ECRITURE DRAMATIQUE CAMEROUNAISE CONTEMPORAINE :
VISAGES, PALMARES, CARACTERISTIQUES ET OUTILS DE VALORISATION
MEMOIRE
PRESENTE EN VUE DE L'OBTENTION DU MASTER EN ARTS DU SPECTACLE
ET CINEMATOGRAPHIE
SPECIALITE : PRODUCTION THEATRALE
PAR
MARCELLE SANDRINE BENGONO
LICENCIEE EN ARTS DU SPECTACLE ET CINEMATOGRAPHIE
MATRICULE
11G357
SOUS LA DIRECTION DE
GUY FRANCIS TAMI YOBA
CHARGE DE COURS
Juin 2019
DEDICACE
À mes parents :
Simon Marcel MEBONDE NDONGO et Claire NGAMBIDA Epse
MEBONDE
Pour votre amour et vos sacrifices
À Bertrand Baleguel
Pour ta présence inconditionnelle à mes
côtés
REMERCIEMENTS
À mon Directeur de mémoire le Dr Guy Francis
Tami Yoba, sans qui je ne serais jamais parvenue au bout de ce travail de
recherche. Merci pour la disponibilité et l'accompagnement.
À mon Chef de Département, le Pr Martin
Elouga.
À tous mes enseignants du Département des Arts
et Archéologie : les Professeurs Jacques Raymond Fofié, Anne
Tanyi Tang, Donatus Fai et Bolé Butaké (de regrettée
mémoire) ; les Docteurs Emelda Samba, Longin Colbert Eloundou,
Joseph Wambo Noumbissi, Ibrahim Mougandé, Jacques Merlin Bell Yembell,
messieurs Tafor Ateh, Aristide Sanama et Simon Atéba (de
regrettée mémoire). Vous avez été pour moi des
modèles.
Aux Hommes de théâtre qui m'ont
accompagnée et sans qui ce travail n'aurait jamais vu le jour :
Edouard Elvis Bvouma, Sufo Sufo, Martin Ambara, Eric Delphin Kwegoué,
Hermine Yollo, Wakeu Fogaing, Bertrand Baleguel, Nicaise M. Wegang,
Stéphane Alima.
À tous mes camarades de la promotion 2011 et à
ceux qui se sont joints à nous au fil des années
particulièrement à Monahil Mounif Fernande, Ndjombé Titi,
Kenmoé Emmanuel, Mendela Bediebe, Gangué Fabrice Axel,
Félicité Asseh, Carine Bahanag et Ngringeh Laureta. Nous avons
fait des scènes ensemble pour certains, vous m'avez soutenue dans ce
travail pour d'autres et enfin vous m'avez motivée ou inspirée.
À mes frères et soeurs : Hervé
François, Marie Josèphe, Jean Stéphane, Delphine
Christelle, Thierry Daniel, Simon Marcel Victoire pour l'amour, le
soutien, l'accompagnement.
À la famille de Nkol-Akoa pour avoir toujours
volé au secours de mes parents pour chacun de nous.
À Bertrand Baleguel pour m'avoir fait découvrir
et aimer le théâtre, pour avoir marché ensemble d'Ekounou
à l'Université les jours de galère et bien plus encore.
À mes amis Denis Munka, Alfadjo Baldé et Fred
Christian Mila.
À tous ceux qui ont contribué d'une
manière ou d'une autre à la réalisation de ce travail.
À Dieu le Père Tout-Puissant pour sa
grâce étonnante, sa vie et son amour infini.
RESUME
Un état des lieux de la production
théâtrale camerounaise permet de remarquer une crise du
théâtre dit savant. En effet les autres genres tels que le stand
up, l'humour... ne connaissent pas la désaffection des salles de
spectacles. A l'origine de la création théâtrale
camerounaise contemporaine, nous retrouvons presque toujours les mêmes
classiques ou à la limite des textes venus d'ailleurs. Nous nous sommes
alors posé la question de savoir si les dramaturges camerounais avaient
cessé de produire des oeuvres. C'est ainsi que nous avons
découvert une nouvelle vague d'auteurs dramatiques camerounais inconnus
du public et de la communauté scientifique. Cette recherche
intitulée : Ecriture dramatique camerounaise
contemporaine : visages, palmarès, caractéristiques et
outils de valorisation ; se propose de mettre en lumière cette
nouvelle vague d'auteurs dramatiques camerounais contemporains et leurs
oeuvres dans le but d'une revitalisation du théâtre camerounais.
Elle traitera du problème de la légitimation insuffisante de la
nouvelle tendance de renouvèlement de l'écriture dramatique
camerounaise contemporaine et de ses auteurs. Pour atteindre nos objectifs, ce
sujet se donne plusieurs moyens : un cadre théorique
interdisciplinaire que constituent la sémiologie textuelle, la
réception théâtrale, la dramaturgie et l'approche
systémique. Ce travail sera divisé en trois chapitres et un cas
pratique. Dans le premier chapitre, il s'agira d'un rappel historique sur le
théâtre camerounais. Le second permettra d'aller à la
rencontre des dramaturges de la nouvelle écriture dramatique
camerounaise contemporaine au travers d'une fiche signalétique qui
comprendra une présentation et un palmarès de chacun dans un
premier temps, puis des caractéristiques générales des
pièces dans un second temps. Le chapitre trois organisé en deux,
sera le lieu, dans la section une, de la valorisation avec la mise en
évidence des pièces de : Sufo Sufo, Edouard Elvis Bvouma et
Martin Ambara. Désormais conscients de leur richesse et de leur
originalité, la seconde section proposera des outils pour mieux
exploiter le savoir-faire de ces dramaturges. Enfin un cas pratique sera
proposé. Il s'agira de présenter une pièce : Le
parfum du souvenir. Cette partie sera la preuve que découvrir le
savoir-faire de ces auteurs dramatiques permet de mieux appréhender
leurs oeuvres ; mais aussi de faire la promotion de cette forme
d'écriture inconnue du public et de la communauté scientifique
camerounaise.
ABSTRACT
A review of theatre production in Cameroon reveals a crisis in
what we will term savant theatre. In effect, other forms such as stand up,
humour...do not know of the disaffection of theatre halls. At the origin of the
creation of contemporary theatre in Cameroon, we keep seeing the same classics
or more or less plays from other part of the globe. We therefore ponder on the
question to know if playwrights of Cameroon had stopped writing. This is how we
came across a new wave of playwrights in Cameroon unknown to the public and the
scientific community. The research topic entitled; Contemporary Cameroonian
playwriting: Faces, Victories, Features and tools for valorisation;
intends to highlight this new wave of contemporary playwrights in Cameroon
and their works with the objectives to revamp theatre in Cameroon.It will deal
with the problem of insufficient legitimisation of the new trend so as to renew
the works of contemporary playwriting in Cameroon and its authors. To achieve
our objectives, this topic is open to several ways: an interdisciplinary
theoretical framework that constitutes textual semiology, the theatrical
reception, playwriting and a systemic approach. This work will be divided into
three chapters and a practical case. The first chapter will be focus on the
historical background of Cameroonian theatre; the second chapter will permit us
to go meet the authors of contemporary playwriting in Cameroon through a
material safety sheet that will include a presentation and the victories of
each in the first place and secondly the features of the plays.Chapter three
organised in two, will be the place, in the first section, of the valorisation
with emphasis on the plays of Sufo Sufo, Edouard Elvis Bvouma and Martin
Ambara. Now aware of their worth and originality, the second section will
propose tools to better exploits the knowhow of these playwrights. Finally a
practical case will be proposed. It will be to present a play: Le Parfum de
Souvenir (The Scent of Remembrance). This part will be the proof that
discovering the knowhow of these playwrights enables us to better comprehend
their plays; but also to promote this form of writing not very known to the
public and to the Cameroonian scientific community.
Listes des photographies
Photo 1 : Marcel Zang.
Photo 2 : Kouam Tawa.
Photo 3 : Edouard Elvis Bvouma.
Photo 4 : Sufo Sufo.
Photo 5 : Eric Delphin Kwegoué.
Photo 6: Martin Ambara.
Photo 7 : Nicaise Magloire Wegang.
Photo 8: Hermine Yollo.
Photo 9-10 : Lecture spectacle de Juvénil
Assomo.
Photo 11 : Le carrefour de Kossi Efoui,
théâtre sous le manguier.
Photo 12 : Attestation de la lauréate de l'Univers
des mots éditions 3.
Photo 13-14 : Séances de coaching d'auteur
à Conakry.
Photo 15 : Affiche du spectacle, Le parfum du
souvenir.
Photo 16-17 : Echange avec les élèves du
lycée Sainte-Marie de Conakry sur Le parfum du souvenir.
Photo 18-19 : Représentation de Le parfum du
souvenir, à Conakry.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
GENERALE......................................................................1
Chapitre I : HISTORIQUE DE L'ECRITURE DRAMATIQUE
CAMEROUNAISE.....................................................................................27
Section I : Théâtre camerounais : de
l'origine au début desannées 2000........................28
Section II : Les précurseurs des auteurs
dramatiques camerounais de la nouvelle vague......39
CHAPITRE II : ECRITURE DRAMATIQUE CAMEROUNAISE
CONTEMPORAINE : VISAGES ET
PALMARES............................................48
Section I : Les auteurs dramatiques camerounais
contemporains et leur palmarès..............59
Section II : Caractéristiques de l'écriture
dramatique contemporaine camerounaise............71
CHAPITRE III : ETUDE DE TROIS PIECES DU
REPERTOIRE DRAMATIQUE CONTEMPORAIN CAMEROUNAIS ET OUTILS DE
VALORISATION..............79
Section I : A la découverte de quelques
pièces représentatives de la nouvelle tendance de
l'écriture dramatique
camerounaise....................................................................80
Section II : Outils de valorisation des écritures
dramatiques contemporaines camerounaises et de leurs
auteurs..........................................................................................101
CAS PRATIQUE : LE PARFUM DU
SOUVENIR...........................................116
I- Dossier de
présentation..............................................................................117
II- Le
texte...............................................................................................118
CONCLUSION
GENERALE......................................................................158
INTRODUCTION GENERALE
I-) -Présentation du sujet
Parler de l'écriture dramatique camerounaise
contemporaine tel est le but de cette recherche. Le débat de la primeur
du texte sur la représentation a toujours existé et persiste.
C'est ce qui pousse Anne Ubersfeld à donner la définition
suivante à l'art théâtral :
« Le théâtre est un art paradoxal.
On peut aller plus loin et y voir l'art même du paradoxe, à la
fois production littéraire et représentation
concrète ; à la fois éternel (indéfiniment
reproductible et renouvelable) et instantané jamais reproductible comme
identique à soi)... » (1996 : 11).
La pratique contemporaine du théâtre ne donne pas
toujours la primeur au texte. Ce dernier est un élément de la
représentation parmi tant d'autres. C'est ainsi qu'Anne Ubersfeld
affirme que : « Le texte n'est qu'un des
éléments de la représentation, et peut-être le
moindre. »(1996 : 15). C'est ainsi que l'onpourrait se
poser la question de savoir pourquoi s'intéresser, dans le cadre de ce
mémoire, à une entité qui n'est pas toujours la principale
dans le processus de création du spectacle de théâtre
aujourd'hui. Pour donner suite à cette interrogation, trois raisons
seront convoquées :
-La double existence du texte comme le dit encore Anne
Ubersfeld : « Le texte de théâtre est
présent à l'intérieur de la représentation sous la
forme de voix, de phone ; il a une double existence : d'abord il
précède la représentation, ensuite il
l'accompagne. » (1996 : 16)
-Le contexte camerounais. En effet, le théâtre
au Cameroun utilise le texte du dramaturge comme socle de la création du
spectacle. En d'autres termes les metteurs en scène partent très
souvent de l'oeuvre d'un dramaturge. Les pièces jouées sont
habituellement des classiques étrangers ou camerounais tels que :
Trois prétendants...un mari de Guillaume Oyono Mbia,,Le
Crâne de Gilbert Doho, Roméo et Juliette de
Shakespeare. Il arrive également que soient montées quelques
pièces contemporaines, mais dont la structure ou la démarche suit
encore les canons de la dramaturgie classique.
- La mauvaise connaissance de la nouvelle vague des auteurs
dramatiques camerounais contemporains par le monde du théâtre et
la communauté scientifique. Ce fait est vérifié par la
légitimation insuffisante de la nouvelle tendance de cette
écriture dramatique tant sur la scène professionnelle que dans
les créations universitaires.
Ces trois différentes raisons nous amènent
à poser le constat d'une urgence de renouvellement dans le
répertoire de la dramaturgie camerounaise. Pourtant l'univers du
théâtre, du point de vue dramaturgique, connait plusieurs courants
avant-gardistes qui se manifestent par une multitude de démarches et
d'esthétiques dont la légitimation demeure encore
insuffisante.
L'écriture dramatique contemporaine, à cause de
la liberté qu'elle prend, est d'autant plus complexe qu'elle brise de
nombreux canons. Lorsqu'on parle de théâtre, nous sous-entendons
la production d'oeuvres dramatiques et celle de spectacles. Parler
d'écriture dramatique renvoie facilement au théâtre texte.
Néanmoins nous relèverons qu'au XXème siècle, un
nouvel artiste-créateur va révolutionner l'univers
théâtral dans le monde : c'est le metteur en scène. Ce
dernier, au moyen des différents éléments
scéniques, écrit un discours, qui sera porté par des
comédiens et lu par un spectateur. La mise en scène
s'avère ainsi être une écriture dramatique à part
entière. Parler d'écriture dramatique au théâtre
revient à englober la création textuelle et la mise en
scène. Mais l'écriture que convoque notre recherche est
uniquement textuelle.
Pour déterminer l'angle de traitement de cette
recherche et ne pas nous inscrire dans du déjà fait, un
état des lieux de la production théâtrale camerounaise a
été opéré.1(*)
Cet état des lieux s'est attardé sur l'aspect
spécifique de la création. Il a permis de tirer plusieurs
conclusions. Il existe « un théâtre qui est en
crise »2(*). Il y
a certes des représentations mais le public leur réserve souvent
un accueil mitigé. Interrogés sur la cause de cette
réaction, plusieurs3(*) ont laissé entendre que le théâtre
camerounais ne marche pas. Il n'est pas intéressant ou ne se fait pas
comprendre. Il serait un art de la société occidentale qui n'est
pas forcément pour « nous ». Il en ressort
clairement qu'il existe une crise identitaire entre le théâtre
camerounais et son public. Ils sont nombreux, ceux qui ne se sentent pas
concernés par lui. Ils pointent également du doigt l'homme de
théâtre. Celui-ci passe pour un rebus de la
société, un fou moderne, un inconscient qui perd son temps dans
une activité qui ne valorise ni ne nourrit son homme. Toutes ces
données collectées nous permettent de comprendre les causes de
désaffection des salles de spectacle par le public.
II-) -Justification du sujet
Un théâtre en adéquation avec son temps
pourrait être salutaire pour le Cameroun. Tenir compte de
l'évolution des autres arts et de la vie pourrait être un
stimulateur efficace. Il faut que notre théâtre mute. A cet effet,
Nicaise Magloire Wegang écrit :
« Or nous pensons que le Cameroun ne devrait pas
rester en marge de ces mutations s'il veut sauver son théâtre qui
traverse une crise profonde. Il devient en effet urgent de
réfléchir sur les voies et moyens d'offrir à un public
camerounais, qu'il faut à nouveau conquérir des choses nouvelles,
et des raisons de retourner dans les salles.»4(*)(2007 : 03).
Au vu de tout ce qui précède, il nous a donc
paru important de nous pencher sur l'écriture dramatique camerounaise
contemporaine. Caressant le rêve de devenir dramaturge, nous sommes
passionnée de dramaturgie contemporaine en général,
d'où notre intérêt pour celle du Cameroun. Cette recherche
est donc pour nous, l'occasion idoine de rencontrer certains dramaturges
camerounais et leurs oeuvres, de découvrir les rouages de la nouvelle
dramaturgie contemporaine camerounaise et de déboucher sur une
pièce de théâtre écrite par nos soins.
Ainsi notre recherche s'intitule :
« Ecriture Dramatique camerounaise contemporaine: Visages,
Palmarès, Caractéristiques et Outils de
valorisation».
On pourrait se poser la question
suivante : pourquoi parler de l'écriture dramatique
contemporaine ? La réponse est simple : il faut un
théâtre d'aujourd'hui pour le public d'aujourd'hui. Loin de
rejeter l'écriture antérieure, il est question d'un
renouvellement pour que le théâtre camerounais se
réinvente. Nous ne saurons énoncer une théorie sans en
faire la pratique, d'où la proposition d'une nouvelle esthétique
à travers une pièce de théâtre : Le parfum
du souvenir.
III-) -Définition des concepts
Il s'avère important de définir au
préalable les termes et concepts clef pour faciliter la
compréhension d'éventuels lecteurs mais également pour
situer le contexte et l'angle choisi dans le cadre de cette étude.
a) -Théâtre : Art visant
à représenter devant un public selon des conventions qui ont
varié avec les époques et les civilisations, une suite
d'événements où sont engagés des êtres
humains agissants et parlants. (Patrice PAVIS, 1987).
b) -Ecriture Dramatique ou dramaturgie: Art
de la composition des pièces de théâtre. C'est l'art de
transformer une histoire vraie ou imaginaire, en un récit construit,
comportant un ou des personnages en action. C'est l'art du récit
représenté dans un spectacle vivant. D'après Patrice Pavis
dans son dictionnaire du théâtre que l'étymologie grecque
renvoie à l'acte de « composer un drame ».
c) -Contemporain : Le Grand Dictionnaire
Encyclopédique Larousse définit le terme contemporain comme ce
qui est actuel, moderne, du temps présent. Mais dans le vocabulaire
dramatique, le terme contemporain renvoie davantage à un type de
théâtre moderne caractérisé par une plus grande
liberté par rapport à la rigidité de l'écriture
classique.
d) -Théâtre contemporain : La
notion d'époque contemporaine est différente selon les pays. Il
s'agit de la période pour laquelle des personnes vivantes, en nombre
significatif, peuvent témoigner des événements
historiques, politiques, économiques et sociaux, et où la trace
de ces évènement reste relativement vivace dans les
mémoires et la transmission orale. Dans le cadre de cette étude
le concept de contemporanéité renverra aux auteurs de la nouvelle
vague d'écriture camerounaise non répertoriés
jusqu'ici.
e) -Renouvellement : Dans le cadre de ce
mémoire le renouvellement procèdera de la mise en lumière
d'une nouvelle vague d'auteurs camerounais contemporains dans le but d'apporter
un souffle nouveau au théâtre du Cameroun. Il est simplement
question d'aller à la rencontre d'esthétiques et de
démarches nouvelles.
f) -Outils de valorisation : Valoriser c'est
faire prendre de la valeur à une chose ou augmenter la valeur qu'on lui
attribue déjà. C'est ainsi qu'on entendra par outils de
valorisation : l'ensemble des moyens par lesquels la nouvelle vague
d'auteurs camerounais contemporains pourra voir leur travail être connu
et apprécié. Nous apporterons ainsi une contribution au
problème de légitimation de la tendance actuelle de la
dramaturgie camerounaise.
g) -Avant-garde : Groupe, mouvement
artistique novateur souvent en rupture avec ce qui l'a
précédé. Est ainsi qualifié d'avant-garde, tout
travail artistique en avance sur son temps de par son audace et ses recherches.
Nous nous proposons donc par ce travail d'écriture de nous situer dans
une démarche avant-gardiste. Eugène IONESCO définissant le
théâtre d'avant-garde dans son ouvrage Notes et Contre-notes
(1962), écrit : Le théâtre d'avant-garde...est
commeun théâtre en marge du théâtre officiel
:semblant avoir, par son expression, sa recherche,sa difficulté, une
exigence supérieure ».« L'avant-garde »,
ajoutera-t-il, « c'est la liberté ».
h) -Esthétique : Elle se rapporte
exclusivement à ce qui se rapporte au concept de l'art. Depuis le
XIXè siècle elle est devenue la philosophie de l'art. Elle se
rapporte aux émotions provoquées par une oeuvre d'art, aux
jugements de l'oeuvre, à ce qui est spécifique ou singulier
à une expression...
i) -Démarche artistique: On entend un
court texte qui explique les intentions, les objectifs de création et de
production de l'artiste. Elle permet d'expliquer les motivations profondes au
regard des passions pour un médium. C'est une poursuite d'acquis
techniques et de recherche pure. Elle permet de démontrer
l'originalité de l'artiste.
J) -Légitimation : En
sociologie, c'est le fait d'accorder de la légitimité à un
acte, un processus, une discipline ou une idéologie. La
légitimité est un accord tacite subjectif et consensuel
axé selon des critères éthiques et de mérite quant
au bien-fondé existentiel d'une action humaine. Dans le cadre de cette
étude nous considérerons la discipline : le
théâtre, le processus : la démarche esthétique
et l'idéologie de chaque auteur.
IV-) -Motivations du choix du sujet
Le terme motivation renvoie à l'action de forces qui
déterminent le comportement de l'individu en termes de
déclenchement, de direction, d'intensité et de persistance, donc
en termes positifs. Le processus de motivation pouvant être défini
comme l'enchainement des interactions des forces qui déterminent le
comportement. Pour ce qui est de cette recherche, nos motivations sont le fruit
d'une volonté et d'un désir intrinsèques liés
à un parcours et à des études dans le milieu du
théâtre. En effet selon Georg Christoph Lichtenberg,
« Rien n'est plus insondable que le système de motivations
derrière nos actions5(*). »
L'intérêt porté sur l'écriture
dramatique camerounaise contemporaine n'est certainement pas le fruit du
hasard. Notre découverte du théâtre passe par la Compagnie
Diben de France Ngo Mbock en 2008. Plus tard en 2010, nous découvrons
une autre mise en scène de France NGO MBOCK pendant le festival RETIC.
C'était un solo féminin sur le texte de l'auteure grecque Lia
KARAVIA,Prison. Le texte, le discours de la mise en scène qui
transparaissait dans le jeu de la comédienne, son appropriation du
personnage nous avait subjugués à tel point que nous nous sommes
plus tard doté de l'oeuvre. Ce spectacle qui avait continué
à se jouer dans notre tête des journées durant, du fait que
cette femme dans le rôle semblait intensément renvoyer des reflets
de nous. C'était clair dans notre esprit : Nous voulions faire du
théâtre.
C'est ainsi que l'aventure commencera en 2010. Nous
débuterons comme costumière pour Ephigénie en
Toride mis en scène par Edouard Elvis Bvouma. Nous enchainerons
avec des lectures spectacle et des mises en espace sur des textes tels
que : Il avait plu sur la rose de Nicaise Magloire Wegang ;
Tremblement sur l'Echelle de Richter de suffo suffo ; Laura
de Montreal de la canadienne Mélanie léger. En 2011, nous
décidons de suivre des cours d'Arts du Spectacle à
l'Université de Yaoundé I. Cela nous permet d'inaugurer la
scène. Chemin faisant, nous avons donc eu l'occasion de côtoyer le
théâtre camerounais en tant qu'observatrice et praticienne. Ainsi
nous avons pu aisément choisir le pan du théâtre que nous
voulions explorer : l'écriture dramatique.
IV-1-) -Motivations scientifiques
Nous nous sommes interrogés sur le choix des textes
créés par les metteurs en scène au Cameroun. Pourquoi ces
derniers se cantonnent-ils sur des textes venus d'ailleurs ? Et lorsque ce
sont des pièces d'auteurs camerounais, pourquoi toujours choisir parmi
celles dont l'angle de traitement n'est plus au goût du jour ?
Même dans les écoles, ce ne sont que les pièces du
répertoire classique ou s'inscrivant dans cette démarche, qui
sont proposées aux élèves et étudiants. Notre
motivation est de montrer qu'il existe un répertoire dramaturgique
camerounais contemporain presque pas exploré. Nous rêvons de voir
le théâtre camerounais constituer un pôle de
l'économie nationale car il sera devenu une véritable industrie
du spectacle. Mais pour y parvenir il faudrait qu'il séduise à
nouveau le public. Et pour cela, une mise à jour est nécessaire.
Nous souhaitons aller à la recherche des écritures dramatiques
camerounaises contemporaines, les recenser, présenter les auteurs de la
nouvelle vague, les porter à la connaissance de la communauté
scientifique et du public.
Une autre motivation scientifique, et pas des moindres, est
celle de pouvoir suivre les pas de cette nouvelle vague de dramaturges et
produire à notre tour un texte théâtral qui répond
au besoin du théâtre camerounais actuel. Au-delà de la
présentation d'une oeuvre, la valorisation passe par l'adoption et la
vulgarisation de cette dernière.
Enfin, ayant lu des mémoires de grandes écoles
de théâtre, à l'instar de celui d'Anick Martel de
L'université Du Québec à Chicoutimi, nous avons voulu
inscrire notre travail dans la même logique. Il s'agit de produire des
mémoires pratiques qui à eux seuls traduisent le savoir-faire
acquis par l'étudiant tout au long de sa formation.
IV-2-) -Motivations artistiques
Etre comédienne de théâtre nous
amène, sans cesse, à rencontrer la pensée d'auteurs
dramatiques et à donner vie à leurs mots. Il faut être
à même de matérialiser l'idéologie et le sens que le
metteur en scène veut donner à ce texte, qu'ainsi il
complète. Après avoir servi de de canal de transmission entre les
textes et le public, nous avons sentis à notre tour le besoin
d'écrire des mots et de rêver les entendre résonner au
travers d'autres bouches ; de découvrir le sens qu'autrui donnerait
à notre pensée. Il est donc question pour nous de percevoir
l'écriture dramatique camerounaise contemporaine pour nous y lancer
à notre tour.
IV-3-) -Motivations personnelles
La société camerounaise a une vision
négative du théâtre et de ses acteurs à cause de
plusieurs conceptions socio-culturelles. En tant que praticienne de cet art, il
devient important pour nous, d'apporter notre modeste contributionpour changer
la vision sociétale négative dont le théâtre fait
l'objet. Nous désirons également faire connaitre à nos
compatriotes cet art qui nous passionne et les motiver à l'adopter et
pourquoi pas à s'y investir. Nous sommes aussi conduite par notre amour
pour la lecture d'oeuvres dramatiques. Enfin nous souhaitons apporter notre
modeste contribution au théâtre camerounais.
Pour que toutes ces motivations puissent trouver satisfaction,
nous nous sommes fixéedes objectifs.
V-) -Objectifs de la recherche
Cette recherche revêt un double objectif :
Il sera question, dans un premier temps, de la mise en
lumière de l'écriture dramatique camerounaise contemporaine par
le biais de ces auteurs qui se démarquent, par leurs textes et par les
prix qu'ils remportent. Cette mise en relief des différents dramaturges
vise à informer la communauté scientifique et le monde du
théâtre de la présence de ces nouveaux talents de la
dramaturgie du Cameroun. Elle permet également de légitimer cette
tendance nouvelle de la dramaturgie camerounaise francophone.
Dans un second temps, tenant compte de notre
spécialisation en production théâtrale, il sera question
d'écrire une pièce : Le parfum du souvenir. Elle
devra s'inscrire dans l'idéologie de la dramaturgie contemporaine,
traiter d'un sujet d'actualité en s'inscrivant dans une démarche
qui lui sera propre. Il sera question d'user de créativité,
après avoir appréhendé les caractéristiques de
l'écriture des aînés.
Pour atteindre nos objectifs, nous passerons par plusieurs
objectifs secondaires :
-Déterminer les caractéristiques de
l'écriture dramatique camerounaise antérieure à celle que
convoque notre étude et montrer ses limites.
-Faire un état des lieux du répertoire
dramatique contemporain et ainsi découvrir les visages des dramaturges
ainsi que celui de leurs oeuvres de manière générale.
-S'attarder sur trois pièces des figures de proue de
cette nouvelle dramaturgie camerounaise contemporaine pour ressortir pour
chacune les caractéristiques. Cette étape nous permettra de juger
de la particularité de ces textes pour mieux les appréhender.
-Proposer des moyens pour capitaliser le travail de ces
dramaturges et ainsi redorer le blason du théâtre par la
transformation des conceptions socio-culturelles. Nous vivons dans une
société au sein de laquelle il faut allier visibilité et
popularité pour attirer le plus de monde à adhérer
à une idéologie. Il faudrait donc trouver des solutions pour
sortir les dramaturges de la nouvelle vague de l'anonymat.
VI-) -Revue de la littérature
Dans le cadre de cette recherche, la revue de la
littérature s'entendra comme l'ensemble des ouvrages qui permettent au
chercheur de faire :
« une collecte d'informations dans un domaine ou
sur un sujet précis. Elle permet de prendre connaissance des travaux et
recherches déjà effectués à propos du sujet qui
l'intéresse et ainsi établir les bases connues, afin de s'en
inspirer pour définir un cadre de recherche complémentaire,
percevoir certaines implications non envisagées, éviter certaines
implications non envisagées, éviter certaines erreurs
méthodologiques identifiées dans de précédents
travaux, mettre à profit certains outils utilisables pour sa propre
recherche, confirmer ou infirmer certains résultats obtenus,
compléter et / ou étayer divers enseignements de ses propres
recherches. »6(*)
Ainsi définie, notre revue de la littérature
sera constituée de travaux de chercheurs et de praticiens qui pourront
nous permettre de justifier le choix et l'angle de notre sujet de recherche.
Concernant les mémoires nous auront :
-La réception des spectacles au
Cameroun : le cas de Yaoundé : d'Angéline
Bonono : dans ce mémoire écrit en 1991, l'auteure fait une
typologie des consommateurs du théâtre camerounais et met en
relief le fait que le spectacle monté doit tenir compte du public qui le
consomme. Notre travail prend également en compte le consommateur de
l'art théâtral mais se propose de partir d'une dramaturgie
contemporaine au travers de la nouvelle vague d'auteurs dramatiques
camerounais.
-En 2007, dans Dramaturgie contemporaine et
renouvellement du théâtre camerounais : Cas de
Tele-saga : Proposition d'une écriture dramatique
contemporaine, Nicaise Magloire Wegang appelle à un renouvellement
de l'écriture dramatique camerounaise. Pour l'auteur, il est question
d'écrire une pièce et de démontrer
« àtravers elle que l'écriture contemporaine offre
de multiples pistes de renouvellement du théâtre et que le
théâtre bien que millénaire est encore capable de se
régénérer en empruntant aux autres arts »
(2007 : 04). A l'inverse de Wegang nous ne nous appuierons pas sur notre
propre pièce mais sur celles d'auteurs aguerris et confirmés.
-En 2014 dans Esthétique de la
création théâtrale camerounaise de 1990 à 2010,
Paulin Essako Elloumou, démontre que : « Chaque
contrée aurait ou pratiquerait une ou des esthétiques, mais dans
un style relativement singulier, soucieux d'une parfaite adéquation avec
les exigences de cet environnement direct ». Notre étude
s'ancre dans cette affirmation de l'auteur, mais contrairement à lui
nous ne trouvons pas dans un retour à la farce populaire des
années 90, des atouts pour l'émergence et la
compétitivité du théâtre camerounais. Nous situant
dans le genre théâtral dit savant, car c'est lui qui a besoin
d'être remis au gout du jour, nous pensons que revenir à la farce
de résoudra pas le problème de la désaffection du public.
C'est dans cette optique que nous partageons le point de vue de Mono DJANA
selon lequel :
« Les différents protagonistes qui
interviennent dans ce théâtre populaire utilisent un niveau de
langage nettement au-dessous de la moyenne. Le français...se trouve
pratiquement massacré. En même temps que les Kankan, les Otsama et
les Massa Batré amusent nos enfants à longueur de journée,
ils leur font intégrer un style d'expression qui est une injure au bon
usage » (1988 : 55).
L'étude menée tout au long de notre
mémoire loin de coller un procès à la farce populaire
tentera de démontrer que la revitalisation théâtrale au
Cameroun pourrait passer par la prise en compte de la nouvelle écriture
dramatique camerounaise contemporaine car elle s'inscrit dans
l'idéologie d'aujourd'hui. Nous soulignerons néanmoins, qu'il
existe plusieurs autres formes théâtrales comiques qui respectent
les règles de l'art.
-L'impact de l'état du lieu théâtral
sur la pratique et la consommation du théâtre au Cameroun :
le cas de Yaoundé est une réflexion de Cyril Juvénil
Assomo. En 2014,'auteur démontre que le manque et l'état des
édifices théâtraux jouent un rôle dans la crise que
traverse notre théâtre. A cet effet il dit :
« Ce sujet vise plutôt à démontrer l'impact
de cette situation comme un frein à l'émergence du
théâtre dans le pays ». Notre travail se
démarque du sien dans le fait qu'en ce qui nous concerne, quel que soit
le lieu théâtral, la pièce doit partir d'un texte
contemporain qui épouse l'esprit de la société
camerounaise contemporaine. En effet, dans la société
contemporaine tout espace peut tenir lieu de théâtre à
condition de créer le spectacle en tenant compte des exigences du lieu.
Nous pensons que le problème c'est le spectacle lui-même et ce
qu'il renvoie au public. Le texte dramatique est souvent le prétexte de
la création théâtrale scénique et inspire une
esthétique de la représentation au metteur en scène. Les
auteurs nourrissant leurs oeuvres du contexte social dans lequel ils
évoluent, nous pensons que le texte et tous les signes7(*) qu'il renferme peuvent insuffler
une nouvelle dynamique au théâtre camerounais.
-Pour en finir avec les mémoires nous citerons enfin
celui de Nange Lisette Malung, The Tools of Selected Anglophone Cameroon
Playwrights and the Processes They Use in Writing Plays. Dans son travail
elle s'attarde sur les outils et le processus de création des
dramaturges anglophones. Nous ferons une étude similaire dans la partie
francophone en nous focalisant sur la nouvelle vague d'auteurs camerounais
contemporains. Nous prolongerons en établissant l'impact probable de ces
écritures pour le théâtre au Cameroun et proposerons des
outils de valorisations potentiels.
Outre les mémoires nous avons également
consulté quelques articles parmi lesquels :
-Le théâtre camerounais et son public :
quelle relation créatrice ? Dans cet article Pierre
Makon8(*) évoque la
relation qui devrait exister entre le travail du metteur en scène et le
public à qui s'adresse son spectacle. Pour lui elle est souvent
reléguée à tort au second plan. Makon, propose que le
spectacle doive maintenir le dialogue avec le consommateur tout au long du
processus de création pour satisfaire ses attentes. Il insiste
également sur la relation dramaturge- public. C'est à ce niveau
que notre recherche corrobore cette démarche et s'appliquera à
présenter la nouvelle vague de dramaturges camerounais contemporains
dont l'oeuvre peut être appréhendée par le public de
manière positive à cause de la contemporanéité de
celle-ci.
- Les travaux tenus lors du colloque de 1987 sur le
théâtre camerounais de Gilbert Doho9(*), Bole Butake et d'autres praticiens camerounais,
tirent déjà la sonnette d'alarme sur l'état du
théâtre camerounais. Ils scrutent en profondeur ses supports
linguistique, stylistique, esthétique et matériel. Des
propositions y sont faites dans le but de donner un souffle nouveau à
l'art théâtral du Cameroun. Nous prolongeons leur pensée en
proposant une approche pratique des théories par eux
énoncées.
Pour terminer, les ouvrages suivants nous ont également
édifié :
-Répertoire du théâtre
camerounais de Wolfgang Zimmer fait la part belle aux auteurs camerounais
en recensant les pièces écrites par eux des années 1940
aux années 1985. Il ne manque pas de citer le lieu de
représentation des spectacles tirés de ces textes dramatiques.
Nous y découvrons contrairement à nos jours, que la production
camerounaise était prolifique. Zimmer effectue ce travail pour montrer
à certains érudits occidentaux qu'il existe bel et bien un
théâtre camerounais. Zimmer l'ayant fait en son temps, notre
recherche mettra en lumière un théâtre camerounais vivant
mais peu connu jusqu'ici du public et de la communauté scientifique
camerounaise.
-Jacques Raymond Fofié10(*) quant à lui retrace l'histoire du
théâtre camerounais depuis sa naissance jusqu'au début des
années 2000. Regards historiques et critiques sur le
théâtre camerounais, permet de suivre l'évolution de
la pratique théâtrale camerounaise tant sur le plan de la
production littéraire que sur celle scénique. Cet ouvrage
s'appesantit sur les thèmes évoqués, les auteurs, leur
idéologie, la création des troupes etc...L'ouvrage nous permet
d'avoir une vue d'ensemble sur le théâtre camerounais, de
connaitre son âge d'or et de situer le début de sa crise. Les
études menées ici sont en grande partie concentrées sur la
dramaturgie camerounaise. Il y mène également une étude de
certaines oeuvres comme celles de Anne Tanyi Tang. Ce travail de Jacques
Raymond Fofié nous permettra de situer la période à
prendre en compte pour commencer notre étude. En effet, l'ouvrage de
Fofié permet d'identifier les piliers de la dramaturgie camerounaise
à partir de 1985, année où s'arrête le
répertoire dressé par Wolfgang Zimmer. Il traite des
modalités d'émergence de ces auteurs après 1985. Notre
étude se démarque de celle de Fofié en ce qu'elle fait la
mise en lumière d'une nouvelle vague de dramaturges qui rompt totalement
avec le style d'écriture jusqu'ici proposé par les auteurs
camerounais contemporains.
- Anne Ubersfeld11(*), dans Lire le théâtre I, met
à chaque fois en évidence le caractère socio-historique de
la pratique théâtrale. Pour elle, la définition moderne du
signe théâtral permet de définir plus
précisément la relation qu'il existe entre le texte et la
représentation. Dans son ouvrage, elle démontre combien la
capacité de lire le signe12(*) est importante à la compréhension du
spectacle de théâtre. Anne Ubersfeld donne là des
éléments qui permettent non seulement d'analyser, mais
également de comprendre le phénomène
théâtral13(*). Elle emboite ainsi le pas à
Molière14(*)
lorsqu'il dit que la bonne lecture est celle qui se fait avec
« les yeux du théâtre ».
D'après l'auteure il n'y a de théâtre que joué. Elle
ne retire pas au texte dramatique sa qualité de
« théâtre » mais elle convoque plutôt la
capacité du lecteur à se le représenter de façon
fictive. Selon son ouvrage il y a deux degrés de lecture du
théâtre : la lecture scénique qui induit une mise en
scène mentale et la lecture de la représentation proprement dite.
