Déposé le 18 septembre 2017
Pape Amadou FALL
Mémoire
Master 2 Droit des Politiques Publiques et
Développement
Faculté de droit de
l'Université Paris-Descartes
Année universitaire 2017/2018
La régulation de l'industrie
pétrolière du Sénégal face au défi du
paradoxe de
l'abondance
Mémoire rédigé sous la direction de Mme
Julia Motte-Baumvol
2
REMERCIEMENTS
Je remercie avec la plus profonde gratitude, toutes les personnes
ayant contribué directement ou indirectement à la
rédaction de ce mémoire.
Je remercie Madame MOTTE-BAUMVOL Julia, Maître de
conférences à l'Université Paris Descartes et Directrice
de ce mémoire, pour ses précieux conseils, sa
disponibilité mais surtout sa patience.
Je remercie Monsieur CHAIGNEAU Pascal, Directeur du Master Droit
des Politiques Publiques du Développement à l'Université
Paris Descartes.
Je remercie Madame MULLER DELPHINE, Responsable du Master Droit
des Politiques Publiques du Développement à l'Université
Paris Descartes.
Je remercie très sincèrement mes parents pour leur
soutien indéfectible et leurs encouragements dans les bons comme dans
les moments de doute.
A toutes ces personnes, je présente mes remerciements, ma
gratitude et mon respect.
3
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
APPA Association des Producteurs de Pétrole
BM Banque Mondiale
BEAC Banque des États de l'Afrique Centrale
CCSRP Collège de Contrôle et de Surveillance des
Ressources
Pétrolières
CEDEAO Communauté Économique des États
d'Afrique de l'Ouest
CN-ITIE Comité Nationale de l'ITIE
CNUCED
COS-
PETROGAZ
|
Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le
Développement
Comité d'Orientation Stratégique du Pétrole
et du Gaz
|
CPP Contrat de Partage de Production
CRPP Contrat de Recherche et de Partage de Production
CSR Collège de Surveillance des Ressources
4
FMI Fonds Monétaire International
FONSIS Fonds Souverains d'Investissements
IDA Association International de Développement
ITIE
|
Initiative pour la Transparence dans les Industries
Extractives
|
LPDSE Lettre de Politiques de Développement du Secteur
de
l'Énergie
MSGBC Mauritanie, Sénégal, Gambie, Guinée
Bissau et Conakry
NNPC Nigerian National Petroleum Corporation
OEC Observatory of Economic Complexity
ONU Organisation des Nations-Unies
OPEP Organisation des pays exportateurs de pétrole
PED Pays en Développement
PETROSEN Société des Pétroles du
Sénégal
PIAC Public Interest and Accountability Committee
PNUD Programme des Nations-Unies pour le Développement
PRMA Petroleum Revenue Management Act
PSE Plan Sénégal Émergent
PIB Petroleum Industry Bill
PIB* Produit Intérieur Brut
PWYP Publish What You Pay
RNB Revenu National Brut
RIIA Royal Institute of International Affairs
SNR Société Nationale de Recouvrement
TI Transparency International
TIDM Tribunal International du Droit de la Mer
5
UA Union Africaine
6
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE 9
Partie 1 - Le phénomène du paradoxe de
l'abondance dans les pays africains producteurs de
pétrole 26
Chapitre premier : L'effet néfaste du syndrome
hollandais au sein des pays africains
producteurs de pétrole 27
Section 1 - Une
conséquence du syndrome hollandais liée à une mauvaise
gestion de la
rente pétrolière 27
Paragraphe premier - La notion de rente
pétrolière et du syndrome hollandais 27
A- L'impossible consensus doctrinal sur la notion de rente
pétrolière 28
B- Le syndrome hollandais, une conséquence d'une forte
dépendance à la rente
pétrolière 29
Paragraphe second
- Les effets d'une mauvaise gestion de la rente pétrolière : le
cas du
Nigéria 31
A- Une économie entièrement dépendante du
secteur pétrolier 32
B- Une incohérence au niveau légal et politique :
un facteur d'instabilité économique
menant au syndrome hollandais 33
Section 2 -
L'exigence d'un cadre réglementaire solide dans la gestion des
ressources
naturelles 35
Paragraphe premier - Le
caractère primordial de la réglementation dans la
gestion
éthique et transparente des ressources naturelles
36
A- Le lien direct entre la réglementation et la
prospérité des ressources naturelles 36
B- Le lien direct entre l'absence de réglementation et
le pillage des ressources 37
Paragraphe second - La
nécessité d'une application juste de la
réglementation
pétrolière 39
A- Les allocations budgétaires dans la construction de
l'oléoduc Tchad-Cameroun 39
B- La difficulté de la mise en oeuvre pratique de la loi
relative à la gestion des
revenus pétroliers 41
Chapitre second : L'industrie pétrolière
sénégalaise face au défi du syndrome hollandais
46
Section 1 : Le rôle central et primordial des
acteurs dans l'échiquier pétrolier sénégalais
47
Paragraphe premier - Le rôle clé des
acteurs prévus par le code pétrolier et son décret
d'application 47
A- Une présence importante des compagnies
pétrolières internationales 47
B- Des acteurs étatiques jouant un rôle capital
dans l'organisation et le
fonctionnement l'industrie pétrolière
sénégalaise 50
Paragraphe second - Le
rôle majeur des acteurs internationaux dans les
mécanismes
de transparence 52
A- Le rôle indirect de la Banque Mondiale dans
l'architecture pétrolière sénégalaise
52
7
B- L'ITIE et le CN-ITIE dans la gestion des recettes
pétrolières 53
Section 2 : Les enjeux de l'industrie
pétrolière du Sénégal face aux découvertes
de pétrole
et de gaz 54
Paragraphe premier Ð La
composition et le rôle central du COS-PETROGAZ
dans la définition des orientations
stratégiques du secteur des hydrocarbures 55
A- Une composition du COS-PETROGAZ centralisée vers le
gouvernement 55
B- Un organe ayant le rôle de régulateur de
l'industrie pétrolière sénégalaise
57
Paragraphe second Ð Le rôle négligé de la
Société civile dans l'élaboration des
orientations stratégiques relatives à la
gestion des hydrocarbures 58
A- Une composition du COS-PETROGAZ peu diversifiée
négligeant la société civile
et allant à l'encontre des obligations communautaires du
Sénégal 58
B- L'exemple d'une Société civile experte et
influente : Le cas du Ghana 61
Partie 2 : Un renforcement du cadre légal relatif
à l'industrie pétrolière garantissant une gestion
transparente du pétrole et du gaz
64
Chapitre premier : Un cadre juridique pétrolier
peu adapté aux enjeux du paradoxe de
l'abondance 65
Section 1 - Un état des lieux juridique de
l'amont pétrolier 65
Paragraphe premier - Le régime juridique de
l'amont pétrolier 66
A- Un régime juridique encadré par la
législation pétrolière 66
B- Des relations contractuelles entre Etat et compagnies
pétrolières reposant sur le
régime de partage de production 69
Paragraphe
second Ð Une régulation nécessaire quant à la
détermination de la part
réelle de l'Etat dans le partage de la production
72
A- Le mécanisme de la détermination de la part
réelle de l'Etat dans le régime du
partage de la production 72
B- Un défi juridique portant sur le contrôle du
partage de la production 74
Section 2 - Un cadre juridique
lacunaire au regard des enjeux relatifs à la gestion
transparente des hydrocarbures
75
Paragraphe premier Ð Un régime juridique
inadapté au nouvel environnement
pétrolier sénégalais 76
A- Un régime juridique pétrolier hydride 76
B- Un régime hybride conférant des
prérogatives trop importantes aux autorités
compétentes, négligeant le rôle du Parlement
77
Paragraphe second Ð Un régime juridique
lacunaire au niveau de l'interprétation
de la loi pétrolière 78
A- Un vide juridique portant sur l'octroi des blocs
pétroliers 78
B- Une fiscalité imprécise relative aux cessions
des blocs 80
Chapitre second : Une réforme du droit
pétrolier oeuvrant pour une gestion éthique et
transparente du pétrole et du gaz
83
Section 1 - Une obligation de réforme du code pétrolier
tendant à la régulation de
l'industrie pétrolière du
Sénégal 83
Paragraphe premier Ð Une régulation
indispensable des activités relatives à
l'amont pétrolier 84
A- Le recours à la
procédure d'appel d'offres pour un gestion transparente de
8
l'octroi des blocs pétroliers 84
B- Le rôle régulateur de l'Assemblée
Nationale dans la signature des CRPP 85
Paragraphe second Ð La
nécessité d'augmenter les revenus de l'Etat dans le
partage de la production pétrolière
86
A- L'exigence d'une augmentation de gains supplémentaires
pour l'Etat dans
les contrats pétroliers 86
B- Une amélioration requise des aspects
économiques des contrats de
recherche et de partage de production 87
Section 2 - L'impérieuse
nécessité d'allouer les revenus pétroliers à un
fonds souverain 89
Paragraphe premier Ð Une obligation de mise en
oeuvre d'un fonds pétrolier pour
les générations futures 89
A- L'allocation des revenus issus du pétrole et du gaz au
FONSIS 90
B- L'indépendance du FONSIS vis-à-vis de
l'exécutif sénégalais 91
Paragraphe second -
Une réglementation juridique rigoureuse du fonds souverain
pour une gestion profitable aux générations
futures 92
A- La mise en oeuvre des principes de Santiago, une garantie de
la régulation
pérenne des fonds pour les générations
futures 93
B- La nécessité vitale d'instaurer une loi
d'orientation pour un transparence relative aux allocations des revenus
pétroliers garantissant la protection des
générations futures 93
Conclusion 95
BIBLIOGRAPHIE 98
9
INTRODUCTION GENERALE
Considéré comme un véritable levier
économique et de développement, le pétrole constitue un
pilier fondamental de notre société. Le pétrole, cette
ressource naturelle unique, ce « concentré de fossile
d'énergie solaire accumulée par les végétaux,
façonné dans les profondeurs de notre planète, a toujours
participé au développement des activités de l'Homme
»1. Aujourd'hui, le pétrole a permis à
divers pays producteurs comme la Norvège, le Botswana ou
l'Indonésie, d'avoir une économie seine et stable.2
Toutefois, l'une des problématiques majeures du pétrole
résulte du manque de transparence dans la gestion de ce dernier,
notamment dans la majorité des pays africains producteurs de
pétrole3. En d'autres termes, une gestion opaque des
ressources naturelles dont le pétrole, favorise le « syndrome
hollandais » ou la « malédiction du pétrole »
(communément appelé Dutch disease). Par conséquent, l'un
des défis majeurs pour les pays producteurs de pétrole en Afrique
porte sur la gestion transparente et éthique des ressources naturelles
afin que ces dernières profitent aux générations actuelles
et futures. Garantir la gestion éthique et transparente des ressources
naturelles est de la responsabilité de tout État, y compris le
Sénégal. Ce pays a fait l'objet de récentes
découvertes d'importantes réserves de pétrole et de gaz en
zone offshore4. Le défi majeur sera de réguler
l'industrie pétrolière afin que cette dernière puisse
fonder un développement nouveau, tout en évitant de tomber dans
le paradoxe de l'abondance, qui touche beaucoup de pays producteurs de
pétrole. En effet, « la gratification de la richesse ne se trouve
pas dans la simple possession, ni dans les dépenses somptueuses, mais
bien dans son utilisation mesurée ».5
1 NDAO, Fary. L'or noir du
Sénégal : Comprendre l'industrie pétrolière et ses
enjeux au Sénégal, Essai, 2018.
2 McKinsey Global Institute, Reverse the curse:
Maximizing the potential of resource-driven economies, 2013,.
3 GARY, Ian et LYNN KARL, Terry. Le fond du
baril : Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic
Relieve Services (CRS), 2003.
4 Le terme offshore désigne une zone dont
l'exploration se fait en haute mer. Il se différencie de la zone
Onshore, où la recherche se fait sur terre ferme.
5 Il s'agit d'une citation de Miguel de
Cervantès, à une époque où l'Espagne avait un
accès privilégié aux richesses des Amériques.
10
I. Contexte et justification de
l'étude
Il serait pertinent dans le cadre de notre étude de
contextualiser le sujet dans un cadre international, régional, sous
régional et national.
1. Contexte international
Tout d'abord, les ressources naturelles dont le pétrole
et le gaz ont fait l'objet d'une exploitation intense depuis les années
1940. Il s'agit d'une période où l'automobile qui a pris une
place importante dans le fonctionnement de notre société
nécessitait de l'énergie comme l'essence ; il en résulte
une croissance significative de l'exploitation pétrolière
mondiale. En vérité, le transport, un des piliers
économiques qui constitue le socle du commerce international
dépend quasi exclusivement du pétrole et du gaz. Cependant,
puisque ces ressources naturelles sont épuisables dans la durée,
la conséquence directe est une baisse d'intérêt des grandes
compagnies pétrolières mais aussi des institutions
multilatérales comme la Banque Mondiale (BM) dans le financement et
l'investissement relatifs à l'exploration et l'exploitation
pétrolière. Ce changement de politique s'explique aussi par la
nécessité d'assurer la transition écologique vers les
énergies renouvelables.6
Ensuite, la 2014 fut une période marquante pour
l'industrie pétrolière mondiale car ce fut un contexte
caractérisé par une chute durable du prix du baril qui affecta
considérablement le marché pétrolier. Cette crise
était marquée par une offre très supérieure par
rapport à la demande.7 Elle a non seulement mis en exergue le
caractère aléatoire des cours du baril mais elle a aussi
révélé le danger pour un pays producteur de pétrole
de fonder exclusivement le socle de son économie sur la rente
pétrolière. La crise pétrolière de 2014 a plus
précisément mis en lumière les énormes
6 Communiqué de presse de la Banque mondiale,
12 décembre 2017, disponible sur :
https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/12/12/world-bank-group-announcements-at-one-planet-summit
7 Journal Le monde, Le pétrole restera bon
marché pendant longtemps, 26 août 2015, disponible sur :
https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/08/26/le-petrole-restera-bon-marche-pour-
longtemps 4737002 3234.html?
11
difficultés économiques rencontrées les
pays producteurs de pétrole dont la majorité se trouve dans le
continent africain.
2. Contexte régional
En Afrique, au cours des dernières années,
l'exploitation pétrolière a considérablement
augmenté dans les pays en voie de développement. Toutefois,
depuis 2014, la chute drastique des cours du pétrole a directement
influencé les politiques d'investissement des acteurs pétroliers
en Afrique.8 Par conséquent, ce changement de politique s'est
traduit par une baisse des budgets d'exploration, une présence
limitée des compagnies majors au profit des compagnies
pétrolières indépendantes9. Cependant, depuis
cette année-là, la crise pétrolière n'a pas
profondément modifié l'échiquier pétrolier
africain. Grâce aux risques pris par les compagnies
pétrolières juniors, d'importants puits de gaz et de
pétrole sont découverts en Afrique de l'Est10, plus
précisément en Ouganda, au Kenya, en Tanzanie et au
Mozambique.
Suite à la crise pétrolière de 2014, la
majorité des pays africains ont souffert du paradoxe de l'abondance.
Afin d'appréhender l'impact du paradoxe de l'abondance, il convient de
comprendre sa signification. Ce terme désigne la situation d'un
État qui reste sous un seuil de pauvreté important malgré
sa richesse considérable en ressources naturelles. De ce fait, la
majorité des pays exportateurs de pétrole sont souvent
exposés au caractère aléatoire des cours mondiaux et ne
profitent pas de la rente pétrolière pour diversifier leur
économie.
Par exemple, dans la région du Golfe de Guinée,
le cas du Gabon. Le Gabon est l'un des pays les
8 AUGE, Benjamin. L'exploration et la
production pétrolière en Afrique depuis 2014, Étude
de l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI), 2014,
p.4-6
9 Les compagnies indépendantes sont de
petites compagnies avec des moyens financiers et technologiques limités.
Ces compagnies concentrent généralement leurs activités
sur les opérations pétrolières en amont,
c'est-à-dire des activités portant exclusivement sur
l'exploration et la production. Ces dernières sont très
présentes dans l'environnement pétrolier
sénégalais.
10 Ibidem
12
plus riches en Afrique avec un revenu national brut par
habitant (RNB) de 6610 dollars en 2017.11 Toutefois, ce RNB est
inégalement réparti, d'autant plus que l'économie du pays
est extrêmement dépendante du pétrole.
En d'autres termes, le pétrole brut représente
plus de 73% des recettes d'exportation du pays en 2017.12
Cette richesse économique du pays intervient dans le
contexte de la fin des années 1960 où le développement des
activités pétrolières a permis au Gabon d'augmenter sa
richesse et sa puissance économique. Mais le manque d'une vision clair
à long terme du Président de la République gabonaise Omar
Bongo et de son gouvernement a conduit à une régression de
l'économie gabonaise.13 Cette régression est due
à la mise en place de politiques publiques destinées à une
augmentation des effectifs de la fonction publique, à des
dépenses importantes relatives à la construction
d'infrastructures. Ainsi, la situation économique du Gabon a subi les
effets du paradoxe de l'abondance suite à son incapacité de
construire un modèle de développement sein et durable, profitable
aux générations actuelles et futures.14
11 Rapport de la Banque Mondiale sur la situation
économique du Gabon, disponible sur :
https://donnees.banquemondiale.org/pays/gabon
12 Données tirées du Observatory Of
Economic Complexity (OEC) disponible sur :
https://atlas.media.mit.edu/fr/profile/country/gab/#Export
13 GARY, Ian et LYNN KARL, Terry. Le fond du
baril : Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic
Relieve Services (CRS), 2003, p.28
14 JANVIER ROP'S OKOUE EDOU, Jacques.
L'économie gabonaise souffre du syndrome hollandais, dit-on !,
Éditions Persée, 2015, p.56-58
13
3. Contexte sous régional et
national
Les ressources naturelles en Afrique ; notamment le gaz et
pétrole sont essentiellement concentrées en Afrique de l'Ouest et
dans le Golfe de Guinée.
Géographiquement, la région du Golfe de
Guinée se situe entre les eaux maritimes du Nigeria et de l'Angola. Il
s'agit d'une partie de l'océan atlantique (plus de 5.700 km de
côtes) qui s'enfonce vers le centre du continent africain, allant du
Sénégal à l'Angola. Les pays de la région du golfe
de Guinée ont des économies très peu diversifiées
et dépendent le plus souvent de ressources naturelles notamment les
hydrocarbures. En effet, cette région est considérée par
l'industrie pétrolière, comme le « point névralgique
»15 du monde pétrolier, en passe de devenir le
véritable chef-lieu mondial de la production pétrolière en
zone Offshore Profond16. Des conférences mensuelles se
tiennent régulièrement afin d'évaluer le potentiel de la
région considérée comme un nouvel « Eldorado
»17. De plus, le potentiel de la production
pétrolière dans cette région est considéré
comme plus conséquent que celle de la Russie par
exemple18.
De plus, la région subsaharienne détiendrait
plus de 7% de la production pétrolière mondiale avec une
production de six millions de barils par jour19. Par
conséquent, les régions de l'Afrique de l'Ouest et du Golfe de
Guinée regorgent d'importantes réserves de pétrole et de
gaz naturel qui restent encore peu exploitées.
Aujourd'hui, le bassin sédimentaire ouest africain,
appelé Bassin MSGBC (Mauritanie, Sénégal, Gambie,
Guinée Bissau et Conakry) est encore largement sous-exploré
malgré son potentiel en
15 MAOUNDONODJI, Gilbert. Les enjeux
géopolitiques et géostratégiques de l'exploitation du
pétrole au Tchad, Presses univ. de Louvain, 2009 p.203
16 Ibidem
17 En 2003, la Conférence des Nations-Unies
sur le Commerce et le Développement (CNUCED) a organisé une
conférence au Cameroun, dont l'ordre du jour portait sur le
pétrole et le gaz.
18 Étude du Cambridge Energy Research
Associates, Potential versus Reality : West African Oil and Gas to 2020,
Cambridge, 2002
19 Rapport du US Energy Information Administration
(EIA), Oil and Gas in Sub-Saharan Africa, p.2-3
14
hydrocarbures. Les récentes recherches dans ledit
bassin sédimentaire, plus précisément au
Sénégal, ont permis la découverte d'importantes
réserves de pétrole et de gaz en zone Offshore profond.
Effectivement, la compagnie pétrolière
indépendante Cairn Energy, lors de la phase d'exploration a
découvert l'un des plus grands gisements de pétrole dans le monde
en zone offshore profond20. Il s'agit des blocs Sangomar Deep
Offshore, Cayar Offshore Profond et Saint-Louis Offshore
Profond21.
Ces importantes découvertes confirment le potentiel du
Sénégal en hydrocarbures d'autant plus que les premières
réserves prouvées feront l'objet d'une commercialisation en
202122.
La commercialisation des premières réserves
d'hydrocarbures aura un effet direct sur l'économie
sénégalaise. Les revenus issus de la production et de
l'exportation bénéficieront à la croissance de
l'économie. Pourtant, comme ce fut le cas de la majorité des pays
africains producteurs de pétrole, la richesse en ressources naturelles a
eu un effet néfaste sur leurs économies nationales.
Le principal enjeu pour le Sénégal sera de
bénéficier pleinement des retombées économiques que
procure la commercialisation des hydrocarbures, tout en évitant les
erreurs de gestion commises par les pays producteurs voisins. Une mauvaise
gestion des ressources naturelles serait préjudiciable à
l'économie sénégalaise qui subira un destin similaire aux
autres pays africains producteurs de pétrole.
L'objectif n'est pas de faire du Sénégal un pays
pétrolier ou minier (c'est à dire un pays dont 25% de son budget
national provient de l'exploitation des sous-sols selon les normes
fixées par le FMI) mais plutôt de bénéficier des
avantages procurés par l'exploration et l'exploitation des
20 Rapport du Oil and Gas Council, The MSGBC
Basin : No One Hit Wonder, disponible sur :
https://oilandgascouncil.com/articles/msgbc-basin-no-one-hit-wonder/
21 Ibidem
22 Communiqué officiel de la présidence
de la République du Sénégal du 11 janvier 2017, disponible
sur :
http://www.presidence.sn/en/newsroom/entretien-avec-m-andy-inglis-pdg-de-kosmos-energy-et-m-bernard-looney-de-pdg-bp
550
15
hydrocarbures et éviter de tomber dans le piège
du syndrome hollandais. Le syndrome ou malédiction hollandais(e),
traduit parfaitement le principe du paradoxe de l'abondance. En effet, le
syndrome hollandais désigne un phénomène «
suivant lequel la découverte de ressources naturelles ou la hausse
de leur prix entraine une appréciation du taux de change réel, un
gonflement des dépenses ou de la richesse et un redéploiement des
facteurs de production, ce qui se traduit par une désindustrialisation
du pays sous l'effet de la production manufacturière et des exportations
nettes ».23
En analysant la définition de l'Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE), il
serait erroné d'émettre une conclusion selon laquelle il
existerait un lien de causalité direct entre la commercialisation
d'hydrocarbures et l'amélioration du cadre de vie de la population de
même que l'économie nationale. Bien au contraire, il peut y avoir
une corrélation entre l'exploitation des matières
premières et la baisse de création de richesses ainsi que du
niveau de vie des générations actuelles et futures. En d'autres
termes la commercialisation entraîne une augmentation du PNB sans que ce
dernier ne crée de la richesse au profit de la
population24.
La commercialisation du potentiel en hydrocarbures, à
conditions de répondre efficacement aux enjeux et défis
posés par le paradoxe de l'abondance serait une opportunité
d'améliorer la croissance économique du Sénégal en
faisant face aux besoins d'investissement dans les secteurs prioritaires.
C'est au regard de ces enjeux et défis du paradoxe de
l'abondance dont l'industrie pétrolière doit faire face, que se
justifie l'intérêt de notre étude. La compréhension
de cette dernière nécessite une délimitation spatiale,
temporelle et matérielle.
23 Études économiques de l'OCDE :
Brésil 2011, définition du syndrome hollandais, p.152
24 Rapport de la Banque Mondiale sur les Industries
Extractives (IE), 2004, disponible sur :
http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/767831468322469577/pdf/300010FRENCH0e1Box03
34093B01PUBLIC1.pdf
16
I. DELIMITATION DE L'ETUDE
Dans l'optique d'une meilleure compréhension du sujet,
une délimitation est opérée à trois niveaux : une
délimitation spatiale, temporelle et matérielle.
1. Délimitation spatiale
Dans le cadre du sujet, la délimitation spatiale est
limitée à la République du Sénégal. Ce
dernier est un pays de l'Afrique de l'Ouest comptant 15,4 millions
d'habitants25. Le Sénégal est frontalier avec le Mali,
Mauritanie, la Guinée Conakry et enfin la Gambie. De plus, le
Sénégal partageant sa frontière avec la Mauritanie
exploitera en commun avec cette dernière un champ gazier offshore Grand
Tortue-Ahmeyim à partir de 202126.
2. Délimitation temporelle
Le travail de recherche s'étend sur la période
allant de 1952 à 2018. L'année 1952, représente les
premières recherches et forages sur les permis pétroliers de
Dakar et de Saint-Louis27. La période de 2018 quant à
elle, répond à un contexte où le potentiel en
hydrocarbures du Sénégal est confirmé avec les
différentes découvertes de pétrole et de gaz en offshore
profond.
