WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La loi handicap du 11 février 2005 - quelle reconnaissance de la langue des signes française?


par Magali Leske
Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes - Maîtrise Droit Public et Science Politique 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

A- L'école de la République.

La reconnaissance du bilinguisme n'était pas désirée. Ce sont les groupes de pression qui ont conduit à imposer dans l'urgence l'enseignement de et en langue des signes dans l'éducation des jeunes sourds. C'est au Ministère de l'éducation qu'il reviendra d'interpréter et de mettre en application la législation. Le Bureau de l'adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés186, dirigé par Pierre-François Gachet, va donc constituer un groupe d'experts, présidé par Pierre Encrevé, linguiste à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Au sein de l'administration, le bilinguisme va prendre forme mais le libre choix d'y accéder est encadré. En outre, les modalités d'application de l'article 19-V dans l'enseignement ne sont pas définies.

184 Hugues Moutouh, La République face à ses communautés, dans Cahiers de la Recherche sur les Droits Fondamentaux, Caen, 2003, P88.

185 Entretien avec Pierre-François Gachet, de la Direction Général de l'Enseignement Scolaire.

186 Bureau qui relève de la Direction Générale de l'Enseignement Scolaire.

63

Par exemple, il n'est pas prévu de créer des postes d'enseignants pour les jeunes sourds, au sein de l'Education Nationale. En effet, la loi n'impose rien. La commission de l'Assemblée Nationale, dans son rapport de 2005, indique qu'il n'est pas nécessaire de publier des textes réglementaires pour la mise en oeuvre de la loi. Il s'agira de « mobiliser des moyens humains et financiers, voire la diffusion d'informations à destination des établissements 187».

1/ Une liberté de choix encadrée.

Le Ministère de l'Education Nationale s'est prononcé sur l'application de l'article 75, l'enseignement de la langue des signes, deux ans après le vote de la loi. En effet, l'arrêté du 12 octobre 2007 instaure une épreuve facultative de l'enseignement de la langue des signes au baccalauréat des sections générales et technologiques. Dans cette hypothèse, la langue des signes est une matière optionnelle qui peut être étudiée au même titre que toute autre discipline d'un programme scolaire188. A l'évidence, le public visé n'est pas le public sourd. D'abord parce que cette langue est généralement acquise par les Sourds avant qu'ils n'intègrent le lycée, ensuite parce que les Sourds n'accèdent pas tous à ce niveau d'études. Toutefois, le Ministère de l'éducation nationale va fixer un an plus tard le programme de l'enseignement de la langue des signes à l'école primaire189, en précisant la notion de bilinguisme. Après consultation d'un groupe d'experts, présidé par le linguiste Pierre Encrevé, et au sein duquel sont représentées des membres des associations de Sourds, le Ministère retient que ce bilinguisme comportera de la langue des signes, en tant que « langue première » et du français écrit, « langue seconde ». Le français oral est envisagé « dans la mesure du possible », le groupe s'étant fixé une « priorité sur l'acquisition de la LSF 190».

187 Rapport d'information de la Commission des Affaires Culturelles, Familiales et Sociales de l'Assemblée Nationale, Jean-François CHOSSY, Décembre 2005, P71.

188 Article 75 de la loi de 2005 : « Elle peut être choisie comme épreuve optionnelle aux examens et concours, y compris ceux de la formation professionnelle ».

189 Article 1 de l'arrêté du 15 juillet 2008, Ministère de l'Education Nationale : « Cet enseignement sera dispensé aux élèves concernés dans le cadre horaire de l'enseignement du français ».

190 BO N°33 du 4 septembre 2008 pour l'école primaire.

64

Ainsi, pour la première fois en septembre 2008, le Ministère de l'éducation nationale va répondre positivement aux revendications de la communauté Sourde. Les Sourds peuvent intégrer le système scolaire ordinaire et recevoir un enseignement en langue des signes. Toutefois, le Ministère de l'Education Nationale a décidé que pour l'application de ce texte, un « diagnostic constatant les difficultés d'accès à la communication orale et la nécessité du recours à des modalités adaptées de

communication 191» doit précéder l'inscription du mode de communication dans le projet de vie de l'enfant. Ce projet de vie est recueilli par la Maison Départementale des personnes handicapées, le financeur. Donc, en définitive, le bilinguisme n'est pas accessible à tous les enfants sourds mais uniquement à ceux pour lesquelles un diagnostic, dont nous ne connaissons ni les critères, ni l'organisme chargé de l'évaluation, établit la nécessité de recevoir un enseignement en langue des signes. En somme, la liberté reste encadrée par l'administration, elle n'est pas réelle. Mais il reste aussi que les modalités d'application de l'article 19-V de la loi de 2005, sur les conditions de scolarisation, ne sont toujours pas envisagées à ce jour.

