Conclusion partielle
De nombreuses études ont montré que les deux
caractéristiques principales de la qualité de l'audit, que sont
la compétence et l'indépendance, étaient, dans les faits,
soumises à des pressions très fortes.
Comme le souligne PRAT (2003) la profession d'audit est
à la fois monopolistique et auto réglementée. Or, il
existe, comme dans toute activité humaine, le risque que les
professionnels comptables abusent de leur monopole et privilégient avant
tout leur propre intérêt lorsqu'ils sont en situation
conflictuelle avec un client.
Selon Makram and Pige (2004) l'évaluation de la
compétence peut être sujet à la sélection adverse.
Cette situation est due à l'asymétrie d'information qui existe
entre l'auditeur et l'audité. Ce dernier a en effet du mal à
percevoir les compétences réelles de l'auditeur. Par ailleurs, il
n'est pas en mesure d'apprécier si ce dernier met tout en oeuvre pour
parvenir à un rapport de bonne qualité.
La concurrence au sein de la profession d'audit étant
de plus en plus vive, l'intérêt personnel de l'auditeur peut
primer sur la mission de service public qu'il doit réaliser mettant
ainsi à mal l'hypothèse de l'indépendance des
professionnels. Le problème de l'indépendance de l'auditeur, et
de la difficulté à le rester, proviennent de la position
spécifique de l'auditeur. Il est, en effet, au centre d'une relation
d'agence peu commune. Il est nommé par les actionnaires, sur proposition
des dirigeants de la société qu'il devra contrôler, afin de
garantir les intérêts de tous les utilisateurs de l'information
financière.
Il apparaît que cet examen externe de la mission d'audit
n'est pas suffisant. Les échecs en matière d'audit dont nous
avons parlé au début de notre discussion nous le prouve bien.
Pour faire progresser la discipline de l'audit de plus en plus d'auteurs
s'intéressent au processus d'audit proprement dite afin de faire
émerger les règles de nature à faire progresser la
qualité d'audit.
3.2 L'évaluation de la qualité
intrinsèque : le processus d'audit
Ainsi, l'approche de la qualité de l'audit que nous
avons examiné jusqu'à présent se contente d'étudier
la qualité de l'auditeur sans se préoccuper
véritablement de la mission d'audit proprement dite. Cette
dernière reste selon MANITA and CHEMANGUI (2006) une boite noire
considérée comme inaccessible compte tenu de la complexité
de la mission. La majorité des études normatives et
expérimentales sur la qualité d'audit se sont contentées
d'extrapoler la qualité de l'audit par la qualité de
l'auditeur . Ce choix a été souvent motivé par la
difficulté d'observabilité du processus d'audit.
Mais le manque de réalisme, le caractère
simpliste et les limites conceptuelles de cette approche traditionnelle
à conduit de plus en plus d'auteurs à s'intéresser
à nature du processus d'audit afin d'y déceler les
éléments permettant d'améliorer l'appréciation de
la mission d'audit.
En 1987, d'après le Treadway Commission, l'organisation
de contrôles qualité de l'auditeur par ses pairs est une mesure
indispensable à l'amélioration de la qualité d'audit
(AICPA, 1987).
La directive 2006/43/CE relative aux contrôles
légaux des comptes annuels et des comptes consolidés stipule que
des inspections régulières sont un bon moyen d'assurer au
contrôle légal des comptes une qualité constamment
élevée .
Il apparaît donc qu'il est indispensable de soumettre
les contrôleurs légaux des comptes et les cabinets d'audit
à un système d'assurance qualité qui soit organisé
de façon à être indépendant des entités
contrôlées (Europeenne, 2006).
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Jean-Frédéric VÉFOUR
On constate que l'importance de notre questionnement
dépasse le cadre académique pour trouver son fondement sur le
plan pratique. Ainsi, de nouvelles prérogatives de contrôle sont
accordées à des organisations indépendantes. Aux USA, Ces
nouvelles dispositions trouvent leur application à travers la loi Sarban
Oxley, en France, la loi sur les nouvelles régulations
économiques ou encore la loi de sécurité financière
ont donné naissance au H3C. L'objectif de ces nouvelles
législations sont de mettre en place des procédures de
contrôle du travail de l'auditeur.
Une telle mission ne peut se faire sans le
développement d'une approche d'évaluation directe de la
qualité des travaux d'audit. Il s'agit d'apprécier la nature des
travaux d'audit réalisée.
3.2.1 La nature des travaux d'audit
Les travaux d'audit se caractérisent par leur
technicité, la prise en compte du risque et son caractère
contingent à l'entreprise auditée.
3.2.1.1 Les bases techniques de l'auditeur
Pendant longtemps l'activité d'auditeur légal a
été considérée comme une activité de
vérification exhaustive des enregistrements comptables(Casta and Mikol,
1999). Par la suite, les praticiens ont progressivement développé
une approche structurée de l'audit.
À partir des années 1950-1960, l'entreprise est
perçue comme un système.
Un système est un ensemble d'éléments
liés entre eux et formant un tout organisé. De l'interaction des
parties émergent des propriétés nouvelles, de nature
interactive ou globale, que les parties ne possèdent pas en tant que
telles. La transformation d'un élément agit sur les autres et
entraîne une modification du système tout entier (Le Duff et al.,
1999) 10.