3. Délimitation
matérielle
Des notions de droit pétrolier, fiscal et
économique seront mobilisées pour déterminer les mesures
de politiques publiques que l'État du Sénégal sera en
mesure d'appliquer pour éviter le
25 « Le Sénégal en bref », Banque
Mondiale, disponible sur :
https://www.banquemondiale.org/fr/country/senegal
26 « Gaz : accord entre la Mauritanie et le
Sénégal pour l'exploitation d'un champ offshore »,
disponible sur :
http://www.jeuneafrique.com/529801/economie/gaz-accord-entre-la-mauritanie-et-le-senegal-pour-lexploitation-dun-champ-offshore/
27 « Recherche et possibilités
pétrolières du Sénégal » (1978). Revues
socialiste de culture négro-africaine n°13
17
paradoxe de l'abondance dans sa gestion des recettes issues du
pétrole et du gaz. En effet, traiter ce sujet sous un angle purement
juridique ne permettrait pas de saisir tous les enjeux issus de la gestion de
la rente pétrolière. En outre, la finalité de la
régulation de l'industrie pétrolière résulte des
bienfaits économiques tirés de la rente pétrolière
qui assure un développement nouveau dont les générations
actuelles et futures bénéficieront.
II. INTÉRÊTS DE L'ÉTUDE
Notre étude revêt deux intérêts : un
intérêt social et un autre, scientifique.
1. Intérêt social
Le traitement de ce sujet présente un
intérêt social. En effet, ce mémoire peut constituer un
lien entre l'État du Sénégal et sa population qui elle
aussi cherche à maitriser les contours de l'exploitation et de la
commercialisation des hydrocarbures. Une fois ce lien établi entre
l'État et la population, il permettra non seulement de sensibiliser
cette dernière sur les bienfaits du pétrole et du gaz pour
l'économie et le développement mais aussi sur le danger que
peuvent présenter ces ressources si elles ne sont pas
gérées de manière juste, éthique et
transparente.
2. Intérêt scientifique
Ce présent mémoire pourrait constituer un apport
à la recherche scientifique dans le domaine du droit pétrolier
sénégalais. En effet, le potentiel du Sénégal en
hydrocarbures est prouvé, même si l'arsenal juridique
pétrolier reste peu exploré par la doctrine scientifique du fait
de la nouveauté des découvertes.
Ce mémoire compte apporter des réponses
scientifiques sur la gestion des ressources naturelles
18
en se fondant sur les erreurs commises par certains pays
producteurs africains dont le Nigeria et le Tchad.
L'objectif principal est de voir comment l'État devrait
gérer ces ressources pétrolières et gazières pour
une économie pérenne et afin de ne pas tomber dans le
piège du paradoxe de l'abondance, une conséquence du syndrome
hollandais.
III. Objectif de l'étude
L'étude a pour objectif d'analyser dans une
première partie le défi que pose le paradoxe de l'abondance aux
pays producteurs de pétrole, principalement le Nigeria qui est
aujourd'hui, le premier pays producteur de pétrole dans le continent
africain. Ensuite, dans une deuxième partie, il s'agit de voir par quels
moyens l'État du Sénégal, assure la régulation de
son industrie pétrolière, afin d'éviter les erreurs
commises les pays voisins producteurs de pétrole, et afin d'instaurer
une gestion éthique, transparente, rationnelle et responsable de la
rente pétrolière au profit des générations
actuelles et futures.
Une gestion profitable des ressources naturelles aux
générations actuelles et futures est un principe garanti au
niveau constitutionnel. A ce titre, la constitution sénégalaise
du 19 juin 2003 dispose dans son article 25-128 que « les
ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour
l'amélioration de ses conditions de vie. L'exploitation et la gestion
des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence et de
façon à générer une croissance économique,
à promouvoir de la population en général et à
être écologiquement durables ».
IV. DÉFINITIONS DES TERMES
CLES
Pour une meilleure compréhension du sujet, il convient de
définir les concepts clés susceptibles
28 Loi constitutionnelle n°2016-10 du 5 avril
2016 portant révision de la Constitution
19
d'avoir un rôle capital dans le cadre de cette
présente étude. Quatre termes clés sont définis :
la régulation, l'industrie pétrolière, le paradoxe de
l'abondance et enfin la transparence et l'éthique.
1. Régulation
La notion stricto sensu de régulation ne trouve pas de
définition claire d'un point de vue juridique. Toutefois, dans le cadre
de notre recherche, la notion de régulation devrait s'entendre au sens
d'un renforcement du cadre législatif et réglementaire. La place
de la réglementation dans la gestion des ressources naturelles est
cruciale. En effet, une théorie est développée selon
laquelle : Ressources + Technologie + Réglementation =
Prospérité
Cependant, Ressources + Technologie + Investissements
- Réglementation = Pillage des
ressources29. La réglementation
prend donc toute son importance dans le cadre de la régulation car elle
occupe une place centrale et essentielle dans la gestion des ressources
naturelles. Cette théorie sert de point de départ afin d'analyser
si l'arsenal juridique sénégalais en matière de
pétrole et de gaz permet une gestion éthique et transparente de
ses ressources naturelles. Le cas échéant, comment renforcer le
cadre juridique et réglementaire de l'industrie pétrolière
afin d'éviter le paradoxe de l'abondance dont la cause directe serait le
manque de réglementations efficaces qui mènent au pillage des
ressources.
2. Industrie pétrolière
La définition de l'industrie pétrolière
sera réduite à l'amont pétrolier sénégalais.
Ce dernier sera privilégié dans le cadre du mémoire.
L'amont pétrolier regroupe différentes phases des
activités pétrolières, à savoir la prospection,
l'exploration, l'exploitation et la production. L'industrie
pétrolière sénégalaise est régie par le code
pétrolier30. Le code pétrolier traite essentiellement
de
29 Cette théorie est
développée par Paul Collier, Professeur d'Économie et
Directeur du Centre des Études sur les Économies Africaines
à l'Université d'Oxford. Théorie tirée du rapport
relatif à l'étude du cadre légal et
contractuel en matière des hydrocarbures des pays
membres de l'Association des Producteurs de Pétrole Africains (APPA),
p.11
30 Loi 98-05 du 8 janvier 1998 portant code
pétrolier
20
l'amont. Par conséquent, il réglemente les
procédures allant des négociations et de l'octroi des blocs
pétroliers aux compagnies pétrolières internationales en
phase de prospection31, à la production et au transport des
hydrocarbures32, tout en exigeant le respect de l'environnement et
des ressources nationales, lors de la conduite des opérations
pétrolières33.
Il est à noter que lorsque le code pétrolier fut
adopté en 1998, le potentiel en hydrocarbures du Sénégal
n'était pas encore confirmé. De plus, le code fut
élaboré dans un contexte où l'environnement
pétrolier international était caractérisé par une
baisse des budgets d'exploration des compagnies pétrolières, ce
qui a eu pour conséquence une réduction de la
compétitivité du Sénégal dans les investissements
relatifs à l'amont pétrolier, au profit des pays disposant d'un
potentiel pétrolier confirmé34.
Par conséquent, l'État du Sénégal
était dans l'obligation de mettre en place des incitations fiscales
attrayantes pour accroître les investissements dans l'amont
pétrolier35.
L'environnement pétrolier ayant évolué
depuis 1998, faisant du Sénégal un pays disposant d'un potentiel
pétrolier confirmé, un projet de loi portant nouveau code
pétrolier sera soumis à l'Assemblée Nationale en septembre
2018 dans l'optique d'accroitre les parts de l'État du
Sénégal dans le partage de la rente pétrolière avec
les compagnies internationales opérant sur son sous-sol.
3. Paradoxe de l'abondance
Le paradoxe de l'abondance est une conséquence d'une
gestion opaque des ressources naturelles. Le Fonds Monétaire
International classe près de cinquante pays en développement dans
les pays riches en ressources naturelles36. Cependant, près
de 42 pour cent des 3 milliards d'habitants des
31 Article 12 du code pétrolier
32 Article 37 du code pétrolier
33 Article 51 du code pétrolier
34 Exposé des motifs de la loi 98-05 du 8
janvier 1998 portant code pétrolier
35 Ibidem
36 VILLAFUERTE, Mr Mauricio, OSSOWSKI, Mr Rolando,
THOMAS, Theo, et al. Managing the oil revenue boom: the role of fiscal
institutions. International Monetary Fund, 2008.
21
pays riches en ressources naturelles vivent encore sous le
seuil de pauvreté avec un revenu inférieur à 2 dollars par
jour37. Ce constat met en exergue le paradoxe entre richesses
naturelles et un seuil de pauvreté toujours plus élevé.
Les pays africains producteurs de pétrole sont
généralement les plus touchés par ce
phénomène. Le paradoxe de l'abondance peut être
corrélé au syndrome hollandais, aussi appelé maladie
hollandaise38. Ce phénomène a fait l'objet d'un regain
d'intérêt dû au fait que l'exploitation
pétrolière confère une richesse substantielle à un
pays producteur.
Le syndrome hollandais se caractérise par le fait que
le pétrole qui devait être une opportunité pour un
développement nouveau et harmonieux, finit par être une
malédiction car les recettes issues de la rente pétrolière
affectent négativement les structures économiques à
travers certains secteurs de production39. Dans la
sous-région ouest africaine, l'exemple du Nigéria sera
étudié, car il s'agit d'un géant de la production de
pétrole mondial, mais qui a aussi été touché par le
phénomène du syndrome hollandais40. Le
Sénégal peut s'inspirer de l'exemple du Nigéria et
même du Tchad afin d'en tirer les conclusions nécessaires à
la bonne gestion de son pétrole et de son gaz.
4. Transparence et éthique
La transparence et l'éthique sont les piliers d'une
bonne gestion des ressources naturelles. Le Fonds Monétaire
international (FMI) a mis l'accent sur l'éthique et la transparence, en
mettant en place un Guide sur la transparence des recettes des ressources
naturelles en 200741. Ce guide met en place un code de bonnes
pratiques en matière de transparence des finances publiques
37 Ibidem
38 ROSSER, Andrew. The Political economy of the
resource curse : A litterature survey. 2006.
39 Nakoumdé Ndoumtara, « Boom
pétrolier et risques d'un syndrome hollandais au Tchad : Une approche
par la modélisation en équilibre général calculable
», Thèse de Doctorat, Université d'Auvergne Clermont-Ferrand
I, 2007, 306 p.
40 Coussy Jean, « Formes spécifiques du
Dutch Disease en Afrique de l'Ouest : le cas du Nigeria et du Cameroun »,
Revue Tiers Monde, N°125, Janvier/Mars
41 Guide sur la transparence des recettes des
ressources naturelles du Fonds Monétaire International (FMI), 85p.
22
applicable l'ensemble des pays dont une part substantielle des
revenus provient des recettes du pétrole et du gaz42.
La transparence et l'éthique dans l'industrie
pétrolière sénégalaise se résument aux
négociations portant sur l'octroi des blocs pétroliers, à
la publication des contrats pétroliers, aux recettes
pétrolières et enfin aux fonds alloués aux
différents secteurs clés de production. Il convient de noter que
l'éthique et la transparence sont des obligations qui incombent aussi
bien à l'État du Sénégal qu'aux compagnies
pétrolières opérant dans le sous-sol
sénégalais. Un cadre juridique solide est nécessaire quant
à l'application de ces normes de bonnes conduites.
Qui plus est, la transparence est un requis fondamental dans
la prévention du syndrome hollandais qui empêcherait un pays en
développement de saisir les opportunités qu'offrent le
pétrole et le gaz.
Toutefois, le rôle de la société civile ne
saurait être ignoré dans la garantie de l'éthique et de la
transparence dans la gestion des ressources naturelles que sont le
pétrole et le gaz. A ce titre, une coalition de huit cent
sociétés civiles a lancé la campagne Publish What You Pay
(PWYP) en 2002, afin de contraindre les compagnies pétrolières
à rendre public leurs comptabilités et leurs dépenses dans
les industries extractives43. La finalité de cette campagne
est de favoriser un environnement dans lequel les recettes
pétrolières et gazières améliorent le cadre de vie
des générations actuelles et futures44.
Le Sénégal, ayant compris l'importance de
l'éthique et de la transparence a adhéré à
l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) en
2012. L'ITIE est une norme internationale lancée par Tony Blair en 2002,
visant à améliorer la transparence dans la gestion des revenus
issus des ressources pétrolières, gazières et
minières45. La norme ITIE met en place
42 Ibidem
43 Natural Resource Governance Institute (NRGI),
« Publish What You Pay : A Civil Society Coalition for Extractive Sector
Transparency and Accountability », Mars 2015 disponible sur :
https://resourcegovernance.org/sites/default/files/nrgi_PWYP.pdf
44 Ibidem
45 Présentation de l'ITIE, disponible sur :
http://itie.sn/presentation/
23
des exigences strictes de transparence que tout
adhérent doit respecter. Ces exigences de transparence vont de
l'obligation de publication des contrats pétroliers aux publications
publiques des revenus et recettes issus du pétrole et du gaz, par
l'État et les compagnies pétrolières46.
En s'engageant à mettre en oeuvre la norme ITIE, le
Sénégal assure à ses citoyens « la possibilité
d'exercer un contrôle sur l'utilisation des ressources naturelles ».
De plus, le Sénégal est le premier pays africain ayant satisfait
à la norme ITIE 201647.
A la lumière de cette analyse, la transparence et
l'éthique constituent un enjeu déterminant dans la bonne gestion
des ressources naturelles. Le Sénégal semble comprendre ce
défi mais les efforts entrepris dans l'application de la norme ITIE
sont-ils suffisants pour lutter contre le syndrome hollandais ?
L'analyse de la transparence dans la gestion des ressources
naturelles devra être effectuée au niveau de la législation
pétrolière. En d'autres termes, le code pétrolier dans ses
dispositions, permet-il une gestion efficace des ressources naturelles ?
V. PROBLEMATIQUE
Le nouveau code pétrolier étant toujours
à l'étude, le droit pétrolier en vigueur reste régi
par la loi 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier. En outre, le
potentiel en hydrocarbures du Sénégal étant
confirmé, toutes les dispositions contractuelles liant l'État du
Sénégal et les opérateurs pétroliers sont
régies par le droit pétrolier en vigueur et qui fera l'objet de
réformes par le biais d'un nouveau code pétrolier.
46 Ibidem
47 « Le Sénégal, 1er pays d'Afrique
et 4ème pays du monde, à avoir accompli des
Progrès Satisfaisants en matière de mise en oeuvre de la Norme
ITIE », disponible sur :
http://itie.sn/le-senegal-1er-pays-dafrique-et-4eme-pays-au-monde-a-avoir-accompli-des-progres-satisfaisants-en-matiere-de-mise-en-oeuvre-de-la-norme-itie/
24
Ces relations contractuelles constituent néanmoins un
paradoxe. En effet, comme évoqué précédemment dans
l'exposé des motifs, le code pétrolier en vigueur fut
élaboré dans un contexte pour favoriser le développement
des investissements pétroliers au Sénégal. Cependant, le
bémol résulte du fait que le contexte pétrolier a
évolué au Sénégal. En d'autres termes, le
Sénégal n'a plus besoin de favoriser le développement des
investissements, mais plutôt doit consolider son potentiel et de
protéger ses intérêts, en maximisant son profit dans le
partage de la rente pétrolière. En un mot, il serait
incohérent de nouer de nouvelles relations contractuelles sous une
législation qui répond à un contexte différent du
contexte actuel.
Dans un cadre plus général, le pétrole
constitue une malédiction pour la majorité des pays producteurs
africains de pétrole. Cette malédiction est due à un
manque de transparence dans la gestion de la rente
pétrolière.
Le Sénégal, qui commercialisera son
pétrole et son gaz, constituera-t-il une exception dans la
sous-région ou suivra-t-il le même destin des pays producteurs de
la sous-région, victime du syndrome hollandais ?
Par conséquent, le droit pétrolier en
vigueur, tel qu'il est conçu garantit-il une gestion éthique et
transparente des hydrocarbures permettant de lutter contre le syndrome
hollandais ?
25
VI. CADRE MÉTHODOLOGIQUE
Ce présent mémoire se fonde sur une recherche
empirique orientée par une documentation juridico-économique et
un cadre théorique appuyé par des faits. Le cadre
méthodologique s'appuie sur la théorie de Paul Collier portant
sur le lien entre la réglementation et la prospérité des
richesses naturelles. Cette théorie permet de voir si le cadre juridique
pétrolier sénégalais en vigueur contribue à la
prospérité de ses richesses. Il s'agira donc de vérifier
cette hypothèse au regard du droit pétrolier
sénégalais.
1. Cadre juridico-économique
La documentation juridique permettra d'analyser des textes de
lois, de règlements encadrant l'industrie pétrolière du
Sénégal et le droit pétrolier régissant ce dernier.
Une documentation axée sous un angle politico-économique serait
pertinente pour un traitement exhaustif du sujet.
2. Cadre théorique
La théorie de Paul Collier sur la
réglementation et son importance dans la gestion des ressources
naturelles sera privilégiée. Cette théorie servira de base
dans l'analyse du droit pétrolier et les enjeux liés au paradoxe
de l'abondance.
3. Faits énoncés
Des faits relatifs au régime juridique de l'amont
pétrolier seront pris en compte pour expliquer les effets du syndrome
hollandais. Les exemples du Nigéria et du Tchad dans la
sous-région seront énoncés pour comprendre le
phénomène du syndrome hollandais et les effets néfastes
qu'il constitue qu'il a dans une économie nationale, faute d'une
législation pétrolière complète, voire suffisante.
Ces exemples permettront de mettre l'accent sur la réglementation comme
une solution pérenne à la gestion éthique et transparente
du pétrole et du gaz au Sénégal.
26
Partie 1 - Le phénomène du paradoxe de
l'abondance dans les pays africains producteurs de pétrole
Le paradoxe de l'abondance est un phénomène
touchant la majorité des pays africains producteurs de pétrole.
Ce constat mérite une attention particulière. En effet, selon une
étude de Transparency International (TI)48, dans les trente
prochaines années, près de 90% de la production
pétrolière mondiale proviendra des pays en voie de
développement, notamment en Afrique49. De plus, il convient
de noter qu'environ deux tiers des populations pauvres vivent dans des pays
riches en ressources naturelles50. Ce fait illustre parfaitement, le
paradoxe de l'abondance. En d'autres termes, il s'agit pour un État de
bénéficier de son abondante richesse en ressources naturelles.
Cependant, cette richesse est corrélée à une
pauvreté qui se creuse progressivement avec l'exploitation et la
production de cette dernière. Par conséquent, le paradoxe de
l'abondance peut donc être rattaché au phénomène du
syndrome hollandais.
Le paradoxe de l'abondance est une conséquence du
syndrome hollandais. Plus exactement, le syndrome hollandais se manifeste par
une non-diversification d'une économie nationale. Cette
non-diversification est due au fait qu'un Etat bénéficiant de
recettes pétrolières conséquentes a tendance à
négliger d'autres secteurs prioritaires économiques au profit de
la rente pétrolière. Par conséquent, une chute du baril du
pétrole aura un effet immédiat sur les recettes d'exportation,
qui aussi elles aussi impactent négativement l'économie
nationale. Ce phénomène du syndrome hollandais a des effets
néfastes au sein des pays africains producteurs de pétrole
(chapitre premier).
En plus, la lutte contre ce phénomène
représente d'ores et déjà un défi pour l'industrie
pétrolière sénégalaise. La régulation de
l'industrie pétrolière cette dernière apparaît-elle
nécessaire pour garantir une gestion éthique et transparente du
pétrole et du gaz (chapitre second).
48 Transparency International est une organisation
non gouvernementale internationale ayant pour principal objectif, la lutte
contre la corruption des États et des institutions internationales.
49 Oil and Gas report, disponible sur :
https://www.transparency.org/topic/detail/oil_and_gas
50 Ibidem
27
Chapitre premier : L'effet néfaste du syndrome
hollandais au sein des pays africains producteurs de pétrole
Le syndrome hollandais a contribué à plusieurs
crises économiques dans certains pays africains producteurs de
pétrole. L'une des premières causes des crises économiques
porte sur une mauvaise gestion de la rente pétrolière
(section 1). Aussi, la mauvaise gestion de cette
dernière constitue un danger pour une économie
pétrolière. Par conséquent, la mauvaise gestion
nécessite un cadre réglementaire solide, pour une meilleure
gestion des ressources naturelles (section 2).
Section 1 - Une conséquence du syndrome
hollandais liée à une mauvaise gestion de la rente
pétrolière
Une des caractéristiques principales du syndrome
hollandais découle de la mauvaise gestion de la rente
pétrolière. De plus, analyser les effets néfastes du
syndrome hollandais implique tout d'abord une compréhension de la notion
de rente pétrolière, mais aussi du syndrome hollandais
(paragraphe premier). De plus, la mauvaise gestion de cette
dernière a un impact assez considérable sur une économie
pétrolière. En ce sens, le cas du Nigéria sera
analysé pour une meilleure appréhension du danger que
représente le syndrome hollandais (paragraphe
second).
Paragraphe premier - La notion de rente
pétrolière et du syndrome hollandais
La notion de rente pétrolière constitue un
élément important dans le domaine de l'exploitation et de la
production pétrolière. Cette notion de rente joue pleinement son
rôle dans la gestion des revenus pétroliers. Ainsi, un pays
producteur victime du syndrome hollandais souffre de prime abord d'une gestion
opaque de la rente pétrolière. Par conséquent, cette
notion de rente prend toute son importance. Cependant dans la doctrine relative
au domaine pétrolier, une difficulté se présente quant
à la définition propre de rente pétrolière. En
d'autres termes, il y a un manque de consensus général quant
à la définition de la rente pétrolière
(A). Enfin, la notion de syndrome hollandais mérite
d'être définie dans un cadre plus exhaustif pour une meilleure
appréhension du
28
phénomène. Par le biais de l'analyse du syndrome
hollandais, il sera examiné la situation dans laquelle le
Sénégal va se trouver en tant que bénéficiaire
d'une manne pétrolière considérable
(B).
Une définition des deux notions serait pertinente, car
ces dernières sont liées et ne sauraient être
dissociées. Plus précisément, un pays producteur de
pétrole ne peut être victime du syndrome hollandais sans une forte
dépendance de la rente pétrolière, dont la gestion
manquerait de transparence.
A- L'impossible consensus doctrinal sur la notion de rente
pétrolière
Tout d'abord, sous un angle purement juridique notamment dans
le droit pétrolier, il n'existe aucune définition universelle
portant sur la rente pétrolière. Dans le domaine de la science
économique, cette dernière « n'a pas réussi à
construire une théorie unifiée de la rente et les
économistes, lorsqu'ils étudient l'impact de l'exportation
d'hydrocarbures sur les économies dites rentières, mobilisent
généralement d'autres outils théoriques que celui de
rente, exception faite de la théorie de recherche de rentes, laquelle ne
concerne justement pas les ressources naturelles »51. Au regard
de ce constat, la notion de rente pétrolière manque clairement un
cadre théorique sur lequel les économistes peuvent se pencher
afin de trouver une définition universelle.
Par conséquent, dans un contexte d'absence de
consensus, comment définir la rente pétrolière ? Quels
sont les éléments caractéristiques d'une rente
pétrolière ?
Dans un sens plus large et général, la rente
pétrolière peut être considérée comme la part
de production pétrolière que l'État producteur de
pétrole gagne après récupération et remboursement
des coûts d'investissement52. Une autre partie de la doctrine
affirme qu'une des caractéristiques principales de la rente
pétrole, porte sur le surplus de la production pétrolière
que les compagnies
51 Fatiha Talahite. Le concept de rente
appliqué aux économies de la région MENA. Pertinence et
dérives. Document de travail du CEPN n°2005-07. 2005.
52 IKAMA, Jean Jacques. Comment partager la
rente pétrolière ?: Les enseignements d'une expérience
africaine, Éditions Technip, 2013, p.3
29
pétrolières versent de manière
périodique aux pays producteurs dits « États rentiers
»53.
Cependant, une définition plus complète semble
être retenue par la doctrine. Plus précisément, « la
rente pétrolière est le surplus de revenus pétroliers qui
se dégage des recettes pétrolières brutes après
déduction des coûts d'investissement et d'exploitation, ainsi que
le minimum de marge bénéficiaire, que les investisseurs estiment
nécessaires »54.
En d'autres termes, la notion de rente
pétrolière présente des caractéristiques qui lui
sont propres à savoir le principe de « profit exceptionnel »
et le surplus pétrolier qui par ailleurs représente la part
réelle du pays producteur après la déduction des
coûts d'investissements de la compagnie pétrolière.
La définition de la rente pétrolière
permet de faire le lien avec le phénomène du syndrome hollandais.
En effet, la rente pétrolière est un élément
constitutif du profit exceptionnel qui engendre le syndrome hollandais au sein
d'un pays producteur de pétrole. Le profit exceptionnel
réalisé par le pays producteur contribue à ce que ce
dernier ne fonde son économie que sur les recettes d'exportations tout
en délaissant d'autres secteurs économiques prioritaires.
Par conséquent, un lien de cause à effet est
à noter entre une forte rente pétrolière et la
manifestation du syndrome hollandais dont la notion doit être
analysée afin de comprendre son impact dans l'économie d'un pays
producteur de pétrole.
B- Le syndrome hollandais, une conséquence d'une
forte dépendance à la rente pétrolière
Le syndrome hollandais, aussi appelé Dutch disease
ou resource curse trouve son origine aux Pays-Bas dans les années
1960, plus spécifiquement dans la ville de Groningen .
