3.2 Evolution et historique de l'occupation de l'espace
dans la vallée de la Tarka
Cet espace diminue vu la grande concurrence qui prévaut
dans cette vallée dans le cadre de
l'occupation de l'espace. Cette diminution est liée
à l'avancée du front agricole au-delà de la limite nord de
cultures et les fluctuations climatiques observées ces dernières
années couplées à des multiples sécheresses
chroniques (tableau 1).
Tableau 1: Quelques événements
majeurs ayant marqués les éleveurs
Années
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Nom local en Haoussa
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Caractéristiques
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1966
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tsaballé tia manda
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prix du mil de 25f à 100f CFA/kg
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1969
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Kakabao
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Manque fourrager dans la Tarka, bétail
décimé,
migration définitive de certains éleveurs vers
le Nigeria, Tchad.
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1974
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Bounkou koussou
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Manque fourrager, le son de blé est vendu aux
éleveurs à un prix modéré pour la première
fois.
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1984
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EL Bouhari
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migration définitive de certains éleveurs vers
le
Nigeria, perte d'animaux.
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1988
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Baroumjé
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Achat des animaux à des prix dérisoires par les
bouchers.
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1998
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Macé da ciki
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Manque de fourrage avec une perte d'animaux
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2005
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Agama
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Manque de fourrage, achat de vieilles cases pour donner aux
animaux.
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2010
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Manque de fourrage, perte massive des animaux.
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(Source : nos enquêtes)
On retient de ce tableau que, les différentes
sécheresses ont marqué les éleveurs de 1966 à 2010.
Les sécheresses de 1974, 1984 et 2010 ont beaucoup plus marqué
ces éleveurs avec une perte énorme des animaux et le
départ des éleveurs vers le Nigeria.
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3.2.1 Historique de l'occupation des terres dans quelques
terroirs de la Tarka : Kouggou, Kadago Rouga, Zongo Amayo, Boumdou Roua
(Koré Adoua) et Torodi rouga Terroir de Kouggou
Le village de Kouggou se situe en zone agropastorale dans la
commune rurale d'Azagor à 27 km à l'est de Dakoro. Selon Ardo
Housseini, la création de Kouggou est le fruit d'une grande
sécheresse qui les a chassés de Sokoto (Nigeria) avant
l'arrivée de Maurice Vilmin, dit « Maï Bougé
»11. A l'arrivée ils étaient au total 300 chefs
de ménage. Vingt (20) ans après une sécheresse a fait
partir définitivement 180 chefs de ménage vers le Tchad, Borno,
Diffa, Zinder. Actuellement, il n'y a que 120 ménages dont chacun
dispose d'un ou de deux champs. Cette situation les a conduits à
pratiquer et développer l'agriculture, d'où l'origine de
l'occupation anarchique des champs dans la Tarka. Tous les étrangers
sont les bienvenus et Ardo lui donne un champ après un avis de confiance
à moins qu'il soit sorcier. Ces chefs de ménage procèdent
souvent à des transactions foncières. C'est l'exemple de Saadou
Sani agriculteur haoussa originaire de Madarounfa qui a un capital foncier de 4
champs dont 3 achetés auprès des peuls avec des superficies
suivantes : 6 ha, 4 ha, 3,5 ha et 4,5 ha. Les sécheresses chroniques ont
obligé certains à changer de métier comme c'est le cas de
Garba Kouggou 66 ans devenu Dilal depuis 8 ans.
Terroir de Kadago Rouga
Ce village se situe en zone agropastorale de la Tarka dans la
commune de Dakoro à 9 km à l'ouest du chef lieu de la commune.
D'après Ardo Balli Kiri, ils sont originaires de Moussa à
côté de Birni Lallé et installer définitivement dans
la vallée de la Tarka depuis la grande sécheresse
surnommée localement « Maikoraré » il y a de cela 70
ans où un manque d'eau s'est déclenché. Selon Ardo, ses
grands-parents ont acheté un puits auprès des Haoussa, y compris
leurs champs à 20 000 F correspondant en ce temps à un troupeau
de 15 bovins. Ce puits s'appelle Kadago. Lors du fonçage de ce puits,
les étrangers de passage ont demandé de l'eau à boire les
habitants du village ont dit que c'est maintenant qu'on creuse le puits ; ces
étrangers ont réagi en disant en langue Haoussa « wanan gari
shiné Kadago » qui veut dire « ce village, c'est lui qui est
impitoyable » d'où le nom du village. Après le tarissement
de ce puits ardo a ordonné le fonçage d'un deuxième puits
cela depuis 35 ans. Les Haoussas ont quitté la vallée pour partir
plus au sud.
11 Ce colon fut le fondateur de la ville de Dakoro et premier
administrateur colonial de la subdivision de Dakoro.
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Zongo Amayo
Les Touareg de Zongo se sont installés eux-aussi 10 ans
après l'arrivée des peuls de Kadago. La sécheresse de 1984
les a poussés à quitter Zongo pour la recherche de
pâturage. Pendant les années normales, ces habitants sont
rentrés et ont choisi de cultiver les champs dans la vallée
autour de leurs anciens campements. Les peulh de Kadago les ont proposés
de cultiver les 15 champs de leurs frères qui ont quitté le
village. Ayant accepté, à leur grande surprise, les frères
de ces peulh étaient du retour au début des années 2000.
Donc ces Touareg ont réclamé leurs anciennes terres. Au lieu
d'occuper ces dernières, ils ont choisi de partir à la
frontière des champs des habitants de Maitourou à l'ouest de
zongo (à environ 4 km) tout en gardant les anciennes terres comme des
réserves ; ce qui a créé beaucoup de tensions. Conscients
de risque d'être chassés un jour, ils sont convenus d'avoir une
assise foncière.
Koré Adoua (Boundou Roua)
C'est un terroir situé en pleine zone pastorale dans la
commune de Bermo à moins de 4 km à l'est de ranch de Fako. Ce
sont des peuls Farfarou originaire de Korahane installés sur ce terroir
depuis 46 ans et sont les premiers à cultiver la terre. En ce temps, il
n'ya que les villages de Eggo et Assada. Un an après, ils ont construit
leur propre puits autorisé par les autorités de Dakoro. Les
causes de ce déplacement sont entre autres la recherche des champs selon
le propriétaire du puits Roua Garba 77 ans parce qu'au sud, l'espace
manque. Une fois le puits foncé ils ont créé des champs
aux alentours (photo n°1). Cette agriculture de subsistance auparavant est
devenue aujourd'hui une des activités principales de ce groupe. Elle
permet de prendre en charge la famille pendant 6 à 7 mois sans toucher
le troupeau.
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Photo 1:champs de mil en pleine zone pastorale à Boundou
Roua (à côté de ranch faco)
Torodi rouga
Ce village se trouve en pleine zone pastorale à environ
3 km à l'ouest de chef lieu de la commune de Gadabéji. Ce sont
des éleveurs transhumants originaires de Sokoto. Le village
récemment créé (2002), a vu le jour suite
aux appels lancés par les autorités politiques de se regrouper en
un seul lieu pour leur construire une école et un puits. Selon le
témoignage d'Ardo cheffou :
« Le chef de Gadabeji m'a donné 100 ha de
terres pour cultiver y compris mes administrés (94 chefs de
ménage) devant plus de 100 témoins. Il m'a autorisé
à foncer un puits malheureusement mes moyens ne me permettent pas de le
foncer ».
Cette occupation historique de la Tarka est à l'origine
de cette ruée vers cette prestigieuse vallée où chaque
éleveur ou groupe d'éleveurs cherche à avoir une maitrise
foncière forte. Cette vallée subit actuellement de très
fortes pressions humaines et animales. Cette situation est l'oeuvre de
plusieurs acteurs intervenant directement ou indirectement dans la Tarka.
En effet, la mobilité des éleveurs a
favorisé l'installation des agriculteurs hausa qui ont fini par
s'approprier l'espace en le cultivant. A travers cette fixation, Il s'agit de
créer des villages pour marquer l'espace. Avec ces villages, une partie
de la famille ne part pas en
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transhumance avec les animaux. Cette permanence permet
d'occuper l'espace pour éviter l'arrivée de nouveaux
agriculteurs.
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