2/ Une mise en oeuvre retardée.

L'article 19-III de la loi de 2005 a posé le principe de la scolarisation individuelle pour les enfants handicapés : «Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l'école ou dans l'un des établissements mentionnés à l'article L. 351-1, le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence ». Mais nous venons de voir que désormais les Sourds peuvent bénéficier d'un enseignement en langue des signes. Faudra-t-il pour ce faire détacher un enseignant par enfant sourd, s'il est scolarisé individuellement dans une classe ordinaire ? Il semblerait qu'un certain nombre de parents ait souhaité un interprétariat individuel mais pour des raisons budgétaires et pour satisfaire

191 Décret du 3 mai 2006, Article R351-22 du Code de l'Education.

65

« l'exigence intellectuelle » des linguistes192, l'éducation nationale envisage un regroupement partiel d'enfants sourds au sein de pôles ressources. En effet, la langue des signes est une langue « orale », qui ne s'écrit pas, qui ne s'entretient qu'au sein de la communauté. Des pôles ressources pourraient regrouper les élèves sourds pour l'enseignement de la LSF et du français écrit, tandis que les autres matières pourraient être enseignées en commun avec les enfants entendants193. Ces pôles ressources, qui ne sont mentionnés dans aucun texte règlementaire à ce jour, existent déjà pour les enfants sourds, mais sous un autre nom, les CLIS (classes d'intégration scolaire). Ces classes ne donnent pas satisfaction à la communauté sourde car d'une part les enfants doivent s'adapter à deux classes et d'autre part l'enseignant de la classe ordinaire ne dispense pas son cours en langue des signes. Les Sourds revendiquent l' « intégration collective 194» et citent très souvent le modèle suédois195. La Suède en effet a créé cinq écoles publiques régionales qui regroupent tous les Sourds, et qui peuvent intégrer des entendants, aussi. Dans ces écoles, la langue des signes est la langue première des élèves196. Ainsi les jeunes sourds regroupés dans une même classe reçoivent un enseignement en langue des signes. L'administration française a choisi de maintenir le système actuel, en lui donnant le nom de « pôle ressource » tandis que la loi n'a pas prévu de créer de postes d'enseignants spécialisés, qui soient en mesure de communiquer en langue des signes. La loi prévoit que les enseignants et les personnels des établissements scolaires reçoivent une « formation spécifique » comprenant « une information sur le handicap (...) et les différentes modalités d'accompagnement scolaire 197», c'est tout. C'est pourquoi l'administration envisage de recourir à des contractuels, qui ne seront pas nécessairement des enseignants. Un diplôme d'enseignant de LSF est prévu dans les années qui viennent mais les modalités ne sont toujours pas définies. Quant aux

192 Entretien avec Pierre-François Gachet.

193 Ibid.

194 Entretien avec la FNSF.

195 Voir le dossier de presse du groupe OSS 2007 notamment.

196 Nina Timmermans, Le statut des langues des signes en Europe, Juin 2005, P80.

197 Article 19-VII de la loi de 2005.

66

professeurs CAPA-SH198, professeurs spécialisés de l'Education Nationale, qui souhaitent se former à la langue des signes, leur formation se limite à 50 heures, ce qui - aux dires mêmes de Pierre-François Gachet - est insuffisant pour enseigner à des Sourds199.

A ce jour, l'enfant sourd qui pratique la langue des signes devra, comme avant la loi, être pris en charge par un établissement médico-social pour recevoir un enseignement de et en langue des signes. En effet, le Ministère de l'éducation nationale a défini la langue des signes conformément aux attentes des associations représentatives de Sourds mais à ce jour aucun dispositif n'est envisagé pour la mettre en application. La situation est donc identique à 1991, la loi de 2005, à ce jour, n'a rien changé : soit les enfants sont intégrés individuellement en milieu ordinaire dans la perspective d'une éducation oraliste, en français, soit ils sont scolarisés dans le cadre de l'éducation spécialisée, qui relève du Ministère des affaires sociales, pour recevoir un enseignement de et en langue des signes. Mais les établissements médico-sociaux sont en pleine mutation.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera