PARAGRAPHE II : Les changements
inattendus des mandats en cours de l'O.N.U
Si l'E.C.O.M.O.G a été une opération
caractérisée par la flexibilité controversée de son
mandat, les opérations mises en place par les Nations Unies ont eu, au
contraire des mandats clairs mais limités. Cette étroitesse va
attirer notre attention dans les développements qui suivent.
Au-delà de ces étroitesses des mandats des Nations Unies, nous
nous engagerons à étaler les changements inconvenants des mandats
soit par les représentants, soit les forces d'interposition.
La M.I.N.U.S.I.L (Mission des Nations Unies en Sierra Leone) a
été créée par la résolution 1270 du 22
octobre 1999. Il ne s'agissait pas de la première opération des
Nations Unies en Sierra Leone. La M.I.N.U.S.I.L venait remplacer la
M.O.N.U.S.I.L (Mission d'observation des Nations Unies en Sierra Léone),
créée une année auparavant par la résolution 1181
du 13 juillet 1998. La M.O.N.U.S.I.L a été une opération
mort-née. Outre le nombre insignifiant d'observateurs
déployés, un maximum de 210 observateurs militaires est
autorisé en août 199962, le mandat de la M.O.N.U.S.I.L
est étroitement limité. Elle doit suivre l'évolution de la
situation sur le plan militaire et sur le plan de la sécurité,
ainsi que superviser le désarmement et la démobilisation et aider
à assurer le respect du droit international humanitaire ; ce qui, vu la
situation de guerre civile, de cessez-le-feu constamment violés et
d'anarchie politique, était difficilement réalisable.
62 S/RES/1260, du 20 août 1999, § 4.
C'est ainsi qu'en janvier 199963, le mandat de la
M.O.N.U.S.I.L n'est prorogé que pour deux mois alors que le
Secrétaire général avait recommandé une prorogation
de six mois. Comme le souligne Louis Balmond, l'Organisation semble donc, pour
le rétablissement de la paix, s'en remettre avant tout à la
C.E.D.E.A.O et à l'E.C.O.M.O.G64.
Mais la M.I.N.U.S.I.L n'est pas sensée remplacer
seulement la M.O.N.U.S.I.L, mais aussi l'E.C.O.M.O.G, qui se retirera une fois
la M.I.N.U.S.I.L en place. Cependant, ce retrait n'était prévu,
ni dans la résolution créant la M.I.N.U.S.I.L, ni dans l'accord
de paix de Lomé du 7 juillet 199965. Au contraire, l'accord
de Lomé dispose à l'article XIII que le mandat de l'E.C.O.M.O.G
devra être révisé de la manière suivante : "(i)
maintien de la paix ; (ii) sécurité de l'Etat sierra
léonais ; (iii) protection de la M .I.N.U.S.I.L ; (iv) protection du
personnel du Programme de Désarmement, Démobilisation et de
Réintégration". On retrouve une situation déjà
rencontrée en Bosnie-Herzégovine, à savoir une mission des
Nations Unies protégée par un organisme régional ayant les
moyens militaires appropriés. Il est difficile de déterminer la
date exacte du retrait de l'E.C.O.M.O.G. Le dernier des documents officiels se
référant encore à la présence du bras armé
de la C.E.D.E.A.O en Sierra Leone date du 19 mai 200066.
Enfin, le mandat principal de la M.I.N.U.S.I.L est de
coopérer à l'exécution de l'Accord de paix de Lomé
avec le gouvernement sierra-léonais et les autres parties à
l'Accord67. Suite à la débâcle des terroristes
et du R.H.D.P, en Décembre dernier, à l'issue de la marche
insurrectionnelle par eux organisée pour tenter de prendre possession de
la R.T.I (Radiodiffusion Télévision Ivoirienne), Young Jin Choi,
représentant spécial du Secrétaire général
de l'O.N.U en Côte d'Ivoire, a décidé d'accroitre la
capacité opérationnelle des forces subversives se faisant
abusivement appeler Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire.
Dans cette perspective, plusieurs mercenaires ressortissants de la
sous-région ont été enrôlés dans les
effectifs de l'O.N.U.C.I.
63 S/RES/1220, du 12 janvier 1999, § 1.
64 "Chronique des faits internationaux" (dir. Louis
Balmond), RGDIP, 1999, n° 2, p. 485.
65 Accord de paix entre le gouvernement de la
République de Sierra Leone et le Front révolutionnaire uni de
Sierra Leone (RUF/SL), Lomé, le 7 juillet 1999 in AJICL,
octobre 1999, tome 11, n° 3, p. 583-610. Conclu sous les auspices du
Président en exercice de la CEDEAO, M. Gnassingbé Eyadema.
66S/2000/455, du 19 mai 2000, "Quatrième
rapport du Secrétaire général sur la mission des Nations
Unies en Sierra Leone". Il indique au paragraphe 18 que le 28 avril 2000, "un
accrochage entre des soldats de l'ECOMOG et des membres de l'ex-armée
sierra-léonaise au sujet d'un véhicule volé" a eu lieu.
67 67[26] S/RES/1270, § 8 a).
La stratégie consiste, selon des sources internes
à l'organisation, à remplacer les soldats des contingents qui se
retirent pour des raisons de fin de mission, par des mercenaires
recrutés au sein de la rébellion ou de la sous-région.
Cette opération est entrée dans sa phase active avec les
effectifs du Niger, du Benin et du Sénégal. S'agissant du Niger,
13 soldats retournés dans leur pays ont été
automatiquement remplacés par des mercenaires, avec la complicité
du Commandant du contingent nigérien, Assoumane Abdou dont la troupe a
formé le bataillon d'infanterie et de parachutistes. Selon des
informations en provenance du Nord du pays, ils mènent des patrouilles
ces derniers jours à la frontière entre la Côte d'Ivoire et
le Burkina Faso et escortent des missions de l'O.N.U à la ville
frontalière de Tingrela.
Ce sont eux qui, au sein de l'O.N.U.C.I, facilitent le trafic
économique au profit de l'opération de destruction dans le grand
nord de la Côte d'Ivoire. Quant au Bénin, il a rappelé 15
hommes que Choi et ses lieutenants ont remplacés aussitôt, avec
l'aval du Commandant du bataillon béninois, le Lieutenant-colonel Sanni
Bachabi. Ces mercenaires sont chargés notamment de prendre part en
secret, aux combats entre les F.D.S et les rebelles à Guiglo et
Touleupleu, afin de favoriser l'avancée des rebelles avec l'appui
logistique mis à leur portée. On note également la
relève et le remplacement de 37 soldats sénégalais, avec
la couverture du Lieutenant-colonel Sadio Diallo.
Ce sont ces mercenaires infiltrés au sein du contingent
sénégalais qui, selon les mêmes sources, opèrent
dans le district d'Abidjan. Sous les insignes de l'O.N.U.C.I, ils ont fait
plusieurs victimes dans les rangs des Forces de Défense et de
Sécurité dans la commune d'Abobo aux premières heures de
l'insurrection. Avec la complicité de Choi et des
`'véritables» casques bleus mandatés par l'O.N.U, ils ont
réussi à convoyer des armes dans certains quartiers du district
d'Abidjan, attendant l'arrivée d'autres mercenaires recrutés pour
entrer en scène. Comme on peut le constater, l'O.N.U est, en Côte
d'Ivoire, en train de violer toutes les dispositions des accords et autres
traités internationaux, y compris les accords de Vienne, la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et la Charte même de
l'Organisation des Nations Unies qui fait de la souveraineté des Etats,
de la paix, de la sécurité et des droits de l'homme la raison
d'être de sa création. Ceci, il le fait par le biais de la
politique Française en Côte d'Ivoire68.
68 Hugo SADA, la coopération militaire
française en Afrique
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