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Les tensions entre l'union africaine et la cour pénale internationale à  l'occasion de la poursuite des chefs d'état africains

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par Stephanie Laure Anguezomo Ella
Université de Limoges - Master 2 2015
  

Disponible en mode multipage

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Mémoire de Master

UNIVERSITÉ DE LIMOGES

FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES

MASTER 2 Droit pénal international et européen

Mémoire

présenté et soutenu par

Stephanie Laure ANGUEZOMO ELLA
Le 20/07/2016

Mémoire dirigé par Mme Virginie SAINT JAMES

Année Universitaire 2015/2016

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REMERCIEMENTS

De près ou de loin, plusieurs personnes ont contribué à l'achèvement de ce travail de recherche, raison pour laquelle je tenais à leur adresser mes remerciements.

J'exprime toute ma gratitude à Mme Virginie SAINT JAMES, directrice de ce mémoire, pour m'avoir orientée lors du choix de mon sujet de recherche et pour avoir acceptée de suivre mon travail. Elle a su par son aide, sa disponibilité et ses précieux conseils me pousser à donner le meilleur de moi.

À Monsieur Francisco DJEDJRO MELEDJE pour m'avoir transmis des références pour mes recherches et pour m'avoir accordé de son temps pour discuter autour de mon sujet de façon à l'appré-hender au mieux.

Enfin, je remercie ma famille : Mes parents, mes frères et soeurs, mes proches et mes ami(e)s, qui m'ont sans cesse soutenu et encouragé.

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DROITS D'AUTEURS

Cette création est mise à disposition selon le Contrat :

« Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de modification 3.0 France » disponible en ligne : http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/

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ABRÉVIATIONS

AG Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies

BDP Bureau du procureur

CADHP Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

CAJDH Cour Africaine de Justice et des Droits de l'Homme

CIJ Cour Internationale de Justice

CPI (la Cour) Cour Pénale Internationale

CS (le Conseil) Conseil de Sécurité des Nations Unies

GUAD Groupe de haut niveau de l'Union Africaine pour le Darfour

JPI Justice Pénale Internationale

OUA Organisation de l'Unité Africaine

ONU Organisation des Nations Unies

OTAN Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

Protocole Protocole de MALABO

Statut Statut de Rome

UA Union Africaine

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SOMMAIRE

PREMIERE PARTIE : LE CONSTAT DE L'EXERCICE EXCLUSIF DE LA COMPÉTENCE DE LA COUR EN AFRIQUE

CHAPITRE I - L'ALLÉGATION DE POURSUITES DISCRIMINATOIRES SECTION I - L'exclusivité de poursuites actuelles en Afrique

SECTION I - Les facteurs expliquant l'intensité de l'action de la CPI en Afrique CHAPITRE II - L'ALLÉGATION DE POURSUITES SÉLECTIVES SECTION I - Les interférences politiques dans le choix des poursuites SECTION II - L'immixtion du Conseil de sécurité dans la procédure de la CPI

DEUXIEME PARTIE : LA RÉACTION PAR LA CRÉATION D'UNE COMPÉTENCE CON-

CURRENTE A CELLE DE LA CPI

CHAPITRE I - LES RÉSOLUTIONS PRISES PAR L'UA

SECTION I - La non-coopération des Etats avec la Cour

SECTION II - Le Protocole de Malabo portant création d'une Cour pénale régionale CHAPITRE II - LES SOLUTIONS ENVISAGEABLES AUX TENSIONS

SECTION I - Le renforcement des capacités des institutions judiciaires nationales SECTION II - L'élargissement du champ d'action de la Cour

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INTRODUCTION

A ce jour, la justice pénale internationale n'est plus un concept étranger en Afrique. Du Tribunal international pour le Rwanda au Tribunal spécial pour la Sierra Léone en passant par les chambres extraordinaires africaines au sein des juridictions sénégalaises, les impératifs du droit international pénal se sont peu à peu imposés à la population africaine qui n'a pas vu d'objections à l'application de celui-ci mais bien au contraire l'encourage en raison des nombreuses violations graves des droits de l'homme sur le continent africain. Cette insertion du système de droit pénal international nécessite des adaptations du droit national en vue de permettre aux États d'être des acteurs actifs de la justice internationale. Ils ne seront désormais plus de simples spectateurs d'une justice préétablie par la communauté internationale mais ils s'impliqueront dans les enquêtes et la poursuite des responsables de crimes odieux, afin d'en finir avec l'impunité dont jouissent certains de ces responsables.

L'Afrique en particulier est un continent où le problème de l'impunité est préoccupant en raison des interférences entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire. Pour redresser cette situation plutôt inquiétante car elle tend à se développer et entraîne avec elle le déclin de la justice pénale internationale, les États ont décidé de créer une cour internationale en situation de lutter le plus possible contre l'impunité : Il s'agit de la Cour Pénale Internationale (CPI). La CPI est une juridiction internationale permanente à vocation universelle, créée en juillet 1998 à Rome par le biais d'un consensus entre les États dont le Statut n'entrera en vigueur que le 1er juillet 2002. A sa création, elle fut chargée de juger les personnes accusées d'avoir commis le crime de génocide, des crimes contre l'humanité et crimes de guerre, après l'entrée en vigueur du Statut1. Dès lors, elle mènera un combat contre l'impunité dont auraient bénéficier certains auteurs si une telle institution n'existait pas : il s'agit notamment des militaires, des chefs politiques, des ministres et enfin des Chefs d'État. La CPI est le point central de la justice pénale internationale en ce qu'elle veille scrupuleusement à l'application des règles du droit pénal international, en dernier recours et en cas de défaillance des États, permet à certaines victimes d'obtenir justice, renforce l'État de droit et contribue à reconstituer le tissu social. Mais cette Cour n'existerait sans doute pas sans l'implication des États africains.

Les États africains ne sont pas restés neutres dans la création de cette Cour. Ces États ont montré en 1998 leur engagement à soutenir le processus de Rome et à l'appliquer dans leurs États respectifs en vue de voir reculer l'impunité et de sanctionner les violations graves des droits humains2. Depuis

1La Cour est également compétente du crime d'agression mais seulement lorsque les conditions requises pour l'exercice de compétence de la Cour seront remplies.

2Francisco. DJEDRO MELEDJE, Séminaire sur la Justice Pénale Internationale: Droit pénal inter-africain, du 19 au 20 octobre, Université de Limoges

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des décennies, le continent africain a été le terrain des plus grands crimes. L'implication africaine dans la justice pénale internationale marque donc une prise de conscience. Ainsi, le premier État au monde à avoir ratifié le Statut de Rome fut le Sénégal le 2 février 1999, ce qui représente un acte d'engagement, d'acceptation de mise en oeuvre de la JPI en Afrique. Plusieurs États africains suivront cette démarche sénégalaise avec l'appui de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), devenue l'Union Africaine (UA) en 2002. Lors de la soixante-septième session ordinaire du Conseil des Ministres en 19983, l'OUA exhortera tous les États africains à participer massivement à l'adoption du Statut de Rome. Cela marque un véritable engouement en Afrique pour que le processus de création aboutisse et cela grâce à l'adhésion incontestable des États africains, qui à ce jour sont au nombre de 34 États adhérant au Statut de Rome.

L'action africaine sur le fonctionnement de la CPI ne s'arrête pas à cette adhésion. En effet, les États africains ne vont cesser d'oeuvrer pour crédibiliser cette Cour en lui donnant des cas à juger et en faisant preuve d'une volonté de coopération qui marque l'acceptation définitive de la présence la justice pénale internationale en Afrique. Cette acceptation se traduit par la saisie, par les États africains eux-mêmes, de la CPI dans des situations ou des crimes relevant de la compétence de la Cour auraient été commis. D'après Francisco MELEDJE, professeur à l'Université d'Abidjan, l'Afrique a donné à la CPI « le moyen de servir à quelque chose pour rendre vivante la JPI 4». Les quatre situations attribuées par les États africains à la Cour concernent la République Centrafricaine, la République Démocratique du Congo, l'Ouganda et le Mali. A cette période, les rapports entre la CPI et les États africains (et avec l'UA) sont des plus courtois. Les États se montrent disponibles et dévoués à voir traduire en justice les auteurs de crimes graves parmi lesquels des opposants politiques. Cette disponibilité se traduit par une aide des États dans le travail de la Cour afin de faciliter celui-ci en lui fournissant les preuves nécessaires, les témoins et même les accusés. On ne peut donc pas reprocher aux États africains de n'avoir pas pris part au développement de la justice pénale internationale en Afrique ni de n'avoir pas contribué à l'émancipation de la CPI. Tant la CPI que l'UA, les deux institutions semblent trouver leurs intérêts dans le travail judiciaire effectué par la Cour mais aussi parce qu'elles sont liées par un but commun qui est la lutte contre l'impunité. Cependant, ce que l'on qualifiera de période d'acceptation de la justice internationale en Afrique ne durera pas longtemps car les États africains par le biais de l'institution africaine, l'UA, se rendront compte que l'objectif judiciaire de la CPI n'est plus celui de 1998 et décideront peu à peu de s'en détacher. Ils vont se dire victime d'une institution néocolonialiste qui ne vise que des africains. Cette nouvelle vision africaine

3UA, Conseil des Ministres de l'OUA, 67ème session ordinaire, à Addis-Abeba du 25 au 28 février 1998, Décision CM/Dec.399 ( XLVII), http://webmail.africa-union.org/OAU%20Decision/Council/1998%20CM%20Dec%20364-401%20(LXVII)%20_F.pdf, (consulté le 17/10/2015)

4Francisco. DJEDRO MELEDJE, Séminaire sur la Justice Pénale Internationale: Droit pénal inter-africain, du 19 au 20 octobre, Université de Limoges

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donnera lieu à de vives critiques africaines de l'UA qui ne cesseront de s'intensifier jusqu'au moment où la Cour décidera de diriger ses poursuites en 2009 contre un chef d'État africain en exercice, à savoir le président en exercice du Soudan, Omar EL BECHIR. Ce choix de poursuivre le plus haut représentant d'un État africain marque le début de la crise entre la CPI et l'UA, organe continental à travers lequel les États africains porteront leurs griefs.

Bien que les États africains aient fortement contribué à la création de la CPI, les poursuites engagées par le procureur à l'encontre du président EL BECHIR vont déclencher une vague de reproches et d'indignations de la part des chefs d'États africains. Près de quatorze ans après l'entrée en vigueur de son Statut, le bilan d'activités de la Cour fait l'objet d'un examen critique sur l'ensemble des affaires qu'elle a eu à connaître. Les États africains la considèrent désormais comme un instrument destiné à perpétuer la domination des puissances occidentales sur les États faibles d'Afrique. Ces derniers reprochent à la Cour de ne se concentrer que sur les seuls crimes commis en Afrique par les africains en faisant abstraction des crimes commis ailleurs que sur le continent. Cette critique s'appuie sur le fait que depuis qu'elle existe, la CPI a mis sous enquêtes 9 situations dont 8 africaines et une seule en dehors du continent, indépendamment de l'auteur de la saisine. Il s'agit de l'Ouganda, la RDC, la République Centrafricaine, le Mali, la Cote d'ivoire, le Kenya, le Soudan, la Libye et en fin de liste, la Géorgie. Les États africains estiment que la compétence de la Cour devrait s'étendre à l'ensemble des continents et pas uniquement à l'Afrique, qui apparaît être l'unique cible de la CPI. Selon eux, cette Cour fait preuve d'une iniquité géographique en ne faisant le choix de ne s'intéresser qu'aux États faibles, les poursuites n'ayant pas de conséquences importantes pour eux-mêmes. L'argument juridique apporté par la Cour est qu'elle ne peut agir que dans les États ayant accepté sa compétence par une ratification du Statut. Elle ne peut agir que dans la limite de compétence prévue par le Statut. Ainsi, la Cour est statutairement incapable de poursuivre les crimes potentiellement commis en Irak, au Sri-Lanka, en Tchétchénie car ces États ou les États accusés d'y avoir commis des crimes, n'ont pas ratifié le Statut ou n'ont pas déclaré accepter sa compétence.

Les États africains considèrent également que le choix des poursuites du procureur est dicté par les États puissants à travers l'organe décisionnel onusien qu'est le CS (Conseil de Sécurité). D'une manière ou d'une autre les États puissants, en raison de leurs pouvoirs financiers et politiques, influencent le pouvoir décisionnel tant du CS que du procureur. Jusque-là, la CPI ne visait que des individus d'influence secondaire dans le pouvoir politique en place dans un État. Le prolongement des poursuites à l'encontre de chefs d'État africains en exercice est perçu par les États africains comme une atteinte à la souveraineté des États africains et donc de l'Afrique. Après le mandat d'arrêt émis contre EL BECHIR, le procureur a ouvert une enquête au Kenya pour les violences commises lors des élections de 2008 en mettant en cause le président et le vice-président du Kenya, Uhuru

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KENYATTA et William RUTO SAMOEI, avant que les charges contre ces derniers ne soient abandonnées. L'UA a contesté ces poursuites en soutenant que les chefs d'État ou de gouvernements en exercice ne peuvent être poursuivis par la Cour durant leur mandat, car ils bénéficient de l'immunité. A cet argument, l'article 27 du Statut de Rome consacre clairement le défaut de pertinence de l'immunité, disposition à laquelle les États africains ont consenti par l'acte de ratification au Statut. Selon les États africains, la CPI exerce exclusivement sa compétence en Afrique, ce qui n'est plus exactement le cas depuis que le procureur de sa propre initiative a été autorisée à enquêter sur les crimes commis en Géorgie le 27 janvier 2016. Cette critique d'exclusivité ne tient donc plus, puisque la Cour a pu sortir et ce même tardivement du continent africain.

Les États africains par le biais de l'UA accuseront la CPI de « racisme », de « néo-colonialisme » et de partialité. Ces tensions naissantes entre les deux institutions donnent lieu à des vives réactions de la part de l'UA, qui prendra des résolutions drastiques dans ces rapports avec la CPI. L'UA a adopté une attitude de défiance à l'égard de la CPI, en demandant aux États africains de cesser toute coopération avec la Cour, décision qui sera exécutée par certains États comme le Tchad, le Malawi et plus récemment l'Afrique du Sud. Sur initiative kényane, l'UA menace même de voter en faveur du retrait collectif des États africains du Statut de Rome. Ces différentes réactions marquent l'indignation à l'égard de l'application inégalitaire des règles de droit pénal international. A cause de cette application perçue comme inégalitaire du DPI, les États ont fini par avoir une autre perception de la justice pénale internationale, celle d'une justice imposée par des États porteurs de la « civilisation » mettant en cause « les nations barbares ». Constatant que la CPI refuse de prendre en compte les préoccupations africaines, l'UA va enclencher le processus de création d'une cour pénale régionale compétente en matière de crimes internationaux dans le but de faire juger en Afrique et par l'Afrique les auteurs de crimes commis sur son sol. L'UA s'adonnera ainsi à une nouvelle expérience de régionalisation de la justice pénale internationale avec le cas de Hissène HABRE, jugé à Dakar devant les chambres extraordinaires africaines et condamné à la prison à vie pour crimes contre l'humanité, crime de guerre et torture. Ces tensions révèlent l'exaspération tant des États africains que de l'UA face à l'architecture actuelle d'une justice internationale qui apparaît comme injuste à leurs yeux.

Ces constats nous amènent à nous poser un certain nombre de questions. Cet acharnement de l'UA envers la CPI est-il justifié ? Si oui, sur quels éléments peut-on nous appuyer pour confirmer cette thèse ? L'accusation selon laquelle l'Afrique est la seule cible de la juridiction pénale internationale est-elle fondée ? Quelles peuvent être les conséquences des résolutions prises par l'UA tant sur l'Afrique que sur justice pénale internationale ? Ces résolutions de l'UA peuvent-elles porter préjudice au droit de la victime à un procès ? Ne constituent-elles pas un recul de l'Afrique par rapport à la

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justice pénale internationale ? Quelles sont les impacts sur l'activité de la CPI en Afrique ? Quel l'avenir pour la CPI ?

Ces interrogations auxquelles nous répondrons tout au long du développement de notre sujet, nous permettrons de suggérer des solutions adéquates aux tensions entre les deux institutions afin d'assurer un avenir meilleur à la justice pénale internationale en Afrique. En effet, il est difficile d'imaginer l'Afrique s'exclure d'une juridiction internationale qui s'assurera de l'application du droit pénal international, de l'État de droit et de la répression d'auteurs de crimes odieux qui se croient au-dessus de la loi et s'imaginant que leur responsabilité pénale internationale ne peut être retenue. C'est bien pour cette raison que la CPI est la cible de toutes ces accusations car à travers les poursuites engagées par elle, elle permet de dissuader la commission de tels crimes, surtout dans un continent comme l'Afrique, enclin à la violence et ce depuis des décennies. Il est donc normal qu'elle veille à ce que des atrocités pareilles ne se reproduisent plus et que les responsables soient traduits en justice. La vraie interrogation porte ainsi sur l'avenir de la justice pénale internationale en Afrique en s'il existe une autre façon d'assurer le développement de celle-ci en Afrique, notamment par des mécanismes régionaux.

Notre raisonnement nous conduit à suivre le plan suivant : dans une première partie nous aborderons l'exercice exclusif de la compétence de la Cour en Afrique (Partie I) et dans une seconde partie, nous mettrons en exergue la création d'une compétence concurrente à celle de la CPI (Partie II).

PREMIÈRE PARTIE :

LE CONSTAT DE L'EXERCICE EXCLUSIF DE LA COMPÉTENCE DE LA

COUR EN AFRIQUE

Bon nombre de dirigeants africains se sentant traqués, affirment par le biais de l'UA que l'objectif de la Cour à laquelle ils pensaient adhérer en 1990 a totalement dévié de son but premier et s'inscrit désormais dans une optique de justice dirigée contre l'Afrique.

Omar El BECHIR au Soudan et Uhuru KENYATTA au Kenya, tous deux présidents en exercice, lorsqu'un mandat d'arrêt de la CPI fut lancé contre eux, ne représentent que deux noms dans la longue liste de hautes personnalités africaines invitées à comparaître devant cette cour. Plus récemment le procès de Laurent GBAGBO, ancien président de la Cote d'ivoire, a provoqué un vaste sentiment d'indignation tant au sein de la population africaine qu'au sein de l'UA. Celle-ci décriant l'application d'une justice non pas aveugle mais plutôt une justice qui n'a d'yeux que pour l'Afrique. C'est ainsi que Sidiki KABA, actuel président de l'Assemblée des États parties déclarait en 2014 : « Lors de sa création nous pensions que l'impunité était peut-être l'une des causes, sinon la source des nombreux conflits qui minaient notre continent et que la justice pouvait être une des solutions. Aujourd'hui, on pense que cette justice ne s'intéresse qu'au seul continent africain et qu'elle se désintéresse de ce qu'il se passe ailleurs, en Afghanistan, au Proche Orient, en Tchétchénie...5».

Plusieurs hauts dirigeants et hommes politiques africains ont formulé ces dernières années des allégations de poursuites discriminatoires et de justice faisant preuve d'iniquité géographique. C'est sur ce fondement que dans une conférence de presse tenue à Kigali le 5 août 2008, le président du Rwanda, M. Paul KAGAME réagissant à la décision du procureur de la CPI de mettre en accusation le président El BECHIR, a déclaré « Rwanda cannot be party to ICC for one simple reason ... with ICC all the injustices of the past including colonialism, imperialism, keep coming back in different forms. They control you. As long as you are poor, weak there is always some rope to hang you», avant d'ajouter «ICC is made for Africans and poor countries »6. Puis en 2009, M. Jean PING, à l'époque Président de la Commission de l'Union Africaine a déclaré : « la justice internationale semble appliquer les règles de la lutte contre l'impunité qu'en Afrique, comme si rien ne se passait ailleurs en Irak, à Gaza, en Colombie ou dans le Caucase »7. C'est ainsi que Mouammar KHADAFI, ex Chef

5Propos rapportés par Francois SOUDAN et Rémi CARAYOL dans Sidiki Kaba: « La CPI doit écouter les Africains », Jeune Afrique, 2 Juillet 2014, http://www.jeuneafrique.com/50136/politique/sidiki-kaba-la-cpi-doit-couter-les-africains/ (consulté le 29/11/2015)

6KEZIO-MUSOKE DAVID, Kagame tells why he is against the ICC charging Bashir, Hiiraan Online , August 3 2008 10

7Propos rapportés par Marianne Meunier, « Cette Cour qui fait peur à tout le monde », Jeune Afrique, 9 mars 2009

d'État libyen et président en exercice en 2009 déclare : « Cette Cour est contre les gens qui ont été colonisés dans le passé et que les occidentaux veulent recoloniser. Il s'agit de la pratique d'un nouveau terrorisme mondial...Si nous autorisons une telle chose, qu'un président soit arrêté et jugé, comme le président Bashir, nous devrions aussi juger ceux qui ont tué des centaines, des millions d'enfants en Irak et à Gaza »8. De tels propos véhiculent une perception africaine négative de la justice pénale internationale selon laquelle la Cour est un outil de colonialisme qui se déguise en une forme judiciaire9. Les tensions entre la CPI et l'UA ont conduit cette dernière à prendre une position radicale à double incidence, cela dû à deux accusations principales, prenant explicitement la forme d'une contestation et d'une exaspération et implicitement, celle d'une revendication. Il s'agit d'une part de la critique de poursuites discriminatoires menées par la Cour à l'égard du seul continent africain (Chapitre I) et d'autre part de la sélection de cas précis dans une affaire, le cas échéant africaine, intéressant la Cour par des interférences politiques (Chapitre II). Ces deux points nous permettront de mettre en exergue le fond du différend qui oppose l'institution africaine et l'institution de poursuites.

Chapitre I : L'allégation de poursuites discriminatoires

Soulignons que, l'UA ne conteste pas la compétence de la CPI en Afrique pour la simple raison qu'elle s'avère plus que nécessaire pour freiner certaines velléités et dissuader la commission de crimes graves, mais conteste le fait que cette compétence ne se limite qu'au seul continent africain, que les règles prévues par le Statut ne s'appliquent que pour les crimes de ce continent. D'autres responsables de crimes internationaux (les États-Unis pour les crimes commis en Irak et l'Angleterre pour les crimes commis en Afghanistan) sont aussi bien que les africains coupables des mêmes crimes, mais ces derniers ne sont pas inquiétés. Il apparaît plus que légitime de se demander pourquoi certains mériteraient plus que d'autres d'être traduits en justice quand bien même les faits reprochés heurtent des valeurs communes, partagées par l'ensemble de la Communauté internationale.

Pour les dirigeants africains comme pour l'UA, la justice devrait être la même pour tous, qu'importe le pays dont on est ressortissant, or il semblerait qu'au niveau de la CPI, l'État auquel appartient l'auteur a une influence sur l'exercice des poursuites. Toutefois, si discrimination il y' a, de quelle nature est-elle et sur quoi l'UA s'appuie-t-elle pour porter une telle accusation ? Il serait judicieux pour répondre à cette question, d'analyser les éléments qui renforcent cette impression que la Cour n'exerce exclusivement sa compétence qu'en Afrique (Section I) en créant ainsi par ricochet

8A.MELCHIADE MANIRABONA, Vers la décrispation de la tension entre la Cour pénale internationale et l'Afrique: quelques défis à relever, (2011) 45 (2) Revue Juridique Thémis

9Pacifique MANIRAKIZA, AFRICAN JOURNAL OF LEGAL STUDIES ( 2009) , L'Afrique et le système de justice pénale internationale, p21-52, Voir p.32

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une apparence de partialité qui met à mal sa crédibilité. Il n'en demeure pas moins que ce blâme mériterait d'être tempéré car la Cour n'est pas entièrement à l'origine du sens de son activité en Afrique (Section II).

Section I/- L'exclusivité de poursuites actuelles en Afrique

Pourquoi toujours l'Afrique ? Ainsi s'exprime, par la forme interrogative, la revendication première de l'UA. Un but commun réunit ces deux instituions à savoir la lutte contre l'impunité que l'on retrouve aussi bien dans l'acte constitutif de l'Union Africaine (article 4(h) et 4(o)) que dans le préambule du Statut de Rome. Si elles convergent dans les idéaux défendus, elles divergent quant à l'application de la justice. De nos jours, le monde fait face à des crimes d'une violence extrême naissant de conflits armés, de crises politiques, des guerres etc...mais l'Afrique reste le continent où les poursuites sont le plus exercées par la Cour alors que la plupart des crimes graves qui interpellent la communauté internationale et qui restent impunis ont été commis sur le continent africain principalement par des africains et contre des non africains, mais pas exclusivement10. Même si l'Afrique est un continent conflictogène, elle n'en n'a pas l'exclusivité11 et rien, même pas le Statut ne justifie que l'action de la Cour se concentre plus sur cette partie du monde.

Ainsi le fait que l'action de la Cour ne soit dirigée, à l'heure actuelle, que sur l'Afrique donne lieu à un état de fait irréfragable (Paragraphe I) alors même que des situations africaines auraient pu permettre à la Cour de connaître des affaires non-africaines et de faire sortir la Cour du conflit qui l'oppose actuellement à l'UA (Paragraphe II).

Paragraphe I) Le bilan des poursuites engagées depuis sa création jusqu'à ce

jour

Malgré les conflits présents sur les autres continents, seul l'Afrique est non pas la seule mais la plus ciblée en matière d'enquêtes et de poursuites. Cette attention disproportionnée pour les exactions commises en Afrique suscite des interrogations de la part de certains dirigeants africains. A ce jour, la Cour a connu 10 situations majoritairement africaines et 7 situations sous examens préliminaires. Il s'agit notamment, pour la situation en République démocratique du Congo, de Thomas Lubanga Dyilo, Bosco Ntaganda, Germain Katanga, Calixte Mbarushimana, Sylvestre Maducumura et

10Pacifique MANIRAKIZA, AFRICAN JOURNAL OF LEGAL STUDIES ( 2009) , L'Afrique et le système de justice

pénale internationale, p21-52, Voir p.22 11Ibid

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Mathieu Ngudjolo Chui. Pour la situation en Ouganda (deux décédés), de Joseph Kony, Vincent Otti, Dominique Ongwen. Pour la situation en République Centrafricaine, de Jean-Pierre Bemba Gombo. Pour la situation au Darfour (Soudan), de Ahmad Muhammad Harun (« Ahmad Harun »), Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman « Ali Kushayb », Omar Hassan Ahmad Al Bashir et Abdallah Banda Abakaer Nourain. Pour la situation en Côte d'ivoire de Laurent Dossou Gbagbo et de Charles Blé Goudé. Pour la situation au Kenya, de William Samoei Ruto, Joshua Arap Sang et Uhuru Muigai Kenyatta (retrait des charges). Pour la situation du Mali, de Ahmad Al Faqi Al Mahdi. Et enfin pour la situation en Libye, de Saif Al-Islam Gaddafi et de Muammar Mohammed Abu Minyar Gaddafi (Muammar Gaddafi). Seules trois d'entre elles (à savoir, les cas du Soudan, du Kenya et de la Côte d'ivoire) feront l'objet d'une étude approfondie, deux parmi elles (le Soudan et le Kenya) crispant les tensions entre l'UA et la CPI. Quoiqu'il en soit, toutes ces situations découlent de conflits politiques ayant donné lieu à des violations massives des droits de l'homme, justifiant ainsi l'intervention de la CPI dans le but de ne pas laisser impunis les auteurs de crimes odieux.

Toutefois dans sa quête de justice « à tout prix » certains estiment qu'elle a perdu le sens de la justice en ne dirigeant son action que vers les atrocités et abominations d'un seul continent. C'est le cas de Mouammar KADHAFI qui déclara : « la CPI applique une politique de deux poids deux mesures, en ciblant les États africains et ceux du tiers monde.12». Comment expliquer ce phénomène de distorsion de la justice internationale, selon lequel la compétence de la CPI ne s'exerce que sur l'Afrique ? Pour l'expliquer, l'auteur camerounais Fridolin FOKOU, affirme : « (...) le problème des crimes contre l'humanité impulsée par la CPI s'est construite sous le vocable Afrique, terre de tous les débordements13». Selon lui, la rythmique des crises politiques en Afrique en appelle à une conscience de la psychologie internationale, dès lors qu'il ne se passe pas un moment sans manifestations de turbulences en terre africaine. Que ce soient les conflits internes, interétatiques ou encore plus les conflits post-électoraux, l'Afrique offre un immense laboratoire d'expérimentation et d'évaluation d'indicateurs de gouvernance. L'auteur poursuit en disant que « c'est dans cette logique que la CPI semble avoir trouvé sa propre partition en invoquant l'indépendance dont elle jouit ».

Si toutefois l'Union Africaine est restée passive pour le cas Gbagbo non pas par obligation mais par intérêt, elle ne l'est pas restée longtemps après le mandat d'arrêt émis à l'encontre d'Omar EL BECHIR. Au regard du bilan des 15 dernières années d'activité de la CPI, l'UA dénonce une application inégale de la justice internationale en raison de la protection de facto de certains États puissants ou les alliés de ceux-ci. D'ailleurs, l'organisation HUMAN RIGTHS WATCH a déclaré dans

12Ibid

13Fridolin M. FOKOU, Union Africaine et Cour Pénale Internationale : De la collusion à la collision, Note d'analyse politique n°23, Janvier 2015

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une lettre rendue publique que : « Nous reconnaissons qu'a l'heure actuelle, la justice internationale s'exerce de manière inégale dans le monde14». Cette vision est loin d'être unilatérale à l'UA ou synallagmatique à celle des États membres, mais multilatérale car partagée par des non africains au regard des procédures de la CPI, tant dans le choix des enquêtes que dans celui des poursuites.

Dans un article publié par l'Association internationale du barreau, l'ancien procureur des tribunaux internationaux pour le Rwanda et la Yougoslavie, Richard GOLDSTONE a admis que la CPI semblait accorder une attention démesurée à l'instruction des crimes commis en Afrique, aux dépens de situations semblables ailleurs dans le monde15. L'Afrique apparaît ainsi être, comme l'a affirmé le professeur Francisco MELEDJE lors d'un Séminaire sur la Justice pénale internationale, « le plus gros client de la CPI16» sans l'Afrique elle ne saurait exister, l'intérêt de sa création en serait vidé. Il lui faut à tout prix s'approvisionner en matières premières c'est-à-dire en criminels. Ne pouvant atteindre les pays puissants, la CPI se limite à l'Afrique, facile d'accès diplomatiquement parlant.

À la question de savoir si la Cour mène une « chasse raciale » comme le soulignait l'éthiopien Hailemariam DESALEGN, ancien président en exercice de l'UA, la réponse négative. La Cour n'est pas raciste puisqu'il ne s'agit pas de justice de noirs contre les blancs en ce sens que même parmi les personnalités africaines, il y' a discrimination fondée sur des intérêts quels qu'ils soient quant à la personne à poursuivre. En outre, elle paraît plutôt servir des intérêts, d'où la critique d'instrumentalisation dénoncée par l'Union Africaine. De plus, l'existence d'examens préliminaires en Afghanistan, en Irak, en Palestine, en Colombie et en Ukraine aurait pu suffire à démentir les propos de l'UA, mais ce n'est qu'à partir du moment où ces examens vont aboutir à l'engagement de poursuites contre les personnes mises en cause, que la réaction des dirigeants de ces pays permettra d'infirmer celle de l'UA et des Etats africains17. D'ailleurs, il faut reconnaître que la CPI a fait un pas considérable pour contredire la thèse de l'exclusivité d'exercice de ses compétences en Afrique,

14HUMAN RIGHTS WATCH, Lettre aux Ministres des Affaires étrangères sur la CPI avant le Sommet extraordinaire de l'Union Africaine, 4octobre 2013 https://www.hrw.org/fr/news/2013/10/04/lettre-aux-ministres-des-affaires-etrangeres-sur-la-cpi-avant-le-sommet ( consulté le 26/12/2015)

15Mary KIMANI, Recherche de justice ou complot occidental, Afrique Renouveau, Vol 23/3 Octobre 2009 p12

16Francisco. DJEDRO MELEDJE, Séminaire sur la Justice Pénale Internationale: Droit pénal inter-africain, du 19 au 20 octobre, Université de Limoges

17KITTI H. Nathanièl, La Cour Pénale internationale à l'épreuve des poursuites en Afrique, CODESRIA, 08- 12 Juin 2015, file:///C:/Users/Loah/Dropbox/Recherches%20pour%20m%C3%A9moire/hinnougnon_nathaniel_kitti_la_cour_penale_ internationale_a_l_epreuve_des_poursuites_en_afrique.pdf, (consulté le 21/10/2015)

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puisque le procureur a ouvert une enquête la situation en Géorgie le 27 janvier 2016. On ne peut donc plus dire que le procureur n'exerce sa compétence qu'en Afrique.

Les agissements du procureur dans ses décisions de ne pas enquêter donnent lieu à des questionnements, notamment dans le cas de la Palestine dans lequel sont inévitablement impliqués les États-Unis et Israël (allié des États-Unis). L'autorité palestinienne a déposé une déclaration de reconnaissance de la compétence de la CPI en 2009 et demandé à la Cour d'enquêter sur les violations du droit international lors des opérations menées à Gaza, pendant et après la période allant du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009. Le procureur s'appuyant sur le caractère controversé de la Palestine (à savoir s'il s'agit d'un État ou non), va sur le fondement de l'article 12 paragraphe 3 du Statut de Rome refusera d'ouvrir une enquête et cela, même après que l'Assemblée Générale de l'ONU (AG) ait décidé d'accorder le 29 janvier 2012 à la Palestine le statut « d'État non membre observateur » en adoptant la résolution 67/19. Ainsi, l'excuse du procureur de ne pas ouvrir une enquête n'est normalement plus valide18. Ensuite, l'Union des Comores a saisi la CPI en demandant au procureur d'enquêter sur le raid israélien opéré le 31 mai 2010 sur une flottille humanitaire se dirigeant vers la bande de Gaza. Le procureur refusera d'ouvrir une enquête en arguant que les critères posés par le Statut n'étaient pas remplis. La Chambre préliminaire I demandera au Procureur de revoir sa décision, lequel saisira la Chambre d'appel. Dans sa décision du 6 novembre 2015, la Chambre d'appel rejettera à la majorité l'appel de la procureure et demandera à cette dernière (BENSOUDA) de reconsidérer sa position. Ce qui permet donc de poursuivre l'affaire de la flottille de Gaza. A l'évidence, il semblerait que dès lors qu'il s'agit d'une situation qui risquerait de mettre en cause les États puissants, le procureur ne retient pas toujours immédiatement la compétence de la CPI. Par conséquent même si, en théorie la Cour se défend comme elle peut de ne pas être une Cour contre les africains, les faits démontrent parfois tout le contraire.

En vertu des articles 17-1-d et 53-1 du Statut, la CPI n'intervient que si l'affaire présente un certain niveau de gravité. Ce critère de gravité comporte deux aspects : l'aspect quantitatif et qualitatif. Ceci pour étayer que, bien que nous nous accordions sur le fait que les crimes commis en Afrique sont les mêmes que ceux commis ailleurs, un élément les distingue pourtant, il s'agit de l'horreur des faits, donc de l'élément qualitatif. Cet élément qualitatif pourrait expliquer pourquoi la CPI tend à s'intéresser aux crimes commis en Afrique, que l'Afrique elle-même (en dehors de toute allégation de pressions politiques quelconques). Le nombre de victimes n'est pas le plus important dans l'absolu mais le devient par rapport à une série d'éléments. La Cour parle plutôt de proportion alors que la

18Jacques B. MBOKANI, La Cour pénale internationale : Une cour contre les africains ou une cour attentive à la souffrance des victimes africaines ?, Revue québécoise de droit international, 2013

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proportion induit le nombre. L'horreur des crimes commis au Rwanda (génocide), en Sierra Leone (crimes contre l'humanité, amputations de civils et enrôlement d'enfants soldats), au Tchad (actes de tortures), en RDC etc... Les auteurs de tels crimes posent des actes d'une cruauté qui dépasse l'entendement dans le seul but d'assouvir leur pouvoir personnel au détriment des victimes. Les dirigeants africains ont démontré au fil de l'histoire conflictuelle de l'Afrique, que les vies de milliers d'africains ne valent rien, faisant preuve d'absence d'humanité au profit d'intérêts politiques et économiques. Ces faits sont-ils qualitativement comparables aux crimes commis en Afghanistan ou en Irak bien que parfois les intérêts des auteurs convergent ?

Paragraphe II) Le cas des situations africaines donnant lieu à des affaires non

africaines

Lorsque la Cour est saisie par un Etat partie, le CS ou à l'initiative du Procureur, elle se saisit d'une situation à partir de laquelle elle peut en tirer une ou plusieurs affaires. Le Statut ne limite pas le procureur en ce sens. Il a donc au vu des éléments de renseignements et de preuves qui se présentent à lui, la possibilité de tirer d'une situation aussi bien une affaire africaine qu'une affaire non-africaine. Parmi les situations pendantes résultant pour la plupart de crises politiques ou de conflits ethno-raciaux, certaines bien qu'ayant données lieu à des affaires africaines, auraient également dû être mieux analysées par la Cour de façon à mettre en exergue une potentielle responsabilité, l'implication ou l'intervention d'acteurs externes. La plupart des récents conflits ont eu lieu en interne, comme cela a été le cas par exemple de la guerre Civile en Sierra Leone en 1991, qui s'est soldée par une condamnation de l'ex président libérien Charles Taylor par le Tribunal Spécial pour la Sierra Léone. Taylor avait une part de responsabilité dans le maintien de ce conflit et des intérêts économiques, notamment l'exportation illégale des diamants. Cet exemple illustre de façon plutôt nette qu'une crise peut faire intervenir plusieurs acteurs obscurs, principalement des acteurs internationaux qui vont avoir un intérêt politico-économique à ce qu'un conflit ait lieu, qu'il prenne fin ou a contrario qu'il perdure temporairement, en commettant certains abus parfois au détriment des civils. Les exactions de ces acteurs cachés contre la population civile du pays où ils interviennent sont à bien des égards couverts non seulement par l'instabilité circonstancielle du pays, mais aussi par le mandat international délivré dans la plupart des cas par l'ONU à des forces étrangères, sur le fondement de l'aide humanitaire ou de la stabilisation du conflit. Le choix de situations africaines explique-t-il toujours celui des affaires concernant uniquement l'Afrique ?19.

19Ibid

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La première situation est celle de la Côte d'ivoire, où l'intervention de la force militaire française, appelée « Force Licorne » aurait nécessité une enquête de la CPI. D'aucun soutiennent que cette intervention a été une ingérence dans les affaires internes de la Cote d'ivoire puisque le mandat de l'ONU ne va rétroagir qu'après celle-ci. D'autres par contre soutiennent l'argument du droit à l'ingérence et de l'existence d'accord de défense entre les deux pays pour légitimer l'action de la force de la Force. Sauf qu'un groupe de dix députés français dont Jean-Jacques CANDELIER, François ASENSI, Alain BOCQUET, Marie-George BUFFET, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE et Nicolas SANSU, ont dans une proposition de résolution datant du 26 juillet 201220, demandé la création d'une commission d'enquête sur le rôle de la force Licorne en Côte d'ivoire. Dans ladite proposition, le groupe déclare que :

« Les événements survenus en Côte d'Ivoire et l'implication volontariste des forces armées françaises dans une guerre civile sous le Gouvernement précédent interrogent. Auraient dû être défendues la neutralité quant aux enjeux internes ivoiriens et les valeurs intemporelles et universelles qui sont les fondements de l'État français. Il était impératif que la souveraineté du peuple ivoirien soit respectée, car au regard du droit international et particulièrement de l'article 2§4 de la Charte des Nations unies, il est inacceptable qu'une puissance étrangère s'immisce dans le déroulement des affaires internes d'un pays quel qu'il soit. Dès lors, le rôle joué par la présence militaire de la France en terre ivoirienne, ancienne colonie, peut être considéré comme ambigu et problématique. Seul le respect des principes et des valeurs portés par le droit international doivent en tout temps et en tout lieu prévaloir. Pourtant la France, mandatée par l'ONU pour protéger les populations civiles, s'est possiblement rendue coupable de complicité de meurtres de masse, voire d'épuration ethnique à Blolequin ou à Duékoué, en étant l'allié objectif et parfois agissant des forces présentées aujourd'hui comme républicaines ».

Il est reproché aux forces françaises Licorne par le groupe de députés de n'avoir pas protégé les populations civiles alors qu'elles se trouvaient à proximité de Duékoué, lieu où se sont commis les plus grandes exactions en Côte d'ivoire. En transposant l'adage « qui ne dit rien consent » à ce cas précis, l'abstention de la force Licorne implique sur le plan juridique une complicité dans les faits. Cela se devait d'interpeller la CPI. En effet, une chose est de s'immiscer, d'intervenir dans un conflit interne dans le but d'éviter plus de massacres par une protection de la population civile et une autre est de laisser sciemment d'autres personnes commettre des infractions tout en ayant connaissance des

20Proposition de résolution 26 juillet 2012, Compte rendu n°131 demandant création d'une commission d'enquête sur le rôle de la force Licorne en Côte d'ivoire, http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion0131.asp (consulté le 05/02/2016)

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conséquences, sans les en empêcher ou les dissuader de les commettre. Pour quelles raisons cette force s'est donc rendue en Côte d'ivoire ?

La Cour aurait pu rechercher sur le fondement de l'article 28 la responsabilité du supérieur hiérarchique, c'est-à-dire du donneur d'ordre qui ayant un contrôle sur ses subordonnés ne pouvait ignorer les agissements de ces derniers sur le terrain et avait conscience que des crimes étaient en train d'être commis ou allaient être commis, sans pour autant empêcher leur commission. Cela a été le cas de Jean Pierre BEMBA, qui a été déclaré coupable de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre en sa qualité de président du MLC.

La deuxième situation est celle de l'intervention en Libye de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) mandatée par la résolution 1973 du CS lors de la guerre en Libye conduisant à la chute du régime dictatorial instauré par Mouammar KADHAFI. Un rapport intitulé « Report of Independent Civil Society Fact-Finding Mission to Libya »21, dénonce les faits constitutifs de crimes de guerres imputés à l'OTAN. Il mentionne :

« (...) il semble que l'OTAN aurait participé à ce que l'on pourrait qualifier d'actions offensives entreprises par les forces d'opposition, y compris, par exemple, des attaques sur des villes et villages contrôlés par les forces de Kadhafi. De même, le choix de certaines cibles, comme un entrepôt alimentaire régional, soulève de prime abord des doutes sur le rôle de telles attaques quant à la protection des civils. »22

Au vu de telles allégations, dans son troisième rapport au CS de l'ONU en application de la résolution 1970, le Procureur va préciser d'une part que rien ne permet au Bureau du Procureur de conclure que les bombardements de l'OTAN, qui ont pu faire des morts et des blessés civils, étaient sciemment dirigées contre la population23 et d'autre part que rien ne permet de penser que le commandement général de l'opération « Unified Protector », avait autorisé ces frappes tout en sachant qu'elles causeraient des victimes24. L'inconvénient dans ce rapport est qu'il n'apporte pas plus d'éléments sur l'exacte réalité des faits et paraît peu crédible. Il ne se fonde que sur l'absence de l'intention de tuer de l'OTAN, élément fondamental pour constituer les crimes imputés. Une enquête indépendante et plus crédible aurait pu être menée par le procureur de la CPI, avec la Coopération de

21Barry Grey, Les crimes de guerre des États Unies et de l'Otan en Libye, Mondialisation.ca, 27janvier

2012, http://www.mondialisation.ca/les-crimes-de-guerre-des-tats-unis-et-de-l-otan-en-libye/28915 (consulté le 05/02/2016)

22Ibid

23 CPI, Troisième rapport de la Cour pénale Internationale au Conseil de Sécurité de l'ONU en application de la résolution 1970 (2011), 16 mai 2012,

https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/3CB0EAB8-7B00-450C-9A7C-99DBB8FB1421/0/UNSCreportLibyaMay2012Fra.pdf (consulté le 06/02/2016)

24Ibid

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certains États comme la Russie par exemple. Ce dernier avait multiplié auparavant les demandes au Conseil de Sécurité pour une enquête rapide sur les crimes dus aux bombardements de l'OTAN. Il déplorera aussi que le Secrétaire général de l'ONU, BAN KI-MOON, se borne à déclarer que les agissements de l'OTAN en Libye étaient « conformes » aux préceptes de la résolution 197325. Cette décision de ne pas poursuivre révèle un manque de rigueur et d'approfondissement de la CPI dans la mesure où elle choisit de ne se fonder que sur le compte rendu d'une commission d'enquête de l'ONU concernant une force qui a été mandaté par l'ONU. Par ailleurs, peut-on parler d'indépendance pour cette enquête ? La Cour fuit-elle ses responsabilités ou cherche-t-elle à protéger ?

Bien que tous les éléments présentés tendent à condamner la CPI, dont la conception du mot justice ne semble prendre pleinement son sens qu'en Afrique, il nous apparaît nécessaire de nuancer ces griefs de justice choisie en mettant en relief les facteurs démontrant que la Cour n'est pas seule à l'oeuvre dans cette focalisation sur les affaires africaines.

Section II/- Les facteurs expliquant l'intensité de l'action de la CPI en Afrique

La posture actuelle de l'Union Africaine envers la CPI est certes justifiée, mais doit être mise en balance. Selon l'article 12 du Statut, la compétence de la Cour ne s'impose qu'aux États parties au Statut lorsque les crimes ont été commis sur leur territoire ou par un ressortissant d'un État partie. Mais pour que cette compétence soit mise en oeuvre, la Cour doit d'une part être saisie d'une situation par un État partie, par le Conseil de sécurité ou à l'initiative du procureur (Paragraphe I) et d'autre part constater au préalable l'inaction des instances judiciaires dans la répression des crimes internationaux (Paragraphe II).

Paragraphe I/ L'incidence des modes de saisine de la Cour

Le Statut de Rome autorise la saisine de la CPI par le biais de trois (3) modes. L'article 13 du Statut précise que la Cour ne peut exercer sa compétence que si elle a été saisie d'une situation par un État partie (article 13-a), du fait du déferrement d'une situation par le Conseil de Sécurité (article 13b), ou de la propre initiative du procureur d'ouvrir une enquête sur une situation donnée (article 13c). Cette présentation complète des modes de saisine de la Cour, nous permettra de comprendre la

25 La Voix de la Libye, La Russie réitère au Conseil de Sécurité sa demande d'une enquete sur les victimes civiles de l'OTAN en Libye, 28 décembre 2011, http://www.egaliteetreconciliation.fr/La-Russie-reitere-au-Conseil-de-Securite-sa-demande-d-une-enquete-sur-les-victimes-civiles-de-l-9728.html (consulté le 06/12/2016)

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pertinence de la critique de l'UA selon laquelle la CPI serait une Cour contre les africains, en recherchant lequel de ces modes est le plus imputable à la CPI26.

A) La saisine de la Cour par un État partie

L'exercice de la compétence de la Cour est limité comme le précise l'article 13-a du Statut de Rome à : « une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes (visé à l'article 5) paraissent avoir été commis est déférée au Procureur (...) comme prévu à l'article 14 ». Parmi les 8 situations africaines sous enquêtes, 4 États avaient saisi la Cour pour enquêter sur des crimes relevant de sa compétence. Il s'agit de l'Ouganda, de la République démocratique du Congo, de la République Centrafricaine, du Mali. L'Union des Comores pourrait également être ajoutée parmi les États ayant saisis la Cour puisqu'elle a le 5 juillet 2003 déferré la situation sur le raid israélien. La Côte d'ivoire quant à elle, fera une déclaration de reconnaissance de la compétence de la Cour27, sur fondement de l'article 12-3 par le biais d'une lettre d'acceptation de la compétence de la Cour. Peut-on assimiler cette reconnaissance à une saisine de la Cour par un État partie ?

Selon la doctrine, l'assimilation d'un renvoi étatique à une déclaration de reconnaissance de compétence est en théorie contestable, en raison du fait qu'elle est prévue pour les États non parties et que la procédure qu'une telle reconnaissance entraîne est celle d'une saisine à l'initiative du Procureur28. Ce qui soustrait le cas ivoirien à la saisine par un État partie. Les États africains sont responsables de ce tropisme29 africain en ce sens que l'initiative de saisir la CPI pour connaître de crimes graves commis sur leurs territoires venaient nécessairement d'eux de par une volonté de voir agir la Cour par une répression effective et indépendante là les institutions judiciaires nationales ont manqués d'intervenir. Ce renvoi étatique suppose que les États africains sur le territoire duquel les crimes ont été commis, ont donné leur consentement à la Cour.

L'article 13-a du Statut de Rome offre à tout État « partie » et pas uniquement à l'État sur le territoire duquel les crimes ont été commis, la possibilité de saisir la Cour pour une situation dans laquelle un ou plusieurs crimes sont présumés avoir été commis. En l'absence de précision du texte,

26Jacques B. MBOKANI, La Cour pénale internationale: Une cour contre les africains ou une cour attentive à la souffrance des victimes africaines?, Revue québécoise de droit international, 2013

27CPI, Déclaration de reconnaissance de la compétence de la Cour Pénale Internationale, République de Côte d'ivoire,18 avril 2003, https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/CBE1F16B-5712-4452-87E7-4FDDE5DD70D9/279779/ICDE1.pdf, (consulté le 20/11/2015)

28Jacques B. MBOKANI, La Cour pénale internationale: Une cour contre les africains ou une cour attentive à la souffrance des victimes africaines?, Revue québécoise de droit international, 2013

29Fridolin M. FOKOU, Union Africaine et Cour Pénale Internationale : De la collusion à la collision, Note d'analyse politique n°23, Janvier 2015

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on présume qu'il n'est pas nécessaire qu'il existe un lien entre les crimes et l'État qui saisit la Cour. Cette saisine fait donc échec aux griefs de l'UA qui ne peut se reposer que sur le renvoi du CS pour la situation concernant un État non partie.

B) La saisine par le renvoi du Conseil de Sécurité

L'article 13-b du Statut prévoit l'hypothèse où : « (...) une situation dans laquelle un ou plusieurs crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par le Conseil de Sécurité agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies ». Deux situations ont été jusqu'à lors renvoyées par le CS à la Cour : celle de la Libye par la résolution 1970 et celle du Darfour (au Soudan) par la résolution 1590. La particularité du renvoi par le CS, conformément à cette disposition, réside dans le fait qu'il peut s'étendre à des États non parties.

Cette faculté reconnue au CS de saisir la CPI n'intervient que dans le cadre d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix en vertu du Chapitre VII et repose essentiellement sur le vote des cinq membres permanents du CS, sans que l'un d'eux ne s'abstienne ou ne s'oppose au vote. La difficulté souvent exposée par les dirigeants africains est que les prises de position du CS peuvent diriger la Cour dans son action judiciaire. Par exemple, la CPI ne pourra certainement jamais décider de poursuivre ou d'accepter de le faire en cas de renvoi, une personnalité américaine quand bien même celle-ci aurait commis les crimes prévus par le Statut parce qu'il suffirait aux États Unies d'user du droit de Veto au sein du CS pour empêcher les poursuites. La situation serait identique dans le cas où une personnalité étatique, le cas échéant africaine, qui servirait les intérêts des États puissants. La CPI s'analyserait donc comme une Cour des pays ou dirigeants insoumis (cas de Laurent GBAGBO).

C'est en cela que l'Union Africaine conteste la légitimité du pouvoir accordé au CS car en réalité, les 5 membres permanents ( États puissants ) ont l'opportunité de décider de soustraire la situation d'un pays de la portée du procureur (comme ça avait le cas de la Syrie en raison d'une division de la communauté internationale sur la solution politique à y apporter30) ou au contraire d'influencer pour qu'une situation ou plus précisément qu'un cas particulier de cette situation fasse l'objet d'enquête. Dans ce cas de figure, on ne se situe plus sur le terrain juridique puisque la mise en oeuvre de la puissance d'un État (les 5 membres permanents) écarte lamentablement l'application du droit au détriment des États faibles, que sont ici les États africains.

Enfin, ce pouvoir de déférer la situation d'un État non partie par le CS est plus que contestable en ce sens aucun des cinq ne sera un jour inquiété des poursuites alors que ce sont les mêmes qui ont

30Jacques B. MBOKANI, La Cour pénale internationale: Une cour contre les africains ou une cour attentive à la souffrance des victimes africaines?, Revue québécoise de droit international, 2013

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refusé de ratifier le Statut, mais dictent selon l'UA à la CPI, les personnalités à poursuivre ou non. Ce mode de renvoi est celui qui va contribuer à alimenter les tensions entre l'UA et la CPI qui apparaît être une Cour au service des États puissant et donc un outil d'impérialisme. Nous tacherons d'y revenir en profondeur dans les prochaines lignes.

C) La saisine par le Procureur

L'article 13- c du Statut de Rome prévoit que le procureur peut ouvrir une enquête à l'égard d'un crime visé à l'article 5. Ce mode de saisine à l'initiative du procureur dite saisine « proprio motu » permet à ce dernier d'actionner la répression internationale. Le statut lui reconnaît la possibilité d'ouvrir une enquête et de lancer des poursuites en toute indépendance, autonomie et impartialité. De tels principes ne vont pas pour autant soustraire le procureur des reproches de l'UA en raison des pouvoirs qui lui ont été conférés. A ce jour, deux situations ont été ouvertes par le procureur, il s'agit du Kenya à l'occasion des actes violences commis après les élections de 2007-2008 et de la Côte d'ivoire dans le cadre de la crise post-électorale de 2010-2011.

De par l'article 15 du Statut, le procureur dispose d'une large marge de manoeuvre et d'appréciation dans le choix des poursuites. Cela suppose que le procureur peut engager des poursuites lorsqu'il a connaissance d'une infraction aux termes du Statut de Rome mais que cela n'a aucun caractère obligatoire ou impératif à son égard31. En d'autres termes, même la poursuite d'un fait incriminé par le Statut repose sur le bon vouloir du procureur, ce qui a le mérite de vider le Statut de son essence. Ce dernier veut que chaque fois qu'un crime est constaté, le procureur sur l'existence d'une base raisonnable lance des poursuites. Sauf que par ce pouvoir discrétionnaire conféré au procureur, ce dernier peut décider de ne pas poursuivre un crime même lorsqu'il apparaît « au-delà de tout doute raisonnable »32 clairement relevé de la compétence de la Cour.

