de ceux qui la pratiquent mais si, en même temps, on a une ambition par rapport à la langue française, dont la maîtrise leur sera particulièrement utile, pour réussir leur parcours voire leurs études.

Et votre solution à vous ?

Ma solution elle est que... bon, si moi je vais prendre mon expérience, Jeremy est sourd, il a des copains sourds, pour lui c'est absolument salutaire qu'il rencontre cette communauté d'appartenance culturelle mais ce n'est pas pour autant qu'il n'est

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pas notre enfant, de ses parents qui sont entendants, et qu'il n'appartient pas aussi, d'une certaine façon, au monde des entendants, donc nous on l'a toujours habitué à fréquenter le monde des entendants, tout en sachant que c'était pas le mieux pour lui, mais on n'a pas du tout, on n'a pas eu du tout le projet de l'isoler dans un monde de surdité ou de « surditude » ou de langue des signes. Vous comprenez ? Je veux dire, c'est le projet d'un enfant citoyen du monde, et donc, qui va avoir la langue des signes et les préoccupations que j'ai, que j'ai toujours eues en tant que pédagogue, c'était pas la capacité que les enfants avaient à apprendre la langue des signes, j'ai pas de souci là-dessus.

Donc finalement, l'effort du système éducatif français doit plutôt axer sur la langue orale, plus que sur la langue des signes ?

Je pense que..., je constate qu'il y a des enfants... que chaque jeune, chaque apprenant n'apparaît pas comme identique à l'autre, que chacun est unique et que chacun développe un potentiel qui lui est propre ; je vous ai dit tout à l'heure qu'il y a des sourds qui arrivent à avoir une intelligibilité de leur expression orale qui est absolument épatante, surprenante à tel point que l'on peut se demander « est-ce qu'ils ne seraient pas étrangers pour quelqu'un... » et d'autres qui n'arrivent pas. Les premiers, tant mieux, les autres faut-il les forcer à oraliser, non ! Par contre ce qui peut être commun aux deux - moi j'ai vu des élèves qui avaient une très bonne diction, une très bonne oralisation et qui avaient une bonne maîtrise de la langue, j'ai vu des élèves qui avaient une très mauvaise... en intelligibilité orale, c'était bas bon, ils ne comprenaient pas, mais qui avaient aussi cette maîtrise de la langue, et j'ai vu d'autres élèves qui oralisaient très bien les mots mais qui ne mettaient pas de sens, vraiment, dessus. Chaque enfant est unique. Donc moi, mon idée, c'est de dire, « qu'est-ce qui est bon pour les enfants » ? Et mon discours il est complètement, il est en-deçà des querelles de vouloir la langue des signes ou de vouloir le français. C'est un débat qui est dépassé pour moi, depuis longtemps. Je l'ai vécu à une époque, à

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une époque... lorsque j'étais à l'université - j'ai fait mon mémoire sur les sourds - j'étais... je disais, mais les sourds, ça doit être la langue des signes point. Mais depuis que je suis passé, par exemple, à l'Inspection et que je suis allé voir des exemples de réussite avec les enfants, je me suis dit qu'il ne fallait pas opposer la sublimation de la langue des signes et le bonheur que cela peut représenter pour les sourds, avec la langue orale qui serait l'objet d'une souffrance pour les sourds, etc., et je pense que l'avenir n'est pas à construire sur l'idée de la revanche, je pense que... On s'en fiche complètement de ça, ça n'a pas d'intérêt, l'intérêt c'est de dire, voilà, un enfant c'est un potentiel de réalisable extraordinaire et que si on sait lui donner le plaisir d'apprendre, il apprendra aussi bien la langue orale que la langue des signes. Simplement, le plaisir personnel qu'il pourra avoir à utiliser la langue orale va être limité, ça va être plus frustrant évidemment, parce que quand on est sourd, y'a cinq six personnes qui discutent oralement, on est un peu perdu, etc... N'empêche que le fait d'acquérir, le fait pour un sourd de lui apprendre à comprendre le monde des entendants c'est lui permettre d'être lui-même sourd avec la langue des signes et d'être pas le dernier de la classe dans le monde des entendants, vous comprenez, on est plus riche de deux langues que d'une langue....

