PREMIERE PARTIE :
APPROCHE THEORIQUE ET EMPIRIQUE DE
L'ATTRACTIVITE TERRITORIALE
CHAPITRE I : ATTRACTIVITE
TERRITORIALE
Introduction
Dans ce chapitre, nous aborderons la question de
l'attractivité territoriale. Car l'actualité économique
nous montre comment l'intelligencia et l'ingénierie sont
intégrés en matière d'innovation et d'aménagement
des espaces territoriaux, principales ressources des entreprises. Ce qui
conduit à mettre les territoires proches et même ceux
éloignés en compétition. C'est ainsi que plusieurs auteurs
ont essayé de donner une définition satisfaisante et
complète de l'attractivité.
Selon Hatem (2004a), l'attractivité est la
capacité pour un territoire d'offrir aux investisseurs des conditions
suffisamment intéressantes pour les inciter à localiser leurs
projets, de préférence à un autre territoire.
Pour l'OCDE (2005), c'est la capacité d'attirer de la
main d'oeuvre qualifiée et des compétences comme des moyens pour
favoriser le développement économique et la
régénération urbaine.
Friboulet (2009), quand-à lui défini
l'attractivité comme la capacité d'un pays à attirer les
activités des entreprises et donc d'abord le capital
productif.Cettenotion indique également la capacité d'un
territoire à attirer des investissements étrangers. Et enfin,
l'attractivité d'un territoire est la capacité d'un pays à
attirer et à retenir les entreprises.
On peut donc dire en guise de synthèse que
l'attractivité d'un territoire ou attractivité territoriale peut
se définir comme sa capacité, sur une longue période
donnée à attirer et retenir diverses activités
économiques et facteurs de productions mobiles (entreprises,
événements professionnels, entrepreneurs, capitaux, etc...). Dans
ce sens, c'est le reflet de la performance d'un territoire au cours d'une
période donnée. Ainsi, la notion d'attractivité
territoriale apparaît de plus en plus souvent dans les prises de position
des élus locaux et de leurs services de développement pour
expliciter et justifier des choix d'investissements et d'accueil
d'activités nouvelles qui visent à accentuer le
développement d'une ville ou d'une agglomération. De ce fait,
toute politique d'attractivité consiste à attirer les
investisseurs à la fois exogènes et endogènes sur un
territoire donné, dans l'objectif d'accroître le niveau de
l'activité économique.
Ainsi dans ce chapitre, la première section sera
consacrée au cadre d'intelligibilité théorique de la
notion d'attractivité territoriale, tandis que dans la seconde, nous
présenterons l'attractivité comme un processus central de la
construction des projets territoriaux.
SECTION I : CADRE THEORIQUE
DE LA NOTION D'ATTRACTIVITE TERRITORIALE
L'objectif de cette première section est de cerner la
notion d'attractivité territoriale telle que traitée jusqu'ici
par les auteurs qui ont travaillé sur le sujet. Il s'agit donc pour nous
de passer en revue les différentes approches qui ont été
adoptés dans la compréhension de l'attractivité
appliquée aux territoires. Pour cela donc, nous présenterons dans
un premier temps les différentes conceptions du territoire et les
quelques fondements théoriques de l'attractivité. Puis en second
lieu, nous verrons les principaux indicateurs utilisées pour mesurer et
saisir l'attractivité d'un territoire.
I.1 les fondements
théoriques de l'attractivité territoriale
Afin de mieux appréhender les fondements
théoriques du concept d'attractivité territoriale, il convient de
passer d'abord en revue la notion de territoire, puis de présenter les
cadres d'analyse théoriques de l'attractivité territoriale que
sont l'économie industrielle, l'économie spatiale et la nouvelle
économique géographique.
I.1.1 Le territoire :
un concept polysémique
Il y'a plus de vingt ans, le concept de
territoire est apparu dans les productions scientifiques et d'autres auteurs en
sciences sociales. Cette multidisciplinarité de ce concept le rend
polysémique et ses définitions sont multiples.
Partant de la définition donnée par le
dictionnaire degéographie, il en ressort trois interprétations du
mot territoire qui ne s'excluent pas mutuellement. Ainsi :
- Le territoire peut désigner un espace
administratif ;
- le territoire peut être limité par des
frontières et habité par une population ;
- le territoire peut désigner tout espace
socialisé, approprié par ses habitants, qu'elle que soit sa
taille.
Cette définition met essentiellement le point sur le
territoire en tant qu'espace limité par des frontières
(administratives, géographiques...) et dans lequel un groupe d'individus
cohabite. Or dans la définition portée par notion de
développement local, le territoire ne s'entend pas comme un simple
échelon spatial. Il ne peut être postulé comme un bout de
terre soumis à une administration et ayant des frontières
internes et externes.
Bien au contraire, le territoire s'impose aujourd'hui comme un
espace vécu, « un espace complexe et actif ». Mais
aussi comme un construit sociale permanent en constante appropriation.
Dans ce sens, il peut être apparenté à un
système dynamique complexe. Il se construit ainsi grâce aux
relations durables de proximité géographique
développé entre une pluralité d'acteurs ; ces
relations de « voisinage » peuvent mener à des
actions concrètes voire à l'élaboration commune de normes,
de projets : on rejoint alors la notion de proximité
institutionnelle. Par ailleurs, le territoire est nourri par les
échanges et les relations, emboîté dans un ensemble
d'autres espaces qu'il influence et qui l'influencent réciproquement.
Dans ce contexte, les limites du territoire sont plus définies en
référence à un périmètre
politico-administratif (aspect politique) ou comme un fragment d'un
système productif national (aspect économique). Elles
définissent d'une part le lieu d'intersection de réseaux et
d'interdépendances entre acteurs et d'autre part, le lieu de production,
de négociation et de partage d'un devenir commun. En définitives,
les territoires sont des constructions sociales et leurs performances
dépendent largement de la créativité et de l'innovation
dans la mise en valeur des ressources territoriales par la
société locale. Ce qui très souvent relève d'une
combinaison pertinente de décisions et des actions d'acteurs publics et
privés dans le cadre de la gouvernance locale.
Ainsi, Un même territoire peut être
caractérisé aux différents moments de son histoire par une
succession de ces différents processus d'agglomération, de
spécialisation et de spécification, et le passage de l'un
à l'autre permet de cerner ce qu'on peut appeler la "trajectoire" de ce
territoire. Ces trajectoires sont multiples. Bien qu'il n'y ait pas lieu de
poser a priori une supériorité d'une forme sur une autre, le
passage d'un mode de développement à un autre a une signification
économique particulière. D'une manière
générale, la construction territoriale tend à gagner en
cohérence statique, puis dynamique, dans le passage d'un processus
d'agglomération à un processus de spécialisation, puis de
spécification.
Figure 1 : Dynamique du territoire
Source : JB. Zimmermann (1998)
I.1.2 Cadre d'analyse
théorique de l'attractivité territoriale
Le phénomène d'attractivité territoriale
fait l'objet d'une abondante littérature théorique et empirique.
Toutefois, dans le cadre de ce mémoire nous proposons de
présenter les trois principaux cadres d'analyse théorique de
l'attractivité que sont : l'économie industrielle,
l'économie spatiale et la nouvelle économie géographie
(NEG).
i. l'économie
industrielle
L'économie industrielle regroupe plusieurs approches
théoriques qui expliquent les modes d'organisation et de
développement des entreprises sur un territoire. Elle apporte un
éclairage complémentaire pour comprendre les choix de
localisation, dans la mesure où les ressorts de la
compétitivité d'une entreprise ne sont pas liés uniquement
aux caractéristiques naturelles de son territoire d'implantation mais
dépendent également de certaines ressources dites
spécifiques (matériels ou immatériels) du territoire.
Ce courant lie analyse industrielle et analyse spatiale pour
comprendre les bouleversements et les dynamiques spatiales. Il étudie
par ailleurs les relations entre les entreprises et leur environnement et les
modes d'organisation qui caractérisentces relations. Les analyses se
centrent par conséquent sur les relations interentreprises et
l'encastrement socioéconomique territorial. De ce fait, cette approche
permet d'éviter un écueil possible de la nouvelle économie
géographique, qui serait une absence de l'analyse du territoire dans
l'étude du processus d'agglomération des activités
économiques.
L'analyse des liaisons interindustrielles et l'étude
des systèmes territoriaux de production (clusters, technopôles,
district industriel et pôle de compétitivité...)
constituent les apports majeurs de l'économie industrielle à
l'étude de l'attractivité territoriale.
ii. L'économie
spatiale
Jusqu'aux années 1980, l'économie spatiale
privilégiait deux explications de la localisation des firmes dans
l'espace. Une explication objective fondé sur les coûts
(coûts de transport, coûts du travail et/ou du capital
« terrain »), les dotations factorielles
(disponibilité du travail et du terrain), les atouts naturels du
territoire, les facteurs historiques tels qu'une concentration
antérieure d'activités productives et les incitations fiscales et
financières. Une autre explication subjective liée aux
comportements et à la perception de l'espace par les investisseurs.
iii. La nouvelle
économie géographique (NEG)
La nouvelle économie géographie a pour objectif
l'explication des choix de localisation des activités sur un espace. Ce
courant utilise notamment l'approche par les économies externes
développées par Marshall (1919) pour expliquer les
mécanismes d'agglomérations des activités
économiques. Pour les tenants de la NEG, comme Krugman (1991), la
localisation des activités économiques dans un espace est
étroitement liée et conditionnée par la présence
des économies d'agglomération.
En effet, la NEG cherche à rendre compte des
phénomènes de concentration des activités
économiques. Elle met en avant le rôle des externalités
dans la détermination des forces d'agglomération et de dispersion
à l'origine de l'équilibre spatiale. Elle se fonde sur
l'idée que les choix d'implantation des entreprises résultent de
forces antagonistes :
D'une part, les forces d'agglomération, qui encouragent
les entreprises à se concentrer géographiquement pour
bénéficier d'économies d'échelle et des
externalités. Parmi celles-ci, la littérature met en avant :
les rendements croissants au niveau de marché qui pousse les
entreprises, la concurrence pour les parts de marchés qui pousse les
entreprises à se regrouper, et la présence d'externalités
de type pécuniaire ou technologique.
Et d'autre part, les forces de dispersion, qui favorisent la
dissémination des activités compte tenu des contraintes de
disponibilité des ressources naturelles et de fixité de certains
facteurs de production.
À titre d'exemple ; le prix de la terre qui
croît avec l'augmentation de la densité des agents
économiques, l'effet de la concurrence locale entre les firmes
conduisant à une hausse du prix des intrants et une baisse de celui du
produit, et la présence d'externalités négatives de type
pollution ou congestion.
En somme, les travaux de l'école de la nouvelle
économie géographique permettent de mieux comprendre le
rôle de facteurs hors prix dans l'attractivité et la
compétitivité d'une nation. Toutefois, elle se limite à la
prise en compte de facteurs essentiellement économiques et
n'intègre pas assez les spécificités territoriales et les
facteurs d'ordres institutionnels pour l'explication du phénomène
d'agglomération des entreprises et d'attractivité
territoriale.
L'économie industrielle, l'économie spatiale et
la nouvelle économie géographique constituent ainsi les cadres
d'analyse théoriques de l'attractivité territoriale. Toutefois,
cette dernière peut être appréhendée par un certains
nombres d'indicateurs bien établis. C'est ce que tente d'expliquer le
paragraphe suivant.
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