CHAPITRE PREMIER : APPROCHE THEORIQUE DE L'INTEGRATION
ECONOMIQUE EN AFRIQUE : REVUE DE LA LITTERATURE.
Introduction
Au-delà de la croissance rapide du commerce
international, et alors même que le monde tente d'organiser les
échanges sur une base multilatérale à travers les
négociations successives de l'Organisation Mondiale du Commerce [OMC],
on observe de plus en plus une activité débordante sur le front
des ententes commerciales bilatérales et régionales. Et, comme le
rappelle l'OMC, les accords commerciaux régionaux [ACR], qu'ils soient
intra-régionaux ou interrégionaux, sont devenus aujourd'hui une
caractéristique essentielle de l'économie mondiale.
Depuis la fin des années1980, le système
international est modelé par des dynamiques d'intégration
régionale actives sur tous les continents. Il s'agit du regain de
régionalisme le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale puisque
le nombre d'accords d'intégration régionale conclus depuis la fin
des années1980 dépasse de loin celui enregistré pendant
les vagues de régionalisation des années 60-70. Ainsi, outre
l'Europe, il n'est pas aujourd'hui une région du monde qui ne se trouve
prise dans un ou plusieurs processus d'intégration. Rappelons les
principaux:
i' Accord de libre-échange nord-américain(ALENA) en
Amérique du Nord ; i' Marché Commun du Sud(Mercosur), Groupe
andinet Système d'intégration Centraméricain(SICA) en
Amérique latine;
i' Association des Nations d'Asie du Sud-est (ASEAN),
Association pour
i' La Coopération régionale en Asie du
Sud(SAARC) et Forum de coopération économique de
l'Asie-Pacifique(APEC) en Asie et dans le Pacifique;
i' Union Économique et Monétaire
ouest-africaine(UEMOA), Communauté économique et monétaire
de l'Afrique centrale (OEMAC), Communauté de Développement de
l'Afrique australe(SADC) et Marché Commun de l'Afrique australe et
orientale en Afrique;
i' Union du Maghreb Arabe(UMA) et Conseil de
coopération du Golfe (CCG) dans le monde arabe...
Toutefois, cette perspective de structuration régionale
du monde reste pour l'heure purement hypothétique et éminemment
problématique. En premier lieu, parler de régionalisation du
monde suppose que toutes les dynamiques régionales soient portées
par des logiques comparables. Or est-ce le cas? On peut certes s'accorder
autour d'une définition abstraite de l'intégration
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régionale comme étant le regroupement, plus
ou moins formalisé au plan institutionnel , de plusieurs États
appartenant à une aire géographique délimitée,
à des fins de coopération économique et/ou politique
à long terme. Mais en réalité, on le sait, la notion
d'intégration régionale peut recouvrir des réalités
fort différentes. Le nombre des États concernés, le
caractère plus ou moins ambitieux de l'intégration, la vocation
prioritairement commerciale ou au contraire politique du projet, le
degré accepté d'institutionnalisation et de transferts de
souveraineté sont autant de facteurs qui induisent une
multiplicité de formes d'intégration régionale qu'il
convient de différencier.
En second lieu, la perspective d'une régionalisation
effective de l'espace international est subordonnée à la
condition que les processus régionaux actuels s'avèrent davantage
producteurs d'effets intégrateurs que la majorité des
expériences institutionnelles tentées hors d'Europe depuis les
années 1950.
Au niveau subcontinental, on pourrait également
recenser une quantité d'institutions régionales qui se sont
révélées à l'usage totalement paralysées par
l'absence de cohésion politique et/ ou de convergence économique.
L'Afrique est en particulier un cimetière d'organisations
régionales dissoutes, tombées en désuétude ou
remplacées4
Un autre type de questionnement nécessaire pour
évaluer la portée des processus d'intégration
régionale concerne le degré d'intégration
économique. La question est complexe. En effet, cette condition
paraît indispensable pour donner corps à des structures
d'intégration régionale qui toutes s'appuient, à un
degré ou à un autre, sur un projet d'intensification des flux
économiques entre les États membres (assouplissement du
régime des échanges et des codes d'investissements
étrangers, zone de libre-échange, éventuellement union
douanière, liberté de circulation des capitaux, etc.). Si les
instruments juridiques destinés à promouvoir l'intégration
économique ne coïncident pas avec une intégration
économique réelle, il est évident que la structure
d'intégration régionale apparaîtra comme une coquille vide.