Oui. J'ai une question parce que vous avez utilisé un mot que j'ai rencontré dans les travaux parlementaires, c'est le mot étranger. Est-ce que vous pensez que le sourd est un étranger, dans son pays ?

Moi, je considère que même dans notre famille et pour certains membres de la famille Jeremy est un étranger.

Et comment vous l'expliquez ?

C'est comme ça ! C'est la langue ?

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C'est que... si... Jeremy m'avait dit une fois : «moi, j'aime pas Mamie », j'ai dit « comment ça t'aime pas Mamie ? », « parce que je comprends pas, Mamie elle signe pas », et moi je lui ai dit « Tu dois aimer Mamie, même si elle signe pas ». On rejoint la « part entière » et tout le truc-là, parce que je lui ai dit : « Mais Mamie signe pas, c'est pas pour ça que tu dois pas l'aimer ». Il me semble, moi je suis pas sourd, je peux pas parler à la place des sourds, bon, je vous donne mon avis, moi, sur l'observation du phénomène, les ressentis que j'ai par rapport à... puis la réflexion intellectuelle que je peux avoir sur ce phénomène, c'est tout, mais je pense que... l'idéal de construction d'un monde sourd avec une culture une langue, etc., autosuffisant, je ne vois pas trop quoi...

C'est peut-être parce que la société leur renvoie aussi cette image « d'autre », « étranger » ?

Mais c'est quand même, c'est presque inévitable, c'est inévitable, c'est pour ça que, il y a une situation de handicap quand même, et c'est beaucoup plus prudent de dire, de ne pas être dans une vision d'idéalisation des choses qui n'est pas réelle, qui n'est que la projection de ce qu'on voudrait... Faut voir ce qui est quoi, moi j'essaie de réfléchir à ce qui est, ce qui est le plan du vécu, ce qui a été, les souffrances des sourds dans les écoles oralistes d'autrefois, ça importe peu pour expliquer ce qui est, et ce qui est ne peut pas être défini non plus parce que l'on voudrait que ce soit. Bon, je ne sais pas si je suis clair ?

En définitive, si j'ai bien compris, c'est que le sourd est un étranger dans son pays.

Euh, oui... à tel point qu'il peut être même moins étranger dans un autre pays frontalier, parlant une autre langue que la langue nationale de notre pays, qu'étranger dans son propre pays. Parce qu'il me semble que si les sourds - vous savez, il y a une littérature sur les sourds qui utilise des termes assez étonnants et assez exotiques comme « le monde des sourds », y'avait un film aussi, c'était « Le

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Pays des Sourds », comme si les sourds étaient sur un autre univers, une autre planète, et c'est un peu vrai, c'est un peu vrai, mais je crois que, moi, mon raisonnement est de rattacher toujours l'individu à la communauté des autres hommes, c'est ça qui m'importe beaucoup, et ce qui m'exaspère le plus, c'est les aspects, les discours de certaines personnes qui me paraissent manipuler un peu, manipuler un peu le monde des sourds dans... peut-être pour leur propre construction intellectuelle à elles...

Qui les enfermerait en fait ?

Qui les enferme, voilà, je pense que l'avantage de la langue des signes, c'est effectivement de sortir des établissements médico-sociaux, elle n'y était, elle n'était pratiquée que dans les établissements de jeunes sourds, les établissements de jeunes sourds s'ouvrent donc la langue des signes a besoin de lieux d'expression en tant que fonction sociale, donc dans le champ de l'éducation dont nous avons parlé, de l'importance de l'accueil collectif des enfants sourds, dans leur éducation, bien sûr, sinon, il n'y a pas de fonction sociale. L'enfant sourd qui est en SSEFIS, il va avoir un contact avec la langue des signes, non pas en tant que langue d'usage, mais parce que des professionnels qui la pratiquent le cas échéant vont la lui apporter. Et, je reprenais l'autre jour l'image du pédagogue de l'Antiquité, c'est pas avec vous que j'ai parlé de cela l'autre fois, vous savez dans le pédagogue dans l'Antiquité, c'était l'esclave qui accompagnait le fils du maître chez le magister, le savant, avec sa toge et tout ça et qui donc, expliquait les savoirs savants, consacrés, etc.,. Et le pédagogue, cet esclave qui accompagnait l'enfant, dans le mot pédagogue il y a le mot « péda » aller et « aqui », sur ce chemin-là, je ne sais plus quel est l'auteur qui raconte ça mais il apprenait les choses de la vie en fait et petit à petit le pédagogue est rentré dans l'école et a remplacé le magister, finalement. Le magister, on le trouve encore dans les amphi des universités, il est au-dessus de tout le monde, et puis il parle, il fait un discours et on écoute, et c'est passionnant - parfois quand on est étudiant les gens

