SECTION II : Des institutions africaines à
l'inertie
Les perspectives de paix et de
sécurité dans le continent africain sont
décourageantes26. Malgré les efforts des organisations
régionales, sous-régionales et même de la
société civile, on note une certaine récurrence des
guerres civiles, des conflits entre Etats et groupes armés ou autres
dans la partie Ouest du continent. Cette « tumeur » cancéreuse
que constituent les guerres dans le continent favorise de plus en plus la
dégradation sociale, économique et environnementale du
continent.
Devant de telles atrocités, les institutions Africaines
restent parfois muettes et presque inexistantes. Ceci s'explique dans un
premier temps, par les pouvoirs limités dont disposent les organes
régionaux ou sous- régionaux (PARAGRAPHE I) et
dans un second temps, par l'influence des grandes puissances dans les prises de
décisions (PARAGRAPHE II).
26 Eric G. Berman et Katie E. SAMS.
PARAGRAPHE I : Des organes aux pouvoirs
limités
La déclaration instituant à l'O.U.A un
mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement
des conflits assigne un rôle très limité à ce nouvel
organe.
Aux termes du paragraphe 15 de la déclaration,
l'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A) ne peut «
constituer et déployer que des missions civiles et militaires
d'observation et de vérification de taille et de durée
limitées »; il est bien entendu qu'en cas de véritable
conflit armé, il sera fait appel à l'organe des Nations Unies.
Le mécanisme de l'U.A a donc été
conçu dés le départ comme un moyen de prévenir les
conflits, d'aider à la restauration de la confiance entre les
belligérants et, dans le meilleur cas, un outil permettant de
cristalliser, sur le terrain, les positions acquises afin d'éviter qu'un
conflit ayant déjà éclaté ne puisse
dégénérer au point de nécessiter une intervention
internationale collective.
Certes, c'est par souci de réalisme politique que les
chefs d'Etat et de Gouvernement ont assigné un rôle aussi
limité à l'organisation africaine. Mais l'analyse de la nature
des différends africains aurait dû les amener à
prévoir, dans certains cas, la possibilité pour l'U.A de monter
des opérations de maintien de la paix, même de taille
réduite.
En effet, comme l'a abondamment expliqué M. Wanga dans
son ouvrage portant sur l'U.A et le règlement des différends, le
différend africain présente deux caractéristiques
fondamentales : il est essentiellement politique et fortement
personnalisé.
Il s'en suit donc que les différends africains
évoluent très rapidement vers des conflits armés, que ce
soit entre Etats ou au sein même de ceux-ci. De même, les
turbulences de la transition démocratique dans un continent qui
s'illustrent par la corruption généralisée des
élites au pouvoir et la violation systématique des droits de
l'homme, débouchent souvent de manière inattendue, sur une
conflagration armée.
Il s'agit là de situations que l'organisation
continentale ne saurait perdre de vue, et qui exigent, dés leur
survenance, qu'une force d'interposition ou de maintien de la paix puisse
empêcher une extension regrettable des hostilités.
Comme on l'a bien vu dans le cas du Libéria,
l'intervention des troupes dépêchées sur le terrain par la
C.E.D.E.A.O a permis de stabiliser les positions des belligérants, de
soulager les souffrances des populations, bien avant que les Nations unies ne
prennent en charge ce dossier.
Toutefois, il faut souligner que les succès connus
l'ont, le plus souvent, été dans de courtes durées. Ces
pouvoirs limités de ces organisations sont, en permanence, la
conséquence de difficultés matérielles, institutionnelles,
économiques et militaires dont elles sont confrontées. A cet
effet, d'autres mesures de renforcement doivent être envisagées si
elle ne l'ait déjà. Par exemple, il faut permettre à
l'Union Africaine de pouvoir intervenir dans les conflits de la zone
Ouest-africaine sans qu'elle puisse rencontrer la résistance de la
C.E.D.E.A.O. Des incompréhensions ou hostilités sont
constatées au sein même des organes de défense du
continent.
Ces difficultés sont généralement
liées aux positions diverses et antinomiques des acteurs africains sur
les questions de conflits armés ans le continent. Déjà,
dans le déploiement des forces de sécurité, certains pays
refusent même d'envoyer leurs forces nationales combattre en terrain
ennemi. C'est parfois des opérations très couteuses en termes de
moyens humains, matériels et autre. Vu la faiblesse des contingents
militaires des pays africains respectivement, on voit nettement à quel
point les organisations africaines de paix sont faibles. Le plus récent
exemple reste la crise Malienne avec une position mitigée de la
C.E.D.E.A.O au début de la crise. Dans ce conflit, le Malien
lui-même ne voulait pas d'une intervention militaire au nord du pays. Le
Sénégal aussi, un pays frontalier, avait décidé
jusqu'aux dernières nouvelles de ne pas envoyer d'hommes combattre au
Mali. Devant la réticence de ces Etats et l'avancement de la
rébellion avec leurs menaces de faire sauter des explosifs dans toutes
les capitales de la C.E.D.E.A.O, les positions de beaucoup des pays de
l'Afrique occidentale commencent à changer. Finalement, en mi-septembre
de la même année, il a été décidé au
sein de la C.E.D.E.A.O, d'intervenir militairement au nord Mali.
Le problème, c'est qu'on assiste souvent à des
oppositions entre la C.E.D.E.A.O et l'U.A mais aussi à des calculs
d'intérêts et ceci ne fait qu'affaiblir ou encore même
retarder l'intervention d'une force de sécurité. Au-delà
de cette confrontation entre institutions africaines, on constate d'autres
difficultés qui « déshabillent » ces organisations de
tout pouvoir de décisions autonome. Il s'agit en fait de l'immixtion des
institutions et puissances étrangères dont nous estimons
développer ci après.
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