II.2. Recommandations
Les activités de reconstruction économique et
sociale axées sur l'autonomisation économique des femmes peuvent
contribuer à l'atteinte de cinq objectifs interdépendants et
complémentaires, à savoir :
ü soutenir la mise en place d'une plateforme de dialogue
intercommunautaire et d'un mécanisme d'alerte précoce pour
faciliter les dynamiques de retour volontaires des déplacés dans
les quartiers ;
ü renforcer la capacité décisionnelle des
femmes dans le choix des débouchés économiques et
d'en profiter; de définir, d'influencer et de prendre des
décisions économiques en tenant compte des normes
socioculturelles ;
ü accroître les débouchés
économiques des femmes en les aidant à obtenir des emplois
convenables, à démarrer et à développer avec
succès leurs entreprises, ou à accroître leur
productivité et leurs gains agricoles ;
ü mobiliser les hommes à titre de partisans de
l'autonomisation économique des femmes et de participants à sa
réalisation ;
ü promouvoir l'entrepreneuriat féminin.
Toutes les informations reçues de la part de nos
interlocuteurs et mentionnées ci-dessus nous amènent à
formuler quelques recommandations suivantes.
a. Mise en place d'une plateforme de dialogue
intercommunautaire
« Aux grands maux, les grands
remèdes ». La particularité de la crise centrafricaine
en cours depuis 2013 a été la dégradation du climat social
intercommunautaire. La plateforme de dialogue intercommunautaire, dont une
discussion est déjà engagée par DRC, sera composée
des représentants de différentes confessions religieuses,
notables, leaders communautaires, des représentants de jeunesse, des
femmes et des organisations influentes par secteur. La mission de la plateforme
sera de traduire en acte la théorie selon laquelle l'éducation
civique transforme la mentalité en se basant sur des valeurs
innées pour faciliter la notion de vivre ensemble. Les activités
à réaliser par cette plateforme serait de : mettre en place,
dans chaque Arrondissement, un Comité d'Arrondissement. Le Comité
d'Arrondissement se chargera de mettre en place les comités de
quartier ; renforcer les capacités organisationnelles, techniques
et de négociation ; élaborer les outils nécessaires
à la prévention, la résolution pacifique des conflits, au
système de communication ; organiser les campagnes de
sensibilisation et de mobilisation des communautés sur les
thématiques de paix, cohésion sociale, relance économique,
retour des PDI et le vivre ensemble ; identifier, par quartier, les
facteurs encourageant le retour de la paix et la cohabitation entre
différentes communautés et organiser les échanges
entre les résidents des quartiers et les PDI de chaque quartier.
b. Renforcement de la capacité
décisionnelle des femmes
Le renforcement de la capacité décisionnelle de
la femme peut se concrétiser par : i. l'accroissement des
possibilités de formation technique et professionnelle, notamment dans
des secteurs non traditionnels, à valeur plus élevée et
émergents ; ii. le renforcement de leurs compétences pour
une meilleure qualité de vie, de leurs connaissances, ainsi que l'esprit
d'entreprise et les opportunités d'emploi. Sur la base du modèle
canadien, la réduction des obstacles qui empêchent les femmes de
se joindre à la population active et la hausse de leur
productivité et de leurs revenus augmentent leurs chances de
réussir en tant qu'entrepreneures, agricultrices ou salariées. Il
devient donc essentiel de joindre les femmes les plus pauvres afin de favoriser
leur participation aux activités. Le renforcement de la capacité
décisionnelle des femmes ne se réalisera que suivant une approche
participative intégrée avec l'implication des pouvoirs publics,
des autorités administratives et locales, des femmes elles-mêmes
et des hommes pour une appropriation des valeurs sociétales.
c. L'accroissement des débouchés
économiques des femmes
Les activités d'appui aux initiatives entrepreneuriales
et créatrices d'emploi des femmes apparaissent comme des pistes de
solutions aux problèmes de sous développement. La
productivité et la rentabilité des PME/TPE dirigées par
des femmes, y compris les exploitations agricoles peuvent être
facilitées à travers la réalisation de ces objectifs :
· offrir aux femmes une formation en entrepreneuriat et
un appui financier et technique pour démarrer, gérer et faire
croître leur entreprise tant agricole que commerciale. Il s'agit ici de
former les femmes sur différentes thématiques entrepreneuriales,
création/gestion des PME, les petites notions de comptabilité de
base, de les appuyer pour monter un projet d'affaire individuel et les mettre
en position de stage chez des mentors identifiés préalablement et
en fonction de filière d'activités proposées par chaque
bénéficiaire. Ces femmes seront enfin mises en réseaux
communautaires et commerciaux, en fonction de leur centre
d'intérêt et de leur projet d'entreprise. Chaque groupe de Cinq
personnes associe leur capital pour créer une PME répondant aux
normes standards. Cette stratégie se base sur un système de
mentorage, de parrainage et de marrainage afin de développer la
confiance des femmes, tant dans la vie publique que familiale, et de renforcer
leur pouvoir de négociation. Elle consiste aussi à
améliorer l'accès des entrepreneures et des agricultrices aux
services financiers, dont les prêts, l'épargne, l'assurance et le
crédit-bail, en particulier dans les zones rurales. En effet,
l'équipe projet se chargera de remplir toutes les formalités
administratives et fiscales nécessaires au démarrage et de
discuter avec le Gouvernement la possibilité d'accorder aux femmes
entrepreneures une période de cinq ans où elles exercent leurs
activités sans payer les taxes, conformément aux clauses conclues
lors d'un plaidoyer auprès du Gouvernement.
· cibler les fermes en offrant des services d'appui
à la résilience et de vulgarisation dans des domaines tels que
les pratiques agricoles et la gestion des ressources naturelles, la
transformation et la commercialisation, les normes de production. Les offres de
service doivent cibler toute une chaine de valeur dans une région
donnée. A l'exemple de la commune de Bimbo, un appui aux AGR peut cibler
à la fois et sur demande des bénéficiaires les
filières Manioc, Maïs et Arachide selon la saison en mettant sur
pied, au même moment des activités d'appui en intrants et aux
travaux champêtres couplées de Cash For Work pour les mêmes
bénéficiaires ; des activités de création et
d'exploitations de petites unités de transformation et de
commercialisation des produits agricoles et des activités d'exercices
d'AGR pour d'autres types de bénéficiaires, toutes
féminines. Cette stratégie consiste à faire
bénéficier un groupe de femmes à des intrants agricoles
accompagnés d'un appui en Cash For Work pour qu'elles cultivent et
labourent. Aussi, on peut sélectionner des jeunes (filles et
garçons) qui bénéficieront des activités de Cash
For Work pour travailler dans les plantations des premières
bénéficiaires ;
· orienter les activités de cash vers les secteurs
potentiellement générateurs de revenu. Il s'agit de planifier des
séances de renforcement des capacités des
bénéficiaires des activités de cash (cash inconditionnel
et cash conditionnel) sur la création et la gestion des entreprises
avant les activités proprement dites. Les résultats de notre
étude montrent que 17% des bénéficiaires de CFW ont
réinvesti une partie de leur argent dans une AGR. Ce qui est un premier
pas, sur lequel les organisations peuvent se baser. Il serait également
possible de proposer aux bénéficiaires de CFW la création
des GIE peu avant le payement de leur per diem. 93% de nos
enquêtés sont favorables à la constitution des groupements
de 5% à 10% pour constituer un capital au démarrage de leur AGR.
d. Mobilisation des hommes à titre de partisans de
l'autonomisation économique des femmes et de participants à sa
réalisation
L'implication des hommes dans les activités
d'autonomisation économique des femmes trouve son importance dans la
mesure où nombreux sont ceux qui comprennent par la notion du genre,
« l'égalité physique homme/femme »,
alors que l'égalité du genre permet de résoudre des
problèmes de développement. Impliquer les hommes dans ces
activités revient à briser les obstacles qui freinent
l'émancipation de la femme et permet de leur montrer l'importance des
mesures visant à accroître le droit de regard des femmes sur les
ressources du ménage et des lois qui promeuvent la participation au
processus de la reconstruction, en tant qu'actrices de développement.
Les activités à mener dans ce contexte peuvent être :
le renforcement de la capacité institutionnelle des organismes
gouvernementaux voués au développement économique et
à la condition féminine d'aborder l'autonomisation
économique des femmes ; l'appui aux mesures de préparation aux
situations d'urgence et de rétablissement après une catastrophe
naturelle qui intègrent ou ciblent les femmes ; l'implication des
hommes dans les réunions de présentation des activités des
projets ; l'organisation des campagnes de sensibilisation et des
plaidoyers auprès des décideurs.
e. La promotion de l'entrepreneuriat
féminin
Le secteur de l'entrepreneuriat et de l'auto-emploi est
caractérisé par l'insuffisance de professionnalisme dans les
interventions. Les femmes manquent de culture entrepreneuriale et ne sont pas
assez formées ni sensibilisées sur la connaissance du secteur ni
ses règles de fonctionnement. Plusieurs acteurs économiques - du
secteur informel - n'ont pas pris conscience que l'entrepreneuriat est un
secteur exigeant l'acquisition d'un savoir-faire du domaine. De nombreuses
femmes, appuyées par les activités des ONG, s'y lancent par
aventure et fonctionnent sans avoir au préalable mis en place les bases
fondamentales de fonctionnement professionnel telles que une bonne étude
de faisabilité du marché, le remplissage des formalités
administratives, la mise en oeuvre d'un bon plan d'affaire, la maîtrise
des principes requis et le remboursement à temps des crédits.
Beaucoup des femmes et des jeunes qui pratiquent les
activités agricoles ne savent pas que les produits de leurs
activités peuvent générer de l'argent qui pourront
être réinvestis dans d'autres activités. Si les femmes
savent qu'elles cultivent la terre pour vendre les produits et que l'argent
généré par la vente de ces produits agricoles leur permet
de créer une entreprise familiale, ou encore si l'agriculture en
elle-même est considérée comme un métier, on
parviendra certainement à basculer la tendance du cycle infernal de la
pauvreté. Même dans leur pratique quotidienne d'exercice de
petites AGR, beaucoup de femmes limitent leur activité au niveau du
ménage. Elles n'ont pas de stratégie de développement du
capital. Elles font le commerce juste pour « subvenir aux besoins
alimentaires » ou pour attendre une opportunité
professionnelle comme le témoignage suivant « j'exerce
cette activité en attendant mon intégration dans la fonction
publique », nous confie l'une d'entre elles. Ce qui
témoigne à suffisance le manque de culture entrepreneuriale. Le
commerce est devenu ainsi un simple passe-temps et non un métier.
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