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qui, les sociologues, par exemple, sont épatants mais c'est une habileté intellectuelle, le goût de la polysémie... Avec la sociologie, on peut tout expliquer, et construire, c'est formidable, mais la réalité c'est le quotidien, c'est ce que vivent les gens et moi, l'ambition que j'ai toujours eue c'est d'essayer de défendre une éducation des enfants sourds qui soit, elle, inclusive, oui, de tous les moyens d'y arriver et qui commence pas par dire : « attendez, c'est pas... l'identité, la culture », oui, tout ça c'est des mots, c'est des mots. La culture, je crois... Mais en tant que communauté sourde, je veux dire, tant qu'on est dans le confort ouaté de l'école, y'a pas de problème, y'a pas de problème, y compris au lycée ou à l'université, on est cocooné, étudiant c'est formidable. Puis quand on n'est plus dans cet univers d'accompagnement que ce soit scolaire ou médico-social ou autre, y'a un moment où on plonge dans la vie, c'est-à-dire qu'il faut trouver un job, faut trouver un boulot, faut aller sur le marché de l'emploi, et dans ce cas on rencontre la réalité de la vie. Combien de jeunes, moi j'ai entendu dire, qui à une époque ne voulaient pas de l'orthophonie parce que moi je signe, je suis sourd, etc., et quand arrive le moment d'aller sur le marché du travail et qu'ils n'ont pas, ni appris par forcément l'oralisation, mais quand on apprend une langue, on n'apprend pas que l'aspect phonologique de la langue orale, on apprend la pragmatique de la langue, on apprend la proxémique de la langue, on apprend plein de choses, qui permettent au-delà des mots de se situer dans un contexte culturel aussi porté par la langue, par les représentations que ça véhicule et dans la culture du corps, dans la culture des mots. Donc,...

Donc, il est préférable d'adopter la culture ou la langue dominante du pays dans lequel on se trouve.

Hum, oui... pas l'exclure en tout cas, pas l'exclure, bon, mais d'être bilingue, je pense que..., en tout cas pour les enfants qui ont une surdité importante qui sont sourds, je pense que le bilinguisme est presque leur projet, quoi. Bon, maintenant, si il y a des enfants qui veulent... des parents qui parlent à la place des enfants, après tout, parce

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que l'enfant quand il a trois ans, quatre ans, cinq ans, son projet de vie, c'est pas lui qui le construit, on décide pour lui, bon, n'empêche que je connais aussi des enfants qui sont uniquement dans la langue des signes et qui ont de telles difficultés en français, qui ne savent pas lire, qui ne savent pas écrire, bon voilà, moi... je me dis mais oui, la langue des signes, bien sûr, mais l'apprentissage de la langue et de la langue écrite me posent beaucoup plus de... il y a beaucoup plus d'organisations, et... Je pense pas, moi, que par exemple, des débats sur la mise en place de la conscience phonologique, par exemple, nous savons lire parce que nous avons appris le « b-a ba » de la lecture. Picasso est un génie parce qu'il a les bases de la peinture et moi je sais lire parce que j'ai appris le mécanisme d'apprentissage audio-phonatoire, audio-phonologique de la même manière que je sais conduire parce que, il y a eu un moment où ça a été un peu pénible parce que je me demandais quel pied... sur quelle pédale il fallait appuyer et où mettre machin et puis ce temps-là est passé et aujourd'hui des fois je me dis quand je suis sur l'autoroute, je me dis, je prends un risque énorme, parce que le moindre, le moindre accroc dans l'environnement et ça y est je me tue, quoi. Et pourtant, j'ai même pas conscience que je bouge mes mains, que j'appuie sur la pédale, que je... mon cerveau a incorporé le savoir. Bon, donc, en matière d'apprentissage de la lecture, on me dit aujourd'hui que on peut apprendre à lire avec la langue des signes et puis pas besoin de se construire une conscience phonologique, bon, quand je regarde du côté de ce qui a été fait en matière d'apprentissage de la lecture idéo-visuelle chez les enfants entendants, j'allais dire, c'est pas prouvé que ça marche ! Bon, les Chinois qui ont une langue plus idéo-visuelle que nous, nous l'ayant syllabique, moi je considère qu'il y a un rythme biologique de la langue des signes qui n'a rien à voir avec le rythme syllabique de la langue française qui fait des trucs comme ça (geste !), la langue des signes c'est beaucoup plus spatial, c'est une langue plus riche en terme de rapport à l'altérité qu'une langue audio-vocale et encore les Italiens sont plus communicants que les gens, je ne sais pas moi, du Nord, qui font des gestes, les Italiens, y'en a qui ont des expressions plus riches, etc.

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Mais, avec ce que vous venez d'expliquer, est-ce qu'on ne va pas être tenté quelque part de favoriser une langue par rapport à une autre ?

Mais moi, en fait, je raisonne pas comme ça, je vous l'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas dans un débat d'opposition, je trouve que ça n'a aucun intérêt de dire, vous ne croyez pas que...

Mon idée n'est pas de les opposer mon idée c'est de dire, qu'est-ce que le bilinguisme, si vraiment on veut faire du bilinguisme, est-ce qu'il ne faut pas qu'on les porte, les deux ?

Mais si, mais si ! Mais j'entends bien que... Alors, il y a une expression du bilinguisme qui est véhiculée de la façon suivante : il y a des gens qui ont une approche du bilinguisme de type consécutif, bilinguisme consécutif. Je m'explique : il fut un temps, on faisait peu de cas de la langue des signes, c'était l'oralisme qui était de droit, et donc, on disait il faut que les enfants oralisent puis, on verra la langue des signes après, bon ! Maintenant, on a des gens qui nous expliquent : non, maintenant c'est le contraire ! La langue des signes d'abord et l'oral, pfff ! On verra après ! Ca c'est des bilinguismes consécutifs. Il y a des bilinguismes que moi j'appellerais, je ne sais pas quel terme prendre, alternatifs, c'est-à-dire, on a dans une équipe d'enseignants le professeur entendant et puis il y le professeur sourd et donc, l'enfant va s'identifier au professeur entendant, au professeur sourd, il y a quelque chose qui tourne autour de la construction de la démarche... le bilinguisme que moi je défends, c'est un bilinguisme simultané, c'est-à-dire une seule personne qui est compétente. L'enfant sourd, comme les autres enfants, il a son prof à l'école, en CP, en CE, etc., et le prof, lui, il est hyper-formé, on ne se contente pas de mettre des enfants dans une école inclusive sans se demander si les profs doivent être formés ou pas. Ou en se disant, mais attendez, on est obligé de sous-traiter par du soin, comme je disais tout à l'heure, ça ne va pas ça, moi je suis pour qu'un enfant sourd ait en face de lui

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quelqu'un qui connaisse la langue des signes, qui connaisse le LPC, qui connaissent la verbo-tonale parce que ça va être les outils de la profession : le LPC c'est l'aide à la réception des messages par l'enfant sourd sur le plan oral - compétence en lecture labiale améliorée largement - ; on va dire : est-ce que si on code on ne respecte pas du tout l'enfant, quelle que chose comme ça..., moi je ne raisonne pas du tout comme ça. Y'en a qui disent y'a des sourds, bah quoi ? Ben oui, mais c'est sympa, une fois qu'on a dit ça, bon...

Et en fait, c'est l'enseignant qui adapte en fonction des matières, en fonction des besoins de l'enfant. Finalement, l'enseignant lui-même est porteur du bilinguisme...