Il n'est certes pas absolument nécessaire qu'une intégration
économique forte préexiste aux traités, mais il
paraît indispensable en, revanche qu'elle se développe sous leurs
effets, comme l'a illustré depuis le Traité de Rome le
scénario européen (les effets combinés de l'union
douanière et des élargissements successifs ayant porté la
part des échanges intra-communautaires de 36% en1957 à plus de
60% aujourd'hui).
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Le présent chapitre s'articule sur deux sections abordant
respectivement la revue théorique et empirique de l'approche de
l'intégration économique régionale en Afrique.
1.1. REVUE DE LA LITTERATURE THEORIQUE
1.1.1. Elucidation des quelques concepts : notions ?
Intégration régionale2
La régionalisation, dans les économies en
développement, se caractérise par une intensification des
mouvements d'échanges avec la suppression des obstacles internes (zone
de libre-échange), un tarif extérieur commun (union
douanière) et une mobilité des facteurs (marché commun).
Elle se caractérise par une coordination des politiques
économiques ou sociales (union économique), par des projets de
coopération mis en place par des acteurs (coopération
régionale ou fonctionnelle), par des interdépendances entre les
économies conduisant à des convergences économiques
(intégration des marchés et coopération institutionnelle),
par la mise en place de règles ou de transferts de souveraineté
munis de structures institutionnelles (intégration institutionnelle ou
régionalisme fédérateur), par des relations
internationalisées au sein des réseaux ou des firmes
(intégration productive ou réticulaire)et par des effets
d'agglomération et infrastructures interconnectantes au sein de
territoires transnationaux.
L'intégration régionale a plusieurs dimensions,
(i) commerciale, financière, monétaire, économique par les
convergences de la croissance, (ii) sectorielle, institutionnelle par les
règles et les normes et (iii) politique et culturelle.
Les différentes conceptions de l'intégration
régionale.
Dans la littérature économique, il existe une
classification des intégrations inspirée de B. Balassa (1961).
L'auteur prône l'approche libérale et définit plusieurs
étapes d'intégration dans lesquelles l'Etat intervient en tant
que coordinateur. Même si les mécanismes de l'intégration
ne peuvent créer à eux seuls le développement
économique, B. Balassa propose une intégration
évolutive
2 l'intégration régionale
peut-être défini comme étant le regroupement, plus ou moins
formalisé au plan institutionnel , de plusieurs États appartenant
à une aire géographique délimitée, à des
fins de coopération économique et/ou politique à long
terme.
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qui commence par une ouverture commerciale et se prolonge vers
une intégration complète.
1' Zone d'échanges préférentiels.
Il s'agit d'un mécanisme au sein duquel les droits
prélevés par les membres sur les importations de biens produits
par les autres membres sont moins élevés que ceux qui
s'appliquent aux importations de biens produits par des pays non membres. Les
membres fixent les droits sur les importations provenant des non membres.
1' Zone de libre-échange. Elle
représente une zone d'échanges préférentiels sans
droits de douane sur les importations provenant des autres membres. Comme dans
le cas des zones d'échanges préférentiels, les membres
peuvent fixer les droits applicables aux importations provenant des non
membres.
1' Union douanière renvoie à une zone
de libre-échange au sein de laquelle les membres imposent des droits
communs aux non membres. Les membres peuvent également céder leur
souveraineté à une administration douanière unique.
1' Marché commun, est un aboutissement d'une
union douanière qui autorise la libre circulation des facteurs de
production (tels que le capital et le travail) à travers les
frontières nationales au sein de la communauté.
1' Union économique, (et monétaire)
peut se définir comme un marché commun avec le renforcement
et l'harmonisation des politiques monétaires et budgétaires, y
compris une monnaie commune. A ce stade d'intégration parfaitement
coordonnée, l'union peut surmonter certains effets d'entraînement
macro-économiques régionaux, peut conduire à une certaine
stabilisation économique, et peut promouvoir la cohésion et la
convergence entre les pays partenaires. Cette phase de l'intégration
incite fortement sur la réalisation d'une monnaie unique (optimum de
premier rang) ou de la parité de change fixe (optimum de second rang)
pour l'élimination des certains coûts liés à
l'interaction régionale.
