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Argumentation et soliloque: une étude sémiotique dans les tragédies de Shakespeare

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par Marine Garel
Université Lumière Lyon 2 - Sciences du langage 2016
  

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Conclusion

Tout comme les autres formes d'échange, le soliloque est un discours complexe. Entre un interlocuteur peu ordinaire et un contenu purement réflexif et parfois irrationnel, il se distingue néanmoins des autres échanges.C'est dans un contexte totalement indépendant d'autrui, que l'énonciateur fait appel au soliloque pour faire un point et avancer dans son plan d'action. Le soliloque est un monologue non-adressé qui remet en cause la solitude mais qui la recherche dans un même temps. C'est pourquoi nous lui attribuons ce côté paradoxal. Il constitue une certaine unité qui met en avant sa structure abandonnique au travers d'un personnage rempli d'états d'âme. Le soliloque ne peut être confondu avec le monologue qui lui, est adressé ; ni avec le dialogue qui nécessite au moins deux interlocuteurs et obéit à des règles.

Au théâtre, l'argumentation est vue comme indirecte car le dramaturge transmet son message au travers d'une fiction pour la plupart du temps, amuser le lecteur tout en l'amenant à réfléchir. Elle est également vue comme étant principalement dialogale puisqu'elle fait partie d'un circuit d'échange où se mêlent diverses formes de discours : le dialogue, le monologue, le soliloque, l'aparté. Le théâtre est un art qui maîtrise le dialogue et notre première impression nous amène à affirmer qu'il y a une sorte de délibération entre les personnages. Par ailleurs, l'argumentation dans les tragédies de Shakespeare se manifeste par le biais de personnages en constante recherche d'un acte à planifier et à accomplir. Un acte qui les mènera à leur perte au moment du dénouement. Enfin, l'argumentation peut être liée à une même notion sans pour autant les confondre : la notion de manipulation.

Au vue de nos trois analyses, nous pouvons affirmer que l'argumentation se manifeste bel et bien dans le soliloque. Elle prend forme indirectement et n'est pas reconnaissable à première vue du fait de la question de l'interlocuteur. Elle apparaît cependant au travers d'une même notion au sein du soliloque : au travers du doute, de l'incertitude. Nos trois personnages sont confrontés face à une incertitude concernant une action à mener. A chaque fois, ils pèsent le pour et le contre mais prennent toujours une décision. Cette décision ne sera peut-être pas la bonne et aura sûrement des conséquences à terme mais il est nécessaire d'évaluer la vérité même si les personnages ne l'atteignent pas réellement et peuvent rester dubitatif face à leurs choix. Outre un pur moment de réflexion et un accès à l'esprit du locuteur, le soliloque n'apporte guère de réponse aux personnages mais participe quand bien même à l'intrigue puisqu'il est un moment clé pour le lecteur qui a un accès aux pensées profondes du personnage. Richard III, Macbeth et Hamlet sont autant les uns que les autres sceptiques en ce qu'ils n'accèdent pas à la vérité en tant que telle. Les sceptiques sont en constante recherche d'une vérité absolue. Hamlet se pose une question existentielle dans son discours : qu'il y a-t-il après la mort ? C'est une interrogation totalement sceptique puisque nul homme ne peut répondre à cette question. Il ne s'agit pas en fait d'affirmer qu'il ne peut rien y avoir du tout mais de chercher plusieurs possibilités. Les locuteurs énoncent des opinions contradictoires, c'est pour raison que nous avons deux discours dans ces soliloques.

Si nous devions donner une suite à ce mémoire, une étude plus détaillée sur le soliloque serait envisagée, mais cette fois-ci, en privilégiant le côté des émotions, des passions. Il serait question d'étudier les raisons et les possibilités de ces états d'âmes et de ces émotions dans le théâtre shakespearien et de les analyser particulièrement dans le soliloque, forme de discours complexe en ce qu'il mobilise lui-même une figure complexe : le sujet individuel. Le sujet sera ainsi considéré comme étant le centre de cette analyse ; c'est-à-dire qu'il ne s'agira pas d'étudier les émotions du côté du spectateur du théâtre mais du côté du personnage en soulignant les intentions de ce dernier.Pour approfondir cette étude sur le personnage, nous aurons recours à la pragmatique et au concept d'acte de langage d'Austin et de Searle en insistant sur l'acte illocutoire (production d'un énoncé) et sur l'acte perlocutoire (effets produits). Nous utiliserons principalement la sémiotique des passions et la sémiotique narrative afin de parvenir à des analyses plus approfondies. La psychologie nous aiderait également pour mieux comprendre les différents mécanismes émotionnels en tant que tels.Nous mettrons enfin l'accent sur la dimension philosophique des passions, en passant par les émotions en tant que maladie de l'âme chez Kant aux émotions en tant que libération de la vie chez Hegel par exemple.

Par ailleurs, nous essaierons de dresser une typologie du locuteur pour le soliloque.La problématique sera donc la suivante : comment le soliloque, procédé de technique dramatique et complexe, véhicule-t-il les affects et les émotions au travers d'une seule figure ayant à la fois le statut de locuteur et d'interlocuteur ?Enfin, le corpus serait constitué de soliloques tirés des pièces de Shakespeare. Les soliloques seront choisis suivant le type de locuteur et les émotions qu'ils font paraître. C'est-à-dire que nous ne choisirons pas des soliloques véhiculant les mêmes émotions ou les mêmes affects sinon l'analyse serait toujours la même. Etant donné du nombre d'émotions que nous pouvons retrouver dans ces pièces de théâtre, nous pensons qu'analyser au moins quatre ou cinq soliloques seraient pertinents pour rendre compte au mieux des raisons de ces émotions.

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