Mais bien sûr ! Il témoigne ! Autrement, c'est un bilinguisme de... territoire, on est...ça ne peut produire que des conflits, vous comprenez ? Moi, je vais vous dire... supposons, voilà, on est dans une activité de lecture en classe, bon. Pourquoi je vais demander à un enfant de faire l'effort d'oraliser la lecture ? Parce qu'à l'école, les enfants oralisent à haute voix. La maîtrise va dire : « on va lire le texte... » Les enfants... « Il était une fois, ... ». Est-ce que je vais demander cet effort à un enfant sourd ? Bien sûr ! Mais pas pour qu'il me fasse une belle voix, pas pour... de l'orthophonie. Pour qu'il puisse jouer la langue. Et la manière dont il y arrive, peu ou prou, même si c'est pas très juste, la partition, à ce moment-là, c'est pas très grave. On est en apprentissage, on a le droit de se tromper. C'est se tromper qui permet d'apprendre. Donc, je vais lui demander d'oraliser la langue, parce que je vais lui donner un ressenti, à sa manière, du rythme syllabique de la langue française, d'accord ?

Hum...

Il y a des mots qui sont de trois syllabes, la plupart, deux quatre cinq six sept, il y en a beaucoup moins, et c'est possible sans chercher à ce qu'il soit un perroquet, ou

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quelqu'un qui...non, il joue la langue, c'est ma langue française, moi je suis ton professeur je fais le pari que je vais te la donner ma langue française et tu vas l'avoir parce que moi j'ai une ambition pour toi. Voilà comment on devrait parler à un enfant ! Au lieu de dire... au lieu d'être militant de la langue des signes ou d'être militant de l'oralisme, ça va pas, non, on s'occupe du concret de la vie réelle, pas de ce qui devrait être ou de ce qui a été pour expliquer ce qu'on va faire, non, on fait, on dit, voilà ! Et puis après, ... donc je le ferai oraliser - et quand je dis, j'ai même honte d'utiliser cette expression, je le ferai oraliser, non, je jouerai avec lui la langue - j'ai dit, bon tu vas me lire, alors le gamin : « Ir-ré-té une fois,... » Super, Bien, Bravo, et... parce que tout le problème que les sourds nous rappellent c'est que, avant, c'est pas ça qu'on voulait, on voulait qu'ils articulent! Moi, quand je suis rentré dans le métier, il fallait qu'ils apprennent « PE », on leur faisait souffler sur des papiers pour apprendre le « PE », après on lui apprenait le « A », après on apprenait « PA » et un jour on lui disait : « tu vois c'est ton papa ! C'était... l'horreur ! ». Vaut mieux dire : « Tu vois, ça c'est ton papa, bon OK, bon, maintenant on va apprendre la lecture, tu vas venir avec moi, tu vas parler avec moi, alors, voilà, et il faut savoir faire, il faut aimer les enfants, il faut aimer le savoir, il faut vouloir que l'autre apprenne. Par contre, le texte de lecture, moi je vais dire au gamin : « Tiens, tu me lis ce texte-là, tu le lis voix silencieuse, tu lis avec tes yeux,..., bon, tu as fini ? ». Je vais lui dire : « Tiens, première phrase ». Le gamin me dit « bah... bon ». Il va peut-être me dire... Il va me montrer le signe ( ?). « Chaperon, c'est quoi ? ». « Ah !». Je vais lui montrer l'image, la petite fille-là... « Et là, Chapeau, tu vois. Cha-pe-ron, Cha-peau, c'est pareil, eh bien, il est content, ça suffit. Mais on a déjà fait de lui quelqu'un qu'on a... parce qu'on le fait rentrer dans l'étymologie, vous vous rendez compte, en CP ?

Hum...

Mais attendez, y'a des gamins qui... le problème, c'est que je trouve qu'on... parce que... après, c'est tout... Enseigner, c'est savoir faire apprendre. Mais, une fois qu'on

