PARTIE II :
L'OBEISSANCE INCRIMINEE
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« J'exige l'obéissance parce que je sais que
mes ordres sont raisonnables »92. Ce sont les mêmes
mots que proférerait toute personne qui se sent tout aussi prince, qui
sait détenir de l'autorité sur ses semblables appelés
subordonnés, et qui est par conséquent sûr de
l'exécution de ses ordres. Ce désir d'asservissement quoique
souvent justifié par la simple position supérieure de ceux qui
s'en prévalent, pousse l'individu à tomber sous le coup de la loi
parce qu'il serait allé au delà du canevas qui lui est
réservé. Ainsi, nous pouvons noter avec beaucoup d'amertume le
fait que les uns plient les autres à leur joug noyant ainsi leur libre
arbitre dans le vase de l'obligation professionnelle d'obéissance, et
détruisant par conséquent leur volonté avec l'arme de la
tyrannie. D'une part, ce qui retient l'attention dans ce contexte est que
l'illégitimité dans laquelle ces autorités se trouvent les
amène à faire des abus ; ils se contentent de « dicter
» de manière éperdue leur caprice au grand dam des
limites légales fixées. D'autre part, le subalterne
obéissant est prêt à tout faire pour satisfaire aux ordres
du supérieur, et se trouve à en faire plus qu'il ne fallait. Dans
l'un ou l'autre cas, se limiter à exécuter les injonctions
devient dangereux si l'on a n'a pas saisi les contours de l'ordre en question,
et dont on peut par là commettre des infractions (CHAPITRE
I). Et quand l'obéissance a été obtenue par la
force, le droit pénal refait surface (CHAPITRE II).
92 Antoine De Saint Exupéry, Le petit
prince, 1946. P.59
CHAPITRE I : L'OBEISSANCE FAUTIVE
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La faute est définie comme l'attitude d'une personne
qui, par négligence, imprudence ou malveillance, ne respecte pas les
engagements qu'il a pris personnellement, ou par personne
interposée93. Cette situation entraine la
responsabilité tant sur le plan pénal que civil. Dans le cadre de
l'obéissance, l'exécutant n'a pris aucun engagement au sens
formel du terme. Mais, il a été tout simplement sommé de
faire une tâche. Ce faisant, l'ordre reçu doit être
exécuté selon les recommandations, les objectifs et les moyens du
donneur d'ordre. Le subordonné ne saurait en aucun cas créer
lui-même des aspects qu'il entend exécuter, sinon il n'est
plus subordonné94. C'est l'expression du
rapport hiérarchique. Par rapport hiérarchique dans son sens
le plus large, nous entendons la dépendance de la volonté d'une
personne de celle d'une autre. Dans ce contexte, l'obéissance est une
obligation, c'est-à-dire que le subordonné est tenu
d'exécuter le service selon les directives qui lui sont données
par le supérieur hiérarchique. En s'écartant des
données initiales de l'ordre, le sujet peut aller au-delà des
limites prévues (SECTION I). La responsabilité
pénale peut également découler de l'exécution d'un
ordre illégal (SECTION II).
SECTION I : L'obéissance criminelle des
fonctionnaires et agents de l'Etat
L'article 131 du code pénal95présente
exhaustivement les collaborateurs de l'Etat qui sont dénommés
fonctionnaires. Il faut croire qu'à cette fonction de fonctionnaire, est
rattaché un principe assez fort, qui est celui de l'obéissance
93 GUILLIEN (R) et VINCENT (J), Lexique des termes
juridiques, Dalloz, Paris, 13ème édition, 2001,
p.257.
94 PAPADATOS (P. A.), Le
problème de l'ordre reçu en droit pénal, 1964,
p.48. (wwwlexinternet-droit comparé/pdf-droitpénal/
livre.net).
95 « Est considéré comme fonctionnaire
pour l'application de toute loi pénale, tout magistrat, tout officier
public ou ministériel, tout préposé ou commis de l'Etat ou
toute personne morale de droit public, d'une société d'Etat ou
d'économie mixte, d'un officier public ou ministériel, tout
militaire des forces armées ou de gendarmerie, tout agent de la
Sûreté nationale ou de l'Administration pénitentiaire et
toute personne chargée même occasionnellement d'un service, d'une
mission ou d'un mandat public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion
de l'exercice de ses fonctions ».
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hiérarchique96. Cependant, cette
obéissance est encadrée par des normes qui ne doivent en aucun
cas être empiétées. Ces infractions sont
généralement dues au dépassement de l'obéissance
requise (Paragraphe I). Au devoir d'obéissance qui est
prescrit en ce service, une grande exception est prévue, et
s'érige selon les circonstances en principe (Paragraphe
II).