La lecture scénique est donc faite au travers du texte dramatique
d'où l'importance de celui-ci. Nous partirons de ce constat pour
démontrer que bien qu'il soit troué15(*), le texte dramatique a une
place fondamentale dans la création du spectacle de
théâtre. De ce fait, il est important qu'il évolue avec son
temps et sa société. Nous pensons que l'écriture
dramatique camerounaise contemporaine, que ce travail tente de mettre en
lumière, remplit ces conditions, nous tenterons donc de le
démontrer.
VII-) -Problématique
Pour Benoît Gauthier cité par Donald
Long:
« Par l'expression problématique de la
recherche, on se réfère généralement à
l'ensemble des éléments formant le problème, à la
structure d'informations dont la mise en relation engendre chez un chercheur un
écart se traduisant par un effet de surprise ou de questionnement assez
stimulant pour le motiver à faire une recherche. On peut donc retrouver
dans la problématique de recherche ce qui a poussé le chercheur
à poser la question générale, en plus de la prise de
considération des faits, des observations, des connaissances
théoriques, des résultats d'autres recherches et d'autres
questions se rapportant à la question
générale. » (2004 : 06).
Tandis que dans l'ouvrage, Introduction to Logic and
scientic method, la problématique est définit
comme :
« The ability to perceive in some brute
experience the occasion of a problem, and especially a problem whose solution
has bearing on the solution of other problems, is not a common talent among
men...It is a mark of scientific genius to be sensitive to difficulties where
less gifted people pass by untroubles by doubt. »16(*)
Ces deux définitions nous permettent de clarifier le
concept de problématique tel que perçu dans ce travail. Nous
pouvons à présent poser le problème de notre recherche.
VII-1) -Problème de la recherche
Un constat découlant d'un état des
lieux17(*)du
théâtre camerounais actuel laisse apparaître clairement la
crise de la forme la plus représentative dudit
théâtre. Il convient de noter qu'il s'agit, comme nous
l'avions déjà à l'entame de ce travail, du
théâtre dit savant. C'est ce dernier qui est le plus souvent
théorisé et qui offre de ce fait de meilleurs outils
d'évaluation. La crise, dont les effets les plus sévères
se manifestent par la désaffection des salles de spectacle, touche
également le répertoire dramatique camerounais qui est
pratiquement en panne de renouvellement. Ayant relevé les limites des
pièces de l'ancien répertoire qui n'a pas évolué
avec le public, nous pouvons poser le constat selon lequel une dramaturgie
nouvelle pourrait apporter un souffle nouveau au théâtre
Camerounais. Cette dernière doit convaincre un public qui a besoin de se
reconnaitre dans ce qu'il regarde comme le stipule André Marie
Tsobé :
« Un âge et une société en
pleine mutation se reconnaisse dans son théâtre. Les spectateurs
vont chercher au théâtre non pas une évasion ou une
illusion, mais une image de leur vécu et de leurs valeurs qui soit
aussi la confirmation vivante de leurs aspirations tant morales que
sociales. »18(*)
Nous voyons qu'à chaque époque correspond un
théâtre. En d'autres termes, un répertoire
théâtral spécifique est le reflet de l'esprit de son temps.
Il ne s'agit donc pas de dénigrer l'écriture dramatique d'hier au
profit de celle d'aujourd'hui, car en leur temps les écritures se
valent. La non actualisation du répertoire dramaturgique camerounais
entraine la non connaissance d'une écriture plus adaptée
à notre temps. Le fait qu'elle ne soit pas connue induit qu'elle n'est
pas lue et donc pas théorisée, ce qui conduit à un nombre
réduit de praticiens et donc pas assez de pièces
théâtrales.
Pour convaincre à nouveau, le théâtre
camerounais a besoin de se réinventer continuellement et se mettre
à l'aire du temps et de sa société. Pour corroborer notre
affirmation Nicaise Wegang écrivait en 2007 :
« L'évolution de la pratique
théâtrale exige aujourd'hui qu'un théâtre, s'il veut
continuer de convaincre, de susciter l'adhésion d'un public en mal de
sensations nouvelles, ou même tout simplement de survivre, doit se
renouveler constamment pour se mettre au goût du temps. Ainsi, le
théâtre camerounais s'il n'est pas capable d'innover, de se
réinventer, de s'interroger, sera voué à une sorte «
d'obsolescence ».19(*)
Partant du constat soulevé par wegang, ce
mémoire de recherche pose le problème de la légitimation
insuffisante d'une des tendances de renouvellement de l'écriture
dramatique camerounaise contemporaine par la communauté scientifique et
le public. La conséquence directe de ce problème est que les
pièces théâtrales, de ces dramaturges de la nouvelle vague,
n'apparaissent pas dans le répertoire camerounais qui aurait donc besoin
d'être actualisé.
Ce problème nous permet de déboucher sur un
corps de questionnement.
VII-2) -Questions de la recherche
La question principale de notre recherche s'énonce
comme suit : Au regard de la production théâtrale
camerounaise d'aujourd'hui, à bout de souffle, mettre en lumière
la nouvelle dramaturgie camerounaise contemporaine pourrait-il apporter un
souffle nouveau au théâtre camerounais?
A cette question principale s'ajoutent trois questions
secondaires.
-Pourquoi le besoin de renouveler le répertoire
dramatique du théâtre au Cameroun s'impose-t-il ?
-Qui sont les auteurs dramatiques camerounais contemporains,
en particulier ceux de la nouvelle vague ?
- Quelles sont les caractéristiques de cette nouvelle
forme d'écriture dramatique et comment la valoriser ?
VIII) -Hypothèses de la recherche
Halan Cohen, par la voix d'un de ses personnages,
déclare :
« L'un des axiomes de Sherlock est le
suivant : c'est une grossière erreur que d'émettre des
hypothèses avant d'avoir des données...car on a tendance à
déformer les faits pour étayer les hypothèses, au lieu que
les hypothèses viennent étayer les faits. »
(2011 : 253).
Nous inscrivant dans cette logique et dans le souci de
produire des données fiables, nous avons préalablement
procédé à une étude du sujet pour émettre
l'hypothèse principale suivante :
-La mise en lumière des ouvrages des auteurs
camerounais contemporains de la nouvelle vague peut apporter un souffle nouveau
à la création dramatique ; et partant, à la
production théâtrale camerounaise.
A cette hypothèse principale se greffent trois
hypothèses secondaires :
-Le répertoire camerounais actuel présente des
insuffisances.
-L'établissement d'une fiche signalétique
permet de découvrir les dramaturges camerounais contemporains de la
nouvelle vague.
-La valorisation du savoir-faire de ces auteurs passe par une
étude de quelques oeuvres représentatives.
IX-) - Intérêt du sujet
En 2011, Jacques Raymond Fofié
postulait que :
« Le théâtre camerounais est l'un
des plus remarqués en Afrique grâce à quelques dramaturges
dont les noms tendent à présent à faire plus partie de
l'histoire que de l'actualité. Du coup se pose la question du
renouvellement de la classe des écrivains de théâtre dans
ce pays bilingue (français/anglais) de l'Afrique central qu'est le
Cameroun. L'intérêt de la recherche effectuée sur
l'écriture dramatique contemporaine camerounaise est
double. » (2011 : 165).
Notre recherche est donc digne d'intérêt parce
que comme le souhaitait Jacques Raymond Fofié, le renouvellement de la
classe des écrivains de théâtre au Cameroun par la
découverte des dramaturges et de leur palmarès est l'un des buts
de cette étude. Notre recherche est le lieu de poser un regard critique
sur le travail de la génération actuelle d'auteurs qui souffrent
d'une légitimation insuffisante. Elle contribue à
l'enrichissement de données sur le théâtre camerounais pour
sa société mais aussi pour toute personne qui souhaiterait aller
à la rencontre de ces dramaturges d'un autre genre. Les résultats
obtenus pourront servir à d'autres chercheurs, à des praticiens
et même à la postérité.
Elle permettra de démontrer les limites de
l'écriture dramatique camerounaise antérieure. Nous montrerons
comment la thématique, l'angle de traitement ou l'esthétique
utilisé ne sont plus en adéquation avec la société
camerounaise d'aujourd'hui qui a muté. Plusieurs pièces
s'étant ancrées dans le repli identitaire tandis que la
société évoluait, ont entrainé une
déconnexion du théâtre d'avec son public.
Notre recherche est intéressante parce qu'elle prouve
que le théâtre au Cameroun peut connaitre des jours meilleurs si
les artistes du milieu le pensent différemment, que l'état y
mette la main ou non. Les praticiens du secteur doivent ramener à leur
esprit les lois fondamentales de l'art. Ces dernières étant le
socle qui assure à une discipline artistique les caractéristiques
qui permettent au consommateur de toujours être solidaire d'elle. En
somme, ce n'est pas l'état qui rend le théâtre
intéressant mais ses acteurs qui doivent revoir les esthétiques
qu'ils proposent. L'introduction de nouvelles écritures, qui se penchent
sur un angle de traitement qui correspond au public camerounais, est requise.
Les considérations socio-culturelles que le camerounais a du
théâtre pourront évoluer et relancer la machine
théâtrale. Ces conclusions révèlent un
intérêt socio-culturel de cette recherche.
Enfin, le dernier intérêt et pas des moindres est
économique. En effet, un secteur théâtral en bonne
santé et bien structuré attire les regards du public et celui des
mécènes. Le théâtre devient ainsi une
nécessité sociale et non un art peu connu et sans
intérêt.
En bref, cette étude est d'un apport certain pour la
communauté scientifique, les artistes et techniciens de
théâtre, mais également pour la société
camerounaise et pour tous ceux qui de près ou de loin
s'intéressent au phénomène théâtral de notre
pays.
X-) -Importance du sujet
Cette recherche est intéressante parce qu'elle permet
non seulement d'aller à la rencontre d'une dramaturgie peu connue de la
communauté scientifique camerounaise et du public camerounais, mais
aussi d'explorer un pan de cette nouvelle tendance dramaturgique camerounaise.
Le regard posé sur les pièces portées à la
scène, montre qu'il paraît capital d'actualiser le
répertoire dramatique camerounais, mais aussi de montrer le rayonnement
de cette nouvelle forme d'écriture dans le monde. Dans l'imagerie
populaire camerounaise, le théâtre du Cameroun n'est pas
compétitif, il est donc urgent de ramener l'ordre normal des choses.
Présenter le théâtre sous son meilleur jour constitue un
argument de poids pour changer les conceptions et amener la jeunesse à
l'adopter. Surtout que ceux qui portent haut le flambeau de ce
théâtre sont des jeunes qui vivent uniquement de cet Art ; et
qui sont installés au Cameroun pour la plupart. Cette étude
attire l'attention de la communauté scientifique, celle des
professionnels ainsi que celle du public sur l'écriture dramatique
camerounaise contemporaine qui est une valeur incontestée du
théâtre dans le monde francophone.
Actualiser le répertoire camerounais permet de toucher
un autre point très important de cette recherche :
l'écriture d'une pièce. En tant que chercheure en production
théâtrale, il est plus aisé pour nous de proposer
également une touche particulière à la dramaturgie
camerounaise. Nous illustrerons cela par un cas pratique.
Ce mémoire trouve son originalité dans le fait
qu'il allie théorie et pratique. La collecte des données permet
de mettre en lumière le travail des auteurs de qualité pas encore
répertoriés, dans un premier temps. Dans un second temps,
d'outiller le chercheur pour qu'il se fraie également un chemin dans
l'écriture dramatique en se faisant sa propre identité en tant
que dramaturge.
XI-) -Délimitation du sujet
Donner la délimitation revient en quelque sorte
à définir et à déterminer une recherche dans un
cadre spatio-temporel où elle s'inscrit. Dans le cas d'espèce, il
s'agit de préciser l'espace et le temps dans lequel nous
évoluerons dans cette étude.
C'est ainsi que cette recherche, dont l'intitulé est :
Ecriture dramatique camerounaise contemporaine : visages,
palmarès, caractéristiques et outils de valorisation,
circonscrit l'espace camerounais comme celui de l'étude. Seront pris
en compte les dramaturges camerounais de naissance. Le point de départ
sera les années 2000. Ce travail se limitera particulièrement aux
oeuvres dramatiques du répertoire du théâtre camerounais
francophone. Précisément à celles qui sont mises en relief
par une distinction ou un prix. Les metteurs en scène interrogés
et les praticiens viennent de la ville de Yaoundé majoritairement car
cette ville abrite une grande partie des espaces accueillant les manifestations
et les représentations théâtrales.
XII-)- Cadre théorique
Une théorie est un ensemble de concepts, au moins deux
logiquement reliés, qui permet d'expliquer un ensemble de
phénomènes. En sciences humaines, les théories
répondent à la question « pourquoi les individus
font-ils ou pensent-ils ceci ou cela ? ». Selon Nicolas
Guéguen19(*) :
« Une théorie est un ensemble
unifié de connaissances qui permettent d'expliquer un ou plusieurs
processus mentaux que l'on a étudiés. Ces connaissances sont
obtenues par le biais de recherches qui ont été conduites par des
chercheurs et qui permettent, par effet cumulatif, d'élaborer une
théorie. La théorie tend à fournir une explication
à un fonctionnement psychologique. »
Le cadre théorique est donc l'ensemble que constituent
les théories qui nous permettent de décrire, d'expliquer et
d'analyser les hypothèses énoncées. Ce travail sera
bâti autour de quatre théories : La dramaturgie, la
sémiologie textuelle, La théorie de la réception et
l'approche systémique.
XII-1)- La sémiologie
textuelle
D'après Ferdinand de Saussure20(*) la sémiologie est la
science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale.21(*) Le signe revêt une place
importante dans la vie sociale. C'est ainsi que Daniel Bougnoux écrit
que :
« L'homme descend plus du signe que du
singe : il tient son humanité d'un certain régime symbolique
ou signifiant. Nous vivons moins parmi les choses que parmi une
« forêt de symboles » comme dit Baudelaire dans le
célèbre sonnet des « correspondances ».
(...)L'empire des signes double ainsi notre monde naturel. (...)Par tout un
réseau de représentations codées et de signes qui sont
autant de pare-chocs opposés à la dureté du monde, nous
enveloppons, nous filtrons et du même coup nous maîtrisons le
réel extérieur. » (2001 : 27-37).
Les signes sont donc importants dans le processus de
communication à cause de la production de sens induite par eux. Georges
Mounin définit la sémiologie comme « une science
générale qui étudie tous les systèmes de
communications » (1970 : 07). A l'origine la
sémiologie est rattachée à la médecine, mais de nos
jours elle s'applique à d'autres domaines à l'instar de la
linguistique, de la philosophie, du cinéma, du théâtre etc.
La sémiologie se saisit d'une discipline pour harmoniser les signes et
en ressortir l'interprétation.
Du fait des deux composantes du théâtre, la
sémiologie explore le texte et la représentation. Cette
étude prendra en compte la sémiologie textuelle qui a pour objet
d'étude le texte dramatique. C'est cet aspect de la sémiologie
qui nous permet après analyse, de démontrer pourquoi des
spectacles dont les codes d'interprétation appartiennent à une
autre culture ou à une autre époque sont mal reçus par le
public d'une part. D'autre part montrer en quoi l'écriture dramatique
camerounaise contemporaine de la nouvelle vague d'auteurs, prise en compte,
pourrait apporter un plus considérable au théâtre
camerounais dans son ensemble, car ce dernier demeure incontestablement :
représentation. « Un texte de théâtre est
à voir. Un texte de théâtre est à écouter.
Est-ce qu'un texte de théâtre est à
lire ? »22(*)
XII-2)- La théorie de la
réception
Après la sémiologie textuelle, la théorie
de la réception est l'autre approche sur laquelle s'appuie cette
étude. Selon le dictionnaire de la critique littéraire sa
définition est la suivante :
« perception d'une oeuvre par le public. (...).
Etudier la réception d'un texte, c'est accepter que la lecture d'une
oeuvre est toujours une réception qui dépend du lieu et de
l'époque où elle prend place ». (2002 :
174).
Hans Robert Jauss souligne que :
« l'oeuvre littéraire n'a qu'une
autonomie relative. Elle doit être analysée dans un rapport
dialectique avec la société. Plus précisément, ce
rapport consiste dans la production, la consommation et la communication de
l'oeuvre lors d'une période définie, au sein de la praxis
historique globale. » (1978 : 269).
L'oeuvre a nécessairement un caractère
polysémique, du fait de la pluralité de ses lecteurs et surtout
des époques ou des contextes qui sont les leurs. Il faut donc en plus
de l'interprétation du texte, de l'étude de l'auteur, une
étude psychologique ou théorique pour conserver
l'objectivité scientifique de la critique et transformer les normes
textuelles et esthétiques. A l'inverse l'étude historique limite
la réception littéraire et renonce à des normes
esthétiques. Elle examine seulement le contexte social et institutionnel
du lecteur. Cette théorie montre que :
- le lecteur est affecté par le texte,
-la signification de l'oeuvre dramatique est
déterminée par le lecteur,
-le lecteur interprète le texte selon son back grounds
et ses influences.
Grâce à la théorie de la réception
il devient aisé de comprendre que deux individus face au même
texte l'appréhendent différemment. Leur interprétation est
affectée par leur statut social, culturel, leur niveau intellectuel,
leur âge, leurs intérêts professionnels, leur bord
politique, leur religion, leur sexe...Tout ce qu'ils sont, induit le sens que
chacun donne à un texte. La théorie de la réception
stipule qu'il y aura autant de lecture qu'il y a de lecteur d'une part. D'autre
part, qu'une idéologie construite dans un contexte différent de
celui qui l'appréhende au final, peut ne pas être comprise par la
cible et peut tout simplement ne pas susciter d'intérêt de sa
part.
La théorie de la réception tient compte de trois
grands groupes d'étude. Celui de:
-ceux qui mettent au centre les expériences
psychologiques,
-ceux qui assument plus ou moins une interprétation
identique chez la majorité des lecteurs,
-Ceux qui tiennent compte uniquement de l'expérience
individuelle de chaque lecteur.
Que l'interprétation soit individuelle, collective ou
psychologique, elle prendra en compte un système de signes
antérieurs à la lecture. Par conséquent si le
lecteur-spectateur ne comprend pas ou n'arrive pas à se projeter, il est
clair que les clefs de décodage mises à sa disposition ne sont
pas les bonnes. Ce travail prenant appui sur ce principe, l'hypothèse
selon laquelle une écriture dramatique camerounaise contemporaine
pourrait revitaliser le secteur théâtral est
vérifiée.
XII-3)- La théorie de la
dramaturgie
La dramaturgie est l'art de transformer une histoire vraie ou
imaginaire, en un récit construit, comportant un ou plusieurs
personnages en action. Elle est utilisé au théâtre, en
littérature au cinéma...La définition que nous retiendrons
dans le cadre de cette recherche est celle d'Yves Lavandier23(*) dans son traité
intitulé LA DRAMATURGIE. Il la présente comme
« L'imitation et la représentation d'une action
humaine », faite » pour être vue et/ou
entendu ». C'est un traité sur les mécanismes du
récit, leur raison d'être et leur signification.Dans son oeuvre,
Yves Lavandier fait une distinction claire entre ce qui est écrit pour
être vu et / ou entendu et ce qui est écrit pour être
lu (la littérature). La dramaturgie ne doit pas être placée
dans le même panier que la littérature.
L'auteur s'appuie sur différents auteurs dramatiques
pour répondre à trois questions :
-de quoi sont faites les oeuvres dramatiques ?
-Pourquoi sont-elles faites ainsi ?
-que faut-il faire pour en écrire ?
Ces interrogations nous permettront de mieux
appréhender la dramaturgie contemporaine en général et
celle camerounaise en particulier. Les réponses trouvées quant
à elles seront les points d'accroche pour une éventuelle
composition théâtrale.
D'après Lavandier la dramaturgie est un jeu qui se
joue à deux : auteur-spectateur. C'est ainsi que les auteurs
dramatiques seront toujours indispensables et continueront à
répondre au triple besoin de sens, d'émotion et de distraction
des humains. Cette théorie permettra de nous appesantir sur la
structure des pièces contemporaines d'apprendre l'art du récit,
de ne plus faire l'amalgame entre dramaturgie et littérature, le
théâtre étant comme le cinéma : un art de
l'image.
XII-4)- L'approche systémique
La troisième approche convoquée par cette
recherche est l'approche systémique. Elle consiste à
considérer l'objet d'étude comme un système. L'objet
étant le phénomène théâtral, il sera
traité sous l'angle du système qu'il constitue. Le texte
théâtral étant un élément du système
constitué de signes qui doivent être interprétés. Le
texte sera dans le cadre de ce travail, un ensemble d'éléments
complexes en relation de dépendance réciproque. Selon le
fondateur de cette théorie, Bertalanffy24(*), « un système est un ensemble
d'éléments en interactions, en interaction les uns les
autres ». Cette approche nous permettra de démontrer
comment les éléments constitutifs de la représentation
parmi lesquels le texte dramatique s'inter influencent. Puis nous verrons
également, comment ceux qui composent le texte interagissent avec le
lecteur et le spectateur.
XIII- Méthodologie
Travailler sur un domaine implique d'établir une suite
de questions à se poser, de personnes à rencontrer et à
interroger, d'informations à collecter, d'opérations à
effectuer, en vue de faire des choix. Tout ceci pour être plus efficace
dans l'étude et la résolution du problème25(*)qui rappelons-le est : la
légitimation insuffisante d'une des tendances de renouvellement de
l'écriture dramatique camerounaise contemporaine. Toute cette
préparation préalable procède de la
méthodologie.
XIII-1)- L'observation
Elle se fera en deux volets :
-L'observation de plusieurs représentations
théâtrales pour recenser les pièces qui sont
créées dans le contexte camerounais.
-L'observation de l'ensemble des pièces qui sont
affectées au programme scolaire et qui sont montées dans les
Ecoles d'Art.
Cette étape nous permettra d'avoir une idée des
oeuvres dramatiques du répertoire des metteurs en scène
camerounais.
XIII-2-) La recherche documentaire
En plus d'observer, il sera question d'aller à la
recherche des informations pour juger de la pertinence de l'étude,
délimiter son champ et éviter de réaliser un
ouvragedéjà réaliser par d'autres. Cette étape
consistera à se rendre en bibliothèques, en librairies, centres
de recherche et chez les dramaturges à la quête de ressources
écrites, sonores ou visuelles, lire les pièces de ces auteurs
contemporains (oeuvres et tapuscrits).
XIII-3-) Les interviews et entretiens
L'objectif de notre étude est de mettre en
lumière l'écriture dramatique camerounaise contemporaine des
auteurs de la nouvelle vague et montrer comment leur prise en compte pourrait
insuffler une dynamique nouvelle à la production théâtrale
camerounaise.
Pour cela nous procéderons par des
interviews 26(*):
-des metteurs en scène et autres acteurs de la
représentation, pour comprendre les modalités de choix des textes
à créer et pour collecter des données pratiques
concrètes,
-du public pour juger sa perception du discours des
différents spectacles,
-des dramaturges pour découvrir leur univers et leur
démarche artistique dans la composition de leurs pièces.
Les interviews et entretiens des metteurs en scène et
du public s'inscrivent dans l'optique de vérifier l'hypothèse
selon laquelle les auteurs camerounais contemporains de la nouvelle vague sont
très peu connus et ont besoin d'être mis en lumière.
XIII-4)- La pratique
Se forger, à travers des ateliers pratiques, une
aptitude en écriture dramatique contemporaine et produire un texte qui
respecte les canons esthétiques et la thématique du
théâtre d'aujourd'hui. Pour se faire des coachings avec les
auteurs, puis une résidence d'auteur en Guinée Conakry seront les
modalités d'écriture du texte constituant la quatrième
partie de ce travail. Ce cas pratique est un outil de valorisation de la
nouvelle dramaturgie contemporaine camerounaise, mais également la
preuve concrète qu'un étudiant en Art du spectacle peut produire
une pièce théâtrale compétitive.
XIV-) -Le plan
Un plan est le découpage en différentes parties
du discours, du raisonnement, d'un texte, d'un article. Il s'agit de
présenter les parties constitutives du corps de ce travail de recherche.
Ces parties devront nous permettre de vérifier les hypothèses
mentionnées. Pour traiter de notre sujet : Ecriture dramatique
camerounaise contemporaine : visages, Palmarès,
caractéristiques et des outils de valorisation, nous avons
organisé notre recherche en trois chapitres et un cas pratique. C'est
ainsi que :
-Le premier chapitre est intitulé, Historique de
l'écriture dramatique camerounaise. Il est divisé en deux
sections. La première : Théâtre camerounais :
de l'origine au début des années 2000 ; et la
seconde : Les précurseurs des auteurs dramatiques camerounais
de la nouvelle vague. Ce premier chapitre prendra en compte la
première hypothèse de notre recherche qui affirme que
l'écriture dramatique camerounaise contemporaine d'avant la nouvelle
tendance, a des insuffisances.
-Le second chapitre, Ecriture dramatique camerounaise
contemporaine : Visages et palmarès. Il sera également
organisé en deux sections. Dans la première, nous iront à
la rencontre des figures de proue et leur palmarès. Dans la seconde,
nous parlerons de ses caractéristiques générales. Ce
chapitre soutiendra l'hypothèse de la mise en lumière de la
nouvelle vague d'auteurs camerounais contemporains à travers une fiche
signalétique.
-Le dernier chapitre, Etude de trois pièces du
répertoire des auteurs camerounais de la nouvelle vague et outils de
valorisation. Il sera reparti lui aussi en deux sections. Une pour toucher
du doigt les trois oeuvres choisies et l'autre pour proposer des outils de
valorisation. L'hypothèse selon laquelle la valorisation du savoir-faire
des auteurs camerounais de la nouvelle vague passe par une étude de
quelques pièces de ce répertoire est vérifié
ici.
-Le cas pratique Le parfum du souvenir :
Cette pièce est écrite dans le but de capitaliser les acquis
reçus tout au long de notre recherche. Cette partie sera la preuve que
découvrir le savoir-faire de ces auteurs permet de mieux
appréhender leurs oeuvres ; mais aussi de faire la propagande de
cette forme inconnue du public et de la communauté scientifique.
CHAPITRE I : HISTORIQUE DE L'ECRITURE DRAMATIQUE
CAMEROUNAISE
Ce mémoire de recherche traite de la
légitimation insuffisante d'une des tendances de renouvellement de
l'écrituredramatique camerounaise contemporaine. Il est donc question
de mettre en lumière ces dramaturges d'un nouveau genre ainsi que leurs
oeuvres. Mais avant de rencontrer ces nouveaux visages de la dramaturgie
camerounaise, ce chapitre va nous permettre d'être fixés dans le
temps et par rapport à la société camerounaise qui les
voit émerger. L'histoire permettant de comprendre le présent et
de mieux appréhender l'avenir, la première section sera un bref
historique de l'écriture dramatique camerounaise. Nous verrons que
chaque écriture est le reflet de l'esprit de son temps. Nous
découvrirons un théâtre camerounais ancré dans le
mouvement de sa société. Dans la seconde partie de ce chapitre,
il s'agira des précurseurs de l'esthétique particulière
qui est l'objet de notre recherche. Ainsi éclairés, il sera plus
évident de situer l'écriture dramatique camerounaise de la
récente génération d'auteurs. Ce chapitre nous renseignera
sur son origine et son contexte de création. Nous partirons du
théâtre colonial dans lequel, comme le démontre Jacques
Raymond Fofié, « les valeurs de l'Afrique sont
tournées en dérision : la dot, un vulgaire prix d'achat, la
solidarité africaine, du parasitisme. » (2011 : 57).
Puis nous passerons par la crise identitaire et nous déboucherons sur
les précurseurs des auteurs dramatiques camerounais contemporains qui
sont à l'honneur dans cette étude. Cette partie permettra
également d'établir que la recherche identitaire dans le
théâtre n'a pas été l'apanage du Cameroun
uniquement. En effet c'est un mouvement d'ensemble qui balaie l'Afrique
francophone qui veut affirmer son indépendance. Nous découvrirons
une écriture théâtrale camerounaise qui se démarque
et dont les prix remportés au niveau africain sont le reflet de sa
grande qualité. Elle peut aussi se targuer de compter parmi ses
dramaturges, des auteurs avant-gardistes à l'instar de Werewere Liking.
Rappelons que nous ne nous intéresserons qu'au théâtre
camerounais francophone. Ce premier chapitre prendra en charge
l'hypothèse selon laquelle le répertoire connu des oeuvres
camerounaises présente quelques insuffisances, d'où l'urgence de
le mettre à jour.
SECTION I : THEATRE CAMEROUNAIS
DE L'ORIGINE AU DEBUT DES ANNEES 2000
D'après Robert Cornevin, cité par Jacques
Raymond Fofié : « Des formes de théâtre
existaient en Afrique bien avant les manifestations des élèves de
l'E.P.S de Bingerville ou de l'Ecole Normale William Ponty et même avant
l'arrivée des européens. » (2011 : p20).
Partant de cette affirmation, nous pouvons distinguer comme Jacques Raymond
Fofié : le théâtre camerounais traditionnel
sacré et le théâtre camerounais traditionnel profane. Nous
voyons que le théâtre camerounaisprend sa source du sacré
tout comme le théâtre Grec antique. Le théâtre
camerounais traditionnel sacré est constitué de rites de passage
et celui traditionnel profane de mythes, de légendes, de contes,
d'épopée. Nous ne nous attarderons pas sur ces deux formes ici
car elles ne présentent pas la dimension textuelle qui est l'objet de
cette étude. C'est ainsi que nous entrons dans la période du
théâtre camerounais colonial.
I-) -Le théâtre camerounais de la
période coloniale
Le théâtre camerounais de la période
coloniale se compose du théâtre missionnaire, du
théâtre scolaire, de celui multilingue.
I-1) -Le théâtre religieux ou
théâtre missionnaire
Les premiers pas du théâtre camerounais, tel que
nous le connaissons aujourd'hui, commence par l'église. En effet les
missionnaires, pour besoin de prêche et d'évangélisation
des masses, ne vont pas tarder à s'investir dans le champ
théâtral. C'est le lieu d'imposer l'idéologie du
colonisateur au détriment de la culture locale. A ce propos Gilbert
Doho27(*) cité par
Guy Francis Tami disait :
Le théâtre camerounais moderne est le lieu du
déploiement des talents, des énergies, des stratégies et
des tactiques de soumission, de survie et de contestation. [...] C'est
d'abord par l'Église que se développe le théâtre
camerounais. Elle investit très tôt le champ théâtral
pour besoin de prêche, de communication de l'évangile aux masses.
Félix Faure (Le Diable dans la brousse, Editions J, Sers, 1931) pense
comme tous les évangélisateurs que le théâtre peut
faciliter la tâche d'évacuer Mammon pour implanter Christ dans la
brousse africaine. Ainsi, le dramaturge à la soutane va soutenir la
mission civilisatrice en inculquant les moules classiques aux futurs
dramaturges camerounais. Sous la direction de ces religieux, surgira une
pléthore de dramaturges tels qu'Alfred Tongo Diboundou (Les Dix Vierges,
1870), Kingue Kwedi (Une Famille dans l'attente de Noël, 1910) ;
Anonyme (L'Annonce de la naissance de Jésus, 1912) ; Alfred Ndoumbe
Moussinga (Un Jeune à la recherche d'une conjointe, 1919) ; Anonyme
(Yesus Mongo, 1928) ; Anonyme (Mfubfub Awula et Ngul Esiki Sosso). Du
moment que ces pièces n'inquiètent nullement le pouvoir
religieux, elles sont représentées dans des séminaires ou
dans des églises lors des fêtes. Elles s'investissent totalement
dans la mission impériale de dépossession des Camerounais de leur
fond culturel. Car le théâtre religieux est plus qu'un acte de
prédication et de justification des conquêtes
coloniales. (2008 : 2).
Les oeuvres issues de ce théâtre que nous
pouvons citer à la suite de Gilbert Doho (1992), d'Ambroise Kom (1999)
et de Fofié sont : « Les dix vierges d'Afred
Tongo Diboumbou (1870), Une famille dans l'attente de Noël de
Kingue Kwedi (1918), L'annonce de la naissance de Jésus (1912,
anonyme) » (2011 : 22).
Nous soulignerons que c'est par cette forme que la pratique
théâtrale fait son entrée au Cameroun comme le constate
Fofié : « cette théâtralisation de la
Bible devait conduire à l'introduction du théâtre à
l'école à la création de
celle-ci. »(2011 : 23). Le titre des oeuvres suffit
à nous renseigner sur les thèmes. A cette période de son
histoire le théâtre camerounais connait uniquement les
thématiques tirées de la Bible. Il ne s'intéresse pas
encore aux problèmes de la société camerounaise. C'est
sous cette forme qu'il s'invitera dans les écoles.
I-2) -Le théâtre camerounais scolaire
Cette forme est également l'oeuvre des enseignants
missionnaires. Le paysage théâtral d'alors se voit doter des
pièces de Molière, Shakespeare ou des adaptations de leurs
oeuvres. Des fables de la Fontaine seront également présentent
dans ce répertoire. Elles seront souvent contextualisées comme
nous le montrent Gilbert Doho et Bole Butake cité par
Fofié : « Le loup et l'agneau, était
adapté sous le titre de « Ngul Issiki'Sosso ». Jean
Baptiste Obama adapta aussi Les fourberies de Scarpin de Molière sous le
titre Mbarga Essono » (2011 : 23)
Le théâtre camerounais scolaire nous permet
d'affirmer que pendant cette période également, l'écriture
dramatique camerounaise pour ce qu'il en ressort, n'est pas encore autonome.
Les pièces montées sont des adaptions de classiques
français. Il arrive qu'elles soient également adaptées en
langues locales. Nous assistons à la naissance du théâtre
camerounais plurilingue.
I-3) -Le théâtre camerounais plurilingue
Pour parler du théâtre camerounais plurilingue
nous nous baserons sur les travaux de Clément Mbom (1989 : 144-148)
qui distingue quatre grands types d'expressions de ce
théâtre : Le théâtre d'expression Allemande,
celui en langues nationales, le théâtre d'expression anglaise et
enfin celui d'expression française.
a) -Le théâtre de langue allemande et le
théâtre camerounais de langue anglaise
Der Liebsieg et Tolongi sont les
pièces les plus marquantes du théâtre camerounais de langue
allemande. Elles sont écrites respectivement en 1900 et 1910 par
l'allemand Ridel. « Mais il se pose ici le problème de la
camerounité28(*)
véritable de ces oeuvres écrites par un allemand, comme il en
sera pour certaines oeuvres en langue anglaise » (2011 :
24).
En effet comme l'énonce Fofié, la pièce
White flow the latex, ho !du britannique Charles Low
écrite en 1942, pose également un problème
d'identité camerounaise. Fofié citant Zimmer qui à son
tour cite Richard Bjornson, affirme qu'elle fut écrite en collaboration
avec plusieurs élèves camerounais anglophones. Nous pouvons aussi
citer I am Vindicated de Sankie Maimo.
b) -Le théâtre camerounais en langues
nationales
« Les pièces de théâtre en
langues nationales sont évidemment des oeuvres des camerounais.
Mbarga Essono de Jean Baptiste Obama (1943), est
considérée par Clément Mbom comme la première
en langue nationale, c'est une comédie en prose, moitié en
vers... » (2011 : 24)29(*)
c) -Le théâtre camerounais de langue
française
Nous citerons les deux oeuvres majeures de cette
période : Le chômeur de Stanislas
Awono et Trois prétendants...Un mari de
Guillame Oyono Mbia.
« En conclusion, la période qui va de
1840 à 1959 est celle de l'enracinement du théâtre au
Cameroun. On peut en relever quelques caractéristiques. Les oeuvres sont
dans l'ensemble calquées sur les modèles occidentaux
enseignés à l'école : Molière, Corneille,
Racine, Shakespeare, théâtre de type classique français
avec prédominance de la comédie de divertissement. C'est un
théâtre oublieux du drame colonial, ne s'apparentant pas, selon
Clément Mbom, à celui de William Ponty, rejetant les valeurs
africaines au profit de celles de l'Occident sublimées,
véhiculant l'idéologie de la nation civilisatrice (1989 :
145). C'est un théâtre multilingue reflétant la
complexité linguistique du Cameroun. » (2011 :
26).
Cette conclusion de Fofié nous permet de constater le
manque de liberté des auteurs de cette période tant dans le choix
de la thématique que dans la construction du texte lui-même. Le
contexte socio-politique, la colonisation, transparait dans la pratique
théâtrale qu'elle oriente en fonction des desseins du
colonisateur. Installer l'idéologie de la puissance colonisatrice, tout
en dépossédant le camerounais de sa propre culture tel est le but
de cette écriture. Néanmoins, le théâtre existe au
Cameroun, mais comment se comportera-t-il dès les
indépendances ?
II- Le théâtre camerounais post colonial
Il existe un lien entre la nouvelle écriture
dramatique camerounaise contemporaine et l'histoire de la dramaturgie au
Cameroun. Le travail de la nouvelle vague d'auteurs dramatiques camerounais que
nous évoquons dans cette recherche tire son essence de l'histoire
générale de l'écriture dramatique camerounaise. Il n'y a
pas de rupture entre les différents genres mais une évolution qui
est la conséquence de la mutation de la société
camerounaise.
Cette recherche ayant pour point de départ les
années 2000, la période que nous allons considérer dans
cette partie de notre étude sera celle de 1960 à 1999. Le vent
des indépendances ayant soufflé sur l'Afrique, une même
ferveur anime les africains et transparait dans leur façon de penser et
d'écrire leur théâtre. Les différents paliers
évoqués par Sylvie Chalaye30(*) nous permettront de comprendre l'évolution de
la dramaturgie africaine qui débouche sur ces nouvelles
esthétiques qui s'appliquent par conséquent à
l'écriture camerounaise francophone.
II-1°) -L'enthousiasme historique des années
1960
Avant 1960, l'Afrique vit son indépendance mais pas
son théâtre. En effet, il s'inspire encore du modèle
occidental. Les thèmes sont assez redondants et l'écriture copie
le modèle occidental sur des plans tels que la structure et l'usage
d'une langue française soutenue. Les dramaturges subliment les valeurs
occidentales au détriment de celles de leur pays. Ce qui explique
aisément pourquoi ce théâtre ne se préoccupe pas des
problèmes locaux.
