B- Le cas de la Tunisie :
Le régime politique Tunisien avant le Printemps arabe se
saurait être considéré comme totalitaire. En effet le
totalitarisme se manifeste par une idéologie forte et une volonté
de contrôler la sphère intime de la pensée. De la
même manière, on remarque que le régime ne s'est pas
maintenu par une violence quotidienne et n'avait pas un caractère
illégitime ou exceptionnel. De ce fait il ne peut être
considéré comme une dictature. C'est dans le cadre de la
définition des régimes autoritaires de Juan Linz que le
régime de Zine El Abidine Ben Ali
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s'inscrit. En effet, 73le RCD fut un véritable
parti-Etat revendiquant 2,8 millions de membres soit un Tunisien sur 4 en 2008
et le pluralisme en était limité (le pays n'a pas connu
d'alternance au pouvoir). Nous allons tenter de comprendre les raisons qui ont
conduit a une révolution dans ce pays.
D'abord, le Parti islamiste Ennahda interdit avant le Printemps
Arabe fut la victime d'une féroce répression policière
contre ses membres ainsi que les éléments islamistes
indépendants qui afficher une opposition au régime.
La violence des forces de l'ordre sous les ordres de Ben Ali furent diriger
contre toute contestation a sa politique, 74ce qui
caractérise d'ailleurs les régimes autoritaires selon Larry
Diamond. Dans le cadre de sa définition, le régime de Ben Ali
serait qualifié d'autoritarisme non compétitif dans le sens ou
les élections étaient une façade démocratique car
le Président remporta les élections présidentiels
successives avec des scores que l'on qualifie de soviétique. De plus,
75le régime fut souvent accusés de violer les droits
de l'homme et de réprimer la liberté d'expression.
76Ainsi, au début de la révolution, les opposants
politique étaient déterminer a protester et a demander le
départ de Ben Ali et n'eurent curent des promesses faite a savoir
l'élargissement de la liberté de la presse par exemple. Le
mécontentement et le sentiment de revanche face a celui qui les avaient
réprimer durant des années était trop profond pour que les
mouvements de protestation aient lieu dans le calme et 77les mesures
promises n'ont pas suffit a galvaniser la colère engendré par des
années de répression et de haine.
73
Dot-Pouillard, Nicolas (2013), « Tunisie : la
révolution et ses passés », pp. 27-99.
74Larry Diamond, « Defining and Developing
Democracy », in Dahl, R.A, Shapiro.L, Cheibub, eds 2003, the Democracy
Sourcebook, The MIT Press, 2002
75
Bechir Ayari, Michael (2013), « La révolution
Tunisienne : une émeute politique qui a réussi ? », dans
« Au coeur des révoltes arabes », Armand Colin, pp.241-260
76
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Ben Romdhane, Mahmoud (2011), « Tunisie : Etat,
économie et société - Ressources politiques,
|
légitimations et régulations sociales »,
pp.
77Allani, Alaya (2012), Transition
démocratique en Tunisie et rôle de la collaboration International
», dans « Ou va le Monde Arabe ? », pp.55-62
41 sur 51
D'une dans le cadre de la théorie de la transitologie, le
comportement des élites est central a analyser dans la
compréhension du processus de démocratisation. Les élites
économiques et traditionnels qui se sont construites sous le
règne de Ben Ali ont participer a la révolution.
78Cela est du au fait que la forte croissance économique de
la Tunisie a été mis a mal par un clientélisme notoire
combiné a une corruption institutionnalisé, un appareil
d'état au service de logiques clientélisme symbolisé par
la mainmise de la famille Ben Ali-Trabelsi sur des pans entiers de
l'économie tunisienne.
De ce fait, les élites économiques se sentaient
menacer et oppresser dans le cadre de leurs volonté de prospérer
au niveau économique et elles se sont ainsi rangées du
coté des révolutionnaires.
Aujourd'hui elles adhèrent au discours nostalgique de
l'Etat Bourguibiste porté par Caid Beji Essebsi et elles portent le
consensus autours des anciens du régime car elles sont affolées
par l'instabilité sécuritaire et économique depuis la
révolution.79 Ce dernier ainsi que son Premier Ministre Habib
Essid sont d'anciens membres du RCD de Ben Ali et ont occupé des
fonctions lorsqu'il été au pouvoir. 80La
volonté des élites économiques a primé comme le
suggèrent O'Donnel et Schmmiter et a imposer un retour aux anciens
caciques après la parenthèse Ennahda.
Si la théorie de l'Ecole de la Modernisation se confirme
dans l'étude de cas du Maroc il en est autrement concernant la
Tunisie.La thèse selon laquelle ce pays n'a pu accéder a la
démocratie tel que défini par Robert Kaplan en raison d'un
développement (ou d'une modernisation) insuffisant n'est pas confirmer.
Il est vrai qu'a l'échelle mondial comme l'a montrer Martin Seymour
Lipset, les données empiriques qu'il a étudié montre un
lien évident
78 Ibid
79Ben Romdhane, Mahmoud (2011), « Tunisie : Etat,
économie et société - Ressources politiques,
légitimations et régulations sociales », pp.
80Guillermo O'Donnel et Philippe Schmitter,
Transitions from Authoritarian Rule,Baltimore, Johns Hopkins University Press,
1986.
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entre développement socio-économique et
démocratie. En dehors des pays producteurs de pétrole qui tirent
ressource de leurs sous sols sans les transformations sociétales qui
accompagnent le développement, tout les pays riches sont des
démocraties. La thèse de Lipset est très
intéressante dans le cas Tunisien. 81Le taux
d'analphabétisme se situe a 11% en 2010 (deux fois moins qu'au Maroc) et
le taux d'urbanisation a 74%. Dans un livre de Mahmoud Ben Rhomdane, «
Tunisie : Etat, économie et société », une
étude montre que par rapport au groupe des pays autoritaires (et donc
peu développé pour Lipset), le revenue par tête en Tunisie
est plus de trois fois supérieur et l'espérance de vie est de 18
ans plus élevé.
Aussi, les années 90 furent marquer par une forte
croissance économique : entre 1990 et 2010, la Tunisie a connu une
croissance de 4% en moyenne, en grande partie grâce a l'essor du tourisme
et de l'industrie textile. Mais Lipset avait mis en garde contre un
développement « qui n'inclut pas toutes les sphères de la
société », chose qui peut se révéler contre
productive. Et cela fut le cas : 82il existe de grandes
inégalités régionales entre Tunis et le littoral
touristique d'un coté et le sud et l'Ouest du pays de l'autre. Cela se
traduit par un manque d'infrastructures et cela réveil une ancienne
tension entre Nordistes et Sudiste sur laquelle nous
reviendrons.83De plus cela a induit un recul de l'économie
conjugué a une population active grandissante avec un fort taux de
chômage chez les jeunes de moins de 35 ans (30%) et chez les jeunes
diplômés (55%) du fait de la dépréciation des
diplômes et de l'incapacité du marché du travail a absorber
cette population. L'une des principales raisons qui expliquent le
déchainement de violence après l'immolation de Mohamed Bouazizi
se trouve ici. 84En effet, les principaux mécontents de la
politique de Ben Ali étaient des chômeurs et des individus exclus
de l'essor économique tunisien qui profiter selon eux uniquement au clan
Ben Ali-Trabelsi. La promesse du Président de créer 300 000
emplois
81Ben Romdhane, Mahmoud (2011), « Tunisie :
Etat, économie et société - Ressources politiques,
légitimations et régulations sociales », pp.
82Allani, Alaya (2012), Transition
démocratique en Tunisie et rôle de la collaboration International
», dans « Ou va le Monde Arabe ? », pp.55-62
83Ben Romdhane, Mahmoud (2011), « Tunisie :
Etat, économie et société - Ressources politiques,
légitimations et régulations sociales », pp.
84Bechir Ayari, Michael (2013), « La
révolution Tunisienne : une émeute politique qui a réussi
? », dans « Au coeur des révoltes arabes », Armand Colin,
pp.241-260
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pour tenter de calmer ces individus a été un
échec, d'ailleurs le mouvement de révolte a durcit après
cela.
Aussi Lipset 85affirme que la légitimité
d'un système politique se base sur la réponse a la question
suivante : comment résoudre les questions qui clivent la
société et dans le cas présent la notion identitaire. Il y
a une division des acteurs et de la population sur la question de
l'identité tunisienne, entre les revendications séculaires et
laïques des partis de gauche et du centre et celles islamistes du Parti
Ennahda. 86ll y a une Tunisie se réclamant d'une
modernité calqué sur les valeurs occidentales et principalement
française et une Tunisie accroché a la tradition arabo-musulmane
qui demande un retour a certaines structures social et collectives a
caractère religieux qui aurait du être a la base de
l'identité fondatrice du pays. 87Cela renvoie a une tension
originelle qui remonte a l'indépendance entre les partisans de Bourguiba
et de Salah Ben Youssef, dont les partisans se trouvaient dans le Sud et qui
ont moins bénéficier de l'essor économique du pays. Cette
tension a donner plus d'élan au mouvement de contestation, les
éléments islamistes qui revendiqué un retour de la
religion dans le pays ont percu le mouvement de protestation comme une
fenêtre d'opportunité qui leurs permettait d'exprimer leurs
idées et dans le cas ou le régime s'écroulerait, de
directement les mettre en place. Cela a encourager la volonté de se
révolter contre le President Ben Ali.
On observe ici le paradoxe du cas Tunisien mais c'est
véritablement la théorie de Lipset qui permet de cerner les
raisons qui conduit a la Révolution. En effet comme on a pu le
constater, le niveau de vie de la population, l'espérance de vie, la
taux d'alphabétisation, d'éducation et d'urbanisation laisse
penser qu'il s'agit d'un pays relativement bien développé
comparé a la moyenne mondial. Or, le système politique du
régime ne convenait plus a cette population bien éduquée
en majorité et qui observe un essor économique important mais qui
ne profite
85Seymour Lipset, « Some Social Requisites of
Democracy : Economic Development and Political Legitimacy », American
Political Science Review, 53, 1959,
86Ben Romdhane, Mahmoud (2011), « Tunisie : Etat,
économie et société - Ressources politiques,
légitimations et régulations sociales », pp.
87Dot-Pouillard, Nicolas (2013), « Tunisie : la
révolution et ses passés »
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pas a tous. Le développement social et économique
aurait du s'accompagner d'une libéralisation politique du régime.
88Mais le très autoritaire Ben Ali est resté arc
bouté a la « Tunisianité du régime » alors que
comme la théorisé Joan Nelson, la participation politique doit
être réduite pour promouvoir le développement
économique mais ce de manière temporaire alors que le
Président c'est maintenu au pouvoir pendant 23 ans.
Une différence majeure entre le cas du Maroc et de la
Tunisie porte sur le fait que les nouvelles constitutions adopté dans
chacun des pays ne répondent pas aux mêmes objectifs : si le
changement opéré au Maroc semble répondre a une logique de
défense stratégique du pouvoir Alaouite face a une crise social
d'envergure, 89 ce qui est en adéquation avec la
théorie de Dankwart Rustow, la Constitution tunisienne est elle issu
d'une véritable volonté de mettre en place un régime
démocratique avec l'appui tacite des élites économiques et
traditionnels, peut erre parce que ce pays est arrivé a un niveau de
développement suffisant. Les balbutiements après la
révolution avec l'arrivée au pouvoir d'Ennahda et les turbulences
qui ont accompagner la présidence de Moncef Marzouki justifie la
thèse de Przeworski 90selon laquelle la
démocratisation est porteuse d'un grand degré d'incertitude. Mais
le modèle tunisien tend a montrer que le dépassement de ce moment
d'incertitude est possible et que la démocratie semble pouvoir
être atteinte.
Synthése :
A la question de savoir quelles sont les réalités
politiques et sociales qui expliquent que deux pays ayant des similitudes
socio-culturelles appréhendent différemment un même
bouleversement politique, le printemps arabe, il est question de comprendre
à travers l'organisation de la vie politique et de la
société civile,
88Ben Romdhane, Mahmoud (2011), « Tunisie : Etat,
économie et société - Ressources politiques,
légitimations et régulations sociales », pp.
89Rustow Dankwart, « Transitions to Democracy
: Toward a Dynamic Model », Comparative Politics 2(3), 1970
90Adam Przeworski et Fernanco Limongi, «
Modernization. Theories and Facts », World Politics,49, janvier 1997, p.
155-183.
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propre à chacun des deux pays, si ce sont des
éléments explicatifs de l'évolution des régimes
après le printemps arabe ?
Pour ce faire, il a été pertinent d'utiliser la
méthode hypothético-déductive afin de comparer la
situation du Maroc et celle de la Tunisie en se focalisant sur les seuls
facteurs internes des deux pays et les auteurs étudiés.
Après avoir défini le cadre théorique de la recherche,
nous avons consacré la deuxième partie à la description de
la situation des deux Etats afin de pouvoir l'analyser dans une
troisième partie.
L'apport théorique le plus efficace est celui de l'Ecole
de la Modernisation et celui de la thèse de Martin Seymour Lipset. Cet
auteur affirme au moyen d'une étude empirique que les conditions
économiques et sociales dans un Etat contraignent les
opportunités de l'établissement et du maintient des institutions
démocratique (ces conditions ne sont pas pour autant suffisantes). En
effet plus un Etat est développé au niveau
socio-économique, et plus il multiplie les conditions pour construire un
système démocratique. Ainsi, notre étude montre que
l'échec du Mouvement du 20 février au Maroc, est dût
à un manque d'adhésion de la population pour plusieurs raisons.
Il y a un fort attachement à la Monarchie en raison de son ancrage
religieux. Les élites n'ont pas eu la volonté de provoquer un
changement de régime par le conflit par peur de perdre leurs avantages
dans la société, mais aussi à cause de la peur que suscite
l'arrivée d'un régime démocratique dans un pays peu
développé, possédant une population faiblement
éduqué et rural. Il y a le sentiment que le Maroc n'est pas
encore prêt pour la démocratie car il n'a pas atteint le niveau de
développement nécessaire. De plus, l'existence d'une opposition
politique autour du PJD qui n'a pas subi une violence acharnée de l'Etat
a permis aux mécontents de se tourner vers ce parti pour contester le
régime politique dans le cadre des règles normatives d'une
démocratie, évitant ainsi une révolution; en permettant de
contester des décisions politiques à travaux des canaux
conventionnels, que sont les partis politique.
Quant à la révolution du Jasmin, elle s'explique
lorsqu'on observe les données économiques et sociales de la
Tunisie. Ces données montrent que ce pays se
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rapproche d'avantage des pays démocratiques que des pays
au fonctionnement autoritaire. L'Etat Policier de Ben Ali a muselé
toutes contestations, les élites économiques ont
été brimées par le clan autour du Président. Cela
conjugué à une population bien éduquée et
pro-laique, qui a connue une croissance économique qui n'a pas profiter
à l'ensemble des sphères de la société, et qui a eu
pour conséquence une volonté manifeste de la population de vivre
sous un régime plus démocratique que l'autoritarisme de Ben Ali.
Cela semble expliqué sa chute brutale et inattendu. La Tunisie a alors
atteint un niveau de développement sociaux-économiques qui
légitiment l'installation et la consolidation de la
démocratie.
Ainsi, les différences au niveau de l'organisation
politique d'abord et de la société civile ensuite qui expliquent
les trajectoires opposées qui ont suivi le printemps arabe. Les
régimes politiques du Maroc et de la Tunisie se distinguent, mais la
société civile inspire toujours à des changements majeurs
attendus. Le Maroc tend encore à entériner les principes
votés par sa constitution, dans un contexte rendu de plus en plus
pressant par la société civile de plus en plus alerte de ses
droits. Quant à la Tunisie, les enjeux sécuritaireset le besoin
de justice ressenti par la société, consistent en des
défis majeurs pour la stabilité de cet Etat nouvellement
démocratique.
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