Le système est un outil de modélisation
permettant de représenter et d'analyser des complexes
d'éléments caractérisés par leur nombre
élevé et un réseau de relations imbriquées.
Cette évolution conduit l'auditeur à
privilégier les études de fonctionnement, c'est-à-dire
à analyser davantage les flux d'information et le système de
contrôle interne que les enregistrements comptables.
Ces approches font aujourd'hui référence
à des outils de base qui font partie de la panoplie de l'auditeur :
diagramme de circulation de l'information,
questionnaire d'appréciation du contrôle
interne,
examen analytique,
techniques de sondage statistique ...
3.2.1.2 Vers un approche fondée sur le
risque
En outre, cette approche moderne a intégré,
dès les années 50, une perception du risque issue de la
théorie statistique de la décision.
Selon Casta and Mikol (1999) la méthodologie a,
dès cette époque, été profondément
marquée par la décomposition du risque. Du risque d'audit (risque
qu'il subsiste une erreur significative dans les comptes annuels) on en vient
à une multitudes de risque élémentaires :
risque qu'il existe une erreur significative dans les
opérations,
risque de non-détection par le système de
contrôle interne,
10. P. Luart, p. 1173
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Jean-Frédéric VÉFOUR
~ risque de non-détection par l'auditeur ...
Dans une logique d'analyse du risque des instruments
spécifiques vont être mis en oeuvre. Ainsi, on parle du seuil de
signification (ou seuil de matérialité) qui représente le
niveau au-dessous duquel les erreurs ou risques d'erreurs relevés ne
sont pas de nature à remettre en cause la régularité et la
sincérité des états financiers sur lesquels l'auditeur est
amené à porter une opinion.
On a aussi élaboré le concept de niveau de
confiance qui permet d'identifier les zones de risques.
Nous vivons dans une économie
caractérisée par la complexité et
l'interdépendance, dès lors les auditeurs externes doivent
élargir leurs champs d'investigation pour atteindre un audit
intégrant la dimension stratégique de l'entreprise. Cette
démarche implique une analyse approfondie du risque inhérents aux
caractéristiques de l'entreprise. Elle est devenue l'une des exigences
majeures des utilisateurs de l'information financière et des rapports
d'audit associés.
3.2.1.3 La recherche de
compétitivité
Plus récemment avec la croissance de la
compétition entre les cabinets d'audit, ces derniers ont cherché
à améliorer leur productivité. L'usage de l'outil
informatique à de ce point de vue apporté des progrès
considérables. Ainsi, les auditeurs utilisent dorénavant :
~ des progiciel d'aide à l'audit,
~ des outils bureautique permettant d'intégrer les
papiers de travail,
~ des systèmes de gestion de bases de données
...
Par l'usage de ces nouveaux procédés les
auditeurs cherchent un arbitrage optimal entre le risque et le coût. Le
but ultime étant l'allègement de leur programme de travail tout
en améliorant leur capacité de détection des zones de
risque.
3.2.1.4 l'adaptation des travaux d'audit à
l'entreprise
Dans ce contexte, les nouvelles méthodes s'inscrivent
dans une démarche qui cherche à construire un modèle
d'évaluation de la qualité d'audit, axé sur la mesure du
niveau d'adaptabilité de l'audit aux caractéristiques de
l'entreprise et aux zones de risques inhérentes. Il ne s'agit plus
d'apprécier les qualités de l'auditeur, mais bien
d'étudier le processus de travail mis en oeuvre par ce dernier afin de
déterminer si ce processus est de nature à permettre la mise en
lumière des défaillances et des insuffisances des états
financiers.
La manière dont l'auditeur va mettre en oeuvre le
processus d'audit, en particulier, son aptitude choisir le coût de
production optimal des inputs, nommé effort (ou heures d'audit) et son
aptitude à sélectionner les technologies auxquelles il va
recourir, va directement déterminer sa capacité à
découvrir les erreurs dans les documents de synthèse. (Sirois,
2009)
Pour mettre en oeuvre des travaux d'audit efficace l'auditeur
doit disposer d'une base de connaissance suffisante. Il doit en fonction de
l'entreprise utiliser les outils appropriés, mettre en pratique les
diligences qui s'imposent. Dans sa pratique de l'audit, l'auditeur va devoir
choisir entre l'application d'une technique de contrôle plutôt
qu'une autre. Ce choix sera spécifique à chaque entreprise. Une
technique de contrôle sera jugée efficace si elle est capable, en
tenant compte de son pouvoir de détection et d'explication, de
résoudre le problème auquel l'entreprise est
confrontée.
11. Cf paragraphe 2.4.2.
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L'auditeur devra donc s'interroger en permanence sur
l'adéquation des techniques de contrôle aux problèmes
rencontrés. Mesurer le degré d'adaptabilité des travaux
d'audit, c'est évaluer si les techniques et moyens de contrôle mis
en place par les auditeurs permettront de détecter et d'expliquer les
dysfonctionnements éventuellement existants au niveau de
l'entreprise.
Compte tenu de toutes ces considérations, l'auditeur
doit être un professionnel de haut niveau doté d'une solide
expérience professionnelle (Europeenne, 2006).
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