IV.1.2. La Commission des droits de l'homme et les
conclusions des rapporteurs
spéciaux
C'est sur la base des informations émanant des rapports
du Haut Commissariat aux droits de l'homme qui avaient déjà
alerté l'Assemblée générale, que, au mois de mars
1993, une résolution de la Commission des droits de l'homme (
129) demandait la nomination d'un Rapporteur spécial, eu
égard à la particulière gravité de la situation,
ceci sera plus tard au coeur de la mobilisation des opinions publiques
sensibilisées par la tragédie du Darfour, constituait, dès
cette époque, la trame des préoccupations de la Commission,
attentive à la situation des droits de l'homme au Soudan depuis 1991 :
déplacements internes de populations, notamment de minorités,
exode en masse de réfugiés vers les pays voisins,
exécutions sommaires, aide humanitaire empêchée,
détentions arbitraires, tortures, discriminations...
Rétrospectivement, le premier rapport
intérimaire du Rapporteur spécial, publié en novembre
1993, paraît singulièrement actuel. Il se penche sur les
violations des droits de l'homme commises depuis le 30 juin 1989, date du coup
d'Etat du général Al-Bachir, et s'intéresse tant aux
exactions commises par les autorités gouvernementales qu'à la
129 Résolution 1993/60 du 10 mars 1993.
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situation dans les zones contrôlées par
l'Armée de libération du peuple soudanais (SPLM/A). Parmi les
informations qu'il livre, les rapporteurs de la commission sur la situation au
Soudan et au Darfour relèvent notamment :
? Le fait que quelque 5 millions de personnes sont alors
déjà déplacées du fait du
conflit entre le Nord et le Sud, auxquelles s'ajoutent
près de 500 000 réfugiés à l'étranger,
répartis entre le Zaïre, l'Ouganda, l'Ethiopie, la
République centrafricaine et le Kenya ;
? Que les bombardements aériens par le gouvernement
soudanais sur des objectifs civils dans les villes ou les camps de
déplacés sont attestés ;
? Que les forces armées, auxquelles se joignent des
milices arabes et des unités paramilitaires, se livrent à des
massacres de populations civiles, des pillages, des destructions massives, des
enlèvements.
? Que, à la publication du rapport, la situation dans
les Monts Nouba ne cesse d'empirer depuis déjà près de
dix ans : affrontements entre groupes arabes et non arabes ; pillages, razzias
et autres atrocités, tant de la part de milices alliées au
gouvernement central que des troupes du SPLM/A qui contrôlent une grande
partie de la région, conduisent des centaines de milliers d'habitants
à fuir, dans un véritable processus de déracinement des
communautés Nouba, commencé dès août 1989 et sans
doute déjà alors irréversible.
En d'autres termes, encore une fois, plus de dix ans avant que
n'éclate la crise du Darfour, les plus graves violations des droits de
l'homme ainsi qu'une situation humanitaire les plus tragiques, qui ne
diffèrent en rien de celles qui serviraient de toile de fond à la
mobilisation internationale de 2004, étaient largement connues de la
communauté internationale et parfaitement documentées.
Cette connaissance n'a alors provoqué ni indignation ni
réaction de la communauté internationale. L'Assemblée
générale, au long de cette période, reste seule à
s'émouvoir de la situation décrite rapport après rapport.
Tous les rapports qui suivront, ne feront qu'alimenter les débats et
étayer les résolutions annuelles de l'Assemblée
générale que nous avons présentées. Sans qu'il soit
besoin d'insister, il leur suffit de remarquer que le Conseil de
sécurité restera longtemps silencieux, pour n'intervenir vraiment
qu'en 2004, année à partir de laquelle l'Assemblée
générale se consacrera exclusivement au financement des MINUS et
MINUAD.
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