Depuis l'entrée en vigueur du Statut en 2002, le fait que les deux seules situations nées à l'initiative du procureur soient africaines appuie le ressenti de l'UA et de certains dirigeants africains, car on viendra à se demander si depuis 2002, il n'y a eu aucun constat d'infractions internationales nécessitant l'intervention du procureur même lorsque les crimes tombent sous l'oubli ou sous l'ignorance dans le cas du renvoi par le Conseil de Sécurité et celui d'un État parti. C'est à croire que le procureur fait un tri géographique des situations dans lesquelles il veut intervenir puisqu'il faudrait

31Mohamed MADI DJABAKATE, Le rôle de la Cour Pénale Internationale en Afrique, l'Harmattan 2014

32Assane KONE, Cour Pénale Internationale : les masques tombent, 16novembre 2013, Notre Nation Journal en ligne au Mali, http://notrenation.com/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=328( consulté le 12/12/2015)

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être aveugle pour ne pas constater que des crimes de même nature sont commis partout ailleurs, mais le procureur ne s'y intéresse pourtant pas. Ce pouvoir qu'on pourrait qualifier « d'arbitraire » conféré au procureur, en plus de celui attribué au Conseil de Sécurité, donne l'impression que le procureur organise lui-même l'impunité des uns et s'accuse par la même occasion, d'avoir des préférences d'agir contre les pays de peu poids comme ceux du continent africain33. Un crime peut-il être perpétré dans un État démocratique comme en France, aux États Unis, en Afrique du Sud ou au Mali sans que cela donne lieu à une enquête du procureur ? A la CPI cela est possible, parce qu'on opère un tri quand on veut mener des enquêtes34.

Toutefois, il est plus aisé aujourd'hui pour l'UA d'incriminer la Cour de son activité trop forte en Afrique quand bien même cette dernière n'a qu'une compétence complémentaire à celle des juridictions nationales. Elle ne peut intervenir qu'en cas d'absence des tribunaux nationaux d'actionner la répression nationale.

Paragraphe II) L'inaction des instances judiciaires dans la répression des crimes

internationaux

Comme la procureure Fatou BENSOUDA l'a déclaré : « La CPI n'est pas la panacée. Elle constitue un dernier recours s'intéressant aux injustices (...) 35». Telle est l'expression du devoir qui incombe en priorité aux institutions judiciaires nationales de réprimer les crimes internationaux commis sur leurs territoires : C'est la complémentarité consacrée dans l'article 1er du Statut de Rome qui précise que la Cour : « (...) est complémentaire des juridictions pénales nationales ». Cette règle de la complémentarité parfois qualifiée de « quasi-subsidiarité » s'inscrit dans la volonté de respecter mais aussi de responsabiliser les juridictions nationales dans l'exercice de leurs compétences36. Quant à l'article 17, qui reprend les conditions de recevabilité, il précise qu'une affaire ne peut être jugée recevable devant la Cour que si l'État ayant la compétence de la juger n'a pas la volonté ou est dans l'incapacité de mener véritablement l'enquête ou les poursuites. Cette règle commande que lorsqu'un crime grave est commis sur le territoire d'un État, il appartient à ce dernier de jouer pleinement son

33Mohamed MADI DJABAKATE, Le rôle de la Cour Pénale Internationale en Afrique, l'Harmattan 2014

34Assane KONE, Cour Pénale Internationale : les masques tombent, 16novembre 2013, Notre Nation Journal en ligne au Mali, http://notrenation.com/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=328(consulté le 12/12/2015) 35CPI, Déclaration de Fatou Bensouda, Procureur de la Cour pénale internationale:«La CPI est une Cour de justice indépendante qui doit être soutenue dans son action», 24 Novembre 2015, https://www.icc-cpi.int/fr_menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/Pages/otp-stat-24-11-2015.aspx, (consulté le 22/11/2015)

36Julian FERNANDEZ et Xavier PACREAU (dir.), Statut de Rome de la Cour pénale internationale: commentaire article par article, TOME I, Éditions A.Pedone, 2012

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rôle répressif en poursuivant les auteurs des crimes allégués. Loin des spéculations, la Cour ne s'est pas appropriée une compétence générale et exclusive de juger des crimes internationaux, elle en a attribué une partie conséquente à la charge des États en raison du principe de territorialité et de la prise de leur responsabilité dans la répression des crimes internationaux.

La complémentarité est un principe d'interaction entre les tribunaux nationaux et la CPI, revêtant un caractère commun de participation à la justice internationale en accordant une primauté aux premiers sur le fondement d'une compétence positive, la Cour se mettant en position d'avant-garde. Ce n'est que dans l'hypothèse où l'État ne s'acquitte pas de son devoir d'enquête ou de poursuites, que la Cour intervient en complément pour rattraper le manque d'intervention de l'État concerné. Par ce procédé, la Cour a voulu impliquer, faire agir et réagir l'État sur le territoire duquel s'est commis le crime par une répression effective, dissuasive et proportionnée.

A ce propos, Fadi EL-ABDALLAH, porte-parole de la Cour explique que « La CPI ne prétend pas à l'exclusivité. C'est une Cour de dernier recours (...) Elle n'intervient que si les États sont réellement dans l'incapacité d'agir ou n'ont pas la volonté de le faire37». Toutefois, cette obligation de réprimer n'appartient pas exclusivement à l'État sur le territoire duquel les crimes se sont commis mais d'autres États n'ayant aucun lien avec les faits peuvent également poursuivre les auteurs d'un crime par le biais de la complémentarité horizontale assimilée à la compétence universelle reconnue par le droit international. L'interventionnisme excessif qui est reproché à la Cour par l'UA et certains dirigeants selon l'auteur Marie BOKA n'est que forcé par la défaillance des juridictions nationales38. Elle ajoute également que : « (...) contrairement à l'imagerie populaire en Afrique, la Cour n'était pas forcement demandeuse ! Créée pour être complémentaire des juridictions locales, elle ne s'attendait pas à être catapultée juridiction de premier ressort. Les tribunaux locaux étaient supposés jouer leur rôle39». Plusieurs raisons tendent à expliquer l'incapacité et le manque de volonté de certains États de tenir un tel procès. Parmi elles, les problèmes techniques ou de capacité résultant de l'absence ou du manque d'efficacité du cadre législatif nécessaire à la mise en oeuvre du Statut, du manque de compétences et d'expérience en matière d'enquêtes, la faible priorité accordée aux affaires graves et de l'insuffisance de ressources dont dispose le système judiciaire40.

Dans la plupart des cas, les tribunaux nationaux ne prévoient non seulement pas un système réel d'assistance et de protection de témoins mais tendent parfois, soit à satisfaire l'auteur en raison de sa

37Propos rapportés par Pascal Fleury dans , Fronde africaine contre la Cour de la Haye, La Liberté, 8mai 2015, http://www.laliberte.ch/media/document/10/laliberte_20150508_premirepage.pdf (consulté le 30/11/2015)

38Marie BOKA, La CPI, une Cour raciste?, 17 juillet 2015, Audace Institut Afrique, http://audace-afrique.org/analyses/663-la-cpi-une-cour-raciste.html (consulté le 23/12/2015)

39Ibid

40CPI, Bilan de la justice pénale internationale: la Complémentarité, ANNEXE IV, https://www.icc-

cpi.int/iccdocs/asp_docs/R010/ICC-ASP-8-Res.9-Annex.IV-FRA.pdf, (consulté le 16/02/2016)

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position et de son influence, soit au contraire à le juger plus sévèrement en bafouant littéralement les garanties procédurales (procès équitable, droits de la défense...). Pour ces États, les problèmes de corruption de la justice liés à son efficacité, les problèmes d'indépendance et d'impartialité constituent une barrière érigée par les États eux-mêmes entre la volonté de juger et l'incapacité de juger.

L'article 17 prévoit les conditions dans lesquelles la Cour va constater l'incapacité ou le manque de volonté de l'État à poursuivre. Dans le cas où un État se retrouve dans une telle posture, il peut par anticipation en référer à la Cour qui, après vérification, fera jouer sa compétence subsidiaire pour que les crimes ne restent pas impunis. D'après Francis DAKO, avocat au barreau de Cotonou et coordinateur du bureau Afrique de la Coalition pour la CPI, la critique de certains dirigeants africains et de représentants de l'UA selon laquelle la Cour (CPI) est un tribunal de l'occident contre les dirigeants africains « n'est pas justifiée parce qu'il aurait fallu simplement que les Africains se donnent les moyens de juger sur place les dirigeants africains. En ce moment la Cour n'aurait rien eu à faire41». La réaction de l'UA s'apparente à une campagne de discrédit, pourtant en tant que l'institution continentale par excellence, elle se doit de s'assurer des capacités judiciaires des États africains à participer pleinement à la lutte contre l'impunité par une action pénale. Ce n'est que lorsque ces derniers ne s'en acquittent pas qu'il est tout à fait inévitable et ce conformément au Statut que la Cour prenne le relais.

Néanmoins, cette complémentarité peut variée et même être forcée en fonction des circonstances de l'affaire en cause. Les cas libyens illustrent le premier aspect. La Cour va observer deux raisonnements tout à fait distincts en fonction de la situation de chaque accusé42. Concernant les affaires Saif AL ISLAM et EL SENOUSSI, le Cour va analyser la capacité d'un même pays à juger de manière différente. Dans le 1er cas, elle va estimer par application au principe de la complémentarité, que l'affaire est recevable devant la CPI en raison du fait que la Libye n'avait pas prouvé que l'enquête nationale menée couvrait la même affaire que celle devant la CPI, alors que dans le second cas elle va soutenir l'inverse. Comment se fait-il qu'un même système judiciaire soit en meilleure posture de juger l'un des accusés de façon équitable et pas les autres, lui valant un dessaisissement de la Cour alors qu'en principe lorsque la justice d'un État est effondrée, la Cour devrait en principe se saisir de tous les accusés dans la mesure ou l'infrastructure judiciaire n'existe

41Francis DAKO, « Gbagbo est poursuivi pour des crimes précis », Nord Sud Quotidien, 19 juillet 2012, http://www.iccnow.org/documents/Gbagbo_est_poursuivi_pour_des_crimes_precis,_Francis_Dako_-_Nord-Sud_-_19_Juillet_2012.pdf (consulté le 29/11/2015) 42Judith KHELIFA, Le principe de la complémentarité de la CPI et la résolution libyenne, 8septembre 2014, https://chroniquesinternationalescolla.wordpress.com/2014/09/08/le-principe-de-complementarite-de-la-cpi-et-la-revolution-libyenne/, (consulté le 17/0/2016)

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plus. En décidant de ne se saisir que d'un cas particulier d'une situation, la Cour démontre ici que la complémentarité est à géométrie variable parfois en fonction des garanties d'un procès équitable lié à la personne même de l'accusé. C'est donc une analyse au cas par cas.

Le cas de Thomas LUBANGA illustre l'aspect de la complémentarité forcée. La CPI s'est saisie de cas alors qu'il était déjà en prison au Congo pour des accusations plus graves (génocide et crimes contre l'humanité) que celles portées par la CPI. Ce dernier étant déjà en prison, on ne pouvait soutenir que l'État était en incapacité de juger ou de manque de volonté d'enquêter ou de poursuivre. Des commentateurs ont déploré le fait que la Cour se saisisse inutilement de cette affaire car contraire à la règle de la complémentarité. En se saisissant d'une affaire déjà ouverte au niveau national, le procureur anticipe le fait que la justice congolaise soit en incapacité de véritablement bien juger43. En fin de compte, c'est la RDC qui a décidé de déférer à la CPI, la situation de l'Ituri démontrant de son incapacité à juger. Selon William SCHABAS, « la CPI semble s'être saisie du cas LUBANGA pour légitimer son existence plutôt que mettre en oeuvre une application juste du principe de complémentarité.44»

Si dans le cas du Darfour du Soudan, le manque de volonté de la justice soudanaise de réprimer est constaté cela n'a pas été le cas du Kenya. L'UA avait sommé à la CPI de respecter le principe de complémentarité en raison du fait qu'une Commission avait été créé pour enquêter sur les crimes présumés. Pascal TURLAN, conseiller auprès du procureur de la CPI soutient que rien n'a été fait de la part des tribunaux locaux en ce sens que ladite commission (créée au Kenya) n'a pas véritablement agit. Tout compte fait, l'article 17 du Statut permet à la Cour de passer outre les poursuites engagées au niveau national lorsque celles-ci sont ineffectives ou inefficaces45. Ainsi, la faiblesse des institutions nationales africaines concourt fortement à l'intervention de la Cour.

Il est regrettable de constater que certains États africains vont accepter ou non de poursuivre les crimes au niveau national parfois en fonction de la qualité de la personne en faisant l'objet, on parlera dans ce cas de manque d'intention de traduire la personne concernée en justice. La radicalisation de l'UA à l'égard de la CPI s'est peu à peu construite : les relations hostiles ont commencé lorsque celle-

43A.MELCHIADE MANIRABONA, Vers la décrispation de la tension entre la Cour pénale internationale et l'Afrique: quelques défis à relever, (2011) 45 (2) Revue Juridique Thémis, http://oppenheimer.mcgill.ca/IMG/pdf/Article-Themis-.pdf, (consulté le 21/12/2015)

44Ibid

45EMERY NUKURI, La complémentarité de la justice pénale internationale à la justice nationale des États dans le cas de la Cour pénale internationale, Mémoire de Licence 2010, http://www.memoireonline.com/09/11/4797/m_La-complementarite-de-la-justice-penale-internationale--la-justice-nationale-des-etats-dans-le15.html, (consulté le 16/02/2016)

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ci a fait part de son intention de poursuivre un Chef d'État en exercice en 2009, Omar El BECHIR tandis que la poursuite du président en exercice du Kenya, Uhuru KENYATTA n'a été que la goutte d'eau qui a fait débordé le vase.

La variabilité de la complémentarité joue au profit de la CPI comme elle l'a été à un moment donné au profit des détracteurs actuels de la Cour à savoir les dirigeants africains lorsqu'il s'agissait d'envoyer à la CPI leurs adversaires politiques. Jusqu'en 2009, les rapports entre la CPI et l'UA étaient cordiaux, il y' avait une parfaite coopération entre les deux institutions et les États tant qu'ils trouvaient tous un intérêt dans le travail effectué par la Cour. En effet, cette attitude montre que lorsqu'il s'agit de se débarrasser soit des opposants ou des petits poissons (les plus faibles auteurs sur la pyramide de responsabilité pénale), les États sont prêts à pleinement coopérer et dociles. Mais, dès l'instant où la Cour s'est attaquée à l'un des leurs, la donne a complètement changé. Auparavant, ils usaient de la complémentaire à leur profit en donnant à la Cour n'importe quel criminel pourvu qu'il soit jugé alors que certains États étaient aptes à juger mais ne le voulaient simplement pas. C'est en sens qu'il ont fait entrer la politique dans une institution juridique qui en a fait un très bon usage au point de la retourner aujourd'hui contre les principaux instigateurs puisqu'elle vise désormais les principaux commanditaires des crimes, ceux ayant la plus grande responsabilité dans leur perpétration et qui auraient dû, en vertu du principe « de la responsabilité de protéger » reconnu en droit international, prévenir voir empêcher la commission de tels crimes dans leurs pays: les Chefs d'États africains

Chapitre II : L'allégation de poursuites sélectives

En sus d'être accusée d'être discriminatoire par les dirigeants africains, l'UA fait grief à la Cour d'opérer une « sélection des cas » à poursuivre, parfois motivée par des considérations plus politiques que juridiques. Cette « sélection des cas », expression employée très souvent par les autorités de l'Union, suppose que le Procureur dans sa politique de poursuite choisisse les « cas » et donc les personnes à l'encontre desquelles la justice internationale va s'appliquer. A noter qu'à la différence de la première accusation portant sur l'exclusivité de sa compétence en Afrique, le Procureur va ici au sein d'une même affaire ou d'une même situation, le cas échéant africaine, décider de ne poursuivre que certaines personnes et pas d'autres. Cela peut être aussi bien un camp plutôt qu'une autre. Il ne s'agit donc plus de traitement inégal par rapport au continent africain mais par rapport aux responsables d'exactions. La question que l'on se pose est de savoir si ce choix des personnes à poursuivre est guidé par des motivations politiques comme le prétendent les dirigeants africains par

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le biais de l'UA ? Dans cette optique, l'on peut s'apercevoir qu'au sein du même affaire ayant à l'évidence plusieurs accusés, la CPI va choisir de ne réprimer que les actes commis par certains et pas ceux commis par d'autres. Il ne sera dorénavant plus question de préférer une affaire africaine à une affaire non africaine même lorsqu'elles pourraient découler d'une même situation mais d'opérer un choix de la personne à poursuivre en raison de facteurs politiques. C'est en cela que cette sélection fondée sur des bases juridiques devient biaisée.

L'objet de ce chapitre nous permettra de comprendre les enjeux et impacts de ce phénomène de sélection et les intentions de l'UA dans ce qu'on pourrait qualifier d'expression juridique de revendications politiques. Pour ce faire, nous verrons les interférences politiques dans le choix des poursuites (Section I) et l'immixtion du Conseil de sécurité dans ce choix (Section II).

Section I/- Les interférences politiques dans le choix des poursuites

Partant du postulat que nul n'est au-dessus de la loi, la justice vise aussi bien le perdant que le vainqueur mais dès lors que les vainqueurs utilisent le pouvoir pour contourner cette justice, elle perd de sa valeur et par ricochet de son impact sur la communauté affectée. Par transposition, ce raisonnement qui devrait en théorie s'appliquer aux États faibles comme aux États puissants, souffre en pratique de l'interférence du rapport de force entre les États pour assujettir les uns à la justice et pas les autres. Il y a en effet une interaction évidente entre le droit (la justice) et la politique car pour que la répression pénale nationale ou internationale soit déclenchée, il faut nécessairement une volonté politique. L'absence de celle-ci conduit à une inertie, un blocage dans la mise en oeuvre des mécanismes de répression46. Cette dimension politique est omniprésente et nécessite de procéder au préalable à une analyse pour s'assurer que des facteurs politiques ne feront pas avancer, retarder ou empêcher la répression. On en conclut que le juridique ne se suffit pas à lui-même, il y a toujours des données politiques qui entrent en jeu. L'une des critiques les plus vives de l'UA est celle de la politisation de la justice par la CPI dans le choix des poursuites.

Conséquemment, certains affirment que l'intervention de la CPI n'est pas toujours fortuite mais incitée par des pressions politiques et plus exactement des pays puissants comme les États-Unis et la France (les plus cités). Dans ce cas, l'on dira que « lorsque la politique fait son entrée, la justice s'enfuit par la fenêtre » puisqu'en tout état de cause pour la CPI il semblerait qu'il ne s'agisse plus

46Francisco. DJEDRO MELEDJE, Séminaire sur la Justice Pénale Internationale: Droit pénal interafricain, du 19 au 20 octobre, Université de Limoges

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concrètement de rendre justice mais d'agir en respectant un agenda politique face auquel elle est impuissante.

Paragraphe I) Le cas de la Côte d'ivoire

L'affaire de l'ex président ivoirien Laurent KOUDOU GBAGBO a suscité les plus vives indignations et a créé la controverse au sein de la communauté africaine. Elle a mis à nu l'intrusion de la politique dans la justice en illustrant les erreurs commises par la CPI, ce qui remettra en cause son indépendance et son impartialité.

A- Le contexte et l'intrusion de pressions politiques

La Côte d'ivoire a accepté la compétence de la Cour le 18 avril 2003 par une déclaration de reconnaissance de compétence en vertu de l'article 12-3 du Statut. Puis, le 14 décembre 2010 et le 3 mai 2011, Alassane OUATTARA, président nouvellement élu de la Cote d'ivoire, confirme avoir accepté la compétence de la Cour (il ne ratifiera le statut que le 15 février 2013). A la suite de cette reconnaissance, le procureur va demander l'autorisation d'ouvrir une enquête de sa propre initiative sur la situation en Côte d'ivoire, pour les crimes commis depuis le 28 novembre 2010. Le 3 octobre 2011, la Chambre préliminaire fait droit à la demande du procureur et le 22 février 2012, elle élargit l'autorisation d'enquêter pour les crimes relevant de la compétence de la Cour qui auraient été commis entre le 19 septembre 2002 et le 28 novembre 2010. Des mandats d'arrêts seront émis à l'encontre du couple GBAGBO et de Charles BLE GOUDE pour les seuls crimes commis entre 2010 et 2011. Quid des crimes commis depuis 2002 ?

La France a été le pays le plus critiqué pour avoir pris non seulement part à la crise ivoirienne, mais aussi pour avoir oeuvré à la traduction de Laurent GBAGBO devant la CPI en réunissant toutes les conditions politiques et militaires pour amener le procureur à ouvrir une enquête47 concernant la situation de la Cote d'ivoire. C'est la France qui par le biais d'une coalition franco-onusienne, appuyée par les forces pro-Ouattara, qui a renversé le régime de Gbagbo. De plus, Nicolas SARKOZY a particulièrement insisté sur le transfèrement de GBAGBO à la CPI après son arrestation le 11 avril

47Malick NDIAYE, Impunité: Jusqu'où l'Afrique est-elle prête?, Revue Africaine Trimestrielle de Stratégie et de Prospective, n°9-10, Janvier-Juin 2013, file:///C:/Users/Loah/Downloads/9782296516267_extrait.pdf, (consulté le 22/12/2015)

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201148. En réalité, la France avait pendant longtemps cherché à évincer GBAGBO du pouvoir et à s'en débarrasser définitivement pour asseoir le pouvoir de « l'ami » OUATTARA49. Le meilleur moyen de neutraliser GBAGBO était donc de l'envoyer à la CPI pour y être jugé, la question étant comment y parvenir ? Le déroulement des événements en Côte d'ivoire apporte partiellement une réponse à cette interrogation. Récemment, il a été dit que la procureure de la CPI, Fatou BENSOUDA, aurait confié à Pascal BIDA KOYAGBELE, un des candidats à la présidence centrafricaine qu'il n'y avait rien de sérieux contre GBAGBO, mais que c'était juste une pression politique de la France, à laquelle elle ne pouvait se soustraire pour avoir bénéficié du soutien de ce pays lors de sa nomination50. Une information qui semble à priori fausse, puisque celle-ci n'a pas influencé le cours du procès GBAGBO qui se tient actuellement à la Haye.

Obiang NGUEMA MBASOGO, président en exercice de l'UA, affirme de son côté que l'intervention de la France et celle de l'ONU ont manifestement empêché l'UA de trouver une solution plus pacifique à la crise. Il déclare en 2014 :

« (...) quand j'étais président de l'UA, j'ai parlé et j'ai réussi à convaincre l'ancien président Laurent Gbagbo à démissionner du pouvoir et il a accepté de le faire, j'ai aussi essayé de convaincre l'autre partie d'accepter la négociation avec GBAGBO parce qu'il avait accepté de démissionner, mais l'ingérence extérieure n'a pas donné vraiment le temps à GBAGBO de démissionner ou de s'engager dans des négociations avec l'autre partie.51» et il ajoute en parlant de l'ONU :

« Pourquoi n'a-t-elle pas dit : « Eh bien, nous savons que la France s'est impliquée jusqu'au cou dans ce conflit ", elle a utilisé ses troupes et s'est battue pour un camp dans le conflit avant les élections, et beaucoup de personnes sont mortes. En tant que tel, la France n'est plus un arbitre impartial en Côte d'Ivoire. Elle devait donc se mettre à l'écart et donner la place à des pays neutres acceptés par les deux parties pour vraiment aider à trouver une solution acceptable en Côte d'Ivoire.

Mais non. L'ONU, elle-même, sous l'influence des pays occidentaux au sein du Conseil de sécurité,

48Félix TANO, La Gouvernance judiciaire mondiale à l'épreuve de la crise ivoirienne : la Cour Pénale Internationale et l'affaire le Procureur c. Laurent Gbagbo, http://www.lesamisdelaurentgbagbo.com/uploaded/PDF/la-gouvernance-judiciaire-mondiale-a-l-epreuve-de-la-crise-ivoirienne-felix-tano.pdf, (consulté le 15/10/2015)

49Malick NDIAYE, Impunité: Jusqu'où l'Afrique est-elle prête?, Revue Africaine Trimestrielle de Stratégie et de Prospective, n°9-10, Janvier-Juin 2013, file:///C:/Users/Loah/Downloads/9782296516267_extrait.pdf, (consulté le 22/12/2015)

50Propos rapportés par Donatien Kautcha dans Koaci.com, Cote d'ivoire: CPI, Bensouda aurait confié à un homme

politique centrafricain qu'il «n'y avait rien de sérieux contre Gbagbo», 15 février 2016, http://koaci.com/cote-divoire-bensouda-aurait-confie-homme-politique-centrafricain-quil-avait-rien-serieux-contre-

gbagbo-95882.html

51Propos rapportés par AfricWatch dans CAMEROON VOICE, Obiang Nguema Basogo: « Ce sont les français qui ont viré Gbagbo du pouvoir », 16 juin 2014, http://cameroonvoice.com/news/article-news-15494.html (consulté le 14/04/2016)

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a déployé ses troupes en tandem avec la France pour attaquer Laurent GBAGBO, le traquer dans le bunker présidentiel, et l'humilier52 »

C'est en cela que l'on affirme que la traduction de Laurent GBAGBO à la CPI est un stratagème politique et témoigne également de la relation étroite qu'entretiennent la CPI et l'ONU. L'UA, pour sa part, a tenté de trouver un consensus avec les principales parties engagées dans la crise ivoirienne comme l'a déclaré Obiang NGUEMA MBASOGO, alors président en exercice de l'UA :

« (...) il était possible à l'UA de trouver une solution, parce que, en tant président de l'UA, j'ai demandé à la communauté internationale de permettre à l'Union africaine de trouver une solution en Côte d'Ivoire. Je leur ai dit que c'était une opportunité pour l'Union africaine et les Africains, pour résoudre le problème. C'était un problème africain qui avait besoin d'une solution africaine. (...)La France a joué un rôle clé dans le conflit ivoirien parce que la France avait promis de donner le pouvoir à l'autre partie. Mais elle n'allait pas le faire par les urnes ou les négociations, elle avait l'intention d'utiliser l'armée française. Et c'est exactement ce qu'elle a fait. Et quel que soit ce que nous disions en tant que dirigeants de l'Afrique, siégeant à l'Union africaine, n'avait pas d'importance

poureux. » 53

B- Le choix des poursuites par la Cour dans la crise ivoirienne

Dans le cas ivoirien, la difficulté n'a pas tant été la sélection, mais les critères qui la commandent. Ils doivent être transparents, objectifs et surtout cohérents, ce qui fera que la justice internationale même sélective soit néanmoins non-discriminatoire. La Cour a en l'espèce fondé son enquête sur l'approche séquentielle qui consiste à enquêter et poursuivre les crimes commis par un groupe armé avant d'aborder ceux commis par les autres54. Cette approche a conduit le procureur qui en a usé, à une discrimination entre les suspects éventuels aussi bien dans le choix de la période de poursuite, que des événements.

