4.2.2.3. La
libéralisation des tous les secteurs de l'activité agricole
La libéralisation des tous les secteurs de
l'activité, intervenue au lendemain de la crise économique, a
été un facteur important dans l'émergence de la production
vivrière et maraîchère au Cameroun, en particulier la
culture de la tomate dans l'arrondissement de Dschang. Devant la faillite des
organismes étatiques de contrôle, de suivi et d'encadrement des
paysans, et donc le désengagement de l'Etat vis-à-vis du secteur
agricole, les pouvoirs publics vont libéraliser tous les circuits de la
production agricole. De l'importation à la vente des intrants agricoles
en passant parla commercialisation des produits agricoles. Cette mesure
étatique va favoriser l'irruption des nouveaux acteurs dans le monde
rural au Cameroun.
4.2.2.4.Le rôle de
l'État à travers le décret autorisant la création
des organisations paysannes
Dans le processus d'émergence de l'activité
maraîchère et vivrière en général et en
particulier de la culture de la tomate, l'État a joué un
rôle important. À travers la loi n°92/ 006 du 14 août
1992 précisant les modalités de création des
sociétés de coopératives et Groupes d'Initiatives Communes
(GIC) en remplacement de la loi n°73/15 du 07 décembre 1973,
portant statut des sociétés de coopératives
(ElongJ. G., 2005),l'État y a joué un rôle
décisif. Cette loi a favorisé un développement accru de
l'initiative communautaire. Ça et là, on observe une
multiplication des GIC et des coopératives de paysans.
4.2.2.5. L'irruption des
nouveaux acteurs
Consécutive à la loi de 1992qui autorisait la
création des GIC et des coopératives, l'arrondissement de
Dschang, à l'aube des années 1992-1993, enregistrera l'apparition
de nouveaux acteurs. Ceux-ci étant présents aussi bien dans la
commercialisation des intrantsque dans l'encadrement, la collecte et la vente
des récoltes. Cette situation afortement impacté cette partie du
pays, dans la mesure où elle a contribué au développement
de la synergie des efforts chez les paysans.Le tableau7nous montre la
répartition des organisations paysannes par département de la
région de l'Ouest au 30 Juillet 2004. Le constat qui se dégage
est celui de l'explosion de celles-ci dans la région de l'Ouest au
lendemain de la crise et après la signature du décret autorisant
leur création. Le seul département de la Menoua comptait à
cette date : 747 GIC, 13 unions des GIC, 1 Fédération des
Unions de GIC, 8 coopératives agricoles et 13 coopératives
d'épargne et de crédits, faisant un total de 782 organisations
rurales en 2004.Ainsi, la Menoua occupait la deuxième place en termes
d'organisations paysannes, juste après le département de la
Mifi.
Tableau 7 : Les organisations rurales inscrites
(coopératives et GIC) à la délégation
régionale de l'agriculture de l'Ouest au 30 Juillet 2004
N°
|
Département
|
GIC
|
UGIC
|
FUGIC
|
COOP.
|
UCOOP
|
COOPEC.
|
TOTAL
|
Observation/
Evaluation
|
1
|
Mifi
|
761
|
8
|
1
|
22
|
1
|
56
|
850
|
+24 Normale
|
2
|
Menoua
|
747
|
13
|
1
|
8
|
/
|
13
|
782
|
+37 Rapide
|
3
|
Noun
|
717
|
10
|
/
|
11
|
1
|
11
|
752
|
+44 Rapide
|
4
|
Bamboutos
|
532
|
7
|
/
|
7
|
/
|
10
|
556
|
+16 Lent
|
5
|
Haut Nkam
|
420
|
12
|
1
|
5
|
/
|
8
|
446
|
+18 Lent
|
6
|
Hauts plateaux
|
290
|
10
|
/
|
4
|
/
|
4
|
305
|
+3 Très lent
|
7
|
Ndé
|
282
|
1
|
/
|
2
|
/
|
7
|
292
|
+32 Rapide
|
8
|
Koung-Khi
|
199
|
2
|
/
|
2
|
/
|
4
|
207
|
+7 Très lent
|
TOTAL
|
/
|
3948
|
63
|
3
|
61
|
2
|
112
|
4190
|
+ 181 Rapide
|
O.I: Organisation inscrite à la
délégation régionale de l'agriculture et du
développent rural
GIC: Groupes d'initiative commune
UGIC: Union des groupements d'initiative
commune
FUGIC : Fédération des unions
des groupements d'initiative commune
COOP. : Coopérative
COOPEC: Coopérative d'épargne et
de crédit
|
Source : Délégation
régionale de l'agriculture de l'Ouest
En plus de ces GIC et coopératives rurales, les
nouveaux acteurs privés vont également prendre le monopole de la
commercialisation des intrants et du financement des microprojets à
l`instar des établissements de micro-finance telque la MC2.
