b) Approche hétérodoxe
Le courant hétérodoxe est marqué par des
apports divers mais un des points communs de ces travaux est que dans cette
approche, le postulat de rationalité individuelle n'admet plus un
rôle central. Les travaux appartenant à ce courant de
pensée insistent sur le contexte institutionnel dans lequel les
relations de travail sont inscrites. De ce fait, les auteurs
hétérodoxes se refusent à isoler, au sein de la relation
de travail, son « moment » spécifiquement économique.
Pour ces derniers, l'entreprise n'est pas une « boite noire » dans
laquelle les inputs entrent et les outputs sortent. Dès lors, l'analyse
du marché du travail doit faire appel à une démarche
méthodologique qui emprunte à la fois à la sociologie,
à la science politique et parfois à la
psychologie5.Les hétérodoxes réfutent la
conception orthodoxe du travail comme facteur de production et en partant de
l'idée de marché du travail, ces derniers considèrent le
travail comme facteur spécifique puisqu'il fait l'objet de deux
opérations distinctes. En ex ante, il y'a la signature du contrat entre
l'employeur et l'employé et en ex post la mise en oeuvre effective du
travail. Compte tenu de la disparité dans la distribution de
l'information (asymétrie d'information), il se produit un
problème de comportement d'aléa moral et de sélection
adverse. Les seules forces du marché ne permettent donc pas d'assurer
l'équilibre entre l'offre et la demande de travail parce que la
flexibilité mécanique prônée par les
néoclassiques n'est pas vérifiée et cela tient pour
diverses raisons :
5Adam et Reynaud (1978), Michon (1984), Boyer (1986),
Gazier (1991) tous cité par PERROT.
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? L'hétérogénéité du
travail est expliquée par la théorie du capital humain. Selon
cette théorie, le salaire réel des individus est une fonction
positive de la qualité du travail. Ainsi, les travailleurs qui ont plus
de qualification reçoivent plus de salaire. Cette qualification est
acquise par l'accumulation des connaissances, de l'expérience, et de la
formation. Comme les individus investissent différemment en capital
humain, il se produit une distribution hétérogène de
qualification et donc de rémunération. Le travail dans ce cas ne
saurait être homogène pour tous les individus.
? Le travail est quasi fixe
Dans l'approche classique et néoclassique, le travail
était considéré comme étant un facteur variable et
son coût se réduisait au salaire. Dans le courant de pensée
hétérodoxe, le travail est plutôt quasi fixe et son
coût se décompose en trois:
? Le coût de l'embauche : C'est le coût
supporté par l'entreprise pendant la période de recrutement et de
la formation initiale ;
? Le coût d'emploi : C'est le coût lié
à la rémunération du travail y compris la cotisation
sociale, plus les taxes ;
? Le coût de séparation (le coût lié
au licenciement) : C'est celui que l'entreprise supporte pendant la mises
à terme du contrat de travail.
Selon OI, (1962) « les coûts de travail sont plus
que proportionnels à la quantité de travail utilisée
à cause des frais d'embauches, de formations, de licenciements... Le
taux de salaire doit être fixé de manière à
permettre au producteur d'amortir ces frais sur plusieurs périodes et le
producteur est amené à conserver ses salariés une fois
qu'ils sont formés même en période de récession
parce que les licenciements peuvent coûter davantage que les salaires
versés. Puisque la somme de ces coûts est plus
élevée que le salaire, l'entreprise mettra tout en oeuvre pour
minimiser ces coûts en adoptant la stratégie de la segmentation de
son marché de travail ce qui entraine une conservation du noyau dur de
ces travailleurs. Cela conduit à une flexibilité limitée
du travail. Par conséquent, une optimisation et une flexibilité
instantanée du travail sont impossibles ».
La différence idéologique sur le travail se
répercute sur la notion de chômage.
Selon l'approche classique, les entreprises cherchent à
produire à un niveau qui leur permet de maximiser leurs profits. Dans ce
cas, l'offre de travail et la demande de travail se croisent et cela conduit
à la détermination d'un niveau optimal d'emplois et de salaire.
Le niveau de l'emploi croit à court terme avec le capital,
décroit avec le salaire réel. Le salaire n'étant pas
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rigide, son niveau d'équilibre permet d'avoir un niveau
optimal d'emplois. Les classiques considèrent les rigidités sur
le marché du travail comme totalement exogènes au marché.
Pour eux, l'imposition de salaire minimum, les indemnités de
chômage, les pressions syndicales, la législation sur les
protections de l'emploi est source de disfonctionnement du marché de
travail. Etant donné que le marché fonctionne de façon
optimale et les imperfections sont exogènes, toute personne qui refuse
de travailler à un niveau de salaire fixé par la rencontre entre
l'offre et la demande de travail sera au chômage et on parle de
chômage volontaire.
L'approche keynésienne du chômage montre que les
entreprises sont contraintes par le niveau des débouchés. La
production des entreprises est de ce fait déterminée par la
demande. Cela veut dire que les entreprises ne peuvent pas écouler toute
production qui est supérieure à la demande à laquelle
elles font face. Dans cette approche, le niveau d'emploi croit avec les ventes
dans les entreprises. L'emploi diminue d'une part avec le capital de court
terme6et d'autre part avec le prix relatif du travail et des autres
facteurs surtout avec le prix du capital à long terme.
Pour Keynes, la cause du chômage n'est pas à
chercher dans le coût du travail7 mais dans une insuffisance
de la demande globale. Ainsi, les entreprises n'embauchent pas des travailleurs
en fonction du salaire réel mais plutôt en fonction de leurs
prévisions sur leurs ventes futures. Elles font donc des anticipations
que Keynes appel « demande effective ». Le niveau d'embauche va
permettre de distribuer des salaires qui serviront à la consommation et
donc à écouler la production réalisée. Le
chômage est involontaire et il est causé par un fonctionnement non
optimal du marché de travail. On peut donc avoir un équilibre sur
le marché du travail et sur celui des biens et des services comme chez
les néo-classiques mais rien ne dit que cet équilibre assure le
plein-emploi. En effet, les employeurs peuvent se tromper en sous-estimant la
demande future. Cela entraine un faible recrutement ce qui crée donc des
chômeurs involontaires. Pour Keynes, cette situation est qualifiée
« d'équilibre de sous-emploi ».
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