2.5.4 Epargne intérieure brute et investissement
privé en Haiti
L'épargne intérieure brute est un indicateur qui
nous renseigne sur la capacite d'un pays à débloquer ses propres
capitaux pour financer les investissements, autrement dit, la non
dépendance vis-à-vis les capitaux étrangers. Globalement,
l'épargne domestique brute représente la différence entre
le P11B et les dépenses de consommation finale ;
précisément, il constitue de la partie du revenu national
disponible qui n'est pas affectée à la dépense de
consommation finale, celle des ménages ou celle des gouvernements. Elle
correspond aussi à la somme des différents secteurs
institutionnels.
Les taux d'épargne, rapport entre l'épargne
intérieure brute au P11B, sont relativement faibles voire
négatifs(voir tableau VII en annexe): Au cours de la
période sous-étude, l'épargne intérieure brute
représente en moyenne -10,73% en pourcentage du P11B. L'évolution
de l'épargne peut être décomposée en trois
sous-périodes : de 1981 à 1990, le taux d'épargne
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intérieure brute représente en moyenne 7,20% du
PIB; de 1991 à 2000, Haïti a connu une situation de
désépargne affichant un taux de -21,33% en moyenne; De 2001
à 2010, il accusait un taux moyen de -18,05%. Ces faibles taux
d'épargne par rapport aux besoins de financement des investissements
engendrent une dépendance accrue du pays au financement
extérieur.
Graphique X :Evolution de l'épargne et de
l'investissement en pourcentage du PIB
-20.00%
-40.00%
40.00%
60.00%
20.00%
0.00%
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
Inv_priv/pib Epargne/pib
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Source : BRH (Données) et
Auteur(Graphique)
Cependant, l'épargne en vue d'accumuler du capital a
pour coût d'opportunité la consommation courante,
c'est-à-dire elle nécessite le sacrifice de la consommation
courante, de manière à dégager des ressources servant
à la production des biens de consommation.Vu sous cet angle, l'on
comprend pourquoi qu'Haïti n'arrive pas à dégager une
épargne brute considérable compte tenu de la faiblesse du revenu
réel par habitant. Le taux de croissance du PIB per capita
représente en moyenne -0,81%, ce qui sous-entend que la majeure partie
de la population se trouve déjà réduite à un
minimum vital de subsistance, donc il n'est pas évident que cette
population arrive à différer sa consommation actuelle sous forme
d'épargne brute. Donc, la quasi-totalité du revenu de la
population haïtienne est consacrée à sa subsistance ;
d'où la très grande propension à consommer de cette
population. Au cours de la période sous-étude, la consommation
globale représente en moyenne 111% du PIB. Cet état des lieux met
en opposition la consommation courante urgente avec l'épargne,
d'où une nette incapacité à mobiliser un capital interne
positif. Il existe aussi une minorité qui épargne à
l'intérieur du pays, souvent l'épargne de cette minorité
est transportée à l'étranger à cause des
plus-values que procurent ces montants sur le marché financier
international surtout des pays industrialisés ou également
à des fins de précaution en cas de crise politique.
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Les faibles taux d'épargne en Haïti s'expliquent
également par les faibles taux de rémunération des comptes
bancaires représentant 3,76 % de 1994 à 200162. Compte
tenu des taux moyens d'inflation élevés en Haïti d'environ
23 %, lorsque un compte de dépôt est rémunéré
à un taux relativement faible, il est clair que chacune des gourdes
s'est aussi dépréciée et le pouvoir d'achat a autant
baissé ; ce qui ne se cadre pas à une politique incitative de
l'épargne nationale. Donc, en faisant un placement dans une banque
haitienne, le déposant tend à s'appauvrir. Ce dernier sans s'en
rendre compte parfois, est en train de verser un intérêt à
la banque. C'est pourquoi les déposants avisés épargnent
à l'étranger. Car autant que les taux d'inflation sont importants
par rapport aux taux d'intérêt, plus sera considérable la
fuite des capitaux qui pourraient constituer l'épargne intérieure
brute pour accumulation de capital en Haïti.
En somme, nous pensons qu'il importe une action de
l'État pour défaire le dilemme épargne/investissement
privé. Cette action pourrait se faire sur deux axes : d'une part,
créer de nouveaux emplois en vue d'augmenter les revenus réels
par tête, ce qui serait susceptible de faire augmenter le ratio
épargne/PIB ; d'autre part, stimuler l'épargne privée en
agissant sur les taux d'intérêt, par des incitatifs fiscaux et des
politiques monétaires adéquates et en palliant les
déficiences du marché des capitaux en Haïti. Car,
l'épargne, accumulation nationale, est l'une des conditions importantes
du développement économique durable et auto-entretenu. Ainsi, un
taux élevé d'épargne faciliterait un accroissement de
l'investissement et allégerait la dépendance du pays à
l'égard du financement externe.
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