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a dit ça, encore faut-il s'y coller, mais, vous comprenez, j'utiliserai les outils si je veux savoir si il a compris. Un enfant qui entend, qui parle, si la maîtresse lui demande : « Bon, alors tu vas me lire le texte tu vas me dire ce que tu as compris ». Alors un enfant va dire : « Il était une fois un petit chape... » Il va utiliser la langue pour expliquer ce qu'il a compris. Alors le petit chaperon... Alors la maîtresse peut lui dire : « Oui, mais tu m'as lu la phrase mais tu m'as pas dit ce que tu as compris ». Alors, donc on va rentrer dans l'explication : « chaperon, c'est quoi ? ». « Ah ben, je sais pas, j'ai jamais vu ce mot ». Bon après elle va lui expliquer le petit chaperon. « Ah oui, dans l'image, le petit chaperon rouge avec son petit panier, ah ben oui ! ». Eh bien avec la langue des signes, on gagne beaucoup plus de temps à rentrer dans le sens qu'avec l'oral, à ce moment-là ! Donc, finalement, la lecture doit s'apprendre, à ce moment-là, doit se faire apprendre avec les deux langues. Bah, bien sûr, je dirais pas « doit », c'est le terme « doit » parce que, vous, vous avez un raisonnement qui est pas comme le mien, moi, je dis « il faut », c'est pas... comment vous dire, c'est que je pense que, vous l'avez bien dit tout à l'heure, l'enfant sourd qui a en face de lui, quelqu'un qui soit sourd ou entendant d'ailleurs, mais qui serait réellement bilingue, qui témoigne, qui témoigne, lui, de compétences qu'il prétend faire acquérir à l'enfant, non pas pour être dans la culture des sourds à un moment ou dans la culture des entendants, mais pour être un citoyen instruit et éveillé qui lui, ira dans toutes les cultures, il sera à l'aise partout puisqu'il aura peur de rien parce que l'important, c'est pas de créer un type d'individu, c'est de donner des compétences à un individu qui en fera ce qu'il voudra après, mais, les moyens pour y arriver, en matière de pédagogie, c'est pour ça que je dis que le mot pédagogie, faudrait peut-être qu'on en parle un petit peu, parce que c'est compliqué, mais c'est vrai que c'est beaucoup plus facile de parler de scolarité, parce que scolarité c'est mettre dans des lieux qui sont reconnus comme étant les lieux de l'éducation. Bon, très bien, mais, mais après, il faut se demander, qu'est-ce qu'on y fait. Et donc, c'est pour ça que... enfin, si j'ai bien compris votre projet de vous interroger sur ces métiers d'enseignants auprès des jeunes sourds et des CAPEJS, par exemple, eh bien, si votre

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travail peut amener ces gens à avoir des références, aussi, intellectuelles et de reconnaissance sociale, par rapport à leur métier, je trouve que c'est bien, je trouve que c'est bien, parce qu'ils sont aujourd'hui un peu otages de discours intellectuels qui opposent le soin à l'éducation, l'éducation étant le monopole de l'école, le soin de la médecine et le médico-social, entre les deux, il est ni médecine, ni social, il est les deux et c'est assez compliqué, et donc dans cette période de mutation, la meilleure chose qui puisse arriver, je pense, aux jeunes sourds, en tout cas, il sera peut-être pas possible d'avoir des profs spécialisés enfin des profs, quand je dis spécialisés, c'est-à-dire des profs, des gens doués pour faire l'éducation des enfants sourds dans toutes les écoles de France et de Navarre, parce que c'est pas possible, mais que les pôles qui puissent être identifiés pour les enfants qui ont besoin à mon avis, qui ont largement avantage à bénéficier d'un enseignement collectif, hein, parce qu'ils représentent les mêmes problématiques, on est en train de le faire pour les TSL et on voudrait plus le faire pour les sourds, mais c'est, c'est idiot, eh bien je pense qu'il faut faire ces pôles d'excellence !

Pouvez-vous me rappeler ce que c'est TSL ?

Les enfants qui ont des Troubles Sévères du Langage ou troubles dits TCL, troubles complexes du langage, moi je connais pas bien parce que, il y a des problématiques très diverses, dans ces cas-là, mais sur la surdité, je connais mieux ce sujet bien sûr et... c'est pour ça, si vous voulez que je ne raisonne pas tellement en terme de conquête, de bagarre, de territoire, non, le seul territoire qui m'intéresse c'est celui de l'enfant, comment il va se construire, qu'est-ce qu'il va apprendre, pour être le plus fort possible. Donc, au lieu de perdre de l'énergie à vouloir créer tel type d'individu dans telle société, etc., ce qui est un sujet intéressant, moi je suis un pédagogue, donc moi je ne parle que par rapport, d'abord à une expérience d'enseignement que j'ai eue pendant longtemps, et puis, l'avantage que j'ai d'aller voir les gens travailler aujourd'hui et de me dire, de mon propre point de vue, - je suis désolé mais je ne

peux pas parler à la place d'autres qui regarderaient la même chose, moi je dis, ça c'est hyper bien ça, là les gamins apprennent, et puis des fois je vais et là je dis, pfft... Vous avez été à l'école, vous, avant ?