Lorsque la procureure a été autorisé par la Chambre préliminaire à enquêter sur les crimes de 2002-2010, elle a à l'évidence fait le choix de ne poursuivre qu'un seul camp en restreignant la période

52Ibid 53Ibid

54Jacques B.MBOKANI, L'impact de la stratégie de poursuite du procureur de la Cour pénale internationale sur la lutte contre l'impunité et la prévention du crime, Droits Fondamentaux, N°7, janvier 2008-Décembre 2009, www.droits-fondamentaux.org, p13

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des poursuites aux seuls crimes commis lors de la crise post-électorale de 2010-2011 par les forces pro-Gbagbo alors que le crime le plus grave, le massacre de Duekoué par les forces pro-Ouattara avait fait plus d'un millier de morts55.

L'organisation HUMAN RIGTHS WATCH a décelé deux erreurs de la CPI dans les enquêtes relatives à la situation en Côte d'ivoire 56 faisant ressortir par la même occasion, le manque d'indépendance et la partialité dont a fait preuve la Cour. D'abord, l'organisation précise que toutes les enquêtes menées par la CPI ne concernent uniquement que les crimes commis par les alliés de l'ex président, malgré les Observations de commission d'enquêtes de Cote d'ivoire et des Nations Unies mettant en cause les deux camps (GBAGBO-OUATTARA). Ensuite, que les affaires de la CPI ont été axées sur des crimes prétendument commis à Abidjan alors que certains des pires abus ont été perpétrés dans la partie occidentale du pays57. M. Matt Wells, chercheur à HUMAN RIGTHS WATCH révèle par ailleurs que « le pouvoir était prêt à aider la CPI à monter un dossier contre le Président Laurent GBAGBO »58.

Il est surprenant de constater que près de 6 ans après l'arrestation de GBAGBO, aucune enquête ou poursuite n'a été menée à ce jour contre les forces pro-Ouattara alors que l'on a pu remarquer la rapidité avec laquelle les enquêtes et poursuites contre les forces pro-Gbagbo ont été dirigées. Ainsi l'approche séquentielle est mise en échec par le temps et la lenteur des procès car jusqu'à ce que GBAGBO soit condamné ou non, la procureure aura certainement fini son mandat. Y a-t-il donc des raisons de croire que ce qui est aujourd'hui une poursuite unilatérale deviendra bilatérale ? Nous en doutons fortement. D'ailleurs de par les liens entre la CPI et l'ONU qui a apporté son appui à M. OUATTARA pour son accession au pouvoir et qui a eu à prendre position dans la crise ivoirienne59, il est difficilement concevable que la CPI soit en contradiction avec l'ONU.

La CPI est apparue dans l'affaire GBAGBO comme une justice des vainqueurs en n'inculpant que le perdant aux élections, Laurent GBAGBO et son bras droit, Charles BLE GOUDE. L'action de la Cour en Côte d'ivoire n'a pas fait l'unanimité au sein de la population ivoirienne, ce qui a affaibli son

55Félix TANO, La Gouvernance judiciaire mondiale à l'épreuve de la crise ivoirienne : la Cour Pénale Internationale et l'affaire le Procureur c. Laurent Gbagbo, http://www.lesamisdelaurentgbagbo.com/uploaded/PDF/la-gouvernance-judiciaire-mondiale-a-l-epreuve-de-la-crise-ivoirienne-felix-tano.pdf, (consulté le 15/10/2015)

56HUMAN RIGHTS WATCH, CPI : Le cas de la cote d'ivoire illustre certaines erreurs commise par la Cour, 4 Août 2015, https://www.hrw.org/fr/news/2015/08/04/cpi-le-cas-de-la-cote-divoire-illustre-certaines-erreurs-commises-par-la-cour (consulté le 30/12/2015)

57Ibid

58Félix TANO, La Gouvernance judiciaire mondiale à l'épreuve de la crise ivoirienne : la Cour Pénale Internationale et l'affaire le Procureur c. Laurent Gbagbo, http://www.lesamisdelaurentgbagbo.com/uploaded/PDF/la-gouvernance-judiciaire-mondiale-a-l-epreuve-de-la-crise-ivoirienne-felix-tano.pdf, (consulté le 15/10/2015)

59Ibid

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impact dans ce pays. L'opinion est divisée car la Cour n'a toujours pas poursuivi les crimes commis par l'autre camp (pro-Ouattara). La CPI doit s'assurer de rendre justice aux victimes et pas à une seule catégorie de victimes, dans la mesure ou toutes les victimes méritent d'obtenir justice. Qu'advient-il des victimes des crimes commis par les pro-Ouattara ? Telle est la question que se pose une partie de la population ivoirienne 6 ans après l'arrestation de l'ex président GBAGBO.

Sauf que sur le terrain de l'opportunité des poursuites, si la CPI devait s'en prendre pro-Ouattara, voire au président Alassane OUATTARA lui-même, cela nuirait gravement à la paix relative et fragile en Côte d'ivoire.

Paragraphe II) Les cas des dirigeants africains en exercice : Soudan/Kenya

En dehors des poursuites à l'encontre du chef d'État soudanais, Omar EL BECHIR, les rapports entre la CPI et l'UA se sont envenimés, lorsque la Cour a décidé de mener des poursuites contre le président et le vice-président kenyans, Uhuru KENYATTA et William RUTO SAMOEI.

Pour le cas soudanais, la délivrance du premier mandat d'arrêt contre Omar EL BECHIR n'est que le début des hostilités entre les deux institutions. Le 6 juin 2005 une enquête est ouverte par la Cour sur la situation du Darfour (Soudan) suite à un renvoi par le CS du 31 mars 2005 par le biais de la résolution 1593. Le 4 mars 2009, un mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre est lancé et ne sera jamais exécuté non seulement par le Soudan, État non partie, refusant de coopérer avec la Cour mais aussi par les autres États africains parties au Statut, qui vont sans cesse recevoir EL BECHIR en méconnaissance des obligations découlant du Statut. L'Union va non seulement exprimer sa profonde préoccupation devant cette mise en accusation et les conséquences de celle-ci sur le processus délicat de paix en cours au Soudan60 mais elle va également adresser une demande au CS afin qu'il reporte les poursuites contre BECHIR en vertu de l'article16 du Statut, mais en vain61. Il s'agit du premier mandat émis contre un chef d'État en exercice. Le 12 juillet 2010, la Chambre préliminaire émet un second mandat d'arrêt, qui sera le premier mandat d'arrêt pour

60UA, CONFÉRENCE DE L'UNION AFRICAINE, douzième session ordinaire 1er-3 Février 2009, Décision sur la demande par le procureur de la CPI de la mise en accusation du Président de la République du Soudan, Assembly/AU/Dec. 221 (XII), http://au.int/en/sites/default/files/decisions/9559-assembly_fr_1_3_february_2009_auc_twelfth_ordinary_session_decisions_declarations_message_congratulations_mot ion.pdf, (consulté le 15/12/2015)

61UA, CONFÉRENCE DE L'UNION AFRICAINE , treizième session ordinaire 1er-3 Juillet 2009, Décision sur le rapport de la Commission sur la réunion des États Africains parties au Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, Assembly/AU/Dec.221 ( XIII) Rev.1, http://au.int/en/sites/default/files/decisions/9560-assembly_fr_1_3_july_2009_bcp_assembly_of_the_african_union_thirteenth_ordinary_session.pdf, (consulté le 15/12/2015)

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génocide, pour trois chefs d'accusations de génocide contre les groupes ethniques des Fur, Masalit et Zaghawa. Suite à des demandes répétées de l'UA au CS de suspendre les poursuites sur le fondement de l'article 16 du Statut et sans prises en compte de celles-ci, l'UA dans un communiqué de presse datant du 4 février 2010, notera les grands risques et dangers liés à la poursuite du processus de la CPI dans le contexte actuel de recherche de la paix62 et demandera aux États de ne plus coopérer avec la CPI conformément à l'article 98 du Statut relatif aux immunités dans l'arrestation et le transfert du président EL BECHIR à la Haye63. Nous aborderons de façon plus approfondie la coopération quasiment inexistante dans cette affaire, qui a crispé les tensions entre l'Union et la CPI.

Par l'ouverture des poursuites contre le président Uhuru KENYATTA et son vice-président William RUTO SAMOEI, la campagne anti-CPI est à son comble. Par une ordonnance du 30 mars 2013, la Cour suprême kényane validait l'élection de Uhuru MUIGAI KENYATTA et William RUTO SAMOEI en leur qualité de président et de vice-président de la République du Kenya alors qu'au moment de cette décision l'un comme l'autre était accusé devant la CPI en tant que coauteurs indirects de crimes contre l'humanité relatifs aux violences post-électorales de décembre 200764. Le 5 novembre 2009, le procureur de sa propre initiative, proprio-motu, décide d'ouvrir une enquête sur la situation du Kenya en relation avec les violences post-électorales de 2007-2008 au cours desquelles près de 1300 personnes auraient été tuées (voir site de la CPI). Le 8 mars 2010, la Chambre préliminaire II a délivré des citations à comparaître à l'encontre de six kényans dont le président et son vice-président. Pour ce qui est du Président KENYATTA, les charges à son encontre ont été confirmées le 23 janvier 200265. Réunie en session extraordinaire le 12 octobre 2013, l'UA évoque la politisation de la justice pénale internationale en ces termes :

62UA, Communiqué de presse de l'Union Africaine du 4 février 2010 sur l'arrêt du 3 février de la Chambre d'appel de la Cour Pénale Internationale sur le Darfour, file:///C:/Users/Loah/AppData/Local/Temp/Rar$DIa0.394/Communiqué%20UA%20FEVRIER%202010.pdf, (consulté le 16/10/2015)

63UA, CONFÉRENCE DE L'UNION AFRICAINE , treizième session ordinaire 1er-3 Juillet 2009, Décision sur le rapport de la Commission sur la réunion des États Africains parties au Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, Assembly/AU/Dec.221 ( XIII) Rev.1, http://au.int/en/sites/default/files/decisions/9560-assembly_fr_1_3_july_2009_bcp_assembly_of_the_african_union_thirteenth_ordinary_session.pdf, (consulté le 15/12/2015)

64Ghislain MABANGA, Cour pénale internationale ( Art.27 du Statut de Rome): Union Africaine versus Cour pénale internationale, quand le politique tient le judiciaire en état, Revue des droits de l'homme, 3 février 2016, https://revdh.org/2013/10/17/union-africaine-versus-cour-penale-internationale-quand-le-politique-tient-le-judiciaire-en-letat/, ( consulté le 14/04/2016)

65CPI, Chambre Préliminaire II, Décision relative à la confirmation des charges rendue en application des alinéas a) et b) de l'article 61-7 du Statut de Rome,ICC-01/09-02/11-382-Red, https://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1882633.pdf, 23 janvier 2012, (consulté le 1/01/2016)

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« (...) RÉITÈRE la préoccupation de l'Union africaine en ce qui concerne la politisation et l'utilisation abusive des inculpations des dirigeants africains par la CPI, ainsi que les inculpations et les poursuites sans précédent engagées contre le Président et le Vice-président en exercice du Kenya en rapport avec les événements récents au Kenya »66. Puis l'Union réaffirma :

« (...)les principes des législations nationales et du droit coutumier international selon lesquels les chefs d'État en exercice et autres hauts représentants de l'État jouissent de l'immunité durant leur mandat.67», tout en demandant la suspension des procès jusqu'à la fin de son mandat. Dans une lettre de l'UA à la CPI68, l'Union demande à la Cour de revoir les procès en cours car elle craint que les autorités kényanes soient déstabilisées. Il faut en effet pourvoir conjuguer les obligations des autorités kényanes avec leurs obligations internationales sinon il y a un risque de vide constitutionnel d'où la demande fait à la Cour de respecter les obligations constitutionnelles des accusés. Dans sa réponse, la CPI69 précise qu'elle ne peut pas remettre en cause le fondement même des États et reste engagée à une coopération amicale avec l'UA.

L'article 27 du Statut ne prenant pas en compte l'immunité personnelle, l'UA contestera les poursuites menées contre KENYATTA et BECHIR parce que selon elle la CPI agit en violation des règles de droit international relatives au droit à l'immunité. Pour l'UA : « aucune poursuite ne doit être engagée devant un tribunal international contre un chef d'État ou de gouvernement en exercice ou toute autre personne agissant ou habilitée à agir en cette qualité durant son mandat70». Seulement cette volonté de faire appliquer l'immunité est en contrariété avec l'article 27 du Statut de Rome, ratifié par les États africains (dont le Kenya) qui fustigent à ce jour la Cour de critiques.

A- La volonté d'application de l'immunité aux chefs d'État en exercice et l'article 27 du Statut

L'article 27 du Statut précise que :

66UA, CONFERENCE DE L'UNION AFRICAINE, Session extraordinaire 12 Octobre 2013, Décision sur les relations entre l'Afrique et la Cour Pénale Internationale (CPI ), Ext/Assembly/AU/Dec.1(Oct.2013), http://au.int/en/sites/default/files/decisions/9655-ext_assembly_au_dec_decl_f_0.pdf, (consulté le 15/12/2015) 67Ibid

68UA, Lettre de l'Union Africaine ( Hailemariam Desalegn et Nkosazana Dlamini Zuma) à la Cour Pénale internationale à l'occasion des poursuites contre le Président Kenyan et son vice Président, 10 septembre 2013, Ref. BC/U/1657/09/13, file:///C:/Users/Loah/AppData/Local/Temp/Rar$DIa0.631/Lettre%20de%20l'Union%20africaine%20à%20la%20CPI.p df, ( consulté le 15/10/2015)

69CPI, Lettre de la Cour Pénale Internationale en réponse au courrier de l'Union Africaine ( 10/09/13), 13 septembre 2013, Ref. 2013/PRES/00295-4/VPT/MH, file:///C:/Users/Loah/AppData/Local/Temp/Rar$DIa0.587/Reponse%20CPI%20à%20UA.pdf, (consulté le 18/10/2015) 70UA, CONFERENCE DE L'UNION AFRICAINE, Session extraordinaire 12 Octobre 2013, Décision sur les relations entre l'Afrique et la Cour Pénale Internationale (CPI ), Ext/Assembly/AU/Dec.1(Oct.2013), http://au.int/en/sites/default/files/decisions/9655-ext_assembly_au_dec_decl_f_0.pdf, (consulté le 15/12/2015)

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«1. Le présent Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d'État ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement, de représentant élu ou d'agent d'un État, n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.

2.Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne. »

En adoptant le Statut de Rome, les États entendaient le respecter dans toutes ses dispositions y compris l'article 27, veiller à ce que la position officielle ne serve pas de rempart pour commettre des ignominies et surtout qu'elle ne serve pas d'obstacle à la justice ou de sanctuaire de l'impunité. Or, l'UA s'appuie sur le principe du droit à l'immunité reconnu par le droit international pour contester les procès en cours contre KENYATTA, RUTO et EL BECHIR alors que conventionnellement parlant, cet argument est irrecevable. Nous étudierons la pertinence de cette volonté d'application de l'immunité.

1) La pertinence de cette volonté d'application de l'immunité

L'UA soutient que des poursuites judiciaires nuirait aux efforts de paix entrepris tant au Kenya qu'au Soudan. Pour les poursuites contre Omar EL BECHIR, l'UA avance que l'acte d'accusation risquerait de saper les efforts déployés en vue de faciliter le règlement du conflit au Darfour71. D'ailleurs la présidente de la Commission de l'UA, Nkosazana DLAMINI-ZUMA, en remettant en cause le mandat d'arrêt contre EL BECHIR, déclare en 2012 : « Il est important de faire la paix au Soudan, surtout au Darfour. Le président EL BECHIR doit participer à ça. (...) C'est plus important de faire la paix au Soudan que de se précipiter pour l'arrêter. (...) Il serait néfaste d'arrêt le président soudanais Omar EL BECHIR (...), car il doit être associé au processus de paix dans son pays. (...)»

Quant à celles à l'encontre du président et vice-président Uhuru KENYATTA et William SAMOEI RUTO, l'UA met en avant que les poursuites risquent de déstabiliser les affaires de sécurité nationale (le règlement des problèmes à l'origine des violences post-électorales) et des affaires de sécurité

71UA, CONFÉRENCE DE L'UNION AFRICAINE , treizième session ordinaire 1er-3 Juillet 2009, Décision sur le rapport de la Commission sur la réunion des États Africains parties au Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, Assembly/AU/Dec.221 ( XIII) Rev.1, , (c http://au.int/en/sites/default/files/decisions/9560-assembly_fr_1_3_july_2009_bcp_assembly_of_the_african_union_thirteenth_ordinary_session.pdfonsulté le 15/12/2015)

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régionale (le Kenya est en première ligne dans la lutte contre le terrorisme dans le corne de l'Afrique)72. Le refus par la Cour d'écarter l'immunité en vertu de l'article 27-2 du Statut au motif de la stabilité et de la recherche de la paix revient à considérer qu'elle estime que «la justice est essentielle à une paix durable73» alors que l'Union de par sa résistance semble soutenir le contraire. Il semblerait qu'il faille choisir entre ses deux impératifs, poursuivre les auteurs de crimes graves, au nom de la justice, ou les intégrer dans un processus de transition, au nom de la paix74.

Deux écoles s'affrontent sur la prévalence de la paix ou de la justice. D'un côté les politiques, diplomates et négociateurs donnent priorité à la paix car ils craignent que des poursuites judiciaires à l'encontre des auteurs de crimes internationaux nuisent à l'obtention d'un cessez-le-feu et proposent des amnisties officielles ou des arrangements secrets75. De l'autre côté les défenseurs des droits de l'homme et les représentants d'institutions judiciaires donnent la priorité à la justice car ils pensent qu'une paix durable achetée par l'impunité est illusoire et provisoire et que la justice peut avoir un effet pacificateur en dissuadant de futurs crimes76.

Selon Mabvuto HARA, président de la Southern African Development Community Lawyers Association, l'argument de "la paix avant la justice" soutenu par les dirigeants africains "sert à perpétuer l'impunité"77. En outre, les poursuites à l'encontre de Kenyatta n'emportent pas de risques ni dans la lutte contre le terrorisme ni dans le risque de manquement à la sécurité nationale, lorsqu'on sait que l'attaque du centre commercial de Westgate a eu lieu au Kenya alors que le président Uhuru KENYATTA était aux commandes de son pays et non à la Haye78. Dans le cas du Soudan, l'UA a créé un panel de hautes personnalités (le GUAD), présidé par l'ancien président Thabo MBEKI pour examiner la situation du Darfour et soumettre des recommandations sur les meilleurs moyens de

72Moussa BIENVENU HABA, L'offensive de l'Union Africaine contre la Cour pénale internationale: la remise en cause de la lutte contre l'impunité, 9 décembre 2013, Clinique de Droit International Pénal et Humanitaire, http://www.cdiph.ulaval.ca/blogue/loffensive-de-lunion-africaine-contre-la-cour-penale-internationale-la-remise-en-cause-de-la, (consulté le 20/12/2015)

73CPI, Communiqué de presse 21/09/2015, Cour pénale internationale:« La justice est essentielle à une paix durable», ICC-CPI-20150921-PR1152, https://www.icc-cpi.int/fr_menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/Pages/pr1152.aspx, (consulté le 18/10/2015) 74J-B.JEANGENE VILMER, L'Afrique face à la justice pénale internationale, Le Monde.fr, 12 Juillet 2011, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/07/12/l-afrique-face-a-la-justice-penale-internationale_1547244_3232.html http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/07/12/l-afrique-face-a-la-justice-penale-internationale_1547244_3232.html (consulté le 1/12/2015)

75Ibid

76Ibid

77Mary KIMANI, Recherche de justice ou complot occidental, Afrique Renouveau, Vol 23/3 Octobre 2009 p12, http://www.un.org/fr/africarenewal/vol23no3/233-cpi.html (consulté le 25/11/2015)

78Moussa BIENVENU HABA, L'offensive de l'Union Africaine contre la Cour pénale internationale: la remise en cause de la lutte contre l'impunité,9 décembre 2013, Clinique de Droit International Pénal et Humanitaire, http://www.cdiph.ulaval.ca/blogue/loffensive-de-lunion-africaine-contre-la-cour-penale-internationale-la-remise-en-cause-de-la, (consulté le 20/12/2015)

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traiter les questions s'y afférant. L'établissement de ce panel traduit la détermination de l'UA à trouver des approches autre que la CPI et souligne de sa recherche à trouver un équilibre entre paix et justice79.

Cependant, dans l'argumentaire de la paix et de la stabilité, la Cour est également censée prendre en compte l'intérêt de la victime avant l'ouverture des poursuites. Elle ne peut s'obstiner vouloir rendre justice à tout prix dès lors que le contexte et l'intérêt de la victime ne scient pas. Il peut arriver qu'il ne soit pas dans l'intérêt de la justice de procéder à des poursuites judiciaires si les victimes ne veulent pas de cette justice, qu'elles préfèrent l'oubli en ce sens que la soif de justice attiserait le sentiment de revanche et donc des tensions au sein d'une nation, au détriment de sa stabilité80. Il est fort probable de rencontrer certaines situations où les populations victimes sont soit réticentes voire opposées à des poursuites, soit potentiellement menacées dans leur sécurité ou leur bien-être. Le procureur peut ainsi recourir aux « intérêts de la justice » pour justifier un refus temporaire d'enquêter ou de poursuivre ou une suspension des poursuites. Pareillement, il faut aussi envisager des situations dans lesquelles l'ouverture d'enquêtes et de poursuites saperait la volonté des parties en entraînant des mesures de représailles sur les populations victimes 81. Mais l'on se questionne parfois sur l'application pratique de cette notion par la Cour, la justice doit être poursuivie mais à quel prix ?

Après le transfert de Laurent Gbagbo à la Haye, on ne peut affirmer avec certitude que la Côte d'ivoire a trouvé la paix, au contraire certains s'accordent à dire, comme Mme Dlamini Zuma, présidente de la commission de l'UA (dans une lettre adressée aux juges de la CPI) que :

« (...) la réconciliation en Côte d'ivoire est étroitement liée à la libération du chef de l'ex régime », l'ex président Laurent Gbagbo82.

Nombreux sont ceux qui pensent que la menace que la justice fait peser sur la paix est largement exagérée, car elle dissimule d'autres motifs83. Exagérée est-elle, mais tout de même réelle pour un

79Ibid

80Arnaud POITEVIN, Cour Pénale Internationale: les enquêtes et la latitude du procureur, Droits fondamentaux n°4, janvier-décembre 2014, file:///C:/Users/Loah/Dropbox/Recherches%20pour%20m%C3%A9moire/cour_penale_internationale_les_enquetes_et_ la_latitude_du_procureur.pdf, (consulté le 21/10/2015)

81Ibid

82Félix TANO, La Gouvernance judiciaire mondiale à l'épreuve de la crise ivoirienne : la Cour Pénale Internationale et l'affaire le Procureur c. Laurent Gbagbo, http://www.lesamisdelaurentgbagbo.com/uploaded/PDF/la-gouvernance-judiciaire-mondiale-a-l-epreuve-de-la-crise-ivoirienne-felix-tano.pdf, (consulté le 15/10/2015)

83J-B.JEANGENE VILMER, L'Afrique face à la justice pénale internationale, Le Monde.fr, 12 Juillet 2011, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/07/12/l-afrique-face-a-la-justice-penale-internationale_1547244_3232.html (consulté le 1/12/2015)

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État pouvant à tout moment sombrer dans l'engrenage du conflit. Le cas de la Libye l'illustre parfaitement.

La deuxième raison évoquée par l'UA est le respect des fonctions constitutionnelles rattachées à la qualité de membre du gouvernement en exercice. En accédant à cette requête, l'Union semble vouloir obliger la Cour à violer le Statut à des fins plus politiques que juridiques. Ce qui reviendra pour les dirigeants africains en exercice qui clament le droit à l'immunité, à violer le pacta sunt servanda et à vider le traité de son essence puisque les États pourront librement décider de quelles dispositions du Statut s'appliquent ou non. L'UA semble toutefois oublier que la fonction présidentielle d'une personne et les obligations qui s'y attachent, ne l'exonèrent pas de sa responsabilité pénale lorsqu'il est accusé d'avoir commis des crimes internationaux tels que reprochés par le Statut. L'immunité ne peut s'appliquer qu'aux actes liés à la fonction et pas ceux à titre privé, or la commission de tels crimes ne fait pas partis des fonctions d'un chef d'État. Par conséquent, il (le Chef d'État) devrait s'attendra à rendre compte car en ne dissociant pas les obligations commandées par sa position et celles commandées par des intérêts privés, il abuse de cette immunité personnelle en pensant que celle-ci couvrira ses atrocités. C'est ainsi que la crédibilité de l'engagement de l'UA dans la lutte contre l'impunité est affectée. Que prévoit le droit international par rapport à l'immunité ?

2) Un principe de droit international coutumier

Dans la pratique, on fait un constat d'obstacles juridiques et politiques importants quant à la répression des crimes internationaux commis par un Chef d'État84. Le droit international coutumier prévoit deux types d'immunités à savoir l'immunité de fonction (dite rationae materiae) et l'immunité personnelle (dite rationae personae). Ces types d'immunités interdisent d'engager des poursuites contre des représentants d'un État devant les juridictions nationales étrangères et internationales. L'immunité de fonction est absolue et protège uniquement pour les actes liés à la fonction en permettant au Chef d'État d'exercer librement ses fonctions85 et l'immunité personnelle est limitée à une catégorie d'agents gouvernementaux étatiques (Chef d'État) et cesse de produire effet lorsque le mandat prend fin. En conclusion, la seule protection du droit international coutumier est l'immunité personnelle du Chef d'État lorsque son mandat est en cours. Comme l'a soutenu l'UA lors de la session

84Chaire d'excellence « Gestion du conflit et de l'après-conflit», extrait texte de la Conférence tenue le 22/01/2015: Les Chefs d'État sont-ils intouchables?, http://fondation.unilim.fr/chaire-gcac/2015/01/22/conference-chefs-etat/#_ftn47 (consulté le 1/12/2015)

85BORGHI Alvaro, L'immunité des dirigeants politiques en droit international, Bruxelles/Paris, Série II Volume 2, Collection Latine, Helbing et Lichtenhahn - Bruylant. L.G.D.J, 2003

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extraordinaire tenue à Addis-Abeba, cette immunité est inviolable car les chefs d'État sont en cours d'exécution de leur mandat et ce dans le but de protéger les intérêts de l'État en protégeant son représentant principal.

Une partie de la doctrine estime que la Communauté internationale s'est accordée sur le fait que les crimes internationaux sont si immoraux et odieux pour justifier la remise en cause de l'immunité reconnue aux gouvernants car ce sont ces derniers qui grâce à la position d'autorité qu'ils occupent mettent à disposition les moyens techniques et financiers pour perpétrer ces crimes. Pour la doctrine, la CPI comme les tribunaux pénaux internationaux peut méconnaître l'immunité car elle agit au nom de la communauté internationale pour protéger des valeurs universelles mais cet argument ne tient pas compte de la raison d'être de l'immunité personnelle, le "prime représentative"86 en ce que le Chef d'État en tant que représentant privilégié d'un État, a besoin de cette immunité personnelle inviolable pour représenter au mieux les intérêts de son pays. Il ignore également les fonctions de maintien de la paix (internationale et interne) attachées au Chef d'État en exercice. Cet état des choses traduit le dilemme entre la souveraineté, la lutte contre l'impunité et la stabilité des relations internationales.

