1-2: Le mode d'implantation des entreprises
privées
Les entreprises privées chinoises opérant sur le
continent africain sont en très grande partie des PME et
dépassent de très loin en nombre les firmes d'Etat et les
entreprises semi-privées. En conséquence leurs investissements
quand bien même significatifs sont plutôt faibles comparés
à ceux des entreprises d'Etat engagées dans de grands projets
d'infrastructures associées à la recherche et l'exploitation
pétrolière et minière84. Néanmoins il
existe quand même un club très restreint de firmes privées
dont les capacités financières et technologiques sont beaucoup
élevées parmi lesquelles LENOVO, ZTE, HUAWEI, SUNTECH Power et
HAIER pour ne citer que celles-là qui, sont les plus connues. Quel que
soit leur poids les entreprises privées échappent dans une large
mesure au contrôle des autorités centrales qui régulent les
IDE pour prendre en compte les intérêts de l'Etat chinois. La
nature privée de ces entreprises et la grande marge de liberté
dont elles disposent font que leurs investissements sont guidés par un
souci de croissance ou d'exploitation d'opportunités économiques
existantes sur le marché africain pour les investisseurs
privés85.
Au Tchad on peut trouver les entreprises privées
chinoises dans les domaines tels que l'hôtellerie, l'import-export, le
service, les outils agricoles, l'élevage, l'industrie textile, etc. Nous
pouvons citer entre autres: la Société Huawei et la
Société ZTE qui sont parmi les plus importants fournisseurs des
équipements de télécommunication à l'échelle
mondiale et qui sont entrées en collaboration avec les entreprises
spécialisées dans le secteur de la
84Amadou DIALLO. (2012), op. Cit., pp. 23-24.
85 Idem
40
télécommunication du Tchad avec le projet CHAD
CDMA 2000 (Code Division Multiple Access, Téléphonie fixe sans
fil) et la téléphonie mobile au sein de la société
des télécommunications du Tchad. En effet, le mode d'implantation
de ces entreprises est commandé par le niveau d'investissement et le
secteur d'activités visés. Or pratiquement tous les secteurs de
l'économie africaine sont ciblés par les PME chinoises,
même ceux où traditionnellement opèrent les grandes
entreprises publiques ou semi-privées. Ainsi, leur implantation se
manifeste par la création d'unités de production ou d'usines de
fabrication de taille moyenne dans le secteur de la manufacture quelle que soit
l'industrie concernée86.
Paragraphe 2 : Les stratégies mises en place
par la Chine pour accompagner ses entreprises à investir à
l'étranger
Au cours de ces dernières années, la Chine a
développé sur le continent africain une stratégie
agressive de pénétration des marchés, en exploitant les
failles de relations paternalistes longtemps fondées sur des zones
d'influence historique entre les puissances occidentales et les pays africains.
La Chine a mis en place des stratégies et des moyens colossaux pour
accompagner ses entreprises dans leur processus d'internationalisation, ce qui
n'est pas le cas de la puissance occidentale. Comme le souligne
Chaponnière (2006), la stratégie chinoise se démarque de
celle de ses prédécesseurs sur deux points importants pour
l'avenir87:
- la Chine est très ouverte aux investissements directs
étrangers (IDE), elle est devenue l'une des plus grandes destinations
des IDE. La Chine joue de son attractivité pour acquérir des
technologies et renforcer la R&D ;
- les moteurs de la croissance chinoise ont été
l'exportation et l'investissement, encouragés par l'abondance de
liquidités et des taux d'intérêt bas. En effet,
l'investissement représente 40 % du PIB de l'économie chinoise
depuis 2000.
Ainsi, l'internationalisation des FMN chinoises provient des
entreprises à capitaux publics, bénéficiant d'un soutien
multiforme, en particulier financier, de l'Etat stratège qui
opère au profit d'un véritable capitalisme d'Etat chinois
à travers notamment la conclusion de divers accords de partenariats
stratégiques avec les pays d'accueil (contrats pétroliers et
86 Ibidem
87Jean-Raphaël Chaponnière (2006),
Les échanges entre la Chine et l'Afrique : situation actuelle,
perspectives et sources pour l'analyse, Agence française de
développement, p. 150.
41
miniers contre la réalisation de projets
d'infrastructures et les joint-ventures)88. En effet, ces firmes ont
eu le privilège d'accéder à des capitaux bon marché
en liaison avec des stratégies de long terme, à l'inverse de
leurs concurrentes occidentales qui ont tendance à identifier les
investissements risqués avec l'opportunité de réaliser des
IDE à taux élevés de retour et considérant
l'instabilité politique des pays africains comme une contrainte. Par
ailleurs, nous convenons à la suite des travaux d'Alden et David (2006),
que les FMN pétrolières chinoises déploieraient sur le
continent africain trois types de stratégies
managériales89 :
- la stratégie d'approvisionnement et
d'intégration verticale : c'est le cas de SINOPC qui a largement investi
au Soudan et en Angola, ainsi qu'au Congo-Brazzaville et au Gabon. Tout comme
la FMN CNPC qui a réalisé des investissements en amont et en aval
de la filière énergétique au Gabon et surtout au Tchad
où elle va construire la première raffinerie du pays d'accueil,
parallèlement à ses activités de prospection et de forage
;
- il s'agit de la stratégie de sécurité
énergétique au profit de l'Etat chinois. Dans ce sens, pour
l'Etat chinois (y compris les fonds souverains), il est impératif
d'acquérir des actifs énergétiques à
l'étranger, notamment en Afrique, en Amérique latine et au
Moyen-Orient. Dans cette perspective, le gouvernement chinois appuie
directement ses FMN au plan financier et lie ce soutien aux projets de
développement (l'aide-projet), y compris en intervenant auprès
des leaders politiques des pays cibles ;
- et enfin, la stratégie de partenariats et de
joint-ventures, celle-ci permet aux FMN chinoises de s'associer aux partenaires
locaux et/ou ceux des pays occidentaux sur les marchés étrangers
en vue d'un apprentissage technologique et managérial, à l'instar
de la joint-venture SSI Sonangol (45%) Sinopec (55%) International
établie en Angola entre SINOPEC et SONANGOL, la firme publique angolaise
de pétrole.
Dans ce paragraphe, nous examinerons d'une part la
stratégie de financement des entreprises chinoises (2-1) et d'autre part
le modèle angolais (2-2).
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