Cette dernière faisait l'objet de plusieurs
découvertes de gaz naturel55. L'exploitation et la production
de gaz naturel dans la ville de Groningen, a enclenché la
régression du secteur
53 Ibidem
54 KEEN, Michael. The taxation of petroleum and
minerals: Principles, Problems and Practice, 2010, p. 135
55 WUNDER, Sven. Oil Wealth and the Fate of the
Forest: A comparative Study of Eight Tropical countries, Editions
Routledge, 2005, p.13-15
30
manufacturier hollandais.
Le secteur manufacturier correspond aux productions
industrielles et semi-industrielles de biens56. Par
conséquent l'économie hollandaise s'est trouvée
directement affectée par la régression dudit secteur.
En d'autres termes, une forte rente pétrolière
influe directement sur le délaissement du secteur manufacturier dans le
sens où ce dernier verra ses recettes à l'exportation chuter du
fait d'une hausse importante de l'exportation du pétrole. Cette
non-valorisation du secteur manufacturier constitue donc un risque important
pour les pays producteurs de pétrole. De plus, le secteur manufacturier
joue un rôle important dans l'économie, car sa régression
signifie un ralentissement économique. En vérité, le
secteur manufacturier constitue un moteur de développement essentiel
pour les pays en développement57. Ces derniers s'appuient sur
ce secteur pour davantage fournir des emplois aux travailleurs non
qualifiés ; une telle situation stimule la croissance
économique58.
Il serait donc pertinent de privilégier les secteurs
manufacturiers pour éviter le syndrome hollandais. Cependant, la
majorité des pays africains producteurs de pétrole ont vu leurs
secteurs manufacturiers combler un certain retard à cause du syndrome
hollandais qui n'épargne quasiment aucun pays producteur de
pétrole en Afrique. Pour être plus précis, dans les pays
riches en ressources naturelles comme le pétrole et le gaz, les
entreprises manufacturières sont dans l'impossibilité de
concurrencer de manière juste et équitable les secteurs miniers.
Ce manque de concurrence est dû au fait que ces entreprises souffrent de
l'appréciation du taux de change réel par rapport à celui
de leurs concurrents, provoqué par une très forte exportation aux
matières premières59.
56 NDAO, Fary. L'or noir du
Sénégal : Comprendre l'industrie pétrolière et ses
enjeux au Sénégal, Essai, p.136
57 « Secteur manufacturier : le grand moteur de
développement est-il voué à se gripper ? »
Publication de
la Banque Mondiale, disponible sur :
https://www.banquemondiale.org/fr/topic/competitiveness/publication/trouble-in-the-making-the-future-of-manufacturing-led-development
58 Ibidem
59 BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT et
CENTRE DE DÉVELOPPEMENT DE L'OCDE. Perspectives économiques en
Afrique 2011 : Thème spécial : l'Afrique et ses partenaires
émergents. OCDE, 2011, p.27-28
31
À la lumière de cette analyse portant sur le
syndrome hollandais et ses effets, le Sénégal, au regard de son
économie majoritairement portée vers les services, a une
industrie manufacturière faible comme la majorité des pays en
développement qui aujourd'hui cherchent à combler le retard de
leurs industries manufacturières. Dans l'hypothèse où le
Sénégal serait touché par la maladie hollandaise, son
secteur agricole qui représente près de 15,4% de son produit
intérieur brut (PIB) en 201760 serait fortement
exposé. Or, la régression ou le recul de son secteur agricole qui
représente plus de 50% des emplois61 dont 70% de la
population active qui y est employée mettrait l'économie
sénégalaise dans une situation dont il se remettra
difficilement.
Une gestion rationnelle, éthique et transparente
apparaît d'ores et déjà comme un impératif et
constitue déjà un enjeu majeur pour le Sénégal afin
qu'il ne soit pas victime du syndrome hollandais. La rente
pétrolière dont bénéficiera le
Sénégal devrait par conséquent être utilisée
pour développer le secteur manufacturier, car ce dernier constituerait
un moteur de développement, si les investissements adéquats sont
faits.
En un mot, la gestion de la rente pétrolière
apparaît comme une des plusieurs obligations, pour éviter le
syndrome hollandais. Une mauvaise gestion de ladite rente conduit
inexorablement à la maladie hollandaise.
En ce sens, un grand pays producteur de pétrole dans la
sous-région ouest-africaine à savoir le Nigeria est un exemple
à éviter pour le Sénégal dans la gestion future de
sa rente pétrolière.
Paragraphe second - Les effets d'une mauvaise gestion
de la rente pétrolière : le cas du Nigéria
Le Nigeria est une illustration parfaite du paradoxe de
l'abondance62. Il s'agit du premier pays
60Données tirées de la banque mondiale,
disponible sur :
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NV.AGR.TOTL.ZS?locations=SN
61Données tirées de la Banque Mondiale,
disponible sur :
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SL.AGR.EMPL.ZS?locations=SN&name_desc=false
62 GOULD, Jason and N. Kapadia. Dutch Disease in Africa : A Case
Study of Nigeria and Chad, University of Michigan
32
producteur de pétrole en Afrique63.
Aujourd'hui, il occupe le même rang malgré la récente
récession de son économie en 2016. La dépendance quasi
totale du Nigeria au pétrole lui a été
économiquement néfaste (A), à cause d'une
série de mesures relatives à la législation
pétrolière et de politiques publiques entreprises par les
différents décideurs qui se sont succédé
(B).
A- Une économie entièrement dépendante
du secteur pétrolier
Le Nigéria, une des principales économies du
continent africain, est le premier pays producteur de pétrole
aujourd'hui dans le continent. Toutefois, la manne pétrolière
conséquente dont il bénéficiait, en a fait un pays
fortement dépendant de ses recettes pétrolières afin
d'assurer le bon fonctionnement de son économie. En effet, l'exportation
du pétrole représentait près de 80% des revenus du
gouvernement fédéral64.
Cette richesse pétrolière marque le paradoxe de
l'abondance, car le Nigeria, membre de l'Organisation des Pays Exportateurs de
Pétrole (OPEP) a une production pétrolière qui se classe
derrière les grands pays producteurs comme l'Arabie Saoudite, les
Émirats Arabes Unies ou même l'Iran.
Le fort potentiel économique du Nigéria
grâce à sa richesse en pétrole, ne s'est que partiellement
matérialisé. En d'autres termes, la population a très peu
profité des retombées économiques que procure la forte
rente pétrolière dont l'État a
bénéficié au fil des années. Au début des
années 2000, près de 70% des Nigérians vivaient avec moins
d'un dollar par jour. En outre, plus de 43% de la population n'avait
accès ni aux infrastructures de santé, ni à l'eau potable
et le tout cumulé à un fort de taux de mortalité
infantile65.
Un modèle économique reposant exclusivement sur
la rente pétrolière semble ne pas être viable, du fait des
cours aléatoires du prix du baril. En 2014, la chute mondiale des cours
du baril a directement impacté l'économie nigériane. La
compagnie pétrolière nationale, la Nigerian
63 De MONTCLOS, Marc-Antoine. Le Nigeria,
Éditions Karthala, 1994, p.97
64 « African Energy Outlook » by Gupte Eklavya,
disponible sur :
https://www.spglobal.com/our-insights/African-Energy-Outlook.html
65 PNUD, Rapport sur le Développement Humain,
2001
33
National Petroleum Corporation (NNPC)66 affirme
dans un rapport que la chute drastique des recettes à l'exportation due
à la crise pétrolière de 2014, « témoigne d'un
déclin prononcé de plus de 67% entre septembre 2014, où la
recette était au plus haut, et juillet 2015, avec des
conséquences désastreuses pour la fédération
»67.
Cet écart entre la forte richesse du pays et la hausse
de la pauvreté met en lumière un problème de gestion dans
les revenus pétroliers. Par conséquent, une gestion opaque et non
transparente des recettes pétrolières a pour conséquence
une redistribution inégale des richesses issues de la rente
pétrolière. Paradoxalement, la procédure de gestion de la
rente pétrolière mise en place par l'État paraît
pertinente. En effet, la NNPC reçoit environ près de 57% de la
production totale de pétrole qu'elle exporte. Ensuite, les revenus issus
de l'exportation du pétrole brut sont versés sur le compte
à la Banque Centrale du Nigeria68.
Seulement en pratique, le procédé
susmentionné ne semble pas offrir les solutions de bonne gouvernance. En
d'autres termes, l'absence « d'instruments de stabilisation fiscale, de
responsabilité et de transparence »69 contribue à
un pillage des ressources.
Le pillage des ressources corrélées à des
politiques publiques et des législations paraissant incohérentes,
a mené le Nigeria vers une instabilité économique
liée au phénomène de syndrome hollandais.
B- Une incohérence au niveau légal et
politique : un facteur d'instabilité économique menant au
syndrome hollandais
Le Nigeria est victime de la maladie hollandaise à
partir des années 1960, c'est-à-dire dès
66La NNPC fut fondée en 1977 pour
représenter l'État nigérian dans les relations
contractuelles nouées avec les compagnies pétrolières
étrangères. C'est une compagnie intégralement
intégrée dans l'amont pétrolier nigérian à
savoir les activités pétrolières liées à
l'exploration et la production
67 NNPC Financial and Operations Report, Monthly
Report, October 2015
68 GARY, Ian et KARL, Terry Lynn. Le fond du
baril : Boom pétrolier et pauvreté en Afrique. Catholic
Relief services, 2003. p.25-26
69 Ibidem
34
l'émergence de son secteur pétrolier. Cela a eu
pour conséquence, une surévaluation du taux de change qui a
négativement impacté le secteur agricole, qui au fil du temps,
est devenu faible et peu compétitif. De ce fait, la forte
vulnérabilité des prix du pétrole a rendu difficile tout
projet d'investissement de la part du gouvernement. Ce manque d'investissement
ayant contribué à la détérioration des conditions
de vie des Nigérians, est un des facteurs ayant mené au conflit
du Delta Niger qui représente une des régions
pétrolières les plus importantes du pays.
En d'autres termes, les régions
bénéficiaient peu de la rente pétrolière. De plus,
les compagnies pétrolières sont considérées comme
responsables de cette redistribution inégale des richesses, car la
population ne bénéficiait d'aucune retombée issue de la
production pétrolière dont l'État fédéral a
reçu les paiements de la part des compagnies pétrolières
étrangères.
Le gouvernement nigérian pour faire face à cette
crise a entrepris une série de mesures au niveau légal pour une
distribution juste et équitable des ressources
pétrolières. Afin d'apaiser les populations locales, le
Nigéria a introduit dans sa constitution de 1999, un principe selon
lequel au moins 13% des revenus pétroliers soient versés aux
États fédéraux où le pétrole est
produit70.
Cette obligation légale qui incombait à
l'État nigérian a joué un rôle important dans la
hausse des revenus pétroliers au sein des États
fédéraux bénéficiaires de cette disposition
constitutionnelle. Toutefois, l'opportunité de cette disposition
constitutionnelle reste discutable dans le sens où, malgré
l'obligation imposée au gouvernement fédéral de verser une
part de 13% des revenus pétroliers aux États pétroliers de
la fédération, des problèmes de transparence et de
mauvaise gestion subsistent dans les structures gouvernementales locales.
Par conséquent, le gouvernement nigérian a
estimé que les États fédéraux ne devraient pas
bénéficier des revenus pétroliers issus des zones
Offshore. La Cour suprême dans une décision Resource Control
Judgement d'avril 200271 confirme cette position de
l'État nigérian en précisant que la capitale de
l'État Fédéral (ayant un statut similaire à celui
d'un État) n'est ni un État ni un gouvernement local dans le
cadre de la définition du terme « État » dans la
Constitution
70Constitution of the Federal Republic of Nigeria,
1999, Section 162 (2)
71 Jugement de la Cour Suprême
nigériane, Revenue allocation, Attorney General vs Attorney
General of Nigerian Federal States, 12 avril 2002, disponible sur :
https://www.dawodu.com/reven1.htm
35
de 1999. Par conséquent, l'État
Fédéral n'est pas habilité à octroyer des revenus
pétroliers issus du compte fédéral, aux États
fédéraux. Cela a eu pour conséquence une baisse des
rentrées d'argent pour l'État du Delta.
Aujourd'hui, le gouvernement nigérian entreprend des
politiques publiques nécessaires pour une meilleure diversification de
son économie notamment dans le secteur agricole, tout en
réduisant la dépendance économique aux revenus
pétroliers72. Une des avancées majeures dans le cadre
juridique, porte sur l'adoption de la loi pétrolière, la
Petroleum Industry Bill (PIB), qui faisait l'objet d'un projet de loi pendant
près de dix-sept ans73. Ces réformes entreprises
depuis 2015 ont permis au pays de sortir de la récession.
En conclusion, la mauvaise gestion de la rente
pétrolière au Nigeria montre que la transparence est le pilier
d'une gestion juste et équitable de la rente pétrolière
profitable aux générations actuelles et futures.
L'efficacité de la transparence dépend des réglementations
mises en place.
En effet, il serait pertinent d'affirmer en ce sens, qu'un
cadre réglementaire solide est une condition sine qua non pour une
éviter le pillage des ressources, qui de facto mène à la
maladie hollandaise.
Section 2 - L'exigence d'un cadre
réglementaire solide dans la gestion des ressources
naturelles
Le cas du Nigeria montre que dans une économie
rentière, la réglementation occupe une place primordiale. En
effet, un cadre réglementaire qui ne saurait être assez solide
laisse place à une gestion opaque et non transparente des ressources
naturelles, à savoir le pétrole en l'espèce.
Le Nigeria, d'un point de vue juridique dispose d'un cadre
législatif pertinent, mais la mauvaise
72 Rapport du FMI sur le Nigeria, 2018, disponible sur
:
https://www.imf.org/en/News/Articles/2017/12/22/pr17521-imf-staff-completes-2018-article-iv-mission-to-nigeria
73 AUGE, Benjamin. Le pétrole au Nigeria,
instrument de puissance et miroir d'une fragilité étatique.
Hérodote, 2015, n°4, p.152-15
36
gestion de ses richesses pétrolières
découle de l'application des textes de loi. Il s'agit d'un
phénomène récurrent dans les pays africains producteurs de
pétrole. Ces derniers disposent d'un cadre réglementaire et
législatif cohérent, mais la principale difficulté
réside dans l'application de ce dernier. Par conséquent, comment
expliquer cette difficulté dans l'application des textes de loi ? Est-ce
dû aux faiblesses institutionnelles des États africains dans le
contrôle de l'application des lois votées ?
La certitude résultant du cas nigérian est que
la réglementation est un gage de gestion éthique et transparente
des ressources naturelles (paragraphe premier) à
condition que cette dernière soit appliquée de manière
légale et juste (paragraphe second).
Paragraphe premier - Le caractère primordial de
la réglementation dans la gestion éthique et transparente des
ressources naturelles
La réglementation occupe une place importante dans la
gestion des ressources naturelles. Elle constitue le socle d'une bonne gestion
des ressources naturelles. Chez certains pays producteurs de pétrole
africain, l'application de la réglementation au niveau fiscal constitue
un problème majeur dans la gestion des revenus pétroliers, car il
s'agit d'un domaine où les conséquences fiscales ne sont pas
toujours tirées dans les opérations pétrolières.
La réglementation étant un gage de bonne
gestion, il est pertinent d'en déduire qu'il y a un lien de
causalité direct d'une part, entre une bonne réglementation et la
prospérité économique d'un pays producteur de
pétrole (A) et d'autre part, entre une mauvaise
réglementation et le pillage des ressources naturelles
(B).
A- Le lien direct entre la réglementation et la
prospérité des ressources naturelles
Les ressources naturelles comme le pétrole ou le gaz
peuvent constituer un vecteur de développement économique et
social. En d'autres termes, les investissements directs dans les secteurs
extractifs et les recettes d'exportation devraient contribuer au
développement
37
économique d'un pays producteur. Ce
développement économique est tributaire des
réglementations relatives aux lois pétrolières mises en
place. Plus précisément, si une loi pétrolière
permet une meilleure gestion des dépenses publiques en allouant les
recettes d'exportation à des secteurs prioritaires comme
l'éducation et la santé, alors le développement
économique est assuré.
En partant de ce constat, il est possible de déduire
qu'un pays producteur qui dispose de ressources naturelles
conséquentes accompagnées d'une
technologie et d'investissements
dans le secteur et encadrés par une
réglementation pétrolière solide
peut prétendre à la
prospérité de ses ressources
naturelles74.
Une réglementation pétrolière solide doit
d'abord bénéficier à l'industrie pétrolière.
Le fonctionnement transparent de cette dernière est la condition d'une
gestion éthique des ressources naturelles profitant aux
générations actuelles et futures. En effet, l'industrie
pétrolière, composée d'acteurs majeurs à savoir
l'État et les compagnies pétrolières, constitue le socle
de la gestion des revenus pétroliers, car tous les potentiels revenus
issus des hydrocarbures sont négociés en amont. En d'autres
termes, c'est par les contrats signés entre l'État et les
compagnies pétrolières que sont déterminés les
revenus réels de l'État.
Par conséquent, si la réglementation
pétrolière encadrant le fonctionnement de l'industrie
pétrolière n'est pas solide ou est mal appliquée, cela
génère des irrégularités dans les revenus, dans
l'allocation de ces derniers, ce qui laisse place à un pillage des
ressources naturelles, dont la population locale ne bénéficiera
point.
B- Le lien direct entre l'absence de réglementation
et le pillage des ressources
Paul Collier, dans sa théorie relative au lien de
causalité entre la réglementation et la prospérité
des ressources naturelles, affirme qu'en dépit d'une abondance
conséquente en ressources
74 COLLIER, Paul et HOEFFLER, Anke. On Economic
Causes of Civil War. Oxford economic papers, 1998, vol. 50, n°4,
p.563-565
38
naturelles, l'absence de réglementation mène
à un pillage des ressources. Mieux, il affirme que les pays dont la
prospérité repose uniquement sur l'exploitation de
matières premières présentent des risques de guerre
civile, lorsque ces activités génèrent un tiers du revenu
national brut75.
Une étude de la Royal Institute of Foreign Affairs
(RIIA), précise que « les pays dont la production quotidienne de
pétrole par habitant se situe entre 5,5 et 24 barils tendent à
souffrir d'une faible capacité de gouvernance, d'instabilité
politique et de conflits armés »76. Cette même
étude affirme qu'en dessous de 5,5 barils, les revenus n'ont point
d'impacts positifs sur l'amélioration du cadre de vie des populations,
ce qui peut mener à des conflits armés, comme le constat a
été fait pour le cas du Nigeria, dans le cadre du conflit du
Delta du Niger.
En résumé, Paul Collier affirme qu'une bonne
réglementation pétrolière mise en place pour encadrer la
gestion des revenus pétroliers mène à une
prospérité économique et sociale bénéfique
aux générations actuelles et futures. Toutefois, l'absence d'une
réglementation pétrolière ou une mauvaise application de
cette dernière peut mener à un pillage des ressources
naturelles.
Par conséquent, la réglementation
pétrolière est le socle d'une gestion éthique et
transparente des ressources naturelles, permet d'éviter le syndrome
hollandais dont la principale cause dans les pays africains producteurs de
pétrole, est un manque de transparence dans la gestion des revenus
pétroliers, dû à une corruption constante aidée par
une faiblesse des institutions.
Il serait donc pertinent d'en déduire qu'une simple
bonne réglementation pétrolière n'est pas suffisante. Une
application juste de cette dernière est une nécessité pour
assurer la gestion transparente des revenus pétroliers.
75 Ibidem
76 MYERS, Keith et HOUSE, Chatham. Petroleum,
poverty and security. Royal Institute of International Affairs, 2005.
39
Paragraphe second - La nécessité d'une
application juste de la réglementation
pétrolière
La réglementation s'entend ici par la
législation pétrolière encadrant les activités
pétrolières. Tout pays producteur de pétrole dispose d'une
loi pétrolière qui régit l'amont pétrolier,
c'est-à-dire les activités allant de la prospection à la
production. L'une des problématiques majeures des pays producteurs de
pétrole souffrant du paradoxe de l'abondance résulte d'une
mauvaise application des réglementations pétrolières. Dans
la majorité des cas, la mauvaise application de la loi
pétrolière porte sur les allocations budgétaires et des
financements de développement77, comme en atteste l'exemple
portant sur la construction d'un oléoduc entre le Tchad et le Cameroun
destinée à conjurer la malédiction
pétrolière (A). Cet exemple met parfaitement en
exergue les difficultés à la fois de l'opportunité des
lois pétrolières votées et de la difficulté
à appliquer ces dernières de manière juste
(B).
A- Les allocations budgétaires dans la construction
de l'oléoduc Tchad-Cameroun
La transparence est un moyen visant à lutter contre le
paradoxe de l'abondance grâce à une meilleure gestion des
dépenses publiques. Le cas du Tchad, dans la construction de son
oléoduc le reliant au Cameroun est pertinent dans le sens où il
permet des tirer des enseignements intéressants portant sur l'importance
de la loi pétrolière et l'application de cette
dernière.
Le projet de construction de l'oléoduc Tchad-Cameroun
qui a débuté en 2000 présente un fait inédit dans
le domaine pétrolier. En effet, ce projet a été
financé en partie par la Banque mondiale à hauteur de 4,2
milliards de dollars78. L'objectif de ce projet est de stimuler
l'exportation et la production pétrolière au Tchad. Par
conséquent, la finalité est de réduire la pauvreté
au Tchad en investissant dans les secteurs prioritaires d'améliorer la
transparence dans la gestion des revenus
77 CARBONNIER, Gilles. Comment conjurer la
malédiction des ressources naturelles ?. Institut de hautes
études internationales et du développement, 2007. p.83-90
78 Appui du Groupe de la Banque mondiale au
Programme de développement pétrolier et d'oléoduc
Tchad-Cameroun, Rapport d'évaluation rétrospective du programme,
p.9
40
pétroliers79. Le projet d'oléoduc
consiste en l'exploitation de trois champs pétroliers dans le bassin de
Doba, et dans la construction d'un oléoduc de 1070 kilomètres
reliant les champs pétroliers à un terminal de stockage et de
déchargement situé au Cameroun80. Toutefois, des
réserves sont émises quant aux bénéfices que peut
tirer la population locale, notamment à cause de la corruption dont
l'État tchadien est souvent accusé.
La Banque mondiale a posé comme condition à sa
participation au financement du projet, une nouvelle loi
pétrolière qui assure une meilleure gestion des revenus notamment
dans les secteurs prioritaires afin de conjurer la maladie hollandaise et
réduire la pauvreté81. De facto, elle fournit un
prêt de 41 millions de dollars pour que l'État tchadien puisse
être en capacité de « développer un système de
gestion des revenus et de contrôle financier, sous la forme notamment
d'un soutien financier aux institutions clefs »82.
Sous la pression de la Banque mondiale, le Tchad adopte le 11
janvier 1999 une nouvelle loi pétrolière relative à la
gestion des revenus pétroliers83, modifiée par une loi
du 1er août 200084.
Ladite loi stipule que 80 pour cent des revenus
pétroliers sont destinés aux dépenses relatives aux
secteurs prioritaires85. La loi définit les secteurs
prioritaires comme les secteurs relatifs à la santé publique et
des affaires publiques, l'enseignement, les infrastructures, le
développement rural (agriculture et élevage), l'environnement et
les ressources en eau86. Ensuite, 15 pour cent des revenus sont
destinés à couvrir les dépenses de fonctionnement et
d'investissement courants de l'État, pour une période de cinq ans
à compter de la date de production87. Enfin, 5 pour cent
des
79 Appui du Groupe de la Banque mondiale au
Programme de développement pétrolier et d'oléoduc
Tchad-Cameroun, Rapport d'évaluation rétrospective du programme,
p.8
80 PETRY, Martin et BAMBE, Naygotimti. Le
pétrole tu Tchad : rêve ou cauchemar pour les populations ?.
Karthala Éditions, 2005, p.23-24
81 GARY, Ian et LYNN KARL, Terry. Le fond du
baril : Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic
Relieve Services (CRS), 2003, p.74
82 Ibidem
83 Loi n°0001/PR/99 du 11 janvier 1999,
consultable sur :
http://www.droit-
afrique.com/upload/doc/tchad/Tchad-Loi-1999-01-gestion-des-revenus-petroliers.pdf
84 Loi n°016/PR/2000 du 1er août
2000
85 Article 8 de la loi relative à la gestion
des revenus pétroliers
86 Article 7 alinéa 2 de la loi relative
à la gestion des revenus pétroliers
87 Article 8 b) de la loi relative à la gestion
des revenus pétroliers
41
revenus sont destinés à dédommager les
communautés affectées par la production
pétrolière88.
Une des innovations majeures de la loi porte sur la
création d'un fonds destiné aux générations
futures. En effet, la loi prévoit que 10% des ressources directes
(ressources comprenant les dividendes et redevances)89 soient
déposées et bloquées sur un Compte d'Épargne au
profit des générations futures, conformément à la
Banque des États de l'Afrique Centrale (BEAC)90.
On peut en déduire que la Banque Mondiale s'est
inspirée du modèle norvégien pour créer un
modèle tchadien. Plus précisément, la Norvège est
considérée comme un modèle de gestion transparente de ses
revenus pétroliers, à travers son puissant fonds
souverain91. Pour garantir le bénéfice de sa richesse
pétrolière aux générations futures, elle a
instauré un fonds de stabilisation qui permet de protéger
l'État contre les éventuelles baisses des revenus
pétroliers liés à la baisse des
exportations92.
En théorie, cette nouvelle loi présente des
dispositions juridiques pertinentes relatives à la gestion des revenus
pétroliers. Cependant, des difficultés subsistent sur sa
conception et sur son application malgré la mise en place du
Collège de Surveillance des Ressources (CSR).
B- La difficulté de la mise en oeuvre pratique de la
loi relative à la gestion des revenus pétroliers
La loi pétrolière relative à la gestion
des revenus paraît en pratique être une loi opportune pour
meilleure distribution des richesses visant à diminuer la
pauvreté, afin de conjurer la maladie hollandaise. Toutefois, sa
conception et sa mise en oeuvre restent discutables. La loi
pétrolière n'est efficace que si sa mise en oeuvre est
transparente. Cette dernière doit être garantie par un organe de
contrôle. La loi relative à la gestion des revenus
pétroliers prévoit un organe de contrôle
88 Article 8 c) de la loi relative à la gestion
des revenus pétroliers
89 Article 2 alinéa 3 de la loi relative
à la gestion des revenus pétroliers
90 Article 9 de la loi relative à la gestion
des revenus pétroliers
91 « En Norvège, le puissant fonds souverain n'a
jamais accumulé autant d'argent », Le Figaro économie,
disponible sur :
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/02/28/20002-20180228ARTFIG00006-en-norvege-le-puissant-fonds-souverain-n-a-jamais-accumule-autant-d-argent.php
92 TAMBA, Isaac, TCHATCHOUANG, Jean Claude, et
DOU'A, Raymond. L'Afrique Centrale, le paradoxe de la richesse : industries
extractives, gouvernance et développement social dans les pays de la
CEMAC. Presses universitaires d'Afr, 2007. p.139-140
42
indépendant, le Collège de Contrôle et de
Surveillance des Ressources pétrolières (CCSRP)93.
Cet organe indépendant de contrôle
n'empêche cependant pas le fait que la loi comporte des faiblesses
importantes, notamment dans l'allocation des revenus. En effet, une
première irrégularité est constatée lorsque le
gouvernement tchadien inclut les dépenses militaires dans le volet des
dépenses prioritaires94. Cette action du gouvernement
tchadien viole l'article 2 alinéa 3 qui définit explicitement les
éléments entrant dans le champ des dépenses prioritaires
et desquelles les dépenses militaires sont exclues.
Tout d'abord, il est pertinent de constater que la loi ne
couvre que les trois champs pétroliers de Bolobo, Komé et
Miandoum95 alors qu'aujourd'hui, de nouveaux champs
pétroliers sont explorés au Tchad96. Par
conséquent, des revenus importants risquent de sortir du cadre de la loi
pétrolière. Cela constituerait un danger important, car les
revenus issus des champs pétroliers non prévus par la loi
risquent d'être détournés en toute connaissance de cause et
la population locale en sera la principale victime.
Ensuite, le dédommagement à hauteur de 5 pour
cent aux communautés affectées par la production
pétrolière semble insuffisant. En réalité, les
populations vivant dans les régions pétrolières sont
directement affectées par l'impact de la production de pétrole
comme cela a été constaté dans le Delta du Niger au
Nigeria.
De plus, la loi relative à la gestion des revenus reste
vague dans l'allocation des dépenses régionales et les secteurs
prioritaires. Certes, la loi identifie clairement les secteurs prioritaires
dans son article 7 alinéa 2. Cependant, les affectations des revenus
dans ces domaines prioritaires ne sont ni mentionnées ni
précisées. Par conséquent, dans le domaine de la
santé par exemple, comment sont alloués les revenus ? Doivent-ils
être dépensés dans les dispensaires des régions
rurales, ou plutôt dans un hôpital moderne de la capitale
tchadienne 97? Cette question mérite
93 Article 15 de la loi relative à la gestion
des revenus pétroliers
94 CARBONNIER, Gilles. Comment conjurer la
malédiction des ressources naturelles ?. Institut de hautes
études internationales et du développement, 2007. p.88-90
95 Article 1 de la loi relative à la gestion
des revenus pétroliers
96 « Tchad : second boom pétrolier », Article
du Jeune Afrique, 20 juin 2018, disponible sur :
http://www.jeuneafrique.com/mag/575875/economie/tchad-second-boom-petrolier/
97 GARY, Ian et LYNN KARL, Terry. Le fond du
baril : Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic
Relieve Services (CRS), 2003, p.76-77
43
d'être posée, car le Tchad est un pays
marqué par la discrimination ethnique et régionale98;
cette situation peut constituer un facteur pouvant mener à des conflits
portant sur la redistribution de la rente
pétrolière99.
En outre, l'article 9 de la loi relative aux gestions des
revenus pétroliers prévoit un fonds pour les
générations futures. Ce fonds a généralement pour
objectif de garantir une partie des recettes d'exportation afin de conjurer le
syndrome hollandais, mais aussi préparer la transition
énergétique lorsque les réserves du Tchad
s'épuiseront. Cependant, pour garantir une partie des recettes
d'exportation, la création d'un fonds de stabilisation est
nécessaire afin de contourner le prix aléatoire des cours du
pétrole qui affecterait le fonds pour les générations
futures. Ce fonds de stabilisation n'étant pas compris dans loi relative
à la gestion des revenus, le fonds pour les générations
futures est fortement exposé au cours du pétrole. Par
conséquent, un fonds d'épargne pour les générations
futures doit être accompagné d'un fonds de stabilisation afin de
remédier à la volatilité et à
l'imprévisibilité des recettes
pétrolières100.
Enfin, il est curieux de constater qu'à l'article 8 b)
de la ladite loi, une allocation de 5 pour cent des revenus directs
réservée aux collectivités décentralisées de
la région productrice de pétrole peut faire l'objet d'une
modification par décret présidentiel, et ce tous les cinq ans.
L'opportunité de cette disposition législative peut être
discutable. Cette disposition laisse une marge de manoeuvre assez
conséquente au Président tchadien qui aura la latitude de la
modifier à tout moment. Une telle latitude pourrait laisser place
à la corruption et à une gestion opaque des recettes
pétrolières.
Par conséquent, il serait légitime d'en
déduire que la loi relative à la gestion des revenus
pétroliers n'est pas assez contraignante à l'égard des
décideurs et laisse paraître des flous juridiques quant à
l'allocation des revenus aux secteurs prioritaires et à la gestion du
fonds d'épargne pour les générations futures. De ce point
de vue, les failles apparentes de cette loi dans sa mise en oeuvre
98 NACIRI, Abdelali Bensaghi et BAZIKA,
Jean-Christophe Boungou (ed.). Repenser les économies africaines
pour le développement. African Books Collective, 2010, p.200-202
99 Ibidem
100 DAVIS, Jeffrey, OSSOWSKI, Rolando, DANIEL, James, et
al. Les fonds pétroliers : des problèmes sous couvert de
solutions. Fonds monétaire international, Finance et
Développement, 2001, p.1-4
44
et dans son application montrent une certaine faiblesse
institutionnelle notamment au niveau des organes de contrôle
indépendants qui sont censés veiller à l'application juste
et légale de la loi.
Le Collège de Contrôle et de Surveillance des
Ressources Pétrolières (CCSRP) institué par loi de 1999
relative à la gestion des revenus reflète un organe de
contrôle impuissant face aux volontés politiques du gouvernement.
Ce Collège est composé d'un magistrat membre de la Cour
Suprême, d'un Député, d'un Sénateur, d'un Directeur
National de la BEAC, d'un Directeur du Trésor et de quatre
représentants de la société civile101. Le CCSRP
a pour mission de vérifier la conformité des engagements sur les
comptes spéciaux et l'affectation des fonds102.
Cependant, les opérations du CCSRP semblent mal
définies, car le Collège agit sans mandat clair et parfois le
mandat dont il bénéficie paraît assez étroit pour
lui permettre de mener à bien ses missions qui lui sont
instituées par la loi. De plus, le CCSRP n'est soutenu ni
financièrement ni politiquement pour assurer l'efficacité que la
loi sur la gestion des revenus lui reconnait103. En outre, le CCSRP
éprouve aussi des difficultés à « collecter les
données auprès du Ministère des Finances et de celui du
Pétrole conformément aux textes prévus
»104. Enfin, les recommandations notamment issues celles des
contrôles de passations des marchés publics que le Collège
émet ne sont pas toujours suivies105. Par conséquent,
le Collège doit faire face à de nombreux défis dont la
garantie de l'application de la loi sur la gestion des revenus
pétroliers à tous les champs pétroliers du pays. Dans ses
recommandations, la Banque mondiale exige que le Collège soit en mesure
d'avoir une traçabilité des dépenses effectuées,
mais aussi avoir la capacité de surveiller les procédures
d'acquisition106.
En résumé, les pays africains producteurs de
pétrole sont pour la majorité touchés par le paradoxe
101 Article 16 de la loi relative à la gestion des
revenus
102 Article 18 a) de la loi relative à la gestion des
revenus
103 « Le CCSRP et sa contribution à la surveillance
de l'utilisation des revenus pétroliers au Tchad », NDOUBAHIDI
SAMADINGAR François, 27 décembre 2015 disponible sur :
http://www.croset-td.org/2015/12/le-ccsrp-et-sa-contribution-a-la-surveillance-de-lutilisation-des-revenus-petroliers-au-tchad/
104 Ibidem
105 « Le CCSRP et sa contribution à la
surveillance de l'utilisation des revenus pétroliers au Tchad »,
NDOUBAHIDI SAMADINGAR François, op. cit.
106 Rapport de la Banque mondiale, Proposed Institutional
Reform Credit to the Republic of Chad, p.23-
26
45
de l'abondance, qui est une conséquence du syndrome
hollandais. En outre, un autre facteur explique la difficulté des pays
producteurs à bénéficier pleinement de leurs ressources :
le manque de gestion éthique et transparente des revenus
pétroliers qui ne sont pas investis dans les secteurs prioritaires. Cela
s'explique par la difficulté à mettre en oeuvre de manière
juste les réglementations régies par les lois
pétrolières encadrant les activités
pétrolières et les revenus issus de ces dernières.
Par conséquent, l'industrie pétrolière
sénégalaise qui devra commercialiser ses hydrocarbures est novice
en la matière. De ce point de vue, elle se retrouve dans l'obligation de
tirer les leçons des pays africains producteurs de pétrole afin
que ce dernier puisse bénéficier à l'économie et de
facto, à la population sénégalaise d'aujourd'hui, mais
aussi de demain. En partant de ce constat, il serait pertinent d'analyser le
défi du syndrome hollandais posé à l'industrie
pétrolière sénégalaise (chapitre
second).
46
Chapitre second : L'industrie pétrolière
sénégalaise face au défi du syndrome
hollandais
L'industrie pétrolière
sénégalaise, au regard des difficultés rencontrées
par les pays africains producteurs de pétrole, est soumise au
défi du paradoxe de l'abondance. En effet, le Sénégal a un
potentiel confirmé en hydrocarbures. Son bassin sédimentaire
regorge de gisements pétroliers et de gaz qui font l'objet d'exploration
et d'exploitation commercialisables à partir de 2021107. Ce
potentiel ferait du Sénégal, un des producteurs majeurs de
pétrole et de gaz en Afrique108. Par conséquent,
l'industrie pétrolière sénégalaise ne
bénéficierait pas aujourd'hui de l'expérience
nécessaire pour commercialiser ses hydrocarbures à l'avenir. Ce
constat est normal dans le sens les recherches pétrolières au
Sénégal ayant débuté depuis 1952, laissaient peu
d'espoir à des découvertes de réserves prouvées
pouvant faire l'objet d'une production commercialisable109.
Toutefois, cela n'excluait aucunement le potentiel d'hydrocarbures aussi bien
en zone Onshore qu'en Offshore110.
L'industrie pétrolière
sénégalaise, dans ses activités relatives à
l'amont, est composée d'acteurs issus de l'État, des
institutions, des organisations internationales et de la société
civile. Ces acteurs régissent le fonctionnement de l'industrie
pétrolière et jouent un rôle important d'un point de vue
financier et humain (section 1). Le rôle et la position
de ces différents acteurs dans l'échiquier pétrolier
actuel permettent d'anticiper leur importance face au défi du paradoxe
de l'abondance lié aux découvertes de pétrole et de gaz
(section 2).
107 « Le Sénégal pourrait entrer dans le
top 10 africain des producteurs de gaz », Le Monde Afrique, 4 septembre
2018, disponible sur :
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/09/04/le-senegal-pourrait-entrer-dans-le-top-10-des-producteurs-de-gaz_5350044_3212.html
108 Ibidem
109 DIA, Oumar. Recherche et possibilités
pétrolières du Sénégal. Éthiopiques :
revue socialiste de culture négro-africaine, 1978, n°13, p.
49-56
110 Ibidem
47
Section 1 : Le rôle central et primordial
des acteurs dans l'échiquier pétrolier
sénégalais
Au Sénégal, plusieurs entités
interviennent dans l'amont du secteur pétrolier, c'est-à-dire,
les activités d'exploration et de production. Ces entités ne
jouent pas les mêmes rôles et ne disposent pas de
prérogatives similaires. Par conséquent, ces acteurs n'exercent
pas la même influence sur le secteur de l'amont pétrolier.
Certains acteurs sont prévus par le code pétrolier
sénégalais111 et son décret
d'application112 (paragraphe premier) tandis que
les acteurs internationaux s'ajoutent au secteur de l'amont pétrolier
(paragraphe second).
Paragraphe premier - Le rôle clé des
acteurs prévus par le code pétrolier et son décret
d'application
Le code pétrolier de 1998 et son décret
d'application prévoient l'encadrement de l'amont pétrolier par la
présence de divers acteurs. Les acteurs principaux sont les compagnies
pétrolières internationales dont la présence est assez
importante sur le bassin sédimentaire sénégalais
(A). En outre, les acteurs étatiques et institutionnels
viennent s'y ajouter et ils constituent le socle de l'amont pétrolier
(B).
A- Une présence importante des compagnies
pétrolières internationales
Au Sénégal, l'activité
pétrolière et gazière s'organise autour des phases de
recherche, de découverte, de développement et
d'exploitation113. La Lettre de Politique de Développement du
Secteur de l'Énergie (LPDSE) affirme qu'en phase d'exploration, le
domaine minier sénégalais est divisé en dix-huit
blocs114 dont quinze ont été attribués en zone
Onshore et Offshore aux
111 Loi 98-05 du 8 janvier1998 portant code pétrolier
(consultable à l'annexe)
112 Décret d'application n°98-810 du 6 octobre
1998 fixant les modalités et conditions d'application de la loi
n°98-05 du 08 janvier 1998 portant code pétrolier (consultable
à l'annexe)
113 Article premier du code pétrolier de 1998
114 Lettre de Politique de Développement du Secteur de
l'Énergie, Situations et contraintes du sous-secteur des hydrocarbures,
p.3
48
compagnies pétrolières internationales. En
effet, le Ministre en charge des opérations pétrolières
peut décider de découper le territoire de la République du
Sénégal en blocs115.
La cartographie suivante présente les différents
blocs pétroliers divisés et octroyés aux
différentes compagnies pétrolières :
Source : Cartographie sur l'aperçu du secteur des
hydrocarbures au Sénégal consultable sur
http://itie.sn/apercu-du-secteur-2/
Selon la cartographie ci-dessus, la majorité des blocs
pétroliers sont octroyés à des compagnies
115 Article 5 du décret d'application n°98-810 du 6
octobre 1998 fixant les modalités et conditions d'application de la loi
n°98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier
49
étrangères, en vertu du code
pétrolier116. De plus, ces dernières sont des
compagnies juniors, car de nos jours, les compagnies majors s'investissent de
moins en moins dans la phase d'exploration. Les compagnies majors
préfèrent laisser les compagnies juniors ou indépendantes
supporter les risques inhérents à cette étape. Ce
processus permet aux majors, une fois qu'il y a une découverte
commercialisable, de négocier leur entrée sous forme de
joint-venture ou de contrat d'affermage, à défaut d'avoir
racheté les permis qui leur permettraient d'exploiter les blocs
pétroliers et gaziers. Par conséquent, cette présence
importante des compagnies s'inscrit dans une pratique courante du monde
pétrolier.
La présence importante des compagnies
étrangères peut s'expliquer d'un point de vue financier. En
effet, l'État du Sénégal représenté par la
Société des Pétroles du Sénégal (PETROSEN)
doit financer les secteurs prioritaires comme la santé,
l'éducation et les infrastructures. Ainsi, il n'a pas les moyens
d'investir dans l'exploration pétrolière qui est une
opération onéreuse pouvant s'élever à des dizaines
de millions d'euros. Par conséquent, il a besoin de l'expertise
technologique des compagnies étrangères afin d'assumer
l'exploration, qui est une activité dont les investissements sont
risqués et sont souvent effectués à perte.
Au-delà des activités d'exploration et de
production, les compagnies pétrolières sont aussi chargées
de réaliser des dépenses de responsabilité
sociétale des entreprises (RSE) au sein des communautés ou toute
autre personne impactée par les opérations
pétrolières117.
Les compagnies pétrolières internationales sont
soumises aux lois et règlements sénégalais en
vigueur118. Ces sociétés légalement
constituées ont des parts sociales avec des actions ne sont pas en
majorité détenues par l'État du Sénégal,
mais plutôt par des capitaux privés nationaux ou internationaux.
Ce dernier cas est le plus courant119.
Par conséquent, les compagnies
pétrolières internationales constituent un des piliers majeurs de
l'amont pétrolier sénégalais. Sans leurs capacités
techniques et financières, le Sénégal ne saurait exploiter
son potentiel en hydrocarbures.
116 Article 5 du code pétrolier de 1998
117 Article 52 du code pétrolier de 1998
118 Article premier du code pétrolier de 1998
119 Ndao, Fary. L'or noir du Sénégal :
Comprendre l'industrie pétrolière et ses enjeux au
Sénégal, Essai, 2018, p. 69-71
50
B- Des acteurs étatiques jouant un rôle
capital dans l'organisation et le fonctionnement l'industrie
pétrolière sénégalaise
Le principal acteur dans l'organisation et le fonctionnement
de l'industrie pétrolière sénégalaise est le
Président de la République. Ce dernier occupe un
rôle majeur dans l'architecture législative
pétrolière. En effet, la loi pétrolière lui
confère le pouvoir d'autoriser une ou plusieurs personnes physiques ou
morales de son choix, de nationalité sénégalaise ou
étrangère, à entreprendre des opérations
pétrolières dans son sous-sol120. De plus, il
bénéficie de la compétence légale pour autoriser le
renouvellement des permis de recherches par décret, en phase
d'exploration121 et la prorogation d'une concession d'exploitation
d'hydrocarbures en phase d'exploitation122.
Ainsi, le Président de la République occupe une
place centrale dans l'arsenal législatif pétrolier au
Sénégal, car il approuve par décret présidentiel,
tout contrat pétrolier liant l'État du Sénégal aux
compagnies pétrolières123. En somme, aucun contrat
pétrolier n'est réputé valable que s'il est
approuvé par un décret présidentiel signé et
publié au Journal Officiel124.
Ensuite, vient le Ministère du Pétrole
et des Énergies. Il s'occupe des démarches
administratives relatives aux demandes, à l'octroi et au renouvellement
des contrats pétroliers125. Le Ministère du
Pétrole et des Énergies émet des rapports sur lesquels le
Président de la République se fonde pour signer les
décrets qui valident les contrats pétroliers. De plus, il lui
revient de valider les travaux d'exploration des compagnies
pétrolières prévus par le code
pétrolier126.
En outre, la Direction des Hydrocarbures a
pour mission de surveiller les opérations pétrolières.
120 Article 5 du code pétrolier de 1998
121 Article 16 du code pétrolier de 1998
122 Article 27 du code pétrolier de 1998
123 Article 3 du décret n°98-810 du 06 octobre
1998 fixant les modalités et conditions d'application de la loi
n°98-05 du 08 janvier 1998 portant Code pétrolier
124 Article 34 du code pétrolier de 1998
125 Article 7 du décret n°98-810 du 06 octobre
1998 fixant les modalités et conditions d'application de la
loin°98-05 du 08 janvier 1998 portant Code pétrolier
126 Article 17 alinéa 2 du code pétrolier de
1998
Le Ministère du Pétrole et des Énergies
est donc un acteur clé dans l'amont pétrolier
sénégalais. Elle est en étroite collaboration avec les
compagnies pétrolières pendant tout le processus des
activités pétrolières allant de l'exploration à la
production.
Enfin, le dernier pilier de l'architecture
pétrolière est la Société des
Pétroles du Sénégal (PETROSEN). C'est la
société nationale pétrolière du
Sénégal. Elle intervient aussi bien dans l'amont que dans l'aval
pétrolier sénégalais. La PETROSEN est une
société anonyme détenue à 99 pour cent par
l'État du Sénégal et 1 pour cent par la
Société Nationale de Recouvrement (SNR)127. Elle est
sous tutelle du Ministère du Pétrole et des Énergies et a
pour principal objectif d'appliquer la politique pétrolière du
Sénégal notamment dans la promotion de son bassin
sédimentaire128.
La PETROSEN joue un rôle technique dans l'amont
pétrolier. En effet, elle représente l'État dans les
relations contractuelles liant ce dernier aux compagnies
pétrolières129. De plus, elle a des relations
techniques avec les compagnies pétrolières internationales en
intervenant pour le compte de l'État « dans les opérations
relatives à la production, au traitement, à la transformation,
à la mise en valeur et au transport des hydrocarbures
»130. Elle assure enfin le suivi technique et le contrôle
des opérations pétrolières.
Les compagnies pétrolières et les acteurs
étatiques sénégalais jouent un rôle clé dans
le fonctionnement de l'amont pétrolier sénégalais. En
effet, chaque entité a des compétences précises et
nécessaires au bon fonctionnement de l'industrie
pétrolière sénégalaise. Par conséquent ces
acteurs sont non négligeables et constituent le socle de l'amont
pétrolier.
51
127 Statuts de la PETROSEN, Article 6
128 Statuts de la PETROSEN, Article 2
129 Rapport de conciliation de l'ITIE, 2015, p.46
130 Ibidem
52
Paragraphe second - Le rôle majeur des acteurs
internationaux dans les mécanismes de transparence
Le fonctionnement de l'industrie pétrolière
sénégalaise est complété par la présence
d'acteurs internationaux qui, bien que n'étant pas impliqués de
manière directe ou indirecte dans l'amont pétrolier
sénégalais, jouent un rôle important notamment en
matière de transparence. La Banque Mondiale assure sa présence
dans l'échiquier pétrolier par le biais de sa participation
financière dans les projets de développement
(A). Ensuite, le Comité National pour l'Initiative sur
la Transparence des Industries Extractives (CN-ITIE) est chargé
d'assurer la transparence des recettes pétrolières
(B).
A- Le rôle indirect de la Banque Mondiale dans
l'architecture pétrolière sénégalaise
La Banque mondiale est une institution attachée
à l'Organisation des Nations-Unies (ONU). Elle dispose de plusieurs
institutions financières qui octroient des prêts, conseillent les
pays en développement dans les projets de développement.
La Banque mondiale est un acteur indirect dans l'industrie
pétrolière au Sénégal. En ce sens, il ne participe
certes pas aux activités relatives à l'amont pétrolier,
mais contribue au projet de développement du Sénégal, sur
un point de vue financier. En effet, par le biais d'une de ses institutions
financières, qui est l'Association Internationale de
Développement (IDA), un prêt d'un montant de 29 millions de
dollars a été accordé à l'État du
Sénégal en juillet 2017131.
Ce prêt a pour objectif de financer l'appui aux
négociations des projets pétroliers et gaziers complexes, et le
renforcement des capacités institutionnelles de l'État du
Sénégal132. En d'autres termes, il s'agit de soutenir
l'État pour qu'il puisse mobiliser les capacités
nécessaires à la mise en oeuvre des projets pétroliers et
gaziers.
Le renforcement des capacités institutionnelles de
l'État du Sénégal consistera à la formation
131 « La Banque mondiale va aider le
Sénégal à négocier des projets pétroliers et
gaziers complexes », Banque mondiale, 31 mai 2007, disponible sur :
http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/05/31/world-bank-to-help-senegal-negotiate-complex-oil-gas-projects
132 Ibidem
53
technique destinée aux agents de la PETROSEN, au
CN-ITIE, au COS-PETROGAZ et aux ministères éventuellement
liés au domaine pétrolier et gazier.
La Banque mondiale, comme elle l'a démontré dans
ses divers projets d'investissements au Tchad par exemple, montre par sa
présence dans l'industrie pétrolière au
Sénégal, qu'elle est un acteur assez important. En d'autres
termes, en finançant la formation des agents sénégalais
issus de différentes entités étatiques, la Banque mondiale
devient donc un acteur considérable dans l'amont pétrolier
sénégalais. Les formations dispensées permettront d'avoir
un transfert de compétences bénéfique à l'industrie
pétrolière.
Par conséquent, la Banque mondiale joue un rôle
clé dans le développement du pétrole et du gaz au
Sénégal en octroyant un prêt pour les projets
pétroliers et gaziers. Enfin, elle sert de mécanisme de
transparence dans son objectif de renforcement des capacités
institutionnelles de l'État du Sénégal.
B- L'ITIE et le CN-ITIE dans la gestion des recettes
pétrolières
L'ITIE est une organisation internationale dont la
création et le rôle sont déjà mentionnés en
introduction. L'ITIE répond principalement à deux enjeux.
Premièrement, elle a pour priorité de maintenir
et promouvoir la stabilité et la paix dans les pays en
développement producteurs de pétrole en mettant l'accent sur un
ordre économique libéral et un système politique
démocratique133.
Enfin, l'ITIE a pour objectif de promouvoir le
développement économique et la lutte contre la pauvreté
dans les pays riches en ressources naturelles134.
L'ITIE, est donc un acteur international clé visant
à réguler les activités pétrolières dans les
pays producteurs afin que le pétrole favorise un développement
socio-économique profitable aux populations locales.
133 CARBONNIER, Gilles. Les négociations multi-parties
prenantes : l'exemple de l'Initiative de la transparence des industries
extractives. Relations internationales, 2008, n°4, p.101-113.
134 Ibidem
54
La régulation des activités
pétrolières par l'ITIE se traduit par la mise en place d'une
norme contraignante que tout adhérent doit mettre en oeuvre au niveau
local. La norme ITIE porte sur la transparence relative à la publication
des contrats pétroliers, la publication des paiements entre les
compagnies pétrolières et l'État propriétaire de
son sous-sol, et enfin sur la publication des recettes issues du pétrole
et du gaz.
De plus, l'ITIE inclut la société civile dans
son processus. En effet, la société civile est souvent
négligée dans les processus relatifs à la gestion des
hydrocarbures. En incluant la société civile, l'ITIE souhaite que
cette dernière soit un relais fiable vis-à-vis de la population
locale. Par conséquent, le gouvernement doit « garantir un
environnement propice à la participation de la société
civile, eu égard aux lois, règlements et règles
administratives pertinents »135.
Le Sénégal ayant adhéré à
cette norme a mis en place le Comité national pour l'initiative sur la
transparence des industries extractives (CN-ITIE). Ce comité est une
entité créée par décret 2013881 du 20 juin 2013. Il
a pour objectif de publier régulièrement toutes les recettes
tirées de l'exploitation des industries extractives ainsi que les
paiements versés à l'État par les compagnies
pétrolières136.
La transparence dans le secteur des hydrocarbures constitue un
enjeu majeur pour l'État du Sénégal. En adhérant
à l'ITIE, le Sénégal prouve qu'il veut être soumis
à une obligation de résultat dans la gestion des revenus
tirés de l'exploitation du pétrole et du gaz.
Section 2 : Les enjeux de l'industrie
pétrolière du Sénégal face aux découvertes
de pétrole et de gaz
La découverte de pétrole et de gaz
commercialisables probablement vers 2021-2022 confirme « le potentiel
géologique du bassin sénégalais. Ces découvertes
ont modifié les perspectives
135 Rapport ITIE, La norme ITIE 2016, p.41, consultable sur :
https://eiti.org/sites/default/files/documents/french_eiti_standard_3.pdf
136 Article 2 du Décret n°2013-881 du 20 juin 2013
portant création, organisation et fonctionnement du Comité
national de l'Initiative pour la Transparence dans les Industries
Extractives.
55
économiques ainsi que les priorités en
matière de réformes au niveau du secteur »137.
L'enjeu relatif à l'exploitation du pétrole et
du gaz porte essentiellement sur la gestion responsable des revenus
pétroliers dont le Comité d'Orientation Stratégique du
Pétrole et du Gaz (COS-PETROGAZ) en assure la régularité
au niveau institutionnel (paragraphe premier). La mise en
place du COS-PETROGAZ, bien qu'elle paraisse pertinente dans l'esprit et dans
les objectifs de transparence élaborés par le gouvernement
sénégalais, présente des insuffisances dans la composition
de ses membres, avec une société civile exclue, ce qui ouvrirait
la voie à un manque d'indépendance et de transparence dans la
gestion et la répartition des revenus pétroliers
(paragraphe second).
Paragraphe premier Ð La composition et le
rôle central du COS-PETROGAZ dans la définition des orientations
stratégiques du secteur des hydrocarbures
Le COS-PETROGAZ est un acteur essentiel de l'amont
pétrolier sénégalais. Il est majoritairement
composé de membres du gouvernement, ce qui lui confère un pouvoir
central (A) dans son rôle de régulateur dans la
définition des orientations stratégiques relatives au secteur des
hydrocarbures (B).
A- Une composition du COS-PETROGAZ centralisée vers
le gouvernement
Le décret n°2016-1542 du 3 octobre 2016 portant
création et fixant les règles d'organisation et de fonctionnement
du Comité d'Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz
(COS-PETROGAZ), institue le COS-PETROGAZ138. À la lecture du
décret dans sa globalité, un constat s'impose : les membres du
COS-PETROGAZ sont essentiellement issus du gouvernement. En effet, le
COS-PETROGAZ comprend le Premier Ministre, le Ministre chargé
137 Rapport, Plan Stratégique de l'ITIE (2017-2021),
p.14-15.
138 Article premier du décret n°2016-1542 du 3
octobre 2016 portant création et fixant les règles d'organisation
et de fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du
Pétrole et du Gaz
56
du suivi du Plan Sénégal Émergent (PSE),
le Ministre de l'Intérieur et de la Sécurité Publique, le
Ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais
de l'Extérieur, le Ministre des Finances et du Plan, le Ministre de
l'Énergie et du Développement des Énergies renouvelables,
le Ministre de l'Industrie et des Mines, le Ministre de l'Environnement et du
Développement durable, le Ministre de la Pêche et de
l'Économie Maritime139. Un représentant de
l'Assemblée nationale et un représentant du haut conseil des
collectivités territoriales sont également membres du
COS-PETROGAZ140.
La composition du COS-PETROGAZ est donc centrale. Le
Comité est donc sous l'autorité directe du Président de la
République. De plus, le budget du COS-PETROGAZ est greffé
à celui de la Présidence de la République141.
Enfin, dans le cadre de la mise en oeuvre des délibérations du
COS-PETROGAZ, le ministère de l'Énergie crée une
unité d'exécution et de gestion du Comité d'Orientation
stratégique du pétrole et du gaz (GES-PETROGAZ)142.
Cependant, un organe aussi stratégique comme le
COS-PETROGAZ ne dispose que d'un seul et unique membre du Parlement. Ceci
pourrait être discutable, car cet organe devrait avoir une meilleure
représentation parlementaire concernant l'ensemble de la population
sénégalaise. En effet, le Parlement devrait jouir d'un droit de
regard sur la gestion du pétrole et du gaz au Sénégal.
Plus précisément, une disposition législative devrait
être adoptée afin d'accroître le nombre de parlementaires
membres du COS-PETROGAZ.
En outre, le COS-PETROGAZ dont un des objectifs principaux est
d'assurer « le suivi de la bonne gestion du sous-secteur des hydrocarbures
»143 ne bénéficie pas d'une autonomie
139 Article 3 du décret n°2016-1542 du 3 octobre
2016 portant création et fixant les règles d'organisation et de
fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du
Pétrole et du Gaz
140 La liste exhaustive des membres du COS-PETROGAZ est
disponible sur :
http://itie.sn/exclusif-voici-le-decret-portant-creation-et-fixant-les-regles-dorganisation-et-de-fonctionnement-du-cos-petrogaz/
141 Article 6 du décret n°2016-1542 du 3 octobre
2016 portant création et fixant les règles d'organisation et de
fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du
Pétrole et du Gaz
142 Article 7 du décret n°2016-1542 du 3 octobre
2016 portant création et fixant les règles d'organisation et de
fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du
Pétrole et du Gaz
143 Article 2 du décret n°2016-1542 du 3 octobre
2016 portant création et fixant les règles d'organisation et de
fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du
Pétrole et du Gaz
57
financière, ce qui remet en cause le caractère
indépendant de l'organe, car ce dernier tire son budget de l'État
du Sénégal en vertu de l'article 6 dudit décret.
B- Un organe ayant le rôle de régulateur de
l'industrie pétrolière sénégalaise
Le COS-PETROGAZ a pour objectif « d'assister le
Président de la République dans la définition, la
supervision, l'évaluation et le contrôle de la mise en oeuvre de
la politique nationale en matière de développement de projets
pétroliers et gaziers, d'assister le gouvernement dans la mise en oeuvre
des stratégies, des programmes et projets pour la promotion et le
développement de projets pétroliers et gaziers, d'assurer le
suivi de l'évaluation des réserves stratégiques et de la
commercialisation des hydrocarbures, de valider en dernier ressort, toutes les
études relatives aux réserves de gaz et de pétrole, ainsi
que les gisements à développer [É] et impulser, en rapport
avec les ministères et structures publics impliqués, ainsi que
les partenaires techniques et financiers nationaux, bilatéraux,
multilatéraux et privés, la mobilisation de l'assistance
technique et des financements des programmes et projets de promotion des
sous-secteurs pétrolier et gazier »144.
Le COS-PETROZ a donc pour mission principale de réguler
l'activité pétrolière en participant à la mise en
oeuvre et à l'élaboration des orientations stratégiques
liées à l'exploitation des hydrocarbures au
Sénégal.
En validant en dernière instance les projets
pétroliers et gaziers ainsi que les gisements à
développer, et en assurant le suivi relatif aux recettes
pétrolières, le COS-PETROGAZ joue un rôle central dans sa
compétence de prise de décision qui lui est reconnue par le
décret du 3 octobre 2016.
En théorie, la mise en place du COS-PETROGAZ est
pertinente, car ce dernier permet de réguler en partie certaines
activités pétrolières. Cependant, la composition des
membres du COS-PETROGAZ, peut être améliorée. En effet, la
société civile, étant un pilier dans la régulation
de
144 Ibidem
58
l'industrie pétrolière, devrait
bénéficier d'une participation active dans les missions
assignées au COS-PETROGAZ.
Paragraphe second - Le rôle
négligé de la Société civile dans
l'élaboration des orientations stratégiques relatives à la
gestion des hydrocarbures
La société civile regroupe une grande
diversité de citoyens et d'acteurs jouant un rôle influent dans
l'information et la transparence dans le secteur des hydrocarbures. Par le
biais de l'analyse du décret n°2016-1542 du 3 octobre 2016 portant
création et fixant les règles d'organisation et de fonctionnement
du Comité d'Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz,
la composition des membres du COS-PETROGAZ n'inclut point la
société civile qui est un organe de plus en plus influent dans le
domaine pétrolier. La composition du COS-PETROGAZ paraît peu
diversifiée (A). La société civile semble
être négligée alors que dans les pays producteurs de
pétrole qui constituent un modèle comme par exemple le Ghana en
Afrique de l'Ouest, cette dernière y est très influente dans son
rôle de régulateur (B).
A- Une composition du COS-PETROGAZ peu diversifiée
négligeant la société civile et allant à l'encontre
des obligations communautaires du Sénégal
La société civile est un acteur de
régulation dans une industrie pétrolière, car elle
contribue à la solidité institutionnelle permettant un
modèle de gestion du pétrole et du gaz profitable aux
générations actuelles et futures145. Cependant, dans
la composition du COS-PETROGAZ, la présence de la société
civile y est inexistante.
Il ne s'agit point de remettre en cause la composition du
COS-PETROGAZ. Toutefois, elle peut être améliorée en ayant
un caractère plus inclusif. En effet, la Loi constitutionnelle
n°2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution,
prévoit la reconnaissance de nouveaux droits
145 PELLERIN, Mathieu. Ghana and the Oil Sector : Beyond the
Resource Curse ?. 2015. p.6-8
59
aux citoyens notamment le droit des citoyens sur leurs
ressources naturelles146. En vertu de la Constitution de 2001,
« les ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont
utilisées pour l'amélioration de ses conditions de vie.
L'exploitation et la gestion des ressources naturelles doivent se faire dans la
transparence et de façon à générer une croissance
économique, à promouvoir le bien-être de la population en
général et à être écologiquement durables
». La reconnaissance des droits dits « nouveaux » devrait
donc s'apparenter à une meilleure représentation du
COS-PETROGAZ.
Qui plus est, la société civile devrait y jouer
un rôle majeur à l'image des autres membres du COS-PETROGAZ. En
d'autres termes, négliger la société civile dans la
définition des orientations stratégiques relatives au
pétrole et au gaz, c'est priver de la population locale d'un relai
essentiel entre cette dernière et les décideurs
étatiques.
Inclure la société civile dans les orientations
relatives aux hydrocarbures relève d'une obligation à laquelle la
République du Sénégal doit se soumettre. Plus
précisément, le Sénégal a adhéré
à la Communauté Économique des États de l'Afrique
de l'Ouest (CEDEAO) en ratifiant le 8 juillet 1977, le Traité de Lagos
du 21 mai 1975 instituant la CEDEAO147. Cette dernière est
une organisation intergouvernementale de l'Afrique de l'Ouest dont l'objectif
de créer et de promouvoir la coopération et l'intégration
économique et monétaire ouest-africaine.
Dans le cadre de ses prérogatives, la CEDEAO a
adopté une directive portant sur l'harmonisation des principes
directeurs et des politiques dans le secteur minier148. Elle
préconise une amélioration de la transparence dans la mise en
oeuvre de la politique minière à travers la
sous-région149 pour favoriser un développement
socio-économique. Le Sénégal a adhéré
à ladite directive tout en partageant la « Vision pour l'Industrie
Minière en Afrique » adoptée par les
146 Loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016
portant révision de la Constitution, exposé des motifs, p.1-2.
147 Accords, conventions et protocoles de la CEDEAO
ratifiés par le Sénégal, disponible sur :
http://www.diplomatie.gouv.sn/sites/default/files/accords-conventions-et-protocoles-de-la-cedeao-ratifies-par-le-senegal.pdf
148 Directive C/DIR du 3/05/09 en date du 27 mai 2009 portant
sur l'harmonisation des principes directeurs et de politiques dans le secteur
minier.
149 Article 2 Directive C/DIR du 3/05/09 en date du 27 mai
2009 portant sur l'harmonisation des principes directeurs et de politiques dans
le secteur minier.
60
chefs d'État et de Gouvernement de l'Union Africaine
(UA) et qui préconise « une exploitation transparente,
équitable et optimale des ressources minières en tant que
fondement d'une croissance durable et d'un développement
socio-économique généralisée en Afrique
»150.
La transposition par le Sénégal de la directive
C/DIR du 3/05/09 portant harmonisation des principes directeurs et de
politiques dans le secteur minier implique le respect strict des obligations
qui incombent à l'État. En effet, la directive, dans le cadre de
ses objectifs relatifs à la transparence dans la gestion des ressources
naturelles, reconnaît « l'importante contribution de la
Société civile dans le droit des communautés locales
à une participation citoyenne à leur développement
»151. De plus, l'obligation d'inclure la Société
civile incombe à tout État membre, dont le Sénégal,
lorsqu'il s'agit de concertations avec un État et les titulaires de
droits miniers en vue d'assurer une collaboration fructueuse durant les
activités relatives à l'exploitation152.
L'État du Sénégal devrait par
conséquent se conformer à la directive de la CEDEAO en
conférant une place plus importante à la Société
civile dans le cadre des concertations et des définitions des
orientations stratégiques relatives à l'amont pétrolier du
Sénégal.
En d'autres termes, si le COS-PETROGAZ est essentiellement
composé des membres de l'exécutif, cela voudrait dire qu'il y
aurait une volonté manifeste de ne pas entreprendre des actions de bonne
gouvernance et de transparence. Par conséquent, cela pose le
problème du contrôle du COS-PETROGAZ. Donc, le manque de
présence de la Société civile dans le comité est
une lacune juridique que le Sénégal doit corriger. Ainsi, si la
directive de la CEDEAO fait référence à l'importance de la
société Sénégal, l'Etat du Sénégal ne
devrait pas occulter ladite directive et cette dernière devrait
être prise en compte dans la composition de certains organes qui
entreprennent des actions stratégiques dans le domaine du
développement et de la gestion des ressources naturelles.
150 African Mining Vision, Février 2009, consultable sur
:
http://www.africaminingvision.org/amv_resources/AMV/Africa_Mining_Vision_English.pdf
151 Préambule de la Directive C/DIR du 3/05/09 en date
du 27 mai 2009 portant sur l'harmonisation des principes directeurs et de
politiques dans le secteur minier
152 Article 16 alinéa 4 de la Directive C/DIR du
3/05/09 en date du 27 mai 2009 portant sur l'harmonisation des principes
directeurs et de politiques dans le secteur minier
61
La Société civile est donc un organe de
régulation prépondérant au sein d'un pays producteur de
pétrole. L'objectif de transparence dans la gestion des ressources
naturelles ne peut être rempli sans sa présence. L'exemple du
Ghana en Afrique de l'Ouest, pays producteur de pétrole, confirme
l'importance de la société civile dans la régulation des
activités pétrolières.
B- L'exemple d'une Société civile experte et
influente : Le cas du Ghana
Le Ghana est considéré comme un pays producteur
de pétrole disposant d'importantes ressources pétrolières
et dont la production fut retardée par un différend sur la
délimitation de la frontière maritime l'opposant à la
Côte d'Ivoire. Le Tribunal International du Droit de la Mer (TIDM) saisi
du différend a estimé que « le Ghana n'a pas violé
les droits souverains de la Côte d'Ivoire »153.
Quatre ans après les premières productions
pétrolières, le Ghana fait figure de modèle à
l'échelle du continent africain grâce à sa solide
architecture institutionnelle qui lui permet une régulation efficace de
l'utilisation des recettes pétrolières154. La
Société civile n'est pas étrangère à la
solidité institutionnelle du Ghana. Pour preuve, la
Société civile est un acteur influent dans la gestion des
recettes pétrolières du Ghana. La constitution ghanéenne
de 1982 consacre le droit de l'activisme fondé sur la défense des
droits et la liberté d'association dans les processus de
développement mis en oeuvre par l'État155.
Dans le cadre des objectifs de transparence dans la gestion
des revenus pétroliers, la Société civile ghanéenne
a joué un rôle important dans la création du Public
Interest and Accountability Committee (PIAC). Ce dernier a été
instauré par la section 51 du Petroleum Revenue Management de
2011156. L'objectif du PIAC est « d'évaluer si le
gouvernement et les autres institutions concernées par l'utilisation des
revenus pétroliers respectent les textes du PRMA,
153 Différend relatif à la délimitation
de la frontière maritime entre le Ghana et la Côte d'Ivoire dans
l'océan atlantique, p.190-193
154 PELLERIN, Mathieu. Ghana and the Oil Sector: Beyond the
Resource Curse?. 2015. p.2
155 Article 37-2A de la Constitution de 1996 de la
République du Ghana, disponible sur :
http://www.ghana.gov.gh/images/documents/constitution
ghana.pdf
156 PELLERIN, Mathieu. Ghana and the Oil Sector: Beyond the
Resource Curse?. 2015. p.16
62
notamment sur la cohérence des dépenses avec les
priorités de développement nommément listées par le
PRMA. Le PIAC a pour obligation de publier un rapport semestriel, ainsi qu'un
rapport annuel sur l'utilisation qui a été faite des recettes
pétrolières, en plus de tenir des séances de restitution
publiques afin d'alimenter le débat public »157. Le PIAC
constitué majoritairement des membres de la société civile
est un organe assurant le suivi et l'évaluation de revenus et recettes
pétrolières.
La participation de la société civile dans le
suivi et l'évaluation des revenus pétroliers illustre la
maturité et l'influence qu'elle exerce au niveau des orientations
stratégiques que met en place l'État du Ghana. De plus, la
Société civile a été influente dans l'adoption de
la loi relative aux énergies renouvelables et celle portant sur la
gestion des recettes pétrolières158. Il s'agit d'un
organe si capital, qu'il a eu le pouvoir de s'opposer à la
faculté offerte au gouvernement de nommer un représentant de la
Ghana National Petroleum Corporation (GNPC) au sein de la National Petroleum
Commission (NPC). La Société civile considérait qu'il y
aurait un possible conflit d'intérêt du fait que la GNPC est le
principal opérateur dans l'exécution des activités
pétrolières.
Par conséquent, l'exemple du Ghana illustre
l'importance de la Société civile dans les orientations
stratégiques portant sur la gestion des revenus du pétrole et du
gaz. Par conséquent, la Société civile est un acteur de
régulation qui a un rôle de garde-fou dans la gestion
éthique et transparente des ressources du pétrole et du gaz.
Le Sénégal pourrait de ce fait s'inspirer du
modèle ghanéen et garantir par le biais d'une disposition
législative, la participation de la société civile, dans
les activités pétrolières, car elle est devenue un
régulateur incontournable dans la gestion des hydrocarbures.
157 Ibidem
158 PELLERIN, Mathieu. Op. cit.
63
Conclusion partielle
L'analyse de la première partie a illustré le
phénomène du paradoxe de l'abondance dans les pays africains
producteurs de pétrole. Elle a mis en exergue les effets du syndrome
hollandais dans les pays dont l'économie est entièrement
dépendante de la rente pétrolière, au profit d'un
délaissement des secteurs économiques prioritaires. D'un point de
vue strictement juridique, l'analyse effectuée a mis en lumière
l'importance de la mise en oeuvre et de l'application des législations
pétrolières dans la gestion éthique des ressources
naturelles. En effet, les études de cas portant sur le Nigéria et
le Tchad et relatifs à la gestion des revenus pétroliers, ont
prouvé qu'une mauvaise application des législations
pétrolières a mené de facto à une mauvaise gestion
des revenus pétroliers et cela a pour conséquence, le syndrome
hollandais.
Par conséquent, la théorie de Paul
Collier selon laquelle un cadre juridique insuffisant dans la gestion des
ressources naturelles mène à un pillage celles-ci
s'applique pour le Nigeria et le Tchad qui n'ont pu conjurer la
malédiction des ressources naturelles du fait d'une mauvaise application
de leurs législations pétrolières respectives. En un mot,
un pillage des ressources naturelles est un frein au développement, car
ne profitant point aux populations locales : les recettes de l'Etat augmentent,
mais le taux pauvreté s'accroit en parallèle.
Ensuite, dans le cadre d'une gestion des ressources
naturelles, les acteurs étatiques et institutionnels jouent un
rôle prépondérant dans la régulation des
activités pétrolières. Cependant, le rôle
considérable de la Société civile ne saurait être
occulté. Le cas du Sénégal, qui dans son COS-PETROGAZ, ne
dispose d'aucun membre de la Société civile dans la composition
dudit comité, remet en cause l'importance de la Société
civile. Le cas du Ghana a montré qu'une Société civile
impliquée dans les orientations stratégiques relatives à
la gestion des revenus pétroliers assure une gestion éthique de
ces derniers.
En résumé, une réglementation juste et
appliquée légalement est nécessaire pour une gestion
éthique et transparente du pétrole et du gaz. De plus,
réguler l'industrie pétrolière du Sénégal,
implique un renforcement juridique des prérogatives de la
Société civile notamment dans la gestion des revenus
pétroliers.
64
Partie 2 : Un renforcement du cadre légal
relatif à l'industrie pétrolière garantissant une gestion
transparente du pétrole et du gaz
La Société civile est un acteur de
régulation de l'industrie pétrolière. Cependant, la
régulation pétrolière s'étend à l'amont
pétrolier. En d'autres termes, réguler l'industrie
pétrolière sénégalaise implique d'analyser la
législation pétrolière du Sénégal, qui est
la pierre angulaire de l'amont pétrolier. En effet, une analyse de la
législation pétrolière permettra de relever les
éventuelles lacunes que la nouvelle législation (qui fera l'objet
d'un projet de loi dans les prochaines semaines) devra combler.
Étudier et analyser l'amont pétrolier
sénégalais serait pertinent. En effet, une bonne gestion du
pétrole et du gaz nécessite que l'amont pétrolier, qui est
le fondement de toute activité pétrolière fonctionne dans
un cadre légal juste et bien défini. Plus
précisément, si le cadre juridique encadrant l'amont
pétrolier est insuffisant, alors la gestion opaque des revenus issus de
l'amont serait inévitable.
L'amont pétrolier porte sur les activités
d'exploration et de production. Dans le cadre de ces activités, les
relations contractuelles relatives au choix des compagnies internationales
opérant sur le bassin sédimentaire sénégalais,
à l'octroi des blocs pétroliers et de la part réelle de
l'Etat dans la production sont encadrés par le droit pétrolier
sénégalais.
Cependant, l'analyse du cadre juridique pétrolier en
vigueur régissant l'amont pétrolier mettra en exergue des lacunes
qui prouveront que ce dernier ne répond pas aux enjeux du paradoxe de
l'abondance (chapitre premier). Par conséquent, une
réforme totale du droit pétrolier est obligatoire pour assurer
une meilleure transparence dans la gestion du pétrole et du gaz
(chapitre second)
65
Chapitre premier : Un cadre juridique pétrolier
peu adapté aux enjeux du paradoxe de l'abondance
Grâce aux nouvelles découvertes de pétrole
et de gaz, l'environnement pétrolier Sénégal est en pleine
mutation. Le bassin sédimentaire sénégalais est devenu
plus attractif du fait de son potentiel en hydrocarbures confirmé. Par
conséquent, les compagnies internationales étrangères qui
souhaitent explorer et exploiter le sous-sol sénégalais sont
soumises au régime juridique régissant l'amont
pétrolier.
Un état des lieux juridiques de l'amont
pétrolier (section 1) met en lumière des lacunes
et des vides juridiques rendant le régime juridique en vigueur peu
adapté au nouvel environnement pétrolier sénégalais
(section 2).
Section 1 - Un état des lieux juridiques de
l'amont pétrolier
Les activités d'exploration et de production qui
constituent l'amont pétrolier sénégalais sont
menées sur l'étendue du bassin MSGBC. Sur un plan juridique, le
sous-sol est exclusivement la propriété de l'État
sénégalais159. L'Etat a la faculté de confier
l'exploration et l'exploitation de son sous-sol à des compagnies
internationales qui se voient imposées un cahier des charges
strictes160. Par conséquent, le Sénégal s'est
doté d'une architecture législative assez conséquente
(paragraphe premier) prévoyant un régime de
partage de production régissant les relations contractuelles entre
l'État et les compagnies pétrolières internationales
(paragraphe second).
159 SONKO, Ousmane. Pétrole et gaz au
Sénégal, Fauves Editions, 2017, p.59
160 Ibidem
66
Paragraphe premier - Le régime juridique de
l'amont pétrolier
Le régime juridique de l'amont pétrolier est
encadré par un arsenal législatif assez important. En effet,
l'amont pétrolier découle de sources juridiques
différentes dont la plus importante est la loi
pétrolière(A). De plus, le droit
pétrolier sénégalais est caractérisé par un
régime contractuel de partage de production pétrolière
(B).
A- Un régime juridique encadré par la
législation pétrolière
La République du Sénégal, étant
membre de l'Organisation des Nations-Unies (ONU) dispose du droit d'exploiter
librement ses richesses et ses ressources naturelles161. En effet,
l'Assemblée Générale de l'ONU encourage les Pays en
Développement « à mettre à profit et à
exploiter comme il convient leurs richesses et leurs ressources naturelles
»162. L'État sénégalais, pour
développer ses ressources naturelles, s'est doté d'une
architecture législative assez importante en la matière.
L'amont pétrolier sénégalais est
régi par la Constitution du 22 janvier 2001 dans son article
25-1163, qui dispose que « les ressources
naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour
l'amélioration de ses conditions de vie. L'exploitation et la gestion
des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence et de
façon à générer une croissance économique,
à promouvoir le bien-être de la population en
général et à être écologiquement durables
».
Ensuite, l'amont pétrolier tire sa source dans, la
Loi pétrolière164, le
règlement pétrolier165, la loi
n°2012-32 du 31 décembre 2012 modifiant diverses dispositions
législatives relatives aux
161 Résolution 626 (VII) du 21 décembre 1952 de
l'Assemblée Générale des Nations-Unies
162 Ibidem
163 Loi constitutionnelle n°2016-10 du 5 avril 2016 portant
révision de la Constitution
164 Loi n°98-05 du 8 janvier 1998 portant Code
pétrolier
165 Décret n°98-810 du 6 octobre 1998, fixant les
modalités et condition d'application de la loi n°98-05 du 8 janvier
1998 portant Code pétrolier
67
régimes fiscaux166 et
les contrats types167. Cependant, le code
pétrolier est la source juridique la plus éminente, car il
régit toutes les dispositions juridiques relatives à
l'exploration et à la production pétrolière. De plus, il
organise les relations entre l'État et les compagnies
pétrolières internationales.
Comme mentionné dans l'introduction, le code
pétrolier de 1998 fut élaboré dans un contexte où
il cherchait à « offrir aux acteurs potentiels de l'industrie
pétrolière des conditions attrayantes et susceptibles de
favoriser le développement des investissements pétroliers
d'exploration ou de production »168.
Le code pétrolier consacre l'entière
souveraineté de l'État sénégalais sur ses
ressources pétrolières et gazières présentes dans
son sous-sol169. L'État détient la prérogative
pour autoriser les compagnies pétrolières internationales
à entreprendre des opérations
pétrolières170. Cette prérogative
étatique tire sa source de la Convention sur le Plateau Continental du
29 avril 1958 qui dispose que l'État riverain bénéficie de
la faculté d'exercer des droits souverains sur le plateau continental
à titre d'exploration et de l'exploitation de ses ressources
naturelles171. En d'autres termes, aucune personne physique ou
morale de nationalité sénégalaise ou
étrangère ne peut ni entreprendre des activités
d'exploration ou d'exploitation, ni revendiquer des droits sur le plateau
continental sans le consentement de l'État
sénégalais172.
Ensuite, le code pétrolier traite des dispositions
liées à la fiscalité et aux conditions techniques,
financières et administratives relatives à l'exploration, la
production et le transport des hydrocarbures. Par conséquent,
différents procédés de gestion sont prévus par la
législation pétrolière. Celle-ci régit tout d'abord
l'autorisation de prospection173 qui pour une durée de
deux ans, confère à son titulaire le droit non
exclusif « d'exécuter des travaux préliminaires de
prospection d'hydrocarbures, notamment par l'utilisation de méthodes
géophysiques,
166 Rapport de conciliation ITIE, 2014, p.41.
167 Contrat type de partage de production ou contrat type de
concession
168 Exposé des motifs, loi 98-05 du 8 janvier 1998 portant
Code pétrolier, p1-2.
169 Article 3 du code pétrolier de 1998
170 Article 5 du code pétrolier
171 Article 2.1 de la Convention sur le Plateau Continental du 29
avril 1958
172 Article 2.2 de la Convention sur le Plateau Continental du 29
avril 1958
173 Article 12 du code pétrolier de 1998
68
géologiques et géochimiques, à
l'exclusion des forages d'une profondeur supérieure à deux cents
mètres »174.
De plus, le code pétrolier autorise l'État
à conférer des permis de recherche175 dont la
durée est de quatre ans renouvelables deux fois pour des
périodes de trois ans. Ils confèrent à son
titulaire « le droit d'exécuter tous les travaux y compris le
forage, ayant pour objet la recherche et la mise en évidence de
gisements d'hydrocarbures »176.
En outre, le code pétrolier régit l'autorisation
d'exploitation provisoire177 qui accorde à son titulaire
« la possibilité d'exploiter à titre provisoire, les puits
productifs » pour une durée de deux
ans178. De plus, l'État est habilité à
délivrer des concessions d'exploitation de vingt-cinq ans
extensibles de dix ans renouvelables une fois179. La
concession d'exploitation accorde au titulaire du titre minier « le
droit exclusif d'effectuer toutes les opérations
pétrolières, suivant les stipulations de la convention qui lui
est attachée »180.
Enfin, les compagnies pétrolières peuvent
bénéficier de contrats de services à risques pour explorer
et éventuellement exploiter le sous-sol
sénégalais181. Pendant la recherche et l'exploitation,
le titulaire du contrat de services a des droits et obligations identiques
à ceux d'un titulaire de concessions d'exploitation d'hydrocarbures.
Le régime juridique régissant les relations
contractuelles entre l'État et les compagnies pétrolières
porte sur les contrats de services encadrés par le code
pétrolier. L'État du Sénégal marque donc une
préférence pour les contrats de services reposant sur le
régime du Contrat de Partage de Production (CPP).
174 Ibidem
175 Article 14 du code pétrolier de 1998
176 Ibidem
177 Article 24 du code pétrolier de 1998
178 Ibidem
179 Article 25 du code pétrolier de 1998
180 Ibidem
181 Article 34 du code pétrolier de 1998
69
B- Des relations contractuelles entre État et
compagnies pétrolières reposant sur le régime de partage
de production
Depuis son indépendance, la Sénégal a
noué des accords avec beaucoup de compagnies pétrolières
majors comme indépendantes, dans l'objectif de tester son potentiel en
hydrocarbures. Les relations contractuelles nouées entre l'État
et les sociétés pétrolières se sont accrues avec
l'octroi de plusieurs blocs pétrogaziers fondés sur les
réglementations en vigueur. Plus précisément, les contrats
liant l'État et les compagnies pétrolières internationales
reposent sur le régime juridique du partage de production. L'État
du Sénégal privilégie les contrats de services en marquant
une préférence pour les Contrats de Recherches et de Partage de
Production (CRPP). Le CRPP est considéré comme un contrat
à risques. Cela s'explique par le fait qu'il s'agit d'un contrat dont le
contractant émane du choix de l'État. De ce fait, le contractant
qui est une compagnie pétrolière effectue une prestation de
services en explorant et en exploitant éventuellement du pétrole
ou du gaz. En outre, le service que fournit la compagnie
pétrolière est à risques, car ni l'État du
Sénégal, ni la PETROSEN représentante de l'État au
contrat, ne supportent financièrement le risque de l'exploration sur le
bassin sédimentaire qui était encore peu exploré.
Le choix du régime de partage de production permet
d'une part à l'État sénégalais d'avoir une
meilleure distribution de la rente pétrolière et d'autre part, de
bénéficier d'un régime contractuel plus favorable que le
contrat de concession. Qui plus est, le régime de la concession
d'exploitation prévoit un partage égal de la production
pétrolière en cas de découverte. Par conséquent, un
pays disposant d'une économie faible et d'un potentiel confirmé
en hydrocarbures se retrouve dans un rapport de force inférieur à
la compagnie pétrolière exploitant son
pétrole182. De ce fait, la majorité des PED ont
recours au CRPP.
Ainsi, il va sans dire que le choix du CRPP est un avantage
pour le Sénégal, car il demeure propriétaire de son
pétrole et de son gaz éventuellement découverts dans son
sous-sol, tout en
182 ANGELIER, Jean-Pierre. L'évolution des relations
contractuelles dans le domaine pétrolier. Liaison énergie
francophonie, 2008, no 80, p. 23-26.
70
ayant la faculté de ne pas investir dans l'exploration
qui constitue une activité à risques183. Dans un CRPP,
l'Etat confie à une ou plusieurs compagnies pétrolières ou
personnes physiques morales qualifiées, l'exercice des droits exclusifs
de recherche et d'exploitation d'hydrocarbures à l'intérieur d'un
périmètre défini184. De ce fait, il incombe au
contractant d'engager et de supporter financièrement les travaux
d'exploration, de développement et de production.
Compte tenu de tous ces atouts, le CRPP régit le
régime de l'exploration et de l'exploitation pétrolière au
Sénégal. En phase de recherche, la PETROSEN, représentante
de l'État dans le CRPP s'associe avec la compagnie
pétrolière en vue d'effectuer la recherche. Cette association est
par ailleurs obligatoire comme le prévoit la Convention du contrat type
de partage de production185, dans le cadre d'un Accord
d'Association186. Durant la phase de recherche, la compagnie
pétrolière participe à hauteur de 90 pour cent. En effet,
elle engage les dépenses d'exploration et d'évaluation. La
PETROSEN quant à elle, participe à hauteur de 10 pour
cent187. Cependant, cette participation de la PETROSEN pendant la
période de recherche n'entraîne aucune dépense de sa part.
Toutes les dépenses sont donc prises en charge par la compagnie
pétrolière.
En outre, la compagnie pétrolière peut
céder partiellement ou totalement ses parts de
participation188. Cependant, cela n'exonère pas le nouveau
titulaire de respecter les engagements de travaux, d'investissements consentis
antérieurement par la compagnie cédante à
l'État189.
En phase d'exploitation, c'est-à-dire dans
l'hypothèse où il y a une découverte d'hydrocarbures, des
travaux d'évaluation sont entrepris par le contractant en relation avec
le ministère de l'Énergie pour déterminer le
caractère commercialisable des quantités découvertes qui
seront
183 Ibidem
184 Article 36 du code pétrolier de 1998
185 Article 1.5 du contrat type de partage de production
consultable sur :
http://itie.sn/wp-content/uploads/2018/04/CONTRAT-DE-RECHERCHE-ET-DE-PARTAGE-DE-PRODUCTION-Du2019HYDROCARBURES-RUFISQUE-OFFSHORE-PROFOND-TOTAL-PETROSEN.pdf
186 Article 1.1 du contrat type de partage de production
187 Article 24.1 du contrat type de partage de production
188 Article 33 du code pétrolier de 1998
189 Ibidem
71
alors exploitées sous condition de la délivrance
d'une autorisation d'exploitation par l'État190.
Le régime du partage et de production régit donc
les relations contractuelles entre l'État, la PETROSEN et les compagnies
pétrolières. Les relations contractuelles prévoient les
participations et investissements de chaque parti au contrat. De plus, elles
réglementent les gains de l'État dans le partage de production
des hydrocarbures en cas de découvertes commercialisables.
Cependant, la loi pétrolière ne définit
pas explicitement la répartition de la participation des entreprises
pétrolières. Le code pétrolier de 1998 prévoit des
dispositions relatives à la participation de l'État et des
compagnies pétrolières sans explicitement préciser la
répartition de la participation du contractant lors des
opérations de recherche et d'exploitation191. Cela pose un
problème de transparence dans la gestion des activités
pétrolières entre l'État et les compagnies
pétrolières, car la loi pétrolière ne régule
pas la participation du contractant dans les opérations
pétrolières. Elle renvoie plutôt aux conventions de contrat
type pour plus de précisions.
Or, à la lecture des CRPP, les compagnies
pétrolières participent aux travaux de recherche à hauteur
de 90 pour cent et la PETROSEN a une part de participation de 10 pour
cent192 qu'elle peut accroître de 20 pour cent en cas de
découverte193. Il serait pertinent d'en déduire que le
taux de participation en phase de recherche n'est pas légalement
fixé et est donc amené à varier en fonction du CRPP, ce
qui laisse une marge de manoeuvre et de négociations trop importante
pour l'État. Le mécanisme de participation prévu par la
loi pétrolière n'assure pas une transparence totale dans les
gains réels de l'État lors de la phase de production.
De ce fait, les intérêts de l'État ne sont
pas totalement protégés et la nouvelle législation
pétrolière gagnerait à rajouter une disposition claire sur
la clé de répartition de la participation du contractant.
190 Article 20 du code pétrolier de 1998
191 Articles 34 et 36 du code pétrolier
192 Article 24 du contrat type de partage de production
193 Article 24.2 du contrat type de partage de production
72
En outre, le cadre juridique pétrolier en vigueur, bien
qu'étant incitatif et attrayant pour des investissements dans le
sous-sol sénégalais, n'est pas adapté au nouvel
environnement pétrolier du Sénégal, notamment en ce qui
concerne la détermination de la part réelle de l'État dans
le partage de la production pétrolière et gazière.
Paragraphe second - Une régulation
nécessaire quant à la détermination de la part
réelle de l'Etat dans le partage de la production
Une fois l'autorisation d'exploitation délivrée
par l'État, le CRPP liant l'État et les compagnies
pétrolières détermine le partage de la production
pétrolière. Ainsi, la production de pétrole et de gaz doit
être partagée entre l'État et la compagnie
pétrolière. Le mécanisme de détermination de la
part réelle de l'État dans le régime du partage de la
production est prévu par le contrat type de partage de production
(A). Ce dernier, qui a un impact direct sur le profit attendu
de l'État, n'est juridiquement pas outillé pour protéger
les intérêts de l'État du Sénégal
(B).
A- Le mécanisme de la détermination de la
part réelle de l'État dans le régime du partage de la
production
Lorsque qu'une découverte est effectuée, le CRPP
prévoit que les gains y provenant soient partagés entre
l'État et la compagnie pétrolière. Le CRPP met en place un
mécanisme de partage qui en principe permet à l'État
d'être toujours majoritaire dans le partage de la production
pétrolière. Cependant, avant de procéder à un
partage de la production, le CRPP prévoit un mécanisme permettant
au contractant de rembourser les coûts relatifs aux travaux de recherche
et de production194. Le recouvrement des coûts
pétroliers peut représenter jusqu'à 75 pour cent de la
production totale195. C'est le principe du cost
oil196. Ce plafond de 75 pour cent exigé par
194 Article 21.1 du contrat type de partage de production
195 Ibidem
196 MUSCOLINO, Riccardo, RIZZO, C. A., MIRABELLI, Giuseppe,
et al. The cost recovery oil in a production sharing agreement. In :
SPE Hydrocarbon Economics and Evaluation Symposium.
73
le CRPP peut paraître élevé, mais il
semble logique, car une compagnie pétrolière qui assume tous les
risques financiers lors de l'exploration et de l'exploitation se réserve
le droit de recouvrir ses investissements avant que l'État ne
bénéficie du partage de la production.
Par conséquent, lorsque les premiers barils sont
produits, la part réelle de l'État reste faible. En revanche, le
taux de recouvrement est amené à baisser au fur et à
mesure de la production. Une fois le remboursement des coûts
effectué, la production restante est alors partagée entre
l'État et la compagnie pétrolière, selon un système
de barème progressif basé sur un niveau de production
journalière. Le tableau ci-dessous montre un exemple de partage du
profit oil :
Production journalière
(Barils ou équivalent gaz)
|
État
|
Contractant
|
Inférieur à 30000
|
35%
|
65%
|
30001 à 60000
|
40%
|
60%
|
60001 à 90000
|
50%
|
50%
|
90001 à 120000
|
54%
|
46%
|
Supérieur à 120000
|
58%
|
42%
|
Tableau 1 : Partage de la production entre Kosmos
Energy et l'État du Sénégal sur le bloc de Cayar Offshore
Profond197
Il convient de préciser que le pourcentage de la
production est susceptible de varier. En d'autres termes, le pourcentage varie
d'un CRPP à un autre et fait l'objet d'une négociation entre
l'État et la compagnie pétrolière. Cet aspect a pour
avantage d'accorder une marge de négociation assez
Society of Petroleum Engineers, 1993. p.229.
197 CRPP Cayar Offshore Profond, p.29, consultable sur :
http://itie.sn/wp-content/uploads/2017/03/PSC-Cayar-Deep-Petrosen-PTL.pdf
74
importante pour l'Etat mais il peut aussi entraîner des
différences de gains assez importantes en fonction des blocs
pétroliers. Par exemple, le CRPP liant TOTAL et l'Etat prévoit un
partage de production égal entre les deux parties au contrat
(50-50)198. Il est possible d'en déduire que les revenus
réels de l'État dans le partage de la production sont assez
aléatoires, et impactent donc son profit, car la loi
pétrolière en vigueur ne fixe pas un taux de partage, mais
confère cette prérogative à l'État.
Le partage de la production pose donc le problème de la
récupération des coûts qui lorsqu'elle est
élevée, affecte la part réelle de l'État. Ce
procédé remettrait en cause l'équité du CRPP. De
façon précise, un CRPP inéquitable influe sur la rente
pétrolière et impacte ainsi les politiques publiques que l'Etat
doit mettre en place pour une redistribution équitable de ladite
rente.
B- Un défi juridique portant sur le contrôle
du partage de la production
Si l'État du Sénégal n'est pas toujours
majoritaire dans le partage de la production, c'est parce que les coûts
de recouvrement déclarés par le contractant sont assez
élevés et ne sont pas toujours représentatifs des
coûts réels dépensés. Pour s'assurer des coûts
réels dépensés, il faut un organe de contrôle
juridiquement outillé pour réguler la détermination des
coûts d'exploration et de production par la compagnie
pétrolière opérante.
Le législateur du code pétrolier de 1998, dans
son objectif de créer un cadre d'investissement incitatif, a fixé
le taux de remboursement des dépenses effectuées par les
compagnies pétrolières à hauteur de 75 pour cent, alors
que la pratique internationale consacre un taux « oscillant entre 30% et
60% »199. En effet, plus « le taux de recouvrement est
élevé, plus vite le contractant récupère ses
coûts et peut ainsi améliorer la rentabilité de ses
investissements »200.
La nouvelle législation pétrolière
devrait prendre en compte cette insuffisance afin d'accroître les revenus
de l'État dans le partage de la production, car la loi
pétrolière en vigueur ne semble
198CRPP Rufisque Offshore Profond, p.29, consultable
sur :
http://itie.sn/wp-
content/uploads/2018/04/CONTRAT-DE-RECHERCHE-ET-DE-PARTAGE-DE-PRODUCTION-Du2019HYDROCARBURES-RUFISQUE-OFFSHORE-PROFOND-TOTAL-PETROSEN.pdf
199 SOW, Birame. L'aval pétrolier au
Sénégal, textes législatifs et réglementaires,
Abis éditions. p.100.
200 SONKO, Ousmane. Pétrole et Gaz au
Sénégal, Fauves Editions, 2017, p.180.
75
pas juridiquement outillée pour contrôler les
déclarations des coûts de production effectuées par les
compagnies pétrolières. De plus, l'ITIE constate qu'il y a des
écarts de paiements entre ce que la compagnie déclare et ce que
l'État perçoit201. Par conséquent, le manque de
transparence dans les déclarations des revenus doit être
corrigé par la nouvelle législation pétrolière en
mettant en place des mécanismes permettant de contrôler les flux
de paiements entre l'État et les compagnies
pétrolières.
En résumé, le régime juridique
pétrolier en vigueur ne semble pas répondre aux enjeux actuels
résultant du nouvel environnement pétrolier. D'une part, il
n'assure pas une transparence totale dans la gestion relative au partage de la
production pétrolière et gazière. D'autre part, il s'agit
d'un régime qui ne permet pas à l'État
sénégalais d'accroître considérablement ses revenus
du fait d'un taux de recouvrement relatif au remboursement des coûts de
production trop élevé, fixé par la loi
pétrolière dans un contexte pétrolier différent du
contexte actuel.
Section 2 - Un cadre juridique lacunaire au regard
des enjeux relatifs à la gestion transparente des
hydrocarbures
Le cadre juridique pétrolier en vigueur au
Sénégal présente des lacunes au niveau de la gestion
transparente des hydrocarbures. Il ne s'agit pas de faire une critique du
législateur sénégalais qui en 1998 a mis en place le code
pétrolier pour attirer des investisseurs. De nos jours, l'exploitation
des ressources naturelles doit être une source de progrès. Par
conséquent, le droit pétrolier en vigueur est inadapté au
nouvel environnement pétrolier (paragraphe premier),
car certaines de ses dispositions juridiques ne semblent pas claires au niveau
fiscal et font l'objet d'interprétations diverses, laissant ainsi place
à une application peu rigoureuse de la loi, notamment dans les
conditions d'octroi des blocs pétroliers (paragraphe
second).
201 Rapport de conciliation ITIE, 2016
76
Paragraphe premier - Un régime juridique
inadapté au nouvel environnement pétrolier
sénégalais
Le droit pétrolier sénégalais repose sur
un régime juridique hybride (A) qui ne garantit pas une
transparence dans la gestion des activités relatives à l'amont
pétrolier. Ce régime hybride confère à
l'État et au ministère du Pétrole et de l'Énergie
des prérogatives juridiques trop conséquentes pour assurer la
gestion transparente du pétrole et du gaz (B).
A- Un régime juridique pétrolier hybride
L'industrie pétrolière dispose de plusieurs
régimes pétroliers différents. Dans un cadre
général, trois types de régimes pétroliers sont
à noter dans les pays producteurs de pétrole.
Tout d'abord, il existe un régime pétrolier
fixe202. Celui-ci dispose d'une législation
pétrolière, qui fixe à l'avance dans le cadre de
modèles de contrats pétroliers, les conditions relatives
à l'amont pétrolier, c'est-à-dire les activités
portant exclusivement sur l'exploration, le développement et
l'exploitation du pétrole et du gaz. En matière de
fiscalité, les impôts, taxes, redevances et les conditions portant
sur le partage de production de la rente sont aussi fixés par la
législation pétrolière.
Ensuite, un pays producteur de pétrole peut être
lié par un régime pétrolier ad hoc203.
La particularité de ce type de régime pétrolier repose sur
une législation pétrolière peu ou pas du tout
développée. Par conséquent, une grande marge de manoeuvre
est laissée au Gouvernement lorsque ce dernier signe des contrats
pétroliers en fixant le cadre des termes du contrat, les conditions et
obligations qui en découlent.
Enfin, un régime hybride peut
caractériser un pays producteur de pétrole204.
Contrairement au régime pétrolier ad hoc, il s'illustre par une
législation pétrolière développée qui fixe
les principes applicables aux contrats pétroliers. Cependant,
ce régime laisse certaines questions
202 Rapport final, Étude comparative du cadre
légal et contractuel en matière d'hydrocarbures dans les
états membres de l'Association des Producteurs de Pétrole
Africains (APPA), p.30-40
203 Ibidem
204 Rapport final, Étude comparative du cadre
légal et contractuel en matière d'hydrocarbures dans les
états membres de l'APPA, op. cit.
77
relatives aux choix des opérateurs pétroliers,
au mode de détermination du partage de la production, à la libre
appréciation du gouvernement ou du ministère en charge des
hydrocarbures. La libre appréciation des autorités
compétentes est fixée dans le cadre de la loi
pétrolière.
Au regard des régimes pétroliers
énoncés, le législateur sénégalais semble
avoir opté pour le régime pétrolier hybride. L'État
a toute la faculté pour négocier les termes contractuels relatifs
à la répartition des parts en cas de découvertes
commerciales205. En effet, dans la section précédente,
il a été constaté que les répartitions des parts
dans le cadre d'un partage de production de la rente pétrolière
n'étaient pas prévues par le code pétrolier. Donc, c'est
le gouvernement qui négocie les parts en cas de découverte.
Ce régime hybride confère aussi au Gouvernement
une trop grande marge de manoeuvre dans le choix des compagnies
pétrolières. En d'autres termes, le régime
pétrolier sénégalais permettrait au Gouvernement de
contracter avec des compagnies pétrolières, en se reposant sur
des considérations subjectives.
B- Un régime hybride conférant des
prérogatives trop importantes aux autorités compétentes,
négligeant le rôle du Parlement
Le code pétrolier de 1998 confère une multitude
de prérogatives à l'État sénégalais. Par
exemple, ce dernier est habilité à choisir une compagnie de son
choix pour entreprendre des opérations pétrolières dans
son sous-sol206. Cependant, le fait que le Sénégal
puisse choisir librement son opérateur pétrolier est susceptible
de poser un problème au niveau de l'impartialité de son choix. En
outre, lorsque le législateur a édicté le code
pétrolier, il n'a pas prévu la mise en oeuvre d'une
procédure d'appel d'offres. Cette procédure pourrait constituer
un gage de transparence dans la signature des CRPP liant l'État et les
compagnies pétrolières.
Donc, le choix des compagnies pétrolières peut
paraître discrétionnaire et confidentiel ; ce qui pourrait poser
un problème de transparence au niveau de la négociation des
contrats.
