Les états de la CEMAC face aux défis de la sécurité humaine( Télécharger le fichier original )par Marius Judicael TOUATENA SIMANDA Université de Yaoundé 2 - Master en Droit Public International et Communautaire 2015 |
Section II : Les perspectivesPlusieurs défis sont à relever aujourd'hui en vue d'assurer une véritable Sécurité humaine en Afrique Centrale, particulièrement dans la zone CEMAC. Les récents développements liés à la piraterie maritime, le terrorisme d'Etat, la criminalité transfrontalière et la sécurisation des réserves pétrolières permettent d'envisager des pistes de réflexion. La lutte contre la criminalité organisée est un objectif de défense et de politique extérieure. En fait, dans le contexte de la mondialisation où la criminalité transfrontalière ignore les frontières étatiques et la souveraineté des Etats, il devient indispensable d'avoir une approche globale de la lutte contre cette forme de criminalité, en renforçant la coopération internationale, en particulier entre les instances judiciaires et répressives. C'est dans cet esprit que, en décembre 2004, le rapport sur la réforme de l'ONU rendu par le groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, constitué à la demande du Secrétaire Général de l'ONU, a fait de la criminalité transfrontalière organisée l'une des principales menaces contre la sécurité des personnes et la capacité des Etats à assurer l'ordre public. Il a dénoncé la corruption tenace, le recours à la violence pour protéger des activités criminelles et les liens étroits entre les organisations criminelles et les élites politiques ; ainsi que le faible empressement des Etats à réglementer le blanchiment des capitaux. Outre une amélioration des cadres réglementaires internationaux (conventions et protocoles), et un renforcement de la coopération judiciaire pour lutter contre les différentes formes de criminalité, ce rapport a aussi préconisé un régime de sanction ciblées et taillées sur mesure, qui seraient appliquée par le Conseil de Sécurité de l'ONU, contre tout pays, tout particulier et tout groupe organisé contrevenant aux normes internationales dans ce domaine. Mais, surtout, il ne faut pas relativiser les autres aspects qui mettent également en mal la sécurité humaine. Ainsi, des perspectives d'ordre sous régional (Paragraphe 1) et national (Paragraphe 2) seront formulées. Paragraphe 1 : les perspectives d'ordre sous régionalPour la sous région, nous envisageons, en plus de la gouvernance sécuritaire en zone CEMAC et l'urgence de sécuriser les frontières (A), la nécessité de surveiller les côtes maritimes par des Garde-côtes et la coopération pour mieux sécuriser les côtes et les ressources pétrolières (B). A- La gouvernance sécuritaire en zone CEMAC et l'urgence de sécuriser les frontièresLes Etats de la sous région CEMAC doivent sécuriser leurs frontières tout en assurant une bonne gouvernance sécuritaire. 1- La gouvernance sécuritaire en zone CEMACLa gouvernance sécuritaire en Afrique centrale et particulièrement en zone CEMAC est, en raison de la permanence des conflits tant internes qu'externes, une urgence. Dans cette zone, où en raison de l'évolution de l'histoire diplomatique, les États ont tous opté au lendemain de leur accession aux indépendances pour un système monolithique adossé sur une politique sécuritaire et répressive, il faut une implication des gouvernés aux réflexions et décisions portant sur la sécurité. En effet, la gouvernance sécuritaire doit ouvrir une brèche démocratique dans la forteresse que constitue le champ sécuritaire dans ces pays. Le souci de sécurité est devenu si actuel dans le monde contemporain qu'aucun Etat ne saurait y rester indifférent. L'Afrique Centrale figure en bonne place parmi les zones les plus troublées du continent, en raison de nombreux conflits et de guerres latents qui s'y déroulent pour diverses causes. Les causes internes des conflits, de guerres et de l'insécurité [en zone CEMAC,]en AfriqueCentrale comme dans toute l'Afrique en général, résultent d'une imbrication des causes politiques, économiques, sociologiques, idéologiques, démographiques et foncières, de la porosité des frontières, de la crise de l'Etat, de l'instrumentalisation de l'ethnicité, de la marginalisation des groupes ethniques, de violences politico ethniques, des agitateurs de la conscience collective, de la guerre de positionnement, de débordements incontrôlés des populations, de l'insécurité fiscale, du chômage, de l'esprit de vandalisme, de la précarité de la sécurité sociale, des forces négatives et rétrogrades, de la « malédiction des matières premières», des trafics d'armes de guerre ou de la drogue, de la persistance d'une politique de fermeture des frontières, des expulsions massives des ressortissants d'autres pays de la sous région, de la précarité économique, des attaques et des destructions des symboles du pouvoir, de la justice à tête chercheuse, de la pauvreté, de la misère, du refus de l'alternance démocratique, du phénomène des coupeurs de routes, de l'instabilité politique, de la corruption et des détournements massifs des fonds publics, de l'opacité politique, administrative et gouvernementale, déjà cité de la radicalisation des mouvements d'humeur, de la «mafia humanitaire », du conditionnement et de l'instrumentalisation des