De la formation du contrat entre absents en droit comparé : cas de la République Démocratique du Congo, la Belgique et le Québec au Canada( Télécharger le fichier original )par Teddy MUKANDA NKIMBA Université de Lubumbashi - Licence en Droit Privé et Judiciaire 2015 |
b) La remise en cause de la théorie de l'autonomie de la volontéPour Durkheim, la règle émanant du groupe précède au droit de la volonté : ce phénomène de solidarité étant objectivé par le droit58(*) On reproche à la théorie classique de l'autonomie de la volonté d'être, d'une part, inexacte et utopique, d'autre part ; inexacte en ce que tout le droit ne peut être régi par la volonté, car il y a des domaines où la loi doit intervenir (famille, succession, etc.) ; et utopique en ce qu'elle suppose des contractants égaux, or, ce qui est contractuel n'est pas forcement juste, et le contractant le plus faible économiquement, socialement ou intellectuellement, risque de se voir brimer par l'autre (par exemple dans les contrats d'adhésion). Des inégalités peuvent, ainsi, exister entre les consommateurs et les professionnels, mais aussi entre les professionnels eux-mêmes. Ces inégalités ne sont guère compatibles avec une justice contractuelle déduite de la suprématie de la volonté. Par ailleurs, la poursuite du profit personnel n'est pas nécessairement en harmonie avec ce qu'il convient d'appeler l'utilité sociale.59(*) Au cours du XIXe siècle, avec l' industrialisation et le développement du droit du travail, se fait entendre une critique de la conception libérale : face aux situations d'inégalité, cette liberté devient source d'injustice entre une partie faible et une partie dominante. Lacordaire énonce ainsi la célèbre formule : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, c'est la liberté qui opprime, c'est la loi qui affranchit. » Toutefois, en dépit de ces critiques, la théorie de l'autonomie de la volonté n'en demeure pas moins valable et ses incidences se manifestent encore de nos jours. c) Les incidences de la théorie de l'autonomie de la volontéLes incidences de la théorie de l'autonomie de la volonté se manifestent tant au stade de la formation du contrat qu'à celui de son exécution. · Au stade de la formation 1° Le principe du consensualisme Au Ve siècle, l' Orient connaît une longue période de prospérité économique et commerciale. Afin de faciliter les relations d'affaires, le droit romain permet alors au contrat de se former sur la base du consentement des parties : les contractants disposent ainsi d'une grande liberté pour déclarer leur volonté. Ce principe caractérise aujourd'hui le droit civil60(*). Le principe du consensualisme admet comme équivalents chaque mode d'expression de la volonté (oral, écrit, gestuel..) voire l'absence d'expression matérielle, via le contrat tacite. Ainsi, les parties sont obligées par le seul échange des consentements et à cet instant. « De ce point de vue, le consensualisme présente toutes les vertus libérales et morales. (...) le consentement seul oblige, et parce qu'il oblige, celui qui a donné son consentement ne pourra s'y soustraire en prétextant qu'une solennité fait défaut61(*). » Ce principe désigne le fait qu'en générale, les contrats sont légalement formés solo consensu, c'est-à-dire par le seul échange des consentements, sans que d'autres formalités soient nécessaires pour en assurer la validité. « De ce point de vue, le consensualisme présente toutes les vertus libérales et morales. Parce que le consentement suffit pour obliger, il est en même temps une condition nécessaire. Aussi le consentement librement et simplement donné trouve son fondement dans une conception morale : le consentement seul oblige, et parce qu'il oblige, celui qui a donné son consentement ne pourra s'y soustraire en prétextant qu'une solennité fait défaut. En même temps, le consensualisme facilite la conclusion des contrats, l'imagination des contractants, l'ingénierie juridique dirait-on aujourd'hui ; il permet d'accélérer le processus de formation et peut-être aussi de multiplier les contrats. ». 2° Le principe de la liberté contractuelle Selon ce principe, la volonté commune des parties constitue la source du droit et le législateur n'intervient qu'exceptionnellement pour la limiter. La première manifestation de l'autonomie de la volonté est d'abord la liberté de contracter ou de ne pas contracter. Mais cette liberté se trouve aujourd'hui battue en brèche. De même, la liberté contractuelle emporte la liberté de fixer le contenu du contrat. · Au stade de l'exécution du contrat La théorie de la volonté est également sensible en ce qui concerne les effets du contrat ; il s'y manifeste par deux principes d'application qui sont le principe de la force obligatoire du contrat et le principe de l'effet relatif du contrat. 1° La force obligatoire du contrat Les individus étant libres, ils ne peuvent être tenus d'obligations que parce qu'ils les ont eux-mêmes voulues. C'est le principe de la force obligatoire du contrat. Ainsi, aux termes de l'article 1134 du code civil français et l'article 33 alinéa 1 du code civil congolais livre III, « les conventions légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites... ». En conséquence, seules les parties peuvent modifier l'étendue de leurs engagements, mais il faut l'accord de toutes les parties présentes au contrat initial pour pouvoir le modifier et apporter des dispositions contractuelles nouvelles. Deux règles complémentaires de ce principe sont énoncées à cet article, à savoir : l'irrévocabilité du contrat et l'exécution de bonne foi du contrat. A. L'irrévocabilité du contrat L'article 33, alinéa 2, dispose que les conventions « ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ». Ainsi, la volonté unilatérale d'une des parties ne peut mettre fin au contrat, même pour une remise de dette, par exemple : là aussi, il faut une convention entre le créancier et le débiteur (voir en sens CJS,20 novembre 1976,BA 1977, p.189). Cependant, dans certains contrats, la loi autorise une rupture unilatérale : c'est le cas pour les contrats à durée indéterminée comme le contrat de travail, le bail (art.393 du code civil livre III) et pour certains contrats successifs à durée déterminée, par exemple le mandat (art.544). B. Exécution de bonne foi L'article 33 alinéa 3, dispose que les conventions « doivent être exécutées de bonne foi », c'est-à-dire que les parties doivent faire montre de loyauté lorsqu'elles exécutent les obligations issues du contrat qu'elles ont volontairement conclu. En d'autres termes, il existe entre les contractants un devoir de loyauté s'imposant au débiteur mais aussi au créancier, allant jusqu'à une véritable collaboration ou coopération pour parvenir au but poursuivi par eux.62(*) 2° Le principe de l'effet relatif du contrat Le principe, qu'on appel de la relativité des contrats, signifie que le contrat n'a d'effet obligatoire qu'entre les parties, c'est-à-dire les effets du contrat se limitent aux rapports des parties entre elles. Cette règle est énoncé à l'article 63 du code civil congolais livre III qui dispose que « les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point aux tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu à l'article 21 » (c'est-à-dire la stipulation pour autrui). Ce texte tire en réalité son origine de l'adage latin « Res inter alios acta aliisnequenocerenequeprodeseprotest » qui veut dire « ce qui est conclu entre les uns ne peut ni nuire ni profiter aux autres ». Précisons, par ailleurs que la liberté reconnue aux contractants de définir le contenu du contrat fait qu'il peut y avoir une multitude des contrats. D'où l'intérêt d'opérer une classification. * 58 Émile Durkheim, De la division du travail social, Paris, PUF, coll. « Quadrige », ý avril 2012, 8e éd., 420 p. 978 * 59KYABOBA KASOBWA, Op.cit., p.15 * 60Jean-Philippe Lévy, « Le consensualisme et les contrats, des origines au Code civil », Revue des sciences morales et politiques, ý 1995, p. 209 * 61Bertrand Fages et Elodie Pouliquen, Lamy Droit du contrat, Paris, Lamy,ý mai 1999, p. 175-5 * 62 Y. PICOD, cité par KYABOBA KASOBWA, Op.cit., p.52 |
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