Boostant de ce fait l'activité agricole et l'investissement
individuel.
Seulement deux décennies séparent la crise
économique de la prééminence de la culture de la tomate
dans l'arrondissement de Dschang. Cette prééminence est
juxtaposée à la conjonction d'une pléthore de facteurs
endogènes et exogènes. La générosité de
l'environnement naturel (conditions agro-écologiques favorables)
combinée au dynamisme des jardiniers, auxquels s'ajoutent les
conséquences de la crise, les lois relatives aux GIC et
coopératives et surtout l'explosion de la demande des centres urbains ou
des grossistes pour l'exportation sont autant d'éléments
considérés comme facteurs de l'émergence de la culture de
la tomate dans cet arrondissement. Arrondissement qui hier encore était,
à l'exemple de tous ceux de l'Ouest, un bassin caféier ;
aujourd'hui, il est un important pôle de production de tomate. Dans ce
processus de développement de la culture de la tomate dans cet espace,
quels sont les principaux acteurs impliqués et leurs rôles
respectifs ?Quelles sont les stratégies endogènes ou
paysannes mises en oeuvre pour cette cause ? Les réponses à
ces interrogations constituent l'essence du chapitre suivant.
Figure 30 : Schéma synoptique du chapitre
IV
Les facteurs de l'émergence de la culture de la tomate
dans l'arrondissement deDschang
§ Sur le plan climatique
§ Sur le plan pédologique
§ Le dynamisme des jardiniers
§ Le rôle des migrations
§ Le rôle de l'université
EMERGENCE DE LA CULTURE DE LA TOMATE DANS
L'ARRONDISSEMENT DE DSCHANG
Les facteurs internes
Les facteurs externes
Un milieu écologique particulièrement propice
Les facteurs humains : moteurs de l'émergence
§ La crise économique et ses multiples
conséquences
§ L'explosion de la demande dans les centres urbains
§ La libéralisation des tous les secteurs de
l'activité agricole
§ Le rôle de l'État à travers le
décret autorisant la création des organisations paysannes
§ L'irruption des nouveaux acteurs
TROISIEME PARTIE:
PRESENTATION, VERIFICATION DES HYPOTHESES, CRITIQUE DES
RESULTATS ET RECOMMANDATIONS
Cette partie est le lieu de la mise en évidence des
stratégies de développement de la culture de la tomate dans
l'arrondissement de Dschang ainsi que de la vérification des
hypothèses de recherche formulées plus haut. Elle
débouchera par la suite à la critique de nos résultats eu
égard à la démarche méthodologique qui a
été mobilisée et les données qui ont
été collectées. Elle s'achèvera sur la formulation
des recommandations inhérentes à notre recherche.
CHAPITRE V :
DÉVELOPPEMENT DE LA CULTURE DE LA TOMATE DANS
L'ARRONDISSEMENT DE DSCHANG: FONDEMENTS, ACTEURS, STRATÉGIES,
CONSÉQUENCES ET PROBLÈMES
Au lendemain de la crise économique, l'arrondissement
de Dschang va connaître deux faits majeurs : dans un premier temps
une reconversion quasi-générale vers l'activité
maraîchère et vivrière et particulièrement la
culture de la tomate, dont les rendements et les revenus monétaires sont
de plus en plus considérables ; ensuite, une diversification du
paysage des acteurs dont l'interaction conjointe a conduit au
développement de l'activité maraîchère et donc de la
culture de la tomate. Quels sont ces acteurs ? Quels sont leurs
rôles et stratégies respectifs ? Quelles en sont les
conséquences sur la production ? Il sera donc question dans ce
chapitre de mettre en relief la typologie des acteurs impliqués dans le
développement de la culture de la tomate dans l'arrondissement et leur
rôle respectif. Ce chapitre insistera sur les fondements du
développement de la culture de la tomate dans l'arrondissement de
Dschang, les stratégies des acteurs, en l'occurrence des paysans, ainsi
que les conséquences inhérentes à l'interaction des ces
stratégies. Il s'achèvera sur la présentation des
problèmes auxquels font face les jardiniers de l'arrondissement.