Par ailleurs, les CRPP contractés entre l'État
et les compagnies pétrolières ne font l'objet d'aucun
205 SONKO, Ousmane. Pétrole et Gaz au
Sénégal, Fauves Editions, 2017, p.60.
206 Article 5 du code pétrolier
78
contrôle de la part d'un organe de régulation. Du
moins, la loi pétrolière ne prévoit aucun contrôle.
Par conséquent, tout contrat peut être conclu sans information
préalable aux citoyens.
De ce fait, le Parlement pourrait être un acteur de
régulation efficace qui devrait avoir la compétence d'effectuer
un contrôle à priori des CRPP. En d'autres termes, le Parlement
sénégalais devrait être en mesure de ratifier les CRPP
négociés et signés par le Gouvernement
sénégalais. Doter le Parlement d'un pouvoir de contrôle et
de ratification permettrait à tout parlementaire d'avoir accès
à l'intégralité des contrats pétroliers et de
dénoncer tout contrat qui est susceptible d'aller à l'encontre
des intérêts de l'État. Intégrer le Parlement
sénégalais dans l'amont pétrolier serait un gage efficace
de transparence dans la signature des contrats pétroliers.
Le régime juridique hybride en vigueur laisse une marge
d'appréciation non négligeable à l'État en
matière de négociations et de partage des parts de production.
Paragraphe second - Un régime juridique
lacunaire au niveau de l'interprétation de la loi
pétrolière
Le droit pétrolier sénégalais
présenterait des lacunes au niveau de l'interprétation de
certaines dispositions juridiques relatives aux conditions d'octroi des blocs
pétroliers (A), mais aussi au niveau de l'interprétation de la
fiscalité portant sur la cession des blocs pétroliers (B).
A- Un vide juridique portant sur l'octroi des blocs
pétroliers
Une compagnie pétrolière souhaitant explorer le
sous-sol sénégalais doit répondre à des exigences
fixées par le cadre légal, à savoir le code de
pétrolier de 1998. Un opérateur qui souhaite
bénéficier d'un titre minier doit justifier les capacités
techniques et financières pour mener à bien les opérations
pétrolières207. L'opérateur dans sa demande
apporte toutes justifications additionnelles des capacités
techniques et financières de la personne physique ou
morale208.
207 Article 8 du code pétrolier de 1998
208 Article 7 du décret n°98-810 du 6 octobre 1998
fixant les modalités et conditions d'application de la
79
Cependant, un vide du code portant sur les capacités
financières et techniques est à noter. Le décret
n°98-810 du 6 octobre 1998 fixant les modalités et conditions
d'application de la loi n°98-05 du 8 janvier 1998 portant Code
pétrolier ne précise point les critères techniques et
financiers retenus.
En d'autres termes, il y a un manque de réglementation
sur les critères d'évaluation des capacités techniques et
financières. Par conséquent, nul ne peut comprendre sur quel
critère d'évaluation repose le choix d'octroyer un bloc
pétrolier à une compagnie pétrolière
internationale.
Le souci de transparence voulu par le législateur lors
de l'édiction du code de 1998 nécessite d'être
amélioré dans la nouvelle législation
pétrolière. Cette dernière doit garantir une transparence
totale dans la gestion des hydrocarbures. La législation
pétrolière en vigueur comprendrait des manquements et des lacunes
qui doivent être corrigées pour une meilleure gestion des
ressources naturelles au Sénégal.
Cette obligation de transparence est essentielle, car toute
bonne gestion des ressources naturelles trouve sa source dans l'application
juste et équitable de la législation. De plus, l'octroi des blocs
pétroliers aux compagnies pétrolières constitue une
étape fondamentale dans la gestion des ressources naturelles. Il s'agit
d'un processus important de l'amont pétrolier. Ce dernier
génère les revenus alloués à l'État.
De ce fait, une transparence dans le choix de la compagnie
pétrolière internationale qui opère dans le sous-sol
sénégalais est primordiale, car la compagnie doit obligatoirement
justifier ses capacités techniques et financières. Ainsi, comme
la législation pétrolière ne prévoyant pas des
critères d'évaluation relatifs aux capacités techniques et
financières nécessaires, un manque de transparence dans les
justificatifs techniques et financiers fournis par les compagnies
pétrolières, n'est pas à exclure, car aucun organe
chargé du contrôle des contrats n'est prévu par la
législation.
En outre, la loi pétrolière, dans le cadre
fiscal, n'est pas toujours appliquée de manière juste, notamment
en matière d'exonérations d'impôts prévus par la
législation, en matière de cessions de participations. Plus
précisément, à l'étude d'un CRPP conclu entre
l'État du Sénégal et une compagnie
pétrolière, des irrégularités relevées au
niveau fiscal mettent en exergue la nécessité
loi n°98-05 du 8 janvier 1998 portant Code
pétrolier
80
d'édicter des lois garantissant une transparence
certaine dans la conduite des opérations pétrolières.
B- Une fiscalité imprécise relative aux
cessions des blocs
Le code pétrolier de 1998 prévoit que les
conventions et les contrats de services sont cessibles et transmissibles, sous
condition d'une autorisation préalable du ministre à des
personnes possédant des capacités techniques et
financières pour mener à bien les opérations
pétrolières209. En l'espèce, les blocs
pétroliers et gaziers de Saint-Louis Offshore Profond210 et
de Cayar Offshore Profond211 ont fait l'objet d'un CRPP entre
l'État, la PETROSEN et la compagnie pétrolière PETRO-TIM,
une société de droit des Iles Cayman ayant son siège
à George Town, Grand Cayman212.
La PETRO-TIM qui participe donc aux travaux de recherche
à hauteur de 90 pour cent, cède l'intégralité de
ses intérêts de participation à la société
TIMIS CORPORATION, sans que la PETROSEN n'exerce son droit de préemption
prévu par le CRPP conclu213. Le droit de préemption
est l'avantage donné à l'État soit par la
loi, soit par une disposition contractuelle, de pouvoir se substituer à
l'acquéreur d'un droit ou d'un bien pour en faire l'acquisition à
sa place et dans les mêmes conditions que ce
dernier214.
Dans le CRPP conclu entre l'État et PETRO-TIM, il
était expressément stipulé dans le contrat que
l'État bénéficiait « d'un droit préemption qui
ne pourra s'exercer que sur la totalitéì des droits
offerts et dans les termes et conditions établis par l'offre de bonne
foi de l'acheteur potentiel. La
209 Cf. alinéa 4 de l'article 8 et 56 de la loi
n°98-05 du 08 janvier 1998 portant Code pétrolier
210 Décret n° 2013-1154 du 23 août 2013
portant extension de la période initiale de Recherche du Contrat de
Recherche et de Partage de Production d'hydrocarbures conclu entre
l'État du Sénégal, la
Sociétéì des Pétroles du
Sénégal (PETROSEN) et la compagnie PETRO-TIM Limited pour le bloc
de Saint-Louis Offshore Profond, disponible sur :
http://www.jo.gouv.sn/spip.php?article10084
211 Décret n° 2013-1155 du 23 août 2013
portant extension de la période initiale de Recherche du Contrat de
Recherche et de Partage de Production d'hydrocarbures conclu entre
l'État du Sénégal, la
Sociétéì des Pétroles du
Sénégal (PETROSEN) et la compagnie PETRO-TIM Limited pour le bloc
de Cayar Offshore profond, disponible sur :
http://www.jo.gouv.sn/spip.php?article10085
212 CRPP Cayar Offshore Profond p.4, consultable sur:
http://itie.sn/wp-content/uploads/2017/03/PSC-Cayar-Deep-Petrosen-PTL.pdf
213 Article 29.1 du CRPP Cayar Offshore Profond
214
https://www.juritravail.com/lexique/Preemption.html
81
décision d'en user doit être communiquée
à la partie cédante dans le délai de trente jours à
compter de la notification »215.
Suite à la décision de l'État de ne pas
exercer son droit de préemption, la société TIMIS
CORPORATION transfère à la compagnie pétrolière
KOSMOS ENERGY 60 pour cent de ses parts de participations.
Cependant, à la lumière de l'analyse du CRPP, la
question de la fiscalité portant sur les cessions des parts de
participations s'est posée. En effet, les conséquences fiscales
de la cession des parts n'ont pas été tirées, d'où
l'imprécision et le problème d'interprétation de la
législation pétrolière relative à
l'exonération fiscale. Plus précisément, l'Etat
sénégalais affirme que les cessions des blocs de Saint-Louis et
de Cayar Offshore Profond ont fait l'objet d'une exonération fiscale en
vertu de l'article 48 du code pétrolier216. Le
ministère des Finances affirme que « les titulaires de convention
ou de contrat de services ainsi que les entreprises qui leur sont
associées dans le cadre des protocoles ou accords visés à
l'article 8, alinéa 4 sont exonérés pendant les phases de
recherche et de développement ; de tous impôts, taxes et droits au
profit de l'État »217.
Une mauvaise interprétation de la loi peut être
relevée. Le ministère des Finances considère que la
cession des parts de participation entre dans le champ des activités
pétrolières. Or, le code pétrolier de 1998 précise
explicitement les activités qui rentrent dans le cadre des
opérations pétrolières. En outre, rentrent dans la
catégorie des opérations pétrolières, les
activités de prospection, de recherche, d'évaluation, de
développement, de production, de transport ou de commercialisation des
hydrocarbures, y compris le traitement du gaz naturel, mais à
l'exclusion du raffinage et de la distribution des produits
pétroliers218.
Les opérations pétrolières s'opposent aux
opérations non pétrolières, mais sont directement
liées aux activités pétrolières comme le raffinage
et la distribution des produits pétroliers et, à fortiori les
cessions et transferts de titres de participation. Par conséquent,
l'exonération ne s'applique
215 Article 29.1 du CRPP Cayar Offshore Profond
216 « Fiscalité applicable à la transmission
d'actions entre PETROTIM Limited, Timis Corporation et
Kosmos Energy », Communiqué du Ministère de
l'Économie des Finances et du Plan, disponible sur :
http://www.finances.gouv.sn/index.php/actualites/311-commfisca
217 Ibidem
218 Article 2f du code pétrolier de 1998
82
qu'aux opérations pétrolières en phase
d'exploration et d'exploitation. Toutefois, les opérations non
pétrolières, mais directement applicables aux activités
pétrolières sont imposables. En un mot, l'exonération ne
s'applique qu'aux impôts et taxes relatifs aux investissements,
approvisionnements ou bénéfices réalisés durant les
phases de recherche et de développement.
En résumé l'article 48 du code pétrolier
ne peut s'appliquer qu'en cas de cession totale ou partielle, car cette
dernière n'est pas considérée comme une opération
pétrolière au regard du code pétrolier219.
Par conséquent, les incohérences relevées
dans les contrats de concession des blocs Cayar Offshore Profond et Saint-Louis
Offshore Profond, montrent clairement une certaine faiblesse de
l'interprétation objective et impartiale du code pétrolier sur le
plan fiscal. L'affaire PETROTIM prouve que la
nécessitéì de se doter d'un arsenal
législatif solide et transparent est un préalable non
négligeable pour une gestion plus transparente du pétrole et du
gaz. En vertu de cette analyse, les interprétations erronées
relatives aux dispositions du code pétrolier au niveau fiscal montrent
la nécessité d'adopter un nouveau régime pétrolier
qui garantirait une meilleure transparence dans l'application de la loi afin
d'éviter des divergences dans son interprétation.
En ce sens, la régulation de l'industrie
pétrolière du Sénégal est conditionnée par
une réforme de la législation pétrolière, dont
l'objectif est de mettre en place des mécanismes de régulation
visant à réguler l'amont pétrolier pour une meilleure
gestion du pétrole et du gaz profitant aux générations
actuelles et futures (chapitre second).
219 « Problématique de l'industrie
pétrolière et gazière au Sénégal : enjeux et
perspectives », 9 novembre 2006, disponible sur :
https://www.dakaractu.com/Problematique-de-l-industrie-petroliere-et-gaziere-au-Senegal-enjeux-et-Perspectives
a121550.html
83
Chapitre second : Une réforme du droit
pétrolier oeuvrant pour une gestion éthique et transparente du
pétrole et du gaz
Le chapitre précédent a démontré
les faiblesses du code pétrolier en vigueur dans son
interprétation, son application, et le régime juridique hybride
qu'il régit, laissant une place importante et discrétionnaire au
gouvernement dans le choix des compagnies pétrolières et dans
l'octroi des blocs pétrolier à ces dernières. La nouvelle
législation pétrolière gagnerait à remédier
ces insuffisances.
En d'autres termes, une obligation de réforme
législative régulant l'amont pétrolier est indispensable
(section 1). Ensuite, dans le cadre de la réforme du
régime pétrolier, il serait pertinent de favoriser un cadre
législatif dont l'objectif serait de permettre à l'État de
gérer efficacement la rente pétrolière, afin que cette
dernière profite durablement aux générations actuelles et
futures (section 2)
Section 1 - Une obligation de réforme du
code pétrolier tendant à la régulation de l'industrie
pétrolière du Sénégal
La nouvelle législation pétrolière devra
impérativement réformer l'amont pétrolier, car le bon
fonctionnement de ce dernier constitue le pilier de toute bonne gestion
éthique et transparente des ressources naturelles. De ce fait, le
mécanisme d'octroi des blocs pétroliers doit être
régulé (paragraphe premier) pour un
déroulement transparent des activités pétrolières .
Ensuite, le nouveau code pétrolier devrait être en mesure
d'améliorer les revenus de l'État dans le partage de la
production pétrolière et gazière (paragraphe
second).
84
Paragraphe premier Ð Une régulation
indispensable des activités relatives à l'amont
pétrolier
L'amont pétrolier sénégalais
nécessite une régulation portant sur les conditions d'octroi des
blocs pétroliers aux compagnies étrangères. Par
conséquent, l'octroi des blocs pétroliers conclu par un CRPP
devrait être soumis à la procédure d'appels d'offres
(A). De plus, l'Assemblée Nationale devrait
bénéficier de la compétence de ratifier et de
dénoncer les contrats pétroliers éventuellement
léonins (B).
A- Le recours à la procédure d'appel
d'offres pour une gestion transparente de l'octroi des blocs pétroliers
Tout État producteur de pétrole et de gaz
devrait s'organiser afin de profiter pleinement de ces hydrocarbures. Par
ailleurs, l'État du Sénégal qui dispose d'un sous-sol
riche en pétrole et en gaz attire naturellement les compagnies
pétrolières internationales, désireuses d'exploiter ce
dernier. De ce fait, contrairement à la législation actuelle en
vigueur qui se voulait être attrayante, il est de l'intérêt
de la nouvelle législation pétrolière de créer un
environnement concurrentiel entre les compagnies pétrolières en
mettant en place une procédure d'appels d'offres.
En effet, tout pays producteur de pétrole doté
de bonnes pratiques en matière de gestion transparente des ressources
naturelles prévoit des procédures d'appels d'offres dans leurs
législations pétrolières220. L'instauration
d'appel d'offres régulerait efficacement la procédure d'octroi
des blocs pétroliers. En outre, ladite procédure permettrait
d'avoir en amont, les conditions et les critères d'attribution des blocs
pétroliers faisant l'objet de l'appel d'offres221, ce que la
législation pétrolière en vigueur ne prévoit point.
De plus, installer la concurrence entre les compagnies
pétrolières amènerait ces dernières à
soumettre de meilleures propositions financières.
220 GILLES, Darmois. Partage de la rente
pétrolière (Le) : État des lieux et bonnes pratiques.
Editions Technip. 2013. p.61-62
221 SONE, Andrew EWANG, TCHAKOUA, Pr Jean Marie, MICHAEL,
ALETUMTABUWE, et al. Juridis Périodique-Numéro: 40. Presses
universitaires d'Afr., p.9.
85
En outre, l'appel d'offres régulera l'octroi des blocs
pétroliers dans le sens où il permettra aux autorités
compétentes de ne choisir que des compagnies pétrolières
sérieuses disposant des capacités techniques et
financières pour mener à bien les opérations
pétrolières.
En matière de transparence, le nouveau code
pétrolier rendrait les procédures d'appels d'offres exclusives.
Ce procédé permettrait à l'État
sénégalais de communiquer de manière transparente sur la
domanialité minière du Sénégal.
B- Le rôle régulateur de l'Assemblée
Nationale dans la signature des CRPP
Il a été précédemment
mentionné que le régime pétrolier hybride
sénégalais laissait une marge de manoeuvre conséquente au
gouvernement dans la négociation des clauses contractuelles avec les
compagnies pétrolières internationales. De ce fait, les CRPP
étaient négociés de gré à gré sans
contrôle préalable d'un organe compétent.
L'inconvénient de ce régime réside donc dans l'absence de
garde-fous qui seraient habilités à effectuer des contrôles
à priori et à postériori des CRPP contractés entre
l'Etat et les compagnies pétrolières.
En d'autres termes, dans un souci de transparence, impliquer
l'Assemblée Nationale sénégalaise dans l'attribution des
blocs pétroliers serait pertinent. En effet, elle aura le rôle
d'acteur régulateur en s'assurant de la légalité des
contrats pétroliers signés. Plus précisément, la
nouvelle législation pétrolière devrait doter
l'Assemblée nationale d'un pouvoir de contrôle et de ratification
des contrats pétroliers. Par ailleurs, elle pourrait aussi la
compétence de dénoncer d'éventuels contrats qui remettent
en cause les intérêts nationaux.
L'Assemblée Nationale serait un acteur garantissant la
transparence et l'impartialité des contrats pétroliers
signés. En effet, c'est une institution qui représente
l'intégralité du peuple sénégalais. Par
conséquent, tous les contrats pétroliers y seront débattus
publiquement et cela permettrait à la population d'avoir un accès
plus direct aux informations contractuelles relatives aux blocs
cédés et aux transactions y afférant, bien que les
contrats pétroliers doivent obligatoirement être publiés au
Journal Officiel222.
222 Article 17 du code pétrolier de 1998
86
Paragraphe second - La nécessité
d'augmenter les revenus de l'État dans le partage de la production
pétrolière
L'Etat du Sénégal, lorsqu'il contracte avec des
compagnies pétrolières internationales dans le cadre d'un CRPP,
reste majoritaire dans le partage des parts de production, dans la
majorité des CRPP. Cependant, les CRPP devraient rapporter plus de gains
supplémentaires à l'État (A), à la
condition sine qua non que la nouvelle réforme pétrolière
améliore les aspects économiques des CRPP
(B).
A- L'exigence d'une augmentation de gains
supplémentaires pour l'État dans les contrats
pétroliers
Aujourd'hui, le Sénégal franchit un palier en
passant du stade de pays cherchant à créer un cadre fiscal et
économique pour attirer des investisseurs à un pays qui produira
son pétrole prochainement. Par conséquent, l'État du
Sénégal, à travers sa nouvelle loi
pétrolière, devrait bénéficier d'une meilleure
rente pétrolière lors du partage de la rente
pétrolière. En effet, la législation en vigueur ne
définit pas explicitement les clés de répartition de la
production pétrolière. Par conséquent, les taux se
négocient dans le cadre des CRPP et ceci peut éventuellement
constituer un inconvénient pour l'État.
De ce fait, l'État, à travers son nouveau code
pétrolier, devrait fixer explicitement le taux de la répartition
de la rente issue du partage de production pétrolière ou
gazière. En ce sens, l'Etat pourra inexorablement augmenter sa rente
pétrolière et bien l'utiliser, tout en laissant les compagnies
pétrolières le risque lié à l'exploration.
L'augmentation des gains de l'État semble primordiale,
car « l'État du Sénégal fait face à un boom
démographique accompagné d'aspirations de mieux-être de la
part de sa population.
Il doit donc mobiliser le maximum de recettes
financières internes pour éviter d'avoir des niveaux
d'endettement trop élevés auprès de partenaires
bilatéraux ou de bailleurs institutionnels internationaux
»223.
223 NDAO, Fary. L'or noir du Sénégal :
Comprendre l'industrie pétrolière et ses enjeux au
Sénégal, Essais, 2018. p.162
87
Enfin, des bonus de signature devraient être
prévus par la nouvelle législation, bien qu'il y ait
déjà des CRPP où des bonus de signature ont
été relevés224. Ces bonus sont versés
« directement au nom et au profit de l'État du
Sénégal »225. Cependant, il convient de constater
que la loi organique relative aux lois de finances226 prévoit
que « toutes les dispositions fiscales et quasi fiscales ne peuvent en
principe être instituées que par le législateur
».227 Or, le code pétrolier en vigueur et son
décret d'application ne prévoient pas la possibilité
à l'État de percevoir des bonus.
Par conséquent, le nouveau code pétrolier doit
prévoir les types et les modalités de perception des bonus de
signature, clarifier leur régime fiscal et enfin clarifier le rôle
de la PETROSEN dans le recouvrement des bonus de signature228.
B- Une amélioration requise des aspects
économiques des contrats de recherche et de partage de production
Dans le la législation pétrolière de
1998, notamment dans les CRPP, le partage de la rente pétrolière
s'effectue en fonction des volumes de production. Cependant, le volume de
production dépend fortement des cours aléatoires du baril. La
chute du prix du baril affecte directement la production journalière et
cela constituerait une perte financière considérable pour
l'État. Ce critère de partage retenu par la législation
pétrolière semble désuet face aux nouveaux enjeux
financiers que représentent l'exploration et l'exploitation
pétrolière.
Le principe du partage de production basé sur le
Facteur R et retenu par le code pétrolier de 1998, mais non
utilisé devrait être privilégié par la nouvelle
législation pétrolière. Le Facteur R désigne le
ratio déterminé qui sert de base au calcul de la part du Profit
Oil revenant aux parties229. Ce mode de détermination de
la part de production a l'avantage de prendre en compte les volumes de
productions journalières, mais aussi le prix du baril. De plus, cela
permettra à l'État de mieux surveiller les volumes de production,
mais aussi de se doter d'organes administratifs capables de
224 Rapport de conciliation, ITIE, 2016, p.107
225 Ibidem
226 Loi 2001-09 du 15 octobre 2001 portant Loi Organique Relative
aux Lois de Finances
227 Ibidem
228 Rapport de conciliation, ITIE, 2016, p.106-107
229 Contrat type de partage de production, exemple du Tchad,
p.17, disponible sur :
http://itie-tchad.org/wp-content/uploads/2018/01/Contrat
type partage production.pdf
88
contrôler les déclarations de paiements des
compagnies pétrolières.
Déterminer la part réelle de l'Etat dans le
partage de production par le biais du Facteur R, améliorera
considérablement l'aspect économique des CRPP et augmentera les
gains de l'État.
Pour améliorer les parts de l'État, la nouvelle
législation pétrolière pourrait faire du principe du
Facteur R un mode de détermination du partage de production obligatoire
s'imposant à l'État et aux compagnies
pétrolières.
En somme, le nouveau code pétrolier mériterait
de reposer sur un régime fixe, plutôt que sur un régime
hybride. En ce sens, il fixera à l'avance les modèles de contrats
pétroliers et toutes les conditions relatives à l'amont
pétrolier, à savoir les activités d'exploration et de
production. De plus, ce régime pétrolier fixe a aussi le
mérite de déterminer explicitement, les clés de
répartition quant aux participations des compagnies
pétrolières et de l'Etat, dans les travaux de recherche et
d'exploitation.
La législation pétrolière en vigueur ne
prévoit pas ces dispositions juridiques et renvoie souvent au Contrat
type de partage et de production. Par conséquent, le droit
pétrolier en vigueur confère à l'Etat, la faculté
de fixer les clés de répartition relatives aux investissements et
aux travaux. De ce fait, les clés de répartition peuvent varier
selon les CRPP conclus.
Cependant, la régulation de l'industrie
pétrolière ne saurait uniquement se limiter aux activités
de l'amont pétrolier. La gestion et l'allocation des revenus issus de la
rente pétrolière doivent aussi être encadrées et
soumises à une réglementation rigoureuse pour protéger les
générations actuelles et futures du paradoxe de l'abondance.
89
Section 2 - L'impérieuse
nécessité d'allouer les revenus pétroliers à un
fonds souverain
La gestion des revenus issus du pétrole et du gaz
constitue une étape fondamentale dans la gestion éthique et
transparente des hydrocarbures. Les cas du Nigeria et du Tchad
précédemment évoqués ont montré la
nécessité d'instaurer un cadre réglementaire solide
pouvant efficacement lutter contre le paradoxe de l'abondance. En effet, des
revenus pétroliers mal gérés engendrent un risque
lié au syndrome hollandais. En d'autres termes, si les recettes
pétrolières ne sont pas utilisées de manière
rationnelle et responsable, les générations actuelles et futures
se retrouvent exposées à une éventuelle crise
économique liée au cours aléatoire du prix du baril.
La protection des générations actuelles et
futures n'était pas un objectif voulu par le législateur
sénégalais ayant édicté le code pétrolier de
1998. Le nouveau contexte pétrolier exige que l'État
sénégalais adopte une gestion responsable des revenus
pétroliers en créant un fonds souverain pétrolier pour la
protection des générations futures (paragraphe
premier) et que ledit fonds soit encadré par le nouveau code
pétrolier et réglementé par une loi d'orientation
(paragraphe second).
Paragraphe premier - Une obligation de mise en oeuvre
d'un fonds pétrolier pour les générations
futures
La gestion rationnelle des hydrocarbures implique que
l'État sénégalais alloue une partie de ses revenus
pétroliers à son Fonds Souverain d'Investissements
Stratégiques (FONSIS) (A). Cependant, la gestion de ce
fonds devra être régulée par des organes de contrôle
afin d'éviter une dépendance politique du fonds ; une telle
dépendance ne garantirait pas la gestion transparente du fonds
(B).