peuples, de la propagation de fausses nouvelles, de la phobie des coups d'Etat, des convoitises des ressources minières et surtout du pétrole, de la précarité de l'emploi, des médias aux ordres, de la multiplication des sectes mystico-religieuses et sataniques, des sociétés de gardiennage mal maîtrisées, de la perte de légitimité et de l'affaiblissement de l'Etat, de mouvements sécessionnistes, de l'insécurité électorale ou post-électorale, de violences électorales, de crises induites par les dérapages des pouvoirs publics, de crises générées par l'action des groupes organisés, de crises dues à l'action des individus, de mouvements sociaux, de soubresauts sociopolitiques et militaires, de la pressurisation constante des Etats par les puissances étrangères, etc. Le programme RECAMP231(*) distingue les sources de conflits selon leurs origines qui peuvent être internes, interétatiques, ou extrarégionales. Font aussi partie des sources internes, l'exacerbation des particularismes ethniques, culturels, religieux et politiques, l'apprentissage et la gestion de la démocratie, le non-respect des Droits de l'Homme, les velléités de sécession, les coups d'Etat, les mouvements d'opposition armés, les catastrophes de grande ampleur, les injustices sociales etc. Les sources interétatiques comportent les problèmes frontaliers, notamment ceux relatifs à la délimitation et au voisinage, la volonté de puissance, les problèmes des réfugiés, des personnes déplacées et d'immigration clandestine. Sont considérées comme sources extrarégionales des conflits, les agressions de toutes sortes menées par des Etats tiers, les ingérences de toutes sortes, la posture de force et la volonté de puissance. Les sources externes ou les causes externes constituent des facteurs aggravants qui accroissent les probabilités de déclenchement des conflits ou contribuent à en exacerber l'intensité ou la persistance. Entrent dans cette catégorie, les ingérences extérieures, la prolifération des armes légères et de gros calibre, les convoitises et le contrôle des ressources naturelles par les grandes puissances ou les multinationales qui n'hésitent pas à financer des troubles ou des opérations de déstabilisation, avec à la clé, la prise du Pouvoir par la force par leurs hommes de main, le soutien aux rebelles par des Etats voisins, la constitution passive ou active des bases - arrières aux mouvements armés menaçant ou combattant les pays voisins, le grand banditisme armé, etc. La gouvernance sécuritaire, composante essentielle de la gouvernance générale ou globale, est en bonne voie en Afrique Centrale, en dépit de nombreux obstacles qui jonchent son parcours. Elle repose sur une double architecture juridique et militaire, en perpétuelle évolution et adaptation constante. Cette double architecture juridique et militaire est solidement ancrée aux socles juridiques nationaux, sous régionaux, continentaux et internationaux. Cette gouvernance sécuritaire est conduite avec l'aide de la Communauté internationale et de certains pays amis intéressés qu'il nous a été donné d'analyser. La jeunesse, la disparité économique et socioculturelle, les fractures sociales, les convoitises étrangères et autres maux qui caractérisent les Etats membres de la sous région fragilisent, à coup sûr, la mise en place et la mise en oeuvre d'une bonne gouvernance sécuritaire en Afrique Centrale et dans la zone CEMAC. Dans la sous région, la gouvernance sécuritaire vit au pluriel et puise ses forces sur l'organisation, l'harmonisation, la discipline, les compétences et le concours actif et efficace de tous les acteurs sociaux qui y participent. Une bonne gouvernance sécuritaire suppose par ailleurs que les Etats membres de l'Afrique Centrale et de la CEMAC fassent la chasse à toutes les formes de complexes, de frustrations plus ou moins mal refoulés et de préjugés qui contribuent à éloigner les Nations et les peuples les uns des autres, développant ainsi des situations conflictogènes ou belligènes lancinantes. Pour ce faire, les Etats et les peuples doivent apprendre à vivre et à évoluer ensemble, à remplacer les conflits armés qui abondent dans la sous région par les palabres africaines où la diplomatie, la médiation et le dialogue joueraient un rôle déterminant ; à développer une dynamique d'intérêts, de cohabitation pacifique et de concertation permanente entre les Etats et entre les populations; à instaurer des mécanismes d'évaluation du système sécuritaire propre à la sous région et à construire des projets d'intérêts communs, à l'instar de ceux préconisés par le NEPAD; à développer la culture de l'alternance démocratique et la pratique de la diplomatie de présence effective aux rencontres interafricaines de haut niveau. La colonne vertébrale de la gouvernance sécuritaire est une réalité palpable, mais ses vertèbres méritent d'être solidifiées, restructurées, et renforcées pour atteindre les objectifs poursuivis. Les pays de la sous région CEMAC devraient avoir en partage les valeurs cardinales que sont la paix, la stabilité, la sécurité des personnes et des biens, la coopération mutuellement bénéfique, le mieux-être et l'épanouissement, le développement et le progrès des populations. * 231 Voir la France et son programme RECAMP |
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