Paragraphe II : Le contrôle non
juridictionnel
C'est un contrôle diffus. Ce caractère diffus
tient du fait qu'il existe une diversité d'acteurs agissant dans ce
secteur. De plus, les outils à mobiliser varient d'un acteur à un
autre. Parmi ces acteurs, on note les acteurs institutionnels qui exercent une
pression politique. En sus, l'on a des acteurs pas toujours institutionnels.
Entre acteurs institutionnels et non institutionnels, on distingue
aisément les contrôles effectués par les acteurs
internationaux (A) du contrôle effectué par les acteurs nationaux
(B).
A. La pression internationale
Le contrôle de l'application des instruments juridiques
internationaux de lutte contre les changements climatiques se fait
également par la pression internationale que peut subir un Etat comme le
Cameroun. En effet, la puissance des Etats est un facteur important dans
l'exécution des obligations en Droit international public. Ainsi, un
Etat moins puissant comme le Cameroun peut subir un certain nombre de pressions
susceptibles de motiver et d'orienter ses actions en matière climatique.
Cette pression peut en réalité être diplomatique ou non.
Pour ce qui est de la pression diplomatique, les chancelleries occidentales
surveillent l'application des instruments juridiques internationaux. Les
changements climatiques étant un enjeu crucial de l'avenir de
l'humanité, l'application des normes y relatives fait l'objet de
beaucoup d'attention. Ainsi, les Etats qui se tiennent en marge de la dynamique
globale de la lutte contre les changements climatiques font souvent l'objet de
sanctions. Ces sanctions sont généralement économiques.
C'est le cas de l'embargo, le boycott ou encore la suspension des aides au
développement dont peut bénéficier un Etat comme le
Cameroun. En plus, l'opinion publique internationale peut exercer une pression
importante sur des pays qui ne respectent pas leurs engagements internationaux
sur la lutte contre les changements climatiques. Ces aides sont assorties de
conditionnalités environnementales et spécifiquement climatiques.
Toutefois, certains pays comme la Chine dont le poids de l'aide va grandissant,
ne privilégient pas toujours cette conditionnalité.
D'autres pressions sont possibles. Il s'agit en
réalité de la pression qu'exercent les organismes
intergouvernementaux, les ONG et l'opinion publique internationale. Les OIG
contrôlent l'application des instruments juridiques internationaux de
lutte contre les changements climatiques. Ce contrôle s'effectue par les
rapports que commettent les OIG du secteur environnemental. Ces rapports et
études relèvent les écueils et proposent les
recommandations pour une meilleure application de ces instruments. Les ONG ne
sont pas en reste. Elles appuient l'Etat et les OIG dans l'application des
instruments juridiques environnementaux. Ainsi, elles jouent un rôle dans
l'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les
changements climatiques. Dans le contexte camerounais,
39
plusieurs ONG dénoncent l'application des instruments
juridiques internationaux de manière générale. Il convient
cependant de relever que cette action des ONG manque de dynamisme, au regard
des obstacles auxquelles elles font face. Les pouvoirs publics voient en des
ONG des fauteurs de troubles, ce qui les expose à des
répressions. Par ailleurs, ces associations n'ont pas toujours
accès à la documentation nécessaire pour leurs
activités.
Enfin, l'opinion publique internationale joue également
un rôle important dans le contrôle de l'application des instruments
juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques. En
effet, les médias sont un grand relai d'information et des critiques que
l'on formule à l'endroit des Etats qui ne s'acquittent pas de leur
obligation d'appliquer les textes internationaux.
Si la pression internationale peut faire fléchir les
décideurs, celle exercée au niveau national n'est pas aussi en
reste.
B. La pression des instances nationales
Elle est également importante. La pression
exercée sur l'Etat au niveau national pour l'application des instruments
juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques est
portée par la société civile, les partis politiques et les
institutions politiques nationales. Pour ce qui est du contrôle
institutionnel, il s'effectue essentiellement au parlement et d'autres
institutions de contrôle de l'action publique : les institutions de lutte
contre la corruption, les institutions de protection des droits de l'Homme.
Le Parlement est l'organe de contrôle de l'action du
Gouvernement. A travers le jeu de questions orales, les parlementaires peuvent
interpeller le gouvernement sur n'importe quelle question, exception faite de
celles qui relèvent du secret défense. Ainsi, il est de la
compétence du parlement de contrôler l'action du gouvernement sur
l'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les
changements climatiques. Ce jeu de questions orales peut aussi laisser place
aux commissions parlementaires. Ces commissions ont pour compétence de
mener les investigations sur les programmes, les projets et les actions
concourant à la lutte contre les changements climatiques. Il ressort du
Règlement Intérieur de l'Assemblée Nationale du Cameroun
que celle-ci comporte neuf (09) commissions générales. Parmi ces
commissions, il y en a qui traitent des questions portant sur les changements
climatiques, tout au moins de manière induite. C'est le cas de la
« Commission de la Production et des Echanges : agriculture,
élevage, eaux et forêts, chasse, pêche, énergie et
industries, tourisme, recherche scientifique, consommation, commerce
intérieur et extérieur...»70. Ces secteurs
portent sur les changements climatiques. Cependant, la question de
sincérité des contrôles que pourrait mener cette commission
demeure en vigueur.
70 Voir L'alinéa H de l'article 21 du
Règlement Intérieur de l'Assemblée Nationale (Loi n°
73/1 du 08 juin 1973 portant Règlement de l'Assemblée Nationale
modifié par :
- la loi n° 89/13 du 28 juillet 1989 ; - la loi n°
92/004 du 14 août 1992 ;
40
En outre, la Commission Nationale des Droits de l'Homme et
Libertés du Cameroun (ci-après : « CNDHL »)
peut contrôler l'application des instruments de lutte contre les
changements climatiques. Créée par la Loi N° 2004/016 du 22
Juillet 2004, la commission est chargée : « de la consultation,
l'observation, l'évaluation, du dialogue, de la concertation, de la
promotion et de la protection en matière de droit de l'Homme
»71. Pour réaliser ses missions, la Commission a
été constituée en sous commissions. Au rang de ces sous
commissions, il convient de préciser qu'il existe une sous-commission
des « questions spéciales ». Ce groupe de travail
traite des questions variées : la corruption et des droits de l'Homme,
droit à la paix, droit au développement et à un
environnement sain et les changements climatiques, pour ne citer que
celles-là. Dès lors, à travers cette sous-commission, la
CNDHL peut contrôler l'application des instruments juridiques
internationaux de lutte contre les changements climatiques72. Enfin,
la Commission Nationale Anticorruption (ci-après : « CONAC
») pourrait contrôler l'application des instruments juridiques
de lutte contre les changements climatiques. De fait, cette institution,
créée par décret n° 2006/088 du 11 mars 2006, est
chargée entre autres de mener des investigations pour la lutte contre la
corruption. D'autres organes administratifs interviennent dans le
contrôle de l'application des instruments juridiques pour veiller sur la
gestion des fonds alloués à la lutte contre les changements
climatiques. Il s'agit en réalité du Conseil de Discipline
Budgétaire et Financière (ci-après : « CDBF
»).
Quant à la société civile, les
associations et ONG, les médias ont une influence. Ces acteurs
interviennent soit parce qu'elles ont compétence dans le domaine de
l'environnement à l'instar du CED, soit parce qu'elles interviennent
dans le domaine de la gouvernance (à l'instar de Transparency
International). Ces associations réalisent des études et
établissent des rapports dans lesquels elles soulèvent les
manquements à l'activité de mise en oeuvre des mesures
environnementales de manière générale. Pour ce qui est des
médias, ils jouent le rôle de relais pour des critiques,
observations qui pourraient être faites en vue d'améliorer le
système d'application des instruments juridiques internationaux de lutte
contre les changements climatiques.
En conclusion, le suivi et le contrôle de l'application
des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements
climatiques se caractérisent par une diversité d'organes. En ce
qui concerne le suivi, il est constitué d'organes de suivi
internationaux composés d'organes politiques, administratifs et
techniques. Au niveau national, il y a le suivi réalisé par le
point focal et des outils de suivi. Quant au contrôle, il se
résume également aux
- la loi n° 93/001 du 16 août 1993 ;
- la loi n° 2002/005 du 02 décembre 2002 ; - la loi
n° 2014/016 du 09 septembre 2014).
71 Site de la Commission Nationale des Droits de
l'Homme et Libertés du Cameroun. http://www.cndhl.cm/
consulté le 11 août 2016.
72 Ibidem.
41
procédures nationales et internationales,
partagées entre les organes juridictionnels et non juridictionnels.
Cependant, ce suivi et ce contrôle présentent des limites, au
regard des insuffisances des organes chargés de les animer.
CONCLUSION DE LA PREMIERE
42
L'application des instruments juridiques internationaux de
lutte contre les changements climatiques par le Cameroun traduit la
volonté de ce pays. Cette volonté est expressive dans la
réception et l'exécution de ces instruments en droit camerounais.
Par ailleurs, les procédures nationales et internationales sont
adoptées pour le suivi de cette application. En outre, les organismes
nationaux et internationaux, à la fois juridictionnels et non
juridictionnels contrôlent l'application de ces instruments juridiques
internationaux de lutte contre les changements climatiques. Cependant, cette
volonté camerounaise est confrontée à un certain nombre de
difficultés.
