La carte nationale d'identité dans l'Adamaoua: 1960-2013( Télécharger le fichier original )par Gabana Jean Francis Université de Ngaoundéré - Master Recherches en histoire 2013 |
1-1. Les décrets et les lois instituant, organisant et contrôlant la carte nationale d'identité au Cameroun (1964-2007).Au Cameroun, la période postcoloniale qui débute à partir de 1960, est envisagée comme une période de configuration politique et sociale particulière. Cette période présente des caractéristiques spécifiques du point de vue de la mise en oeuvre de l'action politique et juridique. C'est dans cette optique qu'est né le système d'identification par le biais des lois et décrets traduisant ainsi l'idée républicaine du politique. Il s'agit d'inventorier les textes les plus importants qui régissent l'établissement de la carte nationale d'identité, tout en analysant leurs contenus. Ainsi, avant de parler des textes régissant la carte nationale d'identité, il est important d'expliciter, au préalable, le texte de base de la nationalité, puisqu'il s'agit de la sécurisation de cette nationalité. Chaque État souverainement reconnu définit les lois régissant l'attribution de la nationalité et détermine ainsi qui sont ses nationaux. L'accession du Cameroun français à l'indépendance en 1960 a levé les doutes sur l'existence d'une nationalité camerounaise et a rendu indispensable l'édiction d'une législation sur cette matière. Le code de la nationalité camerounaise comme tous les codes de nationalité, consacre une série d'articles à la nationalité d'origine, c'est-à-dire à la nationalité conférée à un individu au moment de sa naissance. Le problème est de savoir quel est le critère adopté pour déterminer cette nationalité d'origine. Les techniques sont en nombre limité ou bien le législateur tient compte de la filiation (jus sanguinis) ou bien il se base sur le lieu de naissance (jus solis); ou bien encore, il combine ces deux critères. Le code de nationalité camerounaise exige que l'enfant légitime soit né de « parents camerounais » sans donner une prééminence quelconque au père. Le pluriel semblerait indiquer que le père et la mère doivent posséder la nationalité camerounaise. Mais le rapprochement des articles 7 et 20 du code de la nationalité camerounaise71(*) montre que le père a une prédominance absolue puisque l'enfant possède sa nationalité même si la mère est étrangère alors que la nationalité camerounaise de la mère ne suffit pas à conférer à l'enfant cette nationalité lorsque le père est étranger. Ces règles sont conformes aux coutumes en vigueur au Cameroun (soudanaises dans le nord, bantoues dans le sud et Bamiléké dans l'ouest).72(*) De plus, la combinaison des deux critères dispose que l'enfant trouvé sur le territoire camerounais et dont les parents sont inconnus possède la nationalité camerounaise sauf s'il y a possibilité d'établir ultérieurement sa filiation. Par ailleurs, la nationalité camerounaise peut être acquise par effet de mariage, par déclaration de nationalité en raison de naissance, de résidence ou de l'adoption d'un enfant ou encore par réintégration des parents73(*). Dans la pratique, les magistrats de la juridiction civile sont les autorités habilitées à délivrer un certificat de nationalité camerounaise qui, en principe, constitue le document essentiel pour l'établissement et la délivrance d'une carte nationale d'identité au Cameroun. Cependant, il est judicieux d'examiner les lois et les décrets relatifs à l'institution, à l'organisation et au contrôle de la carte nationale d'identité au Cameroun. La loi est une disposition normative et abstraite posant une règle juridique d'application obligatoire. On distingue d'une part, les lois constitutionnelles qui définissent les droits fondamentaux, fixent l'organisation des pouvoirs publics et les rapports entre eux, les lois organiques qui structurent les institutions de la république et pourvoient aux fonctions des pouvoirs publics et d'autre part, les lois ordinaires74(*). Le décret quant à lui, est un acte, un arrêté, une décision du pouvoir exécutif ayant pour but d'assurer le fonctionnement des services publics et l'exécution des lois. Le décret est donc un complément de la loi, et se différencie de cette dernière du fait que les lois sont votées par les Assemblées législatives, tandis que les décrets sont rendus par les chefs d'État ou de gouvernement75(*). Dans le cadre de ce travail, nous allons nous appesantir sur les lois organiques qui structurent la carte nationale d'identité au Cameroun. L'état-civil est le document de base pour l'établissement d'une carte nationale d'identité au Cameroun. Né des cendres des arrêtés coloniaux du 30 juin 1917, du 16 mars 1935 et du 17 décembre 1948, la loi n°68/LF/2 du 11juin 1968 portant organisation de l'état-civil dans la république fédérale du Cameroun est le premier texte relatif à l'identification officielle au Cameroun. En effet, cette loi définit les modalités et les caractéristiques d'enregistrement et d'établissement des actes de naissance qui sont les documents de preuve de la nationalité camerounaise. Dans la composition de dossier de l'établissement d'une carte nationale d'identité, l'absence de l'acte de naissance compromet la délivrance de celle-ci. C'est pourquoi un intérêt public de cette loi s'attache à ce que toute personne vivant habituellement au Cameroun, même si elle est née à l'étranger soit pourvue d'un acte de naissance, ce qui garantirait, à cet effet, sa nationalité camerounaise. Cependant, pour mieux appuyer la politique d'identification au Cameroun, la loi n°69/LF/3 du 14 juin 1969 portant réglementation de l'usage des noms, prénoms et pseudonymes complète celle sur l'état-civil. Cette loi vient ainsi sécuriser et officialiser l`identité des citoyens camerounais. Elle stipule en son article 1 que : « les agents publics sont tenus de designer les citoyens dans les actes officiels par leurs noms, prénoms et éventuellement leurs surnoms ». De ce qui précède, il faut noter que le nom est un élément essentiel pour l'établissement de la carte nationale d'identité au Cameroun. C'est le premier identificateur. Le décret n° 64-DF-394 est celui qui institua la carte nationale d'identité au Cameroun. Par ce décret, la délégation à la sûreté fédérale (DSF) est l'organe tutélaire de l'établissement des cartes nationales d'identité au Cameroun. Ainsi, ce décret précise que la carte nationale d'identité est délivrée par les commissaires et les chefs de circonscriptions territoriales auxquels le directeur de la sûreté fédérale délègue sa signature. Par ailleurs, la validité de la carte nationale d'identité est précisée dans ce décret à 10 ans76(*). Au cours de la même année, la loi n° 64-LF77(*), rend la possession de la carte nationale d'identité obligatoire pour tout citoyen camerounais ayant atteint l'âge de 18ans. Désormais, la carte nationale d'identité doit être présentée à toute réquisition de l'agent de la force de l'ordre. La contravention (falsification, cession, contrefaçon du document d'identité) à ladite loi, est punie soit d'une amende de 60000 FCFA ou d'un emprisonnement ne pouvant excéder un an. Ensuite, la loi n° 90-54 du 19 décembre78(*)institue le contrôle d'identité des personnes au Cameroun. En fait, l'exégèse de cette loi permet de déduire qu'il existe deux types de contrôle d'identité : le contrôle de la gendarmerie et le contrôle administratif. Elle précise dans son article premier que l'identité de toute personne peut être contrôlée dans le cadre des opérations du maintien de l'ordre publique. Ce contrôle peut être réalisé par les autorités administratives et par les agents de la force de l'ordre en vue de rétablir l'ordre public lorsqu'il est troublé. Par ailleurs, d'après cette loi, le contrôle d'identité peut également être effectué à tout moment et en tout lieu notamment au cours de la traversée d'une circonscription administrative ou par des patrouilles des militaires de la gendarmerie, et de la brigade quel que soit leurs grades et leurs qualités. Il s'agit là d'un contrôle préventif d'identité. La gendarmerie détient en permanence le droit de contrôler l'identité de toute personne rencontrée. Ce contrôle concerne aussi les automobilistes et les occupants des véhicules.79(*)Les attributions similaires sont conférées à la police camerounaise d'assurer le respect et la protection des institutions, des libertés des personnes, du maintien de l'ordre et de la sécurité publique. Plus de trois décennies après l'institution de la carte nationale d'identité, le décret du 20 juillet 1999, redéfinit les caractéristiques, les modalités d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité. C'est en fait, une nouvelle procédure d'établissement qui, progressivement a été mise en place dans les postes d'identification. Ce décret fixe ainsi un délai maximum de 24 mois pour remplacer l'ancienne carte nationale d'identité. Dès lors, ce décret apporte quelques innovations dans le processus d'établissement de la carte nationale d'identité au Cameroun. Désormais la carte nationale d'identité est établie et délivrée à partir d'un certificat de nationalité ou d'une attestation d'état-civil. Cependant, ce décret abroge celui de 1964 précédemment cité, en confiant uniquement l'établissement et la délivrance de la carte nationale d'identité à la délégation générale à la sûreté nationale. Désormais, le délégué général à la sûreté nationale est la seule autorité habilitée à signer les cartes nationales d'identité au Cameroun. Ce décret est abrogé par celui du 4 septembre 2007 qui apporte juste une légère modification au niveau de la dimension de la carte nationale d'identité. * 71 Voir le code de la nationalité camerounaise de 1968. * 72 M. Biéville, 1961, «La nationalité en Afrique : la nationalité camerounaise », Revue d'outre-mer, p. 600. * 73 Voir le code de la nationalité camerounaise, précisément le chapitre3, les paragraphes 1 ; 2 et 3. * 74 Dictionnaire Universel Larousse, 1997, p. 926. * 75 Ibid., p.431. * 76 Voir article 3 et 6 dudit décret. * 77 Voir la loi n° 64-LF du 13 novembre 1964 rendant obligatoire la carte nationale d'identité. * 78 Loi n° 90-54 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l'ordre au Cameroun. * 79 Article 59 de ladite loi. |
|