1' Union politique c'est, pour certains auteurs, le
stade ultime de l'intégration dans lequel les membres deviennent une
seule nation. Les gouvernements nationaux cèdent leur
souveraineté en matière de politiques économiques et
sociales à une autorité supranationale, et mettent en place des
institutions, des processus judiciaires et législatifs communs - y
compris un parlement commun.
Pour l'Afrique, le régionalisme a d'abord
été une conception volontariste, « visant à une
déconnexion vis-à-vis du marché mondial »
(P. Hugon, 2002, p.18), avant qu'une prise de conscience
ne motive à laisser place à une conception libérale de
l'intégration par le marché. Malgré l'étroitesse de
leur
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marché et les limites structurelles, les
économies africaines sont de plus en plus réformées et
ouvertes, ce qui les incite davantage à renouveler leur
intérêt pour la coopération régionale. Ce regain
semble également motivé par la récente littérature
économique sur le sujet.
Selon la conception libérale, l'intégration
commerciale est assimilée à la libéralisation des
échanges et des facteurs de production ; elle est analysée au
regard de l'intégration mondiale. La théorie statique met en
relief les créations et détours de trafic et l'optimum de second
rang. La théorie dynamique met en relief la concurrence, les
économies d'échelle et les changements de termes de
l'échange. Intégrer, c'est réduire les distorsions des
politiques nationales et déplacer les frontières nationales en se
rapprochant du marché international.
Selon une conception volontariste, l'intégration
régionale est un processus de déconnexion visant à
protéger les économies de la mondialisation. Elle suppose une
protection, des politiques d'aménagement du territoire, la construction
d'un système productif plus ou moins déconnectée du
système de prix mondiaux.
? Intégration économique
L'intégration économique est définie
comme étant l'élimination des frontières
économiques entre deux ou plusieurs économies (Jacques Pelkmans).
Une frontière économique représente une démarcation
-souvent les frontières géographiques d'un État,- qui
limite la circulation des biens, de la main d'oeuvre et des capitaux.
L'intégration économique implique le retrait des obstacles aux
activités économiques transfrontalières qui concernent le
commerce, le mouvement de la main d'oeuvre, des services et la circulation des
capitaux3.
L'intégration économique régionale
est un processus multidimensionnel qui conduit à des
interdépendances entre des espaces économiques nationaux.
Celles-ci sont repérables au niveau des flux de marchandises, des flux
de capitaux et des relations d'information ; des convergences entre des
économies que l'on peut évaluer en termes d'indicateurs de
convergences commerciaux et financiers ; des projets conjoints
(coopération fonctionnelle et thématique) ; des coordinations,
des harmonisations voire des
3 Commission de l'Union africaine, Etat de
l'intégration en Afrique, Juillet 2011, p15
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unifications de politiques économiques se traduisant
par des transferts de souveraineté.4
L'objectif ultime de l'intégration économique
est d'augmenter les `échanges commerciaux à travers le monde. Il
y a beaucoup d'autres avantages qui vont avec ce concept. Certains de ces
avantages sont les suivants :
Création d'opportunités
commerciales.
Tous les pays qui suivent l'intégration
économique peuvent choisir entre un énorme éventail de
biens et de services. L'introduction de l'intégration économique
permet d'obtenir les biens et services à bon marché. Ceci parce
que la suppression des barrières au commerce réduit ou supprime
entièrement les tarifs. La réduction des taxes et des prix permet
d'économiser de l'argent que les pays peuvent utiliser pour se procurer
d'autres produits et services. Les États membres disposent ainsi (a)
d'une vaste sélection de biens et services qui n'étaient pas
disponibles antérieurement ;(b) peuvent acquérir des biens et
services qu'ils paient moins cher après la réduction ou la
suppression des tarifs ; c) encourager l'augmentation des échanges
commerciaux entre les pays membres car l'argent économisé sur
l'achat des marchandises à bon marché peut être
utilisé pour acquérir de nouveaux produits et services.
Opportunités d'emploi.
Les différentes options disponibles dans
l'intégration économique aident à libéraliser et
encourager les échanges commerciaux. Ceci conduit à l'expansion
du marché grâce à laquelle des montants importants de
capitaux sont investis dans l'économie du pays. Ceci crée des
opportunités d'emplois pour les personnes à travers le monde. Les
travailleurs se déplacent ainsi d'un pays à l'autre à la
recherche d'emplois et de meilleurs salaires. A mesure que l'intégration
économique encourage la libéralisation du commerce et l'expansion
du marché, les investissements accrus dans le pays et une plus grande
diffusion de la technologie, elle crée encore plus d'opportunités
d'emplois pour les personnes qui se déplacent d'un pays à l'autre
pour trouver du travail et gagner plus d'argent. Par exemple, les industries
qui utilisent la main d'oeuvre non qualifiée ont tendance à de
placer leurs unités de production dans les pays où la main
d'oeuvre coûte moins cher, dans le cadre d'une coopération
régionale.
Avantageux pour les marchés
financiers.
L'intégration économique est extrêmement
bénéfique pour les marchés financiers, car elle facilite
aux sociétés l'emprunt de capitaux à un taux
d'intérêt concessionnel. Ceci parce que les liquidités des
marchés de capitaux
4 Cered/FORUM et le Cernea, Analyse comparative des
processus d'intégration économique régionale,
Direction Générale de la Coopération Internationale et du
Développement, Université Paris X-Nanterre, p13.
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élargis augmentent et la diversification qui en
résulte réduit les risques qui accompagnent les investissements
intensifs.
Elle augmente les investissements étrangers
directs.
L'intégration économique favorise
l'accroissement de l'argent des investissements étrangers directs (IED).
Une fois que les sociétés se lancent dans les IED, à
travers de nouvelles opérations, la fusion, la prise de contrôle
ou l'acquisition, elles deviennent des entreprises internationales. Les pays
qui ont des économies plus importantes ou qui sont
géographiquement proches des économies importantes dans une
région donnée peuvent s'attendre à un accroissement des
IED en rejoignant le processus d'intégration que les pays qui ont une
petite économie ou qui sont situés à la
périphérie. Mais dans l'ensemble, tous les pays des sept
regroupements économiques ont bénéficié d'IED
additionnels, à travers la régionalisation.
Intégration politique.
Les pays qui s'engagent dans l'intégration
économique forment un regroupement et acquièrent une influence
politique plus importante que celle d'un pays individuel. L'intégration
est une stratégie essentielle pour la solution des problèmes
d'instabilité politique et de conflits entre les personnes, qui peuvent
affecter une région. Elle constitue également un outil efficace
pour faire face aux défis socio-économiques qui accompagnent la
mondialisation.
Favorable à une réelle convergence
économique.
L'intégration régionale peut être
favorable à une réelle convergence économique entre les
pays membres à travers l'ouverture des marchés à la
concurrence étrangère, résultant du
démantèlement des barrières bureaucratiques et
stratégiques à l'entrée et du retrait des contraintes
à la libre circulation des capitaux, de la main d'oeuvre et d'autres
ressources.
Elle brise les monopoles locaux existants.
La libéralisation du commerce et l'accroissement de la
mobilité des facteurs de production entre les pays membres contribuent
à la suppression des monopoles locaux existants et font évoluer
les structures jusque-là imparfaites de la concurrence vers un
idéal de la concurrence parfaite. Les marchés plus
compétitifs font gagner en efficacité en termes
d'amélioration de l'allocation des ressources et d'abaissement des
coûts de production, et de productivité accrue et
diversifiée.
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? Croissance économique
La croissance économique peut être définie
comme l'évolution à moyen et long terme du produit total et
surtout du produit par tête dans une économie donnée.
La croissance économique est le plus souvent
définie comme l'accroissement durable de la richesse produite sur un
territoire (national ou mondial), c'est-à-dire comme l'accroissement de
la production globale d'une économie. Cette augmentation est un
phénomène quantitatif, qui peut être mesurée en
volume ou en valeur par des agrégats tels que l'augmentation du PIB
(produit intérieur brut) ou du PNB (produit national brut). Cette
croissance quantitative se traduit notamment pour les ménages par
l'augmentation du niveau de vie, suite à l'évolution du rapport
entre l'évolution des prix et l'évolution des revenus.
La croissance économique n'est pas un fait naturel;
c'est au contraire un évènement historique exceptionnel, dont le
début est récent : le dix-huitième siècle pour la
Grande- Bretagne; le dix-neuvième pour quelques autres pays occidentaux:
la France, l'Allemagne, les États-Unis, l'Italie; le vingtième
siècle pour beaucoup d'autres, mais pas tous5.
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