Dans la décennie 1960-1970, il y a une certaine
émulsion. Même si les thèmes demeurent redondants, les
dramaturges s'intéressent enfin à leur pays. La
problématique est sociale. C'est le départ d'un
théâtre dont l'intérêt est tourné sur la
société. Le Cameroun ne sera pas en reste.
« On remarque dans l'ensemble que le
théâtre camerounais des années 60 est un
théâtre digne, centré essentiellement sur les
problèmes sociaux sans que la politique ne soit totalement
oubliée. Les langues officielles (français/anglais) y sont
sublimées alors que la production en langues nationales
décrépite. » (2011-27).
Les auteurs dramatiques s'inspirent de leur
société mais l'ombre de la puissance coloniale subsiste dans la
démarche et la langue mise en avant. Parmi les pièces
écrites nous retiendrons :
-Notre fille ne se mariera pas, de Guillame Oyono
Mbia, 2ème prix du jury du concours théâtral
interafricain.
-Le fusil, de Patrice Ndedi Penda, Prix des Auditeurs
du concours théâtral interafricain 1969.
Nous noterons également que c'est cette
décennie qui voit arriver les premières femmes auteures
dramatiques camerounaises telles que :
-Lydia Ewandé, Nous avons sommeillé, mais
nous n'avons pas dormi paru en 1964,
-Marie-Charlotte Mbarga kouma Née Ekorong à
Perem : Le mariage de ma cousine, La famille
africaine ; 1967 et 1968 d'après René Philombe.
« ...Mais la construction dramatique reste
indéfectiblement attachée au modèle occidental et les
tensions tragiques rappellent celles du théâtre
grec. »31(*)
II-2) -Le temps du désenchantement des années
1970
Au Cameroun cette décennie est marquée par la
multiplicité des thèmes mais aussi par l'entrée en
scène du théâtre politique. Conscient de son environnement,
le dramaturge de cette époque écrit sur son quotidien, et pense
au peuple. On observe une évolution significative dans la production et
dans les thématiques. Un retour à l'oralité est
enregistré. Nous ne nous attarderons pas sur ces pièces car ce
théâtre populaire d'alors n'a pas de textes écrits.
« On distingue deux grands groupes d'oeuvres : le
théâtre populaire sans texte écrit et les pièces
écrites. »(2011 : 28)
Le théâtre politique, qui entrait
déjà en scène dans les années 60, s'impose ;
Cannibalisme d'Alexandre Kum'a Ndumbe III, Africapolis de
René Philombe, Politicos de Jean Mba Evina. Les auteurs sont
de plus en plus engagés dans le traitement des fléaux sociaux.
C'est le cas dans Vice-versa de Hubert Mono Ndjana. Jean Baptiste
Obama remporte en 1970, le Grand prix du Concours théâtral
interafricain avec sa pièce Assimilados. Les autrices
féminines ne sont pas en reste. Ce sont Rabiatou Njoya et Werewere
Liking. S'appuyant sur les propos de Zimmer, Fofié (2011 : 76)
conclura en disant :
« ...ce sont les années 70 qui sont les
années fastes de la production théâtrale féminine
camerounaise. Elles correspondent aussi à celle du théâtre
camerounais dans l'ensemble comme le laissent sous-entendre les propos de
Wolfgang Zimmer. »
PourSylvie Chalaye :
« sur le plan thématique, ce
théâtre ne cesse d'affirmer la nécessité de
s'émanciper des modèles philosophiques, administratifs et
politiques hérités du colonisateur. Mais au plan formel des
dramaturgies des années 70 restent encore très fidèles aux
formes dramatiques classiques. »32(*)
II-3) -Les années 1980 ou la recherche d'une
esthétique plus africaine
Les années 1980 sont décisives pour les
écritures francophones car c'est également durant cette
décennie que vont voir le jour le festival des francophonies du
Limousin et le théâtre international de langue française.
Ces structures vont permettre à la pratique théâtrale du
Sud de trouver une plus grande plate-forme pour son rayonnement.33(*)
Sur le continent, les auteurs dramatiques se tournent vers
une esthétique qui rompt avec le modèle occidental. Les
dramaturges comprennent qu'indépendance rime avec liberté. Pour
affirmer leur nouveau statut, ils vont à la recherche d'une dramaturgie
qui assume une rupture avec celle imposée jusqu'ici par le modèle
colonial.
A l'image d'autres dramaturgies d'Afrique Francophone,
l'écriture camerounaise des années 80 revendique une
identité en devenir. C'est la première démarche vers la
réhabilitation de la dignité africaine perdue. D'après
Clément Mbom cité par Fofié :
«C'est la période du renouveau dans la
création dramatique au Cameroun où la qualité prime la
quantité. On a affaire à un théâtre non seulement
éclaté, mais aussi ouvert, (...) Tradition africaine et technique
occidentale se joignent... » (2011 : 36).
C'est la période de l'éclatement du
théâtre camerounais. De nombreuses oeuvres sont produites et de
nouvelles esthétiques voient le jour. C'est ainsi que le
théâtre rituel de Werewere Liking trouve sa place grâce
à son authenticité. Son écriture tire son essence de
différents rituels africains et particulièrement ceux du peuple
bassa. Parmi les oeuvres les plus importantes de cette décade nous
citerons : Le caméléon et les épouses
stériles de Patrice Ndedi Penda, Une nouvelle terre et
Du sommeil d'injuste de Werewre Liking.
« Ce retour identitaire des
théâtres du Sud rencontre alors les attentes d'un public
occidental en mal d'exotisme et d'authenticité, un public qui
découvre bientôt, à Limoges où à Paris la
force de créativité de l'Afrique, mais reste attaché
à un mythe idéaliste de l'oralité, la musique et le
pittoresque du village et des rituels fabriquent une image d'Epinal qui fige le
continent dans son passé ».34(*)
Ce constat de Chalaye, nous permet de percevoir le revers de
la crise identitaire sur l'écriture théâtrale. Cette
dernière au lieu de faire avancer les choses a plutôt
entrainé un retour en arrière du théâtre. Ellea
figé la société dans un cliché archaïque,
tandis qu'elle évoluait. Les dramaturges s'attèlent et se
libèrent de cette représentation, c'est la fin des années
1980.
II-4) -Le théâtre camerounais des
années 90 : la transition
La crise identitaire que connait la dramaturgie camerounaise
va conduire le théâtre camerounais en général et
l'écriture dramatique en particulier dans ce que Jacobin Yarro Tagoumthe
va appeler « la crise » en 1995.
La décennie 1990 est celle de la transition. En effet,
elle est le carrefour où se confondent une dramaturgie camerounaise
ancrée dans l'esthétique identitaire et une qui s'envole vers
d'autres sommets.
Werewere-Liking inaugure une nouvelle ère de
l'écriture théâtrale camerounaise par une esthétique
qui sort totalement des sentiers battus sur les points de la thématique,
de la structure, du statut social des personnages, de la problématique
et de la linguistique. Il transparait encore un appel à un retour aux
sources par le prétexte que convoque l'écriture : les
rituels camerounais du peuple bassa.
Werewere-Liking dans sa démarche s'inspire du
vécu et relate toujours un moment marquant de sa vie. Son travail
d'auteure est axé sur le ki-yi Mbock qui est selon
elle « un mouvement pour la renaissance des arts africains,
pour la renaissance d'une culture panafricaine contemporaine et pour une
rencontre et une reconnaissance des cultures du monde noir ».
Pendant que Koffi Kwahulé, Kossi Efoui inaugurent chacun une
démarche nouvelle dans leur écriture dramatique en
l'épurant des canons hérités de la colonisation culturelle
occidentale, le Cameroun a un écrivain-peintre : Werewere-Liking.
Son théâtre-rituel fait d'elle une pionnière35(*) de la création
contemporaine sur le continent africain. D'elle paraitrons :
-La puissance d'Um, Abidjan, CEDA, 1979
-La queue du diable, in Du Rituel à la
scène, Paris, Nizet, 1979
-Une nouvelle terre, Abidjan : Les Nouvelles
Editions Africaines, 1980
-Les mains veulent dire, in spectacles Rituels,
Dakar :Les Nouvelles Editions Africaines, 1987
-La Rougeole arc-en ciel, in spectacles Rituels,
Dakar :Les Nouvelles Editions Africaines, 1987
-Singué Mura- Considérant que la femme
(1990)
-Un Touareg s'est marié à une
pygmée, Carnières : Lansman, 1992
-La Veuve dilemme (1994)
-L'enfant Mbéné
-Le Parler-chanter-Parlare-Cantado (2003)
Cette bibliographie de Werewere Liking est le miroir de
l'évolution de l'écriture dramatique camerounaise. Elle
regroupe :
-la décennie 70, pendant laquelle l'écriture
des femmes se fait vraiment remarquer
-les années 80, années de la recherche
identitaire et de la crise
-les années 90, de la transition et de la rupture avec
le modèle colonial
-les années 2000, leur début, qui inaugurent une
approche inédite du théâtre au Cameroun
La dramaturgie camerounaise évolue petit à
petit vers une identité et une conception hybride à cause des
cocktails de culture qu'elle nous sert. A ce grand tournant de l'histoire des
écritures francophones, comme un signe pour imposer aux auteurs de se
décider définitivement sur l'orientation à donner à
leur création, paraît Le Carrefour en 1989. Cette
pièce emblématique de Kossi Efoui traite de la force de
l'imagination pour se libérer de la prison. Il ouvre ainsi la voie
à plusieurs autres à l'instar de Koulsy Lamko du Tchad, Koffi
Kwahulé de Côte d'Ivoire, Caya Makhélé du Congo,
Werewere Liking du Cameroun, Michèle Rakotoson de Madagascar. Pour
Kossi Kwahulé36(*)
il est question :
d'« envisager le théâtre non pas
dans ce qu'il « est » ou « aurait
été » mais ce qu'il doit être pour une
humanité «chargée» des images de Dallas, de Rambo,
de Madonna, de Michael Jackson, du chômage, des missiles, de la
conquête spatiale, de l'écroulement du mur de Berlin, de Mandela
libre... » (1995 : 31).
II-5) -Le théâtre camerounais du
troisième millénaire
Cette époque trouve un théâtre
littéraire en crise selon des critiques tels que Mono Ndjana. Pour
Fofié :
« en réalité, il n'y a de crise
que dans le refus de quelques critiques de voir que les formes dramatiques ont
varié et que le théâtre de type aristotélicien et
classique français, pour valable qu'il soit, ne domine plus la
scène contemporaine. La qualité a cédé la place
à l'efficacité. » (2001 : 63).
Si l'on tient compte de cette citation de Fofié, le
théâtre camerounais du troisième millénaire ne
connait pas de crise. Il a muté. Un tel constat nous permet de
comprendre qu'il n'est pas question de rejeter les nouvelles formes de
théâtre. Il faut aller à leur rencontre et découvrir
ce renouvellement de la dramaturgie camerounaise. C'est fort de tout ceci que
la nouvelle tendance d'écritures camerounaises contemporaines a retenu
notre attention et qu'il nous a semblé nécessaire de nous
imprégner d'elle. Cette écriture inédite cohabite
néanmoins avec des formes déjà connues, avec des oeuvres
telles que Le bourbier de Guillaume Oyono Mbia, L'habit ne fait
pas le moine de Patrice Ndedi Penda ou encore Le sort de l'esclave
de Rabiatou Njoya et de Alexis Mouliom.
En effet la dramaturgie camerounaise a évolué
tant sur le fond que sur la forme : ses thématiques, son angle de
traitement, la construction de ses personnages. Le Cameroun étant un
pays multiculturel, les esthétiques proposées peuvent être
aussi diverses qu'il y a de cultures ou d'auteurs.
Toutes ces grandes périodes de l'écriture
dramatique camerounaise ainsi passées en revue permettent de reconnaitre
un théâtre camerounais en adéquation avec sa
société jusqu'au début du troisième
millénaire. La crise identitaire a permis aux dramaturges de valoriser
un patrimoine et une culture jetés en pâture par le colonisateur.
Les pièces écrites au début des années 2000
continuent de puiser leur substance dans le contexte camerounais mais sont en
déphasage avec la société qui, elle, vit la
mondialisation. Le théâtre d'aujourd'hui devrait être le
miroir d'une société. Anick Martel ne le démentira pas.
Pour elle :
« Ecrire aujourd'hui, c'est un peu chanter la
langue de son territoire. Un territoire ouvert sur le monde. Sur
l'interdisciplinarité. Une écriture qui s'ancre dans l'ici, le
chez soi, le détail, le quotidien, et à la fois dans
l'universalité, l'altérité et la perte des
frontières et des repères. » (2012 : 3).
Nous voyons que le théâtre contemporain doit
puiser dans sa culture et s'ouvrir également sur le monde. Avant
l'arrivée de la nouvelle vague d'auteurs que nous allons
découvrir dans ce travail ; nous sommes en face d'une
écriture qui traite des problèmes du Cameroun mais qui oublie
d'apporter cette touche qui fait d'une pièce camerounaise, une
pièce universelle. A l'époque du satellite, d'internet, de
Novelas Tv, écrire c'est s'adresser à cette personne d'ici
influencée par un ailleurs. Une nouvelle écriture dramatique
camerounaise contemporaine qui prend en compte tous ces paramètres
existe, elle ne demande qu'à être découverte. Avant d'aller
à la rencontre de la nouvelle vague d'auteurs dramatiques camerounais
qui la pratiquent, nous parlerons des précurseurs.
SECTION II : LES PRECURSEURS DES AUTEURS
DRAMATIQUES CAMEROUNAIS DE LA NOUVELLE VAGUE
Plus que jamais, l'écriture dramatique camerounaise
s'envole et va à la conquête du monde et ramène des
trophées. Dans les décennies passées, la critique
reprochait aux auteurs dramatiques la redondance des thèmes, pourtant
aujourd'hui tout est question d'angle de traitement, du point de vue qui
diffère d'un dramaturge à l'autre. Elle fait la part belle
à l'originalité. N'est-ce pas vrai que nul ne crée ex
nihilo ? Il faut bien partir de quelque part dans l'objectif de rencontrer
le monde entier si possible. Cette dramaturgie montre que le Cameroun pense,
que sa parole porte et qu'elle est à la page. Elle est à
l'image de cette société africaine où la jeunesse
s'affirme et s'engage dans les combats de l'humanité. Il est normal que
chacun prenne la parole avec la langue qu'il parle le mieux. Les dramaturges
refusent d'être fixés sous prétexte qu'il faut absolument
se figer sur un héritage culturel qui pourtant s'émiette sous le
poids du modernisme. Koffi kwahulé appelle conscience
diasporique, ce besoin qu'ont les dramaturges de faire évoluer leur
écriture vers un « ailleurs ». Cité par Soro
N'golo Adoudou37(*),
Kwahulé apporte un éclaircissement :
« Ce que j'appelle conscience diasporique, c'est
la découverte du mouvement. On a tendance à fixer les africains.
Cela ne vient pas du seul fait des européens ou des
Américains : dans notre quête de l'authenticité, nous
avons dû nous fixer nous-mêmes. » (2017 : 8).
Il ne s'agit pas d'un lieu, mais d'un renouvellement constant
de la pensée.
Cette écriture dramatique des auteurs camerounais
contemporains de la nouvelle vague, dont les figures de proue serons
livrées ici, s'inspire elle aussi du mouvement général
d'affranchissement des écritures d'Afrique noire francophone.
Après la crise identitaire, l'écriture camerounaise prend la
liberté de s'exprimer comme elle l'entend. Deux dramaturges sont au
départ de cette révolution de l'écriture dramatique
camerounaise : Marcel Zang et Kouam Tawa. Cette étude tiendra
compte uniquement des camerounais de naissance.
I-) -Marcel Zang38(*)
I-1-1) -Présentation39(*)
Né le 02 mars 1954 à Meyila un village de la
région du Centre au Cameroun, Marcel Zang est un auteur camerounais
d'origine. Il ira en France à l'âge de neuf ans avec ses parents.
Il obtiendra finalement la nationalité française sans renier ses
origines camerounaise. Lorsqu'il se présentait en 2002, il disait :
« Je suis un Fong (avec un o) de la grande Ethnie des Fang (avec
un a) ... »40(*). Il décède en 2016 à Nantes de
suite de maladie. Il est dramaturge, poète et nouvelliste. La question
que pourrait poser plusieurs est celle de savoir pourquoi parler d'un auteur
français, bien qu'il soit camerounais à l'origine. La
réponse est simple, d'abord à cause de ses origines et ensuite
à cause du contenu de son écriture.
A l'origine romancier, il avait alors 17 ans. Une
pièce qu'il enverra chez Gallimard, mais qui ne sera pas publiée
cette année-là, est le départ de tout. Marcel Zang
écrit sa première pièce de théâtre sans
jamais avoir vu une seule représentation théâtrale. C'est
un besoin qui lui vient, comme ça. Il écrit dit-il, pour ne pas
crever, pour rester en vie. Sa soif d'écrire part d'un vide existentiel
qu'il va combler par l'écriture. Il ne pensait pas faire de
l'écriture son activité principale. Mais le déclic viendra
de la mort par suicide de son père quand il était en terminal. Le
vide que ce choc crée le confine dans l'écriture. Pour lui, le
vide est propice pour écrire. Selon lui : « Ecrire
c'est une lutte pour la vie. C'est pour se maintenir en
vie. »
I-1-2) - Son esthétique
Pour l'écrivain qu'il est, le sujet n'est pas
important, mais c'est ce que l'on en fait. On est habité par un
imaginaire qu'on n'a pas choisi. L'art ne restitue pas le visible, il rend
visible ; révèle ce qui est invisible. Tout ce qui habite
l'auteur, c'est de rentre visible ce qui ne l'est pas. Un jeu entre un visible
et un invisible. Ayant grandi en France, Marcel se considère aussi
comme un français. C'est d'autant plus la seule langue qu'il sait
manier. Mais son écriture, va lui permettre de voir une chose qu'il ne
savait pas : « Je me suis aperçu que je suis noir en
écrivant ».41(*)
Le dramaturge se rend compte que tous ses textes posent
problème dans la société française dans laquelle il
vit pourtant depuis son enfance. Il finit par s'apercevoir que c'est ce que
renvoient ses pièces, au travers de son imaginaire, qui dérange.
Il y avait une histoire qu'on ne pouvait pas entendre en France,
dit-il. Sans le savoir son écriture parlait de ses origines, de qui
il était vraiment : un noir et non le français que
jusqu'alors il croyait être. Son théâtre rendait visible un
invisible dont lui-même n'était pas conscient. C'est ainsi que ses
textes subissent la censure et ont du mal à être
créés en France. « Quand on écrit du
théâtre c'est pour voir la transformation du mot sur la
scène...et ne pas avoir droit à ça c'est une réelle
frustration. Voir comment l'autre appréhende ce que mon imaginaire a
conçu. »42(*)
Encore une affirmation qui prouve que le texte d'un
dramaturge n'est pas fait pour être lu, mais pour être joué.
Pour Marcel Zang, l'écriture théâtrale est une vie. La vie
étant le mouvement du dedans et du dehors. Il n'y a pas d'émotion
sans vide. La question de l'inconnu qui interroge : c'est la source du
langage à cause de l'irruption de l'autre. C'est le sujet de sa
pièce La danse du pharaon. C'est un drame en cinq actes qui
représente deux amis qui sont en prisons. L'un qui veut sortir et
l'autre qui préfère y rester car il trouve en ce lieu la
liberté qu'il n'a pas dehors. Un paradoxe troublant dans lequel l'auteur
démontre que tout est enfermement dans cette vie. Georges restera en
prison et Max en sortira. Ils vivront chacun leur vie dans des environnements
différents mais avec un but similaire : Ils ont tous deux besoin de
liberté, de salut.
Marcel Zang assimile écrire à exister, exister
à s'exiler car dit-il, ces mots ont une même racine. S'exiler
c'est exister, en d'autres termes sortir. Pour vivre il faut sortir de soi,
aller vers l'autre. Franchir une limite. C'est la frontière qui forme le
jeu. Il faut aller de l'un à l'autre. C'est ce qui fait la beauté
du jeu : Traverser la limite. L'écriture doit être
dirigée et guidée par l'altérité. Marcel Zang use
d'une écriture riche, d'une langue politique, mais très
poétique. De lui Kazem Shahryary dira qu'il a su passer un
héritage interdit. Lors d'une interview :
« L'écriture c'est dangereux, et
ça devrait l'être aussi pour le lecteur, le mettre en situation
limite, le déranger, le déstabiliser, ébranler ses
certitudes, attaquer son confort, le violenter, le surprendre, faut qu'il sache
qu'il entre ailleurs, dans une zone rouge et pas chez lui, qu'il est en danger,
qu'il risque quelque chose, et que c'est pas seulement de la branlette, de
l'identification, de l'attendu, et qu'il peut se prendre un pain ou une
décharge à tout moment. »43(*)
I-1-3) -Ses oeuvres
Cette recherche ne prenant en compte que l'écriture
dramatique, elle ne s'intéressera qu'aux oeuvres de ce registre, bien
que l'auteur soit aussi romancier et nouvelliste.
-Pièces publiées
-L'exilé, suivi de Bouge de
là, Editions Actes Sud-papiers, 2002. Bouge de là a
été mis en scène en 2002, et joué à la salle
de manèges de la Roche-sur-Lyon
-La danse du pharaon, Editions Actes Sud-papiers,
2004
-Pure vierge, Editions Actes Sud-papiers, 2007
-OEuvres inédites
-Le joueur, le vide et son double
-Un couple infernal : Mise en scène par
Georges Bilau en 2000 joué à la salle La Carrière à
Saint-Herblain et reprise au Conservatoire de région à Nantes,
Yannis Lagord en 2001 joué aux hivernales du Soleil levant à
Saint Hublain.
-La première fois
-Un cafard : mise en scène de Yannis
Lagord en 2001 et joué à la Faculté de médecine de
Nantes
-L'anti-miroir
Ses textes L'exilé, La danse du
pharaon, Bouge de là, ont fait l'objet de lecture publique
en France.
Nous pouvons remarquer, qu'aucune de ses pièces n'a
obtenu une tournée. A part Un couple infernal, aucune de ses
pièces n'a eu droit à une seconde représentation. Cela est
dû à l'engagement de l'auteur qui touche souvent du doigt des
questions qui dérangent.
I-1-4) - Prix et nominations
-Boursier de la fondation Beaumarchais, 2001
-Boursier du CNL, 2002 et 2007
-2005, Lauréat du prix SACD de la dramaturgie
francophone pour L'exilé.
-2010, SACD Prix Nouveau-Talent Théâtre
II-) -Kouam Tawa44(*)
Il est le trait d'union entre les précurseurs et les
tous nouveaux venus. Il arrive sur la scène théâtrale et
reste constant chaque année.
II-1) -Présentation45(*)
Kouam Tawa est né le 31 mai 1974 à Bafoussam
dans l'Ouest du Cameroun, plus précisément à Bafoussam. Il
y réside lorsque des contraintes artistiques ne l'emmènent pas
sous d'autres cieux. Il est auteur dramatique, dramaturge conseillers dans des
créations théâtrales. Il est également
administrateur et metteur en scène pour la compagnie Feugham. Il se
consacre également à la littérature et à
l'animation d'atelier d'écriture pour le compte de l'Université
de Paris 8 et le collège Eugénie Cotton d'Argentreuil en 2001,
puis pour le 104 de Paris de janvier à Juillet 2007. Il est membre du
Labo auteurs-metteurs en scène Folle pensée depuis 2002.
Kouam écrit également de la poésie. Il
découvre le théâtre à l'école en lisant des
pièces de Molière, Racine, Corneille et aussi
Césaire. Mais ce qui l'a amené vers l'écriture
théâtrale c'est une cérémonie dans son village. En
1995, il y va et assiste à une cérémonie extraordinaire,
une forme de justice qu'il n'imaginait pas et à l'issue de laquelle la
prestation avait séduit le citadin qu'il était alors. Il va voir
le chef de son village pour savoir à quand la prochaine pour pouvoir
prendre des dispositions pour garder une trace de ce qu'il venait de voir. Le
chef lui apprend alors que cette cérémonie n'aura plus lieu car
la population préfère s'en remettre, en cas de conflit, à
la police ou à la justice. Pour avoir vécu ce moment de communion
intense, il a envie d'en rendre compte. Kouam voulant retransmettre cette
histoire choisit le théâtre : c'est l'origine de
Sacrilèges sa première pièce. C'est sa
façon à lui de rendre compte de ce jugement à partir d'une
histoire imaginaire pour tenir en haleine le lecteur comme le spectateur.
II-2) -Son esthétique
Kouam Tawa écrit en s'inspirant d'une citation de
Kossi Efoui. « Au moment où nous
écrivons il ne doit pas avoir de parole au-dessus de la nôtre,
même pas celle de Dieu. » Parce que pour bien raconter une
histoire, le meilleur moyen c'est qu'au moment où le dramaturge compose
une pièce, qu'il ne laisse aucune parole assujettir la sienne. Ceci
expliquerait la liberté et l'originalité de sa plume. Son autre
force demeure dans la caractérisation de ses personnages. C'est ainsi
qu'il crée des personnages qu'il refuse de manipuler. En d'autres
termes, il n'impose pas ses envies au personnage. Il se laisse porter par ce
que celui-ci lui suggère.
II-3) -Ses oeuvres
Les pièces de Kouam sont pour la plupart
inédites :
-Souïmanga, mis en scène de Wakeu Fogaing
et Kouam Tawa, joué entre autre au festival international de
théâtre et de marionnette de Ouagadougou (Burkina Faso)
-Sacrilèges, mis en scène par Annie
Lucas du Théâtre de folle pensée et joué à la
Passerelle - Scène nationale de Saint-Brieuc en 2002
-La trappe, mis en ondes par France culture dans une
réalisation de Myron Meerson en 2002
-Revanche, entre autres mis en scène par
Mathieu Montanier pour la tournée du projet Pièces
d'identités au Bénin, au Burkina Faso et au Niger en 2004
-La boule de vent, commande d'Alexandre Koutchevsky
dans Ciel à Bamako / Ciel à Ouaga en 2012
Jacques Raymond Fofié nous donne un aperçu du
travail de Kouam Tawa sur les pièces Par-delà le silence
et Les fous du dépotoir (2011 :179-180)
Il a aussi été dramaturge. Il s'agit de son
travail de conseiller auprès d'un metteur en scène qui explique
une oeuvre pour qu'elle soit mieux appréhendée pour la
création éventuelle du spectacle.
-Animal, texte de Roland Fichet mis en scène
par frédéric Fisbach 2005.
-Ndo Kela ou l'initiation avortée, texte de
Koulsy Lamko mis en scène par Rodrigue Norman 2005.
-Droit du sol ou le cahier d'un impossible retour,
texte de Valérie Goma mis en scène par l'auteur 2006.
-Ses mises en scène
-Des cochons et des hommes de Roland Fichet en
2006.
-Le revers de la haine de Wakeu Fogaing en 2007.
II-4) - Prix et nominations
-Bourse de l'association Beaumarchais en 2001
-Bourse d'encouragement du Centre National du Livre en 2002
-Bourse du programme en quête d'auteurs
AFAA/Beaumarchais en 2002
-Bourse d'aide à la création de la DMDTS en 2003
et 2006
-Résidence au Festival International des
théâtres francophones de Limoges
-Résidence à la Cité Internationale des
Arts de Paris
-Prix ACCT de littérature africaine pour la jeunesse
-Nominé pour le Prix RFI Théâtre en 2015,
2016, 2017, 2018
Dans cette section, en plus des prix, les bourses et les
résidences sont prises en compte. La raison c'est qu'aujourd'hui les
bourses sont généralement en faveur d'auteurs qui se
démarquent. Elles sont également dans de nombreux cas la
conséquence d'un prix remporté par le dramaturge. En guise
d'exemple nous pouvons citer :
-Le prix RFI théâtre qui en plus de la dotation
financière s'accompagne de deux résidences d'auteurs.
-Le prix des inédits d'Afrique et d'Outremer qui
s'accompagne d'une résidence d'auteur et d'une bourse.
Cette section nous a permis d'être fixés quant
aux précurseurs de la nouvelle écriture dramatique camerounaise
contemporaine.
Conclusion du chapitre
Dans ce premier chapitre, il a été question de
parcourir le théâtre camerounais de la colonisation jusqu'au
début du troisième millénaire. Nous avons vu un
théâtre où le dramaturge regardait le Cameroun à
travers les yeux du colonisateur dont il magnifiait la culture au
détriment de la sienne. Ensuite, ce théâtre s'est
émancipé en puisant ses ressources dans sa culture. Les oeuvres
de Werewere Liking en sont le reflet le plus pertinent. Le repli identitaire
que connait le théâtre va le désolidariser de la
société, car il le fige dans un passé, alors que la
société se modernise. Dans un second temps nous avons
parlé des précurseurs de la nouvelle vague d'auteurs dramatiques
camerounais contemporains. Il s'agit de Marcel Zang et de Kouam Tawa. Entre le
théâtre de l'exil de Marcel Zang et les jeux de mots
poétiques de Kouam, nous assistons à une rupture totale avec le
théâtre de la recherche identitaire pour un autre qui prend en
compte le monde du dramaturge et le contexte socio-politique qui est le
sien : une société ouverte sur le monde. Ce bref
aperçu historique a permis de connaitre l'origine et les mutations que
l'écriture théâtrale camerounaise a subies au fil des
années. Le théâtre a, en tout temps et en tous lieux,
évolué avec son temps et ses réalités. Il a
toujours su porter le sceau de sa société jusqu'au début
du troisième millénaire. D'après André Marie
Tsobé : « Un âge et une société
en pleine mutation se reconnaissent dans leur théâtre. Les
spectateurs viennent chercher au théâtre non pas une
évasion ou une illusion, mais une image de leur vécu et de leurs
valeurs qui soit aussi la confirmation vivante de leurs aspirations tant
morales que sociales ».46(*) Nous avons pu voir que les oeuvres camerounaises
connues ne corroborent pas toujours cette citation. Elles prennent en compte la
camerounité, mais délaissent à tort l'universalité.
Pourtant le camerounais d'aujourd'hui est un citoyen du monde et cela doit se
refléter par son théâtre. Pour Jacques Raymond
Fofié, le théâtre camerounais ne connait pas de crise, il
entre dans le troisième millénaire : « On comprend
que le théâtre camerounais entre au troisième
millénaire et non en crise mais sur de nouvelles
bases». (2011 : -63). C'est un avis que nous partageons
pleinement, d'où la mise en lumière d'auteurs qui font les beaux
jours du théâtre camerounais actuel. Une nouvelle vague d'auteurs
dramatiques contemporains offrent un rayonnement au Cameroun. Le second
chapitre illustrera des visages (celui des auteurs et celui de leur
écriture) et des palmarès. Il présentera un
théâtre camerounais francophone qui s'illustre par de nombreuses
distinctions et ressortira ses caractéristiques.
CHAPITRE II
ECRITURE DRAMATIQUE CONTEMPORAINE CAMEROUNAISE :
VISAGES, PALMARES ET CARACTERISTIQUES
aA
Dans le chapitre précédent, il a
été question de vérifier l'hypothèse selon laquelle
l'écriture dramatique camerounaise que nous connaissons aujourd'hui
présente certaines insuffisances. En effet partir de l'époque
coloniale, en passant par la crise identitaire et finir par le début des
années 2000, nous a permis de relever un fait important : le
théâtre mute en fonction de l'esprit de son temps et de sa
société. Cette remarque faite, nous avons pu établir que
la dramaturgie camerounaise a besoin de s'arrimerau Cameroun actuel. Celui-ci
vibre au rythme d'internet, du satellite, de Novelas Tv, de la liberté
d'expression, en un mot de la mondialisation. Etre Camerounais aujourd'hui
c'est également être un citoyen du monde, un Camerounais avec des
influences d'ici et d'ailleurs. Cet état devrait transparaitre dans la
composition dramatique. Dans cette dernière, le dramaturge tient
évidemment compte de lui, mais également de cet autre qui
interagit avec lui. Ne pas tenir compte de cette variable c'est aboutir
à une écriture en retard sur son temps, et en déphasage
avec sa société. Valoriser son patrimoine culturel, passe
aujourd'hui par l'altérité.47(*)Ne pas tenir compte de cette donnée fige le
théâtre dans le passé et il arrête d'être
compétitif. C'est malheureusement la caractéristique des oeuvres
camerounaises contemporaines connues jusqu'ici. La thématique peut
être actuelle mais si dans son traitement elle exclut l'autre, elle se
referme sur elle-même et ne trouve pas de place dans le monde
contemporain.
Les artistes s'inspirant de leur univers, il existe une
nouvelletendance de renouvellement de l'écriture dramatique
camerounaise. Ce chapitre est le lieu de rencontre et de légitimation de
ces dramaturges peu connus de la communauté scientifique et du public
camerounais. Il prendra en compte l'hypothèse selon laquelle une fiche
signalétique permet de connaitre ces auteurs. La section une,
présentera leur visage : qui sont-ils ? Quel est leur
palmarès ? La section deux, quant à elle dévoilera
le visage de leur écriture : quelles sont ses
caractéristiques ?
SECTION I : LES AUTEURS DRAMATIQUES CAMEROUNAIS
CONTEMPORAINS ET LEUR PALMARES
A- Les figures de proue ou auteurs majeurs de la
nouvelle vague
Les informations consignées dans ce chapitre sont
l'économie des différentes interviews et entretiens avec ces
dramaturges et leurs proches : parents, amis, artistes et
collègues. Nous commencerons par les leaders de cette écriture
nouvelle de par son angle de traitement, son esthétique et sa cible qui
est universelle.
I-) -Edouard Elvis Bvouma48(*)
I-1) -Présentation
Né le 02 octobre 1982 à Kribi, Edouard Elvis
Bvouma est un auteur, metteur en scène et comédien camerounais.
Petit, il aimait regarder les livres depuis la vitrine d'une librairie non loin
de son école primaire. Il admirait leur couverture. Son histoire avec
l'Art de manière générale commence avec la peinture. Il
réalisera plusieurs oeuvres mais ne sera jamais exposé. Il
rencontre la scène grâce à Essindi Mindja49(*) avec lequel il commence
l'aventure comme comédien. Peu après, Essindi
décède en France en juillet 2005, pour Elvis c'est une page qui
se ferme. Il est loin de se douter qu'il a été
repéré par France Ngo Mbock50(*). Elle ira à sa recherche et l'invitera
à rejoindre la Compagnie Diben qu'elle dirige alors. Il évolue en
son sein comme comédien également. Il écrit en même
temps de la poésie ce qui lui vaut la médaille d'or du concours
de poésie du Bleuet International en 2006.
Il devient passionné d'écriture et sa position
de comédien lui confère l'envie d'écrire pour la
scène. Il commencera par des sketches souvent co-écrit avec les
autres membres de Diben, puis son écriture s'émancipera. Il
continuera de peindre, avec les mots cette fois, la société
qu'il observe avec ses yeux d'auteur. C'est ainsi qu'il passera de la
poésie à la nouvelle, au roman, puis au théâtre. Il
décide d'assumer totalement son travail d'artiste et il ne fait que
ça. Choisir de faire de l'art une profession au Cameroun et plus encore
« auteur », ne séduit personne et encore moins ses
parents qui ont en plus beaucoup de mal à accepter son nouveau
look : des dreads locks. Révolutionnaire dans le look et
au-delà de tout par ses idées, ses amis le surnomment
« le Che » en référence au Che
Guevara51(*).
Malgré ce surnom affectueux, il décide de signer ses oeuvres de
son vrai nom.
Loin de se laisser démonter par les critiques, Bvouma
s'investira et mettra en oeuvre plusieurs moyens qui lui permettront d'aller
à la conquête de son nouvel amour : l'écriture
théâtrale. Son premier jet est Monopolar qui ne
passera pas inaperçu. C'est le début de l'histoire d'amour de ce
Camerounais avec la dramaturgie. Auteur prolifique, il sera amené
à partager son expérience au travers d'ateliers d'écriture
théâtrale qu'il dirige au Cameroun et sous d'autres cieux. Il
cofondera avec Ousmanou Sali le Zouria théâtre et sera le
promoteur du Contexthéâtral, un chantier d'écriture
contemporaine qui se tient à Yaoundé depuis 2013. Son talent
incontestable, lui permettra aussi d'écrire des séries courtes
comiques pour la télévision.
Bien que non-éditée, sa pièce
Monopolarsera sélectionner aux
Récréatrales52(*) à Ouagadougou. La proposition de mise en
scène envisagée par Valery Ndongo ne sera pas retenue pour la
suite mais le texte fera parler de lui et de cet auteur venu de nulle part. La
pièce sera néanmoins mise en scène plus tard par
Valéry Ndongo, qui tient toujours à son projet, et jouée
au Centre Culturel Français de Yaoundé et de Douala. Pendant la
même période, un autre texte de Bvouma, Les Martyrans,
est mis en scène cette fois par Serges Fouha. D'abord programmée
au Centre culturel français de Yaoundé, cette
représentation fera l'objet d'une tournée à
Yaoundé, à Douala et en France. Le public et le monde du
théâtre se demandent « qui est cet auteur talentueux qui
est monté par les jeunes metteurs en scène ? ».
Loin de s'arrêter là, notre auteur va continuer d'affuter ses
armes : ateliers d'écriture, Stages, et résidences, lui
permettent de se bâtir.
Bvouma fait la rencontre d'Alfred Dogbé53(*). Ce dernier donnera un conseil
qui va encore ajouter une nouvelle corde à l'arc de notre
désormais comédien-auteur : « Si tu veux que
ton écriture existe, met tes textes en scène, c'est ce que j'ai
fait moi-même ». En effet, après Monopolar
et Les Matyrans, portés à la scène par ses amis
du théâtre, Bwouma écrit mais il n'existe plus sur les
plateaux. C'est un problème quand on sait que la notoriété
d'un auteur dramatique aujourd'hui c'est sa capacité à se faire
jouer. Anne Ubersfeld54(*)
le dit si bien « Le théâtre n'accède
à l'existence que joué ». Qui pour faire exister
Edouard Elvis Bvouma ? Pouvons-nous nous demander pour paraphraser Anne
Ubersfeld. Qui pour faire exister son théâtre ? En effet
Valery Ndongo se tourne vers, un art émergent, le Stand-up et Serges
Fouha a quitté le pays. Les propos de Dogbé, raisonnent dans
l'esprit de l'auteur mais ont, dans un premier temps, beaucoup de mal à
être appliqués. En effet, il sort de l'école de France Ngo
Mbock citée ici par Bvouma : « on ne s'improvise pas
metteur en scène, il faut d'abord avoir bien roulé sa bosse sur
les planches ».