3) La CPI : l'exception de l'article 27 du Statut

L'article 27 paragraphe 2 du Statut précise que « les immunités ou règles de procédures spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne en vertu du droit interne ou du droit international (...) ». L'immunité est perçue comme un obstacle procédural empêchant la poursuite au pénal de certaines en raison de leur qualité officielle87. Le Statut précise également que ces immunités n'empêcheront pas à la Cour d'exercer sa compétence à l'égard des personnes qui en bénéficient. Cette affirmation puisse sa force du caractère conventionnel du Statut, les États parties procèdent à une renonciation aux immunités qui auraient pu entraver l'action de la Cour88.

Cette disposition bien qu'indiscutable dès lors qu'elle s'applique à des États parties (Kenya) est du moins statutairement contestable en ce qui concerne les États non parties au Statut (Soudan) n'étant

86 ICC Forum, Personal Immunity and President Omar Al Bashir: An Analysis Under Customary International Law and Security Council Resolution 1593, DANTERZIAN, 25 janvier 2011, http://iccforum.com/forum/permalink/61/875, (consulté le 27/04/2016)

87Chaire d'excellence « Gestion du conflit et de l'après-conflit», extrait texte de la Conférence tenue le 22/01 http://fondation.unilim.fr/chaire-gcac/2015/01/22/conference-chefs-etat/#_ftn47/2015: Les Chefs d'État sont-ils intouchables?, (consulté le 1/12/2015)

88Moussa BIENVENU HABA, L'offensive de l'Union Africaine contre la Cour pénale internationale: la remise en cause de la lutte contre l'impunité, 9 décembre 2013, Clinique de Droit International Pénal et Humanitaire, http://www.cdiph.ulaval.ca/blogue/loffensive-de-lunion-africaine-contre-la-cour-penale-internationale-la-remise-en-cause-de-la, (consulté le 20/12/2015)

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pas sous sa juridiction et n'ayant pas accepté sa compétence. Ce serait donner une interprétation erronée du Statut que d'imposer cette disposition à un Chef d'État ne voulant pas être jugé par elle, c'est le cas d'Omar EL BECHIR. L'adhésion du Kenya au Statut écarte d'emblée la prise en considération de son immunité comme le clame l'UA. À contrario, rejeter l'immunité dont bénéficie EL BECHIR conduirait à détourner le sens de l'article 27, mais pour la CPI ce rejet des immunités personnelles s'applique même aux États non parties au Statut lorsque les situations les concernant sont déférées par le CS. On passerait ainsi « d'une justice concertée à une justice imposée en ce sens que l'immixtion du CS insuffle à la Cour une logique d'adhocisme à l'instar du modèle de fonctionnement des TPI »89. La CPI soutient que le renvoi par le CS implique une acceptation par celui-ci que l'enquête et toutes les poursuites relatives à la situation seront soumises au cadre conjointement défini par le Statut90. Cela signifie que le CS peut passer outre le droit international coutumier et écarter l'immunité dont bénéficie le président EL BECHIR bien qu'il s'agisse d'un État non partie au Statut de Rome par le biais du Chapitre VII de la Charte des NU qui a pour objet de contraindre les États. Le CS a un pouvoir substantiel lorsqu'il agit en vertu du chapitre VII et peut grâce à cela, retirer implicitement des immunités personnelles au moment du renvoi de la situation à la CPI91

Pour le professeur William SCHABAS, la CPI ne peut être considérée comme juridiction internationale mais un tribunal conventionnel92. Il explique que même si la CPI peut prétendre à un certain degré d'universalité, elle ne lie que les seuls États parties au Statut. Seuls les tribunaux ad hoc, créés par le CS peuvent être considérés comme des juridictions internationales car ils ont été créés par la communauté internationale agissant collectivement et pas par un État. Il conclut en précisant:

«The immunity of heads of states results from customary international law. They cannot be deprived of it because other States so decide, whether they do this by their domestic law or by treaty.93».

89Alpha SIDY NDIAYE, CPI/UA : Une réaction politisée, des fondements juridiques incertains, Sentinelle la page hebdomadaire d'informations internationales, Bulletin n°290 du 22/10/2012, http://www.sentinelle-droit-international.fr ( consulté le 20/10/2015)

90Ibid

91ICC Forum, Personal Immunity and President Omar Al Bashir: An Analysis Under Customary International Law and Security Council Resolution 1593, DANTERZIAN, 25 janvier 2011, http://iccforum.com/forum/permalink/61/875, (consulté le 27/04/2016)

92William A. SCHABAS, Obama, Medvedev and Hu Jintao may be Prosecuted by International Criminal Court, Pre-Trial Chamber Concludes, 15 décembre 2011, http://humanrightsdoctorate.blogspot.fr/2011/12/obama-medvedev-and-hu-jintao-may-be.html, (consulté le 15/04/2016)

93Ibid

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De plus, l'arrêt Yérodia de la CIJ en son paragraphe 61-4 précise que l'irrecevabilité de la qualité officielle ne peut être opposée que devant certaines juridictions pénales internationales en s'appuyant sur le TPIY et le TPIR. Ce qui conduit le professeur William SCHABAS à soutenir qu'il s'agit de celles mises en place par la communauté internationale et non celle établies par traité, à fortiori lorsque ces dernières sont l'oeuvre d'un nombre réduit d'États qui prévoiraient de juger les dirigeants d'États non parties bénéficiant de l'immunité94, comme c'est le cas du président BECHIR. C'est donc le caractère international de la juridiction qui pose problème.

B- Les incidences de la volonté d'application de l'immunité

En demandant à la CPI de suspendre les poursuites contre KENYATTA et EL BECHIR en raison du droit à l'immunité des Chefs d'État en exercice, l'UA se veut protectrice des dirigeants africains en envoyant à ces derniers un double signal négatif. Cette demande fait également état de l'ignorance par l'UA de la souffrance des victimes africaines.

1) A l'égard des dirigeants africains

L'incidence politique de la démarche de l'UA se doublonne en la recherche d'une garantie d'impunité et en une échappatoire aux poursuites. D'une part, de par cette attitude qui ne l'honore point, l'UA semble vouloir faire obtenir aux dirigeants d'États africains, un permis de tuer (« licence to kill » par Desmond Tutu), d'opprimer, mutiler leur propre peuple et un droit de massacrer dans la quiétude95. A tel point qu'ils pourront impunément commettre les pires atrocités contre leur peuple sans qu'ils ne soient réprimés pour leur acte. D'autre part si cette demande de l'UA finissait par aboutir, cela reviendrait à dire :

- aux dirigeants au pouvoir que lorsqu'ils ont commis les crimes les plus graves, qu'ils ont intérêt à rester au pouvoir à vie sinon ils risquent après leur mandat de se retrouver devant la CPI.

- et autres personnalités africaines qui entreprendraient de devenir Chef d'État, d'accéder rapidement au pouvoir lorsqu'ils ont commis des crimes graves. D'une façon ou d'une autre cela induit que le dirigeant s'éternise au pouvoir, au moyen par la force ou par des subterfuges électoraux. Alors que le fait pour les victimes de savoir que ces chefs d'États n'étaient pas à l'abri de la justice même

94Chaire d'excellence « Gestion du conflit et de l'après-conflit», extrait texte de la Conférence tenue le 22/01/2015: Les Chefs d'État sont-ils intouchables?, http://fondation.unilim.fr/chaire-gcac/2015/01/22/conference-chefs-etat/#_ftn47 (consulté le 1/12/2015)

95IVOIRE PRESSE, Opinion/ L'Union Africaine contre la Cour Pénale International : à la recherche du droit de massacrer dans la quiétude, 18 octobre 2013, http://news.abidjan.net/h/477917.html(consulté le 5/12/2015)

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en restant au pouvoir constituait un espoir, certes mince, contre l'impunité. Ainsi, la demande de l'Union appliquée dans une situation comme celle du Rwanda « signifierait qu'il aurait suffi aux responsables du pouvoir génocidaire de conserver le pouvoir pour ne pas être inquiétés.96»

2) A l'égard des victimes africaines

Cette protection que l'UA cherche à obtenir pour les dirigeants africains est faite au détriment des victimes. Si parfois il est dans l'intérêt de la victime que la CPI mette fin à des procédures judiciaires, accorder une immunité aux individus orchestrant les crimes les plus ignobles s'analyserait comme le fait de considérer implicitement que les intérêts et les ambitions politiques (puissance) et économiques (richesse) des Chefs d'États priment sur les intérêts des victimes, d'une communauté, d'un peuple.

La société civile désapprouve cette démarche de l'UA car elle considère que l'Union ne peut décider à la place des africains, souvent victimes de leurs dirigeants bourreaux 97 . Plusieurs organisations africaines, dans un document rendu public le 18 novembre 2013, ont soutenu que : « les gouvernements africains doivent rejeter l'idée selon laquelle, ils doivent bénéficier d'une immunité spéciale vis-à-vis de la CPI98».

L'on peut même se demander lequel de ces présidents actuellement en exercice et poursuivis par la Cour, accepterait d'être jugé par elle quand bien même ce dernier ne sera plus en fonction ? En Afrique, en excluant le cas du Rwanda et de la Sierra Leone, lorsque des milliers de personnes sont tuées, il est rare que l'État décide volontairement de rendre justice aux victimes ou de réparer les torts causés à la communauté affectée.

Cette démarche qu'entreprend l'UA avec ardeur pour rendre aux Chefs d'État leur immunité à également un effet sur la paix et la sécurité, donc sur les victimes. En effet, si le seul moyen de faire juger un Chef d'État qui voudrait se maintenir au pouvoir est d'obtenir son départ, la seule solution sera d'user de tous les moyens au besoin par la force et la violence, dans un contexte où l'élection libre et transparente n'est pas possible99. Il y aurait donc un risque cyclique de violences préjudiciable aux victimes qui vont trouver exile dans les pays voisins.

96Ibid

97Makiala NGUEBLA, La Cour Pénale Internationale: Pourquoi l'Afrique se rebelle?, 2 décembre 2013, http://www.maisondesjournalistes.org/la-cour-penale-internationale-pourquoi-lafrique-se-rebelle/ (consulté le 25/12/2015)

98Ibid

99IVOIRE PRESSE, Opinion/ L'Union Africaine contre la Cour Pénale International : à la recherche du droit de massacrer dans la quiétude, 18 octobre 2013, http://news.abidjan.net/h/477917.html(consulté le 5/12/2015)

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Section II/- L'immixtion du Conseil de sécurité dans la procédure de la CPI

L'UA dans ses revendications fait de l'existence d'un déséquilibre de pouvoirs au sein du CS de l'ONU et du jeu de rapports de force y existant. La CPI n'étant que l'exécutant, elle se retrouve parfois face à des critiques qui devraient en principe être dirigées contre le CS qui est non pas l'unique mais l'un des responsables de l'inégalité de traitement des situations dont se prévaut l'UA. Cette intrusion du CS amène se poser des questions sur la légitimité des poursuites engagées par la CPI puisque dans certains cas les prises de positions du CS de l'ONU orientent le plus souvent les enquêtes menées par le procureur100.

La source des contradictions entre l'UA et la CPI par rapport au CS se traduit par l'absence de pouvoirs de l'Union et de prise en considération de ses points de vue par le CS (Paragraphe I). Quoiqu'il en soit pour l'UA, de tels pouvoirs portent atteinte à la souveraineté des États africains contre qui, les pouvoirs du CS semblent se retourner (Paragraphe II).

Paragraphe I) Le Conseil de Sécurité : source du traitement différencié entre les

États

Le Statut de Rome (article 13-b) laisse le soin au CS de déférer la situation d'États non parties dont la nécessité s'imposerait en cas de menace contre la paix. Cette disposition pose des problèmes soulevés par l'UA dont le premier s'analyse comme l'impossibilité pour le CS de déférer une situation mettant en cause l'un des cinq membres permanents ou de leurs alliés. Le CS, par une résolution défère une situation à la CPI, qui, si elle fait l'objet d'un seul veto d'un membre permanent ne pourra être adopté101. Dans ce même ordre d'idées, William BOURDON, avocat au barreau de Paris, précisera qu'en raison de ce droit de veto : « (...) on peut donc affirmer que les chefs d'États en exercice qui pourront être poursuivis par la cour pénale internationale seront les chefs, soit les dirigeants d'États voyous, soit d'États mis au ban des nations, soit d'États faibles ou d'États africains ou asiatiques qui auront ratifié le Statut (...)102»

100Francois SOUDAN, Albert Bourgi : « La CPI est influencée par les grandes puissances », Jeune Afrique Février 2014, http://www.jeuneafrique.com/134469/politique/albert-bourgi-la-cpi-est-influenc-e-par-les-grandes-puissances/ (consulté le 29/11/2015)

101A.MELCHIADE MANIRABONA, Vers la décrispation de la tension entre la Cour pénale internationale et l'Afrique: quelques défis à relever, (2011) 45 (2) Revue Juridique Thémis, http://oppenheimer.mcgill.ca/IMG/pdf/Article-Themis-.pdf, (consulté le 21/12/2015)

102Ibid

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À l'évidence, il y a au sein du CS un jeu de rapports qui expliquent que certains États sont plus exposés que d'autres à la justice internationale. Plus un État est puissant, plus il y a peu de chance que ses dirigeants ou ses ressortissants soient tenus responsables de crimes graves devant la CPI. À contrario, la faiblesse de certains États, comme les États africains, justifient qu'ils soient la cible de la CPI car leur opposition n'a pas d'impacts importants. Si l'on considère comme légitime le ressenti de l'UA sur le choix des poursuites au sein du CS, l'on condamne toutefois le fait qu'elle s'acharne sur la CPI puisque ce n'est pas la Cour qui peut décider d'ouvrir une enquête sur des États non parties mais elle ne peut le faire que s'il y a eu renvoi du CS et c'est également le Conseil qui fait le tri des situations pouvant avoir une incidence sur l'un des membres permanents. C'est toutefois le fait pour la CPI d'y participer conduit à considérer qu'elle adhère implicitement à cette politique d'hégémonie des États puissants sur des États moins forts. Par exemple, la prise de position du CS sur la situation en Côte d'ivoire a incité le procureur à y ouvrir une enquête. Pour certains, cette décision du procureur n'est pas une simple coïncidence mais s'inscrit dans le cadre de la résolution 1975 du CS autorisant une opération militaire pour soutenir les forces fidèles à OUATTARA103. Cette relation étroite entre la CPI et le CS est problématique au regard de l'impartialité et fait état d'un mélange croisé d'intérêts politiques, économiques et militaires s'agissant aussi bien d'États concernés par l'action de la Cour ou d'autres États104.

L'autre point de discorde soulevé par l'UA dans sa relation pleine de contradictions avec la CPI est l'application ou le défaut d'application de l'article 16 du Statut de Rome disposant que le CS peut suspendre les procédures en cours pendant 12 mois. En vertu de cette disposition, le CS peut arrêter ou refuser de le faire, que les procédures concernent un État partie ou non. Eu égard à l'immunité dont bénéficierait les président KENYATTA et El BECHIR et des risques des procédures judiciaires sur les efforts de paix, l'UA a adressé des requêtes répétées au CS en invoquant l'article 16 afin d'obtenir la suspension des poursuites. Le but de ces demandes était de permettre au Kenya et au Soudan de faire jouer la complémentarité en permettant aux instances judiciaires de mettre en place des mécanismes pour les responsables des prétendus crimes. C'est donc en réalité un double argument qu'utilisera l'UA pour justifier l'invocation de l'article 16105.

103Malick NDIAYE, Impunité: Jusqu'où l'Afrique est-elle prête?, Revue Africaine Trimestrielle de Stratégie et de Prospective, n°9-10, Janvier-Juin 2013, file:///C:/Users/Loah/Downloads/9782296516267_extrait.pdf, (consulté le 22/12/2015)

104Ibid

105M.FALKOWSKA et A.VERDEBOUT, L'opposition de l'Union Africaine aux poursuites contre Omar Al Bashir, Revue Belge de droit international, 2012/1, file:///C:/Users/Loah/Dropbox/Recherches%20pour%20m%C3%A9moire/L_OPPOSITION_DE_L_UNION_AFRICAI NE_AUX_PO.pdf, (consulté le 15/10/2015)

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Trois types d'arguments sont avancés par la doctrine pour rejeter l'applicabilité de l'article 16 aux poursuites engagées contre Omar El Béchir. Premièrement, admettre que le CS puisse suspendre les procédures en cours devant la Cour revient à lui accorder le pouvoir de choisir les affaires dont la Cour peut connaître. Deuxièmement, se pose la question de l'application rationae temporis de l'article 16, qui aurait été conçu pour permettre au CS d'agir comme un « filtre » uniquement dans les cas de saisine par un État partie ou par l'initiative du procureur à l'exclusion de la saisine par le CS lui-même et que ce filtre ne s'appliquerait que comme une mesure préventive à l'action de la Cour et non une fois qu'elle est déjà en mouvement106. Cet argumentaire est critiquable en ce sens rien dans le texte ne limite les pouvoirs du CS au cas seuls cas de renvoi par un État parti ou d'une saisine par le procureur. Ce deuxième argument fait une interprétation restrictive de l'article 16. Enfin, la doctrine considère que la symétrie entre l'article 16 et 13 du Statut implique que l'article 16 s'applique comme l'article 13-b à une situation, par contraste à une affaire et par conséquent le CS ne peut donc demander l'arrêt des poursuites contre El BECHIR car l'ensemble de la situation soudanaise devait être également visée107.

Frustrée et humiliée par le silence du CS, l'UA demande aux États de proposer un amendement à l'article 16 du Statut visant à permettre à l'Assemblée Générale de l'ONU d'agir si le CS ne se prononçait pas dans un délai de 6 mois conformément à la résolution 377 (V) de l'AG. Il est toutefois peu probable que cet article soit révisé, car il fait partie des dispositions adoptées pour satisfaire les revendications des cinq membres permanents du CS en général et des États-Unis en particulier108. Mais lors de la Conférence de Kampala, cette proposition d'amendement a été écarté par l'Assemblée plénière des États parties au Statut en relevant « que la proposition poserait de nombreux problèmes complexes mettant en jeu les relations entre les organes du système des Nations Unies109». Cette proposition d'amendement déposée par l'Afrique du Sud, laisse entendre dans sa formulation que la

106M.FALKOWSKA et A.VERDEBOUT, L'opposition de l'Union Africaine aux poursuites contre Omar Al Bashir, Revue Belge de droit international, 2012/1, file:///C:/Users/Loah/Dropbox/Recherches%20pour%20m%C3%A9moire/L_OPPOSITION_DE_L_UNION_AFRI CAINE_AUX_PO.pdf, (consulté le 15/10/2015)

107Ibid

108A.MELCHIADE MANIRABONA, Vers la décrispation de la tension entre la Cour pénale internationale et l'Afrique: quelques défis à relever, (2011) 45 (2) Revue Juridique Thémis, http://oppenheimer.mcgill.ca/IMG/pdf/Article-Themis-.pdf, (consulté le 21/12/2015)

109Guy-Fleury NTWARI, La proposition d'amendement de l'article 16 du Statut de Rome ou la dimension institutionnelle de la mise en oeuvre de la justice pénale internationale, Le Journal du Centre de Droit International, Dossier sur la révision de la Cour pénale Internationale, N° 7 décembre 2011, http://cdi.lyon3.free.fr/cdi.lyon3/Le_Journal_files/Journal%20du%20CDI%20n%%B0%207.pdf, (consulté le 19/04/2016)

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CS aurait un devoir de prendre une décision110. L'article 16 ne prévoit donc pas une prérogative au CS mais crée une obligation de prendre position sur la demande qui lui ai soumise111.

La suspension des poursuites peut-elle être obtenue par le CS sur le fondement du principe de la complémentarité comme l'a invoqué l'UA ? En application du principe de complémentarité, l'UA exhortera au gouvernement soudanais de prendre des mesures immédiates et concrètes visant à traduire en justice les responsables des violations de droits de l'homme au Darfour et à informer l'Union des avancées 112 . Certains émettent des doutes quant à savoir si l'examen de la complémentarité avait encore lieu de s'appliquer dans le cas particulier d'une saisine par le CS. En effet, rien dans l'article 17 relatif aux conditions de recevabilité de l'affaire ou dans l'article 19 paragraphe 3 relatif à la contestation de la compétence de la Cour ne comportent de précisions permettant d'exclure l'application de l'examen de complémentarité dans le cas du renvoi par le CS (Soudan). L'abandon des charges contre le président Uhuru KENYATTA met fin à la question de suspension des poursuites en espérant qu'une telle décision permette au Kenya d'intervenir pour réprimer les responsables des crimes commis en 2007 en application du principe de complémentarité.

Paragraphe II) L'atteinte à la souveraineté des États africains

La justice pénale internationale est aujourd'hui ressentie par les États africains à travers l'UA comme une atteinte à leur souveraineté. Celle-ci a une importance particulière pour les États africains malades du « complexe du colonisé ». Ce complexe persistera tant qu'ils seront partis au Statut, d'ailleurs certains États africains envisagent un retrait du Statut de Rome. Quel que soit l'acte qui aurait été posé par la CPI, la réaction aurait été la même parce que les africains pensent toujours que c'est une façon de recoloniser l'Afrique. La décolonisation a permis aux dirigeants africains et à l'Afrique entière, de sortir du joug de la colonisation et de gagner une indépendance politique, économique et surtout judiciaire. Bien que cette indépendance reste en pratique discutable sur certains points, elle confère aux dirigeants africains la capacité d'agir pleinement et librement sur tout le territoire et de délimiter sa sphère de compétence en se protégeant contre les agissements d'autrui. A l'heure actuelle, la CPI est perçue comme l'institution judiciaire, qui par ses actions bien que légitimes, fragilise et menace la souveraineté des États. D'abord, les poursuites engagées par elle à l'encontre de Chef d'État en exercice sont considérées par l'UA comme l'acte de trop. En effet, le dirigeant bien

110Ibid 111Ibid

112Rapport du Groupe des sages de L'UA, Paix, justice et réconciliation en Afrique: Opportunités et défis liés à la lutte contre l'impunité, la Collection Union Africaine, Décembre 2013, http://www.ipinst.org/images/pdfs/IPI%20E-BK-Peace%20Justice-French.pdf, (consulté le 23/12/2015)

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qu'étant distinct de l'État ne saurait exister sans. Sans dirigeant, il n'y a plus d'État et donc plus de stabilité gouvernementale. Le Chef d'État incarne, symbolise et personnifie l'État. Par conséquent, l'atteinte à la souveraineté est d'autant plus flagrante lorsque ce dernier est en fonction. Mais il s'avère important de se demander à quel moment peut-on dire qu'il y a véritablement une atteinte à la souveraineté ? L'on exposera deux points de vue pour répondre à cette interrogation.

D'un point de vue strictement juridique, en ratifiant à un traité, le Statut le Rome, les États africains ont entendu renoncer à une partie de leur souveraineté si et seulement si cette de par leur souveraineté, ils exerceraient leur compétence répressive à l'égard des crimes graves. Il est donc normal que cette souveraineté judiciaire qui aurait dû être exercé par l'État, le soit par une institution au regard du traité (État-CPI) ayant un effet relatif.

D'un point de vue politico-juridique, l'interférence du CS dans le choix des cas à poursuivre, fortement influencé par les cinq membres et aura une incidence sur le travail de la CPI, en ce qu'elle donne l'impression que se sont d'autres États qui utilise la justice pénale internationale et le droit international pour faire juger les autres. Dans ce cas de figure, il y a une atteinte à la souveraineté des États africains qui subissent les revers de cette justice. Pour les dirigeants africains, ce sont d'autres États qui prennent la décision de renvoyer une situation donnée à la Cour où qui influencent le choix de la Cour. À notre sens, les États peuvent bien-sûr revendiquer cette souveraineté abandonnée au départ entre les mains de la CPI car l'objectif de lutte contre l'impunité donne l'impression d'être une lutte contre les États qui ne se soumettraient pas aux États puissants. Dans ce cas il n'y a jamais réellement eu d'indépendance des États africains mais simplement un semblant d'indépendance puisque ces États continuent de facto d'exercer leur puissance sur les États autrefois colonisés par eux. En fin de compte l'intrusion éminemment politique de certains États dans ou en dehors du cadre onusien (CS) touche indubitablement à la souveraineté des États africains visés par la CPI.

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DEUXIÈME PARTIE :

LA RÉACTION PAR LA CRÉATION D'UNE COMPÉTENCE

CONCURRENTE À CELLE DE LA CPI

Avec une perception négative du caractère universel de la justice pénale internationale, l'UA prendra une série de décisions au regard de la situation d'incompréhension à laquelle elle fait face. Dans un sens qui n'améliorera pas ces rapports avec la CPI mais les dégradera au contraire. L'UA va vouloir détacher ses États membres d'une telle institution, ce qui s'analyserait comme un recul pour l'Afrique pour certains analystes car au lieu de trouver des points de réconciliation avec la Cour, l'UA dans son attitude montre qu'il n'est plus possible de revenir en arrière et qu'elle est réfractaire au droit pénal international tel qu'il est appliqué par la CPI. Le but de cette partie est d'exposer dans un premier temps les résolutions faisant état des réactions de l'UA par rapport à des cas concrets (EL BECHIR, KENYATTA) en cours devant la Cour (Chapitre I). Dans un second temps, l'on proposera les solutions envisageables pour mettre fin à ces tensions entre l'UA et la CPI (Chapitre II).

Chapitre I : Les Résolutions prises par l'UA

Face à ce qu'elle considère comme un « acharnement » judiciaire de la CPI sur « l'Afrique » et particulièrement sur les chefs d'État africains, l'UA adoptera une position radicale à l'égard de celle-ci, marquée par plusieurs deux résolutions majeures. D'une part, après l'émission du mandat d'arrêt contre le président El Béchir, l'UA demandera aux États membres lors de la 13ème session, la cessation de toute coopération avec la Cour tout en ayant conscience que cette décision irait à l'encontre des obligations découlant du Statut, qui incombent aux États.

La première résolution de l'UA de non coopération se traduira par une violation par certains États de leurs engagements envers la Cour, qui préféreront agir dans un sens contraire au Statut. Cette violation est due à l'interaction entre l'article 27 du Statut sur le défaut de pertinence de l'immunité et l'article 98 du Statut qui permet à un État de ne pas accéder à la demande d'arrestation ou de remise de la Cour dans un sens qui les conduirait à violer leurs obligations en vertu d'accords internationaux ou du droit international en matière d'immunité. Des États comme le Tchad, le Malawi et plus récemment l'Afrique du Sud refuseront de coopérer avec la Cour à propos de l'exécution du mandat d'arrêt contre Omar EL BECHIR en invoquant leurs obligations internationales et les décisions de l'UA. Cette situation créera une difficulté, notamment un conflit d'engagements en raison de l'adhésion d'un État au sein de deux institutions internationales. Puis, les poursuites engagées par la

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CPI à l'encontre du président kényan en exercice Uhuru KENYATTA et de son vice-président William RUTO, se sont soldées par une volonté des États africains de se retirer du Statut de Rome portant création de la CPI. Cette réaction est considérée par certaines personnalités comme un recul de l'Afrique face à la justice internationale pénale et risque de nuire gravement à la légitimité et à la crédibilité de la CPI. Ces relations tumultueuses entre les deux institutions vont avoir une incidence sur le droit pénal communautaire africain, ce qui nous permet d'aborder la deuxième résolution. C'est celle par laquelle, les États africains par le biais de l'UA décideront de créer un mécanisme africain pour régler des problèmes africains en matière de crimes internationaux. Elle décidera de créer une Cour pénale régionale par une fusion de la CADHP et une autre Cour en projet (la Cour de justice de l'UA) grâce au protocole relatif à la CJ de l'UA de 2003. Les Etats adopteront un nouveau protocole en 2008, le protocole relatif au statut de la CAJDH : le Protocole de Malabo. Le Protocole de Malabo portant amendements au protocole sur le statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, permettra la création de cette nouvelle cour. Ces résolutions pouvant être qualifiées, pour certaines, de réactions de « défiance » et de « dé-crédibilisation », marquent en tout point l'exaspération par les États africains et leur in-adhésion à l'architecture de la justice pénale internationale actuelle.

Ce bref exposé nous permettra d'aborder les réactions de l'UA au regard des tensions existantes avec la CPI à savoir la décision de non-coopération des États avec la Cour et ses conséquences sur l'avenir de la CPI (Section I) et dans un second volet, celle de la création d'une Cour africaine compétente en matière de crimes internationaux par le biais du protocole de Malabo portant statut de la cour africaine de justice et des droits de l'homme (Section II).

Section I/- La non-coopération des États avec la Cour

L'UA décidera en juillet 2009 que : « les États membres de l'UA ne coopéreront pas conformément aux dispositions de l'article 98 du Statut de Rome de la CPI relatives aux immunités dans l'arrestation et le transfert du Président Omar EL BASHIR du Soudan à la CPI. » Cette non coopération sera mise en oeuvre puisque El BECHR se déplacera librement dans certains États africains notamment au Tchad (juillet 2010), Kenya (août 2010), Djibouti (mai 2011), Malawi (octobre 2011), Nigeria (juillet 2013)113 et enfin en Afrique du Sud en juin 2015. La Cour ne cessera de rappeler aux États, leurs engagements envers le Statut. D'ailleurs, le Tchad et le Malawi seront

113J-B.JEANGENEVILMER, Union Africaine versus Cour pénale internationale: répondre aux objections et sortir de la crise, Études internationales, 45:1, avril 2014, p. 5-26, http://www.jbjv.com/L-Afrique-face-a-la-justice-penale,712.html, (consulté le 17/12/2015)

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sanctionnés par la Cour pour la violation de leur obligation légale d'arrêter et de remettre El BECHIR à la Cour (Paragraphe I). Cette position commune de front à la CPI, conduira certains États par le biais de l'UA à menacer de se retirer du Statut de Rome (Paragraphe II).

Paragraphe I) La violation de leurs engagements internationaux par les États

Par leur refus manifeste d'accéder aux demandes d'arrestations de la Cour contre Omar El BECHIR, la Cour rendra une décision sanctionnant le Tchad et le Malawi, pour avoir agi en contrariété avec le Statut. Cette coopération n'est qu'une conséquence de l'adhésion volontaire au Statut, qui crée lui-même une exception en cas d'immunité de la personne recherchée à l'article 98 du Statut. Un État peut donc refuser d'accéder à la demande de coopération de la Cour si ce fait d'après l'article 98 conduit cet État à agir dans une incompatibilité avec les accords internationaux ou le droit international en matière d'immunité. L'exception de l'article 98 dérogeant à la règle de l'article 27 au sein du Statut, crée des conflits sur le terrain juridique. En effet, l'UA soutient qu'en raison de l'article 98 les États peuvent refuser d'arrêter le président d'un État tiers, cela dû son immunité reconnue en droit international, alors que la Cour considère que le seul renvoi par le CS lève implicitement l'immunité dont aurait pu bénéficier Omar El BECHIR et exige la coopération de tous les États parties.

Pour justifier son manquement à l'obligation de coopérer devant la Cour, le Malawi expose deux arguments principaux à savoir qu'il accorde au président en exercice EL BECHIR, d'un État non partie au Statut, l'immunité en raison des principes établis par le droit international public et de la législation nationale en matière d'immunités et de privilèges114. Il argue également qu'en tant que membre de l'Union Africaine, le Malawi avait fait le choix de s'aligner « pleinement » sur la position de l'organisation à l'égard la mise en accusation de chef d'État en exercice des pays qui ne sont pas parties au Statut de Rome115. Concernant le deuxième argument, l'UA s'appuie spécialement sur ce dernier (l'article 98-1) pour demander aux États membres de ne pas coopérer. Le Malawi a estimé en outre que l'article 27 qui aurait pu permettre la levée de l'immunité est inapplicable pour le président EL BECHIR en exercice, d'un Etat non partie, car cette levée d'immunité n'est pas nécessaire pour un État n'ayant pas ratifié le Statut. La Chambre préliminaire I rejeta les arguments de défense du Malawi en constatant que :

114CPI, Affaire Le procureur c.Omar Hassan Ahmad Al Bashir, CHAMBRE PRELIMINAIRE 1, Ref ICC-02/05-01/09-139-Corr-tFRA, https://www.icc-cpi.int/fr_menus/icc/situations%20and%20cases/situations/situation%20icc%200205/related%20cases/icc02050109/cou rt%20records/chambers/ptci/Pages/index.aspx, 12 Décembre 2011, ( consulté le 24/12/2015)

115Ibid

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« Conformément à l'article 87 (7) du Statut de Rome, que la République du Malawi n'a pas accédé aux demandes de coopération contrairement aux dispositions du Statut et a ainsi empêché la Cour d'exercer ses fonctions et pouvoirs en vertu du présent Statut. La Chambre décide de référer l'affaire au Conseil de sécurité des Nations Unies et à l'Assemblée des États Parties. »

Puis concernant l'immunité des chefs d'État dans le cadre des demandes d'arrestations, la Chambre note que :

« Il y a une tension inhérente entre les articles 27 (2) et 98 (1) du Statut et la pertinence de l'immunité lorsque la Cour demande la coopération pour l'arrestation d'un chef d'État. La Chambre considère que le Malawi, et par extension l'Union africaine, ne sont pas habilités à se référer à l'article 98 (1) du Statut pour justifier leur refus d'accéder aux demandes de coopération. »

Enfin la Cour ajouta que :

« (...) interpréter l'article 98-1 pour justifier la non remise d'El Béchir pour des raisons liées à son immunité entraverait le travail de la Cour d'une façon contraire au but du Statut ratifié par le Malawi

».

La Cour utilisera les mêmes arguments dans sa décision sur le refus de coopération de la République du Tchad. Pour l'UA, un traité ne peut pas priver les États non parties des droits qu'ils possèdent normalement et de ce fait considère que :

« Le Conseil de sécurité n'a pas levé l'immunité du Président BACHIR soit ; une telle levée aurait dû être explicite car un simple renvoi d'un « cas » par le CSNU à la CPI ou le simple fait de demander à un État de coopérer avec la CPI ne saurait être interprété comme une levée des immunités accordées en vertu du Droit international. La conséquence de la saisine, c'est que le Statut de Rome, notamment l'article 98, est applicable à la situation au Darfour. ». L'UA se montrant particulièrement opposée aux décisions de la Chambre préliminaire I rappela que tous les États membres de l'UA ont des obligations envers l'organisation en vertu de l'article 23 (2) de l'Acte Constitutif de l'UA sommant aux États membres «de se conformer aux décisions et aux politiques de l'Union ». Ce n'est pas uniquement l'interaction entre l'article 98 et l'article 27 que la coopération entre la Cour et les États a été rendu impossible par l'UA mais en partie parce qu'il s'agit d'un Chef d'État d'un pays non partie au Statut.

L'article 98 contient le terme « État tiers » ce qui signifie qu'il s'agit d'un État non partie, on voit mal comment cet article serait inapplicable dans le cas du Président BECHIR sachant que son État n'a pas ratifié le traité. La CPI semble s'appuyer sur le fait que le renvoi par le CS supprime implicitement l'immunité et rend donc obligatoire la coopération des États. De façon générale, la CPI donne l'impression que le CS, en tant qu'organe de l'ONU peut déroger au principe de droit international coutumier en matière d'immunité pour justifier l'inapplicabilité de l'article 98. A l'origine,

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l'ONU a été créée par les États qui, par une pratique générale et acceptée, une obligation de respecter l'immunité a fini par s'imposer. Ainsi, pourquoi vouloir déduire également d'un simple renvoi du CS qui est un mode de saisine comme un autre, une obligation des États parties de livrer un représentant étatique d'un État non partie. Il est critiquable de penser que les rédacteurs du Statut entendait contraindre les États non parties à l'égard de dirigeants d'État non partie, sinon l'article 98 n'aura pas de raison d'être. Par conséquent, il n'y a aucune obligation pour un État partie d'arrêter et de remettre à la Cour le président EL BECHIR puisque juridiquement ils n'y sont pas tenus mais au contraire dispenser par l'article 98. Nous pensons également qu'inclure des moyens de coopération de contrainte, le CS, dans la politique judiciaire d'une institution crée par des États violerait la règle selon laquelle « le traité ne lie que ceux qui l'ont signé ». Enfin, il s'agit là d'accorder un pouvoir de trop au CS, par le biais d'une simple saisine de la CPI, de lever ou non l'immunité d'un Chef d'État de surcroît en exercice et donc d'écarter le droit international coutumier à sa guise. Toutefois, on est tenté de penser que c'est certainement parce que la situation du Darfour a été renvoyée sur la base du Chapitre VII que cette immunité est « implicitement » considérée comme avoir été levée par le CS. A moins de le faire expressément dans ces prochaines résolutions, les États parties ne sont pas obligés de coopérer avec la Cour sur l'arrestation d'un dirigeant d'un État non partie. L'Afrique du Sud, État partie au Statut, est le dernier pays à avoir accueilli EL BECHIR en juin 2016 et à l'avoir laissé repartir malgré le mandat d'arrêt qui pesait sur lui en se fondant sur son immunité de chef d'Etat. L'on se demande toutefois s'il est judicieux pour un État même partie d'arrêter un Chef d'État qui se serait rendu dans un pays non pas en tant en simple visite présidentielle mais en tant qu'hôte d'un sommet organisé par une organisation telle l'Union africaine.

La difficile coopération de certains africains dans l'arrestation d'EL BECHIR fait état d'un conflit d'engagements en raison de la double présence au sein d'institutions internationales116. Certains États dans une logique de préservation de leurs intérêts, prendront la décision de rester fidèles à l'Union africaine en estimant que l'institution représente la meilleure chance pour eux d'atteindre leurs objectifs. Par conséquent, ils ne coopéreront pas avec la CPI comme ça été le cas du Malawi et du Tchad mais seulement quand cette coopération les arrange d'une manière ou d'une autre. Cette attitude de non coopération marque une solidarité africaine des dirigeants dans l'arrestation de l'un des leurs, en ce que si aujourd'hui il arrivait qu'ils permettent à la CPI de juger un Chef d'État en exercice en l'arrêtant et en la lui remettant, ça pourrait être au tour à un moment ou à un autre au tour de l'un d'eux. Ainsi, l'intérêt garanti par l'UA qui explique que certains États fassent le choix de respecter ses

116P.ELVIC BATCHOM, La double-présence au sein des institutions internationales, 31 janvier 2014 http://www.codesria.org/spip.php?article1921&lang=en, (consulté le 29/11/2015)

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décisions se traduit plus comme une échappatoire à la justice pénale internationale qu'à une manoeuvre pour « l'Afrique ». L'Afrique n'a rien demandé à l'UA si ce n'est de juger les auteurs d'exactions faisant de milliers de mort sur le continent. On ne peut donc pas dire que ce combat est un combat pour l'Afrique mais pour les dirigeants, pour que ceux-ci se mettent à l'abri de poursuites judiciaires. Pour les États s'alignant à la CPI, il s'agit d'une loyauté « aux principes démocratiques et de respect des droits de l'homme inspirés et défendus par les Nations Unies. Elle emporte des conséquences bénéfiques pour les États qui s'illustrent par leur détermination à coopérer avec la CPI car, c'est une marque de refus de toute atteinte à la vie et à la morale internationale117. »

Cette décision de non coopération bien qu'elle soit juridiquement incompatible avec les obligations des États envers la CPI, est renforcée par une menace de retrait collectif du Statut par certains États africains.

Paragraphe II) Le retrait collectif des États du Statut de Rome

La première fois que les États africains avaient envisagé la possibilité de se retirer du Statut, remonte à juin 2009, lorsqu'ils se sont réunis pour adopter une proposition de se retirer du Statut, dans le but de contester l'inculpation d'EL BECHIR même si cela n'a pas finalement abouti118. A ce jour, les États africains envisagent encore cette même idée, avec beaucoup plus de force et est considérée par certains commentateurs comme un moyen de pression envers la Cour pour qu'elle suspende ses poursuites contre KENYATTA et EL BECHIR. Les poursuites à l'origine menées contre KENYATTA (poursuites à ce jour abandonnées), ont remis cette question à jour sur la table de discussion de l'Union. Après que le parlement kényan ait voté le retrait du Kenya du Statut, l'UA a fini par adopter lors du 26ème sommet de l'Union clôturé à Addis-Abeba, une proposition en faveur du retrait des Etats africains. Certains chefs d'Etat africains comme Idriss DEBY ITNO, nouveau président de l'UA explique en février 2016 que : « cette décision est motivée par l'acharnement de la CPI contre les dirigeants du continent ». Les Etats devront désormais à la suite de cette proposition, développer une feuille de route aboutissant à la fin de l'engagement des Etats africains à la CPI. Cette dernière a d'ailleurs été déposée par le Kenya et adoptée à huis clos par l'UA, en vue du retrait des États africains du Statut.

117Ibid

118J-B.JEANGENEVILMER, Union Africaine versus Cour pénale internationale: répondre aux objections et sortir de la crise, Études internationales, 45:1, avril 2014, p. 5-26, http://www.jbjv.com/L-Afrique-face-a-la-justice-penale,712.html, (consulté le 17/12/2015)

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Plusieurs personnalités ont exprimé leur préoccupation à ce sujet, notamment Desmond TUTU qui a exhorté les États africains à ne pas quitter la CPI en disant que cela ferait du monde « un endroit plus dangereux119 ». Il ajoute en s'adressant particulièrement à KENYATTA et EL BECHIR que : « les dirigeants du Soudan et du Kenya, qui ont infligé la terreur et la peur dans leur pays, tentent de faire sortir l'Afrique de la CPI, ce qui leur donnerait la liberté de tuer, de violer, et d'inspirer la haine sans être inquiétés.120». Pour l'ancien secrétaire général de l'ONU, Koffi ANNAN, un retrait de la CPI serait une honte pour les pays africains. Ce combat que mènent les États africains envers la CPI n'est pas forcément légitime pour tous les États. En effet, certains dirigeants africains sont favorables à cette idée pour la simple et bonne raison que d'une part, ils voient la CPI comme une menace et d'autre part qu'ils ont conscience qu'ils risquent d'être eux aussi appeler à la barre des accusés pour répondre de nombreuses exactions commis dans leurs pays respectifs. Dès lors que les poursuites contre KENYATTA et William RUTO ont été abandonnés, cette menace de retrait s'apparente davantage à un chantage : soit les charges contre le dernier cas africain d'actualité EL BECHIR sont retirées soit les Etats mettent à exécution cette menace. Ainsi, si ce retrait bien qu'en route devenait définitif, cela traduirait « une volonté obstinée de laisser se perpétrer les indicibles violations des droits de l'homme sur le continent, au mépris de leurs peuples et des objectifs mêmes poursuivis par l'Union Africaine à travers son Acte constitutif.121»

Bien que selon l'article 127 du Statut, le retrait ne prendra effet qu'un an après la réception, celui-ci affectera lourdement la Cour et paralysera son action. Suite à cette vague de contestation d'une justice internationale dite biaisée, les États africains ont exprimé par le biais de l'UA leur volonté de créer une cour pénale régionale (la Cour africaine de justice des droits de l'homme et des peuples) dans le but de faire en sorte que l'Afrique assure le jugement de ses propres dirigeants pour les crimes commis sur son sol. Dans cette optique, les États adopteront, au niveau régional, le protocole portant amendements au Protocole portant Statut de la CAJDH (Protocole de Malabo).

Section II/- Le Protocole de Malabo portant création d'une Cour pénale

régionale

Pour la création de cette cour, les chefs d'États membres de l'UA décideront de faire fusionner l'actuelle Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) et la Cour de justice de l'UA.

119JEUNE AFRIQUE, Desmond TUTU exhorte les États africains à ne pas quitter la CPI, 10 Octobre

2013, http://www.jeuneafrique.com/167942/politique/desmond-tutu-exhorte-les-tats-africains-ne-pas-quitter-la-cpi/(consulté le 8/12/2015)

120Ibid

121J-W AHOLIDJI GBAGUIDI, Union Africaine vs CPI: Casser le thermomètre pour faire baisser la température?, http://jameswillys.over-blog.com/article-union-africaine-vs-cpi-casser-le-thermometre-pour-faire-baisser-la-temperature-120542529.html (consulté le 28/11/2015)

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La fusion de celles-ci donnera lieu à la création de la Cour africaine de justice des droits de l'homme et des peuples (CAJDH). Lors de la 13ème session en juillet 2008, les États membres de l'UA adopteront le protocole relatif au Statut de la CAJDH (Protocole de 2008 ou « Protocole relatif à la fusion122 »), qui n'est pas encore une cour opérationnelle car le protocole n'ayant pas obtenu le nombre minimum de ratifications par les États membres pour entrer en vigueur. Le protocole sur le statut de la CAJDH fera l'objet d'amendements lors du sommet de l'UA tenu à Malabo par le protocole de Malabo. Ce dernier mettra en place la future CAJDH et lui attribuera trois compétences principales notamment les compétences de la CADH en matière de droits de l'homme et des peuples, une compétence dans les affaires générales et une compétence en droit pénal international en matière de crimes internationaux. Les États africains par le biais de l'Union ont voulu en attribuant une compétence en matière de crimes internationaux à ce nouveau mécanisme africain de lutte contre l'impunité, exprimé leur indéfectible volonté commune de prévenir la perpétration de tels crimes et leur répression selon des valeurs africaines123.

L'objectif de création de cette Cour régionale est donc de rendre « une justice plus proche des peuples concernés »124. Cette création par l'UA puise son fondement aux termes de l'article 4 (h) de l'Acte constitutif qui précise que l'Union a le droit d'intervenir dans un État membre en cas de crimes internationaux. Cette disposition permet de justifier l'ingérence de l'organisation sans que cela ne soit perçu comme une atteinte à la souveraineté des États125. De plus, malgré le fait que le droit pénal international reconnaît aux États le droit d'agir en priorité pour juger les auteurs de crimes internationaux, l'on a pu s'apercevoir que certains États sont passifs à agir dans ce sens d'où le rôle de dernier ressort attribué à la CPI. Cependant, au regard de l'ampleur de la tâche même la CPI se retrouve aujourd'hui submergée, il est judicieux d'examiner d'autres alternatives qui contribueraient à la lutte contre l'impunité. Ainsi, dans le contexte africain, l'idée de créer une cour pénale africaine est une alternative significative en raison de nombreux constats de crimes commis sur ce continent.

122Hajer GUELDICH, Ordine internazionale e diritti umani, Observatoire sur l'Union Africaine,Protocole portant amendement au Protocole sur le statut de la Cour Africaine de Justice et des Droits de l'homme ( Protocole de Malabo) , n°4-2015 p.712-715, http://www.rivistaoidu.net/sites/default/files/numero%20completo%20OIDU%204%202015.pdf, (consulté le 16/12/2015)

123Pacifique MANIRAKIZA, AFRICAN JOURNAL OF LEGAL STUDIES ( 2009) , L'Afrique et le système de justice pénale internationale, p21-52, http://booksandjournals.brillonline.com/content/journals/10.1163/221097312x13397499736868?crawler=true, (consulté le 13/12/2015)

124COALITION FRANÇAISE POUR LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE, L'éventuelle extension de la compétence de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples inquiète la société civile africaine, 15 mai 2012, http://www.cfcpi.fr/spip.php?article683 (consulté le 25/12/2015)

125Pacifique MANIRAKIZA, AFRICAN JOURNAL OF LEGAL STUDIES ( 2009) , L'Afrique et le système de justice pénale internationale, p21-52, http://booksandjournals.brillonline.com/content/journals/10.1163/221097312x13397499736868?crawler=true, (consulté le 13/12/2015)

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Enfin, la création de cette Cour répond à un impératif africain de concilier les préoccupations africaines avec les exigences de la justice pénale internationale quant à la lutte contre l'impunité des crimes internationaux126 au niveau régional. Joseph KOKOU KOFFIGOH, Chef de la mission d'observation électorale de l'UA à la Présidentielle de 2010 en Côte d'ivoire déclare que : « si la justice pénale internationale est un besoin, l'Afrique peut-elle même satisfaire ce besoin en créant une justice à l'échelle africaine »127. L'Afrique a déjà su prouver qu'elle en était capable de par la création des chambres extraordinaires africaines au sein des juridictions sénégalaises pour le jugement de l'ancien président tchadien, Hissène HABRE, ce qui représente un bel exemple de régionalisation de la justice internationale. Mais la création d'une cour ayant une compétence en matière de crimes internationaux est jugée préoccupante par certains analystes qui s'interrogent sur le rôle à l'avenir de la CPI en Afrique (Paragraphe I) mais aussi sur la conformité de la CAJDH au principe de la complémentarité (Paragraphe II). Nous aborderons ainsi d'une part les avantages et les inconvénients d'attribution d'une compétence pénale en matière de crimes internationaux à la CAJDH, de la complémentarité naissante entre la CPI et la CAJDH et enfin de l'avenir des relations entre l'institution judiciaire internationale et régionale.

Paragraphe I) Une compétence pénale internationale pour la Cour

En vertu de l'article 28A paragraphe 1er du Protocole de Malabo, la CAJDH est compétente pour connaître des crimes internationaux tels que les crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crime d'agression, mais aussi des crimes ayant une importance particulière pour l'Afrique notamment le crime relatif au changement anticonstitutionnel, la piraterie, le terrorisme, la corruption, le mercenariat, le blanchiment d'argent, la traite des êtres humains, le trafic de stupéfiants, le trafic de déchets dangereux et l'exploitation illégale des ressources naturelles. Le paragraphe 2nd du même article précise également de la possibilité d'extension des crimes par un consensus entre les États lors d'une conférence, au regard du développement du droit international pénal128. Il s'agit là pour les quatre premiers crimes, d'une intégration régionale par le Protocole des crimes consacrés par le

126Ibid

127 AFRICA 24, Procès Gbagbo à la CPI, Joseph Koffigoh de l'UA :« Le monde entier saura la vérité», 8 Février 2016, http://www.africa24tv.com/fr/proces-gbagbo-la-cpi-joseph-koffigoh-de-lua-le-monde-entier-saura-la-verite, (consulté le 28/02/2016)

128Mutoy MABIALA, L'élargissement du mandat de la Cour Africaine de Justice et des droits de l'homme aux affaires de droit international pénal, Revue Internationale de Droit Pénal, Vol 85 2014/3, p.749 - 758, https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-penal-2014-3-page-749.htm, (consulté le 26/12/2015)

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Statut129. Selon l'article 46E, la Cour ne sera compétente que pour les crimes commis après l'entrée en vigueur du protocole. Le protocole prévoit en son article 46C une responsabilité pénale de tout individu qui se serait rendu coupable des crimes prévus au protocole.

Pourquoi est-il plus efficace au regard de la lutte contre l'impunité de faire juger les responsables de crimes internationaux par des mécanismes régionaux ? Cette Cour régionale est une nécessité car malgré un faible panel d'États ayant décidés de juger les auteurs de tels crimes notamment au Rwanda, en Sierra Léone et dans le cas d'Hissène HABRE, l'on a pu non seulement constater le manque de volonté (Soudan, Kenya) et l'incapacité de certains États à réprimer, mais aussi les échecs de l'approche séquentielle de la CPI en ne poursuivant que les crimes commis par un seul camp. Cette cour africaine ne sera pas enfermée dans la critique du " harcèlement occidental" ni dans la volonté des pouvoirs en place des États ou elle entend mener des enquêtes et des poursuites130. De plus, le jugement des individus par une cour régionale est un système en pleine mutation qui marque la maturité des États africains. En effet, il est plus que jamais démontrer qu'ils sont capables de juger eux-mêmes les responsables de crimes commis sur le continent.

A l'égard des victimes, la justice lorsqu'elle est rendue en Afrique, a plus d'impacts (positifs) car c'est à l'Afrique elle-même de reconnaître la souffrance de son peuple par une condamnation des auteurs de crimes. Ainsi, « l'effet dissuasif et éducatif des poursuites sera plus évident par rapport à une justice rendue par la Haye »131. Cette juridiction africaine permettra une meilleure coopération des États, problème empêchant actuellement la CPI de fonctionner efficacement. Elle permettra également de renforcer l'expertise africaine dans le développement du système de justice pénale internationale. En effet, les juristes africains au sein des institutions judiciaires internationales (juges, avocats, procureurs) constituent l'indispensable pour développer le système africain de lutte contre l'impunité des crimes internationaux132. La CAJDH bénéficiera plus facilement d'une coopération des États africains d'une part en raison de la proximité géographique et d'autre part en raison du sentiment d'appartenance crée par ce système régional133. Enfin, cette Cour pourra réduire la charge de travail

129Ibid

130Pacifique MANIRAKIZA, AFRICAN JOURNAL OF LEGAL STUDIES ( 2009) , L'Afrique et le système de justice pénale internationale, p21-52, http://booksandjournals.brillonline.com/content/journals/10.1163/221097312x13397499736868?crawler=true, (consulté le 13/12/2015)

131Ibid

132Ibid

133Adriana COSTA VALFRE PIAZZA, Philippe-Daniel DESHAIES-RUGAMA, Ousmane N'DIAYE, CPI et CAJDH: Vers un nouvel horizon pour la justice pénale internationale, Clinique de droit International Pénal et Humanitaire, 22 Décembre 2014, https://www.cdiph.ulaval.ca/blogue/cpi-et-cajdh-vers-un-nouvel-horizon-pour-la-justice-penale-internationale,(consulté le 25/11/2015)

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de la CPI, qui croule sous un nombre important de situations sous examens préliminaires dont l'issue est toujours incertaine. Cette Cour ne pourra toutefois pas se saisir des situations où des affaires déjà en cours devant la CPI.