Un peu.

Vous vous rappelez de certains profs que vous avez eus ?

Bien sûr !

Et puis y'en a d'autres, vous vous rappelez aussi, mais, pas un très bon souvenir... On se rappelle les gens qui nous ont appris des choses, qui ont été bons, les mauvais on s'en rappelle plus ou y'en a qu'ont été très mauvais même, c'est vrai, moi j'ai des profs, je me souviens d'eux, parce qu'ils étaient certainement de très bons pédagogues, et parfois ils étaient pas toujours commodes, hein ? Mais bon, voilà ! Apprendre, apprendre... On apprend pas sans effort, et donc, la logique de l'apprentissage faut bien comprendre comment elle se construit, ce qui empêche pas d'en faire une source de plaisir pour les enfants. Y'en a qui l'ont bien démontré. Donc, moi ce que je crois c'est qu'il faut pas mettre la langue des signes en opposition à l'oral, puis après, je crois pas trop, je vous l'ai dit au bilinguisme consécutif, hein parce que c'est futuriste, c'est complètement hypothétique c'est un peu comme...le discours c'est de dire il apprendra la langue des signes et puis il sera un vrai citoyen, etc., ben faudra voir quand il aura son autonomie à démontrer, qu'il aura plus les parents derrière, qu'il sera... bon. Je n'aime pas non plus le discours, on va réparer l'oreille après il entendra, c'est un discours futuriste, c'est des discours futuristes... Moi je je m'intéresse...

Pour moi c'est un discours multiculturaliste...

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Comment ?

C'est un discours multiculturaliste, bilinguiste !

Oui, le bilinguisme pour moi c'est déjà pas commencer à diminuer les objectifs en terme d'apprentissage, c'est-à-dire à une époque on disait non pas la langue des signes parce qu'après il ne parlera pas, c'est idiot, c'est une approche par le manque ; puis l'autre dit, ben non, l'oral ? il faut pas... parce que... on va opprimer les sourds, c'est pas vrai, c'est pas vrai. Eh voilà, moi, je suis pour un bilinguisme simultané, c'est-à-dire, dans le temps présent, de l'apprentissage, dans ce que Philippe Meirieu appelait le « moment pédagogique », l'enfant sourd et en face de lui quelqu'un qui maîtrise l'ensemble des outils et qui va utiliser les signaux de la communication en fonction des objectifs qu'il a de réalisation de l'enfant, soit en terme d'écoute, soit en terme de production, si c'est en lecture ça peut être de comprendre un texte écrit ou ça peut être, à son tour, de produire de l'écrit, ben on va utiliser l'oral, on va utiliser les signes, on va utiliser toute la technologie qu'il y a on va utiliser les ordinateurs... Autrefois, moi, quand j'étais jeune professeur, on n'avait pas d'informatique, donc on passait des soirées entières à découper des images, à les coller pour préparer la classe pour le lendemain, mais on étaient passionnés, bon, aujourd'hui, vous mettez, vous allez sur un ordinateur, tic, tac, vous cliquez sur, comment on appelle ça, des... qui partent, vous avez une image tout de suite « Ah bah tu sais pas « Chaperon rouge », attends,... pstt, « ben tu vois ça, c'est chaperon rouge ». Bon, mais il faut aussi accepter de mettre des moyens par exemple, alors moi je dis ça dans les établissements, je dis mais il faudrait des ordinateurs dans les classes pour tous les enfants, parce que les enfants sourds il faut sortir des images, tout ça. Oh ben oui, mais Monsieur Corre, ça coûte cher ». Attendez, mais on met bien l'argent dans d'autres choses, hein ?

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Oui, j'espère que vous serez entendu.

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Oh ! Mais moi je ne me fais pas d'illusion, moi je prends mon bâton de pèlerin, j`avance, je fais ce que je peux...

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon