2.1.5. Méthodes d'estimation d'efficacité
La littérature regorge d'une diversité de
méthodes quant à l'évaluation de l'efficacité de
production. On y retrouve les approches paramétrique et non
paramétrique. L'approche paramétrique, suppose que l'on sache
spécifier correctement la fonction de production, de coût ou de
profit, qui peut être de type Cobb-Douglas ou Translog (Kwan et
Eisenbeis,(1997) cité par Coelli et al.(1998) et Ekou N.(2006)). La
frontière de l'ensemble de production ainsi
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définie peut alors prendre trois formes: celle d'une
«frontière stochastique» (stochastic frontier), celle d'une
«frontière épaisse» (thick frontier) ou celle d'une
«frontière libre» (distribution-free frontier). Celle-ci est
alors estimée à partir des données de l'échantillon
par une méthode du maximum de vraisemblance.
L'approche non-paramétrique remonte à la
publication des articles d'Aigner et al. (1977) et de Charnes et
al. (1978) cités par Amara et al. (2000). Il s'agit
d'une analyse par la méthode des données enveloppées (Data
Envelopment Analysis) qui ne nécessite aucune hypothèse sur la
forme de la fonction de production, de la fonction de coût, ou de profit
; elle a recours à la programmation linéaire. Cette
méthode est donc particulièrement adaptée à la
mesure de l'efficacité relative des firmes quand plusieurs
«input» sont utilisés pour produire plusieurs
«output» et, mieux encore, elle rend possible cette mesure quand la
technique de production est incertaine ou inconnue. Son principal
inconvénient est toutefois qu'elle est sensible aux erreurs de mesures.
Selon Coelli et al. (1998), cette approche ne prend pas en compte les
variations aléatoires qui pourraient influencer l'efficacité ou
l'inefficacité d'une exploitation, et son utilisation n'est, par
conséquent, souhaitée que dans le cas où les secteurs de
production dont on analyse l'efficacité présentent des effets
aléatoires très faibles: une multitude d'«output», des
difficultés dans la détermination des prix où les
décisions d'optimisation de coût ou de profit ne constituent pas
une priorité.
Ainsi, pour les secteurs ne présentant pas ces
caractéristiques, l'approche paramétrique se basant sur la
détermination d'une frontière de production est
préconisée. Deux types de frontières sont
distingués: la frontière déterministe et la
frontière stochastique.
2.1.5.1. Méthode par la frontière
déterministe
D'après Amara et Romain (2000) cité par Ekou
(2006), Farrell fut à l'origine de l'approche déterministe et
paramétrique. Il proposa l'approximation de la fonction de production
efficace par une forme fonctionnelle connue a priori. Ainsi, une
spécification plus facile et une meilleure analyse des
différentes propriétés algébriques de cette
fonction deviennent possibles. Il utilisa la forme fonctionnelle Cobb-Douglas
pour illustrer l'utilisation de cette approche sur des données agricoles
de 48 États américains, tout en imposant des rendements constants
à l'échelle.
Coelli et al. (1998) présentent le mode de
détermination de ce type de frontière en se basant sur une
étude de Aigner et Chu (1968) portant sur un échantillon de N
firmes et dont le modèle se présente comme suit :
????(??t) = xt??- ut av??c ut = 1, 2, ....., N (1)
Avec ln(??t) le logarithme de la production de la firme i,
xt= est un vecteur ligne de (K+1) éléments dont le
premier prend la valeur 1 et les autres, les logarithmes de chaque
quantité des K « input» utilisés,
â = (â1, â2, ...., âk) = un vecteur
colonne de (K+1) éléments qui sont les paramètres à
estimer;
ut= est une variable aléatoire non négative qui
traduit l'efficacité technique en termes de production de la firme i.
Le ratio entre la production observée (??t = exp (xt?? -
ut)) et la production estimée (exp (xt??)) sur la frontière d'une
firme parfaitement efficace (inefficacité nulle, ut = 0)
utilisant le même vecteur d'intrants, xt donne une
estimation de l'efficacité technique. Le niveau d'efficacité
technique (TE), compris entre 0 et 1, est donné par :
??t =
exp (xt ??)
exp(xt?? - ut)
exp (xt??) =
= exp(-ut) (2)
exp (xt??)
????t =
exp(xt??) exp(-ut)
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Où yi est la production observée de la firme i et
exp(xiâ) est la production frontière estimée.
Selon Amara et Romain (2000), plusieurs autres auteurs
s'inspireront de cette spécification de Aigner et Chu (1968) pour
apporter diverses modifications et affiner le modèle. Timmer (1971)
cité par Amara et al (2000), a proposé le modèle
probabiliste basé sur la sensibilité de la fonction
frontière aux observations extrêmes. Cette méthode
itérative en trois étapes consiste à estimer dans un
premier temps la fonction frontière pour l'ensemble de
l'échantillon, réduire progressivement l'échantillon d'un
certain nombre de firmes, choisies a priori, parmi celles qui sont les plus
proches de la frontière et estimer une nouvelle pour aboutir à
des coefficients rattachés à la fonction de production beaucoup
plus stables. Cette technique a connu avec succès des applications dans
le secteur agricole par Bravo-Ureta et al. (1997). L'approche par la
fonction déterministe a connu plusieurs autres utilisations, notamment
avec Richmond (1974), Greene (1980), Taylor et al. (1986), Bravo
-Ureta et Rieger (1990) cités par Nkunzimana (2005), qui ont
apporté quelques modifications, l'objectif principal étant
toujours de tendre vers des modèles avec les meilleures
précisions et des estimateurs efficaces.
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Malgré cet engouement pour son utilisation, l'approche
paramétrique et déterministe n'a pas cessé d'essuyer de
sérieuses critiques, si bien qu'elle est de moins en moins populaire
auprès des chercheurs. En effet, outre ses limites dictées par la
nature déterministe de la frontière de production, l'approche
paramétrique est sujette à deux autres critiques.
Premièrement, elle est très sensible aux observations
extrêmes et, deuxièmement, l'attribution d'une forme fonctionnelle
à la fonction frontière est restrictive, dans le sens que chaque
forme fonctionnelle traduit implicitement un certain nombre d'hypothèses
(Fried et al. 1993).
Ainsi, cette notion de frontière déterministe
néglige la possibilité que la performance d'une firme puisse
être affectée par plusieurs facteurs hors de son contrôle,
tels les aléas climatiques, le mauvais rendement des machines ou encore
les pénuries des intrants, dont l'effet est aussi important que les
facteurs contrôlables par la firme. Ces arguments sont à l'origine
du développement de l'approche stochastique ou d'erreur
composée.
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