S'agissant des inconvénients, l'on notera le risque d'instrumentalisation134 par les Chefs d'État africains. En Afrique, le pouvoir judiciaire n'est pas suffisamment indépendant, en ce sens que les juges sont nommés par les chefs d'États. D'ailleurs les juges de la CADHP, devaient être approuvés par leurs chefs d'États respectifs135. La Cour risque également d'être une cour des opposants politiques rebelles et d'être un abri pour l'impunité des chefs d'État africains soucieux de rester au pouvoir le plus longtemps possible pour ne pas avoir à répondre de leurs actes. Cela aura ainsi un impact sur l'indépendance, l'impartialité des décisions de la Cour sur le continent et sur la réussite à long terme de celle-ci. Par conséquent, elle risquera de se retrouver face des critiques similaires que celles auxquelles fait actuellement face la CPI par l'UA.

Un problème majeur pourra affecter l'efficacité de la Cour, c'est celle des ressources financières pour assurer son fonctionnement. La plupart des mécanismes régionaux fonctionnent avec des fonds internationaux c'est le cas de l'UA. Les États africains ne peuvent pas vouloir une Cour africaine pour sortir du joug judiciaire orchestré selon eux par les États puissants, pour voir celle-ci financée par les États occidentaux qu'ils accusent être les metteurs en scène de la justice pénale internationale. S'ils veulent se défaire du système actuel, ils doivent assurer eux même et ce durablement, le fonctionnement de cette nouvelle expérience de régionalisation. D'ailleurs, la société civile doute que la Cour africaine de justice dispose de moyens financiers suffisants pour conduire les affaires pénales. Elle fait part de ses inquiétudes dans un lettre adressée aux Ministres de la justice et Procureur généraux des États africains membres de la CPI selon laquelle :

« L'ajout d'un troisième mandat à la Cour africaine ne fera qu'absorber des ressources vitales pour consolider le mandat de la Cour africaine en matière de droits humains ». Elle ajoute ensuite que : « le coût d'un seul procès pour crime international a été estimé à près de 20 millions de dollars américains. Cela représente pratiquement le double des budgets de 2009 approuvés et conjugués de la Commission africaine et de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples »136.

134Ibid

135Hajer GUELDICH, Ordine internazionale e diritti umani, Observatoire sur l'Union Africaine,Protocole portant amendement au Protocole sur le statut de la Cour Africaine de Justice et des Droits de l'homme ( Protocole de Malabo) , n°4-2015 p.712-715, http://www.rivistaoidu.net/sites/default/files/numero%20completo%20OIDU%204%202015.pdf, (consulté le 16/12/2015)

136COALITION FRANÇAISE POUR LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE, L'éventuelle extension de la compétence de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples inquiète la société civile africaine, 15 mai 2012, http://www.cfcpi.fr/spip.php?article683 (consulté le 25/12/2015)

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Sur la création d'une cour africaine de justice compétente en matière de crimes internationaux, Alan WALLIS, avocat spécialiste de la justice internationale du Southern African Litigation Center déclare que : « (...) techniquement, elle pourrait encourager la recherche du forum le plus favorable en offrant le choix entre une cour pénale africaine et la CPI ; elle pourrait entraîner des délais dans les poursuites judiciaires et entraver les efforts de responsabilité »137. Il ajoute ensuite que : « De par leur nature, les procédures pénales internationales requièrent des ressources considérables. Le manque de fonds risque d'entraver le bon fonctionnement de la justice, et l'intégrité et la crédibilité des procédures engagées par le tribunal à l'avenir pourraient être remises en question... »138comme ça été le cas des chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens qui ont connu des difficultés de fonctionnement en raison du manque de financement et de la mauvaise volonté du gouvernement cambodgien.

Enfin, l'un des griefs à l'encontre de ce protocole repose sur l'article 46 A bis qui consacre que :

« Aucune procédure pénale n'est engagée ni poursuivie contre un chef d'État ou de gouvernement de l'UA en fonction, ou toute personne agissant ou habilitée à agir en cette qualité ou tout autre haut Responsable public en raison de ses fonctions. »

Cette disposition confère expressément une immunité aux chefs d'État comme à tout membre du gouvernement y compris dans les cas où il s'agirait de crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crime d'agression. C'est d'ailleurs cet article 46A bis du Protocole de Malabo qui a été modifié de façon à ce que les représentants étatiques ne puissent jamais être inquiétés. Selon MUTOY MUBIALA, spécialiste des droits de l'homme, l'insertion de cette disposition dans le Protocole a permis à l'UA d'obtenir au niveau régional ce qu'elle n'a pu obtenir au niveau universel, à savoir l'immunité pour les chefs d'État et de gouvernement en exercice, ce qui empêchera la CPI de les traduire en justice139. En décidant d'accorder cette immunité aux dirigeants africains, l'UA a agi en contradiction avec l'article 27 du Statut de Rome. En effet, l'article 46A crée une « situation d'engagements contradictoires140» pour les États parties au Statut qui ratifieront (ou qui ont déjà ratifiés) le Protocole de Malabo. A cet effet, MUTOY MABIALA affirma que :

137IRIN, Analyse : Vers la création d'une Cour pénale africaine ?, IRINNEWS,

http://www.irinnews.org/fr/report/95652/analyse-vers-la-cr%C3%A9ation-d-une-cour-p%C3%A9nale-africaine (consulté le 7/12/2015)

138Ibid

139Mutoy MABIALA, L'élargissement du mandat de la Cour Africaine de Justice et des droits de l'homme aux affaires de droit international pénal, Revue Internationale de Droit Pénal, Vol 85 2014/3, p.749 - 758, https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-penal-2014-3-page-749.htm, (consulté le 26/12/2015)

140Ibid

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« S'il est vrai que juridiquement, compte tenu de la nature horizontale du droit international, ces États seront tenus d'honorer leurs engagements au titre des deux instruments universel et régional de manière indépendante, il n'en reste pas moins vrai que le système régional sera utilisé comme instrument de torpillage de la juridiction pénale universelle141».

De plus la contradiction de l'article 46A du Protocole avec l'article 27 du Statut pose un état de fait selon lequel, l'exercice de sa compétence par la CAJDH n'empêchera pas à la CPI d'exercer sa compétence à l'égard de dirigeants ayant commis des crimes internationaux car celle-ci n'est tenue qu'envers le Statut de Rome142. Bien que l'article 46A nuise à l'intégrité de la CAJDH et remette en cause les principes fondamentaux des instruments régionaux comme l'a précisé AMNESTY INTERNATIONAL dans une lettre adressée aux chefs d'État avant le Sommet de Malabo, cela n'a pas toutefois empêché l'insertion de la disposition dans le Protocole. Cette organisation considéra que :

« L'article 46 A bis du projet de protocole porte gravement atteinte à l'intégrité de la Cour africaine et au but déclaré de l'Union africaine de permettre aux victimes de crimes graves de droit international d'obtenir justice. Il révèle une intention d'instaurer une règle pour les personnes occupant des postes de pouvoir et une autre pour les populations. S'il est adopté, l'article 46 A bis empêchera la Cour africaine d'enquêter et de poursuivre des chefs d'État et de gouvernement en exercice qui orchestrent des actes de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre comme ceux perpétrés au Rwanda en 1994. Cette disposition interdirait les poursuites contre des personnes qui commettent des atrocités dans les pays limitrophes du leur, comme Charles Taylor, qui a été inculpé alors qu'il était président du Libéria, puis condamné par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité perpétrés en Sierra Leone [...].

L'immunité prévue par l'article 46 A bis, qui exempterait les chefs d'État et de gouvernement et les hauts fonctionnaires en exercice de poursuites devant la Cour africaine, constitue une violation

141Ibid

142Hajer GUELDICH, Ordine internazionale e diritti umani, Observatoire sur l'Union Africaine,Protocole portant amendement au Protocole sur le statut de la Cour Africaine de Justice et des Droits de l'homme ( Protocole de Malabo) , n°4-2015 p.712-715, http://www.rivistaoidu.net/sites/default/files/numero%20completo%20OIDU%204%202015.pdf, (consulté le 16/12/2015)

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de ces principes et objectifs - qui, tous, font partie intégrante de l'Acte constitutif de l'Union africaine.

143»

L'adoption de cette disposition constitue invraisemblablement un recul de la lutte contre l'impunité en Afrique car en l'intégrant, les chefs d'Etats ou de gouvernement qui sont les principaux instigateurs des crimes abominables sont à l'abri de toute responsabilité pénale qui pourrait être retenue contre eux et par conséquent, sans cette possibilité offerte par la justice de passer outre les fonctions de l'auteur d'un crime, il y'a un risque que des crimes continuent d'être commis. En effet, on voit mal comment la nouvelle CAJDH prétendrait poursuivre l'objectif fixé par elle alors que l'article 46 A bis y fait défaut car si elle ne peut plus viser les hauts responsables dont les dirigeants en exercice, qui poursuivra-t-elle ? En quoi consistera donc sa mission ou encore quel serait l'intérêt de sa création ? L'on craint qu'elle n'ait été mise en projet que pour cette seule raison, l'immunité. Le comble d'une telle disposition vient du fait que les Etats africains ont consenti à intégrer dans leur droit interne le défaut de pertinence de l'immunité pour les crimes internationaux. Cette démarche semble donc absurde et revêt la protection d'autres intérêts.

En fin de compte, l'investissement de l'UA dans la création d'une cour régionale avait pour but de contourner le Statut de la CPI comme l'a fait auparavant les États Unis par l'adoption des lois de non coopération avec la CPI. Ainsi, l'UA a obtenu pour ses paires une garantie d'immunité consacrant par ricochet l'impunité de ces derniers. Pour éviter des poursuites, ils se maintiendront au pouvoir par tous les moyens et même par la force puisque tant qu'ils sont au pouvoir ils ne seront pas inquiétés. En principe, le Statut de Rome prévoyait une complémentarité entre la CPI et les juridictions nationales, mais la création de la CAJDH met en exergue une nouvelle forme de complémentarité entre ladite cour et la CPI.

Paragraphe II) Une nouvelle complémentarité avec la compétence de la Cour

La création d'une Cour pénale régionale (CAJDH) aura pour conséquence directe de créer une nouvelle forme de complémentarité entre la CPI et la juridiction régionale. L'article 46H du Protocole de Malabo précise que la Cour fonctionnera en complémentarité avec les juridictions nationales et avec les cours des communautés économiques régionales quand cela est expressément prévu par lesdites communautés. Cette complémentarité vient se joindre à la précédente qui existait entre la CPI

143Mutoy MABIALA, L'élargissement du mandat de la Cour Africaine de Justice et des droits de l'homme aux affaires de droit international pénal, Revue Internationale de Droit Pénal, Vol 85 2014/3, p.749 - 758, https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-penal-2014-3-page-749.htm, (consulté le 26/12/2015)

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et les juridictions nationales, en ce sens que ce n'était qu'en cas d'inaction des États (incapacité ou manque de volonté) dans la répression des crimes internationaux que la CPI grâce à cette règle de la complémentarité pouvait s'estimer compétente conformément à l'article 17 du Statut. Dorénavant, cette complémentarité jouera en priorité pour la juridiction régionale sur celle de la juridiction internationale. Toutefois le Protocole ne mentionne pas le devenir des relations entre la Cour africaine et la CPI mais l'article 46L alinéa 3 évoque la possibilité d'une coopération avec les cours internationales dont la CPI.

D'aucuns ont estimé que la régionalisation de la justice pénale internationale par la création d'une cour pénale régionale compétente pour des crimes internationaux porterait un coup fatal au devenir de la CPI. Une telle affirmation est inexacte, car il s'agit d'une institution judiciaire subsidiaire. Si à ce 1er degré de complémentarité l'on met en place un second degré de complémentarité (c'est-à-dire entre elle et la CAJDH), cela n'affectera en rien sa survie ni son efficacité, car le Statut a toujours prévu ce mode de fonctionnement. Que la complémentarité « change de main » (des États- CAJDH-CPI) revient simplement à assurer plus efficacement la lutte contre l'impunité en cas d'inaction des États mais aussi à décharger la CPI de la lourdeur de son travail qui cause actuellement des retards dans le traitement de ses affaires. Désormais comme l'a précisé l'article 46H du Protocole de Malabo, la complémentarité se présente désormais sous cette forme, en cas de réticence ou d'incapacité de l'État à juger, l'affaire est recevable devant la Cour mais si l'auteur n'est poursuivi devant aucune des juridictions. Cependant la CPI risque d'être à un moment ou à un autre être en conflit avec la CAJDH quant à l'immunité accordée aux chefs d'États par l'article 46H à l'instar du Statut de Rome en son article 27 qui ne la prend pas en compte.

En définitive, la création de la CAJDH par l'UA à travers le Protocole de Malabo marque une véritable avancée dans le développement de la justice pénale internationale en Afrique. C'est une émergence. Jusqu'ici le seul cas de régionalisation était les chambres extraordinaires africaines au sein des juridictions sénégalaises, mais la CAJDH contrairement à celles-ci est permanente, ce qui signifie qu'elle fixera les bases en Afrique de la justice internationale et de l'implication de l'Afrique dans la lutte contre l'impunité des crimes internationaux. Cependant comme l'a fait remarquer l'auteur Mutoy MABIALA, l'on se demande également si cette double complémentarité facilitera la lutte contre l'impunité ou assurerait plutôt un répit à celui-ci144. L'on ne pourra apporter une réponse à cette

144Mutoy MABIALA, L'élargissement du mandat de la Cour Africaine de Justice et des droits de l'homme aux affaires de droit international pénal, Revue Internationale de Droit Pénal, Vol 85 2014/3, p.749 - 758, https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-penal-2014-3-page-749.htm, (consulté le 26/12/2015)

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interrogation qu'après l'entrée en vigueur du Protocole de Malabo, jusque-là la CPI reste encore compétente sur les affaires en cours145.

Chapitre II : Les Solutions envisageables aux tensions

Malgré les incohérences constatées entre les principes fondamentaux de la CPI (autonomie, impartialité et indépendance) et la réalité de leur application, il n'en demeure pas moins que la CPI est une institution dont l'existence est indispensable pour assurer le respect des valeurs communes à savoir la répression des crimes affectant la communauté internationale. Les tensions actuelles entre cette institution judiciaires et l'UA font ressortir les obstacles techniques, juridiques et politiques auxquels des solutions appropriées devraient être trouvées afin de ne pas causer la fin de la seule institution au monde qui se tient en garde-fou de la morale internationale. Ces tensions avec l'UA nous ont permis de nous apercevoir que la CPI était, à bien des égards, soumise aux grandes puissances tant financièrement que politiquement, ce qui avait donc pour conséquence d'influer directement ou indirectement sur le cours des procédures devant elle. La carte géographique des poursuites menées par le procureur laisse penser à une iniquité, à une différence de traitements entre les auteurs d'exactions commises en principalement en Afrique et ailleurs. Vis-à-vis de la CPI, les grandes puissances ont tendance à se montrer « au-dessus de la loi » et à faire appliquer par cette Cour une justice des vainqueurs ou une justice dominante sur les chefs d'État qui ne serviraient pas leur intérêt. En cela, la Cour apparaît même malgré les arguments juridiques que l'on pourrait évoquer comme un instrument dirigé par les puissances dominantes. Les cas de la Cote d'ivoire, du Soudan avec El BECHIR ou même de la Libye l'illustrent parfaitement.

De plus, l'immixtion active et passive du CS confirme cette omniprésence des grandes puissances dans le fonctionnement de la CPI. En effet, dans certaines situations ou certaines affaires le CS s'est montré à l'égard des États africains et de l'UA en particulier, comme insensible aux doléances africaines. Cette attitude du CS a renforcé le sentiment d'humiliation comme le soutient la plupart des chefs d'État africains. Les pouvoirs octroyés à cet organe de l'ONU dans le Statut de Rome souffre de partialité en ce sens que d'une part elle n'a jamais déféré une situation concernant un État non partie ayant commis des crimes relevant de la compétence de la Cour sur le territoire, pour des raisons qui sont plus que claires : la puissance d'un État l'exempte de toute justice. Tous ces éléments ont nourri le sentiment d'injustice qu'exprime actuellement l'UA.

145Ibid

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Cependant malgré ces différends entre la CPI et l'UA et les difficultés rencontrées par cette Cour, son existence est primordiale car même si elle est critiquée elle permet et permettra de faire appliquer le droit pénal international lorsque les États ne seront pas disposés à le faire. Elle est une justice dissuasive, nécessaire et efficace même inéquitable. Grâce à la CPI et aux autres juridictions pénales internationales, l'on s'entonnerait de voir de tels atrocités se répétées à l'avenir sur le continent africain ou ailleurs. Mais au vu de la présentation actuelle de la justice internationale, cette justice semble n'être dissuasive que pour une partie du globe puisque les autres États ou sont commis d'autres crimes aussi atroces sont-ils ne sont pas traduits en justice devant cette Cour.

Ainsi, l'on proposera pour assurer l'efficacité de la CPI, sa pérennité et l'avenir de relations meilleurs avec les Etats africains, qu'une action commune soit menée afin de permettre aux instances judiciaires nationales d'être en mesure d'agir en application du principe de la complémentarité et qu'une solution soit trouvée afin de permettre à la Cour d'intervenir un peu plus ailleurs qu'en Afrique. Cela qui nous conduira à mettre en exergue d'une part la nécessité d'un renforcement des capacités des institutions judiciaires nationales (Section I) et d'autre part l'élargissement du champ d'action de la Cour (Section II).

Section I/ Le renforcement des capacités des institutions judiciaires nationales

Certains chefs d'État africains comme des commentateurs soutiennent que, la Cour légitime son action en Afrique en s'appuyant sur les faiblesses africaines tant politiques qu'économiques. Mais l'un des points qui justifient juridiquement l'intervention de la Cour repose sur la faiblesse judiciaire des juridictions nationales en raison du fait que certains systèmes judiciaires sont marqués par la corruption, la partialité, le défaut du mécanisme de protection des témoins et bien d'autres. Mais l'UA dans ses décisions (de non coopération, de retrait...) ne prend pas en compte ces éléments alors que c'est justement cet aspect de la justice nationale qu'il faut résoudre pour permettre une répression effective des auteurs de crimes graves.

Il n'en demeure pas moins que la CPI a fait de cette faiblesse judiciaire, sa justification suprême pour intervenir lorsque la situation se présente en Afrique faisant ainsi une application variable de la règle de la complémentarité. Sachant que cette variabilité du principe de la complémentarité n'est pas neutre dans les conflits avec les États africains, la CPI doit trouver un moyen de renforcer les

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tribunaux africains (Paragraphe I) afin d'améliorer la coopération avec les États africains (Paragraphe II).

Paragraphe I) L'aide de la Cour Pénale Internationale

Dans le but d'atténuer les tensions avec l'UA et plus particulièrement les États africains, la CPI a décidé de participer au renforcement des institutions nationales afin que celle-ci puissent être à même de répondre aux impératifs de la justice pénale internationale par une répression effective, efficace et dissuasive des auteurs de crimes internationaux. La tâche ne semble toutefois pas être facile dans la mesure où les relations entre les deux instituions ont pris une ampleur considérable au point pour l'UA d'envisager le retrait collectif des États africains du Statut de Rome et de créer une Cour africaine de justice compétente en matière de crimes internationaux. Si ces réactions de l'UA, qui s'apparentent à des moyens de pressions venaient à se concrétiser, le travail de la CPI sera paralysé même si cela n'affecterait pas les affaires en cours. En effet, un retrait des États africains précipiterait la fin de cette Cour lorsqu'on sait que la majorité des États parties sont africains et que les africains ont fortement aidés la Cour à se légitimer notamment par l'engouement à participer à la lutte contre l'impunité tant dans le renvoi des affaires que dans la coopération.

Loin d'être insensible aux effets néfastes de ces tensions, la CPI a décidé de créer un Groupe africain indépendant pour la justice et la fin de l'impunité146. Le rôle joué par ce groupe africain composé d'experts africains spécialisés dans le domaine du droit international et des droits de l'homme est d'aider à renforcer la justice et la lutte contre l'impunité en Afrique. La Présidente de la CPI, Silvia HERNANDEZ, se réjouissant de la création de ce groupe, déclara :

« J'ai hâte d'engager le dialogue avec le Groupe. Je suis convaincu qu'il peut, en tant que groupe indépendant composé d'experts de renom, jouer un rôle très utile et contribuer à cerner et à résoudre les difficultés actuelles, et apporter des idées nouvelles et des propositions concernant les mesures à prendre. Les liens avec l'Afrique sont cruciaux pour la CPI, et le Groupe africain pour la justice et la fin de l'impunité peut contribuer à faire entendre une voix importante et indépendante lors des débats qui porteront sur la marche à suivre à l'avenir.147»

146CPI, La Présidente de la CPI, Silvia Hernandez, salue la création du Groupe africain indépendant pour la justice et la fin de l'impunité, 25 Novembre 2015, https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=pres-inf-25-11-2015&ln=fr, (consulté le 25/05/2016)

147Ibid

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Le plus important dans la création de ce groupe tant pour les membres du groupe que pour la CPI c'est le renforcement des institutions judiciaires nationales en raison du fait que comme l'exige le principe de la complémentarité, la CPI ne peut intervenir si les États peuvent eux même rendre justice. A ce propos, Silvia HERNANDEZ, déclara : « (...) Il est essentiel, en vertu du principe de complémentarité consacré par la Statut de Rome, de renforcer la capacité des juridictions nationales de faire face aux crimes internationaux.148»

Toutefois parvenir à un véritable renforcement des capacités judiciaires des instances nationales ne sera pas aisé lorsqu'on ignore les réels motifs de leur inactivité. En effet, avant de l'envisager, l'idéal serait pour le groupe africain en étroite collaboration avec la Cour de rechercher les raisons de la résistance africaine parfois liée dans certaines situations à un manque de volonté étatique et dans d'autres à une défaillance judiciaire fondée sur le manque de moyens et d'expertise 149 des professionnels juridiques africains en la matière du droit pénal international. Le régime de la complémentarité commande à la CPI de ne prendre part à la répression qu'en dernier ressort c'est-à-dire en cas d'inaction de l'Etat concerné. Cette inaction s'appuie soit sur le manque de volonté de l'Etat soit sur l'incapacité de celui -ci à s'acquitter de son obligation de répression. En conséquence, il est toujours question de deux problèmes majeurs, la volonté et l'incapacité. C'est pourquoi, le renforcement des capacités des tribunaux africains doit passer par deux étapes primordiales à savoir le renforcement de la volonté étatique (politique) et celui de la capacité juridique.

Dans la première étape sans le bon vouloir des autorités étatiques, un tribunal ne saurait fonctionner efficacement car il ferait face à plusieurs maux dont la corruption, les interférences politiques et bien d'autres. Pour ce faire, par la création de ce groupe qui servira d'intermédiaire entre les Etats africains et la CPI, des voies de renouement devraient être trouvées. En effet, il faut nécessairement que la politique de lutte contre l'impunité soit commune (Etats-CPI), qu'il y'ait une certaine entente de façon à ce que les Etats fassent abstraction des intérêts politiques au profit de la justice. L'on prendra à titre d'exemple l'absence de volonté politique d'un Etat pouvant empêcher le fonctionnement de la justice : le Kenya. Il est rapporté qu'entre 2009 et 2010, la classe politique avait sapé les efforts de création d'un tribunal spécial pour juger les affaires relatives aux violences

148Ibid

149Pacifique MANIRAKIZA, AFRICAN JOURNAL OF LEGAL STUDIES (2009), L'Afrique et le système de justice pénale internationale, p21-52, http://booksandjournals.brillonline.com/content/journals/10.1163/221097312x13397499736868?crawler=true, (consulté le 13/12/2015)

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postélectorales 2007-2008150. De plus, depuis le retrait des charges par le procureur contre le président et le vice-président kenyan en 2015, aucune démarche kenyane vers la poursuite des auteurs des violences n'a à ce jour été prise lorsqu'on sait que l'UA s'était fondée sur le principe de la complémentarité pour demander la suspension des poursuites. C'est notamment parce que cette volonté étatique (politique) fait défaut qu'il est impossible de voir un Etat africain juger son président et son vice-président en exercice même pour crimes grave. A l'inverse, cette volonté politique se fera voir dans le cas d'un opposant, d'un simple militaire etc...à partir du moment où cet accusé n'a aucun lien avec le pouvoir en place. Cela donne l'image que c'est la volonté politique qui permet seule l'application de la justice dans un Etat car si le politique veut juger, il jugera.

Cette volonté étatique va de pair avec la capacité juridique car l'un sans l'autre ne peut permettre véritablement la répression des auteurs des crimes internationaux au sein de leur propre juridiction. Cette deuxième étape du renforcement de la « capacité juridique » des tribunaux africains nécessite de donner aux Etats les moyens techniques adéquats pour poursuivre les infractions concernées dans la transparence et l'impartialité. A cause de ce dysfonctionnement, l'action judiciaire en interne souffre du manque de confiance de la population africaine, laquelle n'a qu'une seule image de la justice nationale, celle d'une justice incapable de juger les responsables d'infractions internationales à cause de leur position officielle. La question de la capacité intervient également dans le cas de l'effondrement de la totalité ou d'une partie de l'appareil judiciaire d'un Etat. Dans cette situation la Cour devrait-elle aider au renforcement la capacité du tribunal de l'Etat en cause afin de faire en sorte que la complémentarité puisse jouer plutôt que de se saisir directement ou laisser du temps à l'Etat afin qu'il puisse reconstruire son système judiciaire ? La question du temps tient son importance car s'il faut accorder du temps à l'Etat quel serait le délai raisonnable à ne pas dépasser151? La capacité judiciaire suppose également que les Etats pour prendre en charge la répression se dote de mécanismes de protections des droits des accusés, des témoins et d'experts en crimes internationaux (juges, procureurs, juristes). Pour ce faire, il faut pour cela que la Cour encourage les Etats en ce sens afin que la complémentarité puisse davantage jouer. Si l'Etat national veut pouvoir librement réprimer il faut qu'il se dote de ces mécanismes comme s'en est autrefois doté le Rwanda avant le renvoi des affaires par le procureur du TPIR.

