Activités de reconstruction économique et sociale pour l'autonomisation de la femme à Bangui et ses environs.( Télécharger le fichier original )par Ulrich Martial Bienvenu SANDY Université de Bangui - Master 2 en Action Humanitaire et Développement 2015 |
RESUMEEn 2013, la Centrafrique atteint l'apogée de la crise vécue depuis plusieurs décennies amenant l'ONU à déclarer le niveau 3. Malgré la désactivation du niveau 3 en Mai 2015 après que quelques avancées aient été observées dans la gestion de la crise, la situation humanitaire reste volatile et incertaine. L'interférence des phases d'urgence et du développement constitue un frein au processus de reconstruction et rend complexe cette crise. Une telle situation exige des acteurs humanitaires et du développement, la mise en oeuvre des actions d'appui au relèvement et de lutte contre la pauvreté qui prévoient d'éventuelle situation d'urgence en promouvant un équilibre social intercommunautaire. La qualité des ressources humaines et l'implication de toutes les populations (femmes, hommes, filles et garçons) sont les facteurs incontournables de gestion de cette période. D'où l'intérêt de ce travail qui relève la nécessité de la participation de la femme au processus de reconstruction économique et sociale du pays, en tant qu'actrice de développement. Il étudie les types d'activités susceptibles de renforcer le leadership de la population féminine et de contribuer à son autonomisation financière afin de la rendre plus participative. SUMMARY
In 2013, Central African Republic reached its highest point in crisis since many decades causing the UN to declare the level 3. Despite the downgrade from level 3 in May 2015 as well as some progress in crisis' management, the humanitarian situation still remains volatile and uncertain. The back and forth between emergency and development phases has been an obstacle to the reconstruction process and continues to make this crisis complex. This situation requires humanitarian and development actors to implement actions to support recovery and the fight against poverty which provide for possible emergencies by promoting inter-community social balance. The quality of human resources and the involvement of all people (women, men, girls and boys) are the essential factors for managing this period. Therefore, this work reinforces the importance of women's participation not only in the process of economic and social reconstruction of the country but also as an actor for development. It examines both the types of activities that strengthen the leadership of the female population and what contributes to their financial autonomy in order to make them more participatory citizens of the country. INTRODUCTION GENERALECatastrophes naturelles, attaques terroristes et conflits armés sont autant de maux qui caractérisent l'histoire du 21ème siècle et dont on ne peut passer un seul jour aujourd'hui sans que les médias en parlent. Les gens se battent, violent et tuent au nom de l'identité ethnique, religieuse ou des intérêts politiques et économiques. Les conditions de vie des populations des zones de ces crises et leurs moyens de subsistance se dégradent de jour en jour. La RCA s'inscrit dans la catégorie des Etats victimes de conflit armé. En effet, pays enclavé et potentiellement riche en ressources naturelles non encore exploitées, la République Centrafricaine a connu plusieurs crises militaro-politiques dont la plus redoutable est celle de Décembre 2012 qui a ouvert la voie à différentes séries d'attaques avec un impact considérable sur les tissus économique et social du pays, caractérisées par : (i.) les mouvements massifs de 838 000 déplacés internes des zones de conflits vers les zones stables et de 268.000 Réfugiés (CMP, 2014) ; (ii.) la perte des biens, des moyens de subsistance, des outils de production des ménages et des PME/PMI ; (iii.) des tueries : plus de 2000 décès (OCHA, 2014) et des cas de violence basée sur le genre ; iv. la destruction et le pillage des édifices publics et privés : des milliers de maisons détruites (UNHCR, 2014). Les femmes et les enfants ont été les principales victimes de ces conflits qui ont encore des impacts visibles, ressenties par les difficiles conditions de vie sur toute l'étendue du territoire, la dégradation des infrastructures socio-économiques, la dégradation de la cohésion sociale et les difficultés des acteurs économiques - femmes et jeunes du secteur informel - à reprendre leur activité. La connotation ethno-religieuse qu'a prise la crise centrafricaine de 2013 a été, d'un côté, une raison pour les bandes armées de s'en prendre violemment aux éleveurs (majoritairement musulmans) avec des conséquences multiples et, de l'autre côté les représailles d'autres groupes armés sur les populations agricoles les empêchant ainsi d'accéder à leur champ et les contraignant à quitter leur lieu de vie. Ces situations ont causé de lourdes pertes à l'agriculture, à l'élevage, a ébranlé la cohésion sociale entre les communautés et a mis à rude épreuve la cohabitation entre les agriculteurs et les éleveurs. L'agriculture et le petit élevage, principales sources d'activités et de revenus sur l'ensemble du territoire, souffrent à la fois de l'insécurité, de la mauvaise qualité et du manque d'intrants (semences, engrais) ainsi que de l'absence d'opportunités pour leur commercialisation. Les autres activités économiques dominées par le petit commerce restent marginales. Face à la recrudescence des évènements et à l'augmentation du nombre des déplacés, l'ONU a déclaré en décembre 2013 le niveau 3 de la crise pour permettre la fourniture accélérée et à grande échelle de l'assistance et de la protection aux personnes dans le besoin à travers l'augmentation des capacités d'intervention et le renforcement du leadership humanitaire. Ce qui a ouvert la voie à la présence massive d'acteurs humanitaires où le nombre d'ONG est passé de 47 en Décembre 2013 à 105 en Octobre 2014. Le 13 mai 2015, le Comité Permanent Inter Agence (CPIA), a désactivé le niveau 3 de la crise Centrafricaine1(*), donnant ainsi lieu à une nouvelle orientation dans sa gestion et exigeant aux acteurs présents sur le terrain d'initier des projets qui vont dans le sens de reconstruction économique et de la stabilisation des communautés. Les actions à mener dans ce contexte de relèvement visent à lutter contre la pauvreté et à promouvoir un équilibre social intercommunautaire. Cette lutte contre la pauvreté et pour l'équilibre social repose sur la qualité des ressources humaines et se réalise à travers une forte mobilisation de toutes les couches sociales de la population (femmes, hommes, filles et garçons). Cependant, l'analyse des données recueillies sur le terrain pour encourager la reconstruction du pays relève de profondes disparités entre les hommes et les femmes dans tous les secteurs clés du développement, bien que l'autonomisation de la femme soit le sujet de réflexion recommandé par les Nations Unies en 2015 et que la population centrafricaine est majoritairement féminine (50,2%). L'indice d'inégalité de genre est de 0,4692(*), classant la RCA au 40ème rand des pays africains. Le taux d'analphabétisme des femmes est très élevé (68% de femmes contre 46,2 % d'hommes). Les femmes sont plus actives dans le milieu informel, mais leur contribution à la richesse nationale est toujours minimisée, voire même négligée. La pauvreté touche plus les femmes que les hommes : bien avant la crise, 81 % des femmes sont pauvres en milieu rural contre 69% des hommes. La pauvreté d'existence affecte la moitié des ménages centrafricains (50,3%). En 2015, 2.519.115 personnes (50,2% de femmes et 49,8 d'hommes) ont besoin d'assistance humanitaire en Centrafrique (HNO, OCHA, 2015). Parmi eux, 453.262 (50,2% de femmes et 49,8 d'hommes) résident à Bangui. Face à ces situations, on est tenté de s'interroger sur une probable corrélation qui pourrait exister entre l'importance numérique de la population féminine, l'inégalité entre le genre et le taux élevé de la pauvreté en Centrafrique. Une tentative de réponse à ce problème est d'appuyer le pouvoir économique des femmes. La question que l'on est en droit de se poser dans le contexte actuel de relèvement de la RCA est celle de savoir comment les activités de reconstruction économique et sociale contribueraient-elles à la promotion du genre en RCA en vue de faire de la femme centrafricaine une vraie actrice du développement ? Cette interrogation a orienté notre choix du stage pour la rédaction de notre mémoire de fin d'étude. En effet, la validation de notre diplôme de Master 2 nécessite la soutenance d'un mémoire de stage que nous avons réalisé à International Rescue Committee (IRC). Nous avons eu l'occasion, au cours de notre stage, d'échanger avec les bénéficiaires des activités d'IRC afin de connaître leur appréciation des appuis reçus et d'évaluer leurs besoins. La réalisation de notre mémoire exigeait de nous un accès total à la documentation de l'IRC. Ce qui nous a été rendu facile grâce à l'implication de notre tutrice sur qui nous avons compté et sur les conseils et les avis de tous les staffs IRC qui n'ont pas hésité à répondre à nos multiples questions. Nous avons également assisté aux réunions du Cluster Moyens de Subsistance et Stabilisation des Communautés (MSSC), un des groupes sectoriels des Nations Unies qui regroupe tous les acteurs de mise en oeuvre des activités dans les secteurs de cohésion sociale et de relèvement précoce. Enfin, nous nous sommes documenté sur le contexte centrafricain, sur les actions déjà menées par IRC et d'autres acteurs, et spécifiquement les actions réalisées dans le domaine d'autonomisation de la femme. Ce qui nous a permis de constater que de nombreuses activités ont été réalisées en vue d'appuyer l'autonomisation de la femme et/ou d'encourager la promotion du genre, mais elles se limitent à l'intervalle de la période du projet sans un mécanisme de suivi dans le moyen terme. Aussi, l'impact des crises qu'a connues la RCA a été principalement analysé, jusqu'à présent, en fonction des mouvements de populations et de la division au sein des communautés religieuses, la destruction du tissu économique et le rôle de la femme, en tant que pièce maîtresse du relèvement économique, semblent relayer au second plan. Les constats et interrogations qui précédent nous ont amené à formuler notre thème sur « les activités de reconstruction économique et sociale pour l'autonomisation de la femme à Bangui et ses environs ». Beaucoup d'activités ne sont jusque-là menées que pour encourager les moyens de subsistance des communautés, bien que le pays se trouve déjà dans une phase de transition entre la crise et le développement. Il est donc nécessaire d'envisager l'orientation des projets d'appui à la relance économique vers des actions ayant un fort impact économique et social dont les acquis pourront être perduré dans le temps avec des stratégies et des mécanismes de suivi qui existeront même au delà de la durée de vie des projets. Notre mémoire s'inscrit dans ce contexte et va constituer une solide base de réflexion pour les projets à venir en matière de l'autonomisation de la femme et de la promotion du genre. Il va s'intéresser aux types d'activités susceptibles de renforcer le leadership de la population féminine tout en contribuant à son autonomisation financière afin de la rendre plus active dans le processus de la reconstruction. Ce travail concerne uniquement les conditions économiques et sociales de la femme en tant qu'actrice de développement. Nous ne développerons pas les analyses par rapport aux trois dimensions d'analyse du genre (Santé, autonomisation et emploi) ni à une analyse complète du genre, dans toutes ses composantes. Nous pensons être en mesure, durant ce temps passé à l'IRC, de mettre à contribution nos expériences et compétences techniques afin de mettre en oeuvre de tels projets, étant recrutée par l'organisation, pour quelques mois supplémentaires. Dans un premier chapitre, après avoir présenté le cadre du stage académique, ses activités en lien avec notre sujet d'étude et les éléments de compréhension, nous ferons une brève description de l'étude sur les activités de reconstruction économique à fort impact économique sur le revenu des femmes et filles que nous avons réalisée. Dans un deuxième chapitre, nous parlerons des principaux défis du relèvement économique en RCA dont laquelle partie on présentera les approches conceptuelles et théoriques de notre travail ainsi qu'un état des lieux de la promotion du genre et de l'autonomisation de la femme. Dans un troisième chapitre, enfin, nous présenterons les résultats de notre étude de terrain qui nous amène à énumérer les activités à fort impact économique et social et à décrire comment on peut les mettre en oeuvre avec des mécanismes de suivi sur le long terme. * 1 OCHA CAR, Rapport de Situation No. 55 du 12 au 26 mai 2015. * 2 FRASER-MOLEKETI G., 2015, Rapport d'étude « Indice de l'Inégalité du Genre en Afrique 2015 : Autonomisation les femmes africaines », Banque Africaine de Développement, 42p. |
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