Un peu plus tard en 2010, il écrit Petit à
petitl'oiseau perd son nid. Cette pièce attirera le regard d'un
promoteur culturel qui se proposera de financer et de tout mettre en oeuvre
pour la création et la tournée effective d'un spectacle. Le
projet tombe à l'eau car le promoteur ne s'y investit pas comme conclu.
Pourtant Bvouma se voyait déjà jouersur plusieurs scènes.
Cette mésaventure lui fera se remémorer les propos de
Dogbé. C'est décidé : il veut mettre en scène
même s'il n'a pas fait les planches assez longtemps. Il met sur pied une
petite équipe et se concentre sur la création du projet que le
promoteur n'a pas conduit à son terme. Pendant qu'ils sont en
résidence de création, le Goethe Institut de Yaoundé lance
un concours de mise en scène pour son cinquantenaire au Cameroun.
Ambitieux, Bvouma voit en cet appel, une occasion d'éprouver ses
aptitudes dans la fonction de metteur en scène. Son équipe et lui
mettent en stand-by le travail sur Petit à petit l'oiseau perd son
nid et vont à la quête du titre. Il est question pour tous
les participants de proposer lamise en scène d'un extrait de l'oeuvre
Iphigénie en Tauride de Goethe imposé par le concours. A
la clé, la possibilité de monter tout le spectacle qui sera
joué au Goethe Institut de Yaoundé et une enveloppe. La mise en
scène de Bvouma remportera le concours devant celle de professionnels
plus aguerris tels que Jacobin Yarro, Junior Esseba, Annie Tchawack...en 2011.
Il se remettra sur la création de Petit à petit, l'oiseau
perd sonnid. La pièce jouée au Centre Culturel
Français sera un succès. Elle sera représentée
plusieurs fois à Yaoundé, Douala, Ndjamena et Kinshasa. Il faut
noter que ces spectacles naissent sous le sceau de la Cie Zouria
Théâtre qu'il co-fonde avec Ousmanou Sali. Il renouvèlera
l'expérience en 2013 avec son texte Le Deal des Leaders et en
2014 avec L'assemblée des Femmes deAristophane. Le conseil de
Dogbé avait porté des fruits : les textes de Bvouma seront
lus, mise en espace, ou créés en Afrique, en Europe et aux
Etats-Unis.
Comme avec l'écriture, Bvouma se diversifie. Il met en
scène des spectacles de stand-up à succès qui tournent. Il
s'agite de Don't Cry, Stand up ! (2014) et Je suis Charlotte
(2017) ; deux one woman show de Charlotte Ntamack. En 2018, il met en
scène l'humoriste camerounais Petit gougou dans son one man show Si
jeunesse savait...
Bvouma réussit à tirer son épingle du
jeu dans un contexte hostile au théâtre. En effet depuis plusieurs
années, le théâtre au Cameroun traverse une crise. Il n'y
a plus d'espaces de création et de performance, plus de salles de
spectacles, pas de Théâtre. Il restait quelques festivals
agonisants qui ont fini par s'essouffler. Plusieurs
théâtraux : acteurs, metteurs en scène, sont partis
vivre hors du pays. Les actrices se marient et abandonnent le
théâtre. Sa génération se bat pour que par la
passion, vive le théâtre. Pour emprunter l'expression au
dramaturge congolais, Dieudonné Niangouna, cette
génération fait de la « résistance
théâtrale ». Bvouma fait partie de ces auteurs qui
apportent un nouveau souffle au théâtre camerounais au-delà
du manque d'infrastructures et de politique culturelle. C'est parce qu'il est
plein d'espoir en l'avenir de ce théâtre qu'il ne cesse
d'écrire, mais aussi de penser des stratégies pour participer
à une redynamisation de celui-ci. C'est dans cette optique qu'il promeut
le « Contexthéâtral » qu'il définit
lui-même comme un chantier d'écritures contemporaines. Il est
important pour lui de parler au public camerounais, mais également
à tous ceux du monde.
I-2) -Son esthétique
Il dira lors de notre entretien : « Je suis
plus intéressé par un théâtre qui parle à
tout le monde, mais à partir du point de départ de ma propre
réalité...Je suis plus intéressé
par « le travail » qui dit quelque chose sur moi, mais
qui peut aussi parler à tout le monde ».
« Il peut y avoir un
manque d'intérêt du public pour les nouvelles pièces, mais
ce n'est pas nécessairement le thème qui pose
problème ; c'est la forme. Le problème c'est que les
artistes essaient d'apprendre d'autres formes très rapidement. Ils
essaient de les déconstruire sans les avoir construites pour commencer.
Il ne faut pas oublier que le théâtre camerounais ne s'est
développé que récemment. Le premier jeu camerounais ;
Trois prétendants...un mari de Guillaume Oyono Mbia a été
réalisé en 1960 ».
Edouard Elvis Bvouma estime que le théâtre
camerounais est jeune donc son public aussi. Pour lui, il n'est pas question de
transposer un modèle vu ailleurs « juste comme
ça » au risque de perdre l'intérêt d'un
lecteur ou d'un spectateur potentiel, pourtant il pouvait être investi.
C'est pourquoi il puise d'une manière particulière dans son
vécu au Cameroun. Il est influencé par son quotidien. La
« langue » qu'il utilise pour peindre l'univers dans lequel
il nous plonge, clame son universalité au travers d'une
simplicité apparente qui cache pourtant un second degré plus
complexe. « Mon rêve serait que même si je parle de
l'Afrique, que ça ne soit pas étiqueté
« africain ». Quand je lis Roméo et Juliette de
Shakespeare, qui se déroule en Italie, je ne vois aucun
pays. »
Lorsque Bvouma écrit, il veut relever un défi :
celui de l'écriture d'un théâtre compétitif à
l'international mais qui est accessible aux Camerounais. Dur challenge qui lui
réussit néanmoins comme le témoignent à suffisance
toutes ses nominations et distinctions.
Edouard Elvis Bvouma, est un auteur talentueux c'est
incontestable. Dès le début de sa carrière, il s'est fait
remarquer par un style et une plume engagée.
I-3) -Les oeuvres
a°) -Publications
- La poupée barbue (Théâtre)
Lansman, 2018
- A la guerre comme à la Game Boy
(théâtre) Lansman, 2017
- L'abominable homme des rêves
(théâtre) in Contemporain Cameroun, Ifrikiya, 2012
b°) -OEuvres inédites
Nous pouvons nous rendre compte qu'il n'y a quelques
pièces théâtrales de l'auteur qui sont passées
à l'édition. Il a été édité en tant
que romancier, nouvelliste et poète. Ces genres ne faisant pas l'objet
de cette étude, nous n'épiloguerons pas sur eux. La mise en
scène nous révèle d'autres pièces inédites
de Bvouma. Une fois encore nous pouvons corroborer la citation d'Ubersfeld qui
voudrait que le théâtre existe dès lors qu'il passe sur la
scène. C'est ainsi que nous avons:
-Monopolar
-Les Martyrans
-Le Deal des Leaders
-Black neige et les sept nègres
-Petit à petit l'oiseau perd son nid
-Un péché si mignon
-Je déteste le théâtre
-Pauvre riche
-Zone franc(h)e
-In war as in games version anglaise de A la
Guerre comme à la Game boy
Edouard Elvis aime le théâtre et ce dernier le
lui rend bien. Les lauriers qui jonchent son parcours le montrent à
suffisance.
I-4) -Prix, nominations et résidences
Edouard Elvis Bvouma est lauréat de plusieurs bourses
et programmes de résidences, notamment :
- Résidence d'écriture à la Maison des
Auteurs des Francophonies à Limoges (Mai-Juin 2018)
- Résidence d'écriture à la Cité
du Mot (Charité-Sur-Loire) dans le cadre du programme
Odyssée-ACCR, avec le soutien du ministère
français de la culture et de la communication (Septembre-Décembre
2017)
- Résidence à la Cité des
Récollets, en partenariat avec la Cie Issue de Secours et la Ville de
Paris, dans le cadre du Prix de l'Inédit d'Afrique et Outremer
(Avril-Mai 2017)
- Résidence l'Univers des Mots au
Théâtre des Doms à Avignon, (Mars 2017)
- Résidence d'auteurs dramatiques en Valais à
Monthey en Suisse (Janvier-Février 2017)
- formation à l'écriture de séries
courtes comiques par CFI et Canal+ à Abidjan (Jan. 2016)
- Résidence d'écriture à la Saline
Royale d'Arc-et-Senans et à la Maison du comédien Maria
Casarès, dans le cadre du programme Odyssée-ACCR,
avec le soutien du ministère français de la culture et de la
communication (Octobre-Novembre 2015)
- Assistant à la mise en scène sur la
création de La Place Royale de Corneille, mise en scène
de François Rancillac au Théâtre de l'Aquarium à
Paris. (Novembre 2014-Jan 2015)
- Résidence d'écriture l'Univers des Mots
à Conakry (Avril-Mai 2012)
- Résidence d'écriture au Tarmac des Auteurs
à Kinshasa en RDC dans le cadre du programme Visa pour la
création de l'Institut Français (Mai-Aout 2010)
- Résidence d'écriture au Tarmac de la Villette
à Paris (Avril-Mai 2010)
- Résidence les Récréâtrales
à Ouagadougou au Burkina Faso (2008, 2010, 2014)
-Lauréat des Grands prix Afrique du
théâtre francophone 2010
- Lauréat du programme Visa pour la création
de l'Institut français, 2010
- Premier prix du concours de mise en scène
organisé dans le cadre du cinquantenaire de l'Institut Goethe au
Cameroun, 2011
- Prix du meilleur texte de l'Univers des Mots, 2012
- Finaliste du concours de littérature, VIIème
édition des Jeux de la francophonie, 2013
- Mention spéciale du prix littéraire Alain
Décaux de la francophonie, 2014
- Lauréat du programme Odyssée-ACCR du
ministère français de la culture, 2015
- Lauréat du Prix des Inédits d'Afrique et
outremer, 2016
- Lauréat du prix SACD 55(*)de la dramaturgie francophone avec sa pièce de
théâtre A la Guerre comme à la Gameboyen septembre
2016. Cette pièce sera lue au festival d'Avignon dans le cadre du
programme RFI56(*) « ça va, ça va le
monde!».
- Lauréat du programme Odyssée-ACCR du
ministère français de la culture, 2017
- Lauréat du programme de résidence Ville de
Paris aux Récollets, 2017
- Lauréat du Prix RFI Théâtre en 2017,
La Poupée Barbue. Une fois de plus, il sera au festival
d'Avignon, dans le programme « ça va, ça va le
monde » de RFI, le 18 juillet 2018
-Lauréat du prix Eclat de coeur, remis par le
comité de lecture de l'Eclat de Scène, 2018
-Prix Libbilyt en 2018
-Chevalier dans l'ordre du mérite camerounais en
2019.
II-) -Sufo Sufo57(*)
II-1) -Présentation
Né en 1983 à Bafoussam, il est d'abord
comédien, puis metteur en scène et enfin auteur dès
2009. Pour quelqu'un qui n'aimait pas le théâtre
au lycée parce qu'il le trouvait difficile, la plume de Sufo Sufo
surprend agréablement. Sa rencontre avec le théâtre, puis
son amour pour lui sont le fruit d'un heureux hasard. Séduit par un
spectacle mis en scène par Elise Mballa au Centre culturel
français de Yaoundé, il décide d'y revenir de temps en
temps. En effet, les lumières, les costumes, le jeu des
comédiens, pendant la représentation de L'âme de la
danse, ont eu un effet boule de neige sur notre futur comédien.
Jusqu'ici, Sufo est un jeune homme qui « se
débrouille » comme on dit au Cameroun. Il fait de petits
boulots par-ci, par-là pour gagner sa vie, mais aussi pour passer ses
journées. Lorsqu'il sort du Théâtre ce soir-là, il
sait une chose : cet univers l'appelle. C'est ainsi qu'il décide de
partir à la recherche de tous ces jeunes, qui par leur passion, venaient
de semer en lui une graine : celle du théâtre. Il les
retrouvera à « OYENGA », un espace culturel de la
capitale politique du Cameroun qui n'existe d'ailleurs plus aujourd'hui.
En plein air, des artistes de tout bord s'y retrouvaient, qui pour danser, qui
pour chanter, pour peindre, pour répéter un rôle...Sufo se
mêle au groupe et se fait repérer par Martin Ambara qui lui
donnera son premier rôle. « Habitué comme la plupart
des Camerounais au théâtre de kankan ou de Moktoï, je
découvre un autre univers, un autre théâtre qui ne fait pas
rire, mais qui interroge ». Avec Ambara, ils joueront aux
scènes d'Ebène et à la maison des jeunes et de la culture
de Douala. Il continuera à évoluer sur scène dans
différents rôles, puis lui viendra l'envie de faire une mise en
espace. Il choisit un texte de Dieudonné Niangouna58(*) en 2007: Carré
Blanc. Enfin il se consacre à la mise en scène. D'abord, un
spectacle jeune public, Le Petit Prince de Saint Exupéry, puis
Sacrilèges de Kouam Tawa. Sufo se plait au
théâtre et s'y investit chaque jour un peu plus. Il finira par se
mettre à l'écriture. Un premier texte L'équation du
Chimiste voit le jour. Ce texte ne fera l'objet d'aucune mise en espace
mais lui permettra d'attirer l'attention de ses amis du théâtre
sur son écriture. Ils sont ses premiers critiques. Plusieurs textes
verront le jour...Certains plus aboutis que d'autres. « A mes
débuts, j'écrivais plus pour épater mes amis. Je faisais
de la recherche sur des mots difficiles pour les utiliser
ensuite ». L'auteur prend progressivement corps et trouve ses
marques. En 2010, avec cinq autres collègues ils organisent une
résidence d'auteurs à Bonandalè dans la ville de Douala.
Il s'agit d' Eméry Noudjep, Eric Delphin Kwegoué, Boto, Alvarez
Dissaké. De cette résidence naît Contrat de
construction et destruction puissance 3. Il propose de monter le spectacle
de cette pièce pour le Goethe café. Les retours sont favorables.
Le public perçoit enfin un sens, et trouve des points d'accroche dans
son écriture. Néanmoins, la couleur abstraite de ses lignes donne
un visage hermétique à sa plume. Après le Goethe,
l'alliance française de Garoua accueille la représentation, dans
le cadre du festival des théâtres du sahel. Sufo continue à
monter sur scène comme comédien et écrit en
parallèle des textes pour spectacles pour enfants. Il joue dans la
pièce, L'os de Mor Lam, mis en scène par junior
Esséba, aux scènes d'ébène. De 2009 à 2012,
il se consacre simultanément à un programme qu'il baptise
« scènes expérimentales » avec sa compagnie
Pyramide Anu Millénaire. Il fera une tournée africaine avec le
spectacle Les deux Frères, une pièce écrite par
Séverin Cécile Abéga mise en scène par Marlyse
Bete. Sufo continue d'écrire mais reste fidèle à la
scène. Discours des hommes libresécrit sur le plateau
par Sufo, lui permet de créer un spectacle qui sera joué en
France, à Kinshasa et au Cameroun. Il participe au
Contexthéâtral en 2013 et écrit Croisement sur
l'échelle de Richter. Le texte sera sélectionné pour
le prix des Inédits d'Afrique et Outremer, finaliste RFI
théâtre en 2014, mis en espace en 2015 dans le cadre du
Contexthéâtral par Bertrand Baleguel, puis mis en scène
par Tamar Tientcheu. Je suis libre, donc je danse est publiée
en 2013 aux éditions Scènes d'Ebène dans la collection Les
dramaticules. C'est l'entrée de son écriture dans le
réseau professionnel. Il est finaliste de la bourse d'écriture de
la biennale L'univers des mots en République de Guinée.
De la mémoire des errants y est sacré lauréat.
Cette pièce sera montée par la metteure en scène
guinéenne Rouguiatou Camara. Elle sera également finaliste du
prix RFI Théâtre 2015.
Il sera lauréat de la bourse Visa pour la
création. Au sortir de cette résidence, Haute cours 6600
naitra. Cette oeuvre fera l'objet d'une mise en espace au Tarmac des
hauteurs de Kinshasa, Sélectionné par le comité de lecture
Eclats en scènede France. C'est son premier texte qui fera
l'objet d'une édition en Europe chez ETGSO mais aussi aux
éditions Scènes d'ébène au Cameroun. En fin 2016,
il obtient une autre résidence à la maison des auteurs de
Limoges, sa pièce Debout un pied voit le jour. Ce texte est une
fois de plus finaliste au prix RFI Théâtre 2017, puis
reçoit le prix SACD de la dramaturgie francophone en 2017. La
pièce sera mise en scène par l'auteur lui-même. Elle est
sélectionnée par plusieurs comités de lecture et mise en
espace au Togo par Joël Ajavon et à Conakry, lors de L'univers
des mots 2017, lu en France, et en suisse où il a fait l'objet d'un
travail de plateau avec des comédiens sous la direction de Michel
Cochet. Debout un Pied reçoit également le prix des
Ecrivains Associé du théâtre en 2018. Les voyages de Sufo
dans le monde vont lui permettre de rencontrer les auteurs français
Gianni-Gregory Fornet et le canadien Martin Bellemar, ensemble ils
coécrivent Par tes yeux. Ce projet sera présenté
au Canada au festival JAMAIS LU de Montréal ainsi qu'au festival
Nouvelles Zébrures. Le projet d'écriture achevé, le
spectacle est créé au 35e festival des Francophonie en
Limousin et tourne dans les pays des trois différents auteurs en 2018.
Il écrit de courtes pièces jeunes- public en Pologne lors des
résidences du 10/10 et qui paraissent chez DRAMEDITION.
En 2017, il travaillera également avec l'Association
Internationale de Théâtre pour Enfants en Afrique du Sud.
II-2) -Son esthétique
La langue que Sufo utilise dans l'écriture de ses
textes est parfois simple, parfois complexe, mais une chose est sure elle n'est
pas toujours facile à appréhender aux premiers abords. Il arrive
souvent, qu'il mette en scène ses pièces ce qui explique pourquoi
de son regard, il y a une étroite relation entre la pensée de
l'auteur et la représentation. Pour Sufo, qu'elle soit textuelle ou
scénique, l'écriture du théâtre doit amener à
penser car pour lui le changement passe par le renouvellement perpétuel
de la pensée. D'après Sufo, « on doit pouvoir
traverser l'étape du divertissement afin que par le
théâtre, le public se questionne ». Selon lui, la
révolution culturelle passe par un renouvellement de la pensée.
Pour l'auteur, écrire c'est « une façon de
renouveler les choses à chaque fois, montrer que les choses
évoluent vers... ». L'idée c'est que le monde
mute avec des idées que l'on creuse et que l'on met en lumière.
L'auteur projette l'Homme dans le domaine de la pensée, sans
écriture, il n'y a pas de cycle de la vie. Tout comme le dramaturge, le
metteur en scène doit canaliser l'imaginaire du spectateur pour qu'il
entre dans la pensée de l'auteur. Pour Sufo, l'Afrique ne se
développe pas au rythme que l'on souhaiterait, car elle ne pense pas
assez. Il n'est donc pas question d'utiliser des
« écritures infantiles » pour faciliter la
compréhension, mais il faut plutôt écrire pour que les
lecteurs s'exercent à la pensée, à la recherche et qu'ils
puissent ainsi grandir.
II-3) -Les oeuvres
a°) -Les publications
-Debout un pied, Editions Espace 34, 2018
-Ceux qui voulaient arrêter le temps,
Semences, Quelques heures au centre de la terre, Le
taille crayon, éditions DRaMedition, Pologne, 2017
-Haute cour 6600, Editions scènes
d'ébène, Cameroun et ETGSO, France, 2016
-Barrière des mondes,
éditionsL'Harmattan-Cameroun, 2016
-Je suis Libre donc je danse, Editions Koz'ART,
Cameroun, 2013
b°) -Ses mises en scène
Carré Blanc en 2007, il entame par une mise en
espace d'un texte de Dieudonné Niangouna,
Le temps d'une cigarette, Martin Ambara,
Sacrilèges de Kwam Tawa,
Premier contrat de construction et de
déconstruction puissance 3, Sufo Sufo
Debout un Pied, Sufo Sufo
II-4)- Prix et nominations
-Prix des écrivains associés du
théâtre 2018 avec Debout un Pied
-Finaliste RFI théâtre 2018,
De la fabrication de l'homme
-Sélectionné par le bureau des lecteurs de la
comédie française 2018 avec Debout un Pied
-Sélectionné par le comité de lecture
à mots découverts 2017, Debout un Pied
-Prix SACD de la dramaturgie française avec 2017
Debout un Pied
- Finaliste RFI théâtre 2017, Debout un
pied
- Sélectionné pour le prix Inédits
d'Afrique et Outremer 2016 De la mémoire des errants
- Finaliste RFI théâtre 2016,
Haute Cour 6600
- Finaliste RFI théâtre 2015 De la
mémoire des errants
-Finaliste RFI théâtre 2014, Croisement sur
l'échelle de Richter
-Lauréat univers des mots 2014, De la
mémoire des errants
-Finalistedu prix Inédits d'Afrique et Outremers 2014,
Maman on frappe chez lavoisine
-Sélectionné pour le Prix du jardin
d'Arlequin
-Sélectionné pour le prix Godot des
lycéens
III-) -Martin Ambara59(*)
III-1) -Présentation
Martin Ambara est né le 11 février 1970
à Yaoundé. Il parle du théâtre comme cette
« chose » qui lui a sauvé la vie. Son aventure avec
l'art théâtral commence il y a 17 ans. Il débute comme
comédien et joue dans plusieurs spectacles. Le théâtre ne
nourrissant pas encore son homme, Ambara tient en parallèle ce qu'au
Cameroun on appelle un « tourne dos » en plein centre-ville
de Yaoundé, précisément au niveau de la Cathédrale.
C'est ainsi qu'un de ses amis lui fera une remarque qui va bouleverser sa vie.
« Martin tu es talentueux mais tu n'as aucune culture
théâtrale ». Cette réflexion, blessante et
vraie à la fois, va le décider à s'inscrire à la
bibliothèque du Centre Culturel Français pour s'instruire sur le
théâtre. Il dévore les oeuvres et rencontre les
auteurs Beckett, Ionesco et des courants de pensées qui
révolutionnent et nourrissent l'homme de théâtre en
devenir. Dans cette nouvelle quête qui est la sienne, un jour, il
rencontre Wakeu Fogaing qui lui présentera « un jeune
Kouam Tawa qui avait une bibliothèque fournie et qui écrivait
déjà beaucoup ». Ils vont se rencontrer et
discuter de leurs lectures. Kouam sera touché par la grande culture
d'Ambara et va lui proposer de verser de la poésie sur du papier. Cette
suggestion de Kouam rencontre cette soif de « dire »
de Martin Ambara qui s'exprimait jusqu'alors par sa manière de porter
son rôle de comédien. C'est ainsi que, sous le prétexte
d'un texte, il va exprimer sa frustration et toutes les choses qui se mouvaient
en lui.
Il ira à Bafoussam et y restera un an et demi pour
échanger avec un cercle d'amis sur l'urgence d'une écriture
nouvelle. C'est ainsi qu'il découvre Souïmanga, un
« très beau texte » de théâtre
de Kouam Tawa, pour reprendre ses mots. Il est séduit par cette histoire
qui plane entre épopée et réalité. Il décide
alors de se lancer dans cet univers de l'écriture théâtrale
pour laisser vivre cet intérieur qui le brûle et qui soupire
d'être entendu. Son premier monologue voit le jour et on découvre
une parole enragée et chargée d'énergie. Il le met en
scène. Il est joué pour la première fois à
l'alliance française de Dschang au Cameroun. C'est le début d'une
longue histoire d'amour entre Martin Ambara, jusqu'alors comédien
talentueux, avec l'écriture et la mise en scène. Le
théâtre est sa raison d'y croire et sa plume d'auteur son
exutoire. Dix-sept ans plus tard, Martin Ambara anime des ateliers de
Théâtre partout où l'occasion lui est donnée en
Afrique et en Europe. Il joue également du mvet et est très
attaché aux mythologies qui sont généralement la toile de
fond de toutes ses pièces. Il est comédien, metteur en
scène et conteur. Ambara est le Directeur du Laboratoire de
Théâtre Othni de Yaoundé. C'est un espace artistique qui
reçoit des spectacles de théâtre, conte, musique et
performance. C'est également un laboratoire expérimental
artistique où on forme des comédiens. Il abrite également
un espace pour résidence d'artistes. Au moment de notre entretien pour
cette recherche, l'auteur est dans un questionnement qui le pousse à la
réécriture de la majorité de ses anciens textes.
Fofié soutenant que « le théâtre ne s'affirme
comme théâtre que joué » (2011 : 209)
nous dirons qu'il compte à son actif une vingtaine de pièces bien
que non éditées pour la plupart d'entre elles.
III-2) -Son esthétique
« Comment ne pas mourir ?» C'est
la question qui taraude l'esprit de Martin Ambara. L'écriture lui donne
un lieu pour réaliser une catharsis. A une époque de sa vie,
l'univers dans lequel il évolue le rend instable. Il est en plein
Yaoundé au lendemain de la crise économique, sans promesse
d'espoir certain. Les diplômés ne trouvent pas de travail et
Ambara arrête ses études en classe de Terminale car il ne peut
plus les payer. Cette situation l'affecte et devant lui deux options : le
suicide ou le village. Le théâtre vole à son secours et lui
sert de punching-ball. Ses frustrations, sa rage, sa peur du monde et la mort
transparaissent dans cette parole qui émane d'un intérieur qui a
soif de vie. Dans la plupart de ses textes, il suicide ses personnages. C'est
comme un rituel pour que jamais la mort ne l'emporte sur la vie. Sa plume est
complexe et noire. Entre ses lignes, la vie n'est jamais rose. Il s'interroge
continuellement sur la mort qu'il confronte à chaque fois. Martin Ambara
opère une épuration de soi au travers de ses écrits. Il
plonge à l'intérieur de nos peurs et puise dans les mythologies
son essence. Il prend la parole et les seules conventions qui lui importent
sont les siennes. « Je rêve d'expérimenter de
nouvelles formes de théâtre et d'échanger ces
expériences avec d'autres. » Il interroge des formes
artistiques telles que la danse, la sculpture, la peinture, la photographie, le
cinéma, la vidéo. Pour lui, puiser en elles, serait susceptible
de contribuer au renouvellement de l'esthétique théâtrale
d'aujourd'hui. A cela il ajoute la mythologie africaine qui selon lui n'a pas
encore été assez explorée. Martin Ambara est le
directeur-fondateur de la troupe Les Ménestrels depuis 1999.
III-3) -Les oeuvres
a°) -Publications
-Roméo et Juliette...Assez !,
éditions Proximité Yaoundé, 2017.
-L'épique des héroïques, in
Ecritures d'Afrique, dramaturgies contemporaines, Cultures France, 2007.
b°) -Pièces inédites
Les textes de Martin Ambara sont des inédits qui
pour la plupart sont mise en scène par lui-même:
-Les Osiriades S.G 21 ; Condamnés
à vie ; Impératif absent ; Jusqu'au bout de
l'absurde ; Accent si complexe ; Actes neuf, scène
dernière ; Le mono-délire de la rue case-tout ;
Cocktail de vie ; Le temps d'une cigarette ; Qui a tué
Monsieur Zyed ; Un couple dans la case d'en face ; L'étrange
destin de Pablo ; Episposture ; Al Mustapha ; Black
Django ; Traduit de l'hémoglobine.
III-4-) -Prix et nominations
-Nominé pour le prix RFI-Théâtre
2017 : Apocalypse qui ?
-Boursier du Nrw Kultusekretariats en Allemagne en 2010
-Résidence à la maison des auteurs de Limoges en
2009
-Boursier du centre national du livre de Paris en 2008
-Lauréat de la bourse visa pour la création
2006
B-) -Autres représentants de l'écriture
dramatique camerounaise contemporaine
Après les figures de proue de ce mouvement que sont
Edouard Elvis Bvouma, Sufo Sufo et Martin Ambara ; nous allons
découvrir d'autres auteurs qui arpentent également le sentier de
l'écriture camerounaise contemporaine. Il ne faut cependant pas oublier
Kouam Tawa toujours présent comme nous le montrera plus tard le
palmarès du Prix RFI théâtre.
I-) -Eric Delphin Kwegoue60(*)
I-1) -Présentation
Eric Delphin Kwegoué arrive dans le
théâtre en 2000 à la maison des jeunes et de la culture de
Douala. Il est initié à la mise en scène par André
Bang. Poussé par le besoin de s'exprimer, en 2002, il décide
d'écrire et de monter sa pièceTout un mystère. Il
la jouera dans certains espaces de Douala et le public pourra voir sur
scène des masques et entendre un texte doté d'une énorme
spiritualité. Cette pièce lui vaudra un prix de
théâtre amateur. En voyant ce spectacle, André Bang
informera son poulain sur l'empreinte rituelle de son écriture et lui
parlera de Werewere Liking. Il fera la rencontre de maître Mwambayi un
Congolais auprès de qui il va parfaire son approche de la mise en
scène de ce genre théâtral. Il lira également
beaucoup Werewere Liking avec laquelle il échangera plusieurs fois. Il
montera plusieurs de ses pièces dont Orphée. Il en
proposera une réécriture. C'est une pièce de
théâtre rituel tant dans le fond que sur la forme. Kwegoué
écrit et monte plusieurs pièces de théâtre
expérimentales. Eric Delphin Kwegoué traversera des moments
difficiles dans sa vie au point où il en arrive à penser au
suicide. Poussé par cette envie morbide, il écrira en 2008 la
pièce qui lui ouvre le monde de l'écriture dramatique
professionnelle : L'ombre de mon propre vampire. C'est le
début d'une nouvelle vie, il retrouve l'espoir. Ce texte lui vaudra une
nomination au Grand Prix Afrique du théâtre francophone. Il en
fait en 2011 un spectacle performance dont les instituts français de
Yaoundé et Douala accueilleront les représentations. Elle est
également jouée à Cotonou. Une écriture
mêlée de spiritualité où le rituel prend le pouvoir
se révèle une fois de plus au public. L'auteur en parle comme
d'une écriture expérimentale à la recherche de l'humain.
La thématique et la démarche esthétique abordées
dévoile une plume hermétique qui n'est pas d'accès facile
aux premiers abords.
En 2014, il est retenu pour une résidence d'auteur en
France pendant laquelle il découvre le théâtre
documentaire. Cette rencontre avec ce nouveau genre change sa vision du
théâtre : « Ma rencontre avec le
théâtre documentaire a été quelque chose de
très fort pour moi, car j'explore la question de la recherche du
public ». En effet le théâtre documentaire est un
théâtre qui s'adresse directement à un public. Il est
question de traiter d'une thématique qui aborde les questions
essentielles de la vie. Il a remarqué que le théâtre
était de moins en moins lu parce que plusieurs démarches
contemporaines sont très hermétiques. Il décide de
s'investir dans le genre documentaire car dit-il :
« écrire c'est essentiel, nécessaire et
urgent : « Je veux que mon théâtre parle à un
public ». Néanmoins il garde dans son tiroir de
nombreuses pièces de théâtre rituel, qu'il qualifie de
théâtre expérimental, pour les faire éditer un jour,
quand son nom sera devenu incontournable dans l'écriture et que l'on
pourra donner du crédit à ce travail.
Eric Delphin Kwégoué crée et dirige la
compagnie professionnelle Koz'art avec laquelle il fait deux mises en
scène par an. Dans l'environnement difficile du théâtre au
Cameroun, pour exister, sa compagnie anime des mariages, des arbres de
Noël, des anniversaires, et fait des spectacles d'échasses. Il est
également comédien et éditeur.
I-2) -Son esthétique
Dans les débuts de sa carrière d'auteur, c'est
la spiritualité qui guide son esthétique. Toutes les
pièces qu'il écrit avant de rencontrer le théâtre
documentaire sont marquées de ce sceau. Dans sa pièce la plus
connue, L'ombre de mon propre vampire, l'auteur nous parle de ses
frustrations qui, à un moment, l'ont poussé à vouloir se
suicider. Il ressort que la vie ne s'arrête pas toujours là
où on pense et qu'il y a toujours une entité subliminale qui
guide tout. En 2014, il aborde le théâtre documentaire. La
première pièce qu'il écrit est : Autopsie d'une
poubelle. Il s'approprie les évènements de février
2008 au Cameroun qui avaient conduit à de graves émeutes.
I-3-) -Les oeuvres
a°) -Publications
-L'ombre de mon propre vampire, in Contemporain
Cameroun, Ifrikiya, Yaoundé, 2011
-Les génétiques, in Les
dramaticules, Les éditions Scène d'Ebène, Koz'art,
Douala, 2014
-Autopsie d'une poubelle, éditions
théâtrales du grand Sud-Ouest, 2016
-Out, Ecritures théâtrales du Grand
Sud-Ouest, 2016
-Comme un goût de sang, édition du
Tarmac, 2018
-Igonshua ou jamais sans eux, Lansman
éditeurs, 2019
b°) -Pièces inédites
Nous pouvons également citer des oeuvres non
éditées mais qui ont fait l'objet de mises en scène au
Cameroun et ailleurs:
-Tout un mystère, créée en
2002
-Mille maux un destin, créée en
2003
-Pressentiment à vif, mise en lecture en
2015en France
I-4) -Prix et nominations
-Lauréat visa pour la création en 2011
-Lauréat du prix des inédits d'Afrique et
Outremer 2017
-Sélectionné par le comité de lecture
Jeunes textes en liberté, 2019
-Lauréat de la bourse Egide du service d'action
culturelle de l'Ambassade de France.
II-) -Nicaise Magloire Wegang61(*)
II-1) -Présentation
Un très bref échange avec Nicaise Magloire
Wegang nous a permis de glaner quelques informations. Née le 17
février 1984 à Yaoundé, Nicaise Magloire Wegang est
d'abord comédienne puis auteure. Aujourd'hui, ayant accédé
à de très hautes responsabilités, il est devenu vraiment
difficile pour notre artiste de continuer à s'exprimer en tant que
dramaturge. Elle le dit d'ailleurs elle-même « Il n'y a
plus vraiment le temps d'écrire, un auteur a besoin de se retirer un
moment, il a besoin de temps, il a besoin de calme et c'est quelque chose qui
est devenu une sorte de luxe». Le dépôt et le
désir demeurent, mais le temps matériel lui fait défaut
à cause de ses fonctions à l'étranger pour l'Etat
camerounais. Lorsqu'elle écrit elle est motivée par son amour
pour l'écriture : « Je défends
l'écriture d'abord, c'est mon premier leitmotiv, la
beauté de l'écriture, la qualité de
l'écriture, sa contemporanéité parce que j'ai toujours
été pour une écriture libre, contemporaine qui
évolue dans son temps. » Elle a été
meilleure comédienne de la toute première édition des
scènes d'ébène. Elle effectuera des résidences
d'écriture en Côte d'Ivoire et en République de
Guinée pour l'écriture de son texte En bordure du
quai.
II-2) -Son esthétique
La liberté que Wegang défend, influence
vivement sa plume. Son écriture est faite de beaucoup d'images
abstraites. Elle met en situation des femmes pour faire passer un message qui
se décrypte le plus souvent au second degré. Dans sa pièce
Qu'il en soit ainsi, une femme subit un procès de la justice
anonyme. Dans Il avait plu sur la rose ; une femme toujours, est
face au procès de l'amour. Une autre de ses pièces, En
bordure du quai, montre des femmes en bordure d'un quai qui sont là
pour pécher l'homme. C'est une autre façon pour l'auteure
d'aborder la question de l'immigration.
II-3) -Les oeuvres
a°) -Publications
-Qu'il en soit ainsi, ed Ecritures
théâtrales du Grand-ouest
b°) -OEuvres inédites
-Il avait plu sur la rose, mis en scène par
la compagnie Ngoti de Yaoundé en 2011.
-En bordure du quai, mis en scène par
Rouguiatou Camara et Valérie Goma, fera l'objet d'une tournée
africaine, de quelques dates en France, aux Antilles à partir de 2011.
Elle sera également sélectionnée au Masa 2014.
II-4) -Prix et nomination
-Nominée pour le Prix de théâtre RFI
2016.
-Prix spécial du jury des Grands prix Afrique du
théâtre francophone en 2009.
-Bourse Arts Moves Africa pour le Chantier panafricain
d'écriture dramatique des femmes en Côte d'Ivoire 2007.
III-) -Hermine Yollo62(*)
III-1-) -Présentation
Née d'une famille de comédiens de renom au
Cameroun, Hermine Yollo grandit dans le milieu du théâtre. Ses
parents, Jean Minguele et Edwige Nto Ngon, tous de regrettée
mémoire, lui ont transmis leur passion de l'art théâtral.
Elle débute en 2000 comme comédienne au sein de la Compagnie
Ngoti créée par ses parents dont elle prendra la direction,
quelques années plus tard, en 2009 après la disparition de
ceux-ci. Elle continue comme comédienne et a un metteur en scène
attitré pour les créations de la Compagnie en la personne de
Serges Fouha. Ce dernier, se déplace en 2012 pour l'Allemagne et son
séjour se prolonge. Confrontée à cette difficulté
car des projets sont en attente, poussée et encouragée par des
proches à l'instar de Solange Bonono et Yaya Mbilé, Hermine Yollo
se lance dans la mise en scène en 2012. Prudente, elle commence par
proposer une lecture spectacle d'un texte de la française Emmanuelle
Urien, Jazz me down. C'est un monologue porté par Thierry
Ntamack. Les retours sont positifs, le texte mis en espace au Centre Culturel
Français de Yaoundé est bien accueilli. Le Directeur du
CCF63(*) de
l'époque lui propose de financer la création de la pièce.
Yollo se lance. Le public réserve un accueil favorable au spectacle,
c'est le début d'une nouvelle aventure. Ce sont plusieurs textes
créés pour la scène de 2012 à nos jours. Son besoin
de créer un texte qui donne la parole aux femmes la conduit à
l'écriture dramatique. En effet, notre metteure en scène sent le
besoin de donner une place à la femme dans son travail. Elle se rend
compte qu'il n'y a pas beaucoup de pièces de théâtre qui
donnent la parole à la femme. Et lorsqu'on en trouve, elles sont
écrites par des hommes. Et encore le sujet ne correspond pas à ce
qu'elle recherche. Ce vide la conduit dans un questionnement sur la question
féminine. Elle entrevoit, entre les lignes des auteurs, des femmes
réduites au silence, faibles et reléguées au dernier rang
dans les sociétés. Dans sa recherche, elle découvre des
civilisations matriarcales où les femmes dirigent, des amazones ;
des reines...Les femmes y ont une place centrale. Ne trouvant cette femme
forte, telle qu'elle la conçoit, sous la plume d'aucun auteur, elle
décide de l'inventer.
Elle écrit La femme-Iset. Texte qu'elle
crée en Guinée, met en scène et interprète. C'est
un monologue qui fait l'apologie de la femme. La pièce est
représentée au Centre Culturel Franco-Guinéen dans le
cadre du festival Univers des mots en 2017. Elle décidera de
poursuivre l'écriture de cette pièce lors d'une résidence
à la Chartreuse en France. Elle est également lauréate du
coaching d'auteurs en 2018 de la biennale Univers des mots de Conakry
avec son texte M-119 autopsie. Pour l'écrire, elle s'inspire
d'une pièce de l'auteur ivoirien Koffi Kwahulé Mysterioso
11964(*). Cette
pièce d'Hermine Yollo, pour reprendre son auteure « est
née d'un délire personnel ». Ayant
participé à la création de la pièce originale de
koffi kwahulé en qualité de comédienne, Yollo l'a lue et
relue. Et comme à chaque fois plusieurs interrogations sont
présentes dans son esprit. C'est un texte polyphonique, plusieurs voix
se répondent et s'élèvent sans jamais que l'auteur
n'indique qui prend la parole. Des femmes s'expriment chacune, dans cette
prison où elles refusent de renoncer à se raconter, où
elles ne lâchent aucune des obsessions qui les habitent. Pendant qu'elles
parlent une autre parmi elles, joue un morceau de jazz: Le Mysterioso 119.
M-119 autopsie de Hermine Yollo est une espèce d'avatar de la
pièce de Koffi Kwahulé. C'est son moyen de trouver des
réponses aux questions qui s'imposent à elle à chaque fois
qu'elle lit le texte original. Elle reprend la méthode de Kwahulé
et décide de laisser parler sans nous dire qui le fait, elle donne la
parole à la mère supérieure que Kwahulé a pourtant
laissée muette. Elle introduit une journaliste et une psychologue. Une
fois de plus, l'écriture d'Hermine laisse parler des femmes. Une fois
encore le texte part d'un questionnement et d'un besoin de trouver des
réponses. Pour Hermine Yollo, l'écriture est liberté.
« Cette écriture libérée de plein de carcans
qui laisse place à une langue super dynamique à cause de l'emploi
d'autres langues ». La dramaturgie est libre et s'autorise
plusieurs choses dont la conséquence est une répercussion dans
l'écriture scénique. Hermine est également traductrice
français-anglais.
III-2-) -Les oeuvres
Pièces inédites
-La femme-Iset, 2017, mis en scène
d'Hermine Yollo.
-M-119 autopsie, 2018
III-3-) -Prix et nominations
-Lauréate du coaching d'auteur de l'Univers des mots
avec M-119 autopsie en 2018.
En conclusion, cette partie nous a permis de découvrir
les nouveaux visages de la dramaturgie camerounaise. Partant de ceux qui n'ont
plus rien à prouver, nous avons achevé par ceux qui sont à
leurs premiers pas. Il y a une réalité qui se dégage
lorsqu'on observe le palmarès de ces auteurs : leur écriture
se démarque dans l'univers francophone. Les distinctions et les prix
remportés en sont la preuve évidente. En plus de ce constat, il y
a une étroite relation entre leur écriture et la mise en
scène. En effet plusieurs parmi ces auteurs, finissent par mettre leur
pièce en scène. La cause principale est le besoin de diffusion et
de faire connaitre leur pièces. Autre point fort, ils font tous
uniquement du théâtre, à l'exception de Nicaise Magloire
Wegang. C'est un paradoxe lorsqu'on connait l'état de crise du
théâtre dit savant au Cameroun. Contrairement aux auteurs des
années antérieures, ils n'ont pas de travail autre, en dehors du
théâtre, et sont tous installés au Cameroun.
SECTION II : CARACTERISTIQUES DE LA NOUVELLE
ECRITURE DRAMATIQUE CAMEROUNAISECONTEMPORAINE
Dans la section précédente, une fiche
signalétique des auteurs camerounais contemporains de la nouvelle vague
d'écriture a été constituée. Cette seconde section
s'investira à donner les caractéristiques générales
de leurs oeuvres. Le théâtre étant considéré
comme un système, dans le cadre de cette recherche, nous montrerons les
différents éléments du système dont les
interactions mènent au texte dramatique camerounais contemporains.
L'approche systémique énoncée dans notre cadre
théorique intervient à ce niveau. Elle nous permettra de
découvrir l'autre visage de ces dramaturges : leur
esthétique.
I-) -La langue
Selon B.Mbassi, dans la revue Ethiopiques65(*), la critique expliquerait la
désaffection et les attentes déçues, d'une certaine
élite, au déficit d'illusion référentiel au niveau
des façons de parler66(*). Pour lui cet état a pour conséquence
l'absence de « L'illusion théâtrale » qui est
exigée par tout texte et par toute représentation. C'est ainsi
que plusieurs puristes de la langue française à l'instar de Mono
Ndjana, Mendo Ze et Efoua Zengue pour reprendre Mbassi scrutent les
pièces de théâtre pour y déceler écarts et
incongruités. Le théâtre, au lieu de séparer
les différentes composantes sociales, devrait les unir. Quoi de mieux
que des pièces théâtrales récompensées par la
dramaturgie francophone elle-même, sélectionnées pour leurs
qualités littéraires, dramaturgiques et leur originalité
pour parer à l'éventualité d'une langue qui ôterait
au théâtre l'une de ses principales caractéristiques :
l'éducation.
Il y a dans les approches des différents auteurs une
volonté particulière de s'approprier et de plier une langue
à une vision et une sensibilité souveraine du dramaturge. Le
savoir-faire de tous ces auteurs révèle en eux l'artiste
véritable et conforte cette étude dans la position affirmative du
texte de théâtre comme une entité qui n'a pas grand-chose
de littéraire67(*).
Pour nous elle est une véritable toile peinte par des artistes d'un
autre genre, pas étonnant que l'histoire du théâtre soit
toujours liée à la peinture par les grands courants tels que le
naturalisme, le réalisme, l'expressionisme etc.
Bien que différente d'un auteur à l'autre, la
langue, se veut esthétique et pragmatique. Le besoin de dire n'est
n'entache en rien la beauté de laplume. La poésie demeure
même lorsqu'on parle d'un sujet grave. Les registres de langue
différents se rencontrent et se mêlent au sein d'un même
texte. Cette écriture se permet, pour toucher du doigt un
problème, d'entrer dans la bouche et dans la tête de
« n'importe qui ». Les propos utilisés sont
travaillés dans le but de toucher profondément celui qui lit.
L'esthétique de ces textes est l'accroche qui permet de garder le
lecteur pendant qu'au fil des pages le message de l'auteur lui est
dévoilé.
II-) -L'esthétique
Les écritures contemporaines francophones proposent
une esthétique qui rompt avec le repli identitaire. A cet effet Sylvie
Chalaye, publiée dans la revue Mondes Francophones,68(*) écrit :
« Au tournant des années 90, arrivent une nouvelle
génération d'hommes de théâtre africains qui
tournent le dos à cette quête identitaire qu'ils jugent vaine,
pour affirmer une ouverture à l'altérité, se laisser
traverser par toutes les influences et embraser ainsi la
diaspora. ». Les nouvelles écritures sont un
mélange hybride de la réalité africaine et celle du reste
du monde. Le Cameroun n'échappe pas à cette tendance
avant-gardiste. L'esthétique de l'écriture est l'expression du
besoin qu'ont les auteurs de faire sortir leurs oeuvres des frontières
réelles et imaginaires de l'Afrique. L'esthétique de ces
pièces met sens dessus-dessous les idées reçues. Elle
détourne à chaque fois l'horizon d'attente du lecteur-spectateur.
Le cocktail de cultures est à l'origine de cette transformation. Elle
réinvente une identité humaine et pas juste une identité
africaine ou camerounaise.
L'écriture théâtrale camerounaise
francophone, comme plusieurs écritures théâtrales du Sud
s'inscrit, en ce qui concerne l'esthétique, dans le choix d'une
ouverture au détriment de la recherche identitaire d'antan. A cet
effet, Soro N'golo Aboudou écrit en 2017 : « Les
dramaturges négro-africains ont inventé une écriture
théâtrale non conformiste, un théâtre qui expose la
multi culturalité et l'identité insaisissable d'une Afrique
contemporaine qui ne peut plus être enfermée dans les limites du
continent et assiégée aux frontières».
(2017 : 1). L'écriture actuelle est ouverte au monde et assume le
choix du métissage entre l'ici et l'ailleurs. Le genre
théâtral hybride issu de ce mélange lui confère une
véritable force d'invention et de renouvellement. L'écriture
renonce aux canons que lui imposait l'héritage colonial. Loin de la
tragédie grecque, de Shakespeare, de Corneille, des comédies des
moeurs ou des satires politiques ; elle va à la conquête de
l'universalité. Quelle que soit la société où elles
sont lues, elles reçoivent l'approbation et la sympathie des publics.
Leur indépendance est affirmée grâce
à une esthétique qui rompt avec le modèle occidental.
Ainsi émancipée, l'expression du théâtre camerounais
francophone est constituée de plusieurs structures qui lui offrent une
véritable visibilité au-delà des frontières du
monde francophone.
III-) -L'angle de traitement
Cette écriture francophone camerounaise se
caractérise par le traitement à chaque fois différent de
thème déjà abordés : il y'a de nombreuses
réécritures. Ce traitement multiforme des mêmes
thèmes favorise l'introduction de nouveaux sujets. Dans A la guerre
comme à la Gameboy, Bvouma pour parler des atrocités de la
guerre l'assimile à un jeu d'enfant. Il la peint à travers les
yeux d'un enfant-soldat qui, bien qu'endurci par l'horreur de la guerre, reste
et demeure un gamin qui utilise des images de dessins animés et des
expressions infantiles comme moyen de communication. Nombreux sont les auteurs
qui avant lui se sont penchés sur le sujet de la guerre, mais sous des
angles différents.
Le parfum du souvenir de Mesima, traite de la
question du viol sous une casquette double : viol physique dans l'enfance
d'une part, et viol incessant de la société d'autre part.
D'autres auteurs à l'instar de Koffi Kwahulé s'étaient
déjà penchés sur la question avec son texte Jazz,
qui a par ailleurs influencé une de ses interprètes camerounaise
Nicaise Wegang.
Sufo Sufo aborde le sujet de l'immigration d'une
manière très originale dans Debout un pied.
Contrairement à plusieurs qui prennent position et empêche de
« traverser » en dénonçant le quotidien
précaire de plusieurs frères partis à l'aventure ; il
oriente le débat sur la psychologie de ceux qui veulent partir, sur le
dilemme qui existe entre cette soif d'ailleurs et cette peur de l'inconnu. Il
laisse la liberté de penser et de décider à chacun de ses
lecteurs-spectateurs. Avant lui l'auteur Bilia Bah pour le même
thème écrivait Les châteaux de la ruelle sous un
jour tout à fait autre.
Après avoir lu les pièces de la nouvelle vague
d'auteurs camerounais un fait s'impose : l'écriture dramatique
camerounaise francophone ne se contente plus seulement de « le
dire ». Elle met également un point d'honneur sur le
« comment le dire ». Pour s'inventer, elle se met
au-dessus du tabou. Elle s'en empare et le démystifie. Elle ne recule
devant rien. Au coeur du prétexte d'écriture transparait la
complexité humaine nourrit par la différence et
l'altérité.
IV-) -Les personnages
Lorsqu'on lit les nouveaux dramaturges, il transparait une
volonté de donner la parole à tous, même à
l'inattendu. Tout peut nous parler, les enfants, la conscience, Dieu, des
morts, un arbre, le vide...
Tout étant signe ou symbole au théâtre,
on s'attarde plus sur la construction psychologique du personnage, le physique
est rarement pris en compte ; le costume également à moins
qu'il ait un lien étroit avec le personnage ou qu'il lui ajoute une
dimension, ou qu'il lui donne un sens. Dans Debout un pied par
exemple, Sufo laisse parler « l'indéfini ». C'est un
personnage qui incarne à la fois la conscience de tous les autres et qui
est également un être omniscient. Dans la revue
Théâtre public Bvouma clame que « Le personnage du
mort est le plus vrai des personnages » (2019 : 102), parlant
de sa pièce Je déteste le théâtre.
V-) -L'espace
Les textes nous situent dans un espace ouvert. Il peut
facilement être déplacé dans l'imaginaire de chaque lecteur
en fonction de son vécu et de chaque culture. Une chambre, un quai, une
salle...Ce point sera mieux appréhender lorsque nous étudierons
les pièces au chapitre III.
VI-) -La structure
Il est difficile de situer cette écriture du point de
vue de la structure. Ce que l'on peut affirmer sans se tromper, c'est que la
structure du théâtre classique est belle et bien
dépassée. Le découpage se fait selon le ressenti. Elle est
langage. A ce propos Yves Lavandier en parle comme « le langage
le plus puissant du récit ». Cet état de choses
sera mieux illustré lorsque les pièces choisies comme exemple
dans ce travail seront exposées au chapitre III.
VII-) -L'engagement
On entend de plus en plus parler de théâtre
engagé. Le terme engagement s'épanouit au XXème
siècle bien qu'il y ait eu certains précurseurs. Il ne s'agit
plus d'amuser le spectateur ou du moins plus seulement, il faut aussi le faire
réfléchir et l'amener à se remettre en question sur la
société qui l'entoure ou sur son propre mode de vie. Il apparait
dans certains pays pour exprimer la contestation. Le théâtre
dénonce l'injustice, réagit à l'actualité, se
refuse à la facilité et montre les imperfections du
présent. Les auteurs clament leurs opinions et leurs idées
à travers leurs textes. Les pièces des auteurs camerounais de la
nouvelle vague sont incontestablement engagées, dans ce
sens-là.
VIII-) -La couleur locale
Dans les décennies antérieures, les
pièces des auteurs d'Afrique noire et particulièrement ceux du
Cameroun témoignaient d'une forte coloration locale. Cette
dernière permettait de situer l'oeuvre dans un espace, une
époque...une culture. La couleur locale des oeuvres était
manifestée par les noms des personnages, les lieux de l'action, les
costumes, la langue. Elle utilisait les parémies : proverbes,
parabole, devinette, adage. Les écritures étaient marquées
par cette quête de recherche identitaire que pratiquaient l'Afrique et
les caraïbes au lendemain des indépendances. Elle est le
début d'une nouvelle ère du Théâtre africain, qui
clame sa soif de liberté.
La révolution esthétique convoquée par
les écritures francophones depuis 1989 avec Le Carrefour de
kossi Efoui affirme le besoin des auteurs africains de faire sortir leur
théâtre des stéréotypes qui fabriquent une
image d'Epinal qui fige le continent dans son passé.69(*)
L'écriture théâtrale camerounaise
francophone d'aujourd'hui est, elle aussi, entrée dans la danse. Les
auteurs, malgré leur différence ethnique, s'accordent pour
créer un théâtre ouvert sur le monde en toute
liberté, comme l'affirme Were Were Liking : « Nous
voulons pouvoir nous inspirer librement d'un nô japonais ou d'un western
spaghetti, les digérer et en nourrir notre créativité sans
pour autant cesser d'être africains. »70(*)
Loin de faire l'unanimité, cette écriture est
souvent pointée du doigt comme véhicule d'un déracinement
de l'écriture africaine en général et de celle
camerounaise en particulier. Les ainés reprochent un manque d'ancrage de
ces écritures dans leur culture d'origine. Pourtant les oeuvres puisent
dans la société d'aujourd'hui. Les auteurs laissent dans leurs
textes les marques de leur contexte socio- culturel mais de façon moins
explicite71(*). Ils
prônent une libération des formes théâtrales qui
longtemps ont été conditionnées par une
esthétique-héritage d'une colonisation que l'on voudrait
définitivement dépasser.
IX-) -Une autre forme de questionnement
Cette nouvelle tendance d'écriture, loin
d'évoluer sur les sentiers battus, est la conséquence d'une
recherche sans cesse renouvelée. De plus, elle ne se veut pas
« donneuse » de leçon mais
« poseuse de questions ». La lecture des
différents textes impose un voyage psychologique et spirituel duquel le
lecteur-spectateur revient, la tête et l'esprit chargé de
questions. Dans Debout un pied, Sufo Sufo ne résout pas la
question de l'immigration posée dans le texte, il nous conduit
plutôt dans un tourbillon d'interrogations, qui force chacun des lecteurs
à se créer ses propres solutions et raisons.
De même Edouard Elvis Bvouma dans A la guerre comme
à la Gameboy, emmène celui qui le lit avec lui, pour
qu'ensemble ils se glissent dans le quotidien combien atroce de ces enfants
soldats.
On est bien loin des Happy-end qui pour Mesima font oublier
la gravité et la profondeur du sujet. C'est la raison pour laquelle,
Dans Le Parfum du souvenir elle imputera un nouveau viol à son
héroïne pour que le lecteur se demande : Pourquoi ?
X-) -Une écriture qui rencontre des
difficultés
X-1-) -Le scepticisme des critiques
Il est fréquent de pointer du doigt l'Occident et de
dire qu'il s'investit à tirer l'Afrique vers le bas. Pourtant ce sont
souvent les Africains les premiers à émettre des oppositions
quant à un quelconque changement. La règle s'applique bien au
Cameroun et par conséquent à l'écriture dramatique.
Pendant que certains ont un souci d'innovation, d'autres les combattent en leur
imposant sans cesse un retour aux sources qui ne tient pas toujours compte du
contexte social actuel.
Les linguistes, les littéraires et les
pédagogues peuvent être mentionnés parmi les
détracteurs du théâtre tel qu'il se présente
aujourd'hui. Il serait difficile de leur en vouloir car ils considèrent,
à tort, le théâtre commede la littérature ce qui
explique le jugement porté sur l'écriture dramatique. Car, ils
sont principalement des critiques littéraires.
X-2-) -Le manque de support physique
Le monde de l'édition au Cameroun ne s'arrache plus
les pièces de théâtre. En d'autres termes, les
pièces éditées manquent sur le marché. Elles font
l'objet de productions artisanales et de ce fait, elles sont retrouvées
en très faible quantité. C'est pourquoi il n'est pas facile
d'entrer en leur possession. « Mais il faut avouer que
l'émergence comme dramaturge, c'est-à-dire, auteur
maîtrisant la composition de pièce de théâtre n'est
complète que par l'édition de renommée nationale et
internationale. »(2011 : 209). Nous partageons ce point de
vue de Jacques Raymond Fofié. Trop de pièces restent non
éditées ce qui ralentit leur processus de valorisation.
Les pièces qui ne sont pas éditées
circulent néanmoins. A l'époque d'internet, contacter les
dramaturges est chose souvent aisée pour entrer en possession de leurs
tapuscrits. Les pièces circulent entre auteurs, entre auteurs et
metteurs en scène et comédiens ; mais aussi entre auteurs et
amoureux du théâtre.
Cette section nous a donné d'appréhender les
différents éléments qui constituent le système
« texte » et qui l'influencent. Ce sont eux qui donnent
à la pièce de théâtre son identité.
CONCLUSION DU CHAPITRE
Dans ce second chapitre, il a
été question d'aller à la rencontre des auteurs de la
nouvelle tendance de l'écriture dramatique camerounaise contemporaine.
Cette découverte du double visage de cette écriture : d'une
part les auteurs et leur palmarès, d'autre part la
caractéristique générale de cette dramaturgie camerounaise
nouvelle. La nouvelle génération que constituent Martin Ambara,
Edouard Elvis Bvouma, Sufo Sufo et les autres, nous a permis de nous rendre
compte de la qualité et du rayonnement de ces dramaturges dans l'univers
francophone au travers de leur palmarès. Cette écriture
camerounaise francophone qui séduit prend sa source dans le besoin
collectif pour l'Afrique d'affirmer son indépendance.
« Affirmer son indépendance » suppose la recherche
d'une esthétique qui rompt avec le modèle occidental en
étant incontestablement libre. Bien qu'elle fasse la fierté du
Cameroun, la nouvelle écriture théâtrale camerounaise
permet néanmoins de regretter les devinettes, énigmes, paraboles
et proverbes qui faisaient la particularité des autres
générations. Cela pourrait s'expliquer par la perte de la culture
de l'oralité en Afrique et au Cameroun en particulier. Cet état
de fait est dû à l'influence de la société moderne,
sans cesse grandissante, qui entraine une acculturationconduisant à la
perte de certaines valeurs africaines. A quelques exceptions
près72(*), les
dramaturges se laissent porter par une société moderne qui a
tendance à rompre avec les traditions. Cettedramaturgie camerounaise
donne la priorité au message, à la création
esthétique, mais également à l'originalité de
l'angle de traitement du sujet. Pour tenir en haleine le lecteur chaque auteur
construit un univers qui lui est propre et qui ne ressemble à celui
d'aucun autre. Ceci confère à la nouvelle écriture
dramatique camerounaise une diversité singulière : il y a
autant d'esthétiques que d'auteurs. Il y a autant de
particularités que la capacité de chacun à penser
« son théâtre ». Ce chapitre vérifiait
l'hypothèse selon laquelle une fiche signalétique permettrait de
découvrir les auteurs camerounais contemporains de la nouvelle vague.
Ayant des noms, des titres et un palmarès qui témoigne de leur
grande qualité ; il ne reste plus qu'à les lire pour trouver
ensuite des outils de valorisation. Ces derniers leur permettront de trouver
enfin une place dans le paysage camerounais tant pour le public que pour la
communauté scientifique. C'est la raison du troisième et dernier
chapitre.
CHAPITRE 3
ETUDE DE TROIS PIECES DU REPERTOIRE DRAMATIQUE
CAMEROUNAIS CONTEMPORAIN ET OUTILS DE VALORISATION
Le chapitre précédent a été
l'occasion de rencontrer les auteurs et d'avoir une idée
générique sur la nouvelle écriture dramatique camerounaise
contemporaine du point de vue de leur palmarès et de leurs
caractéristiques. Il nous a permis de rencontrer une écriture
dramatique camerounaise qui se démarque dans le monde francophone. La
fiche signalétique produite à cet effet a fait émerger ces
dramaturges et leur a permis d'exister dans l'esprit des Camerounais. Le
chapitre trois, quant à lui, divisé en deux sections, se donne
pour première mission d'étudier quelques-unes de leurs oeuvres.
Il s'agit de : Debout un pied de Sufo Sufo,À la guerre
comme à la Game Boy d'Edouard Elvis Bvouma et Roméo et
Juliette...Assez ! de Martin Ambara. Après la vue
panoramique qu'offrait le chapitre deux, celui-ci se propose de ressortir la
particularité de chacune de ces trois pièces. Il sera question de
montrer la liberté, caractéristique de cette nouvelle forme
d'écriture au travers de différents éléments.
Seront pris en compte, l'esthétique, la langue, les personnages, l'angle
de traitement, la thématique ainsi que d'autres traits
caractéristiques. La seconde mission sera de proposer des outils de
valorisation spécifiques à cette nouvelle écriture
dramatique. Consciente du besoin urgent de promouvoir ces auteurs et
leur travail, il sera présenté des perspectives susceptibles de
permettre leur rayonnement. Dans cette seconde partie, il sera question de
revisiter les propositions faites par Bernard Mbassi lors du colloque du palais
des congrès sur le théâtre camerounais de 1987. Ce sont des
propositions génériques qui à notre avis pourraient servir
la promotion de l'écriture dramatique contemporaine camerounaise. Puis
des propositions plus spécifiques seront exposées. Ce dernier
chapitre de notre recherche prendra en charge l'hypothèse selon
laquelle : La valorisation du savoir-faire de ces auteurs passe par une
étude de quelques oeuvres représentatives.
SECTION I : A LA DECOUVERTE DE QUELQUES PIECES
REPRESENTATIVES DE LA NOUVELLE TENDANCEDE L'ECRITURE DRAMATIQUE CAMEROUNAISE
CONTEMPORAINE
L'approche systémique, nous a permis
de considérer le texte de théâtre comme un système
à l'intérieur duquel interagissent d'autres
éléments constitutifs tels que la langue, l'esthétique, la
démarche etc. La section que voici s'appuiera sur la sémiologie
textuelle, la théorie de la réception,sans oublier la
dramaturgie. Ce sont là les théories qui nous donnerons les clefs
de lecture des pièces de Sufo Sufo, Edouard Elvis Bvouma et Martin
Ambara qui sont au Cameroun, les figures de proue de la tendance actuelle de
l'écriture dramatique camerounaise.
I-) -Debout Un Pied de Sufo Sufo
I-1-) -Résumé
C'est l'histoire d'Oméga Dream, qui erre sur les quais
depuis de nombreuses années. Son projet, réussir à
embarquer clandestinement sur un bateau dans l'intention de
« traverser ». Un jour, il sauve Julie Rose, une nouvelle
rêveuse de cet ailleurs, des mains de la police. Elle a un plan :
quitter le pays avec l'aide du légendaire Benson de la mer. Elle
décide d'en faire profiter Oméga Dream. Benson tardant à
venir, Julie Rose et Oméga Dream passent le temps comme ils peuvent, en
se racontant leurs malheurs, leur désir de partir plus que tout, car
pour eux, le bonheur est là-bas, par-delà la mer. Julie Rose
semble avoir le bon tuyau, un bateau dont le capitaine serait allemand. Le
bateau finit par arriver, mais Benson de la mer n'est toujours pas sur les
lieux. Par solidarité, Julie Rose décide d'aller à sa
recherche mais Benson rejoint Oméga Dream en l'absence de cette
dernière. Les deux hommes se reconnaissent. Ils étaient amis
d'enfance. Grande est la surprise d'Oméga Dream de découvrir que
son ami, que tout le quartier croit de « l'autre
côté » depuis des années, n'a jamais
quitté le pays. Il est en fait, celui qui se cache sous le nom
légendaire de Benson de la mer, ce passeur infaillible. Ils partiront,
ou ne partiront pas. Nous ne le saurons jamais comme nous le rapporte l'Infini,
omniscient et conscience de chacun des personnages. Il s'interroge :
Pourquoi partir ? Pourquoi rester ? Pour ceux qui restent, ceux qui
ont réussi à partir sont des légendes.
I-2) -Les personnages
-Oméga Dream : Depuis vingt-trois ans il veut
partir, il cherche à embarquer sur un bateau pour fuir et aller
ailleurs, n'importe où, pourvu que ce soit loin d'ici. Son vrai nom est
Fally Edimo. Son surnom, Oméga Dream, pourrait traduire son plus grand
rêve : Partir.
-Julie Rose : Jeune femme qui veut elle aussi partir
mais qui, contrairement à Oméga Dream, est à sa
première tentative.
-Benson de la mer : Une légende vivante sur les
quais. Le seul passeur qui sait comment quitter le quai d'après la
légende. Mais il s'avère que Benson de la mer, n'est en fait que
Etam Seghar, l'ami d'enfance qu'Oméga dream croyait parti depuis belle
lurette mais qui n'a en fait jamais quitter le port.
-L'indéfini : Personnage qui est là comme
la conscience de chacun des trois autres, mais qui est aussi une entité
omnisciente qui voit les agissements de tous.
Les noms des personnages Etam Seghar et Fally Edimo, nous
font penser à des patronymes camerounais. Pour Sufo Sufo, tout est dans
leur psychologie. La dimension physique et sociale importe peu.
I-3-) -Le langage
Le texte utilise un langage courant dans son ensemble, mais
aussi familier. Ce deuxième aspect est matérialisé par la
répétition des mêmes mots dans la même phrase. C'est
une façon typiquement camerounaise de s'exprimer. Elle permet de mettre
l'emphase sur une chose que l'on voudrait dire. Ex : page 18.
Julie Rose : Les temps changent
Oméga Dream : C'est ce qu'elle disait, les
temps changent
Julie Rose : Les temps changent
Ce sont des répliques constituées de courtes
phrases. Elles sont musicales grâce à la répétition
des mots qui donne plus de sens à la réalité à
laquelle ils renvoient. Dans son écriture, Sufo donne une grande place
à la répétition.
Julie Rose : Qu'est-ce que ça change,
regarder, pas regarder ? P.9
Oméga Dream : Une urgence !
Voilà !...Une urgence, comme tu as dit, comme il s'est
rappelé. Comment s'en est-il rappelé ?
Une répétition de mots, comme pour
répondre à un refrain. Nous le voyonsdans cet échange
entre Julie Rose et Oméga Dream. P.13
Julie Rose : Celui qui se trouve quelque part
là, et dont le capitaine serait allemand.
Oméga Dream : Et dont le capitaine serait
allemand ?
Julie Rose : Et dont le capitaine serait
allemand.
Oméga Dream : Voilà ! Tu dis une
chose, la seconde d'après ce n'est plus ça. N'est-ce pas toi qui
m'as dit tout à l'heure que le capitaine serait allemand ?
Julie Rose : Il a dit : « Le
capitaine serait allemand ! »
Oméga Dream : C'est dingue ! Ton
histoire, de plus en plus bancale. Comment trouver un capitaine qui
« serait allemand » dans un bateau qui n'a ni nom, ni
couleur, rien ?
Il y a la prédominance du groupe nominal :
« Le capitaine serait allemand ». La
répétition des mots, au-delà de la musicalité donne
une couleur poétique à la langue utilisée par l'auteur
dramatique. Cette langue remplie de poésie pour clamer une douleur, un
manque ou pour revendiquer.
Oméga Dream : Alors c'était une autre.
Elle ne vendait même pas une route, un espoir de route, un infime petit
espoir de route, mais parfois il n'y a pas mieux. Nous avons marchandé,
route contre cash, route contre came, espoir contre espoir, espoir de route
contre bâtons de manioc, sacs de riz ; techniques de pêche en
mer discrète, cigarettes, pains rassis, boîtes de sardines...tout,
nous avons marchandé. Ils sont nombreux, ceux qui vendent. P.17
A travers ses quelques répliques, une quête
poétique voulue par le dramaturge transparaît et laisse voir un
nouvel usage de la musique. Des mots qui permettent au personnage de chanter
son désespoir et son mal être. Les personnages crient leur
ras-le-bol de ces vendeurs d'illusion, auprès desquels ils
achètent des rêves jamais réalisés.
Une nouvelle forme d'expression est utilisée. L'auteur
installe un dialogue sans indiquer les personnages comme le voudrai la norme.
Il laisse le lecteur-spectateur imaginer, se représenter. Cette
manière d'exposer la scène, force à se projeter sur ce
quai pour y vivre l'instant présent avec Julie Rose et Oméga
Dream comme le montre l'échange suivant P.20:
-Qu'est-ce que vous faites là madame ?
-Promenade sur le quai.
-Ne me prenez pas pour votre morveux de la maternelle, je
vois bien le signe sur vous.
- Ce n'est pas ce que vous croyez.
- Je sais de quoi je parle, vous attendez votre route.
Vous traversez quand ? A quelle heure ?
-...
-...
-...
-Fally Edimo, mais Oméga Dream c'est mieux.
-Julie Rose.
-Julie la Rose !
-Julie Rose !
-...
-Le capitaine est allemand.
-...
-...
-Il lui manque une case à votre histoire.
Il y a cette écriture qui perd le lecteur-spectateur.
Dans un premier temps, on a l'impression que la discussion se passe entre Julie
Rose et un flic, puis on se rend compte qu'elle se passe en fait entre Julie
Rose et Oméga Dream. La limite entre le réel et l'imaginaire est
très fine. Cette méthode est encore utilisée par l'auteur
à la p.25
En dehors des suites dialoguées, plusieurs monologues
jalonnent la pièce. Ils traduisent les conflits intérieurs qui
animent les personnages et qui se révèlent de façon
visible dans leur échange les uns envers les autres. Ce rôle est
joué par l'indéfini, personnage omniscient qui porte la voix
intérieur de l'un ou l'autre des personnages. Il est également ce
libre arbitre qui est là depuis toujours, qui demeure avant et
après l'histoire. C'est la voix intérieure qui conduit les
personnagescomme un fil d'Ariane. C'est cette voix qui ouvre la
pièce et la referme.
L'indéfini : On retrouve une garantie, un
chemin, la garantie d'un chemin, mais on perd une femme, un espoir de femme,
celle qu'on a jamais pu rencontrer, celle qui est si proche mais inaccessible,
qui est là devant nous, mais qu'un type viendra arracher, comme dans un
film, comme emmener sous vos yeux...P.32
Dans cette pièce les didascalies ne sont pas
explicites. C'est en lisant que l'on prend ses marques, que l'on peut situer
l'action sur un quai d'ici ou d'ailleurs.
Sufo utilise des mots simples pour peindre la dure
réalité du mal-être qui habitent ses personnages. La
simplicité de la langue ne la dénude pas de sa beauté et
de sa musicalité. Les répétitions constantes
n'alourdissent pas les propos, elles le précisent. Les maux sont
chantés par les mots. A la langue française, il allie quelques
mots de celle anglaise. Un mélange qui caractérise le parler de
la jeunesse camerounaise actuelle et de beaucoup d'autres pays du globe.
Oméga Dream : J'adore ton dream à toi
(...)P.41
Julie Rose : (...) The best life, the best way of
life. P.37
Il y'a aussi des expressions du quotidien des camerounais
urbains: Buy and sellam73(*), call-boxeuse74(*)
I-4) -La thématique
La thématique, qui transparait dans ces lignes,
témoigne de cette envie de partir qui anime la majorité des
jeunes d'ici et d'ailleurs. Cette certitude qui motive les Hommes et qui leur
indique que le bonheur est ailleurs. Un ailleurs qu'on s'invente, qu'on
s'imagine. Ce là-bas plein de promesses et de rêves pour lequel on
se bat :
Julie Rose : Tout essayé, elle est devenue
chronique. Si j'arrive là-bas, peut être que je serai bien suivie.
On dit que les hôpitaux sont pointus, je me referai une santé, une
vie. The best life, the best way of life...
Oméga Dream : Depuis combien de temps te
bats-tu pour partir ?
Julie Rose : Je sais plus.
Depuis que j'ai compris qu'il fallait partir, je me bats
pour partir.
Une envie de partir malgré la difficulté du
périple, sans assurance d'y arriver.
Oméga Dream : trop de charlatans sur la
route.
Vendeurs de faux chemins, réseaux
truqués.
Julie Rose : Chemins clairs toujours super clairs au
départ, mais qui ne mènent jamais loin.
Dans Debout un pied Sufo parle aussi de la
difficulté de rester. Il faut finalement partir car rester est
risqué, mais mieux vaudrait encore essayer d'aller voir autre part car
le pays ne nous laisse non plus la force de rester.
Oméga Dream : C'est le pays. Il ne t'offre
aucun moyen de rester, il ne t'offre aucun moyen de partir non plus. Et pour
couronner le tout, il signe les accords pour traquer ceux qui s'engagent enfin
à partir.P.38
Julie Rose : Partir, c'est le plus important, que je
parte loin de ce pays.
Seghar : Je cherche toujours le moyen de partir.
P.65
Contrairement au traitement des thématiques
antérieures qui usaient d'un thème principal puis de
thèmes secondaires, ici il n'y en a qu'un seul qui se décline
sous toutes ses formes : Partir. Pourquoi ? Comment ? La peur de
partir, mais plus encore celle de rester...
I-5-) -L'espace et le temps
Pour situer l'espace, il suffit de lire pour découvrir
un quai dans un port. Nos protagonistes y passent le temps à attendre un
bateau pour embarquer clandestinement. Ils sont surement dans un pays du Sud
à cause de certaines expressions.
Oméga Dream : Ils sont là.
Ici sur le port, il faut avoir quatre yeux. P.15
-Le champ lexical du port y est très
présent : bateaux, quai, docker, capitaine, mer, terminal, matelot.
Des expressions :
-Deux bleus75(*) : pour parler de deux nouveaux.
-Ceux qui ont quatre yeux : pour parler des mystiques et
sorciers.
-Avoir le réseau P.65 : pour parler d'un plan de
voyage sûr.
Pour traverser P.54: expression
`'camerounisée'' pour dire « aller en
Europe ».
Ils ont vendu leur honte au chien P. 57: Ils ne savent
plus ce que c'est qu'avoir honte.
-Bâton de manioc P.17; les attentats du
Nord76(*), l'année
des émeutes de la faim77(*), sans caleçon, braiseuse de poissons...Toutes
ces expressions nous rappelle le Cameroun, pays d'où est originaire
l'auteur. En plus nous noterons :
Oméga Dream : En paix !
Pire que la guerre, mon pays est en paix !
P.41
Le mot « paix » est le premier mot de la
devise du Cameroun. Les politiques l'utilisent souvent comme mot de passe
à chaque fois qu'il y a une revendication, faisant comprendre que quoi
qu'il arrive, il y a au moins ça : la paix. A tel point que pour
l'auteur, elle devient pire que la guerre. Car cette paix est une image de
guerre non prononcée. Elle est porteuse de tant de maux. Comme l'atteste
Julie Rose :
Julie Rose : Contre moi.
Rien ne serait pire qu'une guerre non prononcée,
silencieuse, contre le citoyen. J'ai fait la guerre de l'instruction, la guerre
de l'emploi, la guerre de la faim. Mais ne me demande pas
où-quand-comment ? J'ai lutté pour ne pas me balader sans
caleçon, culotte errant au plus offrant. Lutter pour ne pas perdre mon
cerveau. Toutes ces guerres que le pays a tissées contre moi.