150KITTI H. Nathanièl, La Cour Pénale internationale à l'épreuve des poursuites en Afrique, CODESRIA, 08- 12 Juin 2015, http://www.codesria.org/IMG/pdf/hinnougnon_nathaniel_kitti_la_cour_penale_internationale_a_l_epreuve_des_poursui tes_en_afrique.pdf?4085/1ffb091473f28d39096b63c8897270860241e76c, (consulté le 21/10/2015)

151KITTI H. Nathanièl, La Cour Pénale internationale à l'épreuve des poursuites en Afrique, CODESRIA, 08- 12 Juin 2015, http://www.codesria.org/IMG/pdf/hinnougnon_nathaniel_kitti_la_cour_penale_internationale_a_l_epreuve_des_poursuites_en_afrique.pdf?4085/1ffb 091473f28d39096b63c8897270860241e76c, (consulté le 21/10/2015)

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On imaginerait également la CPI mettre en place grâce à ce groupe indépendant, un système d'assistance des Etats comme l'a proposé le Bdp de développer « formal and informal networks of contacts to encourage States to undertake State action, using means appropriate in the particular circumstances of a given case. For instance, in certain situations, it might be possible and advisable to assist a State genuinely willing to investigate and prosecute by providing it with the information gathered by the Office from different public sources152 «. Ce renforcement exige que les Etats africains améliorent leur architecture institutionnelle et les capacités humaines pour mener à bien l'objectif fixé par le Statut. En effet, mener des enquêtes et poursuivre les auteurs de crimes peut s'avérer couteux et complexe en raison de la nécessité d'une expérience et d'une expertise des autorités judiciaires concernées. De ce fait, le renforcement de la volonté politique des Etats apparait indispensable en ce qu'elle mettra à disposition les ressources et créera un cadre propice à la répression153. A titre d'exemple, l'Ile Maurice, un Etat africain a été interrogé sur les besoins nécessaires à assurer une coopération efficace avec la CPI. Cette dernière passe par un renforcement des capacités des autorités judiciaires locales, il déclare à ce propos que :

« Une formation juridique et une expertise technique et une assistance non juridique aux forces de police, aux ministères concernés, aux autorités de poursuite et aux membres du pouvoir judiciaire, en ce qui concerne leur participation respective (en particulier, les demandes de coopération et d'assistance judiciaire, les demandes d'arrestation et de remise, l'enquête et la collecte de preuves, la protection des témoins et des victimes ainsi que leur participation à la procédure, la poursuite des crimes internationaux, et l'exécution des peines). Une diffusion de l'information aux organisations gouvernementales et non gouvernementales, ainsi qu'au public en général, afin de leur permettre de coopérer sans délai avec les autorités154. »

Les autres Etats africains pourront bien suivre cet exemple afin que la CPI n'intervienne plus à l'avenir dans la poursuite des crimes internationaux à leur place au nom de la complémentarité. Il serait enfin nécessaire pour plus de disponibilité que les Etats africains (ceux ne l'ayant pas encore fait) créent au sein de leurs juridictions des sections ou des divisions chargées des crimes internationaux avec un personnel qualifié. La CPI pourra peut-être de mettre des experts de la CPI (juges) au sein de ces divisions ou sections pour s'assurer du bon déroulement et de l'avancée des

152CPI, Paper on some policy issues before the Office of the Prosecutor, Septembre 2003, https://www.icc-

cpi.int/NR/rdonlyres/1FA7C4C6-DE5F-42B7-8B25-60AA962ED8B6/143594/030905_Policy_Paper.pdf, ( consulté le 24/06/2016) 153 http://www.southernafricalitigationcentre.org/1/wp-content/uploads/2013/05/Postive-Reinforcement-French-version.pdf 154Ibid

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actions judiciaires nationales sans pour autant empiéter sur la primauté des juges nationaux. Ce système d'insertion de juges internationaux au sein d'un système judiciaire national indépendant permettra d'apporter plus de visibilité aux Etats quant à la conformité avec les dispositions du Statut. L'UA pourrait également revoir sa décision de créer un bureau de liaison avec la CPI, ce qui permettra aux deux institutions d'analyser ensemble les besoins nécessaires à l'Afrique pour que les Etats soient eux même en mesure d'exercer leur compétence prioritaire.

En définitive, l'on peut constater que la CPI essaye tant bien que mal de ne pas briser comme le souhaitent pourtant les États africains par le biais de l'UA, les liens qu'entretiennent l'Afrique et la CPI et qui sont nécessaires pour lutter efficacement et ensemble contre l'impunité. Cette démarche aura le mérite d'améliorer la coopération avec les États africains.

Paragraphe II) L'amélioration de la coopération avec les États africains

La coopération est l'élément crucial de l'efficacité des procédures devant la Cour. Sans la coopération des États ne peut correctement fonctionner. En effet, la CPI est une institution sans police au point de dépendre des États pour les enquêtes, l'arrestation et la remise des accusés etc.

A l'origine, les États africains ont démontré leur acceptation de la justice pénale internationale par une coopération sans faille avec la Cour dans les affaires renvoyées par certains États africains. De plus, les États africains ont en parti coopérer à l'extradition de GBAGBO et BLE GOUDE à la CPI, car s'ils s'y étaient opposés comme ils le font actuellement pour le président EL BECHIR. Ils étaient plus dévoués et plus disponible à intégrer la JPI en Afrique. Mais au fil du temps, cette coopération même sélective dans certains cas, s'est dégradée en raison du fait que les États africains se sont rendus compte que la justice pénale internationale ne fonctionne que dans un sens. A l'heure actuelle, les rapports entre la CPI et l'UA sont tels les États africains ont décidé par le biais de l'UA de ne plus coopérer avec celle-ci malgré leur obligation légale de le faire en vertu du Statut. L'exemple du Président El Béchir illustre parfaitement cette difficulté de coopération.

Au regard des décisions prises par l'UA, la CPI par la création d'un groupe africain indépendant souhaite renforcer cette coopération jadis totale avec les États africains car sans celle-ci, son action judiciaire serait inefficace. D'ailleurs c'est ce manque de coopération qui a conduit au retrait des charges contre le président en exercice Uhuru KENYATTA et son vice-président car les États n'étaient pas disposés à permettre des enquêtes ou à la protection des témoins si bien que dans cette affaire certains témoins ont soit disparus ou se sont miraculeusement désistés. En abandonnant ces affaires

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fautes de preuves, la procureure avait non seulement dénoncé de « vastes initiatives concertées pour harceler, intimider et menacer les témoins155», elle avait également noté la présence de nombreux obstacles à ses enquêtes. Concernant le procès de William RUTO par exemple, un témoin très important pour la défense à savoir Meshack YEBEI, homme d'affaires kenyan a été assassiné. Le problème de subordination des témoins et du manque de coopération des autorités kenyanes a montré la faiblesse de la Cour dans le déroulement de ces affaires. D'ailleurs le président de la FIDH, Karim LAHIDJI eut à déclarer que :

« Nous déplorons que les pressions sans précédent exercées contre des témoins importants de l'accusation aient joué le rôle significatif dans le manque de preuves suffisantes apportées pour étayer les charges à l'encontre des accusés. L'impunité persistante au Kenya l'emporte sur l'établissement des responsabilités et continue à passer sous silence les victimes (...) des violences post électorales156

».

L'UA devrait également contribuer à consolider les liens entre la CPI et l'Afrique car cette institution est nécessaire pour assurer la paix en Afrique. En tant qu'organisation panafricaine, même si sa démarche dans le fond est légitime, dans la forme celle-ci n'a pas la même résonance. Elle devrait au contraire trouver des moyens plus appropriés pour renforcer plus efficacement les instances nationales pour que comme le souhaite les États africains, la CPI cesse de s'occuper de l'Afrique. Par ce renforcement des capacités des instances nationales, passe la coopération entre la CPI et les États africains car si les États pouvaient et voulaient juger les auteurs de crimes, il est évident que l'état actuel des choses serait différent. Cependant, la création d'une CAJDH ne signifie pas un obstacle à la coopération entre l'Afrique et la CPI puisse que celle-ci travaillera en complémentarité avec une institution régionale qui sera pourvue de la pleine coopération des États.

En plus de ce choix louable du renforcement des capacités des tribunaux africains, il est indispensable à l'heure actuelle que la CPI élargisse la portée de son action judiciaire.

Section II/ L'élargissement du champ d'action de la Cour

Pour mettre fin au discrédit dont elle subit de la part de tous les États africains par le biais de l'UA, la CPI doit pouvoir démontrer qu'elle n'est pas une Cour contre les Africains ni une Cour au service

155AFP, Au Kenya, assassinat d'un témoin-clé du procès du vice-président à la CPI, 6 janvier 2015, http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/01/06/au-kenya-assassinat-d-un-temoin-cle-du-proces-du-vice-president-a-la-cpi_4550223_3212.html, ( consulté le 24/06/2016)

156FIDH, Clôture de l'affaire Ruto et Sang devant la CPI: La subornation de témoins signifie que l'impunité prévaut à nouveau sur la justice, 5 avril 2016, https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/kenya/cloture-de-l-affaire-ruto-et-sang-devant-la-cpi-la-subornation-de, (consulté le 24/06/2016)

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des puissances dominantes. Pour ce faire, la Cour doit élargir la portée de son action en se limitant pas aux seules exactions commises sur le continent africain mais en répondant également aux préoccupations tant des États africains que de la société civile africaine en poursuivant les responsables des crimes commis ailleurs que sur le continent africain. L'une des réponses juridiques sur l'absence d'intervention de la Cour dans des situations dans lesquelles des crimes relevant de la compétence de la Cour auraient été commis est que ces États ne sont pas signataire du Statut de Rome. A moins que le CS déferre la situation de cet État à la CPI, celle-ci est techniquement dans l'incapacité juridique de s'en saisir.

Toutefois, cet argument même juridiquement pertinent n'est plus guère acceptable en raison de la conjoncture actuelle de la justice pénale internationale et de la nécessité de lutte contre l'impunité des crimes internationaux à travers le monde. Il devient ainsi plus que nécessaire que cet obstacle juridique de lutte contre l'impunité n'en soit plus un et pour ce faire, la CPI, l'ONU et toutes les organisations internationales de défense des droits de l'homme doivent oeuvrer pour une ratification totale du Statut de Rome (Paragraphe I). Cette dernière ne rendrait l'action de la Cour plus efficace que si celle-ci gagnait en autonomie vis-à-vis du CS de l'ONU (Paragraphe II).

Paragraphe I) La ratification globale du Statut de Rome

L'action de la CPI serait des plus légitimes que si tous les États se sentaient concernés. Une juridiction universelle comme celle-ci ne peut l'être véritablement si la justice s'appliquait de la même façon à tous les responsables de crimes. C'est ainsi que Christian WENAWESER, ancien président de l'Assemblée des États parties au Statut de Rome lors de la Conférence de révision du Statut de la CPI en 2010 déclara : « Si l'on veut véritablement éviter que l'impunité existe où que ce soit dans le monde, une participation universelle au système du Statut de Rome est incontournable.157». Comme l'a si bien rappelé Koffi ANNAN, ancien secrétaire général des Nations Unis, c'est la culture de l'impunité qui est condamnée, pas l'Afrique158, mais cette impunité n'est pas exclusive au seul continent africain car, si c'était le cas, cela ne ferait que freiner le développement de la justice pénale internationale. La communauté internationale doit faire en sorte que les États encore non parties

157CPI, ASSEMBLÉE DES ÉTATS PARTIES AU STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE, Séminaire sur la Cour Pénale Internationale, Conférence de révision: Les Grands Défis de la Justice Pénale Internationale, Nations Unies, New York 30 Avril 2010, https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/Publications/ASP-PUB-NY-Sem2010-FRA.pdf, (consulté le 12/12/2015)

158JEUNE AFRIQUE, Kofi Anan : un retrait de la CPI serait une honte pour les pays africains, 8 Octobre 2013, http://www.jeuneafrique.com/168013/politique/kofi-annan-un-retrait-de-la-cpi-serait-une-honte-pour-les-pays-africains/ (consulté le 8/10/2015)

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adhèrent à ce consens historique afin de promouvoir la nécessité de réprimer les auteurs de crimes qui heurtent la conscience humaine et de rendre justice à ces communautés meurtries et affectées.

La justice internationale actuelle ne doit plus être perçue comme un moyen de favoriser certains États, mais elle doit au contraire participer à la restauration de la paix dans certains États et à contribuer à l'État de droit. Il faut donc que l'ONU et les autres organismes internationaux encouragent les États non signataires et plus particulièrement les États-Unis, la Russie, la Chine, qui sont des États influents et puissants dont l'adhésion au Statut ne ferait que renforcer la CPI. L'efficacité de la mission de la Cour repose sur le plein appui de la communauté internationale et donc de l'ensemble des États qui marquent leur engagement indéfectible à la lutte contre l'impunité.

Pour parvenir à cette ratification universelle, des mesures adéquates doivent être prises. Bien que ce soit en pratique difficile, il n'est pas question de donner à un État ce qu'il veut pour le faire adhérer mais d'identifier les obstacles à son adhésion pour assurer une meilleure application du Statut. La CPI est impuissante car elle ne peut contraindre les États non parties. Il revient donc au CS (voir l'ONU) d'inciter à cette universalité. Cette ratification universelle du Statut répond parfaitement à la revendication de l'UA qui a considéré et considère toujours, que l'architecture de la justice internationale est biaisée en raison du fait qu'elle ne s'applique que dans une région du monde. Tous les États doivent savoir qu'à des crimes commis il faut rendre des comptes, mais cela ne se fera pas si certains, parce qu'ils ne sont pas parties au Statut, peuvent librement échapper à la justice.

Paragraphe II) L'autonomie de la Cour vis-à-vis du CS

Le CS joue un rôle important dans le système de justice pénale internationale. D'ailleurs, le Statut lui confère des pouvoirs exorbitants pour un organe constitué en majorité d'États puissants non parties. Il s'agit du pouvoir de saisine de la Cour article 13-b du Statut), du pouvoir de suspension de l'action de la cour (article 16 du Statut), et enfin celui de la constatation de l'acte d'agression. L'autonomie de la Cour est nécessaire pour faire tomber la critique de justice partiale. Malgré le fait que le Statut prévoit l'autonomie et l'indépendance du procureur, cette indépendance est mise à mal en raison des contraintes ou pressions politiques exercées par certains États au sein du CS. Les États membres du CS sont accusés par l'UA de dicter au procureur la ligne de conduite à suivre quant aux personnes à poursuivre. Cette dépendance vis-à-vis du CS s'explique par le défaut de ratification universelle en ce sens que seul le CS peut déférer à la Cour les crimes commis par des ressortissants d'États non parties.

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L'unique possibilité pour la CPI de connaître des crimes relevant de sa compétence dans les États non parties repose sur le CS qui est composé de membres permanents, en majorité des membres non parties (Chine, Russie, États-Unis) et qui sont impliqués dans des crimes n'ayant jamais fait l'objet de poursuites par la Cour. Par conséquent, parce qu'elle dépend considérablement du CS sur ce point, la CPI véhicule l'image d'une justice partiale, qui ne s'attaque qu'aux États moins puissants car le CS limite son action et ne lui donne pas l'occasion de l'étendre au-delà. Cette autonomie dont jouit le CS en matière de saisine paralyse l'universalité de l'action de la Cour. En plus de cette saisine, le CS peut suspendre 1 an le travail de la Cour, doit constater au préalable le crime d'agression avant que la Cour ne poursuive et enfin peut imposer des sanctions aux États en cas de manquement aux demandes de coopération. La CPI est une organisation faible, sans ressources matérielles pour assurer l'effectivité de ses décisions, le CS apparaît être le seul organe établi comme tel par les États membres de l'ONU comme celui pouvant contraindre les États à coopérer au risque de prendre des sanctions contre les États réfractaires. En ce sens, le CS apparaît parfois être le garde-fou de son effectivité universelle. Mais l'UA malgré la pression qu'auraient exercé certains membres permanents sur les États africains, ne semble pas en rester là car elle considère que le CS est au même titre que la CPI au service des membres permanents.

Tous ces éléments démontrent que dans la pratique, le Statut de Rome semble avoir conféré au CS un rôle considérable. D'ailleurs, le Statut a toujours été interprété comme tel. Cela s'explique par les liens étroits qu'entretient la CPI avec les Nations Unis. De cette relation étroite entre la CPI et l'ONU découle un autre motif de dépendance d'ordre financier. En effet, Sidiki KABA, actuel président de l'Assemblée des États parties au Statut de Rome, a soutenu en 2014 que, parce que la CPI est financée par certains États européens, ces derniers influencent dans une certaine mesure le cours des choses159. Il poursuit : « C'est pour cela qu'il est important que les 122 États participent au prorata de leurs moyens au financement de la Cour, afin d'assurer son indépendance d'action.160» La CPI doit se détacher du CS pour retrouver un peu de crédibilité, sans quoi elle sera toujours perçue contre une institution qui protège les États puissants et donc les membres permanents du CS. Elle doit lever le voile sur l'influence existentielle mais trop forte du CS dans le choix des poursuites.

En définitive, la Cour ne peut étendre son action que si tous les États participent à la renforcer par une ratification mondiale. Et c'est parce que celle-ci fait défaut que la CPI, même si elle le voudrait,

159Propos rapportés par Francois SOUDAN et Rémi CARAYOL, Sidiki Kaba: « La CPI doit écouter les Africains», Jeune Afrique, 2 Juillet 2014, http://www.jeuneafrique.com/50136/politique/sidiki-kaba-la-cpi-doit-couter-les-africains/ (consulté le 29/11/2015)

160Ibid

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ne peut intervenir dans les cas des crimes commis par des États non parties sans renvoi préalable du CS. Si ratification générale il y 'a, il restera néanmoins quelques points d'ombres sur certains pouvoirs du CS. Toutefois, la tâche ne s'avère pas des plus faciles mais reste l'une des solutions essentielles à la longévité judiciaire de la Cour et plus généralement au développement de la justice internationale.

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CONCLUSION :

L'état actuel des relations entre l'UA et la CPI semble ne plus être favorable à assurer un avenir propice à la justice pénale internationale en Afrique par le biais de l'institution internationale. Les États ont exprimé leur mécontentement en accusant la Cour de n'avoir dans son collimateur que des africains. Ces tensions ont démontré que malgré l'implication africaine dans la création de la CPI, les États africains ont fini par se résoudre à l'idée d'expérimenter la justice pénale internationale par une régionalisation du système de justice internationale en créant un mécanisme régional compétent pour lutter contre l'impunité des crimes internationaux commis en Afrique. Il s'agit de la CAJDH. L'idée se résume à juger au nom de l'Afrique, par l'Afrique et pour l'Afrique. Cette expérience de régionalisation ne sera pas une première pour le continent puisque le procès d'Hissene HABRE par les Chambres extraordinaires africaines, servira d'exemple par lequel l'Afrique peut désormais juger elle-même ses propres dirigeants. Pour l'UA, le jugement des chambres prend une résonance particulière, celle qui montre que la création d'une CAJDH ne sera pas un échec, car la première expérience de justice pénale internationale en Afrique a été une réussite. C'est en cela que ce jugement est un message fort et revêt une valeur historique et symbolique. Historique, car c'est la première fois en Afrique qu'un ex chef d'État est condamné pour crimes contre l'humanité, crime de guerre et torture en application de la compétence universelle et symbolique car l'Afrique prend conscience de la nécessité d'en finir avec le fléau de l'impunité. D'ailleurs, Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l'Union Africaine a déclaré que :

« Le jugement des CAE (Chambres africaines extraordinaires), un mécanisme de l'Union africaine, est significatif en ce qu'il renforce le principe de l'UA de solutions africaines aux problèmes africains.161»

Cette régionalisation de la justice internationale ne signifie pas pour autant que la CPI sera privée d'intérêt mais elle demeura toujours une juridiction secondaire, rappelant à l'ordre ou jouant le rôle de gendarme dans le cas ou ni les juridictions nationales, ni la CAJDH n'interviennent dans la répression de crimes internationaux. Ces juridictions travailleront de concert, chacune se limitant à ses statuts pour faire face à l'impunité du crime international en Afrique, même si l'on imagine que des divergences feront rapidement surface quant à la question de l'immunité. Même s'il demeure encore des améliorations à introduire pour que la CAJDH parvienne à l'efficacité attendue, grâce aux chambres africaines, l'UA semble avoir joué la bonne carte vers l'émergence d'une justice pénale régionalisée.

161Propos rapportés par Selim SAHEB ETTABA dans AFP, Justice: L'Afrique appelée à transformer l'essai du procès Habré, TV5monde, 1 juin 2016, http://information.tv5monde.com/en-continu/justice-l-afrique-appelee-transformer-l-essai-du-proces-habre-110582 ( consulté le 04/06/2016)

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AL BECHIR :

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UHURU MUIGAI KENYATTA :

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LAURENT KOUDOU GBAGBO :

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FIDH, Clôture de l'affaire Ruto et Sang devant la CPI : La subornation de témoins signifie que l'impunité prévaut à nouveau sur la justice, 5 avril 2016, https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/kenya/cloture-de-l-affaire-ruto-et-sang-devant-la-cpi-la-subornation-de, (consulté le 24/06/2016)

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HUMAN RIGHTS WATCH et autres, Document d'information sur les récents revers essuyés par la Cour pénale internationale en Afrique, Novembre 2010, https://www.issafrica.org/uploads/RecentSetbacksAfricaICCFR.pdf, (consulté le 10/12/2015)

HUMAN RIGHTS WATCH, Lettre aux Ministres des Affaires étrangères sur la CPI avant le Sommet extraordinaire de l'Union Africaine, 4octobre 2013 https://www.hrw.org/fr/news/2013/10/04/lettre-aux-ministres-des-affaires-etrangeres-sur-la-cpi-avant-le-sommet( consulté le 26/12/2015)

HUMAN RIGHTS WATCH, CPI : Le cas de la cote d'ivoire illustre certaines erreurs commise par la Cour, 4 Août 2015, https://www.hrw.org/fr/news/2015/08/04/cpi-le-cas-de-la-cote-divoire-illustre-certaines-erreurs-commises-par-la-cour (consulté le 30/12/2015)

HUMAN RIGHTS WATCH, Transformer les discours en réalité, L'heure de réclamer les comptes pour les crimes internationaux graves perpétrés en Côte d'ivoire, 3 avril 2013, https://www.hrw.org/fr/report/2013/04/03/transformer-les-discours-en-realite/lheure-de-reclamer-des-comptes-pour-les-crimes(consulté le 30/12/2015)

HUMAN RIGHTS WATCH, Pour que la Justice compte, Enseignements tirés du travail de la CPI en Côte d'ivoire, 4 aout 2015, https://www.hrw.org/fr/report/2015/08/04/pour-que-la-justice-compte/enseignements-tires-du-travail-de-la-cpi-en-cote (consulté le 30/12/2015)

HUMAN RIGTHS WATCH, L'UA : Les membres de la CPI doivent montrer la voie en matière de justice, 10 juin 2015, https://www.hrw.org/fr/news/2015/06/10/ua-les-membres-de-la-cpi-doivent-montrer-la-voie-en-matiere-de-justice (consulté le 30/12/2015)

ICTJ Briefing, Protéger la mission et le mandat de la Cour pénale internationale, Document d'information relatif à la réunion de l'Union Africaine sur la révision de la Cour Pénale Internationale prévue du 3 au 6 novembre 2009, Octobre 2009, https://www.ictj.org/sites/default/files/ICTJ-AU-Global-ICC-Review-2009-French.pdf, (consulté le 12/12/2015)

Page 93 | 97

SÉMINAIRES ET CONFÉRENCES :

Chaire d'excellence « Gestion du conflit et de l'après-conflit », extrait texte de la Conférence tenue le 22/01/2015 : Les Chefs d'État sont-ils intouchables ?

http://fondation.unilim.fr/chaire-gcac/2015/01/22/conference-chefs-etat/#_ftn47 (consulté le
1/12/2015)

Francisco. DJEDRO MELEDJE, Séminaire sur la Justice Pénale Internationale : Droit pénal interafricain, du 19 au 20 octobre, Université de Limoges

Gilbert BITTI, Séminaire sur la Justice Pénale internationale : Comprendre la CPI (Histoire, structures, fonctionnement), du 10 novembre au 13 novembre, Université de Limoges

Hans Peter KAUL (Juge de la CPI), Conférence internationale « Les Chefs d'États devant les tribunaux : Les procédures à l'encontre de chefs de gouvernement en exercice en Afrique marquent-elles une étape importante dans la justice pénale internationale ? », La Cour Pénale Internationale : Un jouet aux mains des pouvoirs politiques ? Conférence organisée par la Fondation Friedrich-Ebert-Stiftung Berlin, 5 Novembre 2013,

https://www.fes.de/afrika/content/downloads/FINAL_Einfuehrungsvortrag_Richter_Kaul_FES_Ber lin_FRENCH.pdf, (consulté le 25/12/2015)

Page 94 | 97

TABLE DES MATIÈRES

 

Remerciements

1

Abréviations

3

Sommaire

4

Introduction

5

PREMIÈRE PARTIE - LE CONSTAT DE L'EXERCICE EXCLUSIF DE LA COMPÉ-

 

TENCE DE LA COUR EN AFRIQUE

10

CHAPITRE I - L'ALLÉGATION DE POURSUITES DISCRIMINATOIRES

..11

Section I - L'exclusivité de poursuites actuelles en Afrique

12

Paragraphe I - Le bilan des poursuites engagées depuis sa création jusqu'à nos jours

..12

Paragraphe II - Le cas des situations africaines donnant lieu à des affaires non-africaines

16

Section II - Les facteurs expliquant l'intensité de l'action de la CPI en Afrique

19

Paragraphe I - L'incidence des modes de saisine de la Cour

19

 

A - La saisine de la Cour par un Etat partie

.20

B - La saisine de la Cour par le Conseil de sécurité

21

C - La saisine par le procureur

22

Paragraphe II - L'inaction des instances judiciaires dans la répression des crimes internatio-

naux

23

CHAPITRE II - L'ALLÉGATION DE POURSUITES SELECTIVES

27

Section I - Les interférences politiques dans le choix des poursuites

...28

Paragraphe I - Le cas de la Côte d'ivoire

.29

A - Le contexte et les pressions politiques

. 29

B - Le choix des poursuites par la Cour dans la crise ivoirienne

31

Paragraphe II - Le cas des dirigeants africains en exercice : Kenya/Soudan

33

A - La volonté d'application de l'immunité des chefs d'État en exercice et l'article 27 du

Statut ..35

1 - La pertinence de cette volonté d'application de l'immunité .36

2 - Un principe de droit international coutumier 39

3 - La CPI : l'exception de l'article 27 du Statut .40

Page 95 | 97

B - Les incidences de la volonté d'application de l'immunité

.42

1 - A l'égard des dirigeants africains

42

2 - A l'égard des victimes africaines

43

Section II - L'immixtion du Conseil de sécurité dans la procédure de la CPI

43

Paragraphe I - Le conseil de Sécurité : source du traitement différencié entre les États

44

Paragraphe II - L'atteinte à la souveraineté des États africains

...47

DEUXIEME PARTIE - LA RÉACTION PAR LA CRÉATION D'UNE COMPETENCE CON-

CURRENTE A CELLE DE LA CPI

..49

CHAPITRE I - LES RÉSOLUTIONS PRISES PAR L'UA

49

Section I - La non-coopération des États avec la Cour

.50

Paragraphe I - La violation de leurs engagements internationaux par les États

51

Paragraphe II - Le retrait collectif des États du Statut de Rome

..54

Section II - Le Protocole de Malabo portant création d'une Cour pénale régionale......55

Paragraphe I - Une compétence pénale internationale pour la Cour

...57

Paragraphe II - Une nouvelle complémentarité avec la compétence de la Cour

..62

CHAPITRE II - LES SOLUTIONS ENVISAGEABLES AUX TENSIONS

.64

Section I - Le renforcement des capacités des institutions judiciaires nationales

65

Paragraphe I - L'aide de la Cour Pénale Internationale

66

Paragraphe II - L'amélioration de la coopération avec les États africains

70

Section II - L'élargissement du champ d'action de la Cour

71

Paragraphe I - La ratification globale du Statut de la Cour

...72

Paragraphe II - L'autonomie de la Cour vis-à-vis du CS

73

Conclusion

76

Bibliographie

77

Page 96 | 97






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle