Le droit de garder silence: mise en oeuvre de l'équitabilité du procès en droit international des droits de l'homme( Télécharger le fichier original )par Briba Mussa Mbuya Université de Goma - Licence 2015 |
Section 2. Indemnisation après une erreur judiciaire§ Unique. Regard sur le pacte international relatif les droits civils et politiquesA. Quiddité de l'erreur judiciaire Le terme d'erreur judiciaire ne peut plus se définir seulement comme la condamnation erronée d'une personne innocente278(*). « Erreur de fait qui, commise par une juridiction de jugement dans son appréciation de la culpabilité d'une personne poursuivie, peut, si elle a entraîné une condamnation définitive, être réparée sous certaines conditions au moyen d'un pourvoi en révision ». Dans cette définition que le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu279(*) donne de l'erreur judiciaire on retrouve l'idée communément admise qu'il s'agit de la condamnation d'une personne innocente à la suite d'une erreur de jugement280(*). L'erreur judiciaire est, au pénal, une tragédie épouvantable. Elle déshonore tous les personnels qui y concourent : les juges qui ont commis l'irréparable, les avocats incapables de la prévenir et les enquêteurs désignant un innocent à l'opprobre de la justice281(*). B. L'erreur judiciaire issue du mépris du droit au silence Le droit de se taire lors d'un interrogatoire de police et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au coeur de la notion de procès équitable consacrée par l'article282(*). En mettant le prévenu à l'abri d'une coercition abusive de la part des autorités, ces immunités concourent à éviter des erreurs judiciaires et à garantir le résultat voulu par l'article 6283(*) qui prévoit le droit à un procès équitable. Ainsi, le mépris du droit de garder silence porte en soi les germes d'une éventuelle erreur judiciaire. La C.E.D.H va plus loin en pensant que même l'obligation de prêter serment et de dire la vérité revient en pratique à nier le droit de garder le silence et de ne pas s'auto-incriminer, entendu comme un rempart contre les abus et les erreurs judiciaires284(*). La C.E.D.H pose ainsi la question de la notification de ce droit : non seulement le requérant n'avait pas été informe de son droit de ne pas répondre, mais il avait pu se sentir oblige de répondre du fait du serment. L'exigence même de prestation de serment, en lien avec le contexte de la garde a vue, est directement critiquée par les juges européens, comme contradictoire avec le droit de garder le silence285(*). A l'issue de la procédure de réexamen, lorsque le condamné est reconnu innocent, le condamné peut se voir allouer une indemnité à raison du préjudice que lui a causé la condamnation. Le paragraphe 6 de l'article 14 du PIDCP prévoit un droit effectif à indemnisation en cas d'erreur judiciaire dans une affaire pénale. Le paragraphe 7 interdit la dualité de poursuites pour une même infraction, garantissant ainsi une liberté fondamentale, c'est-à-dire le droit de toute personne de ne pas être poursuivie ou punie de nouveau en raison d'une infraction pour laquelle elle a déjà été condamnée ou acquittée par une décision définitive. Les États parties au Pacte, dans leurs rapports, devront clairement distinguer entre ces différents aspects du droit à un procès équitable286(*). En vertu de ce paragraphe 6 de l'article 14 du Pacte, une personne qui a fait l'objet d'une condamnation pénale définitive et qui a subi une peine à raison de cette condamnation sera indemnisée, conformément à la loi, si la condamnation est ultérieurement annulée ou lorsque la grâce est accordée parce qu'un fait nouveau ou nouvellement révélé prouve qu'il s'est produit une erreur judiciaire287(*). Il est nécessaire que les États parties légifèrent afin de garantir que l'indemnisation prescrite par cette disposition puisse effectivement être payée, et ce dans un délai raisonnable. Cette garantie ne s'applique pas lorsqu'il est prouvé que la non-révélation en temps utile du fait inconnu est entièrement ou partiellement imputable à l'accusé. En pareil cas, la charge de la preuve incombe à l'État. En outre, aucune indemnisation n'est due lorsque la condamnation est annulée en appel, c'est-à-dire avant que le jugement ne devienne définitif, ou à la suite d'une grâce accordée pour des motifs humanitaires ou dans le cadre de l'exercice de pouvoirs discrétionnaires ou pour des raisons d'équité, qui ne donnent pas à entendre qu'il s'est produit une erreur judiciaire288(*). Nous estimons que le versement de l'indemnité est dû si l'existence d'un préjudice moral ou matériel est prouvée, dans la mesure où le droit interne ne prévoit pas la procédure d'effacer les conséquences de la violation. Une autre question sera alors de démontrer le lien entre le préjudice subi et la violation de droit au procès équitable ayant conduit à une erreur judiciaire. * 278 D. SALAS, « Le nouvel âge de l'erreur judiciaire », Revue française d'administration publique 2008/1 (n° 125), p.2. disponible sur sur http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administrationpublique- 2008-1-page-169.htm consulté le 25/06/2016 à 15h30. * 279 G. CORNU, Op. Cit. p. * 280 Idem, p.3. * 281 Dominique INCHAUSPE, L'erreur judiciaire, Paris, PUF , «Questions judiciaires», 2010, p.1. * 282 C.E.D.H, Affaire BYKOV c. RUSSIE, arrêt 10 Mars 2009, §92. * 283 Ibidem. * 284 C.E.D.H, Funke c. France. , Arrêt du 25 Février 1993, §52. * 285 Ibidem. * 286 Les paragraphes 6 et 7 de l'article 14 du Pacte International relatifs aux droits civils et politique de 1966. * 287 Observation générale no 32: Article 14 (Droit à l'égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable), Récapitulation des observations générales ou recommandations générales adoptées par les organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme Quatre-vingt-dixième session (2007). * 288 Observation générale no 32: Article 14 (Droit à l'égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable), Récapitulation des observations générales ou recommandations générales adoptées par les organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme Quatre-vingt-dixième session (2007), |
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