5.1. Fondements du développement de la culture de
la tomate
Le développement de l'activité
maraîchère et de la culture de la tomate en particulier, tient
à 2 principaux fondements :
Ø Le souci d'amélioration des conditions de vie
des populations
Ø La politique de la relance de la production
vivrière au Cameroun et dans l'arrondissement de Dschang en
particulier
5.1.1. Le souci d'amélioration des
conditions de vie des populations
Au lendemain de la crise, l'amélioration de la situation
de la microéconomie familiale et donc du niveau de vie, constitue une
priorité pour les paysans. Les conséquences de cette crise furent
telles que le niveau de vie des populations avait considérablement
régressé. Car : « [...] le revenu des
planteurs avait baissé de 83% entre 1985 et
1997 ».(Ngouanet, 2001)
Face à cette situation, et étant donné le
fait que l'activité caféière ne nourrissait plus son
homme, la recherche de nouvelles sources de financement dans les ménages
prévalait. L'activité maraîchère et
particulièrement la culture de la tomate apparaissait à cette
période et dans cet arrondissement comme l'une des seules, sinon
l'unique, alternative pour les paysans de rapporter des revenus dans les
foyers. D'autant plus que l'activité maraîchère, par
opposition à la caféiculture, est une activité dont les
revenus sont fiables et échappent aux exigences internationales. Cette
situation va accroître l'intérêt des paysans pour la culture
de la tomate d'autant plus qu'elle est loin d'être une culture annuelle.
Elle peut être pratiquée sur plusieurs cycles au cours de
l'année (plus de 4 cycles/an). Le tableau 8
présente la proportion par groupement des réponses en suivant la
variable« raisons de la pratique de la
culture de la tomate ». L'analyse qui en découle permet
de constater que dans l'ensemble, la population enquêtée, soit un
pourcentage de 69,60% s'est tourné vers la culture de
la tomate, principalement pour améliorer le quotidien. Etant
donné que celle-ci se pratique pendant au moins deux cycles de cultures
par an, elle apparaît comme une spéculation très importante
du point de vue de sa rentabilité monétaire.
Tableau 8: Répartition des jardiniers selon
l'intérêt pour la culture de la tomate
Groupements
|
Raisons de la pratique de la culture de la
tomate
|
Total
|
Emploi
|
Améliorer les conditions de vies
|
Facile à cultiver
|
Foréké-Dschang
|
7
|
34
|
3
|
44
|
Foto
|
17
|
31
|
0
|
48
|
Fotetsa
|
4
|
6
|
0
|
10
|
Total
|
28
|
71
|
3
|
102
|
Pourcentage(%)
|
27,45
|
69,60
|
2,95
|
100
|
Source : Enquête de terrain, janvier
2013
5.1.2. La politique
gouvernementale de relance de la production vivrière au
Cameroun
Pour l'État, la
diversification et l'accroissement des productions vivrières au
lendemain de la crise se trouve être plus qu'une exigence.
L'amélioration des conditions de vie des populations mais bien plus
l'accroissement de ces productions et des exportations, donc la rentrée
des devises, justifient la politique étatique de relance de la
production vivrière. Cette dernière, qui s'est
déroulée en quatre principales phases, est marquée au
départ par une période de latence avant de connaître son
véritable couronnement au cours de la décennie
2000-2010 :
v La phase de
sensibilisation (1990 - 1995) : qui est la phase suivant
l'élaboration de la nouvelle politique agricole de l'Etat. Elle fut
axée uniquement sur la sensibilisation.
v La phase d'implémentation (1996 -
2001) : Après la phase de sensibilisation, ce fut celle de
l'implémentation de la politique de relance proprement dite. Cette
étape fut également marqué par le développement
effréné des GIC et de ce fait de la mobilisation de l'Etat afin
d'appuyer les paysans.
v La phase active (2002 - 2011) : S'agissant
de la troisième phase de cette politique, elle est
caractérisée par la mise sur pied et l'opérationnalisation
d'une multiplicité de projets et de programmes-cibles à l'instar
du programme ACEFA ou encore PNVRA. (Annexe 5), à
travers lesquels les paysans bénéficient de l'appui multiforme de
l'Etat et de ses partenaires de développement. Cette phase a
été très active à partir de 2006, date à
laquelle le Cameroun a atteint le point d'achèvement de l'initiative
PPTE. Marquant ainsi la reprise de la croissance économique depuis la
crise et la dévaluation.
v L'agriculture de seconde génération
depuis 2011 : Dernière étape de cette politique de
relance de la production vivrière au Cameroun, cette étape est
plus récente, et fut officiellement lancée en 2011 lors de la
tenue du comice agro-pastoral d'Ebolowa. Cette phase a pour objectif principal,
la transformation de l'agriculture traditionnelle camerounaise en une
agriculture moderne, à même de garantir à la fois
l'amélioration des conditions de vie des paysans et la rentrée
des devises.
|