b. La double facette
de l'argumentation littéraire
S'il est vrai que l'argumentation est indissociable du
discours comme l'affirmait Ruth Amossy, sa manifestation n'est pas la
même suivant le genre littéraire. Il est des genres où
l'argumentation est considérée comme étant directe,
c'est-à-dire que l'auteur en question n'utilise pas
d'intermédiaire pour faire passer sa thèse telle que la fiction.
Le message est explicite et le lecteur repère facilement ce dont il est
question. L'essai peut être considéré comme le genre
premier de l'argumentation directe où en effet, l'auteur expose
directement son point de vue. Tel est le cas dans les Essaisoù
Montaigne se livre en y mêlant scepticisme et épicurisme. Au
côté de l'essai, nous retrouvons le pamphlet, écrit
satirique qui dénonce le plus souvent une politique mal menée.
Dans Napoléon le Petit, Victor Hugo dénonce le coup
d'Etat de 1851 par Napoléon III en le critiquant violemment, ce qui
déclencha son exil à Jersey. Le plaidoyer est un genre où
l'orateur défend une idée ou un système. Dans son
Plaidoyer contre la peine de mort, Victor Hugo possède une
remarquable éloquence pour défendre la cause et de faire
adhérer le maximum de personnes possibles. A l'inverse, le
réquisitoire concentre un auteur qui est contre une idée ou un
système comme l'a pu faire Emile Zola dans J'accuseconcernant
l'affaire Dreyfus.
Est considéré comme une argumentation indirecte,
un écrit dans lequel l'auteur a eu recours à la fiction pour
faire passer son message. C'est par le biais d'un narrateur qu'il défend
sa thèse et le lecteur doit déduire le message jugé
implicite.L'apologue est l'exemple le plus adapté pour rendre compte de
cette argumentation indirecte. Il s'agit en effet, d'un court récit
servant à illustrer une morale. Il rejoint en ce sens la fable, elle
aussi contenant de l'argumentation purement indirecte. Dans le cas de
l'apologue, de la fable ou même du conte philosophique, les auteurs
cherchent à plaire et n'hésitent pas à utiliser des
personnages originaux pour renforcer ce côté ludique. La fable est
connue pour regorger d'animaux jouant le rôle de personnages. Les animaux
sont alors personnifiés et une histoire plaisante est racontée
tout en conservant une idée moralisatrice. D'ailleurs dans les
Fables de Jean de la Fontaine, la morale est toujours
explicitée à la fin. Le théâtre fait partie de cette
argumentation.Même si aujourd'hui le théâtre possède
d'autres fonctions, il n'en reste pas moins que l'auteur passe son message au
travers de ce caractère ludique et c'est au lecteur de deviner le
message. Dans l'Ile aux esclaves, Marivaux dresse un regard sur
l'homme au travers de ses personnages et utilise l'utopie pour critiquer les
« maîtres ». Enfin, le roman est un genre qui peut
être indirecte. Dans Germinal, Emile Zola nous donne une
description des mineurs. A travers eux, il défend indirectement les
démunis et se montre contre la misère.
L'argumentation indirecte se distingue de l'argumentation
directe par l'effet produit. C'est-à-dire que l'une prise un
caractère plaisant pour faire passer son message alors que l'autre
prône un caractère plus sérieux pouvant lasser certains
lecteurs.Qu'en est-il de son efficacité par rapport à une
argumentation directe ? Les deux formes se valent-elles ?
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