SECONDE PARTIE : LES DIFFICULTES D'APPLICATION DES
INSTRUMENTS JURIDIQUES INTERNATIONAUX DE LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
43
44
L'application des textes juridiques internationaux relatifs
à la lutte contre les changements climatiques n'est pas aisée,
car il existe de nombreuses difficultés. Ces difficultés sont
observables dans tous les pays quel que soit leur niveau de
développement. La lutte contre les changements climatiques est
considérée comme une préoccupation de trop. Cela
entraîne dès lors une charge de plus. Si les pays
développés ne sont pas épargnés de ces
difficultés, il convient de relever que cet état des choses est
accentué dans les pays en développement tel que le Cameroun. En
effet, le Cameroun comme la plupart des pays en développement fait
encore face de manière, avec difficulté, aux problèmes
existentiels, tels que la réduction de la pauvreté à
travers le développement économique. L'objectif de
réduction de la pauvreté n'ayant pas encore été
atteint, on a du mal à admettre que vienne s'ajouter celui sur les
changements climatiques. L'application des instruments juridiques
internationaux y relatifs se limite-elle à la seule volonté du
Cameroun ? De cette interrogation, l'on retient que le processus d'application
des textes juridiques internationaux fait face à nombreuses
insuffisances (Chapitre III), lesquelles sont accentuées par de nombreux
obstacles (Chapitre IV).
CHAPITRE III : L'INSUFFISANCE DES MOYENS
45
On entend par moyen, ce qui sert à parvenir à
une fin. Ainsi, les moyens constituent un élément indispensable
pour atteindre le résultat escompté. Le terme « moyen »
est générique. Dès lors, par moyen on peut retenir les
ressources financières, la technologie, les ressources humaines. Dans le
cadre de l'application par le Cameroun des instruments juridiques
internationaux de lutte contre les changements climatiques, cette acception
large du terme moyen est de mise. En effet, l'application et le contrôle
de l'application de ces textes nécessite beaucoup de moyens dont la
disponibilité n'est pas toujours assurée. L'application de ces
instruments est un véritable chantier. Le Cameroun étant un pays
en développement, les moyens consacrés à l'application des
textes internationaux de lutte contre les changements climatiques sont
insuffisants. Cette insuffisance de moyens peut-elle plomber l'application de
ces textes ? L'insuffisance de moyens devrait-elle être un alibi pour un
Etat de se soustraire à ses engagements internationaux ? Il est certes
vrai que certains traités environnementaux, notamment ceux relatifs
à la lutte contre les changements climatiques, prévoient des
mécanismes d'assistance lorsqu'un Etat se retrouve en difficulté
dans l'application des instruments juridiques de lutte contre les changements
climatiques. Mais il n'en demeure pas moins que la responsabilité de
l'Etat défaillant peut être engagée. Avant toute chose, il
conviendra d'étudier l'ensemble des insuffisances dans l'application par
le Cameroun des instruments juridiques internationaux de lutte contre les
changements climatiques. Ainsi, l'on abordera les insuffisances des moyens
techniques et technologiques (Section I) et l'insuffisance de moyens financiers
(Section II).
SECTION I : L'INSUFFISANCE DES MOYENS TECHNIQUES ET
TECHNOLOGIQUES
Les moyens techniques et technologiques sont
indéniables pour la réalisation des actions aussi importantes que
celles relatives à l'application des instruments juridiques
internationaux de lutte contre les changements climatiques. Cependant, le
Cameroun, comme la plupart des pays en développement, fait face à
l'insuffisance de moyens. Le climat est un domaine complexe à plus d'un
titre. D'abord, le phénomène climatique est naturellement
dynamique, ce qui engendre la discorde entre les chercheurs sur causes
(anthropiques ou naturelles) des variations du climat. En plus, l'étude
des facteurs climatiques requiert beaucoup de moyens techniques et
technologiques. Les conséquences des changements climatiques ont un
champ d'application très large. En effet, les conséquences
climatiques exposent aux vulnérabilités économiques,
écologiques, sociales voire politiques. A titre de rappel, la
stratégie de lutte contre les changements climatiques adoptée
dans les instruments juridiques y afférents s'articule autour de la
réduction des émissions des GES et de l'atténuation des
conséquences climatiques. Ainsi, pour l'application de ces textes, le
46
47
Cameroun lance des plans d'action, des programmes, des
projets. Tout ceci nécessite des moyens techniques et technologiques
dont il ne dispose pas toujours. Pour y remédier, le Cameroun a recours
à l'aide des pays développés et les bailleurs de fonds
internationaux. Cette aide est-elle de nature à combler les
insuffisances du Cameroun dans ce domaine ? Assurément non. Dès
lors, il conviendra d'étudier l'insuffisance des moyens techniques
(Paragraphe I), pour s'appesantir sur l'insuffisance des moyens technologiques
(Paragraphe II).
|