Le droit de garder silence: mise en oeuvre de l'équitabilité du procès en droit international des droits de l'homme( Télécharger le fichier original )par Briba Mussa Mbuya Université de Goma - Licence 2015 |
b) Le coeur du débat en droit congolais sur l'indépendance du pouvoir judiciaireC'est en droit interne congolais que la question d'indépendance du pouvoir judiciaire est discutée. En fait, le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif94(*), ceux-ci ne peuvent « donner d'injonction au juge dans l'exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends juridictionnels, ni entraver le cours normal de la justice, ni modifier une décision de justice encore moins s'opposer à son exécution »95(*). Ce pouvoir est dévolu aux cours et tribunaux96(*) qui sont: la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat, la Haute Cour militaire ainsi que les cours et tribunaux civils militaires". Cet article avait subi un amendement le 20 janvier 2011. Avant cet amendement, l'article 149 alinéa 2 disait :" le pouvoir judiciaire est dévolu aux cours et tribunaux qui sont: la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat, la Haute Cour militaire, les cours et tribunaux civils militaires ainsi que les parquets attachés à ces juridictions". L'amendement de cet article avait pour but de supprimer "les parquets attachés à ces juridictions" dans l'énumération des titulaires du pouvoir judiciaire qui désormais est composé de seuls cours et tribunaux, rendant ainsi le seul magistrat du siège indépendant. Autrement dit, cet amendement a réduit sensiblement les bénéficiaires de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il ressort de cet article que les parquets ne font plus parties du pouvoir judiciaire ; et ne peuvent par voie de conséquence procéder aux arrestations. Autrement dit, si le pouvoir judiciaire est le garant des libertés et droits fondamentaux, alors c'est seulement ce pouvoir qui soit capable de les restreindre97(*). Et si le parquet n'est pas du pouvoir judiciaire alors il n'a pas pouvoir de contingenter les libertés individuelles et droits fondamentaux98(*). Le Professeur Kavundja, pense qu'en revisitant en 2011 l'article 149, on a posé des sérieux problèmes notamment : - L'article 220 de la Constitution du 18 février 2006 déclare: "La forme républicaine de l'Etat, le principe de suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la duré des mandats du Président de la République, l'indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l'objet d'aucune révision constitutionnelle". Cela signifie que l'article 220 de la Constitution du 18 février 2006 interdit de manière radicale et intangible toute révision constitutionnelle concernant l'indépendance du pouvoir judiciaire99(*). Ce qui veut dire que l'amendement de l'article 149 alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006 était inopportune et inconstitutionnelle100(*); - L'article 2 alinéa 9 de la loi organique n°08/013 du 05 août 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature qui est toujours en vigueur dit clairement que "le pouvoir judiciaire est dévolu aux cours et tribunaux qui sont: la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat, la Haute Cour militaire, les cours et tribunaux civils militaires ainsi qu'aux parquets près ces juridictions". Ce qui veut dire que le parquet fait toujours partie du pouvoir judiciaire101(*); - L'article 152 alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006, l'article 4 alinéa 2 de la loi organique n°08/013 du 05 août 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature et l'article 3 du règlement intérieur du 13 juin 2009 du Conseil supérieur de la magistrature énumèrent les membres du Conseil supérieur de la magistrature; parmi ses 152 membres, 76 sont magistrats du siège et 76 du parquet. Or, le Conseil supérieur de la magistrature est l'organe de gestion du pouvoir judiciaire102(*), autrement dit, seuls les membres du Conseil supérieur de la magistrature (du siège et du parquet) gèrent le pouvoir judiciaire. Ce qui veut dire que les magistrats du parquet font toujours partie du pouvoir judiciaire. La Cour constitutionnelle qui vient d'être créée a comme objectifs entre autres, de renforcer l'indépendance du pouvoir judiciaire face aux pouvoirs législatif et exécutif103(*). Avec son installation, le Bureau du Conseil supérieur de la magistrature, les syndicats des magistrats ou différents magistrats, pourraient saisir cette juridiction afin d'annuler l'amendement introduit à l'article 149 alinéa 2 de la Constitution étant donné qu'il n'avait pas tenu compte de l'esprit et des termes de l'article 220 de la Constitution du 18 février 2006104(*), des articles 2 et 4 de la loi organique n°08/013 du 05 août 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature105(*) et des articles 1 et 3 du règlement intérieur du 13 juin 2009 du Conseil supérieur de la magistrature. Et d'ailleurs l'article 33, 9° de ce même règlement du Conseil supérieur de la magistrature dit que le Bureau de cette institution a pour tâches notamment de faire tout ce qui est en son pouvoir pour assurer l'indépendance du pouvoir judiciaire. Partant de cette mission, le Bureau du Conseil supérieur de la magistrature devrait initier la correction de l'article 149 alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006106(*). Nous estimons que la RDC doit conformer son droit interne aux différents textes internationaux qui ont clairement prévu l'indépendance du pouvoir judiciaire comme nous les avons cité au début de ce point107(*). * 94 Article 149 de la Constitution de 2006 telle que modifiée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006. * 95 I. MINGASHANG, Op. Cit. p.22. * 96 L'expression Cours et Tribunaux vise toutes les juridictions appelées à exercer la juridiction en matière de droit privé, de droit pénal, droit administratif (...), lire A. RUBBENS, Indépendance des magistrats dans la République Démocratique du Congo, ARSOM, Bruxelles 1966, p.11. * 97 Lire l'article 150 de la Constitution : « Le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens ». * 98 La liberté d'aller et de revenir par exemple ne peut être limitée par le parquet sinon on se retrouve dans une situation d'arrestation arbitraire. * 99 Article 220 de la constitution de 2006 telle que modifiée à 2011. * 100 T. KAVUNDJA MANENO, Op. Cit. P.66. * 101 Ibidem. * 102 Article 152 de la Constitution de 2006 telle que modifiée en 2011. * 103 T. KAVUNDJA MANENO, Op. Cit. p.67. * 104 En application de l'article 162 al.2 prévoyant que toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire. * 105 Articles 2-4 de la loi organique n°08/013 du 05 août 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature et le règlement intérieur du 13 juin 2009 du Conseil supérieur de la magistrature. * 106 T. KAVUNDJA MANENO, Op. Cit. p.67. * 107 Lire pour plus de détails les article 10 de la DUDH des Droits de l'Homme adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, 14 du Pacte International des Droits Civils et Politiques de l'ONU du 19 décembre 1966 et 26 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. |
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