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Les patent pools confrontés au droit de la concurrence.

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par Anne Rossion
Université Paris XI  - Master Droit des créations numériques  2011
  

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B) Les dispositions controversées sur les perfectionnements

Les membres du pool peuvent vouloir maîtriser l'innovation créée sur les technologies dont ils permettent l'utilisation. A cette fin, ils incluent dans leurs accords des clauses de rétrocession, dont les enjeux en termes de droit de la concurrence sont controversés.

1. La défiance pour les clauses de rétrocession

Une clause de rétrocession, ou « grantback clause », est une clause par laquelle un cessionnaire s'engage à accorder au concédant soit la propriété soit une licence des brevets sur les perfectionnements relatifs à l'objet de la licence initiale. De telles clauses sont couramment insérées

73 Department of Justice and Federal Trade Commission, Antitrust Guidelines for the Licensing of Intellectual Property, April 1995

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dans le domaine des regroupements de technologie, pour prévoir le partage automatique des innovations à venir, soit entre les membres, soit avec les tiers preneurs de licences. Elles visent notamment à éviter le phénomène de patent holdup, évoqué plus haut : une amélioration de la technologie pourrait être développée par l'un des membres du pool, ou l'un de ses licenciés, et proposée en licence à l'extérieur du regroupement à un niveau de redevances élevé.

De prime abord, il semblerait que ce type de clauses se présente comme un obstacle à la concurrence, et soit illégal. Par ailleurs, elles peuvent également être un frein à l'innovation, en décourageant les parties à l'accord de compléter l'éventail de brevets essentiels. Ces clauses de rétrocession, en particulier celles qui privent le cédant du droit d'utiliser la technologie améliorée, peuvent fortement décourager les parties concernées à s'engager dans des investissements coûteux en Recherche et Développement. La plupart des acteurs serait incitée à adopter une attitude de passager clandestin, et profiter des innovations apportées par les autres. Les Lignes directrices américaines l'exposent d'ailleurs clairement : « A pooling arrangement that requires members to grant licenses to each other for current and future technology at minimal cost may reduce the incentives of its members to engage in research and development because members of the pool have to share their successful research and development and each of the members can free ride on the accomplishments of other pool members. »74

2. Une appréciation plus nuancée

Mais il s'agit aussi de considérer les potentiels effets proconcurrentiels de tels accords, surtout lorsqu'ils sont non exclusifs. Ces dispositions visent en effet notamment à éviter le phénomène des brevets dits « sous-marins », qui apparaît lorsqu'une entité qui exploite un produit ou un procédé découvre qu'elle contrefait un brevet dont la demande n'a pas encore été publiée. Les clauses de rétrocession peuvent également encourager les détenteurs de brevets à concéder des licences en premier lieu, afin de pouvoir par la suite bénéficier des perfectionnements apportés par les acquéreurs de licences. Ainsi, elles permettent aux deux parties à l'accord de partager les risques et les bénéfices associés à l'innovation, voire à exploiter des économies d'échelle engendrées par la mise en commun des recherches et des capacités complémentaires des parties. C'est ce que souligne la Commission Européenne dans ses Lignes directrices : « Il est légitime pour les parties de s'assurer que l'exploitation des technologies regroupées ne puisse être entravée par des preneurs

74 U.S. Department of Justice and Federal Trade Commission, Antitrust Guidelines for the Licensing of Intellectual Property, Washington, D.C., 1995, p. 28.

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qui détiennent ou s'apprêtent à obtenir des brevets essentiels. »75, de même que les autorités américaines : « Such arrangements provide a means for the licensee and the licensor to share risks and reward the licensor for making possible further innovation based on or informed by the licensed technology »76.

L'analyse des clauses de rétrocession des pools DVD et MPEG par le Department of Justice américain a conduit à conclure qu'elles étaient proconcurrentielles et qu'elles ne réduisaient pas l'incitation à innover77. En ce qui concerne le pool MPEG par exemple, les autorités américaines ont jugé que les clauses de rétrocession y sont limitées aux brevets essentiels et ne requièrent qu'une licence croisée non-exclusive établie selon des modalités raisonnables et non disciminatoires.

Cependant, au-delà de ces critères, il convient de souligner que l'appréciation des clauses de rétrocession peut s'avérer différente lorsque les technologies regroupées au sein du pool sont en position dominante sur un marché. Les Lignes directrices européennes opèrent d'ailleurs une distinction claire pour ce genre de situations. Dans ce cadre, et afin que l'accord limite le risque d'effets anticoncurrentiels, les obligations de rétrocession doivent être non exclusives et limitées aux améliorations indispensables ou importantes pour l'utilisation des technologies78. La validité et le bien-fondé des clauses de rétrocession dépendent donc du cas d'espèce, et requièrent de toute façon une analyse économique, car aucune réponse ou schéma préétabli ne peut être adopté.

Lerner et Tirole affirment par ailleurs que les pools constitués de brevets complémentaires sont plus enclins d'une part à permettre à leurs membres de concéder des licences séparément, et d'autre part à exiger des obligations de rétrocession. C'est pourquoi d'ailleurs, de même que pour les clauses permettant des licences indépendantes, la présence de clauses de rétrocession dans un pool peut se

75 Commission Européenne, « Lignes directrices relatives à l'application de l'article 81 du traité CE aux accords de transfert de technologie (2004/C 10 1/02) », Journal Officiel de l'Union Européenne, 27/04/2004, §228.

76 U.S. Department of Justice and Federal Trade Commission, Antitrust Guidelines for the Licensing of Intellectual Property, Washington, D.C., 1995, p. 27.

77 Department of Justice Ð Antitrust Division, Business Review Letter, Trustees of Columbia University, Fujitsu Limited, General Instrument Corp., Lucent Technologies Inc., Matsushita Electric Industrial Co., Ltd., Mitsubishi Electric Corp., Philips Electronics N.V., Scientific-Atlanta, Inc., and Sony Corp. (collectively the "Licensors"), Cable Television Laboratories, Inc. ("CableLabs"), MPEG LA, L.L.C. ("MPEG LA"), 26 juin 1997 : « Nor does the Portfolio license's grantback clause appear anticompetitive. Its scope, like that of the license itself, is limited to Essential Patents. It does not extend to mere implementations of the standard or even to improvements on the essential patents. n45 Rather, the grantback simply obliges licensees that control an Essential Patent to make it available to all, on a nonexclusive basis, at a fair and reasonable royalty, just like the Portfolio patents. »

78 Commission Européenne, « Lignes directrices relatives à l'application de l'article 81 du traité CE aux accords de transfert de technologie (2004/C 10 1/02) », Journal Officiel de l'Union Européenne, 27/04/2004, §228 : « Les obligations de rétrocession devront être non exclusives et limitées aux développements indispensables ou importants pour l'utilisation des technologies regroupées. »

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révéler être un indicateur utile pour les autorités de la concurrence pour contourner l'analyse de la complémentarité des brevets. Le pool de brevets complémentaires ne prend en effet aucun risque à permettre des licences indépendantes, car ces dernières ne créent pas de concurrence nouvelle pour son offre : les preneurs de licences devront de toute façon acquérir l'ensemble des brevets contenus dans le pool pour pouvoir utiliser la technologie. De même, un tel pool sera très favorable à l'application d'obligations de rétrocession -au risque avéré de voir l'incitation de ses membres à innover diminuer- , car il est davantage concerné par le problème du holdup qu'un pool contenant des substituts : en l'absence de clause de rétrocession, le détenteur du brevet bloquant peut en effet appliquer des prix de monopole et recréer le problème de marges multiples. Les clauses de rétrocession sont donc d'autant plus importantes pour les pools constitués de brevets complémentaires, mais également pour ceux où le degré d'essentialité des brevets est difficile à discerner.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon