b) Résultats de l'estimation du modèle
L'estimation du modèle de la demande de travail, sur le
panel dynamique de cinq secteurs d'activités par la méthode des
moments généralisés a donné le résultat
inscrit dans le tableau suivant :
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Tableau5: Résultat de l'estimation du
modèle de demande de travail.
variables Coefficients P-values
Emploi retardé 0,061948*** 0,001
Salaire 0,6213777*** 0,000
Capital -2,480102** 0,010
Production 0,365497*** 0,000
Progrès technique -0,033517 0,257
constante 11,90234*** 0,000
tests Statistiques p-values
Arellano-Bond d'AR (1) Z = - 1,2 p> z= 0,231
Arellano-Bond d'AR (2) Z = -0,01 p> z=0,988
Sargan Chi2(1)=3,44 p> chi2=0,064
Hansen Chi2(1)=0,00 p> chi2=1
Source : Estimation de l'auteur sur stata11à partir
de la base de données de l'étude. *** : Significatif au seuil de
1% ; ** : significatif au seuil de 5%.
Ainsi, le modèle estimé de demande de travail est
:
empli,t = 11,9 + 0,365prodi,t + 0,621sali,t
- 2,48capi,t + 0,06empli,t-1 - 0,034t
(16,28) (6,1) (3,57) (-2,58) (3,22) (-1,13)
Les valeurs entre parenthèses représentent les
statistiques t de student. Hormis le coefficient du progrès technique,
tous les autres coefficients sont significatifs au niveau de confiance de
95%.
2. Interprétations des résultats
2.1. Interprétations
économétriques
Il ressort de l'estimation du modèle que la production,
le salaire, et l'emploi retardé d'une période sont significatives
au seuil de 1%. Le coût du capital est significatif à 5%. La
constante est également significative. Elle permet de déterminer
la demande de travail si on suppose le niveau de l'emploi retardé, de
salaire, de capital égale à zéro. Elle répond
à la
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demande liée la perte ou à la retraite de
certains travailleurs. C'est la valeur à l'ordonnée de
l'équation de la demande de travail.
Parmi les variables susceptibles d'influencer la demande de
travail que nous avons considéré, seul le progrès
technique s'avère être non significatif à 5%.
2.2. Interprétations économiques
2.2.1. Effet de la production
L'élasticité de la demande de travail par
rapport au niveau de production est de 0,365. Cela signifie qu'une augmentation
de la production de 1% entraine une augmentation de la demande de travail de
0,365% toute chose égale par ailleurs. Il en est ainsi parce qu'une
anticipation de l'augmentation de la production conduit les secteurs
d'activités a manifesté un besoin en travailleurs
supplémentaires pour répondre à cette augmentation de la
production. Pour produire plus, il faut dépenser plus en facteurs de
productions c'est à dire en travail ou en capital selon que
l'économie soit intensive en capital ou en travail. L'économie
Burkinabè est faiblement dotée en capital par rapport au travail.
Il résulte qu'un besoin en facteur de production s'oriente plus vers le
travail que le capital. Le problème majeur est que le besoin en facteur
travail se manifeste faiblement par rapport à l'accroissement de l'offre
de travail.
2.2.2. Effet de l'emploi retardé
L'emploi retardé d'une période agit positivement
sur la demande de travail avec une élasticité de 0,062 mais cette
valeur de l'élasticité est faible par rapport à celle de
la production. Une augmentation de l'emploi retardé d'une période
d'un point entraine une augmentation de l'emploi de la période courante
de 0,062 point toute chose égale par ailleurs. Autrement, si la
période correspond à l'année, une augmentation de l'emploi
de cette année de 1% entraine une augmentation de l'emploi de
l'année prochaine de 0,062%. L'explication que nous donnons est que
l'emploi ne s'ajuste que partiellement aux fluctuations à court terme
dans la production. Le niveau de l'emploi de la période
antérieure est là pour capter cet effet d'ajustement partiel ; en
fait, son incidence sur l'emploi au temps courant correspond au taux
d'ajustement partiel. En effet, le fait de connaître la baisse de ses
ventes ne conduit pas immédiatement à une compression du niveau
d'emploi par l'entreprise. Cela s'explique par le fait qu'en effectuant les
mises à pieds, l'entreprise court un risque de perdre ses
employés quand la demande à laquelle elle fait face va se
redresser à plus ou moins bref délais et que les travailleurs mis
à pieds se soient trouvé de l'emploi ailleurs. Elle
37
va alors subir des coûts supplémentaires
liés aux recrutements, à la sélection et les coûts
de formation. Ainsi, pour éviter ces coûts, l'entreprise va
simplement « thésauriser » ses employés en
période de baisse de la production puis leur faire appel quand la
production se redressera. Il faut noter qu'au début de la reprise de ses
ventes l'entreprise ne procédera pas immédiatement à une
vaste campagne d'embauchage. Elle utilisera la main d'oeuvre qu'elle avait
réservée et ce n'est qu'une fois la demande pour ses biens
stabilisée à un niveau plus élevé qu'elle
réajustera pleinement son emploi.
En résume, l'annonce d'une chute du PIB ne se traduit
pas immédiatement par une chute proportionnelle de l'emploi au Burkina.
De même, l'annonce d'une expansion du PIB ne se traduit pas
immédiatement par une hausse correspondante de l'emploi. Ainsi, les
indicateurs de l'emploi marquent un certain retard par rapport à la
production. Ce retard est lié à l'écart entre l'emploi
désiré par les entreprises et celui observé par ces
dernières. Pour évaluer ce retard, nous procédons comme
suit :
Dans le modèle de demande de travail, f34 =
(1 - ñ). Or f34 représente l'élasticité
de la demande de travail par rapport à l'emploi retardé d'une
période et ñ correspond au coefficient d'ajustement. Ainsi, 1 -
ñ = 0,062 alors, ñ = 0,938.
La valeur du coefficient d'ajustement partiel étant de
0,938, cela signifie que pour les cinq secteurs d'activités
étudiés, l'ajustement de l'emploi effectif à l'emploi
désiré au cours de la période d'étude s'est fait
à 93,8% par an. Cette situation s'explique par le niveau
élevé du chômage. Etant donné que l'offre de travail
est supérieure à la demande de travail, une unité
supplémentaire de demande de travail trouve à 93,8% une offre de
travail toute chose égale par ailleurs.
2.2.3. Effet du salaire moyen
L'élasticité de la demande de travail par
rapport au salaire moyen est de 0,621.Cela signifie que lorsque le salaire
moyen augmente de 1%, la demande de travail augmente de 0,621% toute chose
égale par ailleurs.
Ce résultat laisse entrevoir une remise en question de
la relation emploi-salaire dans l'approche classique du marché de
travail dans le cadre des secteurs d'activités étudiés.
Mais vue dans l'approche keynésienne, ce lien trouve une explication
plausible.
38
En effet, le salaire est avant tout un revenu
nécessaire au soutien de la demande de consommation. Au Burkina Faso,
les salaires restent encore bas9. Les augmenter est synonyme
d'amélioration du pouvoir d'achat des ménages puisque le taux
d'inflation10 au Burkina est resté faible sur la
période d'étude. Constatant leurs situations financière
s'améliorer, les ménages vont consommer plus et cela conduit
à une augmentation de la demande des biens et services. Dans ce
contexte, les secteurs d'activités vont chercher à
répondre à cette demande en produisant plus et donc en employant
plus car au Burkina, le travail reste relativement moins cher par rapport au
capital. En outre, l'économie Burkinabè est une économie
de consommation avec une propension marginale à consommer moyenne de
72,67% (DGEP, 2012). Cette valeur élevée de la propension
marginale à consommer traduit qu'une augmentation du revenu des
ménages d'une unité se répercute sur la consommation
globale en l'augmentant de 0,7267 unité. Comme la consommation va
augmenter de 0,7267 unité, la production doit aussi augmenter au moins
de 0,7267 unité pour satisfaire la demande de consommation. Et pour
produire ces 0,7267 unités, les secteurs embauchent plus.
En revanche, une réduction des salaires peut à
contrario alimenter une faible demande de travail dans la mesure où le
pouvoir d'achat des ménages baisse relativement. Ces derniers vont
consommer moins, ce qui entraîne un ralentissement de la demande et donc
de l'activité économique. Les anticipations des entreprises vont
être pessimistes et la demande effective va baisser. Ce qui va
entraîner une baisse de leurs productions, et donc une baisse de l'emploi
en partant une augmentation du chômage.
Ce résultat montre que le niveau de l'emploi sur la
période d'étude est lié positivement au volume de
production des secteurs d'activités et non au niveau de
salaire11. Si on considère
9Pour la fonction publique, 45% des agents ont un
salaire mensuel compris entre 100 000 et 150 000FCFA, tandis que 25,8% (soit 23
978 agents) ont un salaire de plus de 150 000 et seulement 1,1% ont un salaire
inférieur à 50 000. La masse salariale que l'Etat verse aux
agents de la fonction publique a été évaluée
à 138,52 milliards en 2007. Cette masse salariale s'accroît dans
le temps, et on a pu noter un accroissement moyen annuel de 15% du volume
salarial entre 2004 et 2007.
10 Elle a été contenue dans l'ensemble
dans la limite de la norme communautaire de l'UEMOA après la forte
pression inflationniste enregistrée en 2008 consécutive aux
crises alimentaire et énergétique. En effet, le taux d'inflation
s'est situé en moyenne à 2,0% sur la période 2010-2012
(Perspective économique mondiale d'avril 2013).
11La demande effective est la demande anticipée
par les chefs d'entreprise. Par ce concept, Keynes montre que la demande
d'investissement des entreprises et le niveau de l'emploi sont
déterminés par le volume de production
la relation entre le salaire et la production12,
nous avons trouvé une corrélation positive entre les deux
variables. Cet état de fait explique le lien positif entre l'emploi et
le salaire.
2.2.4. Effet du capital
L'élasticité de la demande de travail par
rapport au capital est de -2,48. Une augmentation de la valeur du capital de 1%
entraine une baisse de la demande de travail de 2,48% toute chose égale
par ailleurs. Comme nous l'avons vu plus haut, l'économie
Burkinabè est faiblement intensive en capital (l'intensité
capitalistique est de 0,16). A court terme, une augmentation du coût du
capital accroit les coûts de production sans pour autant stimuler la
consommation et la production d'autant plus que les entreprises ont une faible
influence le facteur capital à court terme. De ce fait, elles vont
répondre à cette augmentation du coût de production en
baissant le niveau de production car il revient plus chère de produire
le même niveau de production avec des coûts plus
élevés. Comme le capital est fixe, pour baisser le niveau de
production suite à la hausse du coût de production, les
entreprises vont chercher à réduire la masse salariale qu'elles
supportent en procédant à des licenciements. En somme, la hausse
du coût du capital conduit à une baisse de la production ce qui
conduit à une diminution des emplois.
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anticipé par les chefs d'entreprise pour
répondre à la demande de biens de consommation et de biens
d'équipement.
12 Cette situation est représentée par
le schéma en annexe 6.
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