Lorsque cette obéissance conduit à la commission
d'une infraction, l'on commence à s'interroger sur la
responsabilité des uns et des autres ; mais aussi et essentiellement sur
les rouages de cette délinquance particulière.
PARAGRAPHE I : Les dépassements du devoir
d'obéissance
Bien de fonctionnaires, en exécutant la loi, ou encore
en obéissant à un ordre de la hiérarchie, se trouvent
à en faire plus qu'il ne fallait (A).
Différemment, le service militaire est tellement contraignant et
imprégné de rigueur que la raison perd de la vitesse
(B).
A- L'obéissance abusive du fonctionnaire
Obéir abusivement, c'est non seulement se comporter en
vassal, c'est en plus outrepasser les circonférences des instructions
qui ont été données. Certainement, ceux-ci
interprètent mal le concept de zèle contenu dans les textes qui
régissent les différents corps de fonctionnaires : ce qui est le
début de la délinquance. Aussi, peut-on croire que ces
fonctionnaires incriminés ont mal saisi sinon le sens mais
peut-être l'étendue des ordres qui leur sont
donnés97.
Ce problème du contenu de l'ordre qui a induit en
erreur les Gardiens de la Paix KAM John Brice, BIMOGA Louis Legrand et
GREDOUBAI Michel, et qui a parallèlement causé leur condamnation
mérite une attention particulière. En effet, il est
reproché à ces derniers d'avoir suspendu sur une
balançoire et violenté WANDJI
96 Le devoir d'obéissance du fonctionnaire
emporte une double conséquence : Premièrement, le fonctionnaire
ne saurait se dérober à l'exécution des devoirs de sa
charge en invoquant une quelconque défaillance de ses collaborateurs
subalternes. Dans ce cas, il est tenu pour responsable de la non application
des instructions reçues de sa hiérarchie. Deuxièmement,
quand il a exécuté des instructions légales et ou
données sous forme légale, sa responsabilité se trouve
dégagée : commentaires du Pr. LEKENE DONFACK sous Loi de 1994
portant Statut Général de la Fonction Publique.
97 PAPADATOS (P. A.), op. cit, pp 7-9.
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Robert et DJIMAFO Joseph dans le but de les faire avouer le
vol d'une arme à feu. Ce faisant, WANDJI Robert rend l'âme et
DJIMAFO Joseph s'en sort avec une incapacité de 30%. Poursuivis en
justice pour actes de torture, ces agents affirment qu'ils ont reçu
l'ordre de l'officier ETOUNDI Marc qui leur a demandé d' «
exploiter les mis en cause ». Comment comprendre cette expression
? Ceci veut-il dire que cet officier leur a donné l'ordre de tout faire
pour obtenir des aveux ? Il est constant que les règles de
procédure pénale proscrivent l'aveu obtenu par la torture. Ce qui
fait que l'obéissance à cet ordre a inéluctablement
donné lieu au crime98.
Le TGI de Bafia a connu d'une affaire MP et OLINGA Jean
Charles contre TATAH Terence NAH aux faits similaires. En l'espèce,
TATAH Terence est gardien de prison en service à la prison principale de
Bafia. Dans la nuit du 3 au 4 décembre 1990, pendant que les
éléments de surveillance maitrisent une émeute
déclenchée au sein de ladite prison, OLINGA Jean Charles,
prisonnier condamné pour vol aggravé tente de s'échapper
en menaçant les gardes à l'aide d'une fourchette
aiguisée.
Dans le cadre du débat qui tourne autour de la
légitimité de l'ordre, le TGI a retenu la responsabilité
pénale de TATAH Terence NAH qui a abattu ce prisonnier alors qu'il
tentait d'escalader les murs du pénitencier pour s'évader. Au
procès, il soutient avoir reçu l'ordre de son supérieur
hiérarchique d'utiliser tous moyens possibles pour empêcher les
évasions. Mais le juge a retenu un excès de zèle dans
l'application de l'ordre reçu99.
C'est également le cas de M. NGUEWOU NANA : Le
prévenu nommé, Commissaire Central de la ville de Yaoundé
au moment des faits déclare qu'il avait reçu au cours du mois de
mai 1982 des instructions de sa hiérarchie de procéder à
l'enlèvement de tous les baraquements des vendeurs à la sauvette
et autres constructions encombrant le centre de la ville de Yaoundé. Il
a été condamné pour destruction des biens d'EWOLO EMANA et
abus de fonction de l'article 140 du
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