PARAGRAPHE II : les mécanismes
juridiques sous-régionale
Comme nous l'avons fait mention dès l'entame de notre
étude, fut créée en 1975, la Communauté Economique
des Etats de l'Afrique de l'Ouest (C.E.D.E.A.O)18. Cette institution
se charge de mettre en place un certain nombre de règles juridiques
régissant un certain nombre de relations entre les Etats membres de
l'Union. Cette institution a été créée devant
l'impasse de l'Union Africaine à résoudre les problèmes
conflictuels du continent.
Dès le 22 avril 1978, un protocole de non-agression
sera ratifié par les Etats membres de la C.E.D.E.A.O19. Ce
protocole prévoit un des mesures ou dispositions applicables soit dans
les relations conflictuelles naissantes entre Etats ou interne aux Etats ou
entre Etats et groupes. Il s'agit entre autre, de l'obligation faite aux Etats
signataires de ne pas s'attaquer mutuellement. Une intervention de l'Union, en
cas de conflits existants entre Etats membres, ou groupes armés, est
également prévue. En 1981, un autre protocole a été
signé entre les Etats signataires de la charte de la
C.E.D.E.A.O20. Il s'agit du protocole d'Assistance en Matière
de Défense. D'après ce protocole, le recours à la force
est interdit entre les Etats membre de l'organe. Il est aussi prévu que
tous les Etas membres doivent fournir aide et assistance en cas d'agression ou
menace d'agression armée. Ainsi, des normes juridiques de
règlement des conflits dans la sous-région Ouest-africaine ont
été adoptées.
18SADY (S), « Le Résolution des
conflits en Afrique », Thèse de Doctorat d'Etat en Science
Politique, 22 janvier 2003, p 127onal.
19 Danfulani (S.A), Les pactes d'assistance
militaire régionaux africains : aspect juridique, difficultés
politiques et stratégiques. Afrique 2000, mai 1994, p.5-13.
20 Les Etats membres de la C.E.D.E.A.O sont :
Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée,
Libéria, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra
Léone, Togo. La Mauritanie était membre mais elle s'est
retirée en 1999.
Le premier texte à avoir vu le jour au niveau de la
C.E.D.E.A.O offre un cadre juridique de concertation et de négociation
qui permet d'élaborer un ensemble de dispositifs relatifs à la
paix, au désarmement et à la sécurité de l'Afrique
de l'Ouest21. En effet, très vite, deux textes faisant partie
intégrante de la C.E.D.E.A.O ont fixé le cadre et les
règles appelées à orienter les effets en matière de
promotion de la paix et de la sécurité dans la
sous-région22. Le premier de ces textes est l'Accord de
Non-agression et d'Assistance en matière de Défense (A.N.A.D).
Cet accord a été signé le 9 juin 1977 dans le cadre de la
communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest et destiné à
assurer la paix et la sécurité par la prévention des
conflits, le règlement des différends par les moyens pacifiques
et l'assistance militaire en cas d'agression23.
Deux faiblesses majeures de l'A.N.A.D ont parfois conduit
à ses échecs24. La principale faiblesse de l'Accord de
Non-agression et de Défense tient à l'inadéquation entre
l'intention nettement exprimée de mettre en commun les moyens en vue de
rendre efficace la sécurité des Etats membres d'une part, et
l'absence caractérisée d'une volonté politique
exprimée pour la constitution d'une force de défense commune
autonome et permanente d'autre part. En effet, l'absence d'une force de
défense commune autonome et permanente remet en cause le
bien-fondé de l'engagement des Etats signataires, car elle touche
l'essence même de leur capacité à dissuader.
Pour autant que l'on s'intéresse aux questions de
stabilité et de défense, l'on voit mal l'efficacité
opérationnelle d'une décision de la Conférence des chefs
d'Etat et de Gouvernement réunie à la hâte après une
menace ou une agression en cours d'exécution, enjoignant à la
bureaucratie de l'armée de chaque pays de choisir les forces nationales
devant aller combattre.
Cette fuite en avant est perceptible dans l'esprit de
l'article 3 de la Charte de la C.E.D.E.A.O qui précise, au sujet de la
conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, que cette rencontre est
précédée par la tenue d'un conseil ministériel
chargé d'examiner la situation, d'émettre un avis sur
l'opportunité d'une action militaire et de préparer,
éventuellement, une étude sur la stratégie à
adopter et les moyens d'intervention à mettre en oeuvre.
21MALAM-KANDINE Adam, 1993, «Les faiblesses
des structures institutionnelles comme frein au processus d'intégration
régionale en Afrique de l'Ouest », exposé
présenté lors de la conférence sur l'intégration
régionale en l'Afrique de l'Ouest (11-15 janvier, Dakar, Centre de
recherches pour le développement international).
22 Koffi (K), La stabilisation et le maintien de la
paix en Afrique de l'Ouest, Thèse de doctorat (N R) en droit
international, Lille II, p.479
23 Barry (M A), La prévention des conflits
en Afrique de l'Ouest, Paris Karthala, 1997, p.208
24 TSHIYEMBE Mwayila BUKASA Mayele, L'Afrique face
à ses problèmes de sécurité et de défense,
présence africaine, 25 bis, rue des Ecoles, 75005 Paris 64, rue Carnot,
Dakar, P. 220.
Cette confusion aurait été dissipée s'il
était clair dans l'esprit de chacun que les modalités de
participation de chacun des Etats membres à la force de défense
commune est une chose, et que la liberté de définir les
modalités d'adaptation des manoeuvres aux conditions spécifiques
de chaque type de menace ou d'agression en est une autre. A défaut
d'avoir réglé ces préalables, l'A.N.A.D donne, à ce
jour, l'image d'un immense château de sable planté dans un
décor vide.
La seconde faiblesse de l'A.N.A.D est contenue dans l'article
6 de la Charte de la C.E.D.E.A.O. Selon celle-ci, les engagements aux termes de
cet Accord ne peuvent pas être interprétés comme portant
atteinte aux conventions ou accords conclus, en matière de
défense, par l'une ou l'autre partie avec des Etats tiers. Et puisqu'il
est difficile, voire impossible d'amener tous les partenaires à se
convaincre que l'allié de nos amis est notre allié, l'on touche
du doigt les limites de toute approche sous-régionale en matière
de sécurité et de défense. Au-delà de l'A.N.A.D, la
C.E.D.E.A.O avait mis en oeuvre d'autres mécanismes à travers le
Protocole d'Assistance Mutuelle (P.A.M). Cet organe connait de la même
manière que l'A.N.A.D un certain nombre de problèmes dans la
concrétisation de ses dispositions. Comme l'A.N.A.D25 , le
P.A.M a manqué de volonté politique décisive pour faire de
la force armée alliée de la communauté (F.A.A.C), une
force d'intervention commune et permanente qui soit à l'abri de la
surprise des agressions ou menaces éventuelles. De ce fait, la
cohérence du dispositif inscrit dans le texte demeure sans grande
signification dans la pratique. De même que les unités
désignées au sein des armées nationales en cas
d'intervention armée que le protocole appelle forces armées
alliées de la communauté constituent une gageure.
Le protocole d'Assistance Mutuelle en matière de
Défense est un véritable accord de défense qui vise
à assurer la sécurité et l'assistance entre les Etats de
la sous-région en cas d'attaque, de menace d'agression ou de toute
menace extérieure. Il préconise la création, en cas de
conflit impliquant au moins un Etat de la communauté, d'une force
commune d'interposition, voire d'unités d'intervention émanant
des contingents des Etats membres et qui constituent les forces alliées
de la Communauté. Cette force envisagée n'est pas permanente mais
les Etats s'engagent à mettre à la disposition de la
communauté des unités nationales en cas d'intervention
armée. C'est dans cette perspective qu'une force sous régionale a
été envoyée au Libéria, en Sierra Léone et
récemment, en Côte d'Ivoire pour faire revenir la paix dans ces
zones de l'Afrique de l'Ouest où avait éclaté une guerre
civile.
25 Pour une étude
détaillée cf, Ba (G), Esquisse génétique des
fondements de la sécurité sous-régionale, Armée
Nation, n°23-24, janvier-avril 1999, pp 27-28 ; Ba (G), L'accord de non
agression et d'assistance en matière de défense (ANAD),
Armée Nation, n°23-24, janvier-avril 1999, pp 29-30 ; Ba (G), Les
protocoles de non agression et d'assistance mutuelle en matière de
défense de la CEDEAO, Armée Nation, N°23-24, janvier-avril
1999, pp 31-32 ; Ba (G), L'expérience de l'ECOMOG, force de paix
Ouest-africaine, Armée Nation, 23-24, janvier-avril, pp 33-34 ; Ba (G),
Les perspectives de nouveaux mécanismes de la CEDEAO, Armée
Nation, N°23-24, janvier-avril 1999, pp 35-36.
Toutefois, il faut noter que l'instrument le plus
décisif dans l'organisation des structures et des processus de gestion
collective des questions de sécurité sous-régionale reste
sans aucune contestation le protocole relatif au mécanisme de
prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de
la paix et de la sécurité adopté le 10 décembre
1999 par les chefs d'Etats et de gouvernement de la C.E.D.E.A.O. Ces
mécanismes mis en orbite par cette institution sous-régionale ont
toutefois, tous, connus des faiblesses énormes dans la
réalité de leur application concrète. D'autres tars, des
institutions africaines, dans leurs interventions des conflits qui hantent la
région Ouest-africaine, ont aussi attiré notre attention au cours
de cette recherche.
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