90
A- L'allocation des revenus issus du pétrole et du
gaz au FONSIS
Le FONSIS est un fonds d'investissements
sénégalais créé par la loi 2012-34230 du
31 décembre 2012. Il a pour principal objectif d'investir et
préserver des réserves financières importantes pour les
générations futures231. Le rôle du FONSIS,
en tant qu'acteur dans l'investissement des revenus du pétrole et du gaz
sera primordial.
En outre, le FONSIS peut être un instrument de lutte
efficace pour une meilleure gestion des rentes issues des hydrocarbures. Cette
gestion efficace de la rente permettra de lutter contre le caractère
volatile des revenus pétroliers et gaziers tout en garantissant une
transparence certaine du pétrole et du gaz. Pour cela, il faut lui
octroyer la compétence de gérer les recettes issues du
pétrole et du gaz. En effet, lors de sa création, le potentiel en
hydrocarbures du Sénégal n'était pas encore
confirmé. Le FONSIS permettra au Sénégal d'échapper
à la malédiction des ressources naturelles,
phénomène bien connu dans les pays exportateurs de pétrole
associé au syndrome hollandais et à un fort déficit de
gouvernance.
Les fonds publics d'investissement du FONSIS ont d'abord des
objectifs macro-économiques. Ils permettraient au Sénégal
de faire face à la forte volatilitéì des
recettes pétrolières tout en atténuant les effets du
syndrome hollandais sur le court terme. Et sur le long terme, les fonds publics
d'investissement du FONSIS permettront de constituer des revenus financiers
pour les générations futures, notamment lorsque les
réserves pétrolières auront
étéì épuisées. Ces fonds
contribuent aussi à rendre l'utilisation de la rente
pétrolière plus transparente232.
Néanmoins, le fonds souverain ne devrait pas
dépendre uniquement de la rente pétrolière. Il faudrait
plus d'investissements dans des secteurs comme l'agriculture, car cela garantit
un retour sur investissement. Par conséquent, la rente
pétrolière du Sénégal devrait être une
opportunité pour solidifier davantage son économie et ne pas
faire du pétrole une dépendance économique.
Le FONSIS gagnerait également à investir
à l'étranger les revenus issus du pétrole et du gaz, que
l'État lui allouera. En d'autres termes, investir une part de la rente
pétrolière sur le marché
230 Loi 2012-34 du 31 décembre 2012 autorisant la
création d'un Fonds souverain d'investissements stratégiques
(FONSIS)
231 Ibidem
232 AOUN, Marie-Claire et BOULANGER, Quentin. Les nouveaux
défis des fonds souverains pétroliers, Notes de l'IFRI, 2015.
91
financier, permettrait la fructification efficace de
cette dernière. Cet investissement éventuel à
l'étranger remplirait un des objectifs essentiels du FONSIS qui est
d'investir et de préserver des réserves financières
importantes pour les générations futures233.
En vérité, la gestion transparente du FONSIS
nécessite une indépendance vis-à-vis de l'exécutif
afin de pouvoir assurer de manière impartiale les missions
prévues par la loi.
B- L'indépendance du FONSIS vis-à-vis de
l'exécutif sénégalais
Le FONSIS dans le cadre de ses missions, a pour
finalité d'investir les fonds pétroliers pour promouvoir un
développement local permettant aux générations actuelles
et futures de profiter pleinement des revenus issus du pétrole et du
gaz.
Cependant, le bémol de l'objectif du
développement local est que ce dernier se retrouve fragilisé
lorsque l'objectif devient une priorité politique. Le cas du fonds
souverain angolais en est un exemple234. Ce fonds souverain vise une
allocation diversifiée des actifs aux niveaux national et international.
Il ne s'agit pas d'un outil de stabilisation, mais son objectif est de
diversifier l'économie. Le président de la République
d'Angola dispose des pleins pouvoirs pour approuver la politique
d'investissement du fonds, les budgets annuels et multiannuels, les rapports de
gestion opérationnelle et la stratégie annuelle d'investissement.
Cette implication trop importante du pouvoir politique fragiliserait
très certainement le caractère efficace de la gestion des
investissements235.
Certes l'exécutif sénégalais alloue les
revenus pétroliers et gaziers au FONSIS, mais ce dernier devrait
être en mesure de mener les missions qui lui sont confiées de
manière indépendante sans une immixtion fréquente de
l'État sénégalais.
En plus, la gestion du fonds souverain nécessite
l'instauration d'un organe de contrôle et d'audit capable d'assurer le
fonctionnement transparent des fonds investis dans les différents
secteurs
233 Exposé des motifs de la loi 2012-34 du 31
décembre 2012 autorisant la création d'un Fonds souverain
d'investissements stratégiques (FONSIS)
234 AOUN, Marie-Claire et BOULANGER, Quentin. Les nouveaux
défis des fonds souverains pétroliers, Notes de l'IFRI,
2015
235 Ibidem
92
prioritaires. Par ailleurs, le Sénégal qui
bénéficiera d'une rente pétrolière importante aura
l'obligation de réinvestir la rente dans des secteurs prioritaires que
sont l'éducation, la santé, la construction d'infrastructures
capables d'améliorer les conditions de vie de la population.
Le cadre de gestion d'un fonds souverain doit être sain
et doit prévoir une distinction nette précise et effective
des rôles et attributions qui favorise la responsabilisation et
l'indépendance opérationnelle de la direction du Fonds souverain
qui la rendent apte à poursuivre ses objectifs236.
Paragraphe second - Une réglementation
juridique rigoureuse du fonds souverain pour une gestion profitable aux
générations futures
L'État du Sénégal, soucieux de
protéger les générations futures doit créer un
fonds d'épargne intergénérationnel destiné à
protéger la population de demain d'une éventuelle crise
pétrolière causée par une chute des cours mondiaux. Ce
fonds d'épargne devra aussi être accompagné d'un fonds
alloué à l'investissement dans les secteurs prioritaires pour
assurer le bien-être de la population locale.
Mettre en place des fonds souverains pour les
générations futures est une chose, mais garantir la
légalité relative à l'investissement du fonds en est une
autre. Le cas du Tchad pourrait servir d'exemple au Sénégal. En
effet, la loi pétrolière tchadienne garantissait un fonds pour
les générations futures, mais le manque de réglementation
encadrant le fonds a mené à la suppression discrétionnaire
de ce dernier par le Président tchadien.
En ce sens, la nouvelle législation
pétrolière devrait juridiquement renforcer le fonds pour les
générations futures en s'inspirant du recueil de bonnes pratiques
mettant en oeuvre les principes dits de Santiago (A). Puis,
les revenus alloués au FONSIS devront être précisés
par l'adoption d'une loi d'orientation (B).
236 AOUN, Marie-Claire et BOULANGER, Quentin. Les nouveaux
défis des fonds souverains pétroliers, art.cit.
A-
93
La mise en oeuvre des principes de Santiago, une garantie
de la régulation pérenne des fonds pour les
générations futures
Les principes de Santiago ont pour origine une réunion
de 26 fonds souverains qui appartiennent au groupe intergouvernemental de
travail instauré par le FMI237. Un recueil de bonnes
pratiques « dits principes de Santiago » y est élaboré.
Les principes de Santiago ont pour objectif de garantir l'indépendance
du fonds souverain vis-à-vis du pouvoir exécutif,
d'améliorer la transparence des fonds souverains dans leurs structures,
mais aussi dans leurs stratégies d'investissements. Les principes de
Santiago obligent les fonds souverains à rendre publics leurs objectifs
et le cadre juridiques régissant leurs activités.
La nouvelle loi pétrolière devra donc
intégrer ces normes et critères issus des principes de Santiago
pour une gestion efficace et transparente des fonds d'investissement relatifs
aux générations futures. En ce sens, le Sénégal
fort de son potentiel en hydrocarbures doit être un signataire des
principes de Santiago pour accroître son niveau de transparence dans la
gestion de son fonds souverain, le FONSIS.
B- La nécessité vitale d'instaurer une loi
d'orientation pour une transparence relative aux allocations des revenus
pétroliers garantissant la protection des générations
futures
Dans son objectif de garantir l'équité
intergénérationnelle, le FONSIS intégrera une part des
recettes pétrolières et gazières au fonds destiné
aux générations futures. De plus, l'État a l'obligation
légale de ne pas puiser dans les réserves du FONSIS pendant les
dix premières années depuis sa mise en place238.
Une loi d'orientation relative à l'investissement des
secteurs prioritaires est une nécessité au regard des enjeux de
transparence. La loi d'orientation permettrait de définir le cadre des
secteurs prioritaires. En ce sens, malgré les changements de
gouvernements, les secteurs prioritaires identifiés par la loi ne seront
pas affectés par les objectifs politiques qui peuvent évoluer
d'un gouvernement à un autre. En résumé, une loi
d'orientation votée par l'Assemblée Nationale
237 « Principes de Santiago », disponible sur :
http://www.ecgi.org/codes/documents/iwg_santiago_principles_oct2008_fr.pdf
238 Article 10 de la loi 2012-34 créant le FONSIS
94
assurera une gestion pérenne des fonds
d'investissement.
95
Conclusion
La richesse en ressources pétrolières et
gazières se transforme souvent en une malédiction. Le
pétrole et le gaz qui doivent être des vecteurs de
développement économique finissent par augmenter le taux de
pauvreté.
Le phénomène du paradoxe de l'abondance touche
une grande partie des pays africains producteurs de pétrole. Ces pays
riches en ressources naturelles ont un niveau de pauvreté qui se creuse
progressivement. Le paradoxe de l'abondance est dû à une gestion
opaque des ressources naturelles.
En effet, le paradoxe de l'abondance est une
conséquence du syndrome hollandais. Ce dernier s'explique par une forte
dépendance à la rente pétrolière au
détriment d'autres secteurs économiques prioritaires. Une chute
des cours mondiaux a donc un effet préjudiciable sur une économie
nationale.
Par ailleurs, le syndrome hollandais trouve son explication
dans un cadre purement juridique et réglementaire. De ce fait, la
théorie de Paul Collier qui développe une hypothèse selon
laquelle l'absence d'un cadre juridique et réglementaire mènerait
à un pillage des ressources s'est avérée véridique
dans l'étude scientifique effectuée.
Les cas du Nigéria et du Tchad ont
démontré qu'une absence de réglementation ou une mauvaise
application de cette dernière conduit au pillage des ressources
naturelles. Ces pays ont subi les effets du syndrome hollandais dû non
seulement à une dépendance importante à la rente
pétrolière, mais aussi à des cadres juridiques et
légaux insuffisants dans leur application. En d'autres termes, la
problématique liée à la gestion éthique et
transparente des ressources naturelles trouve sa réponse dans la mise en
oeuvre d'un arsenal législatif solide. Néanmoins, un cadre
juridique solide ne garantit pas une gestion prospère des ressources
naturelles, car son application est aussi capitale.
En se basant sur la théorie de Paul Collier, il a
été constaté que l'aspect juridique dans la gestion du
pétrole et du gaz est primordial et ne saurait être
négligé, car il y a un lien de causalité direct entre
l'exploitation des ressources naturelles et un seuil de pauvreté qui
augmente. Les exemples du Tchad et du Nigéria doivent servir d'exemple
pour le Sénégal.
La République du Sénégal dispose
récemment d'un bassin sédimentaire exploré par de
nombreuses compagnies pétrolières qui confirment son potentiel en
hydrocarbures. Par ailleurs, le sous-sol du Sénégal dispose
d'importants puits de pétrole et de gaz commercialisables à
partir de 2021. Par conséquent, le pays doit d'ores et
déjà répondre au défi du paradoxe de
l'abondance.
Étant donné que le Sénégal est
considéré comme un futur pays producteur de pétrole, il a
été pertinent d'analyser sous un angle juridique et par le biais
de sa législation pétrolière et tout en se fondant la
théorie de Paul Collier, les défis que pose le paradoxe de
l'abondance.
En ce sens, l'étude du régime juridique
pétrolier du Sénégal permet de relever que l'industrie
pétrolière présente des insuffisances juridiques qui
doivent être corrigées par la nouvelle législation
pétrolière. Premièrement, le contexte d'incitations
fiscales attrayantes dans le lequel le code pétrolier de 1998 ne
répond plus au nouvel environnement pétrolier.
Ensuite, en matière de transparence et gestion
responsable des ressources pétrolières, l'État du
Sénégal doit réguler son industrie
pétrolière. Tout d'abord, il doit doter la Société
civile des prérogatives lui permettant de participer activement dans la
définition des orientations stratégiques relatives au secteur des
hydrocarbures comme cela est le cas au Ghana où la Société
civile joue un rôle influent dans le domaine pétrolier. De ce
fait, pour corriger cette lacune juridique, l' État doit se conformer
à la directive de la CEDEAO portant sur l'harmonisation des principes
directeurs et des politiques dans le secteur minier ; une telle directive
reconnaît l'importance de la Société civile dans la
promotion du développement local.
Toujours dans le cadre de la transparence, l'État du
Sénégal a intégré l'ITIE pour mieux assurer la
gestion transparente de ses revenus pétroliers. Cependant, rejoindre
l'ITIE ne garantit pas une réussite dans la gestion responsable du
pétrole et du gaz, car les normes ITIE que l'État s'engage
à respecter doivent être accompagnées d'un cadre juridique
solide, ce qui n'est pas le cas du Sénégal.
En effet, la législation pétrolière de
1998 instaure un régime juridique qui promeut difficilement la
transparence notamment dans l'octroi des blocs, mais encore dans la part
réelle de l'État dans le régime juridique des contrats de
partage de production qui régit les relations contractuelles entre le
Sénégal et les compagnies pétrolières
internationales.
96
Enfin au niveau fiscal le code pétrolier a montré
ses limites portant l'interprétation des
97
dispositions fiscales relatives à l'exonération
portant sur les opérations pétrolières (article 48 du code
pétrolier 1998).
En somme, au regard de la théorie de Paul Collier, le
droit pétrolier en vigueur tel qu'il est conçu contient des
insuffisances qui ne lui permettent pas d'assurer une gestion éthique et
transparente du pétrole et du gaz. Une chute des cours mondiaux
exposerait le Sénégal au phénomène du paradoxe de
l'abondance.
Ainsi, une nouvelle réforme de la législation
pétrolière est exigée afin que cette dernière
puisse pleinement jouer son rôle dans le nouvel environnement
pétrolier. En ce sens, le nouveau code pétrolier devra
accroître les revenus de l'État, mais aussi créer un fonds
pour les générations futures (que le code pétrolier en
vigueur ne prévoit pas), garanti par une rigoureuse
réglementation juridique afin que le FONSIS puisse mener les missions
qui lui sont confiées par la loi en toute indépendance.
98
BIBLIOGRAPHIE
Sources primaires :
I- TEXTES CONSTITUTIONNELS , RAPPORTS INTERNATIONAUX ET
CONTRATS PÉTROLIERS
A- Textes constitutionnels
· Constitution de la République du Ghana
· Constitution de la République
Fédérale du Nigéria
· Constitution de la République du
Sénégal
· Constitution du Tchad
· Statuts de la Société des Pétroles
du Sénégal (PETROSEN)
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développement pétrolier et d'oléoduc Tchad-Cameroun,
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Potential versus Reality : West African Oil and Gas to 2020,
Cambridge, 2002
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Extractive Sector Transparency and Accountability
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Extractives (IE), 2004, 61 pages
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· Rapport de conciliation, ITIE, 2016, 198 pages.
·
99
Rapport du Oil and Gas Council, The MSGBC Basin : No One Hit
Wonder
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· Rapport du US Energy Information Administration
(EIA), Oil and Gas in Sub-Saharan Africa
· Rapport final, Étude comparative du cadre
légal et contractuel en matière d'hydrocarbures dans les
États membres de l'Association des Producteurs de Pétrole
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· Rapport ITIE, La norme ITIE 2016, 61 pages.
· Rapport, Plan Stratégique de l'ITIE (2017-2021)
· Rapport sur le Développement Humain, PNUD, 2001
· Rapport sur la situation économique du Gabon,
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C- Contrats pétroliers
· Contrat de Recherche et de Partage de Production entre la
PETROSEN et PETRO-TIM Cayar Offshore Profond
II- TEXTES LÉGISLATIFS, DECRETS ET DIRECTIVES A-
Textes législatifs
· Contrats types de Recherche de Partage et de
Production
· Loi n°001/PR/99 du 11 janvier 1999 relative à
la gestion des revenus pétroliers
· Loi n°016/PR/2000 du 1er août 2000
relative à la gestion des revenus pétroliers
· Loi 2001-09 du 15 octobre 2001 portant Loi Organique
relative aux Lois de Finances
· Loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016
portant révision de la Constitution
· Loi 2012-34 du 31 décembre 2012 autorisant la
création d'un Fonds souverain d'investissements stratégiques
(FONSIS)
100
B- Décrets
· Décret n°98-810 du 6 octobre 1998 fixant
les modalités et conditions d'application de la loi n°98-05 du 08
janvier 1998 portant code pétrolier
· Décret n°2013-881 du 20 juin 2013 portant
création, organisation et fonctionnement du Comité national de
l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE)
· Décret n° 2013-1154 du 23 août 2013
portant extension de la période initiale de Recherche du Contrat de
Recherche et de Partage de Production d'hydrocarbures conclu entre
l'État du Sénégal, la
Sociétéì des Pétroles du
Sénégal (PETROSEN) et la compagnie PETRO-TIM Limited pour le bloc
de Saint-Louis Offshore Profond
· Décret n° 2013-1155 du 23 août 2013
portant extension de la période initiale de Recherche du Contrat de
Recherche et de Partage de Production d'hydrocarbures conclu entre
l'État du Sénégal, la
Sociétéì des Pétroles du
Sénégal (PETROSEN) et la compagnie PETRO-TIM Limited pour le bloc
de Cayar Offshore profond
· Décret n°2016-1542 du 3 octobre 2016
portant création et fixant les règles d'organisation et de
fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du
Pétrole et du Gaz
C- Directives
· African Mining Vision, Union Africaine, 2009
· Directive C/DIR du 3/05/09 du 27 mai 2009 portant sur
l'harmonisation des principes directeurs et de politiques dans le secteur
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III- CONVENTIONS INTERNATIONALES ET
RESOLUTIONS
A- Conventions internationales et
sous-régionales
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http://www.diplomatie.gouv.sn/sites/default/files/accords-conventions-et-protocoles-de-la-
101
cedeao-ratifies-par-le-senegal.pdf
B- Résolutions
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Sources secondaires :
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CENTRE DE DÉVELOPPEMENT DE L'OCDE. Perspectives
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L'économie gabonaise souffre du syndrome hollandais, dit-on !,
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· TAMBA, Isaac,
TCHATCHOUANG, Jean Claude, et DOU'A, Raymond.
L'Afrique Centrale, le paradoxe de la richesse: industries extractives,
gouvernance et développement social dans les pays de la CEMAC.
Presses universitaires d'Afr, 2007.
· WUNDER, Sven. Oil Wealth and the
Fate of the Forest: A comparative Study of Eight Tropical countries,
Editions Routledge, 2005, 45 pages.
B- Revues et Notes doctrinales
· ANGELIER, Jean-Pierre.
L'évolution des relations contractuelles dans le domaine
pétrolier. Liaison énergie francophonie, 2008, no 80.
· AOUN, Marie-Claire et BOULANGER, Quentin. Les nouveaux
défis des fonds souverains pétroliers, Notes de l'IFRI,
2015.
· AUGE, Benjamin. :
- « L'exploration et la production
pétrolière en Afrique depuis 2014 », Notes l'Institut
Français des
103
Relations Internationales (IFRI), mai 2018, 29 pages.
- « Le pétrole au Nigeria, instrument de puissance
et miroir d'une fragilité étatique ».
Hérodote, 2015, n°4.
· COLLIER, Paul et
HOEFFLER, Anke. On Economic Causes of Civil War. Oxford
economic papers, 1998, vol. 50, n°4, p. 563-565.
· COUSSY, Jean. Formes spécifiques
du Dutch Disease en Afrique de l'Ouest : le cas du Nigeria et du Cameroun.
Revue Tiers Monde, 1991, p. 63-91
· DIA, Oumar, « Recherche et
possibilités pétrolières du Sénégal »
(1978). Revues socialiste de culture négro-africaine
n°13.
· GOULD, Jason and N. Kapadia. Dutch
Disease in Africa : A Case Study of Nigeria and Chad, University of
Michigan
· ROSSER, Andrew. The Political economy of
the resource curse : A litterature survey. 2006, 28 pages.
II- JURISPRUDENCES ET DÉCLARATIONS DISPONIBLES EN
LIGNE
A- Jurisprudences
· Jugement de la Cour Suprême nigériane,
Revenue allocation, Attorney General vs Attorney General of
Nigerian Federal States, 12 avril 2002.
· TIDM, 23 septembre 2017, Différend relatif
à la délimitation de la frontière maritime entre le Ghana
et la Côte d'Ivoire dans l'océan atlantique, p. 190-193.
B- Déclarations et articles disponibles en
ligne
· « African Energy Outlook », Gupte Eklavya, 01
septembre 2016, disponible sur :
https://www.spglobal.com/our-insights/African-Energy-Outlook.html
· « En Norvège, le puissant fonds souverain n'a
jamais accumulé autant d'argent », Le Figaro
économie, disponible sur :
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/02/28/20002-
20180228ARTFIG00006-en-norvege-le-puissant-fonds-souverain-n-a-jamais-accumule-autant-d-argent.php
·
104
« Fiscalité applicable à la transmission
d'actions entre PETROTIM Limited, Timis Corporation et Kosmos Energy »,
Communiqué du Ministère de l'Économie des Finances et du
Plan, disponible sur :
http://www.finances.gouv.sn/index.php/actualites/311-commfisca
· « Gaz : accord entre la Mauritanie et le
Sénégal pour l'exploitation d'un champ offshore »,
disponible sur :
http://www.jeuneafrique.com/529801/economie/gaz-accord-entre-la-
mauritanie-et-le-senegal-pour-lexploitation-dun-champ-offshore/
· « La Banque mondiale va aider le
Sénégal à négocier des projets pétroliers et
gaziers
complexes », Banque mondiale, 31 mai 2007, disponible
sur :
http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/05/31/world-bank-to-help-senegal-negotiate-complex-oil-gas-projects
· « Le CCSRP et sa contribution à la
surveillance de l'utilisation des revenus pétroliers au Tchad »,
NDOUBAHIDI SAMADINGAR François, 27 décembre 2015 disponible sur :
http://www.croset-td.org/2015/12/le-ccsrp-et-sa-contribution-a-la-surveillance-de-lutilisation-des-revenus-petroliers-au-tchad/
· « Le Sénégal en bref », Banque
Mondiale, disponible sur :
https://www.banquemondiale.org/fr/country/senegal
· « Le Sénégal pourrait entrer dans
le top 10 africain des producteurs de gaz », Le Monde
Afrique, 4 septembre 2018, disponible sur :
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/09/04/le-senegal-pourrait-entrer-dans-le-top-10-des-producteurs-de-gaz_5350044_3212.html
· « Le Sénégal, 1er pays
d'Afrique et 4ème pays du monde, à avoir accompli des
Progrès Satisfaisants en matière de mise en oeuvre de la Norme
ITIE », disponible sur :
http://itie.sn/le-senegal-1er-pays-dafrique-et-4eme-pays-au-monde-a-avoir-accompli-des-progres-satisfaisants-en-matiere-de-mise-en-oeuvre-de-la-norme-itie/
· « Principes de Santiago », Rapport,
disponible sur :
http://www.ecgi.org/codes/documents/iwg_santiago_principles_oct2008_fr.pdf
· « Problématique de l'industrie
pétrolière et gazière au Sénégal : enjeux et
perspectives », 9 novembre 2006, disponible sur :
https://www.dakaractu.com/Problematique-de-l-industrie-petroliere-et-gaziere-au-Senegal-enjeux-et-Perspectives_a121550.html
· « Secteur manufacturier : le grand moteur de
développement est-il voué à se gripper ? »
Publication de la Banque Mondiale, disponible sur :
https://www.banquemondiale.org/fr/topic/competitiveness/publication/trouble-in-the-making-
105
the-future-of-manufacturing-led-development
· « Tchad : second boom pétrolier »,
Article du Jeune Afrique, 20 juin 2018, disponible sur :
http://www.jeuneafrique.com/mag/575875/economie/tchad-second-boom-petrolier/
III- DONNEES DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES ET
THESES
DISPONIBLES EN LIGNE
A- Données de la Banque mondiale
· Données tirées de la banque mondiale,
disponible sur :
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NV.AGR.TOTL.ZS?locations=SN
· Données tirées de la Banque Mondiale,
disponible sur :
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SL.AGR.EMPL.ZS?locations=SN&name_desc
=false
· Données tirées du Observatory Of Economic
Complexity (OEC) disponible sur :
https://atlas.media.mit.edu/fr/profile/country/gab/#Export
B- Thèses en ligne
· Nakoumdé Ndoumtara, « Boom pétrolier
et risques d'un syndrome hollandais au Tchad : Une approche par la
modélisation en équilibre général calculable
», Thèse de Doctorat, Université d'Auvergne Clermont-Ferrand
I, 2007, 306 pages.
106
Annexe 1 :
Loi 98-05 du 08 janvier 1998 portant code
pétrolier, consultable sur :
http://itie.sn/reglementation/