Bien qu'il ne nous situe pas avec exactitude sur le lieu de
l'action, le Camerounais peut affirmer que ce quai se trouve dans son pays.
Mais plus encore, n'importe qui pourrait se retrouver n'importe où dans
le monde. Ce monde qui se ressemble à cause des mêmes
problèmes que l'on rencontre ici et là : attentats,
insuffisance alimentaire, chômage, immigration clandestine, guerre,
paix.
I-6-) -Une alternance entre le réel et
l'irréel
Pour comprendre cette alternance entre rêve et
réalité nous partirons de cette réplique de
l'indéfini :
L'indéfini : (...) Certains prétendent
même qu'en réalité cette fille n'a jamais existé,
qu'elle n'a jamais débarqué sur le quai, qu'elle n'a jamais
débarqué que dans l'imagination d'Oméga Dream. On dit
qu'après vingt-trois ans passés là, il s'est
inventé cette femme pour se doper suffisamment et enfin monter dans le
bateau...Mais...réelle ou irréelle, disons qu'ils attendent
toujours là, sur le quai.
Comme dans Le carrefour de Kossi Efoui, ou dans
Cette vieille magie noirede Koffi Kwahulé, le rêve
apparait ici, comme moyen de s'évader de la prison qui dans Debout
un pied est la peur. Pour parler comme l'indéfini, pour
survivre, vivre son rêve, Oméga Dream s'invente une fille.
Image de fille à laquelle il s'accroche pour ne pas crever.
En plus de ce rêve, il y a l'indéfini, ce
personnage fictif qui ponctue le dialogue et l'action des personnages. Il est
Dieu, il est chacun des trois, tout dépend de la situation. Il
représente à lui seul, le dilemme de la vie humaine sur la terre
des Hommes. Hommes tantôt dieux, tantôt créature,
tantôt maîtrisant le cours des choses, tantôt absorbés
par elles. On s'y perd, et on est « Indéfini » parce
qu'on ne sait pas.
I-7-) -Le titre
Le titre Debout un pied, très
évocateur, nous renseigne de prime à bord. On peut
déjà entrevoir cet inconfort des personnages. C'est une image qui
traduit un déséquilibre. Comment vivre ou exister debout sur un
pied ? Plus loin que la position physique, il trahit un
déséquilibre psychologique qui se traduit par un besoin de
partir. Le paradoxe c'est que pour partir, il faut des pieds :
Julie Rose : T'as vu les pieds ? P.49
Le mot pied revient souvent dans le texte. C'est grâce
aux pieds qu'on peut partir. C'est encore grâce à eux qu'on peut
rester, à condition d'avoir les deux sur la terre ferme, ce qui n'est
pas le cas de nos personnages. Cette réplique de l'indéfini en
témoigne.
L'indéfini : (...) Le témoignage sur
ces gens dont la vie était une station debout, avec un pied, dans
l'inconfort permanent. L'autre pied n'était ni posé ici, ni
là-bas, suspendu.
Cette réplique de l'indéfini explique ce que le
dramaturge entend par le titre Debout un pied donné à
son oeuvre. Il résume la pièce, c'est une véritable
métaphore qui traduit l'instabilité de ses personnages.
I-8-) -La structure
La division singulière du texte suit le mouvement des
personnages. Ce sont quinze parties qui correspondent à chaque fois au
nouvel angle que prend le dialogue ou l'échange. Elles permettent de
faire respirer le texte. Rien à voir avec les normes du classique qui
voudrait qu'on change de scène à l'entrée d'un nouveau
personnage.
Une errance de ceux qui veulent partir mais qui ne sont pas
partis. L'auteur s'inspire de son Cameroun, de lui aussi qui rêvait d'un
ailleurs avec ses amis. Ils rêvaient de partir et cherchaient le moyen de
le faire « fait quoi, fait quoi », comme il le dit
lui-même. Le grand rêve de chacun : partir. Il croise des amis
qui ont déjà une vie mais qui veulent toujours partir. C'est un
« truc » qui demeure présent, enfoui en
chacun. Cette envie permanente d'un ailleurs subsiste. Il y en a qui n'ont
jamais quitté le Cameroun ou leur ville, mais qui veulent quand
même partir. Dans tous les textes de Sufo, il y a toujours un monde
apparent et un monde des ombres. Une vie apparente et une en ombre, comme des
photos et des clichés. L'auteur reconnait qu'il a toujours lui aussi
cette envie d'ailleurs, ce que son métier d'auteur comble largement.
II-) -À la guerre comme à la Game Boy, de
Edouard Elvis Bvouma
II-1) -Résumé
Boys killer est un Révolo. C'est le nom du groupe de
rebelles dans lequel il a été enrôlé comme
enfant-soldat pendant la guerre. Une guerre civile qui oppose les kimbilili, sa
tribu d'origine, aux mounguélé-guélé. Game over,
c'est à cette étape du jeu que commence l'histoire, car pour boy
killer : la guerre est un jeu. Plus précisément une Game
Boy, un jeu vidéo qu'il a toujours désiré avoir. Dans la
pièce, il parle à une fille, qui ne lui répond pas. Il
veut la convaincre de quitter la forêt dans laquelle les Révolos
se cachent depuis le début des affrontements. La guerre terminée,
depuis peu, leur camp est désert. Tout le monde est parti sauf eux
trois : la fille, boy killer et sa kalache. Il souhaite rejoindre un camp
de réfugiés mais il ne veut pas bouger sans celle, qu'il
considère désormais comme sa petite soeur. Elle semble malade,
mais reste silencieuse tout le long de l'histoire. Boy killer s'évertue
à la décider. Il lui rappelle les atrocités de ce jeu de
grand, sa vie d'avant, leur rencontre, tout ceci ponctué par les
étapes d'un jeu vidéo : Game over, review, start, pause,
play et stop.
II-2-) -Le titre
Depuis le titre on est dans une nouvelle ère. La
pensée du texte commence dès la présentation de ce
dernier. Il s'arrime à son temps et sonne davantage comme un titre de
film. La nouvelle génération d'auteurs commence à vendre
leur pièce avec des titres révolutionnaires. Mis au goût du
jour, l'intitulé : À la guerre comme à la Game
Boy, nous situe déjà dans le temps, indique une
génération : celle des jeux vidéo. Une
génération où le multimédia a pris le pouvoir.
D'entrée de jeu, le titre est aguicheur et introduit une écriture
révolutionnaire.
II-3-) -La thématique
Le sujet principal et unique c'est la guerre. Mais la guerre
vue du point de vue d'un enfant enrôlé comme soldat. Ici
également comme dans plusieurs écritures contemporaines
camerounaises, les dramaturges ne s'encombrent pas de sous thèmes. Il
est question d'un sujet qui est traité de manière profonde, mais
dans une liberté sans nulle autre pareille. Une thématique qui
interroge. Au-delà de la guerre, il est question des enfants soldats qui
se retrouvent dans les rangs contre leur gré. Ils deviennent de
véritables machines de guerre, Ils perdent leur enfance et sont parfois
plus dangereux que des adultes.
II-4-) -Angle de traitement
Il n'est pas uniquement question de choisir un sujet. Mais de
le traiter de manière originale. Parler de guerre, oui, mais
comment ? Qu'un auteur qui n'a jamais vécu la guerre décide
de s'y plonger pour en parler, c' est stupéfiant. L'angle choisi pour le
faire est tout aussi inédit. Dans sa pièce À la guerre
comme à la Game Boy, Edouard Elvis Bvouma, emprunte à
plusieurs disciplines pour réaliser cette oeuvre. Il y a des traces du
roman dans la façon de narrer certaines parties comme nous
témoigne cet extrait :
C'est-à-dire que, comme on n'avait pas d'argent
parce que l'argent n'existait pas encore, ils échangeaient le sel et
l'huile et les tissus et le savon et le pétrole et beaucoup de petites
choses comme ça qu'ils achetaient chez les commerçants arabes,
contre notre gibier ou notre poisson ou nos fruits ou nos récoltes.
P.42
Il y a constamment des allers et retours entre le roman et le
théâtre. De plus l'auteur s'inspire de tous les héros de
dessins animés de son enfance pour donner vie à la psychologie de
son personnage. Il en ressort une très grande influence des films
d'animation et des bandes dessinées. Ici ce n'est pas seulement pour
justifier l'univers de l'enfant qui parle, mais chaque personnage est à
lui seule une métaphore.
En plus du roman, de la bande dessinée et du film
d'animation, il y a l'influence du jeu vidéo qui est présente
pour structurer la pièce.
II-5-) -Structure
Le texte est divisé en six parties : Game over,
review, start, pause, play et stop. Edouard Elvis Bvouma découpe sa
pièce et donne à chaque partie, le titre d'un niveau ou d'une
étape du jeu vidéo. La pièce s'ouvre avec
l'étape« Game over ». On commence par la fin,
lorsque tous les jeux sont faits et qu'il n'y a plus rien à faire :
La guerre est terminée. Après le « Game
over », l'auteur nous fait revenir en arrière, sur ce qui
s'est passé, sur comment les personnages en sont arrivés
là. Il intitule cette partie Review. C'est exactement le nom technique
que l'on donne à ce bouton que l'on appuie lorsque l'on veut revoir ou
réécouter comment on a joué. Après avoir
relatés les évènements d'avant la fin de la guerre, il
nous ramène au début. Là où tout a commencé,
bref à la situation initiale avant l'évènement
perturbateur. Cette partie qui aurait pu être le début de la
pièce : Start. Puis il s'arrête pour lui reparler à
« elle », essayer de la convaincre une fois de plus de
partir. Il lui parle de leur rencontre et de pourquoi il la considère
comme sa petite soeur. C'est une « Pause » au milieu de
toute cette agitation, un moment de répit avant que tout s'embrase
à nouveau. Après cette nouvelle étape, on entre en plein
dans le « game », dans la guerre proprement dite. L'auteur
intitule cette partie, Play. C'est le climax, nous sommes dans la guerre. Puis
arrive enfin l'arrêt du combat, c'est le « Stop ». Il
faut s'arrêter après avoir tout fait et se rendre à
l'évidence que tout est terminé avec une possibilité de
recommencer un nouveau jeu comme le sous-entend cette réplique de boy
killer qui clôture la pièce:
C'est game over mais le game n'est pas over pour
nous.
On va recommencer le jeu.
On va recommencer un autre jeu.
Puisque c'est maintenant fini.
On vivra heureux.
Et on aura beaucoup-beaucoup d'enfants.
C'est une belle façon d'ouvrir des perspectives. Les
différentes parties témoignent d'une structure qui n'a rien de
linéaire. Il y a une structuration en tableaux qui ne sont pas
classés dans l'ordre chronologique habituel.
-Structure de la pièce: Game
over-review-start-pause-play-stop.
-Structure attendue : ce serait que le texte commence par
start et qu'on termine par Game over.
Cette structure tient d'avantage du cinéma que du
théâtre. Les flash-back sont une technique narrative
utilisés par les réalisateurs. C'est encore là une
technique qui prend sa source dans un autre art.
II-6-) -La langue
« La langue française du
théâtre camerounais est aussi une intention esthétique et
pragmatique. Elle est poésis, parole créée,
fabriquée, pour émouvoir, passer la rampe. Cette fonction
inhérente à tout le système de la pièce trouve sa
forme achevée dans des choix d'expression qui sont autant d'actes de
langage esthétique. »78(*)
Cette citation de Bernard Mbassi illustre mot pour mot la
langue d'Edouard Elvis Bvouma dans cette pièce. Elle est tantôt
poétique, tantôt créée pour toucher au plus profond
de l'être. Il y a entre ses lignes douloureuses une beauté que
seule la poésie confère à un texte :
Il me fallait un nom de soldat.
Un nom qui tonne.
Un nom qui détonne.
Un nom qui cartonne.
Un nom qui me donne du courage à moi-même et
qui fait peur aux autres. P.50
En plus de cette esthétique poétique, cette
langue chante. La musique est présente à tous les tournants du
texte théâtral. Il y a des phrases qui sonnent comme un
refrain :
Avant nos parents.
Avant nos grand-parents.
Avant nos arrières-grands-parents.
Avant nos
arrières-arrières-grand-parents. P.41
Dans cette langue il y a fabrication de plusieurs mots,
composés pour la plupart. Ils permettent de mettre l'emphase, de rendre
concrète la réalité exprimée. Par cette technique,
les situations sont plus palpables et quittent l'univers virtuel pour exprimer
un réalisme flagrant.
C'est pourquoi le camp est vide-vide...P.7
Pas de sang partout-partout au sol ou sur les herbes.
P.8
Tu sais que les cow-boys ont existé vrai-vrai.
P.11
Parce que si les autres nous attrapent on est
finis-finis. P.10
Il se dégage de ces phrases une envie de mieux se
faire comprendre. Outre ceux composés, plusieursautres mots prennent un
sens tout nouveau dans le contexte de la création de l'auteur. Ce sont
des mots qui existent et qui ont un sens autre. Bvouma les manipule et ils
prennent une signification neuve. Il y a une recherche sur la langue
française qui permet aux mots de s'émanciper. Entre les doigts de
ce dramaturge, une maxime populaire prend tout son sens :
« Un mot n'a de sens que dans son contexte ». Le
travail parfait permet alors de comprendre et de cerner les sens nouveaux sans
la moindre difficulté.L'extrait suivant en témoigne :
Un jour, les dépendances sont venues chasser la
clonisation.
Les dépendances ça voulaient dire que les
Ntangans devaient rentrer chez eux.
Ils devaient dégager s'en aller partir se casser
foutre le camp de chez nous.
On ne devait plus avoir de chef blanc, mais un
président noir. P.45
Les mots sont des concepts forts, des idéologies
contemporaines telles que perçues dans la société
africaine d'aujourd'hui. En effet, les termes
« dépendances » et
« clonisation » sont investis de nouvelles énergies.
L'auteur dramatique soutient toute une thèse dans chacun de ses
concepts. Il ouvre ainsi des parenthèses vastes mais sans perdre de
temps. Il y a un donner à penser sans pareil :
Le conseil d'insécurité, c'est la
réunion des conseillers qui donnent les conseils à l'ONU pour
faire l'insécurité à ceux qui font
l'insécurité dans le monde. P.66
Cette écriture se permet de briser les canons de la
langue. Elle la déstructure dans un premier temps puis la restructure
sous une forme inédite. On assiste à la naissance d'une langue
nouvelle.
Ex :...l'ONU se fâche mal-mauvais et envoie des
militaires blancs...
Ce texte revoit la définition de la phrase
française. Elle n'est plus uniquement composée comme le veut la
norme sous le modèle : Sujet-verbe-complément. La phrase
c'est juste ce que boy killer a envie de dire :
Très riches.
Plus riches que nous.
Chez nous.
Et nombreux. P.43
Cette langue d'Elvis Bvouma parle aussi du sexe dans sa
diversité : genre, pédophilie, abus, viol, appareil
génital...Il utilise des images et parfois il y va sans prendre des
gants. Entre liberté et tabou, il s'exprime :
Dès qu'il allait être nu comme le ver de
terre, j'allais sortir ce petit couteau que j'ai toujours dans mon
caleçon depuis que je sais qu'il aime aussi faire
collé-collé aux garçons et j'allais couper son gros machin
là. Son gros Dago allait tomber là sur les herbes. P.61
II-7-) -Les didascalies
Dans À la guerre comme à la Game Boy
les didascalies sont introductives de chaque partie et n'apparaissent plus tout
au long du déroulement. Très spéciales dans leur
construction, elles sont une véritable poésie. A l'origine les
didascalies sont une note ou un paragraphe rédigé à
l'intention des acteurs ou du metteur en scène, donnant des indications
d'action, de jeu ou de mise en scène. Dans notre contexte, elles ne sont
pas comme à l'accoutumée des indications scéniques
à proprement parler. Elles plantent un décor dans chaque esprit
comme chacun le conçoit. L'adverbe « comme » montre
l'intensité des faits que chacun percevra selon son vécu. Ces
didascalies n'imposent pas, elles suggèrent.
Comme après une tornade.
Ou un cyclone.
Ou une fiesta.
Un jeune garçon.
Une jeune fille.
Un vieux transistor.
Cette didascalie introductive de la pièce permet
à chaque lecteur-spectateur la liberté de s'inventer un monde
pour installer les personnages. Nous le voyons également ici :
Une pensée.
Des souvenirs en bribes.
Comme un air de nostalgie.
Contrairement à la conception des didascalies
classiques qui faisaient office de mise en scène, celle-ci appelle
à la capacité du lecteur de se créer un univers. Elle
donne ainsi une grande liberté à la mise en scène car les
possibilités d'écriture scénique sont nombreuses. Espace
de mise en scène imaginaire pour le lecteur, la didascalie devient
également un lieu de doute, voire de contradiction. Les didascalies dans
cette oeuvre s'inspirent de la poésie. Encore un champ d'une discipline
autre que le théâtre qui est convoqué.
II-8-) -Les personnages
À la guerre comme à la Game Boy est un
monologue. Une voix unique celle de cet enfant soldat. Mais l'auteur nous
impose un autre personnage, muet cette fois, une jeune fille à qui boy
killer s'adresse. Il lui raconte sa vie. L'auteur dramatique construit le
personnage principal, d'un point de vue psychologique. Ce dernier est plus
important pour les écritures contemporaines et celles camerounaises en
particulier. Il faut tout construire dans la tête du personnage. On
pourrait parler d'une écriture spirituelle ou psychologique. Un conflit
intérieur anime le personnage qui porte en lui plusieurs
blessures : La mort de sa mère, un père inconnu, un oncle et
un frère de la tribu ennemie, trop de morts à son actif. Tous ces
conflits qui en s'extériorisant se traduisent par une réelle
violence, par beaucoup de colère et un endurcissement du coeur, une
transformation de l'enfant qu'il est pourtant :
Ça pleure tout le temps, un enfant.
Est-ce que tu m'as déjà vu pleurer,
moi ? P.15
Ils veulent me prendre pour un enfant alors que le sergent
Zapata était un grand mais j'ai ramené sa tête la semaine
passée au commandant pour son anniversaire. P.14
Nous pouvons dire que l'action du personnage boy killer prend
sa source dans la réalité intérieure qu'il vit.
II-9-) -L'esthétique
Anick Martel affirme que : « Ce qui semble
de plus en plus intéressant au théâtre n'est plus tellement
ce qui se dit, mais comment il se dit. »79(*)
Ici il s'agit de l'histoire de la vie d'un petit
garçon gâchée par la guerre et racontée sous le
prisme d'un jeu : La Game Boy. Dans l'esprit de boy killer, la guerre
c'est juste un jeu, un jeu facile :
« La guerre, c'est simple comme bonjour :
on avance comme dans star Wars en évitant les obstacles comme Mario
Bros. »80(*)
Il n'est pas juste question de parler de la guerre mais de
choisir l'axe pour faire passer le message. Sans prendre une position ouverte,
le dramaturge touche du doigt une réalité dure. Il s'appuie sur
l'oralité africaine en la revisitant. Les histoires qui ont bercé
l'enfance de la nouvelle génération sont les bandes
dessinées, leurs héros et ceux des films d'animation. Ce sont ces
contes modernes qui ont nourri l'enfance de la plupart de nos contemporains.
Une oralité réinvestie qui met au goût du jour le texte
théâtral. Edouard Elvis Bvouma fait revivre plusieurs d'entre eux
par la bouche du Caporal Boy killer. De Lucky Luke à qui il s'assimile
en passant par le capitaine Hadock et Kimbo81(*), ce jeune garçon peint un univers fantastique.
Une fois encore, on observe ce passage du réel à l'imaginaire qui
caractérise les auteurs contemporains. Les frontières entre le
réel et l'imaginaire sont abolies ce qui offre davantage de
possibilités d'interprétation et donc de multiples
significations. L'auteur nous plonge dans un jeu vidéo géant
où chacun est un personnage. Le dramaturge soulève une multitude
de questions. Il montre mais garde cette distance qui lui permet de ne pas
condamner.
La présence de différentes autres
disciplines ; roman, poésie, cinéma ; entraine une
transgression du genre théâtral classique et confère
à cette pièce une grande ouverture sur le monde.
Nous sommes certes à l'écrit, mais le lecteur a
une capacité de représentation que lui donne son imaginaire, ceci
grâce aux multiples options que lui offre le texte de l'auteur
dramatique. Cette écriture d'Edouard Elvis Bvouma nous montre que la
société camerounaise évolue, mute : son
théâtre en est la preuve irréfutable.
III-) -Romeo Et Juliette...Assez ! Martin Ambara
III-1-) -Résumé
« L'auteur » est à la recherche
d'un point. Un point qui sonne une fin. Mais une fin pour un recommencement.
Dans sa quête de cette ponctuation, « l'auteur » est
incompris de tous. Il y a un trouble dans sa tête. Une remise en question
de ce qui fait le théâtre aujourd'hui. Incompris de son
entourage : comédiens, bouches, personnages (les vingt-six lettres
de l'alphabet), régisseur et de lui-même, il veut explorer de
nouvelles formes et se libérer de toutes les conventions imposées
par l'Occident. Face à sa conscience et devant sa feuille, il repense le
théâtre qu'il voudrait ramener à son essentiel qui est le
jeu. Toutes les fois qu'il veut coucher un bout de poésie sur le
papier, il s'imagine des comédiens ou des lecteurs qui prennent corps et
qui lui suggèrent une infinité de propositions de jeu. Puis les
personnages s'imposent chacun avec une histoire qu'il pourrait
développer. Toutes ces entités vivent en lui et ont soif de
s'exprimer dans la liberté. Comme pour le rappeler à l'ordre un
perroquet répète bêtement ce qu'il dit. L'auteur se regarde
au travers de son oeuvre et il se voit traversant la scène avec un chien
symbole de l'esclavage de ses envies inassouvies d'artiste car embrigadé
par des conventions d'une autre époque et d'une autre
société. « L'auteur » cherche quelque chose
qu'il ne trouve pas. Il meurt sans trouver de solution à toutes les
questions qui le taraudent. Débarquent alors Roméo et Juliette
sortis du dix-septième siècle. Eux aussi sont conscients que les
choses doivent changer.
III-2-) -La thématique
Dans cette pièce comme dans les deux
précédentes, il y a une thématique unique. Ici c'est le
théâtre. On perçoit deux entités qui s'opposent et
s'affrontent. Il en ressort un besoin de révolution d'une part, mais
surtout d'une opposition farouche à un ensemble de normes et de
conventions d'autre part. L'auteur opère une mise en abyme du
théâtre.
III-3-) -L'esthétique
Le dramaturge choisit de poser des questions sur le
théâtre au travers de ce texte. Il ne donne pas des noms à
ses personnages mais il les nomme au travers de ce qu'ils représentent
réellement : Les comédiens, les bouches, les personnages.
L'auteur utilise la mise en abyme du théâtre comme
esthétique. Cette dernière qui tire son origine de la peinture,
permet d'apprécier ou de juger un art au travers de lui-même. Ce
texte de Martin Ambara est donc du théâtre dans le
théâtre. Par le théâtre lui-même, la question
de la façon de faire et de penser le théâtre est remise au
goût du jour. L'esthétique questionne la pratique
théâtrale telle qu'elle est faite de nos jours. De plus tout est
mystère et requière des clefs de lecture franches pour une bonne
compréhension. Le quatrième mur au théâtre est
souvent briser au travers des comédiens pour atteindre le public
potentiel. Dans cette pièce de Martin Ambara, on perçoit une
adresse directe au public mais qui ne passe pas forcément par le canal
du comédien. Ambara va jusqu'à personnifier le
Théâtre et l'amène à s'auto censurer. Un autre
rituel, très présent dans l'écriture de l'auteur c'est la
mort. Dans cette pièce également l'auteur trépasse et
laisse le théâtre dans ce questionnement tandis que le fruit de
son imagination survit. Cela s'explique par ces personnages qui continuent de
vivre alors que l'auteur n'est plus.
III-4-) -La langue
Fidèle à lui-même, Ambara a une langue
complexe et souvent sombre. Les mots forment un système qui se
déploie comme un manifeste. Le discours semble ne pas avoir de
chronologie. C'est par contre un mécanisme, tout entier qui revendique
un théâtre qui lui est propre. Ce texte d'Ambara est un
labyrinthe. Le lecteur, dès qu'il croit comprendre, est à nouveau
rattrapé et ralenti par la réalité. Faisant un
parallèle avec le théâtre contemporain, nous comprenons que
Martin Ambara s'interroge sur lui. Il cherche des voies de
renouvèlement. A l'image de son personnage principal, il sait qu'il faut
repenser les choses, qu'il y'a des multitudes de pistes mais laquelle
choisir ? Tout est encore codé. Le mystère de la langue ne
s'arrête pas uniquement la beauté des mots ou la construction des
phrases. Il traduit aussi l'essence même du théâtre actuel.
Cette langue est mystique et le lecteur tentera de lui trouver des codes pour
la déchiffrer. Découvrons-la dans ces quelques lignes :
L'auteur : La borne entre
deux lignes, l'endroit précis de la ligne où le souffle
s'étiole, meurt pour se régénérer. Le lieu
où il dynamise et tonifie et les sillons qu'imprime le cri sur la
feuille, pour que s'entendent les spasmes du corps des mots en érection
devant la vulve de la vierge. P.54
Cette langue parle aussi du sexe. Cela peut se comprendre
dans le contexte de cette pièce qui veut une nouvelle naissance de l'art
théâtral. Le sexe symbole de désir à assouvir et
origine de création. Nous le voyons également dans la
réplique suivante :
Un comédien : Un
bordel oui, pas un foutoir...Un nid de minettes en mini : « dix
francs la sucette mon grand, le double pour le tuyau d'échappement, et
quinze francs pour le tunnel central. Ça te dit ? P.8
III-5-) -La structure
Nous avons une pièce qui jaillit en un seul bloc.
Néanmoins il y a cette alternance entre réalité et
rêve. On est tantôt dans la vraie vie, tantôt dans la
tête de l'auteur. Bien que cette alternance existe, il faut encore
être très méticuleux pour se glisser de l'espace virtuel
à celui réel.
III-6-) -Les didascalies
Le texte en est complètement épuré. Il
n'y en a qu'une seule qui introduit la pièce. Cette unique phrase suffit
pour comprendre que nous sommes en présence d'un texte différent.
Nous pouvons lire :
Vrac de répliques pour construction
scénique.
Cette didascalie convoque directement quelqu'un : le
metteur en scène. C'est lui qui est le concepteur de la construction
scénique. Nous comprenons ainsi que par Roméo et
Juliette...Assez, Martin Ambara interpelle l'auteur scénique
à repenser sa mise en scène. C'est pour cette raison qu'il lui
offre déjà un matériau original et différent qui le
bouscule et sème le trouble dans l'univers de son théâtre
tout entier.
III-7-) -Les personnages
Les personnages : sont une bonne trentaine : un
auteur, des comédiens, un homme et son chien, un perroquet, des bouches,
le spermato, les vingt-six lettres de l'alphabet, Roméo et Juliette. La
pièce étant une mise en abyme du théâtre, nous
pouvons présenter les personnages à la manière du
dramaturge :
« Les personnages sont réduits à
la valeur symbolique des actions qui se déploient dans la sphère
du théâtre et partant celle de la vie : les comédiens
pour ceux qui doivent jouer, les bouches qui disent le texte, le chien qui
incarne l'esclavage d'une libido inassouvie, le perroquet
répétiteur stupide, le spermato lui, figure l'origine du
désir et de la création, l'auteur ici est le quêteur d'une
histoire à écrire, les lettres de l'alphabet, toutes porteuses
d'une histoire et éventuellement d'histoires à combiner...et bien
sûr les personnages éponymes dont on retient l'obsession du
baiser. Le baiser comme une aspiration au plaisir, le baiser comme un cachet de
trahison. »82(*)
III-8-) -Entre réel et irréel
Lorsqu'on y regarde de très près, on finit par
comprendre, non sans peine que dans la pièce, nous avons affaire avec un
personnage unique : « l'auteur ». C'est dans sa
tête que tout se joue. Personne à part lui n'est réel. Tous
les autres sont le fruit de son imagination comme le témoigne cette
réplique :
Roméo : Il y a lui,
celui qui écrit.
Les personnages sont autant de direction ou de propositions
potentielles à explorer. Dans ce théâtre duquel il essaye
de créer, il se projette à tout moment sur ce qu'il pourrait
faire, mais qu'il ne fait pas. Roméo et Juliette...Assez, sonne
comme ce ras-le-bol de Martin Ambara de se laisser guider par les canons
qu'imposent un théâtre qui, non seulement vient d'ailleurs, mais
appartient à une autre époque. Sans se soustraire à cette
coutume qui lui est propre, il y a la marque de la mythologie. Cet extrait en
est la preuve :
Les vingt-six lettres de l'alphabet : Au
secours ! Au secours ! A moi ! Maman ! Un
Ptéranodonus paléonticus ! Une hydre ! Un
cerbère ! A moi hercule ! Un dragon noir crachant du
feu ! Mama mia ! Un golem ! A moi ! P.54
III-9-) -Le titre
Comme dans les deux précédentes pièces,
le titre nous plonge déjà dans la pensée de l'auteur. Il
peut être traduit comme le besoin existentiel de passer à autre
chose. Roméo et Juliette sont les héros de William Shakespeare
qui prennent vie dans un de ses textes célèbres du XVIIème
siècle. Pour Martin Ambara, il est temps de passer à autre chose.
Il se glisse dans la bouche d'un de ses personnages pour le manifester.
Roméo : Nous ne
sommes plus au dix-septième siècle.
Nous sommes à l'âge de la play-station,
du network, des croisements génétiques, du clonage. Regarde
autour de toi, lis dans ces livres... P.85
Roméo et Juliette...Assez ! s'inscrit
dans la même lancer, que Debout un pied de Sufo Sufo et de
À la guerre comme à la Game Boy de Edouard Elvis Bvouma,
comme cette écriture assez philosophique. Nous qualifierons ces
pièces de « greniers de questions » dont les
réponses seraient enfouies au plus profond de la réalité
de chaque individu. Il y a également ce jeu qui subsiste entre
rêve et réalité. La dimension psychologique ou spirituelle
dans la caractérisation des personnages prime.
Une étude des piècesDebout un pied,
puis de À la guerre comme à la Game Boy, et enfin de
Roméo et Juliette...Assez ! ; nous a permis de voir
de façon pratique la force et la particularité d'une des
tendances de la dramaturgie camerounaise actuelle. Les auteurs dramatiques ont
chacun une spécificité qui apporte une touche particulière
à son écriture.
SECTION II : OUTILS DE VALORISATION DES ECRITURES
DRAMATIQUES CAMEROUNAISES CONTEMPORAINES ET DE LEURS AUTEURS
La section précédente a permis
d'apprécier le savoir-faire des auteurs dramatiques de la nouvelle
vague. Nous avons ainsi attesté la qualité et
l'originalité de leur plume. Grâce à cette nouvelle
génération d'auteurs dramatiques le théâtre
camerounais fait le tour du monde. Pourtant, malgré cet état des
choses, leur ouvrage ainsi que leur approche esthétique sont à
peine connus de la société camerounaise. Il subsiste un
énorme paradoxe : Le théâtre camerounais se distingue
dans le monde pendant qu'au pays on crie encore et toujours à sa crise.
De plus, en dehors du milieu très « enclavé »
du théâtre, les oeuvres n'existent nulle part. Comment expliquer
que le théâtre soit étudié dans les lycées,
dans les facultés, les instituts et les écoles d'Art du Cameroun
mais que les visages et les travaux de ces valeureux représentants du
Cameroun en matière de théâtre soient totalement
absents ? Selon Anne Ubersfeld, comme nous l'avons déjà fait
savoir, « Le théâtre n'accède à
l'existence que joué ». Il revient de se demander :
Comment donner vie à ces auteurs s'ils ne sont pas joués, donc
préalablement lus ? Jacques Raymond Fofié83(*), concernant les
générations passées, parlait déjà de cette
écriture camerounaise qui brillait en Afrique. La nouvelle
génération d'auteurs a permis au Cameroun de figurer en
tête ces dernières années au vue du Palmarès, de la
constance et de la quantité. Cette recherche voudrait démontrer
que ces écritures peuvent donner de nouveaux moyens pour revitaliser le
théâtre camerounais. S'étant hissées à un
niveau élevé, elles peuvent faire rêver et inspirer plus
d'un à vouloir se lancer dans cet univers du théâtre jadis
prisé par les camerounais.
Les auteurs dramatiques camerounais de la nouvelle vague sont
installés et investissent dans leur vie au Cameroun. Ils se sont fait
remarquer par des projets créés par des camerounais dans leur
propre pays. Toutes ces spécificités devraient être
exploitées pour redorer le blason du théâtre camerounais
aux yeux de sa société. C'est là, la raison de cette
seconde section. Ce travail commencera par faire ressortir quelques
chiffres qui permettront, à la communauté scientifique et au
public camerounais, de se faire une idée de la place qu'occupent ces
écritures plurielles dans l'univers francophone. Après cette vue
panoramique, cette recherche tentera de proposer quelques approches qui
pourraient donner au théâtre le moyen de redevenir un Art
compétitif dans une société où, plus que la
qualité ; la visibilité et la popularité sont les
armes qui garantissent la survie de l'artiste et de ce fait de son Art.
A-STATISTIQUES
Pour cette rubrique nous avons sélectionné les
prix d'écriture dramatique francophone majeurs de par leur prestige et
leur constance.
I-1-) -Le Prix RFI théâtre
Nous commencerons par l'un des plus prestigieux prix
d'écritures théâtrales francophone : Le Prix RFI
théâtre. Il récompense un dramaturge pour les
qualités littéraire et dramaturgique, pour l'originalité
de sa pièce. Le jury est composé d'auteurs, de comédiens,
de directeurs de festival, de metteurs en scène, d'éditeurs. Ce
prix encourage et soutient la création contemporaine francophone. Il
promeut la richesse des écritures francophones du Sud mais
également les auteurs au travers d'un soutien professionnel et
médiatique à travers une dotation financière avec le
concours de ses différents partenaires (SACD)84(*). L'auteur lauréat du
prix se voit offrir, des résidences d'écriture, une
résidence de travail au plateau, des lectures publiques, une promotion
du texte et une mise en onde sur les antennes de RFI.85(*) Le prix RFI
théâtre existe depuis 2014.
- En 2014, présidé par Alain Mabanckou86(*) le jury ne retiendra qu'une
seule pièce venue du Cameroun : Croisement sur l'echelle de
Richter de Sufo sufo. Cette édition sera remportée par le
congolais Julien Mabiala Bissila. Cette année-là, il n'y avait
que sept finalistes.
-En 2015, le Président du jury est Koffi
Kwahulé87(*). Sur
216 candidatures venant de 24 pays d'Afrique, 12 pièces sont retenues
dont trois camerounaises. Il est néanmoins remporté par la
libanaise Hala Moughanie pour son texte Tais-toi et creuse. Les
camerounais nominés sont :
-Sufo Sufo, De la mémoire des errants
-Edouard Elvis Bvouma, A la guerre comme à la Game
Boy
-Constantin Kouam Tawa, Sita
- En 2016 : il est remporté par le Guinéen
Hakim Bah pour son texte Convulsions. Ce sont 220 textes de 20 pays
qui feront office de candidature, douze retiennent l'attention du jury
présidé cette année par Laurent Gaudé. Mais le
Cameroun brille par ses auteurs. Il s'agira de :
-Martin Ambara, Apocalypse qui ?
-Sufo Sufo, Haute cour 6600
-Nicaise Magloire Wegang, Qu'il en soit ainsi
-Constantin Kouam Tawa, Nuit de veille
- En 2017 : Le comité de sélection
présidé par Dany Laferrière a reçu 172 candidatures
venues de 23 pays d'Afrique, de l'Océan Indien, des Caraïbes, du
proche et Moyen-Orient. Le jury sélectionnera treize textes
inédits. Cette édition est remportée par le camerounais
Edouard Elvis Bvouma pour son texte La poupée barbue. Sont
nominés :
-Edouard Elvis Bvouma, La poupée Barbue
-Sufo Sufo, Debout un pied
-Constantin Kouam Tawa, Mille et une femmes
-En 2018 : Ce sont 168 textes pour 19 pays. Le
comité de sélection présidée par la
comédienne Firmine Richard retient douze textes pour cette
cinquième édition. Elle est remportée par le
béninois Sedjro Giovanni Houansou pour Les innamovibles.Sont
nominés :
-Sufo Sufo, De la fabrication de l'homme
-kouam Tawa, Et caetere
-Vhan Olsen Dombo, La chose de l'autre
Tableau récapitulatif
ANNEES
|
PIECES FINALISTES
|
PIECES CAMEROUNAISES
|
2014
|
07
|
01
|
2015
|
12
|
03
|
2016
|
12
|
04
|
2017
|
13
|
03
|
2018
|
12
|
03
|
TOTAL
|
56
|
14
|
Grace à ce tableau nous pouvons faire un rapport clair
pour définir le pourcentage des pièces camerounaises qui sont
nominées depuis la création du Prix de Théâtre
RFI.
(14x100)/ 56 = 25%. En d'autres termes, depuis la
création du Prix de Théâtre RFI en 2014, un quart des
pièces sélectionnées sont d'auteurs camerounais.
I-2-) -Le Prix des inédits d'Afrique et
Outremer
C'est un prix lycéens de littérature dramatique
francophone qui existe depuis 2013. Le principe est simple. Après un
appel à textes de pièces inédites, trois sont
sélectionnées par un comité et proposées aux
lycéens de différents établissements. Ces derniers ont la
charge de choisir une pièce lauréate. Cette distinction aboutit
à une publication du texte lauréat chez Lansman et à une
résidence de son auteur en France.
-En 2013 : C'est une édition qui ne connaitra la
participation d'aucun auteur camerounais, en tout cas aucun texte camerounais
n'est sélectionné. Faustin Keoua Leturmy en sera le
lauréat.
En 2014 : Le Lauréat est Paul Franscesconi pour
son texte Mon ami n'aime pas la pluie. Les deux autres nominés
sont Amed Hafdi avec Mirci la France et le camerounais Sufo Sufo avec
Maman on frappe chez la voisine.
-En 2015 : le camerounais Eric Delphin Kwegoue,
Question de terre ; David Minor Ilunga, La fille malade de
poisson pourri ; le guinéen Hakim Bah sera
récompensé pour sa pièce.
-En 2016 : Edouard Elvis Bvouma avec A la guerre
comme à la Game Boy raffle la récompense devant son
compatriote Sufo Sufo, De la mémoire des errants et Gaël
Octavia, Les vieilles.
-En 2017 le camerounais Eric Delphin Kwegoue est
lauréat avec son texte Igonshua ou jamais sans eux. Les autres
nominés sont : Sufo Sufo, Croisement sur l'Echelle de
Richter et Kokouvi Dzifa Galley pour Requiem.
-En 2018 nominés : Sufo Sufo Debout un pied,
AFI Gbegbi, Soeurs d'ange, Sedjro Giovanni Houansou, La rue bleue.
AFI Gbegbi sera récompensée pour Soeurs d'ange.
-2019 nominés : En route de Amadou Bouna
Guazong est le texte lauréat, Babillages de Sarah Hatem du
Liban ; Le mur de Fatou Sy Côte d'Ivoire.
En sept ans se sont vingt et une pièces
nominées :
ANNEES
|
TEXTES NOMINES
|
PIECES CAMEROUNAISES
|
2013
|
3
|
0
|
2014
|
3
|
1
|
2015
|
3
|
1
|
2016
|
3
|
2
|
2017
|
3
|
2
|
2018
|
3
|
1
|
2019
|
3
|
1
|
TOTAL
|
21
|
8
|
Nous avons depuis la création de ce prix huit
pièces camerounaises sélectionnées dans toutes l'Afrique
francophone y compris les territoires d'Outremer soit 38%.
I-3-) -Le Prix SACD de la dramaturgie française
Il existe depuis 2001 une initiative de la
Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) et du
festival des francophonies en Limousin. Il récompense un auteur
d'expression française parmi une sélection de textes
proposés par la maison des auteurs de Limoge. Nous ne donnerons pas ici
tous les lauréats des dix-sept années d'existence de ce prix,
néanmoins nous nous fierons au site internet du Prix SACD pour donner
ici les nations des récipiendaires depuis son existence. En dix-huit
années, vingt-deux prix ont été attribués car la
SACD a décidé de récompenser deux auteurs distincts pour
leur oeuvre respective en 2016, 2005, 2004 et 2001. Deux pays d'Afrique noire
ce sont fait remarquer. Il s'agit du Togo grâce à Gustave Akakpo
et du Cameroun par trois de ses dramaturges :
- En 2005 Marcel Zang, L'Exilé
-2015 Edouard Elvis Bvouma, A la guerre comme à la
Gameboy
-2017 Sufo Sufo, Debout un pied
Pays
|
Nombre de recompenses
|
Canada(Quebec)
|
07
|
Cameroun
|
03
|
France
|
03
|
Belgique
|
02
|
Haïti
|
01
|
Iran
|
01
|
Maroc
|
01
|
Suisse
|
01
|
Syrie
|
01
|
Togo
|
01
|
Tunisie
|
01
|
TOTAL
|
22
|
Ici le rapport est de 13%.
Nous allons noter une particularité à ce prix :
il prend en compte tous les auteurs francophones du monde entier. Les deux
premiers prenaient en compte uniquement l'Afrique francophone pour RFI et
l'Afrique francophone et les territoires d'outremer pour le second.
I-4-) -L'Univers des mots
La Biennale théâtrale créée en
2012 par la compagnie La Muse88(*), en République de Guinée initie la
biennale d'écriture francophone Univers des Mots. Trois jeunes auteurs
africains choisis après un appel à projets d'écriture
dramatique d'Afrique francophone sont réunis à Conakry pour une
résidence. Les projets sont appelés à devenir des textes
pour le théâtre. Pour y parvenir, les auteurs écrivent et
confrontent leurs écritures au plateau. Dans cette tâche, ils sont
accompagnés par des acteurs et par deux metteurs en scène ;
un du Sud et l'autre du Nord. Au terme du temps imparti les textes sont soumis
à un jury de professionnels de théâtre qui choisi un texte
lauréat de l'édition.
-En 2012 : Un péché si mignon
d'Edouard Elvis Bvouma est le texte Lauréat malgré les deux
textes guinéens dont celui du très talentueux Hakim Bah89(*) et de
Méhindé.
-En 2014 : Sufo Sufo, De la mémoire des
errants.
-En 2016 : Marcelle Sandrine Bengono dit Mesima, Le
parfum du Souvenir.
-En 2018 : Hermine Yollo, M 119 autopsie.
Jusqu'à nos jours toutes les éditions
ont été remportés par des camerounais. C'est une autre
preuve que l'écriture dramatique camerounaise contemporaine est l'une
des meilleures d'Afrique francophone.
I-5-) -Les grands Prix Afrique du théâtre
francophone
Créés en 2008, ils sont ouverts aux femmes et
hommes de théâtre de toute l'Afrique et de sa diaspora qui en
acceptent les modalités. C'est une compétition qui met en jeu
tous les domaines et toutes les disciplines liés au
théâtre. Ce sont plusieurs jours d'échange sur le
développement culturel en Afrique francophone, placés sous le
haut parrainage d'une personnalité émérite et
déterminée à la promotion culturelle en Afrique. Ils sont
clôturés par une soirée de gala au cours de laquelle le
prix est remis en présence des nominés, des personnalités
et de la presse. C'est une récompense annuelle Organisée par le
CBEOA90(*)Association,
dans une capitale africaine différente chaque année. Les Grands
prix Afrique du théâtre francophone valent à leurs
récipiendaires une reconnaissance et une promotion internationale
soutenue.
-En 2008 le camerounais Edouard Elvis Bvouma sera
récompensé par ce prix dans la catégorie meilleur auteur
avec Les Martyrans. Cette même année, il est
également nominé dans la catégorie meilleur
théâtre de sensibilisation avec Pour la mort et pour le
pire.
-En 2009 la camerounaise Nicaise Magloire Wegang
reçoit le Prix spécial du jury, avec sa pièce Qu'il en
soit ainsi.
B- PERSPECTIVES DE VALORISATION
Cela ne fait aucun doute, l'écriture dramatique
camerounaise francophone se distingue des autres. La qualité et la
richesse de cette dramaturgie devrait être connue par les camerounais,
d'où l'urgence de la valoriser. Dans une société où
le texte dramatique demeure en général le départ de toute
création scénique, valoriser ce matériau qu'il constitue
devient pressant. Pour y parvenir, il ne sera pas seulement question
d'énumérer des théories, mais de proposer des solutions
concrètes qui ont fait leur preuve dans d'autres sociétés.
Bernard Mbassi91(*), lors
du colloque de 1987 du Palais des Congrès de Yaoundé,
présentait déjà certains axes à prendre en compte
pour revitaliser le théâtre camerounais en général
(1998 : 119-124). Malheureusement l'arrivée du théâtre
de subvention des années 90 qui va achever de déconnecter le
théâtre de ses « lecteurs », ne permettra
pas d'éprouver les propositions par lui énoncées.
Nous partirons de propositions générales pour
la revitalisation du théâtre camerounais avant de toucher le point
particulier de l'écriture. Il sera question dans un premier temps
d'apporter des solutions génériques, puis de trouver des outils
spécifiques à l'écriture dramatique.
I-) -propositions d'outils de valorisation
génériques
I-1-) -Introduction du théâtre dans les
écoles en tant qu'Art
Dans Regards historiques et critiques sur le
théâtre camerounais Fofié
déclare :« On gagnera davantage du public en gagnant
la jeunesse. Gagner la jeunesse en leur Donnant une grande compréhension
de l'art dramatique » (2011 : 61). Il s'agit
d'éduquer les jeunes. Les écoles ont leur partition à
jouer dans la valorisation des écritures dramatiques. A l'air de la
modernisation, elles sont la principale voient de transmission et
d'éducation. Elles pourraient former les jeunes à la culture
théâtrale. Certes, il existe une section des Arts du spectacle
à l'université de Yaoundé I et une filière
théâtrale dans les écoles des beaux-arts de Nkongsamba et
Foumban ; mais cela ne sert pas à donner une culture artistique
à la population mais plutôt à former des
spécialistes du domaine qui ensuite auront à leur tour besoin
d'un public. Il serait judicieux que l'école dès la maternelle
permette aux enfants et aux jeunes d'explorer le théâtre sous sa
dimension artistique et pas juste comme une discipline littéraire. Pour
rendre plus concret la culture théâtrale, il faut que les
élèves aillent au théâtre.
En République de Guinée par exemple, il existe
un concept que l'on appelle « les scolaires »92(*). Ce sont des
représentations théâtrales qui sont faites en
avant-première à l'intention des journalistes et des
élèves. Elles sont gratuites car subventionnées par des
mécènes. A chaque fois qu'il y a un nouveau spectacle, des
bénévoles collectes de l'argent auprès d'entreprises ou de
particuliers pour que des élèves d'un lycée puissent
assister au spectacle. Ils participent alors à la représentation
et peuvent poser des questions sur tous les aspects de la création au
même titre que la presse présente. Ainsi les enfants grandissent
en une culture théâtrale.Ce savoir-faire peut être
contextualisé pour le Cameroun et porter du fruit comme à
Conakry.
I-2-) -Éduquer la jeunesse aux métiers du
théâtre
Il faut amener les jeunes à trouver dans le
théâtre une solution au chômage. Les métiers du
théâtre sont nombreux et ne se limitent pas juste à la dite
discipline. Au Cameroun, le champ théâtral offre une multitude
d'options qu'il reste encore à découvrir. La plupart de ces
métiers sont ouverts au monde et ne se limitent pas seulement à
l'art théâtral. Bien organisé, le théâtre peut
se révéler être une véritable industrie au sein de
laquelle se déploierait une panoplie de professions artistiques et
techniques (metteur en scène, comédiens, décorateurs,
scénographes, créateurs son ou lumière, régisseurs,
costumiers, maquilleurs).
Pour gagner du public, il faut que le théâtre
intéresse les jeunes. Plusieurs d'entre eux se lancent aujourd'hui dans
le cinéma parce que la culture cinématographique grandit dans
l'imagerie populaire. Pourtant les meilleurs acteurs, les meilleurs directeurs
d'acteurs viennent souvent du théâtre. Nous pouvons citer
l'exemple de Broadway qui est un Théâtre de
référence aux Etats Unis et par lequel passent les plus grands
acteurs d'Hollywood à l'instar Denzel Washington93(*). Le théâtre est
un art pluriel qui offre de grandes possibilités.
Si la jeunesse adopte le théâtre, le rôle
des pouvoirs publics serait juste d'apporter une valeur ajoutée à
une discipline qui se porte déjà bien. Au Cameroun, le
théâtre n'est pas le seul art à ne pas avoir de politique
culturelle. D'autres arts en l'instar de la musique souffre de la même
gangrène. Pourtant, il y a chaque jour de plus en plus de jeunes gens
qui rêvent de faire carrière dans la musique.
Il existe, au Cameroun, lors de grands salon de l'emploi, des
foires aux métiers, il serait positif que le théâtre
s'invite à ses expositions pour qu'on le découvre en tant que
métier comme on le fait déjà pour le cinéma.
I-3-) -Le théâtre comme
nécessité sociale
A ce niveau, il y a des notions qu'il faut mettre en relief.
La première, celle de la thématique traitée dans les
pièces qui doivent avoir un lien avec la société. La
seconde est celle de l'importance du théâtre dans la
société contemporaine. Les deux notions sont liées et vont
de paires. Plus les thèmes évoqués dans les oeuvres
théâtrales sont liés à la société,
plus elles peuvent intéresser et décider la population à
aller voir une représentation. L'étude des pièces de
théâtre faite plus tôt prouve que le théâtre
contemporain camerounais, du point de vue de la dramaturgie, est ancré
dans sa société. Il y a un engagement socio-politique qui se
dégage de l'écriture des auteurs. Pour que vive le
théâtre, il doit être davantage perçu sous l'angle de
la nécessité sociale et non comme une entreprise qui
nécessite juste du matériel. Il faut arrimer le
théâtre à sa société pour que cette
dernière s'y intéresse. De plus, il faut vendre les praticiens du
théâtre aux yeux de la population pour qu'ils soient
respectés.
II-) -Propositions d'outils de valorisation
spécifiques à l'écriture dramatique
Pour que le théâtre vive et se répande,
il faut en faire la promotion. De même chaque discipline constitutive de
l'art théâtral doit être promue pour trouver de
l'intérêt aux yeux de plus en plus de monde. Il est donc
impératif de faire vivre l'écriture des auteurs dramatiques
camerounais contemporains. Pour être connues, ces écritures
doivent être entendues et vues. En ce qui concerne la
représentation scénique des textes, il y a la mise en
scène. Elle nécessite parfois des moyens coûteux pour
prendre corps et un long processus de création. En plus des moyens
financiers, il faut la connaissance professionnelle. En effet, n'est pas
metteur en scène qui veut. Pour faire connaitre une pièce de
théâtre et lui donner une portée plus grande, le texte peut
aussi être entendu.
II-1-) -Introduire les pièces contemporaines dans
le programme scolaire
Nous pensons que les pièces de théâtre
doivent être réparties en deux répertoires distincts :
classique et contemporain. Le répertoire classique servirait, non
seulement, à contribuer à la conservation du patrimoine des
textes dramatiques mais d'en connaitre en même temps l'histoire. En
étudiant des pièces classiques, le grand public est
renseigné sur l'histoire de l'écriture. Nous pourrons juger son
évolution et ses mutations. En plus, il y en a qui pourrait user
d'originalité pour mettre les classiques au goût du jour en
passant par une réécriture dramatique ou scénique.
Introduire des pièces contemporaines permet à
l'élève ou l'étudiant d'évoluer avec son temps,
d'avoir une culture théâtrale compétitive et être au
parfum de ce qui se fait, être outillé au cas où il
voudrait se lancer dans la pratique.
II-2) -L'introduction de master class
Un master class est un cours d'interprétation
donné à un étudiant ou un cours d'interprétation et
de partage d'expérience donné à un jeune professionnel par
un expert d'une discipline. A l'origine, c'est une classe de musique
donnée par un maître, un artiste reconnu.
Dans le cadre de l'écriture dramatique, il serait
judicieux que l'étude d'une pièce de théâtre soit
également faite avec un professionnel. En étudiant les textes
constituant notre corpus en début de cette troisième partie, nous
avons pu constater une belle différence entre la littérature et
l'écriture théâtrale. Les canons de la littérature
sont déconstruits au profit d'une liberté qui prend sens dans
l'univers théâtral. Un professionnel expliquerait mieux comment
l'auteur use de la littérature pour créer l'artistique. Il
enseignerait le théâtre sous l'une de ses plus belles couleurs :
l'art.
II-3-) -Edition et circulation des pièces
« Le véritable problème de
l'émergence des jeunes dramaturges camerounais demeure celui de
l'édition. La représentation ne suffit pas à se faire
connaitre véritablement comme dramaturge. Certains manuscrits de
très bonne qualité ne sont pas publiés...Vivement que ce
problème d'édition soit pris au sérieux au
Cameroun. »94(*)(2011 : 211).
Jacques Raymond Fofié voyait déjà en
l'édition un véritable problème de l'émergence des
jeunes dramaturges camerounais. La grande majorité des textes ne sont
pas édités ou le sont par des maisons d'éditions
étrangères ou de manière artisanale. Cet état des
choses a pour conséquence la rareté des pièces, ce qui
explique pourquoi les nouveaux dramaturges sont très peu ou pas du tout
connus. Il est urgent d'éditer les pièces des auteurs
contemporains. Les introduire dans les programmes scolaires serait un
début de solution. Dans les établissements scolaires du Cameroun,
des pièces de théâtre sont au programme dès la
classe de quatrième. Introduites dans le système éducatif,
les pièces seraient une aubaine pour un éditeur car elles devront
être produites en grande quantité pour les lycées et
collèges et même les écoles supérieures.
L'éditeur voulant réaliser du profit, il investit davantage dans
la production d'ouvrages dont la demande est importante.
Les praticiens du théâtre essayent de palier au
problème de la rareté des pièces de théâtre
en utilisant ce qu'ils appellent « la circulation des
textes ». C'est un processus qui consiste à faire circuler les
tapuscrits au travers des comités de lecture, mais également
entre metteurs en scène, comédiens. C'est ainsi que les oeuvres
des auteurs dramatiques survivent malgré l'environnement difficile dans
lequel elles voient le jour. Il serait donc intéressant de mettre sur
pied des comités de lecture.
II-4) -Les mises en voix et les lectures spectacles
II-4-1) -Les mises en voix
Lire une pièce c'est le point de départ. Les
metteurs en scène choisissent des textes qui leur parlent. Les futurs
auteurs s'inspirent de textes qui les touchent. Pour qu'un texte dramatique
parle ou touche, il faut qu'il soit mis en voix, donc entendu. Il existe
plusieurs moyens de faire entendre le texte :
-Les lectures publiques : Une lecture marquante
influence la pensée et l'écriture. Elle permet d'entendre les
mots et de leur donner vie. Elle peut être faite par l'auteur
lui-même ou par un comédien professionnel ou n'importe quel
lecteur. Elle se fait à voix haute devant un public et se définit
par trois opérations principales :
-une opération de lecture visuelle silencieuse :
je lis, je comprends,
-une opération de diction : je lis ce que j'ai lu
et compris,
-une opération de rétroaction : je prends
en compte l'effet de ma diction sur celui qui écoute.
A la différence, de la lecture orale, les signes
écrits sont transformés en sons à partir desquels le
lecteur construit le sens. Le lecteur se rend auditeur du message écrit.
Ainsi « l'oralisation » précède et
permet la compréhension (je vois, je prononce,
j'écoute).95(*)
Au Cameroun, les lectures publiques ont lieu dans de nombreux
cas seulement lors des restitutions d'ateliers d'écriture. Ce n'est pas
suffisant car à ces moments les textes ne sont pas aboutis. Eduquer la
société pourrait aussi passer par l'écoute de
pièces théâtrales.
II-4-2-) -Les lectures spectacles
C'est le lieu pour un lecteur potentiel de donner vie
à un texte à travers une mise en scène imaginaire que l'on
devine grâce à l'intonation de la voix. Le texte est lu et non
appris. Mais il y a pourtant des performances qui accordent comme dans le
théâtre une grande importance à la gestion de l'espace, du
corps, des regards et de la voix. C'est une pratique de plus en plus
fréquente sous d'autres cieux. Néanmoins cette pratique arrive
timidement dans le théâtre camerounais. Le dix octobre 2018, dans
le cadre du Goethe-découverte, le public assiste à une lecture
spectacle du texte Le précieux présent de la petite
reine de Juvénil Assomo96(*). C'est un texte à une voix portée par
une jeune comédienne accompagnée au piano par l'auteur
lui-même.97(*)
La lecture spectacle permet non seulement de redonner la
primauté au texte à travers la voix d'un comédien. Cette
forme propose au public un théâtre de la pensée où
on invite le spectateur à se créer son propre univers mental. Cet
univers est complété par la performance de la lecture.
Cette approche permet de mettre en avant le texte grâce
à la voix sachant que l'univers scénique est épuré.
Elle offre également une plate-forme d'échange entre auteur et
public autour du texte. Plus que l'édition, cette méthode permet
de faire connaitre les pièces mais également leurs auteurs. Elle
mérite donc d'être davantage explorée. De plus un festival
de lecture est plus accessible qu'un festival de théâtre du point
de vue du coût de production. Au Québec, à Montréal
et en France, il existe le Festival « Le Jamais Lu » depuis
2011. Sur le site internet du festival nous pouvons lire :
« Le Jamais Lu a pour mission de créer
un lien fort entre le public et les auteurs d'aujourd'hui. Il offre aux
dramaturges, particulièrement ceux de la relève, des tribunes
originales, engagées et festives. Le Jamais Lu oeuvre au
développement de la dramaturgie québécoise, canadienne et
internationale ».98(*)
Les auteurs sortent de l'anonymat et l'écriture
devient une activité artistique à part entière et
festive. Nous pensons que cet exemple pourrait s'appliquer au
Cameroun. Ainsi le métier de dramaturge aurait une nouvelle
portée et pourrait intéresser un peu plus les jeunes. Ils ne se
limiteront pas seulement à la lecture, mais ils pourront à leur
tour prendre la parole par l'écriture. Il faudrait penser
également au concours d'écriture pour stimuler les jeunes
à l'écriture.
CONCLUSION DU CHAPITRE
Ce sont trois auteurs et donc trois esthétiques
différentes qu'il nous a été donné de
découvrir. Bien qu'elles aient des points communs lorsque l'on les
regarde dans l'ensemble, prise au cas par cas, chaque écriture a sa
couleur. Chaque auteur parle une langue qui lui est propre. Comme les
précurseurs du mouvement à l'origine de cette forme nouvelle, les
auteurs crient leur liberté. Les pièces sont de véritables
oeuvres d'art car elles sont comparables à des toiles. Les artistes
peignent une toile qui reflète un invisible qu'ils amènent
à l'existence. Pour cela chacun invente la langue dans laquelle il
pourra faire passer son message le mieux possible. Pour Edouard Elvis Bvouma,
il faut se faire comprendre par sa société sans être
catalogué, mais aussi conquérir le monde. C'est pourquoi il
choisit un thème d'ici et d'ailleurs dans une langue créée
mais qui est perçue de tous. Pour Sufo Sufo il faut amener à
penser, un personnage omniscient posent les questions et laisse à chacun
le soin de donner son avis. Martin Ambara quand à lui au-delà de
l'avant-garde dont fait déjà preuve l'écriture
contemporaine, réinterroge encore et remet en question par son texte qui
fait la mise en abyme du théâtre. Ce voyage au sein des oeuvres
permet d'affirmer que : « Jusqu'alors les auteurs
dramatiques produisaient des textes qui, tout en visant à être
représentés, se devaient d'accéder à une existence
autonome en tant qu'objets littéraires. Maintenant, ils fournissent aux
metteurs en scène des textes s'apparentant au livret et au
scénario. »99(*)
Le nouvel auteur est donc polyvalent et interdisciplinaire.
Les différents angles de traitement témoignent non seulement de
l'originalité mais également de la grande richesse de la plume
des auteurs dramatiques contemporains. D'où le besoin de les promouvoir
en les faisant découvrir par des lectures, en les intégrant au
programmes des écoles, en les mettant en scène etc. Ce
troisième chapitre soutenait l'hypothèse selon laquelle la
valorisation du savoir-faire de ces auteurs dramatiques camerounais de la
nouvelle vague, passe par une étude de quelques oeuvres
représentatives. Ce travail de recherche autour de ces auteurs a
suscité en nous un besoin de faire l'expérience de
l'écriture dramatique.
CAS PRATIQUE : LE PARFUM DU
SOUVENIR
Les trois premiers chapitres qui constituent cette recherche
nous ont permis de comprendre l'urgence d'actualiser le répertoire
dramatique, puis de découvrir les auteurs camerounais contemporains au
travers de fiches signalétiques, et enfin de valoriser leur
savoir-faire. Immergéedans ces univers, tous très riches, et
instruite des motifs qui poussent les uns et les autres à
l'écriture, il nous a semblé intéressant d'arpenter ce
chemin à notre tour. L'écriture dramatique contemporaine,
d'après les entretiens et les interviews des auteurs, nait
généralement d'un vide que l'on souhaiterait remplir. La seule
condition étant le besoin de « dire ».
Ayant chacun notre vide et le besoin profond de se faire entendre, quoi de
mieux que de donner vie à ce fantasme au travers d'un ou de plusieurs
personnages. Pour davantage comprendre le processus de création moderne
des textes, nous avons commencé par monter un projet d'écriture.
Ensuite nous l'avons envoyé comme réponse à un appel
à candidature de la Biennale d'écriture de l'Univers des Mots
à Conakry. Il fut sélectionné parmi les trois projets
finalistes qui bénéficièrent d'une résidence
d'auteurs avec coaching du 03 mars au 07 mai 2016. Pendant notre séjour
nous avons écrit et réécrit, éprouvé le
texte au plateau au travers de la bouche des comédiens. Nous avons fait
des lectures d'extraits dans des lycées100(*) de la capitale
guinéenne et échangé avec les élèves autour
du texte. Le coaching était assuré par deux metteurs en
scène : le guinéen Soulay Thianguel Bah et le
français Patrick Azam101(*). Les comédiens étaient ceux de la
compagnie La Muse, de Guinée. Au terme de la phase d'écriture,
les textes ont été soumis à un jury composé de
: Sansy Kaba Diakité, Directeur de l'Harmattan Guinée ;
Daniel Couriol, Directeur général du Centre Culturel
Franco-guinéen ; Rouguiatou Camara comédienne-metteure en
scène guinéenne ; Aïcha Deen Directrice du
Théâtre National de Guinée.
Le texte Le parfum du souvenir que nous avons
écrit a été choisi comme texte lauréat102(*)de la troisième
édition de l'Univers des Mots. C'est donc ce texte qui nous a permis de
passer de la théorie à la pratique de l'écriture
théâtrale contemporaine, et qui contribue à sa
valorisation, que nous vous proposons de découvrir en guise de cas
pratique.
Conclusion
Ce texte organisé en quatre tableaux, nous a permis de
passer de la théorie à la pratique de l'écriture
dramatique contemporaine. Il est le résultat d'une résidence
d'écriture de l'Univers des Mots 2016 en Guinée Conakry. Cette
pièce est également lauréate de cette troisième
édition. Elle a été sélectionnée au Togo par
le comité de lecture Escale des Ecritures et lu à cet effet le 26
novembre 2016 au siège du comité. Ce texte a été
mis en scène103(*) par la Compagnie La Muse et joué au Centre
Culturel Franco Guinéen de Conakry les 29 et 30 juin2017 lors du
festival Univers des mots en Guinée Conakry. Il a également fait
l'objet d'une mise en espace le 08 septembre 2017 par la Compagnie Artistique
le Carrefour à Lomé (Agoé) au Togo. Le parfum du
souvenir continue de faire son bout de chemin. Cette expérience a
été bénéfique et positive, ce qui nous motive
à continuer le parcours d'auteure dramatique qui s'ouvre à nous.
Echanger avec des jeunes autour de notre travail et voir en certains l'envie
d'arpenter ce même sentier de l'écriture dramatique contemporaine
est l'une des plus belles récompenses qui soit. Ce cas pratique est
également le lieu de promouvoir et de légitimer une
écriture camerounaise contemporaine jusqu'ici peu connue du public et de
la communauté scientifique.
NB : La pièce existe uniquement dans la version
papier du mémoire.
CONCLUSION GENERALE
Ce travail de recherche dont l'intitulé est
Ecriture dramatique camerounaise contemporaine : Visages,
palmarès, caractéristiques et outils de valorisation,
portait sur la mise en lumière de la nouvelle vague d'auteurs
dramatiques camerounais peu connue du public et de la communauté
scientifique. Parvenu au terme de cette étude, il convient à
présent de revenir sur les points essentiels qui ont guidé la
rédaction de ce mémoire jusqu'à son terme. Après ce
rappel, il sera question de vérifier les différentes
hypothèses énoncées. Puis, des conclusions seront
exposées, ainsi que les développements probables de cette
recherche pour le futur dans le but de l'approfondir ou d'aborder sous un angle
différent les sujets qui y sont évoqués.
I-) -Rappel des points essentiels
Cette étude a été motivée par le
désir de porter à la connaissance du public et de la
communauté scientifique des auteurs dramatiques camerounais qui
évoluaient jusqu'alors dans un certain anonymat. Au-delà de la
démarche inédite observée chez ces dramaturges, nous avons
pu témoigner de la qualité de leur plume au travers des
distinctions nombreuses engrangées. Passionnée de
théâtre, il nous est venu l'envie de participer à son
évolution par la production, à notre tour, une pièce de
théâtre. Pour se faire, nous avons élaboré une
problématique qui était fondée sur plusieurs points.
Le problème de cette recherche résidait dans la
légitimation insuffisante d'une des tendances de renouvellement de
l'écriture dramatique camerounaise contemporaine et par
conséquent de ses auteurs. La question que nous nous sommes posé
était : Au regard de la production théâtrale
camerounaise d'aujourd'hui, à bout de souffle, mettre en lumière
la nouvelle tendance dramaturgique camerounaise contemporaine pourrait-elle
apporter un souffle nouveau au théâtre camerounais? À
cette principale trois autres se sont greffées :
-La première : Pourquoi le besoin de renouveler
le répertoire dramatique du théâtre au Cameroun
s'impose-t-il ? Elle visait à démontrer l'urgence de mettre
à jour le répertoire dramatique. En effet le désir de
faire un théâtre qui nous ressemble, a plongé ce dernier
dans un repli identitaire qui a rendu le théâtre en retard sur le
temps et sa société.
-La seconde question : Qui sont les auteurs dramatiques
camerounais contemporains de la nouvelle vague ? Elle nous a conduits
à établir une fiche signalétique pour chaque auteur afin
de connaitre qui sont les nouveaux dramaturges camerounais qui écrivent
des pièces de théâtre qui tiennent compte du contexte
actuel qui est celui de la mondialisation.
-Enfin, Quelles sont les caractéristiques de cette
nouvelle tendance d'écriture dramatique et comment la
valoriser ? Cette troisième et dernière question nous a
amené à conclure que la valorisation du savoir-faire de ces
auteurs passe par la lecture des pièces et également par
l'application d'outils spécifiques.
Concernant le cadre géographique, il s'agissait du
Cameroun francophone. Nous avons tenu compte également des camerounais
de naissance. Le but étant de valoriser les dramaturges dont les oeuvres
se distinguent par leur qualité, leur originalité et dont la
conséquence est une distinction. Nous avons palé des
précurseurs : Marcel Zang et Kouam Tawa ; puis ceux de la
nouvelle génération, Martin Ambara, Edouard Elvis Bvouma, Sufo
Sufo, Eric Delphin Kwégoué et enfin les plus jeunes, Hermine
Yollo, Nicaise Magloire Wegang.
Le cadre théorique de cette recherche est
interdisciplinaire car composé d'idées provenant de
différents champs de connaissances. Ainsi comme base théorique de
ce travail de recherche, nous avons fait usage de la sémiologie
textuelle, de la théorie de la réception, de la dramaturgie et de
l'approche systémique.
Par ailleurs, la méthodologie s'est appuyée sur
l'observation des spectacles de théâtre ; les entretiens et
interviews d'auteurs, de metteurs en scène et de quelques
spectateurs ; la lecture de plusieurs pièces de
théâtre en particulier celles qui prennent en compte notre champ
d'intérêt ; de ressources documentaires provenant des
bibliothèques, des librairies et d'internet. Le corps de notre
étude a été constitué de trois chapitres et d'un
cas pratique.
Dans le premier chapitre intitulé Historique de
l'écriture dramatique camerounaise, nous avons porté un
regard historique sur l'écriture dramatique au Cameroun. Pour y parvenir
nous avons divisé le chapitre en deux sections. La première
donnait l'occasion de porter un regard panoramique sur l'écriture au
Cameroun, de ses débuts pendant la colonisation jusqu'au début
des années 2000. La seconde Section s'est attardée sur les
précurseurs de la dramaturgie que nous avons étudiée dans
cette recherche : Marcel Zang et Kouam Tawa.
Le second chapitre, Ecriture dramatique contemporaine
camerounaise : visages, palmarès et caractéristiques,
nous a permis d'aller à la rencontre des figures de proue de cette
écriture dramatique et de leur palmarès. Il a été
organisé en deux grandes parties. La première nous a fixé
sur l'origine de cette nouvelle tendance d'écriture et sur les mutations
ayant conduit jusqu'à elle. C'est ainsi que Werewere Liking, Koffi
Kwahulé... se retrouvent être à la base de ce mouvement
dès les années 1980 avec la recherche identitaire dans le
théâtre africain qui portait jusque-là les stigmates de la
colonisation. Elle a évoluée jusqu'au début des
années 2000. La seconde partie laissera découvrir les figures de
proue : Bvouma, Sufo, Ambara, mais également ceux qui
émergent. Au travers d'une présentation, leur parcours
jusqu'à l'écriture sera révélé. Un
palmarès de cette nouvelle écriture sera dressé pour
montrer son rayonnement en Afrique et dans le monde.
Le troisième chapitre, Etude de trois
pièces du répertoire dramatique contemporain camerounais et
outils de valorisation, est lui aussi constituer de deux sections. La
première fait le tour de trois pièces : Debout un
pied de Sufo Sufo, A la guerre comme à la Game Boy
d'Edouard Elvis Bvouma et Enfin Roméo et
Juliette...Assez ! de Martin Ambara. Elles ont constituées
l'échantillon qui nous a permisde révéler la
qualité et la richesse de cette écriture et par conséquent
l'urgence de trouver des outils pour qu'elle soit mise en valeur. C'est ce que
la seconde section de ce chapitre s'attelait à proposer.
Pour terminer, un cas pratique est présenté. Il
est la fusion des connaissances acquises durant notre formation en Arts du
spectacle de l'Université de Yaoundé I et de celles des
différents échanges et ateliers autour de la dramaturgie
camerounaise, qui nous ont permis d'élaborer ce travail. Le parfum
du souvenir est le produit d'une résidence d'écriture
dramatique de deux mois en Guinée Conakry. Cette pièce a
été Lauréate de la troisième édition de
l'Univers des mots.
Après cette revue des chapitres constituant cette
recherche, il convient à présent de vérifier les
hypothèses énoncées à son entame.
II-)- Vérification des hypothèses
Vérifier les hypothèses d'une recherche revient
à démontrer que les différentes propositions de
réponses formulées au début de cette étude sont
soient confirmées soit infirmées par les résultats
obtenus, et que par conséquent les objectifs visés par ce travail
ont été atteints. C'est pour cette raison que nous allons
examiner tour à tour nos trois hypothèses secondaires puisque la
principale en est la synthèse. Nous allons les examiner l'une
après l'autre :
- Hypothèse une : Le répertoire
camerounais connu jusqu'à nos jour présente des insuffisances. Le
chapitre un nous a permis de la vérifier. Nous y avons vu une
écriture qui a muté avec l'esprit de son temps et de sa
société. Pendant la colonisation elle était le reflet de
l'assimilation dictée par le colonisateur. Avec le vent des
indépendances cette vision s'est renforcée. Arrivent les
années 80 où la société revendique sa
véritable liberté, c'est le temps du repli identitaire. Survient
la mondialisation qui semble ne pas toucher l'écriture dramatique qui
continue à traiter les sujets uniquement sous le prisme camerounais.
L'hypothèse des insuffisances dans les textes est
vérifiée.
-Hypothèse deux : L'établissement d'une
fiche signalétique permet de découvrir les dramaturges
camerounais contemporains de la nouvelle vague. Le chapitre deux nous a permis
de nous rendre compte qu'il existe des auteurs dramatiques camerounais qui
proposent une écriture qui sied un peu plus au contexte camerounais.
C'est celui du camerounais d'ici qui est citoyen du monde à la fois. Les
présenter, citer leurs oeuvres, parler de leur parcours a donné
l'occasion de savoir qui ils sont, tout au moins sommairement. Cette seconde
hypothèse est vraie.
-Hypothèse trois : La valorisation du
savoir-faire de ces auteurs passe par une étude de quelques oeuvres
représentatives. Dans le troisième chapitre, une étude
d'un texte de chacune des figures de proue de ce mouvement a permis de nous
faire une idée plus concrète de cette écriture des auteurs
camerounais de la nouvelle vague. Cette opération est importante car il
est impossible de valoriser ce dont on n'a aucune idée. C'est tout
naturellement donc, que des outils de valorisation ont été
proposés. Notre dernière hypothèse est
justifiée.
Après avoir vérifié nos trois
hypothèses de recherche, nous pouvons conclure que la principale est
aussi confirmée. Le théâtre au Cameroun a besoin d'une
écriture dramatique camerounaise contemporaine qui tire sa substance de
sa société. Elle apporterait un plus à la création
théâtrale et un souffle nouveau. Il est évident qu'il faut
penser les écritures théâtrales pour la
société mais d'autres facteurs doivent également
être pris en compte pour revitaliser le théâtre au Cameroun.
Il faut éduquer les jeunes et leur donner une culture
théâtrale, car c'est eux qui constituent la relève. C'est
la jeunesse qui permet d'assurer l'intérim d'un secteur, donc il est
important que les outils de valorisation de l'écriture dramatique
tiennent compte d'elle en priorité. Malgré les difficultés
que cette écriture dramatique contemporaine camerounaise rencontre, nous
pensons que les différents objectifs de cette recherche ont
été atteints. Au vue de toutes les hypothèses qui viennent
d'être vérifiées malgré que les auteurs ne soient
pas nombreux, et qu'il faut encore tester les outils de valorisation sur le
long terme. Ce pan ouvre de nouvelles pistes de réflexion qui pourrait
inspirer de nouvelles études par d'autres chercheurs.
III-)- Perspectives de la recherche
Bien que le sujet de cette recherche soit l'écriture
dramatique camerounaise contemporaine, le choix de ce thème est
d'apporter une contribution à la revitalisation du théâtre
camerounais. Nous avons mis en lumière des auteurs dramatiques
contemporains, nous sommes allés à la rencontre de quelques
pièces, nous avons proposé des outils de valorisation et enfin
nous avons produit un texte à partir duquel nous pouvions appliquer les
éléments découverts tout au long du travail et des
échanges avec les auteurs. Mais affirmer que notre travail pourrait
à lui seul apporter le changement attendu et qu'il donnerait un nouveau
départ au théâtre au Cameroun serait prétentieux.
Beaucoup reste encore à faire :
Les praticiens de théâtre doivent travailler
pour que leur art plaide pour eux. Néanmoins, nous ne nions pas le
besoin de l'accompagnement de l'Etat pour une portée plus grande. Il
faudrait que le théâtre fasse ses preuves par lui-même. La
politique culturelle au Cameroun est encore inexistante. Et cettesituation ne
concerne pas que le théâtre, tous les secteurs artistiques sont
touchés. Pourtant il y a des disciplines telles que la musique qui
prennent de l'ampleur. Les artistes musiciens ont trouvé les voies et
moyens pour intéresser le public malgré l'adversité. C'est
pourquoi de plus en plus de jeunes rêvent de devenir musiciens. Parce que
la musique draine les foules, les sponsors investissent ainsi que les
mécènes. Nous pensons donc que les amoureux du
théâtre doivent à leur tour penser et multiplier des
actions qui pourraient faire grandir l'estime de leur art dans l'imagerie
populaire. C'est alors que l'apport des sponsors et mécènes,
ainsi que l'implication de l'Etat sera au rendez-vous et constituera une valeur
ajoutée. Il est plus facile pour un investisseur de s'intéresser
à un secteur qui semble porteur.
Écrire aujourd'hui, c'est aussi accepter que les mots
ne nous appartiennent plus du moment où d'autres s'en emparent, les
travaillent, les refaçonnent, les publient. Écrire aujourd'hui,
c'est jouer sur les limites des genres pour toujours continuer à
chercher comment s'écrit le théâtre d'aujourd'hui. Nous
pensons donc que les critiques devraient se mettre à jour pour mieux
apprécier la dramaturgie contemporaine.
Le renouvellement observé au niveau de
l'écriture dramatique doit aussi concerner la mise en scène. Les
textes des auteurs camerounais contemporains offrent une multitude de
possibilités. Mais l'écriture de la mise en scène doit
également être originale et tenir compte de la
société, ce qui n'est pas toujours le cas. Lorsqu'elle n'est pas
rétrograde, elle copie de plus en plus des esthétiques
occidentales sans tenir compte du contexte camerounais. Cet état des
choses rend souvent les représentations inintéressantes pour le
public. Les metteurs en scène, ou ceux qui mettent en lecture ou en
espace les textes, doivent user d'imagination pour proposer des mises en
scène originales, déchiffrables par le public camerounais et dans
le même temps ouverte au monde. Car les oeuvres artistiques ont d'autant
plus de poids lorsqu'elles arrivent à s'exporter.
Les puristes à leur tour doivent pouvoir repenser la
critique de l'art théâtral. En effet c'est souvent eux qui
écrivent les articles. Le problème c'est que les conventions du
théâtre ont changé, pourtant la critique et les
littéraires n'ont pas fait de mise à jour sur les clefs de
lecture du théâtre. La conséquence est qu'il donne ainsi
une image dévalorisante au théâtre. Nous pensons
également qu'en matière d'art, il faut des personnes
formées pour faire une bonne critique. Un auteur qui s'intéresse
aux mots et qui les enseigne ; peut les peindre ; peut les filmer, les
photographier, leur donner vie. L'écriture dramatique d'aujourd'hui est
un savant mélange de plusieurs disciplines artistiques, pas seulement
de la littérature. Il est donc important que ceux qui se prononcent sur
le texte de théâtre en soit conscients pour ne pas le desservir
comme c'est souvent le cas.
Enfin, il est important d'allier théorie et pratique.
Les étudiants des facultés et instituts des Arts ainsi que ceux
qui se forment « au pied du mur », c'est à dire qui
apprennent le métier au sein d'une compagnie, doivent collaborer. Les
premiers ont généralement la théorie et les seconds
connaissent les réalités du terrain. Les guerres froides entre
les deux groupes ne profitent à personne. Un artiste complet devrait
pouvoir parler de son théâtre et avoir en même temps du
métier. Il n'est donc pas question de se cantonner uniquement sur
l'académie ou sur la pratique du terrain. C'est le moment de partager
pour être complet.
En somme, plusieurs défis restent encore à
être relevés pour que le théâtre camerounais puisse
atteindre les objectifs dont l'univers théâtral rêve encore.
Pour que le théâtre devienne une nécessité sociale
et qu'il puisse contribuer efficacement à l'économie du Cameroun
tous les paramètres doivent être pris en compte. Cette recherche
sur l'écriture dramatique camerounaise contemporaine
révèle le besoin d'une praticienne de théâtre,
passionnée de textes dramatiques, de révéler le
métier de dramaturge comme une discipline artistique qui a besoin
d'être redécouverte par tous. Il reste encore beaucoup à
dire sur le sujet et nous espérons que d'autres après nous
continuerons à explorer ce champ passionnant.
BIBLIOGRAPHIE
CORPUS
-À corps perdu, Kouam Tawa
-A la Guerre Comme A la Game Boy, Edouard Elvis
Bvouma
-Debout un Pied, Sufo Sufo
-Igonshua ou jamais sans eux, Eric Delphin
Kwegoué
-La danse du pharaon, Marcel Zang
-La poupée barbue, Edouard Elvis Bvouma
-L'épique des héroïques, Martin
Ambara
-Les Martyrans, Edouard Elvis Bvouma
-Le Carrefour, Kossi Efoui
-M 119 autopsie, Hermine Yollo
-Pure vierge, Marcel Zang
-Qu'il en soit ainsi, Nicaise Magloire Wegang
-Roméo et Juliette Assez, Martin Ambara
-Singue Mura...considérant que la femme
Werewere Liking
-Tremblement sur l'échelle de Richter, Sufo
Sufo
OUVRAGES SPECIALISES
CHALAYE, Sylvie, 2011,
« Les Enfants terribles des Indépendance : théâtre
africain et identité contemporaine », L'Afrique noire et son
théâtre au tournant du siècle, coll. « Plurial
», Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
FOFIE, Jacques Raymond, 2011
Regards historiques et critiques sur le théâtre
Camerounais, l'Harmattan, Paris.
HELBO, André, 2007,
Le théâtre : texte ou spectacle vivant,
Paris-Klincksiek.
HELBO, André, 2006,
Signes du Spectacle des arts vivants aux médias, Presses
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HUBERT, Marie-Claude, 1988,
Le théâtre, Paris, Armand Colin.
IONESCO,
EugèneNotes et contre notes
JACQUOT, Jean,
Réalisme et Poésie au théâtre, Editions du
Centre National de la recherche scientifique, Paris, 1978.
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esthétique de la réception, 1966.
LAVANDIER Yves, La Dramaturgie,
les mécanismes du récit, Le Clown et l'Enfant, 1994.
LIKING, Werewere,
« Théâtre moderne d'Afrique noire : crever
aujourd'hui ou réinventer une naissance... »
MOUNIN, Georges, 1970,
Introduction à la Sémiologie, Editions Minuit.
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théâtre contemporain, Analyse des textes, de Sarraute
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sciences de la communication, Collect Repères, Edit La
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des Arts et Sciences Humaines. Normes de présentation des
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Editions, 2009.
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WEGANG, Nicaise Magloire,
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Larousse-Bordas, 1998.
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HUBERT, Marie Claude, Dictionnaire de critique littéraire.
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Le Grand Dictionnaire Encyclopédique
Larousse.
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PAVIS, Patrice, 1987,
Dictionnaire du théâtre, Paris, Messidor/ Ed.
Sociales.
SOURCES ORALES
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metteur en scène et auteur interviewé à son domicile de
Nkomo à Yaoundé le 16 septembre 2017.
SUFO SUFO, comédien, metteur en
scène et auteur interviewé à Nkol -Ndongo à
Yaoundé le 28 octobre 2018.
Martin AMBARA, comédien, metteur en
scène et auteur interviewé au Laboratoire de théâtre
Othni de Yaoundé le 04 janvier 2019.
Hermine YOLLO, comédienne, metteure en
scène et auteure interviewée à son domicile de Nsam
à Yaoundé le 22 décembre 2018.
Eric Delphin KWEGOUE, comédien,
metteur en scène et auteur entretient whatsap le 27 mai 2019.
Nicaise Magloire WEGANG, comédienne et
auteure, entretient whatsap le 26 mai 2019.
Wakeu FOGAING, comédien, metteur en
scène et auteur interviewé au quartier Bastos de passage
à Yaoundé le 21 août 2018.
Ousmanou SALI, comédien, metteur en
scène interviewé à son domicile de Bastos à
Yaoundé le 21 août 2018.
Bertrand BALEGUEL, comédien, metteur
en scène interviewé à son domicile de Nkoabang à
Yaoundé le 12 juin 2018.
WEBOGRAPHIE
http//www.africultures.com/php/
https://www.cairn.info/revue-poetique-2009-2-page-131.htm
https://www.memoireonline.com/03/17/9698/m_Esthetique-de-la-creation-theatrale-camerounaise-de-1990-a-20106.html
http://www.camerfeeling.fr.fo/dossiers/dossier.php?val=4017_jacobin+yarr
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Écriture_dramatique.
:
https://journals.openedition.org/recherchestravaux/335#bodyftn39
https://www.abc-citations.com/themes/ecriture/page/2/
https://m.youtube.com/watch?v=ua0Pb_56h8Y
(Meyerfalse
https://books.google.cm/books?id=crlxTJg8brEC&pg=PA124&lpg=PA124&dq=2005+theatre+camerounais&source=bl&ots=DCaLnE85m-&sig=yUgGSPJbnmDAXhqkjR3qulaGxQU&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjrmo_Zg5rfAhUEJhoKHdIzAKkQ6AEwCHoECAkQAQ#v=onepage&q=2005%20theatre%20camerounais&f=false
Virginie Soubrier, « Interview exclusif avec
Koffi Kwahulé » in Thefrenchmag, disponible sur
http://www.thefrenchmag.com/(Samedi 24 Aout 2013).
http://aflit.arts.uwa.edu.au/WerewereLiking.html
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Méthodologie :
definition
https://dicocitations.lemonde.fr/citations/citation-22811.php
https://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Revue-litterature-242971.htm
https://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Revue-litterature-242971.htm
https://www.cairn.info/introduction-aux-sciences-de-la-communication--9782707137760-page-27.htm?contenu=article
https://www.esma-artistique.com/conseils-pour-definir-sa-demarche-artistique/
https://mondesfrancophones.com/espaces/afriques/50-ans-de-theatre-africain-francophone-emancipation-culbute-detour-et-invention-i/
ANNEXES
ANNEXE 1 : LES AUTEURS
Figure 1: Marcel Zang
Photo 1: Marcel Zang
Photo 2 : Kouam Tawa
Photo3 Photo3: Bvouma
Photo 4:Sufo Sufo
Photo 5: Ambara
Photo 6: Kwegoué
Photo 7: Wegang Photo 8:
Hermine Yollo
ANNEXES 2 : AUTRES PHOTOS
9-Lecture spectacle
10-Lecture spectacle au Goethe Institut
11- Le carrefour à théâtre sous le
manguier
ANNEXES 3 : LE PARFUM DU SOUVENIR
12 -Attestation de lauréate
13- Coaching 14- Coaching
15-Affiche spectacle
16 et
17-Lecture à Ste Marie
18- Photo spectacle 19-Photo
spectacle
1 - Questionnaire des auteurs
Sur le plan de l'écriture
Une approche définitoire du concept
« écriture dramatique »
Comment arrivez-vous dans l'écriture
théâtrale ?
Qui sont les auteurs qui vous ont inspirés et
pourquoi ?
Que vous renvoie le concept d'écriture
théâtrale d'un point de vue général ?
Pour l'auteur que vous êtes, à quoi vous renvoie le
terme « écrire du théâtre » ?
Quel regard portez-vous sur l'écriture dramatique
camerounaise actuelle ?
1)A-t-elle une esthétique particulière ?
2) A-t-elle une identité propre au Cameroun ?
Avez-vous une technique d'écriture
particulière ?
Si oui, a-t-elle évoluée depuis votre premier
jet ?
Pourquoi avoir fait le choix d'écrire du
théâtre ?
Vous exprimez-vous dans d'autres genres
littéraires ?
Sur le plan du projet d'écriture
Y'a-t-il une règle pour écrire une pièce de
théâtre ?
Qu'est-ce qu'il faut pour commencer un projet
d'écriture ?
Quels facteurs prenez-vous en compte pour écrire une
pièce de théâtre ?
Quels sont les thèmes qui vous parlent et que vous
évoquez dans votre écriture ? Pourquoi ?
A qui s'adressent vos textes ?
Comique, dramatique, rituel ?
Qu'est-ce qui caractérise votre écriture ?
Personnages
La structure
Résidences
Commandes
Quelle durée faut-il pour écrire une
pièce ?
Lorsque vous concevez votre pièce de théâtre,
pensez-vous au metteur en scène ?
Ecrivez-vous dans la perspective de la mettre en scène
vous-même ?
Sur le plan de la relation auteur-lecteur
Quels sont vos attentes lorsque votre texte est lu ?
Pensez-vous systématiquement à vos lecteurs cibles
lorsque vous écrivez ?
Pensez-vous que partant de votre écriture le
théâtre peut susciter plus d'intérêt de la part du
public camerounais ?
Etes-vous édités ?
Comment pensez-vous qu'il faille procéder pour que vos
oeuvres soient lues par plus de Camerounais ?
Comment êtes-vous arrivés dans la mise en
scène théâtrale ?
Qu'entendez-vous par mise en scène
théâtrale ?
Quelle technique utilisez-vous ?
Quel regard portez-vous sur les créations camerounaises du
point de vue de la représentation scénique en
elle-même ?
Montez-vous des pièces de théâtre dont vous
n'êtes pas auteur ?
Quels sont les metteurs en scène qui vous ont
inspiré et pourquoi ?
Votre démarche artistique a-t-elle
évolué depuis votre première mise en scène
jusqu'à nos jours?
Sur le plan de la création du
spectacle
Comment choisissez-vous la pièce ?
Montez-vous plus d'auteurs camerounais ou d'auteurs
étrangers ? Pourquoi ?
Tenez-vous compte du public quand vous créez un
spectacle ?
Qui assure la production des spectacles que vous montez ?
Comment constituez-vous votre équipe ?
Quels sont les étapes de création de votre
spectacle ?
Sont-ils des commandes ou des initiatives personnelles ?
Quels processus utilisez-vous pour rentrer dans vos
fonds ?
Sur quelles bases décidez-vous de monter un
spectacle ? Pour quel public principalement ?
2 -Questionnaire des metteurs en
scène
Comment en êtes-vous arrivé à la mise en
scène ?
Qu'entendez-vous par mise en scène ?
Avez-vous une esthétique de mise en scène ?
A quel public s'adresse votre mise en scène ?
Que vous renvoie le concept de mise en scène d'un point de
vue général ?
Pour le metteur en scène que vous êtes, à
quoi vous renvoie le terme « création » ?
Quel regard portez-vous sur la mise en scène camerounaise
actuelle ?
1)A-t-elle une esthétique particulière ?
2) A-t-elle une identité propre au Cameroun ?
Avez-vous une technique de mise en scène
particulière ?
Si oui, a-t-elle évoluée depuis votre
première expérience ?
Pourquoi avoir fait le choix de faire de la mise en scène
théâtrale quand on sait le contexte dans lequel le
théâtre camerounais évolue ?
Vous exprimez-vous dans d'autres fonctions au
théâtre ?
Quels sont vos objectifs quand vous créez votre
spectacle ?
Combien de temps consacrez-vous à la création de
votre spectacle ?
Vos spectacles font-ils l'objet de tournée ? Si oui
comment vous y prenez-vous ? Sinon comment palliez-vous au coup de la
production ?
Quel regard portez-vous sur la mise en scène au
Cameroun ? Sur les metteurs en scène camerounais ?
Communiquez- vous autour de vos spectacles ?
Quels moyens utilisez-vous ?
Quels rapports entretenez-vous avec les auteurs
camerounais ?
3 -Questionnaire du public
Quel âge avez-vous ?
Quelle profession exercez-vous dans la vie ?
Quelle est votre distraction favorite ?
Pour vous c'est quoi le théâtre ?
Allez-vous au théâtre ?
Connaissez-vous des figures du théâtre
camerounais ? Lesquelles ?
Avez-vous déjà rencontré des publications
annonçant une représentation théâtrale ?
Qu'est-ce qui vous plait dans une représentation ?
Comprenez-vous toujours les spectacles ? Si non
pourquoi ? Si oui, expliquez.
Pouvez-vous faire du théâtre votre
métier ?
TABLE DES MATIERES
DEDICACE................................................................................................i
REMERCIEMENTS....................................................................................ii
RESUME..................................................................................................iii
ABSTRACT...............................................................................................iv
LISTE DES
PHOTOGRAPHIES......................................................................v
SOMMAIRE..............................................................................................vi
INTRODUCTION
GENERALE.....................................................................1
I-Présentation
.............................................................................................1
II- Justification du
sujet....................................................................................3
III- Définition des
concepts..............................................................................4
IV-Motivations du choix du
sujet.......................................................................5
V-objectifs de la
recherche................................................................................8
VI-Revue de la
littérature.................................................................................9
VII-problématique........................................................................................13
VIII- Hypothèses de la
recherche.......................................................................16
IX- Intérêt du
sujet.......................................................................................16
X- Importance du
sujet...................................................................................18
XI- Délimitation du
sujet................................................................................19
XII- cadre
théorique.......................................................................................19
XIII-
Méthodologie........................................................................................23
XIV- Plan du
travail.......................................................................................25
CHAPITRE I : HISTORIQUE DE L'ECRITURE
DRAMATIQUECAMEROUNAISE
...............................................................................................................27
Section I :théâtre
camerounais : de l'origine au début des années
2000........................................................................................................28
I-) -Le théâtre camerounais de la période
coloniale ................................................28
I-1) -Le théâtre religieux ou
théâtre
missionnaire...................................................28
I-2) -Le théâtre camerounais
scolaire..................................................................29
I-3) -Le théâtre camerounais
plurilingue.................................................................30
II- Le théâtre camerounais post
colonial...............................................................31
II-1-) -L'enthousiasme historique des années
1960..................................................32
II-2) -Le temps du désenchantement des années
1970..............................................33
II-3) -Les années 1980 ou la recherche d'une
esthétique plus africaine..........................34
II-4) -Le théâtre camerounais des années
90 : la transition.........................................35
II-5) -Le théâtre camerounais du troisième
millénaire...............................................37
Section II : Les précurseurs des auteurs
dramatiques camerounais de la nouvelle
vague.......................................................................................................39
I-) -Marcel
Zang..........................................................................................40
I-1-1)
-Présentation.......................................................................................40
I-1-2) - Son
esthétique....................................................................................40
I-1-3) -Ses
oeuvres........................................................................................42
I-1-4) - Prix et
nominations..............................................................................43
II-) -Kouam
Tawa........................................................................................43
II-1)
-Présentation........................................................................................43
II-2) -Son
esthétique.....................................................................................44
II-3) -Ses
oeuvres..........................................................................................44
II-4) - Prix et
nominations...............................................................................45
Conclusion du
chapitre...................................................................................47
CHAPITRE II : ECRITURE DRAMATIQUE CONTEMPORAINE
CAMEROUNAISE : VISAGES ET
PALMARES...............................................48
Section I: Les auteurs dramatiques camerounais
contemporains et leur
palmarès...................................................................................................49
B- Les figures de proue ou auteurs majeurs de la nouvelle
vague.................................49
I- Edouard Elvis
Bvouma................................................................................49
I-1-Présentation..........................................................................................49
I-2- Son
esthétique.......................................................................................52
I-3. Les
oeuvres...........................................................................................53
I-4. Prix et
nominations.................................................................................54
II-. Sufo
Sufo..............................................................................................56
II-1.
Présentation..........................................................................................56
II-2. Son
esthétique.......................................................................................59
II-3- Les
oeuvres...........................................................................................59
II-4- Prix et
nominations.................................................................................60
III- Martin
Ambara.......................................................................................61
III-1-Présentation.........................................................................................61
III-2- Son
esthétique.....................................................................................62
III-3- Son
oeuvre..........................................................................................63
III-4- Prix et
nominations...............................................................................63
C- Autres représentants de l'écriture dramatique
camerounaise contemporaine................64
I- Eric Delphin
Kwegoue................................................................................64
I-1-
Présentation..........................................................................................64
I-2. Son
esthétique.......................................................................................65
I-3-Les
oeuvres...........................................................................................65
I-4- Prix et
nominations.................................................................................66
II-Nicaise Magloire
Wegang...........................................................................66
II-1-Présentation..........................................................................................66
II-2-Son
esthétique.......................................................................................67
II-3-Les
oeuvres..........................................................................................67
II-4- Prix et
nominations................................................................................68
III- Hermine
Yollo .......................................................................................68
III-1-Présentation........................................................................................68
III-3-Les
oeuvres..........................................................................................69
III-3-Prix et
nominations.................................................................................70
Section II : Caractéristiques de la
nouvelle écriture dramatique contemporaine
camerounaise.............................................................................................71
I- La
langue................................................................................................71
II-
L'esthétique............................................................................................72
III- L'angle de
traitement................................................................................73
IV- Les
personnages......................................................................................74
V-
L'espace................................................................................................74
VI- La
structure...........................................................................................74
VII-
L'engagement.......................................................................................75
VIII- La couleur
locale...................................................................................75
IX-Une autre forme de
questionnement...............................................................76
X- Une écriture qui rencontre des
difficultés.........................................................76
X-1-Le scepticisme des
critiques......................................................................76
X-2- Le manque de supports
physiques...............................................................77
Conclusion du
chapitre...................................................................................78
CHAPITRE III : ETUDE DE TROIS PIECES DU
REPERTOIRE DRAMATIQUE CAMEROUNAIS CONTEMPORAIN ET OUTILS DE
VALORISATION...............79
Section I : A la découverte de quelques
pièces représentatives de la nouvelle tendance de
l'écriture dramatique camerounaise
contemporaine ............................................80
I-Debout un pied, sufo
sufo.............................................................................80
I-1-
Résumé................................................................................................80
I-2- Les
personnages.....................................................................................81
I-3- Le
langage............................................................................................81
I-4- La
thématique........................................................................................84
I-5- L'espace et le
temps.................................................................................85
I-6- Une alternance entre le réel et
l'irréel............................................................87
I-7- Le
titre................................................................................................87
I-8- La
structure..........................................................................................88
II- A la guerre comme A la Gameboy, Edouard Elvis
Bvouma....................................88
II-1-
Résume..............................................................................................88
II-2- Le
titre...............................................................................................89
II-3- La
thématique.......................................................................................89
II-4- Angle de
traitement................................................................................89
II-5-
Structure.............................................................................................90
II-6- La
langue............................................................................................91
II-7- Les
didascalies......................................................................................93
II-8- Les
personnages....................................................................................94
II-9-
L'esthétique.........................................................................................95
III- Roméo et Juliette...Assez, Martin
Ambara.......................................................96
III-1-
Résume.............................................................................................96
III-2- La
thématique......................................................................................96
III-3-
L'esthétique........................................................................................96
III-4- La
langue...........................................................................................97
III-5- La
structure.........................................................................................98
III-6- Les
didascalies.....................................................................................98
III-7- Les
personnages...................................................................................98
III-8- Entre réel et
irréel.................................................................................99
III-9- Le
titre..............................................................................................99
Section II : Outils de valorisation des
écritures dramatiques contemporaines camerounaises et de leurs
auteurs..................................................................101
A-Statistiques...........................................................................................102
I-1- Prix RFIthéâtre
...................................................................................104
I-2- Le prix des inédits d'Afrique et
d'outremer....................................................105
I-3- Le prix SACD de la dramaturgie
française.....................................................105
I-4- L'univers des
mots.................................................................................107
I-5- Les grands prix Afrique du théâtre
francophone..............................................107
B- Perspectives de
valorisation.....................................................................108
I- Propositions d'outils de valorisation
génériques................................................................109
I-1- Introduction du théâtre dans les
écoles en tant qu'Art .......................................109
I-2- Eduquer la jeunesse aux métiers du
théâtre....................................................109
I-3- Le théâtre comme nécessité
sociale.............................................................110
II- Propositions d'outils de valorisation spécifiques
à l'écriture dramatique...................111
II-1- Introduire les pièces contemporaines dans le
programme scolaire........................111
II-2- L'introduction de master
classe................................................................111
II-3- L'édition et circulation des
pièces.............................................................112
II-4- La mise en voix et les lectures
spectacles.....................................................113
II-4-1- Les mises en
voix..............................................................................113
II-4-2- Les lectures
spectacle.........................................................................113
Conclusion du
chapitre.................................................................................115
CAS PRATIQUE : LE PARFUM DU
SOUVENIR..............................................116
I- Dossier de
présentation..............................................................................117
II- Le
texte...............................................................................................118
Conclusion...............................................................................................157
CONCLUSION
GENERALE.......................................................................158
I-Rappel des points
essentiels.........................................................................158
II- Vérification des
hypothèses........................................................................161
III- Perspectives de la
recherche......................................................................162
BIBLIOGRAPHIE....................................................................................165
Corpus....................................................................................................165
Ouvrages
spécialisés....................................................................................166
Ouvrages
généraux......................................................................................167
Articles...................................................................................................168
Mémoires................................................................................................168
Dictionnaires............................................................................................168
Sources
orales...........................................................................................168
Webographie.............................................................................................169
Annexe 1 : Les
auteurs..................................................................................172
Annexe 2 : Autres
photos...............................................................................173
Annexe 3 : Le parfum du
souvenir....................................................................174
Annexe 4 :
Questionnaires..............................................................................175
* 1 Cet état des lieux
est soutenu par des recherches antérieures de praticiens ou chercheurs.
Nous pouvons citer entre autres les travaux du colloque sur le
théâtre camerounais de 1987. Il regroupait plusieurs praticiens du
théâtre camerounais et attirait l'attention sur la crise de ce
théâtre qui perdure.
* 2 Nous ne pouvons pas
généraliser cette crise car il n'y a que le théâtre
dit savant qui est touché. Les genres tels que l'humour, le stand Up,
le conte etc. ne sont pas concernés par la désaffection du
public.
* 3 Pour mener à bien
cette recherche nous avons procédé par une enquête comme
l'indiquent les différents questionnaires en annexes 3 (du public, des
auteurs et des metteurs en scène).
* 4 Nicaise Magloire Wegang,
Dramaturgie camerounaise et renouvellement du théâtre
camerounais : cas de Telesaga : Proposition d'une écriture
dramatique contemporaine.
* 5 Citation de Georg
Christoph Lichtenberg in, Le miroir de l'âme, aphorismes, 1997,
citée par Dico-Citations partenaire avec le journal en ligne Le
Monde.Fr.
* 6 Définition du
glossaire, emarketing.fr
* 7 Signe : Selon
Saussure c'est un élément signifiant composé de deux parts
pratiquement indissociables, mais séparables en droit et
méthodologiquement : un signifiant et le signifié.
* 8Pierre
Makon ,« Le théâtre camerounais et son
public : quelle relation créatrice ? »Cité
par Bolé Butake Gilbert Doho in Théâtre camerounais/
camerounian theatre, Yaoundé, CEPER, 1988, p.262-268.
* 9Gilbert
Doho, « signifiants théâtraux et leur
fonctionnement ». Cité par Bolé Butake Gilbert Doho in
Théâtre camerounais/ camerounian theatre, Yaoundé,
CEPER, 1988, p. 224-235.
* 10Jacques Raymond
Fofié Regards historiques et critiques sur le théâtre
camerounais. Harmattan, 2005, Préface de M. Dassi.
* 11 Anne Ubersfeld,
Lire le théâtre. Collection « Classiques du
Peuple, Critique », Editions sociales, 1977.
* 12 Anne Ubersfeld :
« Les signes sont en eux-mêmes des connaissances sociales
généralisées au plus haut degré.
* 13 Le
phénomène théâtral, d'après Ubersfeld,
paraît effectivement ressortir au procès de la communication
puisqu'il comporte notamment des signes intentionnels, postule entre
l'émetteur et le récepteur une relation moins réversible,
accentue les fonctions phatique, conative et émotive.
* 14 Molière,
« Au lecteur », L'amour Médecin,
Paris, 1665 dans la préface : « Tout le monde sait
que les comédies sont faites pour être jouées, et je ne
conseille de lire celles-ci qu'aux personnes qui ont des yeux pour
découvrir dans la lecture le jeu du
théâtre ».
* 15 Texte
troué : pour Anne Ubersfeld, un texte de théâtre est
incomplet et ne trouve sa plénitude qu'à travers la
représentation proprement dite.
* 16 Cohen, M.R. et Nagel,
Introduction to logic and the scientific method, New York :
Harcourt Brace and company, E. (1934).
* 17 Etat des lieux qui
découle des recherches effectuées par des études
antérieures de certains chercheurs ou spécialistes du domaine.
* 18André Marie
Ntsobé, 1988, « Le théâtre camerounais :
Crise et thérapeutique » in Théâtre camerounais,
Bet et Co.Ltd.
* 19 Nicolas Guéguen,
né en 1964 est professeur de psychologie sociales et de sciences
cognitives à l'Université de Bretagne Sud.
* 20 Saussure, 1857-1913,
linguiste suisse et précurseur du structuralisme en linguistique. Il est
aussi distingué par ses travaux sur les langues
indo-européennes.
* 21 In Cours de
linguistique générale, oeuvre posthume rédigé
par ses élèves Charles Bally et Albert Sechehaye.
* 22Francis Huster,
décembre 1947, Acteur, artiste, cinéaste, metteur en
scène, scénariste, français.
* 23 Yves Lavandier, 02 avril
1959, cinéaste, essayiste et pédagogue français
* 24 Karl Ludwig Von
Bertalanffy, autrichien, 1901-1972, Général system
theory, 1968.
* 25
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Méthodologie
* 26 Voir différents
questionnaires du public, des metteurs en scène et auteurs en annexes
4.
* 27 Gilbert Doho,
« Théâtre et conjuration de la malédiction au
Cameroun in Africulture, No 60, 2008, p.2.»
* 28Camerounité
s'entend comme l'ensemble des modalités prises en compte pour
déterminer la nationalité d'une oeuvre. Les oeuvres du
théâtre camerounais d'expression anglaise et allemande,
n'étant pas écrites par des camerounais permet que soit soulever
cette question.
* 29Regards historiques
et critiques sur le théâtre camerounais, L'Harmattan, 2011,
p.24.
* 30Sylvie
Chalaye, « Quand l'Afrique donne rendez-vous ailleurs ou
les dramaturgies du rêve » in Africa et Mediterraneo,
n°4/3, Avril 2013.
* 31 Dans la revue en ligne
MONDES FRANCOPHONES.COM, Sylvie Chalaye écrit l'article : 50ans
de théâtre africain francophone : émancipation,
culbute, détour et invention. Comme l'indique le titre, il est
question de passer en revue l'évolution du théâtre
francophone.
* 32 Ibid.
* 33
Voir « Afrique noire : écritures
contemporaines », in Théâtre/Public, n°158,
Gennevilliers, 2001.
* 34ibid
* 35Jean-Marie
Volet, « Werewere-Liking Gnepo »,
Université d'Australie-Occidentale, 15 décembre 2010.
* 36Koffi
Kwahulé, « Quand l'africanisme dérive vers
l'intégrisme culturel »,in
« Théâtre d'Afrique noire »,
Alternative théâtrales, n°48, juin 1995.
* 37L'exilé de
Marcel Zang et Bintou de Koffi Kwahulé : des écritures
subversives de la dramatisation de la figure de l'immigré, 2017
* 38 Voir photo2 en annexe
1.
* 39Etant
décédé au moment de cette recherche, nous nous sommes
appuyer sur une interview donné sur la pagne
http://www.potomitan.info/lafwans/zang.php
* 40 Interview recueillie
par Cécile Dolisane-Ebossé à propos de son ouvrage
l'Exilé suivi de Bouge de là, pour Ed. Actes
Sud-Papiers, sept 2002, 111p. Nous pouvons la retrouver sur la page de
Potomitan, un site de promotion des cultures et des langues
créoles.
* 41ibid
* 42ibid
* 43 Ibid
* 44 Voir photo 3 en annexe
1.
* 45 Cette présentation
est l'économie d'interview de Kouam Tawa ; institut français
de Lumumbashi le 04 septembre 2018 et de celle de l'auteur à la radio
Nova mis en ligne le 19 mars 2018 .
* 46 Ibid.
* 47
Altérité : tenir compte de l'autre et de tout ce qui est
extérieur à soi. Il faut prendre en compte sa rencontre avec
l'autre, mais conserver son identité dans l'entre deux : lui et
moi.
* 48 Voir photo 4 de
l'annexe 1.
* 49 Essindi Mindja,
1945-2005, enseignant d'histoire et de géographie au Lycée
Leclerc de Yaoundé, humouriste camerounais célèbre.
* 50 France Ngo Mbock :
Comédienne-metteure en scène camerounaise. Directrice et
fondatrice de la Compagnie Diben.
* 51 Che Guevara, 1928-1967,
révolutionnaire et homme politique argentin célèbre.
* 52 C'est un projet qui a
vu le jour en 2002 donc le but est d'offrir aux artistes de
théâtre africains un espace de travail, de formation et de
réflexion. Il se tient au Burkina.
* 53 Alfred Dogbé,
1962-2012, Niger, Nouvelliste, dramaturges, scénariste, poète.
* 54 Anne Ubersfeld,
1918-2010, France, historienne du théâtre.
* 55 SACD/
Société des auteurs et compositeurs dramatiques est un organisme
de gestion collective et est la plus anciennes des sociétés de
gestion collectives des droits d'auteurs. C'est une société
civile à but non lucratif dont le siège est Paris.
* 56 RFI : Radio France
International
* 57 Voir photo 5 de
l'annexe 1.
* 58 Dieudonné
Niangouna, 1976 à Brazzaville, RDC, auteur dramatique, metteur en
scène et acteur.
* 59 Voir photo 6 de
l'annexe 1.
* 60 Voir photo 7 de l'annexe
1.
* 61 Voir photo 8 de l'annexe
1.
* 62 Voir photo 9 en annexe
1.
* 63 CCF : Centre Culturel
Français, aujourd'hui IFC : Institut Français.
* 64 Pièce de Koffi
Kwahulé paru en 2005 aux Editions Théâtrales, France.
* 65Ethiopiques
n°76, Revue Negro-Africaine de la littérature et de philosophie.
Titre de l'article : Centenaire de L.S. Senghor. Cent ans de
littérature, de pensée africaine et réflexion sur les arts
africains 1er semestre 2006.
* 66 La manière
d'utiliser la langue française.
* 67 Anne Uberseld, Lire le
théâtre.
* 68Cet article est
publié sur le site Mondes francophones le 01/O3/2019 par Sylvie
Chalaye, dans Afriques, Critiques, périples des Arts.
* 69 Cet article est
publié sur le site Mondes francophones le 01/O3/2019 par Sylvie
Chalaye, dans Afriques, Critiques, périples des Arts.
* 70 Werewere Liking,
« Théâtre moderne d'Afrique noire : crever
aujourd'hui ou réinventer une naissance... », ibid
p.26
* 71Par
l'expression « moins explicite » nous entendons que
les marques qui renvoient, à la camerounité par exemple, ne
sont pas claires. Les auteurs ne passent pas directement par des signes comme
des noms de personnage, des lieux etc. Les marques sont
représentées par une situation, des expressions, la langue ou des
sous-entendus.
* 72OsiriadesS.G 21 de
Martin Ambara
* 73 Au Cameroun,
désigne des Vendeuses de vivres.
* 74 Tenancières de
call-box généralement sur le trottoir.
* 75 Expression qui prend sa
source dans les lycées publics au Cameroun où les
élèves des classes de 6ème sont appelés
des bleus à cause de la couleur de leur tenue de sport.
* 76 Attentats
perpétrés par la secte Boko Haram dans le Nord Cameroun. Ils
utilisent des kamikazes pour exploser dans des lieux publics et ainsi
ôter la vie de plusieurs personnes.
* 77 Emeutes survenues au
Cameroun en 2008, elles avaient commencées par une grève des
taximen avant de dégénérer en crise qui dura quelques
jours principalement dans les villes de Yaoundé et Douala.
* 78 Bernard Mbassi,
Ethiopiques n°76, 1er semestre 2006.
* 79 Annick Martel,
J'écris : Porosité. (En) jeux des écritures actuelles
dans le théâtre contemporain, juin 2012.
* 80 A la guerre comme
à la Game Boy, p.51.
* 81 Personnages de dessins
animés.
* 82 Propos de Wilfried
Mwenye, en ouverture de la dite pièce P.4.
* 83 Nous pouvons nous en
rendre compte dans le premier chapitre intitulé : Esquisse de
l'histoire et de l'évolution du Théâtre camerounais, in
Regards historiques et critiques sur le théâtre
camerounais. Nous y retrouverons les distinctions qu'ont reçues les
auteurs à leur époque et la place de cette écriture
camerounaise en Afrique.
* 84SACD :
Société anonyme des auteurs et compositeurs dramatiques.
* 85 RFI : Radio France
Internationale.
* 86 Alain Mabanckou, 1966,
RDC. Romancier et poète, il est lauréat de plusieurs prix parmi
lesquels le grand prix littérraire de l'Afrique noire en 1998, le prix
des cinq continents de la francophonie en 2005.
* 87 Koffi Kwahulé,
1956, Côte d'ivoire. Comédien, metteur en scène, dramaturge
et romancier, il est lauréat du prix Ahmadou-Kourouma pour son roman
Babyface et grand prix littéraire ivoirien en 2006.
* 88 Compagnie La
muse : Compagnie de Bilia Bah. Il est un dramaturge, comédien et
metteur en scène Guinéen né en 1980 en Côte
d'ivoire.
* 89 Hakim Bah, il obtient
le Prix de théâtre RFI en 2016.
* 90 CBEOA : Chambre
Belge des Experts en OEuvre d'Art.
* 91 Ces propositions sont
consignées dans le rapportgénéral , de 1987, de Gilbert
Doho sur le colloque national sur le thème : Théâtre
camerounais : bilan et perspectives.
* 92 Voir photo9 en annexe
2.
* 93 Denzel Washington,
1954 , Etats-Unis, acteur et réalisateur.
* 94. Les auteurs
camerounais ne sont pas les seuls dans cette position.
* 95 Edmond Beaume, La
lecture à haute voix, sur Lectures.org, juin 1987.
* 96 Lauréat du
Goethe découverte 2017 pour le texte cité plus haut.
* 97 Voir photo 9-10-11 en
annexe 2.
* 98 www.jamaislu.com
* 99Vinaver, Michel,
L'île, in Théâtre en Europe, p.21-22, in
Autant-Mathieu, Marie-Christine, Auteurs, écrituresdramatique,
dans Écrire pour le théâtre, Les enjeux de
l'écriture dramatique, Marie-Christine Autant-Mathieu (dir.),
Paris, CNRS, 1995, p.13.
* 100 Voir photo 16 et 17
«en annexe 3.
* 101 Voir photo 13 et 14
de l'annexe 3.
* 102 Voir photo 12 de
l'annexe 3.
* 103 Voir photo 15-18-19 de
l'annexe 3.