b. L'utilité du
soliloque dans l'argumentation
Comme nous l'avions affirmé, le soliloque tient une
place importante dans le théâtre shakespearien, encore plus dans
ses tragédies que dans ses comédies : que nous prenons
The Tempest ou A Midsummer Night's Dream, les soliloques
restent des moindres.Nous avions également affirmé que le
soliloque possédait des fonctions et qu'il était utilisé
pour certaines raisons. Evidemment, il s'agissait du point de vue des
personnages en relation avec leurs discours (deuxième
énonciation). Mais, si nous nous plaçons du côté de
la première énonciation c'est-à-dire celle de l'auteur et
de son texte, nous pouvons ajouter que Shakespeare utilise le soliloque pour
que le lecteur prenne conscience du plan d'action du protagoniste en le voyant
sous une forme autre que celle en présence des autres personnages.Ce qui
amènerait à une autre raison : celle de renforcer le
côté tragique de la pièce.
Les tragédies shakespeariennes mettent en avant des
familles nobles ou ayant du pouvoir. Le protagoniste appartient à cette
famille et se retrouve souventconfrontéentre son propre bonheur et son
honneur. La place pour l'action est minime dans les scènes puisque le
dialogue, les monologues et les soliloques que nous trouvons, prennent le
dessus. Nous ne saurons jamais la véritable raison qui a poussé
le dramaturge à mettre autant de soliloque dans ses textes. Ce qui est
certain, c'est que Shakespeare accordait au soliloque une place et une
nécessité quelconque. La forme est un élément
clé et renforce le scepticisme des pièces.Par ailleurs, les
soliloques de Shakespeare suivent presque toujours le même schéma
(Annexes 2).
Pour résumer ce schéma, nous dirions
premièrement que le protagoniste qui soliloque le fait car il a
été poussé à le faire : quelque chose ou
quelqu'un est venu perturber et a agi sur sa conscience. Nous appellerons cela
le déclencheur (ou causateur). Le déclencheur peut être
d'ordre naturel comme une idée de vengeance : Hamlet qui veut se
venger de Claudius, son oncle. Il peut être d'ordre émotionnel tel
que la jalousie ou l'ambition : Macbeth qui veut prendre le pouvoir par
ambition. Il peut enfin être l'oeuvre d'autrui comme une
prophétie : Macbeth agit comme tel à cause de la
prophétie des trois sorcières. Le déclencheur peut
évidemment être de plusieurs natures à la fois. Nous avons
ensuite le soliloque en lui-même entrant dans la catégorie de la
réflexion. L'énonciateur y mêle pensée et langage.
Il utilise le langage comme une arme à un tel point que nous lecteurs,
nous sentons concernés par les propos. La réflexion est souvent
liée à une stratégie où le protagoniste met en
place un plan pour arriver à ses fins. Ce qui reste une indication au
lecteur qui peut suivre l'avancée du personnage dans sa quête (du
pouvoir par exemple).
La troisième partie concerne l'énonciateur en
lui-même. Dans les pièces de Shakespeare, les soliloques sont
souvent relatés par le protagoniste. Il arrive cependant que des
personnages secondaires adaptent eux-mêmes la forme du soliloque pour
donner leur avis sur la situation actuelle et parfois faire face à la
dure réalité de cette situation, ce qui rend la scène
pathétique (du point de vue du pathos). Quant au protagoniste, il
dévoile une autre facette de sa personnalité. Nous avons
l'impression d'avoir non pas une, mais deux personnes dans un seul corps. Il
faut aussi prendre en compte de la question du genre chez Shakespeare pour
affirmer que l'énonciateur qui soliloque est majoritairement
masculin.Par ailleurs, l'énonciateur est une figure complexe et combine
un thème récurrent chez le dramaturge : celui du corps. Ce
concept prend diverses tournures : il y a le corps blessé, le corps
manipulé, le corps meurtri et le corps représenté dans
toute sa beauté. Cependant, le thème de l'esprit semble lier
à celui du corps et rappelle le dualisme de Descartes. Enfin, les
conséquences concernent surtout les actions menées à la
suite de tous ces soliloques. En général, il s'agit d'un
assassinat ou de séduire une femme dans un but précis :
Richard III précise son intention de séduire Lady Anne (ce qu'il
arrivera à faire).Durant l'action le protagonisten'est pas seul à
agir. D'autres personnages sont convoqués pour mener à bien son
plan et sont considérés comme des complices de l'action.Nous
retrouvons finalement de la manipulation dans cette action : la
manipulation des complices du protagoniste et la manipulation de ses victimes.
|