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Le quantitative easing européen réussira t-il à  redonner une certaine crédibilité à  la BCE ?

( Télécharger le fichier original )
par Vincent Farcy
ICN Business School - Programme Grandes Ecoles 2016
  

Disponible en mode multipage

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    LE QUANTITATIVE EASING EUROPEEN RÉUSSIRA T-IL À REDONNER UNE CERTAINE CRÉDIBILITÉ À LA BCE ?
    MÉMOIRE DE FIN D'ETUDES
    Présenté et soutenu publiquement le 24/05/2016
    Pour l'obtention du Diplôme ICN Grande Ecole (avec grade de Master)
    par
    Monsieur Vincent FARCY

    Composition du jury :

    Président : Monsieur le Professeur Michel VERLAINE

    « J'atteste que ce travail est personnel, cite en référence toutes les sources utilisées et ne comporte pas de plagiat »

    « J'atteste que mon mémoire n'est pas confidentiel et j'autorisesa diffusion en ligne par ICN Business School à des fins pédagogiques, avec accès réservé à la communauté ICN ».

    REMERCIEMENTS

    Je tiens à remercier le professeur Michel Verlaine pour son suivi attentif et pour ses conseils avisés prodigués tout au long de la réalisation de ce mémoire.

    Je remercie aussi Michel Farcy et Manon Lebeugle pour leur soutien et pour leur aide précieuse.

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION 5

    1. LA BCE A DÛ FAIRE FACE À UNE CRISE PROFONDE QUI NE PERDURE QU'EN ZONE EURO 6

    1.1. LA BCE : UNE STRUCTURE COMPLEXE ET UN FONCTIONNEMENT UNIQUE 6

    1.1.1. OBJECTIFS, MISSIONS ET STRATÉGIE MONÉTAIRE DE LA BCE 7

    1.1.2. LA BCE DISPOSE D'INSTRUMENTS CONVENTIONNELS 8

    1.1.3. LA BCE EST RÉGIE PAR UN DEVOIR D'INDÉPENDANCE ET DE TRANSPARENCE 10

    1.2. UNE CRISE GRAVE MAIS RELATIVEMENT COURTE, SAUF EN ZONE EURO 11

    1.2.1. UNE CRISE FINANCIÈRE SYSTÉMIQUE NÉE DES EXCÈS DU CRÉDIT IMMOBILIER AMÉRICAIN 12

    1.2.2. UNE CRISE FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE PROFONDE MAIS RELATIVEMENT COURTE 14

    1.2.3. UNE CRISE DE LA DETTE SOUVERAINE A PRIS LE RELAIS EN ZONE EURO 17

    2. LA BCE A SA PART DE RESPONSABILITÉ DANS CET ÉCHEC 19

    2.1. LA BCE AVAIT LES CARTES EN MAIN 19

    2.1.1. ELLE POUVAIT S'APPUYER SUR LES EXPÉRIENCES DU PASSÉ 19

    2.1.2. ELLE SEMBLAIT PLUS AVANTAGÉE QUE LA FED CONCERNANT LES INSTRUMENTS À SA DISPOSITION 20

    2.2. LE MAINTIEN DU PRINCIPE DE SÉPARATION PROUVE QUE LA BCE S'EST FOCALISÉE SUR L'OBJECTIF DE STABILITÉ DES PRIX, AU DÉTRIMENT DE LA CROISSANCE 21

    2.2.1. LA POLITIQUE MONÉTAIRE CONVENTIONNELLE DE LA BCE PROUVE QU'ELLE N'AVAIT PAS PRISE LA PLEINE MESURE DE LA CRISE 21

    2.2.2. LES MESURES NON CONVENTIONNELLES DE LA BCE TRADUISENT UN MANQUE DE VOLONTARISME CERTAIN 24

    2.3. LA BCE N'A PAS RÉUSSI À ASSURER LA STABILITÉ FINANCIÈRE DANS LA ZONE EURO ET A MIS EN DOUTE L'INTÉGRITÉ DE LA ZONE EURO 27

    2.3.1. LA BCE DOIT ACCORDER PLUS D'IMPORTANCE À LA STABILITÉ FINANCIÈRE ET À LA SUPERVISION MACRO-PRUDENTIELLE 27

    2.3.2. LA BCE N'A PAS RÉUSSI À ISOLER LA CRISE GRECQUE ET A MIS EN DOUTE L'INTÉGRITÉ DE LA ZONE EURO 29

    3. L'INTERVENTIONNISME ASSUMÉ PAR LA BCE ÉTAIT ATTENDU, MAIS AURA-T-IL ÉTÉ SUFFISANT POUR ANNONCER UNE REPRISE EN 2016 ? 34

    3.1. LA BCE, AVEC L'ARRIVÉE DE DRAGHI, S'ENGAGE DANS UNE POLITIQUE PLUS VOLONTARISTE 34

    3.1.1. AVEC LE PROGRAMME OMT, LA BCE A RASSURÉ LE MARCHÉ DE LA DETTE ET PRÉSERVÉ L'INTEGRITÉ DE LA ZONE EURO 34

    3.1.2. LA BCE A FAIT DES PROGRÈS EN TERME DE TRANSPARENCE ET DE COMMUNICATION 35

    3.1.3. LA BCE A ENFIN LANCÉ SON QUANTITATIVE EASING 36

    3.2. MALGRÉ DES MARCHÉS RASSURÉS, LES RÉSULTATS NE SONT TOUJOURS PAS LÀ 41

    3.2.1. LES INDICATEURS NE SONT TOUJOURS PAS AUX NIVEAUX ATTENDUS 41

    3.2.2. LES CANAUX DE TRANSMISSION DU QUANTITATIVE EASING À L'ÉCONOMIE RÉELLE SONT PLUS OU MOINS EFFICACES 43

    3.2.3. LE QUANTITATIVE EASING POURRAIT DEVENIR UN OUTIL INEFFICACE, VOIR RISQUÉ 45

    CONCLUSION 48

    BIBLIOGRAPHIE 50

    ANNEXES 53

    1. INTRODUCTION

    Depuis le 1er Janvier 1999, la Banque centrale européenne (BCE) est responsable de la mise en oeuvre de la politique monétaire dans la zone euro, deuxième économie mondiale après celle des Etats-Unis. La BCE est le fruit de la construction européenne et de la convergence vers une monnaie et une politique monétaire communes.

    Mon mémoire part d'un double constat : née aux Etats-Unis, la crise économique et financière de 2008 a touché tous les pays développés, mais parmi les pays développés, seule la zone euro a été atteinte par une deuxième crise, celle de la crise de la dette souveraine à partir de 2010, ce qui peut être interprété comme un échec. En effet, à la fin de l'année 2014, la zone euro et les Etats-Unis affichaient des situations économiques bien différentes : alors que les Etats-Unis connaissaient une reprise franche avec une croissance à 2,4%, un taux de chômage proche de son niveau naturel à 5,9% et une inflation à 0,8%, la zone euro semblait encore loin d'une sortie de crise avec une croissance faible à 0.9%, un taux de chômage élevé à 11,8% et une inflation à 0,4%.

    Afin de comprendre ces constats, il me semble légitime de nous poser un certain nombre de questions : Quelles différences de traitements de la part de la BCE et de sa consoeur américaine pour la crise financière et économique de 2008 pouvons nous relever ? Quelle part de responsabilité doit-on accorder à la BCE dans cet échec ? Sa crédibilité s'en est elle retrouvée impactée ? L'arrivée d'un nouveau président à sa tête en novembre 2011 a t-elle changé la donne ?

    Ce mémoire s'attachera donc à étudier si les mesures prises à partir de janvier 2015 dans le cadre du programme d'achat massif d'actifs, ou quantitative easing (QE), auront permis de redonner une certaine crédibilité à la BCE.

    Dans un premier temps, nous chercherons à comprendre pourquoi la BCE fait face à une crise qui perdure seulement en Europe. Dans un deuxième temps, nous analyserons la part de responsabilité de la BCE dans cette crise. Enfin, nous étudierons si le volontarisme affiché par Mario Draghi aura suffi à redonner de la crédibilité à l'action de la BCE.

    2. La BCE a dû faire face à une crise profonde qui ne perdure qu'en zone euro

    La BCE se différencie des autres banques centralesdu fait de sa structure complexe et de son fonctionnement unique. En septembre 2008, suite à la faillite de Lehman Brothers, elle s'est retrouvée, avec les autres banques centrales, à devoir faire face à une crise financière et économique mondialed'une gravité sans précédent. Au contraire des autres pays développés, qui ont su rebondir, la zone euro et la BCE ontdû lutter contre une seconde crise à partir de 2010 : la crise de la dette souveraine.

    2.1. La BCE : une structure complexe et un fonctionnement unique

    L'Eurosystème, organe de l'Union européenne, est constitué de la BCE et des banques centrales nationales (BCN) des Etats membres de l'Union européenne ayant adopté l'euro, soit à ce jour dix-neuf Etats1(*). Conjointement, la BCE et les BCN accomplissent les missions qui leur ont été conférées. Tandis que le processus de décision de la politique monétaire est centralisé au niveau de la BCE, le processus d'implémentation est lui décentralisé aux BCN. Ainsi, les BCN sont responsables de la bonne conduite des opérations de politiques monétaires et ce conformément aux instructions énoncées par le conseil exécutif de la BCE.

    La BCE comprend trois organes principaux :

    · Le directoire : composé d'un président, nommé pour huit ans, d'un vice-président et de quatre autres membres ; tous sont nommés par le Conseil européen.

    · Le conseil des gouverneurs : le principal organe de décision de la BCE. Il est composé des six membres du directoire et des gouverneurs des banques centrales nationales des dix-neuf pays de la zone euro, soit 25 membres2(*).

    · Le conseil général : composé du président et du vice-président de la BCE, ainsi que des gouverneurs de tous les Etats membres de l'Union européenne. Il représente le lien entre les banques centrales des Etats membres participants à l'union monétaire et celles des Etats membres non participants.

    2.1.1. Objectifs, missions et stratégie monétaire de la BCE

    L'article 127, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne définit l'objectif principal de l'Eurosystème : « L'objectif principal du SEBC (...) est de maintenir la stabilité des prix » (Official Journal of the European Union, 2012). Cela signifie garantir une inflation faible et maitrisée (juste en dessous de 2% par an). Contrairement à la banque centrale américaine, la BCE ne fait pas directement référence à un objectif principal de croissance ou d'emploi.

    Le traité rajoute : « Sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l'Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l'Union, tels que définis à l'article 3 du traité sur l'Union européenne »(Official Journal of the European Union, 2012). Les objectifs de l'Union en question sont « une croissance économique équilibrée, la stabilité des prix et une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social »(Official Journal of the European Union, 2012).

    L'importance relative accordée par la BCE à l'objectif de stabilité des prix sur ses autres objectifs s'explique d'une part par l'influence de la loi de la bundesbank de 19573(*)et par le consensus de la fin des années 1980 pour des banques centrales indépendantes orientées vers la stabilité des prix4(*).

    La stabilité des prix est désirable car elle permet d'atteindre des niveaux élevés d'activité économique et d'emploi. Au contraire, l'inflation créé de l'incertitude dans l'économie et celle-ci peut entraver la croissance économique. La stabilité des prix permet d'identifier plus facilement les changements de prix relatifs étant donné que ceux ci ne sont pas masqués par des fluctuations du niveau général des prix. Ainsi, cela permet une meilleure allocation des ressources et accroit le potentiel productif de l'économie. Cela réduit aussi le niveau de la prime de risque d'inflation dans le taux d'intérêt ce qui stimule l'investissement.

    En vertu de l'article 127, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les missions fondamentales relevant de l'Eurosystème consistent à :

    · Définir et mettre en oeuvre la politique monétaire de la communauté ;

    · Conduire les opérations de change ;

    · Détenir et gérer les réserves officielles de change des pays participants ;

    · Promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement.

    L'Eurosystème dispose également de missions non fondamentales :

    · L'émission des billets de banque ;

    · La contribution à la stabilité financière ;

    · La consultation et la collecte des informations statistiques ;

    · La coopération internationale et européenne.

    Pour parvenir à son objectif de stabilité des prix, La BCE a une stratégie monétaire à deux piliers :

    · Le premier pilier est le contrôle de la croissance de l'agrégat monétaire M3 qui se justifie par une relation positive entre croissance de la masse monétaire et inflation5(*).

    · Le second pilier est un suivi très attentif des facteurs qui affectent normalement les évolutions des prix à court terme. Il s'agit, par exemple, de l'évolution générale de la production, des conditions sur le marché des capitaux et sur le marché du travail, des évolutions du taux de change, de l'économie dans son ensemble ou de la balance des paiements.

    2.1.2. La BCE dispose d'instruments conventionnels

    Les instruments de la politique monétaire européenne sont l'ensemble des éléments sur lesquels peut intervenir la banque centrale pour modifier l'environnement monétaire. La BCE ne contrôle pas directement la quantité de monnaie mais influe sur le taux d'intérêt directeur en ajustant l'offre de monnaie. La BCE n'agit que sur les taux d'intérêt à très court terme. Pour cela, elle utilise principalement trois types d'instruments conventionnels : les opérations de refinancement, les opérations de facilité permanente et les réserves obligatoires.

    Les opérations de refinancement

    La BCE peut fournir de la liquidité aux banques en accordant des prêts contre mise en garantie d'actifs, appelés collatéraux, pour une durée limitée fixée à l'avance.

    Les principales opérations de refinancement des banques ont lieu une fois par semaine et ce, pour une maturité de deux semaines. Elles sont complétées une fois par mois par des opérations de refinancement à plus long terme, avec une fréquence mensuelle et une échéance de trois mois, et de manière exceptionnelle par des opérations de refinancement à très long terme. Aussi, des opérations de réglage fin sont effectuées de manière ponctuelle pour faire face aux fluctuations inattendues de la liquidité bancaire sur le marché et à son incidence sur les taux d'intérêt.

    Les opérations de refinancement se font par appel d'offres. De janvier 1999 à juin 2000, les appels d'offres avaient lieu à taux fixe. La BCE fixait le taux de refinancement et le montant de liquidité qu'elle souhaitait allouer. Les banques transmettaient leurs demandes de liquidité puis la BCE allouait la liquidité au prorata des demandes.

    Cette procédure ayant mené à une surévaluation des demandes de la part des banques, la BCE est passée en juillet 2000 à des appels d'offres à taux variables.La BCE fixe le taux minimum puis les banques transmettent les montants de liquidité demandés et le taux qu'elles sont prêtes à payer au-dessus du taux minimum. Enfin la BCE alloue la liquidité par ordre décroissant des taux proposés par les banques. Ce taux minimum, appelé taux de soumission minimal (Refi) est fixé par le comité des gouverneurs. C'est l'un des taux directeurs principaux de la BCE avec le taux de facilité de dépôt et le taux de facilité de prêt marginal.

    L'avantage des opérations de refinancement est qu'elles sont faites à l'initiative de la banque centrale contrairement aux facilités permanentes. La BCE dispose d'une grande marge de manoeuvre pour en fixer le montant et l'ajuster aux conditions de la liquidité sur le marché de la monnaie centrale. Ces opérations peuvent ainsi être mises en oeuvre rapidement.

    Les opérations de facilités permanentes

    Les opérations de refinancement sont complétées par des facilités permanentes qui sont des opérations permettant aux banques, à leur initiative, d'emprunter ou de déposer des fonds auprès de la BCE, à échéance 24 heures.

    Les banques peuvent ainsi obtenir de la liquidité au jour le jour, via les facilités de prêt, sur présentation d'actifs éligibles en quantité suffisante. Leur taux est cependant plus élevé que le taux des appels d'offres réguliers et fixe une borne supérieure pour le taux de l'argent au jour le jour.

    De même, les banques peuvent déposer sans limite leurs liquidités auprès de la banque centrale. Le taux d'intérêt de cette facilité fixe une borne inférieure pour le taux de l'argent au jour le jour.

    Les banques peuvent aussi obtenir de la liquidité au jour le jour sur le marché interbancaire, à un taux de marché décentralisé appelé EONIA (Euro Over-Night Index Average). Ce taux évolue dans un corridor borné par les taux des facilités marginales de prêt et de dépôt.

    Les réserves obligatoires

    Les réserves obligatoires sont des réserves financières que les banques et les autres établissements financiers doivent déposer auprès de la banque centrale. Les deux premiers instruments, opérations de refinancement et facilités permanentes, permettent à la banque centrale de réguler le taux de l'argent au jour le jour en agissant sur les conditions de l'offre sur le marché de la monnaie centrale. Le système des réserves obligatoires permet lui au contraire d'influencer les conditions de la demande. Il sert à limiter la variabilité des taux d'intérêt en agissant sur l'élasticité de la demande de monnaie centrale au taux d'intérêt.

    2.1.3. La BCE est régie par un devoir d'indépendance et de transparence

    « Conformément à l'article 108 du traité de l'Union européenne, dans l'exercice des pouvoirs et dans l'accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par le traité et par les présents statuts, ni la BCE, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des Etats membres ou de tout autre organisme.

    Les institutions et organes communautaires ainsi que les gouvernements des Etats membres s'engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la BCE ou des banques centrales nationales dans l'accomplissement de leurs missions » (Protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, chapitre III, Article 7).

    Permettre à la Banque centrale européenne de contrôler indépendamment les instruments de politique économique sans qu'il y ait interférence des leaders politiques, aide la banque à résister aux pressions politiques visant à réduire le chômage en dessous du taux naturel et à se focaliser sur son objectif principal de stabilité des prix. Cela permet d'éviter le problème d'incohérence temporelle, propension qu'ont les dirigeants politiques à revenir sur leurs promesses. En effet, les dirigeants politiques ont un horizon de court terme, celui des prochaines élections, et peuvent être tentés de mener une politique expansionniste avant les élections, puis d'adopter des mesures de stabilisation pour éliminer les conséquences inflationnistes. Cela va à l'encontre de la vision de long terme de la banque centrale.

    L'indépendance de la BCE se traduit principalement par le libre choix des instruments de la politique monétaire ; et par un budget indépendant de celui de l'Union européenne, souscrit et libéré par les BCN de la zone euro.

    Le devoir de transparence est une contrepartie importante au caractère indépendant de la BCE.

    La transparence implique que la banque centrale fournisse au grand public et aux marchés, ouvertement, clairement et en temps voulu, toutes les informations utiles concernant sa stratégie, ses analyses et ses décisions de politique monétaire ainsi que ses procédures.

    Cette communication adéquate, simple et riche rend la politique plus crédible et plus efficace d'autant plus que les décisions de politique monétaire ont un effet différé d'un à deux ans sur l'économie réelle.

    La transparence, en renforçant la crédibilité des annonces de politique monétaire permet d'agir sur la courbe des taux en façonnant les anticipations. Ainsi, elle facilite la transmission d'une hausse ou d'une baisse du taux de la politique monétaire aux rendements à long terme. Aussi, elle accentue l'efficacité de la politique monétaire qui n'agit que sur les taux à très court terme.

    La plupart des banques centrales, dont la BCE, considèrent que la transparence, à travers une communication efficace, revêt une importance capitale dans la bonne tenue de la politique monétaire. Des progrès substantiels ont été faits dans les dernières décennies. Par exemple, jusqu'en 1993, la FED ne communiquait pas sur ses décisions. Les progrès se sont intensifiés depuis la fin des années 2000 avec l'importance donnée à la « forward guidance » (ou guidage prospectif), indication quant à l'orientation stratégique que les banques centrales entendent suivre.

    2.2. Une crise grave mais relativement courte, sauf en zone euro

    Cette crise est d'abord le fruit d'un problème du marché hypothécaire américain (les subprimes). Elle s'est ensuite transmise aux marchés financiers, par le canal de la titrisation, puis aux banques et enfin à l'économie réelle. Le monde a connu une crise profonde mais relativement courte par rapport à celle de la Grande Dépression dans les années 1930. Sauf pour la zone euro qui a connu une deuxième crise, la crise de la dette souveraine à partir de 2010, dont elle ne semblait toujours pas sortie à la fin 2014.

    2.2.1. Une crise financière systémique née des excès du crédit immobilier américain

    Le risque systémique est un « événement soudain et généralement inattendu qui secoue les marchés financiers et les empêche d'acheminer efficacement le flux de capital là où les opportunités d'investissement sont les meilleures » (F.Mishkin, 2006).

    Les crédits subprime sont des prêts risqués accordés aux ménages américains disposant des revenus les plus modestes et les moins solvables, les NINJA6(*). Leur développement au début des années 2000 s'explique par un tryptique : une volonté politique de l'administration Bush de simplifier l'accès à la propriété7(*), une politique de taux directeurs extrêmement bas qui s'est quelque peu éloignée du taux directeur théorique d'une règle de Taylor classique et une bulle sur le marché de l'immobilier.

    Ces prêts subprime étaient octroyés par des établissements de crédit qui n'étaient pas des banques (« shadow banking » ou finance de l'ombre) et qui n'étaient donc pas soumis à une supervision de la même qualité que celle à laquelle ces dernières étaient soumises. La capacité de remboursement des ménages était calculée suivant la valeur de la maison qu'ils achetaient. Les conditions de remboursement étaient relativement souples puisque ces établissements de crédit prêtaient à taux variable et offraient même des conditions de remboursement avantageuses, comme la possibilité de ne payer que les intérêts pendant les premières années. Le risque de défaut n'était pas un problème en soi pour les établissements de crédits puisqu'ils pouvaient alors saisir la maison et la revendre sur un marché immobilier alors en plein boom.

    En 2007, la Fed a choisi de mener une politique monétaire plus restrictive et d'augmenter ses taux directeurs. Elle s'inquiétait alors du fort niveau d'inflation aux Etats Unis et de la chute du dollar face à l'euro. Cette augmentation des taux directeurs a donné lieu à une augmentation des autres taux d'intérêt du marché, via le canal des taux d'intérêt. Les ménages subprime se sont retrouvés à faire défaut sur ces crédits qu'ils ne pouvaient plus rembourser et ont été contraints à la saisie de leur maison. Plus d'un million d'expulsions ont eu lieu par an dès 2007. La bulle immobilière se transforme alors en krach immobilier faisant perdre aux hypothèques une grande partie de leur valeur. Les marchés se rendent alors compte du risque élevé de ces crédits subprimes

    La crise des subprime s'est ensuite transmise à tout le système financier par le canal de la titrisation.

    Au départ, la titrisation était un instrument de gestion du bilan pour les banques qui permettait de transformer un actif illiquide en un titre liquide négocié sur les marchés financiers. Cela permettait aux banques de pouvoir éliminer le risque de crédit en sortant la créance de l'actif.

    Mais la titrisation s'est progressivement complexifiée et a donné lieu à des montages financiers toujours plus complexes. Le fonctionnement et la valeur réelle de ces produits est difficile à comprendre pour un investisseur. C'est pourquoi les agences de notation (Moody's, Standard & Poor's, Fitch) leur attribuent des notesqui sont censées guider les choix des investisseurs. Mais le problème c'est que les agences de notation se sont elles même retrouvées noyées dans leur complexité et ont sous estimé le risque.

    De plus, la titrisation de crédits douteux a été rendu possible par le concours d'un organisme public, la Government National Mortgage Association ou Fanny Mae. En 2008, Fanny Mae garantissait près de la moitié des crédits immobiliers subprimes titrisés (2000 milliards de dollars) aux Etats-Unis. Les investisseurs, principalement les banques et les hedge funds, ont vu dans ces produits qui disposaient d'une garantie implicite de l'Etat américain une formidable opportunité d'investissement, ce qui explique leur succès.

    Le non-remboursement des crédits subprime a donné lieu à une dégradation de leur note et à une défiance des investisseurs. La crise des subprime s'est alors transférée à certains produits structurés composés de titres subprime puis à l'ensemble des produits structurés parce qu'il y avait un doute sur la composition réelle de ces derniers. Des investisseurs du monde entier possédaient des dettes américaines titrisées ce qui explique la propagation de la crise au-delà des frontières américaines.

    Les incertitudes sur la qualité des bilans ont entrainé une crise de confiance et de liquidité des banques. La crise financière est née en fait à l'été 2007, soit un an avant la chute de Lehman Brothers. C'est à ce moment là que l'on observe les premières manifestations de craquellement du marché interbancaire. En effet, la banque allemande IKM, fragilisée par des investissements dans des fonds subprimes, doit être secourue par les autorités allemandes pour un montant de 12 milliards d'euros. Aussi, en août 2007, la BNP se retrouve dans l'incapacité de valoriser trois de ses fonds, renforçant le sentiment d'incertitude sur la qualité des bilans des banques.

    La faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008, déclenche alors une crise financière mondiale et une crise de confiance généralisée et de liquidité sur le marché interbancaire.

    Le spread Euribor - OIS 3 mois8(*) et le Ted spread9(*) sont deux indicateurs couramment utilisés pour rendre compte des tensions sur les marchés interbancaires et monétaires. Ils grimpent alors respectivement jusqu'à 80 et 150 points de base. Au plus fort de la crise, à la fin de l'année 2008, ils atteindront respectivement 340 et 210 points de base.

    Figure 1 : Indicateurs de tensions sur le marché interbancaire et monétaire - source : Bordes C. (2013)

    Dans les périodes de stress financier, la capacité du marché interbancaire à redistribuer efficacement les fonds de la banque centrale à ses contreparties diminue ou même se décompose complétement.

    Les pertes en mobiliers et en immobiliers, la contraction du crédit et plus généralement une crise de confiance généralisée ont donné lieu à une crise économique mondiale.

    2.2.2. Une crise financière et économique profonde mais relativement courte

    Barry Eichengreen et Kevin H. O'Rourke (2013) ont tenté d'évaluer la gravité de la crise. Pour cela, ils ont comparé les indicateurs économiques et financiers des périodes suivant la crise financière de 2008 avec ceux suivant de la Grande Dépression de 1929. Ils ont choisi de se placer dans un contexte global10(*) et non de se limiter au cadre des Etats-Unis. Pour eux, la crise est née aux Etats-Unis mais elle s'est propagée au reste du monde. Même si les conséquences ne sont pas les mêmes pour tous les pays, la crise devait être étudiée de façon globale.

    Ils ont observé que le repli de la production industrielle avait été aussi violent que lors de la Grande Dépression mais cela seulement au début. En effet, quatre ans après le début de la crise financière, la production industrielle mondiale avait même dépassé son niveau d'avant crise.

    Le commerce mondial s'était détérioré plus rapidement que lors de la Grande Dépression. Ceci était très alarmant étant donné l'importance donnée dans la littérature historique à la dégradation du commerce comme facteur aggravant de la Grande Dépression. Cependant, le commerce mondial s'est repris aussi plus vite.

    Les marchés boursiers mondiaux ont chuté plus rapidement que lors de la Grande Dépression : en neuf mois, 50% de la capitalisation mondiale s'était envolée. Mais ils ont moins dévissé ensuite et se sont repris beaucoup plus vite grâce aux politiques monétaires ultra accommodantes. Cependant, ils restaient, quatre ans après l'éclatement de la crise, toujours inférieurs à leur niveau d'avant crise.

    Figure 2 : Production industrielle (à l'échelle du monde) - source : EICHENGREEN B., O'ROURKE K. (2012)

    Figure 3 : Volume des échanges (à l'échelle du monde) - source : EICHENGREEN B., O'ROURKE K. (2012)

    Figure 4 : Marchés boursiers (à l'échelle du monde) - source : EICHENGREEN B., O'ROURKE K. (2012)

    On peut donc conclure que même si la crise financière de 2008 a semblé grave au début, voire aussi profonde que lors de la Grande Dépression, elle a été relativement courte. En effet, contrairement à 1929, les banques centrales savaient ce qu'elles devaient faire, c'est à dire agir rapidement et massivement pour éviter de s'enfoncer dans une crise trop profonde. Cela semble avoir portéses fruits. Cependant, même si la crise a été relativement courte dans les principaux pays développés, elle ne l'a pas été en Europe.

    2.2.3. Une crise de la dette souveraine a pris le relais en zone euro

    En 2013, soit cinq ans après l'éclatement de la crise financière et économique mondiale, les Etats-Unis affichaient une reprise franche avec une croissance soutenue, un niveau de production dépassant même celui d'avant crise, un chômage en forte baisse proche de son niveau naturel et des marchés financiers en forte hausse.

    A l'inverse, la zone euro s'était engouffrée dans une crise longue et profonde avec la survenue depuis d'une nouvelle crise : la crise de la dette souveraine. Le point de départ de cette crise provient de révélations sur un énorme déficit fiscal en Grèce, suite aux élections et à la formation d'un nouveau gouvernement en Octobre 2009. Alors que la Grèce ne représente que 2% du PIB de la zone euro, le « petit » problème fiscal de la Grèce s'est transformé en crise systémique pour l'ensemble de la zone euro, menaçant alors même l'existence et la viabilité à long terme de sa construction.

    Figure 5 : PIB réel Etats-Unis vs Zone euro (4ème trimestre 2007 = 100) - Source : ORPHANIDES A. (2014)

    Figure 6 : Production industrielle Etats-Unis vs Zone euro (4ème trimestre 2007 = 100) - Source : ORPHANIDES A. (2014)

    En décembre 2014, la zone euro n'annonçait toujours pas de reprise franche (cf. Annexe 1) avec une croissance du PIB faible (0,9%), une production industrielle toujours bien en dessous du niveau d'avant crise, un taux de chômage élevé (11,4%) et même une inflation négative (-0,2%).

    Bien que la BCE ne soit pas seule responsable de cette situation, nous allons voir, dans la prochaine partie, qu'elle a fait l'objet, ces dernières années, de nombreuses critiques. Au regard de ces critiques, la BCE semble donc avoir sa part de responsabilité dans cet échec.

    3. La BCE a sa part de responsabilité dans cet échec

    La gestion de la crise financière puis de la crise de la dette souveraine par la BCE est critiquable en de nombreux points. L'analyse des actions de la BCE prouve qu'elle s'est trop focalisée sur l'objectif de stabilité des prix au détriment des autres objectifs (croissance et stabilité financière). Plus précisément, la BCE ne semble pas avoir pris pleine mesure de la crise ce qui l'a conduite à afficher un manque de volontarisme certain dans ses actions jusqu'à mettre en doute l'intégrité de la zone euro. Elle avait pourtant les cartes en main pour réussir.

    3.1. La BCE avait les cartes en main

    Les leçons tirées des précédentes crises (Grande Dépression des années 1930 et Japon à la fin des années 1990) rendaient la BCE non ignorante sur ce qu'elle avait à faire une fois la crise produite. En effet, toutes ces crises passées pouvaient aider, d'autant plus qu'elle disposait de plus d'instruments à sa disposition que la Fed.

    3.1.1. Elle pouvait s'appuyer sur les expériences du passé

    Dès 1930, soit quelques mois après le krach boursier de 1929, Keynes alertait les banques centrales concernant les mentalités et les idées de leurs décideurs qui pouvaient empêcher la mise en place des mesures appropriées et ainsi empêcher la reprise économique à la suite d'un krach.

    Keynes affirmait alors que le quantitative easing représentait, une fois atteint la frontière du taux zéro, l'unique solution à une politique monétaire expansive : « The Bank of England and the Federal Reserve Board (...) should pursue bank-rate policy and open-market operations `a outrance' (...) that is to say, they should combine to maintain a very low level of the short-term interest rate of interest, and buy long-dates securities (...) until the short-term market is saturated . » (Keynes, 1930, p.386). Selon Keynes, en achetant des obligations d'état et donc en augmentant leur bilan, les banques centrales sont capables de relancer l'économie, et ce sans limite. Ses préoccupations ne concernaient donc pas l'efficacité d'une telle mesure mais la potentielle réticence des décideurs à la mettre en oeuvre : « I repeat that the greatest evil of the moment and the greatest danger to economic progress in the near future are to be found in the willingness of the Central Banks of the world to allow the market-rate of interest to fall fast enough » (Keynes, 1930, p.207). Au début des années 1930, les banques centrales n'ont pas suivi la démarche de Keynes ce qui a donné lieu à la « Grande Depression ».

    De plus, Ben Bernanke, avant de devenir gouverneur de la Fed avait montré que la passivité de la Fed lors de la crise de 1929 avait grandement contribué à la gravité et à la durée de la dépression qui avait suivi.

    Le Japon a fait la même erreur durant les années 1990. La banque du Japon a, à plusieurs reprises, assoupli sa politique monétaire jusqu'à obtenir des taux d'intérêt à court terme à zéro, sans jamais obtenir de signes de reprise ou d'inflation. La Banque du Japon a préféré se concentrer sur les taux d'intérêt de court terme plutôt que de continuer sa politique monétaire expansionniste ce que lui ont reprocher des économistes comme Milton Friedman et Allan Meltzer en lui suggérant de s'engager dans un assouplissement quantitatif afin d'éviter la poursuite de la stagnation : « There is no limit to the extent to which the Bank of Japan can increase the money supply if it wished to do so. Higher monetary growth will have the same effect as always. After a year or so, the economy will expand more rapidly ; output will grow ; and after another delay, inflation will increase moderately » (Friedman, 1997). La Banque du Japon a adopté des politiques d'assouplissement quantitatif, mais trop tardivement, ce qui a donné lieu à ce que l'on appelle « the Japanese lost decade ».

    3.1.2. Elle semblait plus avantagée que la Fed concernant les instruments à sa disposition

    La passivité de la BCE est d'autant plus surprenante que la BCE paraissait sur certains points mieux armée que la Fed. Ainsi, comme le rappelle Rafael Repullo (2010), la BCE disposait au départ de plus d'instruments appropriés à une situation de crise :

    · Le nombre de contreparties était plus important pour la BCE que pour la Fed. Lorsque le marché monétaire et interbancaire est tombé en panne, il était ainsi beaucoup plus facile pour la BCE de fournir les banques en liquidités. Les banques pouvaient directement s'adresser à la BCE, ce qui n'était pas le cas avec la Fed.

    · La liste des collatéraux exigibles était beaucoup plus large à la BCE qu'à la Fed. La liste des collatéraux acceptés par la BCE avait été construite sur une base extrêmement large pour satisfaire aux exigences de tous les pays membres contrairement à la liste des collatéraux exigibles de la Fed qui était beaucoup plus restreinte (essentiellement des bons du trésor américain). La Fed s'est rapidement heurtée à une situation de « sécheresse » des collatéraux exigibles chez ses contreparties, ce qui l'empêchait d'injecter les liquidités nécessaires dans le système. Elle a du progressivement élargir sa liste de collatéraux exigibles ce qui a demandé du temps.

    · La BCE offrait une rémunération sur les dépôts des banques auprès de la banque centrale avant la crise contrairement à la Fed.

    Sur chacun de ces points, la Fed a dû innover en imitant la BCE. Au début de la crise, la BCE semblait donc mieux armée que sa consoeur américaine. Malgré cela, la BCE a, pour beaucoup, menée une politique monétaire trop timorée et pas assez accommodante au regard de la gravité de la crise.

    3.2. Le maintien du principe de séparation prouve que la BCE s'est focalisée sur l'objectif de stabilité des prix au détriment de la croissance

    La BCE a fait l'erreur de se conformer au principe de séparation, séparation entre politique des taux et politique de liquidité. Jean-Claude Trichet au moment de son départ de la BCE en Octobre 2011 avait rappelé l'importance accordée à ce principe tout au long de sa présidence : « Pour sa part, depuis l'apparition des turbulences financières le 9 août 2007, le Conseil des gouverneurs de la BCE a agi en appliquant un « principe de séparation ». Il a distingué les mesures « conventionnelles » - à savoir le pilotage des taux d'intérêt en vue d'assurer la stabilité des prix à moyen terme - des mesures « non conventionnelles », destinées à restaurer une meilleure transmission à l'économie de notre politique de taux d'intérêt dans une période marquée par des perturbations sur les marchés. (Extrait de l'intervention de Jean-Claude Trichet, 19 Octobre 2011) ».

    Or, l'atteinte du taux directeur plancher ou « quasi » plancher aurait du très vite mettre un terme au principe de séparation entre politique monétaire conventionnelle et politique monétaire non conventionnelle. La BCE ne pouvant plus jouer sur le prix de la monnaie (le taux d'intérêt) aurait dû jouer sur sa quantité ; ce qu'elle a fait mais trop tardivement ...

    3.2.1. La politique monétaire conventionnelle de la BCE prouve qu'elle n'avait pas pris la pleine mesure de la crise

    Concernant la politique des taux directeurs, l'action de la BCE s'est faite plus tardivement et de façon plus progressive que celle de la banque centrale américaine (Fed) ou de la banque d'Angleterre (Bank Of England).

    Dès la fin de l'été 2007, la Fed a engagé un desserrement à intervalle régulier de sa politique monétaire jusqu'à atteindre rapidement la limite de 0% en décembre 2008. La BOE a fait de même à l'automne 2007 pour atteindre 0,5% en mars 2009. La BCE a, quant à elle, attendu jusqu'en septembre 2008, et d'être confrontée aux pires tensions sur le marché interbancaire, suite à la faillite de Lehman Brothers, pour amorcer le mouvement de baisse. Le principal taux directeur est passé de 4,25% en Octobre 2008 à 1% Mai 2009.

    Après la survenue de la crise, le choix de la BCE était de protéger la zone euro de toute pression inflationniste. La BCE a choisi de garder son taux directeur a 1% pendant très longtemps, taux qu'elle considérait alors comme un taux plancher, pour deux raisons : un risque de déflation peu élevé dans la zone euro et un risque de paralysie du marché monétaire. En maintenant un taux relativement élevé, par rapport aux autres taux directeurs des autres banques centrales, la BCE entendait alors assurer sa crédibilité et protéger la zone euro des pressions inflationnistes.

    Jusqu'en septembre 2008, la BCE a donc fourni des liquidités aux banques sans abaisser ses taux ce qui prouve qu'elle n'avait pas pris conscience de la gravité de la crise.

    Figure 7 : Taux directeurs BCE vs Fed - Sources : BCE, Fed

    Le taux de 1% n'est franchi qu'à partir de juillet 2012 avec des baisses successives de 25 points de base en juillet 2012, en mai et en novembre 2013 ; de 10 points de base en juin et en septembre 2014.

    Plus surprenant, la BCE a même augmenté ses taux directeurs à trois reprises en juillet 2008, en avril 2011 et en juillet 2011. A chaque fois, l'objectif quantifié d'inflation de 2% était dépassé. En signalant une politique moins accommodante, il s'agissait pour la BCE de garantir la stabilité des prix dans un contexte de hausse des prix des matières premières. La BCE considérait alors ces chocs, dus à une augmentation de la demande des pays émergents, comme non transitoires et s'inscrivant dans un mouvement d'augmentation durable des prix des matières premières. Pour Christian Bordes (2013), il ne fait guère de doute que « ces relèvements de taux se sont avérés peu judicieux, et que dans chaque cas, la BCE a dû très vite faire machine arrière ». En effet, les périodes succédant à ces hausses de taux ont été marquées par des périodes de baisses prolongées de l'inflation ; l'inflation tombant même en territoire négatif en mai 2009 et en décembre 2014.

    Figure 8 : Principaux taux directeurs de la BCE et taux d'inflation - Sources : BCE, Eurostat

    Cette politique privilégiant la stabilité monétaire s'est faite au dépens de la croissance. La politique de soutien à l'économie prise rapidement par la Fed a permis elle, une reprise importante de l'activité, bien que les situations ne soient pas directement comparables (importance des marchés financiers dans le financement de l'économie américaine, plus grande flexibilité du marché du travail, etc...).

    3.2.2. Les mesures non conventionnelles de la BCE traduisent un manque de volontarisme certain

    Suivant le principe de séparation, les actions non conventionnelles sont très longtemps venues en complément des actions conventionnelles. Leur rôle était alors de restaurer les canaux de transmission traditionnels de la politique monétaire. Détériorés par la crise, cela devait leur permettre de pouvoir rester efficaces.

    Il faut noter que, paradoxalement, durant la période qui précède la chute de Lehman Brothers, le bilan de la BCE avait augmenté plus rapidement que celui de la Fed, comme si la BCE avait pris conscience plus tôt de l'existence d'une menace. La situation s'inverse en septembre 2008 : les interventions de la Fed devenant massives et non stérilisées.

    Figure 9 et 10 : Tailles des bilans de la BCE et de la Fed (Base 100 : 01/08/2007) - Sources : BCE, Eurostat

    Au début de la crise, la BCE n'a fait qu'étendre ses procédures et techniques de refinancement des banques. Tout en continuant ses opérations principales de refinancement classiques (« MRO » ou main refinancing operation) d'une durée d'une semaine, elle a adopté des opérations de refinancement supplémentaire de long terme11(*) (cf. Annexe 2) d'une durée de trois mois, six mois (mars 2008) puis un an (mai 2009).

    En étendant la maturité de ses interventions, la BCE permettait aux banques de s'assurer contre la duration et le risque de rollover et ainsi contre un risque de désendettement trop rapide.

    A partir d'octobre 2010, la BCE finance les banques de façon illimitée, avec l'assurance que la totalité des soumissions soit servie (procédure de « full allotment »). La BCE a aussi repassé ses appels d'offre à taux fixe. La liste des collatéraux est progressivement élargie aux actifs moins bien notés (sauf ABS) et aux actifs non libellés en euros. La BCE réduit aussi le corridor des facilités permanentes de 200 à 100 points de base.

    En se concentrant sur la fourniture de liquidité aux banques, l'objectif prioritaire était alors de rétablir le bon fonctionnement du mécanisme de crédit dans un marché interbancaire complétement bloqué. Le but était de contrer un ralentissement du crédit et d'éviter une panique bancaire généralisée voire un effondrement du système bancaire. En refinançant les banques, la BCE joue son rôle de préteur en dernier ressort pour les banques et rassure les marchés via les effets de confiance et de signalisation. La BCE prouve sa détermination à garantir des conditions « normales » d'accès à la liquidité pour le système bancaire.

    Cependant, cela masquait des interventions stérilisées comme le rappelle Charles Wyzplozs. La BCE a toujours fait le choix de stériliser ses opérations : après avoir octroyer des liquidités, la BCE proposait aux banques de replacer ces liquidités obtenues sous la forme de « reprises de liquidités en blanc ». Le choix de stériliser ses opérations s'explique par l'interdiction de mener la moindre politique susceptible de provoquer des tensions inflationnistes. Cette obligation fait référence au lien traditionnel, entre croissance monétaire et inflation, développé dans la théorie quantitative de la monnaie (Irving Fisher)12(*) et repris par les monétaristes, dont Jean-Claude Trichet. Or avec la crise, le multiplicateur était quasiment nul et la vélocité de la monnaie avait brutalement chuté (théorie des nouveaux keynésien). Les opérations stérilisées avaient pour conséquence d'augmenter la base monétaire (le bilan de la BCE) mais pas de façon équivalente la masse monétaire en circulation (ou M3). En effet, cette dernière dépend de ce que les banques font des liquidités obtenues : elles peuvent utiliser ces liquidités pour octroyer des crédits (la masse monétaire augmente) ou elles peuvent conserver ces liquidités auprès de la banque centrale (la masse monétaire n'augmente pas). Or pendant la crise, les banques n'ont pas joué le jeu pour des raisons de sécurité. Elles ont emprunté des liquidités à la BCE mais ne les ont pas utilisées pour accorder plus de crédits aux secteurs non bancaires. Les larges injections de la BCE dans le système bancaire ne pouvaient donc qu'avoir un impact très limité sur l'inflation puisqu'elles n'augmentaient pas assez la masse monétaire.

    Figure 11 : Base monétaire et masse monétaire en zone euro - Sources : BCE, Eurostat

    Ainsi,le fait defournir de la liquidité de manière illimitéeaux banques peut ne pas être suffisant pour remédier à l'intermédiation financière privée. Les banques peuvent ne pas être enclin à prêter ce qui réduit la portée des actions de la BCE. Dans son audition au Parlement européen en mars 2015, Mario Draghi reconnaissait que les politiques monétaires non conventionnelles menées jusqu'ici avaient été trop dépendantes de la volonté des banques de redistribuer la liquidité aux agents non financiers.

    Au contraire, la Fed a cherché, via ses programmes d'achats d'actifs, à relancer la liquidité des segments de marchés paralysés par la crise comme le rappelle J. Couppey-Soubeyran(2012). Cependant, cette différence de stratégie peut s'expliquer par le poids important des banques dans le financement des économies de la zone euro : en zone euro 75% du financement de l'économie est réalisé par les banques, contre 25% aux Etats-Unis.

    En comparaison de ceux de la Fed, les montants des programmes d'achats d'actifs lancés par la BCE apparaissent bien frêles : 60 milliards d'euros pour le programme CBPP1 (Covered Bonds Purchase Programme), 40 milliards d'euros pour le programme CBPP2 (Covered Bonds Purchase Programme), 210 milliards d'euros pour le programme SMP (Securities Market Programme) contre 4500 milliards de dollars cumulés pour les trois Quantitative Easing américains.

    Plus surprenant, au lieu d'une expansion constante du bilan (comme la Fed), ou de son maintien à un niveau élevé (comme la BOE), la BCE a même laissé son bilan se dégonfler, à partir de janvier 2013, en autorisant les banques à rembourser avec anticipation les emprunts contractés lors des opérations de refinancement de long terme. La conséquence a été une diminution de la taille du bilan de la BCE jusqu'à atteindre moins de 2000 milliards d'euros en septembre 2014 (cf. Annexe 3).

    L'étude des taux directeurs, de la taille et de la composition des bilans montre de manière évidente un certain attentisme de la part de la BCE. La Fed, au contraire, a affiché un plus grand volontarisme et une plus grande force d'innovation dans sa gestion de crise.

    3.3. La BCE n'a pas réussi à assurer la stabilité financière dans la zone euro et a mis en doute l'intégrité de la zone euro

    Les banques centrales, dont la BCE, ont leur part de responsabilité dans la crise financière et économique dans le sens où elles n'ont pas réussi à assurer la stabilité financière. Il est important qu'elles accordent plus d'importance à la supervision macro-prudentielle pour éviter d'avoir à agir après que le mal soit fait.

    La BCE a aussisa part de responsabilité dans la crise de la dette souveraine car elle a trop longtemps refusé son rôle de prêteur en dernier ressort pour les Etats, mettant en doute l'intégrité même de la zone euro.

    3.3.1. La BCE doit accorder plus d'importance à la stabilité financière et à la supervision macro-prudentielle

    Au cours de leur histoire, les banques centrales avaient jusqu'alors toujours assuré un double mandat : le mandat de stabilité monétaire et le mandat de stabilité financière. Mais, depuis la fin des années 1980, les banques centrales avaient préféré mettre l'accent sur l'objectif de stabilité monétaire, au détriment de celui de la stabilité financière. Les banques centrales avaient progressivement abandonné toute tâche de contrôle prudentielle. Seule une minorité avait transféré ce rôle à d'autres entités, comme l'Angleterre ou l'Australie.

    La stabilité financière ne fait donc pas partie des objectifs prioritaires de la BCE. Pourtant, le projet sur les statuts du SEBC, publié en novembre 1990 par le Comité des gouverneurs des banques centrales de la communauté européenne, incluait la surveillance prudentielle parmi les missions fondamentales du SEBC. Mais, l'opposition de certains pays (notamment l'Allemagne) à une telle inclusion a donné lieu à une version finale ne faisant référence à la surveillance prudentielle que d'une manière limitée, comme une tâche non fondamentale.

    Avant la crise, l'attention portée à la stabilité financière était alors secondaire en vertu du principe de séparation entre politique de stabilité monétaire et politique de stabilité financière : les banques centrales, dont la BCE, ne devaient réagir aux tensions financières que si celles-ci constituaient une menace avérée pour la stabilité des prix. Les banques centrales se sentaient d'autant moins investies dans la lutte contre les phénomènes d'instabilité financière, comme les bulles spéculatives, qu'il leur semblait possible de nettoyer les dégâts après coup, telles des pompiers (« clean up afterwards »). La stabilité des prix était alors censée favoriser la stabilité financière.

    Mais, la crise a démontré le danger du principe de séparation : la stabilité monétaire ne garantit pas la stabilité financière. Et comme l'illustre les travaux de Claudio Borio, la stabilité monétaire, renforcée par la crédibilité des banques centrales, a même pu favoriser l'instabilité financière (« paradoxe de la crédibilité »). En effet, les taux d'intérêt bas des années 2000 ont incité un grand nombre d'agents économiques, principalement les banques, à prendre des risques excessifs.

    Considérant l'implication de la stabilité financière pour la stabilité des prix, il est donc important que les banques centrales accordent dorénavant à la stabilité financière une importance aussi grande qu'à la stabilité monétaire.

    Comme le souligne Rosa M. Lastra (2012), la relative simplicité de la politique monétaire de la BCE - un but (stabilité des prix) et un instrument (le taux d'intérêt) - contraste avec la complexité de la politique de stabilité financière - un but (la stabilité financière) et une multiplicité d'instruments (supervision, régulation, management de crise, prêteur en dernier ressort,...).

    Tout le monde s'accorde à dire que l'instrument du taux d'intérêt n'est pas le bon instrument à affecter à l'objectif de stabilité financière. La règle de Tinbergen, énoncée en 1952, est là pour nous le rappeler : « il faut au moins autant d'instruments que d'objectifs ». Une simulation réalisée par les économistes de la Banque d'Angleterre en 2009 l'illustre bien : en période d'instabilité financière, il aurait fallu porter le taux directeur à un niveau de l'ordre de 19 % en 2007. Autant dire que cela ne serait pas soutenable pour l'économie réelle des pays développés. La stabilité financière doit donc mobiliser d'autres instruments que le taux d'intérêt. Cependant, la banque centrale ne peut pas ignorer les effets de son taux directeur sur la prise de risque des banques et des investisseurs.

    Aussi, la stabilité financière ne peut plus entièrement reposer sur la supervision micro prudentielle (Bâle 1, Bâle 2 et Bâle 3) dont la mission est la supervision des institutions financières au jour le jour. La nécessité d'une supervision macro prudentielle fait aujourd'hui consensus.

    La supervision macro-prudentielle est l'analyse des tendances et des déséquilibres dans le système financier et la détection des risques que ces tendances peuvent représenter pour les institutions financières et l'économie. L'objectif de la surveillance macro prudentielle est la sécurité du système financier et économique dans son ensemble et la prévention du risque systémique. Des agrégats monétaires et du crédit (créations excessives de crédits dans un pays membre par exemple) peuvent fournir des informations utiles à cet égard.

    La coordination passe aussi par l'existence d'un mécanisme de support financier. Le mécanisme européen de stabilité (MES), qui a remplacé le fonds européen de stabilité financière (FESF), est « une bonne idée et une étape significative vers la construction d'une Europe intégrée » (Peirce et al, 2011). Mais, en introduisant toutes sortes de restrictions et de conditions, le mécanisme européen de stabilité a été transformé en une institution qui a très peu de chance de produire plus de stabilité dans la zone euro (De Grauwe, 2011).

    3.3.2. La BCE n'a pas réussi à isoler la crise grecque et a mis en doute l'intégrité de la zone euro

    Certes, avant la crise, la zone euro était une zone hétérogène en termes de croissance, d'inflation et de compétitivité entre le « coeur » de l'Europe13(*)et les zones « périphériques »14(*) (cf. Annexe 4).

    Comme le révèle Charles Wyplosz(2014), le véritable problème a été le nombre de pays ayant échoué à remplir les obligations et les exigences d'une union monétaire. La crise financière n'aurait fait que révéler ces problèmes existants.

    En effet, c'est parmi les pays de la zone euro que se concentraient les dettes publiques les plus élevées et que ces dettes y ont augmenté le plus rapidement. Le graphique ci-dessous présente le ratio d'endettement public (dette/PIB) en 2006 et l'augmentation de ce ratio d'endettement public entre 2006 et 2010.

    Figure 12 : Dettes publiques brutes - Sources : WYPLOSZ C. (01/2014)

    La situation est d'autant plus précaire pour un pays qu'il se situe au nord-est. C'est le cas notamment de la Grèce, du Portugal et de l'Italie. Ces pays ont profité de taux extrêmement bas, nés de la mise en place de l'euro et d'une réduction massive des écarts de taux (cf. Annexe 5), pour réaliser des dépenses publiques trop importantes.

    Ces pays auraient dû profiter des taux bas pour réduire leur endettement d'autant plus qu'ils faisaient face à une perte de compétitivité internationale. Ceux-ci n'ont pas respecté la condition nécessaire de solvabilité15(*).

    Ces pays étaient donc en position de faiblesse au début de la crise financière. Mais cette explication n'est pas suffisante puisque, comme le rappelle Paul De Grauwe (2012), l'Espagne possédait un ratio d'endettement équivalent à celui du Royaume-Uni avant la crise financière (autour de 40% du PIB) et l'augmentation de ce ratio pendant la crise y a même été moins forte en Espagne (+22% entre 2006 et 2010) qu'au Royaume-Uni (+40% sur la même période). Pourtant, les marchés financiers ont sanctionné bien plus fortement l'Espagne que le Royaume-Unis, comme le prouvent les deux graphiques ci-dessous.

    Figure 13 : Ratio d'endettement (dettes publiques/PIB) - Sources : Eurostat

    Figure 14 : Taux d'emprunt à 10 ans - Sources : Eurostat

    L'explication finale est donnée par Paul De Grauwe (2012) : le marché des dettes publiques est plus vulnérable dans une union monétaire car les gouvernements nationaux émettent de la dette dans une monnaie qu'ils ne contrôlent pas. Il en résulte qu'ils ne peuvent pas garantir aux détenteurs de ces dettes qu'ils auront toujours les liquidités nécessaires pour les rembourser au moment de l'échéance. A l'inverse, les pays n'appartenant pas à une zone monétaire gardent le contrôle de la monnaie dans laquelle ils émettent leur dette ce qui leur permet de toujours pouvoir garantir le remboursement de leur dette. De ce fait, ces derniers ne peuvent pas être contraints facilement par les marchés financiers à faire défaut.

    Dans le cas de la zone euro, la BCE doit offrir une telle garantie. En son absence, le risque est que les problèmes de solvabilité d'un pays entrainent les autres pays dans une crise de liquidité puis de solvabilité. En effet, les problèmes de solvabilité d'un pays entrainent les détenteurs d'obligations à craindre le pire dans les autres marchés des obligations d'état et donc à vendre pour s'assurer d'avoir de la liquidité. Ensuite, la hausse des taux sur les obligations transforme alors la crise de liquidité en crise de solvabilité.

    Lorsqu'un pays a une dette publique élevée, comme c'était le cas pour la Grèce, les marchés financiers s'attendent à ce qu'en cas de besoin urgent la banque centrale fournisse le financement nécessaire pour éviter un défaut immédiat. Le problème c'est que la BCE n'a pas voulu prendre ses responsabilités de prêteur en dernier ressort comme elle l'avait fait pour les banques deux ans plus tôt.

    La BCE a avancé plusieurs raisons. Sur le plan légal, la BCE ne pouvait pas financer les déficits et acheter de la dette sur le marché primaire. Cela ne l'empêchait pas d'acheter de la dette sur le marché secondaire, comme elle l'a fait plus tard. Sur le plan de sa mission, l'objectif principal est d'assurer la stabilité des prix. C'est vrai mais elle doit aussi « apporter son soutien aux politiques économiques dans l'Union » (article 127du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne). Sur le plan économique, la BCE a évoqué le lien entre croissance monétaire et inflation pour rejeter son intervention (approche monétariste). Or en période de crise, le multiplicateur était quasi nul et la vélocité de la monnaie avait brutalement chuté. Sur le plan politique, l'hostilité du gouvernement allemand semble avoir grandement influencé cette décision : une intervention de grande ampleur de la BCE induirait un risque d'aléa moral et donc des transferts potentiels entre contribuables de différents pays.

    Cet attentisme de la part de la BCEa grandement contribué à l'aggravation de la crise de la dette souveraine et à sapropagationau reste de la zone euro.

    Figure 15 : Taux d'intérêts des dettes publiques à 10 ans - Source : BCE

    Le choix fait par la BCE d'abandonner son rôle de préteur en dernier ressort pour le marché des obligations d'Etats a obligé les membres de la zone euro à créer deux fonds de stabilité : le Fonds de stabilisation financière européen (FSFE) en mai 2010, remplacé par le Mécanisme européen de stabilité (MES), un fonds permanent, en septembre 2012. Ces deux fonds n'ont eu que très peu de répercutions positives à cause du faible montant disponible (500 Md€ pour 3000 Md€ de dettes publiques « suspectes ») et de leur mise en place tardive.

    4. L'interventionnisme assumé par la BCE était attendu, mais a-t-il été suffisant pour annoncer une reprise en 2016 ?

    En novembre 2011, Mario Draghi remplace Jean-Claude Trichet à la tête de la BCE. Cela marque un changement radical de stratégie pour la BCE. Du monétariste et attentiste Jean-Claude Trichet au néo-keynésien et volontariste Mario Draghi, le changement est radical pour la BCE.

    Mais cela ne semble pas suffire : les indicateurs ne sont toujours pas aux niveaux attendus, des raisons nous amènent à penser que le quantitative esaing ne pourra pas inverser la tendance et qu'il peut même devenir un outil risqué.

    4.1. La BCE, avec l'arrivée de Draghi, s'engage dans une politique plus volontariste

    Mario Draghi ne manque pas de volontarisme : il a réussi à rassurer le marché de la dette avec le programme OMT ; des efforts en terme de communication et de transparence ont été faits et il a lancé un quantitative easing en mars 2015 face à des tensions déflationnistes toujours plus fortes.

    4.1.1. Avec le programme OMT, la BCE a rassuré le marché de la dette et préservé l'intégrité de la zone euro

    Le programme OMT (Open Market Transactions) adopté en septembre 2012 met fin au programme SMP (Security Market Program) pour lequel la BCE a accumulé 210 milliards d'euros d'obligations souveraines d'Etats du sud de la zone euro.

    Ce nouvel instrument permet à la BCE d'acheter sans limitation des obligations, d'une maturité d'un à trois ans, émises par un ou des Etats membres de la zone euro sur les marchés secondaires.

    L'objectif de l'OMT est de continuer à réduire les primes de risque sur les dettes souveraines des pays en difficultés et ainsi d'alléger leur fardeau de la dette.

    Ce programme n'a jamais été utilisé. Il n'a donc pas eu d'incidence sur le bilan de la BCE. Mais, grâce à son caractère illimité, il a contribué à la stabilisation de la zone euro. La détente sur les marchés des dettes souveraines a été nette, immédiate et très significative.

    Figure 16 : Taux d'intérêts des dettes publiques à 10 ans (en %) - Sources : BCE

    4.1.2. La BCE a fait des progrès en terme de transparence et de communication

    La BCE, sous la présidence de Mario Draghi, a fait des efforts substantiels en terme de communication, et plus généralement de transparence, ce qui a permis de renforcer sa crédibilité.

    Des politiques de forward guidance, ou guidage prospectif, par les banques centrales ont été de plus en plus utilisées au cours de la crise. Cela consiste à communiquer en amont aux agents l'orientation future de la politique monétaire, c'est à dire le niveau des taux d'intérêts directeurs futurs. Les banques centrales espèrent alors que les marchés s'ancreront sur ces annonces et ainsi obtenir un aplatissement de la courbe des taux, en réduisant l'incertitude sur le sentier des taux d'intérêt directeurs futurs. Cette idée a été introduite par Krugman (1998) à la fin des années 1990, alors que le Japon était dans une situation de déflation et de trappe à la liquidité (cf. Annexe 6). Krugman affirmait alors que les banques centrales pouvaient agir sur l'économie même avec des taux plancher, en arrivant à convaincre le public qu'elles poursuivraient une politique plus inflationniste que prévu après la reprise économique16(*).

    La BCE n'a introduit cet outil que depuis juillet 2013. Mario Draghi déclarait alors : « The Governing Counsel expects the key ECB rates to remain at present or lower levels for an extended period of time ». Cette annonce marquait alors une rupture avec Jean-Claude Trichet, prédécesseur de Mario Draghi, qui avait toujours refusé de donner des indications sur les décisions à venir, employant même souvent l'expression « We are never pre-commited ».

    La BCE a fait le choix d'utiliser une approche « qualitative conditionnelle » : en même temps qu'elle donne des indications sur sa politique de taux futurs, elle fournit une description des conditions macroéconomiques pour lesquelles l'orientation de cette politique monétaire sera poursuivie. Les autres banques centrales (FED, BOE, BOJ) poursuivent, elles, des approches du type « résultats », ce qui signifie que la forward guidance est conditionnée à des variables économiques tels que le niveau de chômage ou l'inflation. Par exemple, en décembre 2012, la Fed avait indiqué que ses taux directeurs ne remonteraient pas tant que le taux de chômage serait au dessus de 6,5% et l'inflation en dessous de 2%.

    La forme de forward guidance choisie par la BCE amène un problème d'incohérence temporelle puisque la BCE ne peut pas s'engager à 100% dans ses décisions futures. En effet, il ne sera jamais exclu que la BCE n'augmente pas ses taux en cas de retour à l'inflation à un niveau supérieur à 2%, et ce dans le but de préserver sa crédibilité à remplir son mandat de stabilité des prix. Dans ce cas, les agents peuvent anticiper que les taux pourront être relevés plus tard, ce qui réduit l'efficacité de la forward guidance.

    Cependant, la mise en place d'un programme d'achats d'actifs peut palier à ce problème puisque les agents anticipent alors une remontée des taux directeurs au minimum à la fin du programme d'achats. Les agents ont alors des indications claires quand à l'orientation future, ce qui rend la forward guidance et plus généralement la politique monétaire de la BCE plus crédible.

    Dans un souci de transparence accrue, la BCE publie aussi depuis février 2015 les comptes rendus (ou minutes) des réunions du conseil des gouverneurs. Avant Mario Draghi, Jean-Claude Trichet s'était toujours opposé à la publication des minutes, cela par soucis d'unité et pour éviter de possibles pressions exercées sur les gouverneurs des banques centrales nationales de la zone euro. Le but des « minutes » est de permettre au public d'avoir accès à un résumé des différentes lignes argumentaires tenues par chacun des membres du conseil. Cependant, ni les noms ni les votes des intervenants ne sont dévoilés, contrairement aux Etats-Unis.

    4.1.3. La BCE a enfin lancé son quantitative easing

    Depuis 2013, les problématiques de la BCE sont redevenues plus traditionnelles : une croissance et une inflation trop faibles dans la zone euro. Début novembre 2014, la BCE est même alertée par l'OCDE17(*), qui préoccupé par la faiblesse de la demande en zone euro, lui suggère de prendre des mesures supplémentaires.

    En juin et en septembre 2014, la BCE effectue alors des opérations de refinancement à très long terme (TLTRO), d'une durée de 4 ans. En améliorant les conditions d'accès de refinancement pour les banques, la BCE espère continuer de stimuler la création de crédit privé de la part des banques. Dans le même temps, la BCE a continué de réduire ses taux directeurs ; le taux de facilité de dépôt passant même négatif18(*).

    Lors de sa réunion du 22 janvier 2015, la BCE choisit de lancer un programme étendu d'achats d'actifs, plus connu sous le nom de quantitative easing. Celui-ci englobe les programmes de rachats de dettes privés - covered bonds (CBPP3) et d'ABS (ABSPP) déjà initiés en octobre 2014 et en novembre 2014 - ainsi que de nouveaux rachats de titres publics libellés en euros, de bonne qualité (investment grade) et émis par les gouvernements, les agences de zone euro et les institutions européennes.

    Plusieurs raisons peuvent expliquer la décision de la BCE de lancer un QE. Tout d'abord, l'inflation dans la zone euro chute depuis fin 2011 et est même repassée en dessous de zéro à la fin de 2014. La généralisation de la déflation qui concerne même l'Allemagne depuis janvier 2015, a affaibli la position des pays du nord de la zone euro, jusqu'ici hostiles au rachat de titres souverains. L'objectif du QE est alors d'éviter que la déflation s'installe durablement.

    Figure 17 : Taux d'inflation en zone euro (en %) - Source : BCE

    Ensuite, cela marque un changement de stratégie pour la BCE. Jusqu'à maintenant, les actions non conventionnelles étaient venues en complément des actions conventionnelles. Leur rôle était de restaurer les canaux de transmission de ces dernières pour qu'elles puissent rester efficaces. La BCE s'est pendant très longtemps refusée à abaisser ses taux directeurs au niveau zéro, surement pour éviter d'avoir à mettre en place de nouveaux outils plus accommodants. Or l'atteinte du taux plancher a mis un terme au principe de séparation. L'adoption de mesures quantitatives susceptibles d'accroitre la taille et de modifier la composition du bilan de la BCE constituait alors le seul outil efficace à l'atteinte du taux plancher. En effet, la BCE ne pouvait plus jouer sur le prix de la monnaie (le taux d'intérêt) mais seulement sur sa quantité. Le QE devient alors un véritable outil pour contrer la déflation dans le but d'assurer l'objectif final de stabilité des prix de la BCE.

    Enfin, dans son audition au Parlement européen en mars 2015, Mario Draghi reconnaissait que les politiques monétaires non conventionnelles menées jusqu'ici avaient été trop dépendantes de la volonté des banques de redistribuer la liquidité aux agents non financiers. En zone euro, 75% du financement de l'économie est réalisé par les banques (contre 40% aux Etats-Unis), ce qui peut réduire considérablement l'efficacité de ces mesures si les banques ne jouent pas le jeu ou si les agents ne sont pas demandeurs de crédits. Le quantitative easing permet alors une diversification des canaux de transmission à l'économie réelle.

    Enfin, le fait que la BCE achète massivement des dettes souveraines ne lui fera pas perdre en crédibilité. Le premier risque pour la crédibilité de la BCE est bien le risque de ne pas arriver à atteindre son objectif d'inflation. La BCE doit donc essayer de trouver le juste équilibre entre le risque de perdre en indépendance et le risque de ne pas remplir son mandat en raison des limites imposées à son propre programme d'assouplissement monétaire.

    Dans son programme initial, la BCE promet d'acheter 60 milliards d'euros d'actifs supplémentaires par mois entre mars 2015 et septembre 201619(*), soit 1140 milliards d'euros au total. Mario Draghi a rajouté que le plan se poursuivra jusqu'à « constater un ajustement durable de la trajectoire d'inflation conforme à l'objectif d'atteindre des taux d'inflation inférieurs mais proches de 2% à moyen terme ». En ajoutant une dimension quantitative à sa communication, la BCE signale qu'un volume important d'achat d'actifs serait important pour obtenir un effet significatif sur l'inflation. Le QE représente une augmentation considérable du bilan de la BCE d'environ 50% mais cette augmentation du bilan de 1140 milliards d'euros ne consiste qu'à faire revenir la taille du bilan de l'Eurosystème au niveau qu'il avait atteint en 2012.

    Les titres achetés sont principalement des titres publics, à savoir des obligations bien notées, au minimum de type « investment grade » émises par les gouvernements, les agences et les institutions de la zone euro (Banque Européenne d'Investissement et le Mécanisme de stabilité européen) et d'une maturité allant de 2 à 30 ans, ainsi que des titres de dettes privée (ABS et covered bonds) (cf. Annexe 8)

    La BCE a choisi de se focaliser sur l'achat de titres publics pour deux raisons. Premièrement, ils sont dotés d'un potentiel élevé de transmission à l'économie réelle. En effet, la courbe des rendements des obligations souveraines est l'indicateur fondamental de référence pour la fixation du prix d'un large éventail d'instruments de crédit et de formes de financement externe du secteur privé, comme par exemple les prêts bancaires, les prêts aux entreprises et les actions. Enfin, ils sont disponibles en quantité suffisante (cf. annexe X). Le marché des titres publics est suffisamment profond et liquide pour limiter les éventuels effets de distorsion de ces mesures.

    Alors que la BCE coordonne les achats, la mise en oeuvre est décentralisée aux banques centrales nationales en fonction de leur clé de répartition au capital de la BCE (cf. annexe 9).

     

    Concernant le partage des pertes éventuelles, la BCE a décidé que 20% des achats d'actifs seraient soumis au régime de partage des pertes. Les 80% restants, réalisés par les banques centrales nationales, n'y seraient donc pas soumis. Aussi, le programme comporte des limites dans les rachats : pas plus de 33% de la dette de chaque Etat.

    Le but de ce régime est de réduire les problèmes d'aléa moral qui pourraient pousser les états à ne pas mettre en place de politique budgétaire adaptée et à ne pas faire les réformes structurelles indispensables. Cependant, cela amène un risque de fragmentation de la zone euro alors que des progrès avaient été faits dans ce sens là (MES, union bancaire et plan Juncker).

    Les canaux de transmission du quantitative easing à l'inflation sont nombreux et diversifiés (cf. Annexe 10) :

    Ø Le canal du taux d'intérêt : la BCE, en achetant des titres publics, cherche à faire baisser directement les taux de moyen et long terme. La baisse des taux d'intérêt des dettes souveraines doit favoriser la réduction de tous les autres taux du marché.

    Ø Le canal du crédit bancaire : les banques récupèrent de la liquidité en échange des titres souverains. Cette liquidité supplémentaire peut les encourager à accorder de nouveaux prêts. D'autant plus que la qualité de leur bilan s'améliore ce qui leur permet d'emprunter à des taux plus bas (les primes de risque diminuent).

    Ø Le canal du choix du portefeuille : les achats massifs de titres prévus dans le QE entraînent une augmentation du prix de ces actifs et mécaniquement une baisse des rendements des titres souverains (le prix de ces actifs est inversement corrélé à leur rendement). Les achats massifs de titres entrainent également une augmentation du prix des autres actifs : les vendeurs de titres souverains se retrouvent avec des liquidités qu'ils peuvent utiliser pour acheter d'autres actifs substituables disposants d'un meilleur rendement, comme la bourse, l'immobilier ou les actifs étrangers.

    o L'effet de richesse : les agents non financiers détenant des actifs qui prennent de la valeur (actions, immobilier) bénéficient d'un effet de richesse et peuvent alors consommer plus.

    o Canal d'accélérateur financier : les agents peuvent aussi obtenir plus facilement un crédit avec l'augmentation de la valeur de leur garantie.

    Ø Le canal de la confiance : si les agents estiment que le QE est une politique efficace, l'annonce d'un QE doit stimuler la confiance des consommateurs et des entreprises, ce qui doit les conduire à augmenter leurs dépenses. La confiance peut également générer une augmentation des prix des actifs, une baisse des primes de risque, ainsi qu'une hausse de l'inflation anticipée (ce qui diminue le taux d'intérêt réel).

    Ø L'effet de signal : l'annonce d'un QE indique que la politique monétaire est plus accommodante et que les taux directeurs resteront faibles pendant une longue période au moins jusqu'à la fin du QE (politique de forward guidance). Vu que les taux à long terme reflètent les anticipations des taux futurs à court terme, l'annonce du QE doit entrainer une baisse des taux à long terme.

    · Le canal du taux de change : le QE doit entrainer une dépréciation de la monnaie, soit par l'augmentation de la masse monétaire (effet purement monétariste), soit par un effet de choix du portefeuille : le rachat des titres de dette publique des pays de la zone euro fait baisser leurs rendements. Les investisseurs se rabattent alors vers des titres hors zone euro, plus rémunérateurs, souvent libellés en dollars. La demande pour le dollar augmente ce qui entraine une dépréciation de l'euro par rapport au dollar. Cette dépréciation permet de stimuler les exportations et de créer de l'inflation sur les produits importés ce qui réduit la déflation.

    4.2. Malgré des marchés rassurés, les résultats ne sont toujours pas là

    Les effets du QE sont d'autant plus difficiles à évaluer que le programme n'a débuté que depuis mars 2015. Or, il est communément admis que le délai de transmission d'une politique monétaire non-conventionnelle à l'économie réelle est au minimum de 18 mois, contre 12 mois pour une politique monétaire conventionnelle. Cependant, nous pouvons déjà dégager des premiers résultats, juger de l'efficacité des différents canaux de transmission et souligner les problèmes et les risques que le QE peut engendrer.

    4.2.1. Les indicateurs ne sont toujours pas aux niveaux attendus

    En décembre 2015, on peut dire que le quantitative easing a échoué sur l'inflation. Nous constatons que la variation de l'indice général des prix reste nulle ou quasi nulle (+0,2% en décembre 2015). Il semble que la zone euro a réussi à éviter de s'enfoncer dans la déflation mais l'inflation reste à un niveau extrêmement bas. De plus il est difficile de connaître ce qui peut réellement être attribué au QE...

    Figure 18 : Taux d'inflation en zone euro (en %) - Sources : BCE

    Il est certain que la chute du cours du pétrole comme des matières premières depuis plusieurs mois pèsent fortement sur l'inflation. Le baril de pétrole est passé d'un pic à 115 dollars en juin 2014 à 30 dollars à fin décembre 2015. La marge d'action de la BCE sur les matières premières étant nulle, cela pose un problème sur l'efficacité de ses actions.

    Mais la chute du cours des matières premières n'est pas la seule explication. Si on regarde l'inflation sur laquelle la BCE peut agir, l'inflation sous-jacente (hors prix de l'énergie, produits alimentaires, boissons alcoolisées), celle ci ressort autour de 1% ce qui est loin de l'objectif annoncé de 2% et pire, elle ne progresse plus depuis plusieurs mois. Cela traduit la faiblesse de la demande en zone euro. L'assouplissement quantitatif n'a pas réussi, pour l'instant, à corriger cette tendance.

    Figure 19 : Taux d'inflation par type de produit (en %, variations annuelles) - Source : nbb

    Figure 20 : Taux d'inflation sous-jacente (en %) - Source : nbb

    Un autre point négatif est la croissance du PIB en zone euro avec une croissance en 2015 à seulement +1,5%(cf. Annexe 11).

    Le taux de chômage reste à un niveau encore très élevé même s'il a de nouveau légèrement reculé en janvier dans la zone euro, à 10,3%, soit son plus bas niveau depuis plus de quatre ans et demi. Mais de fortes disparités persistent : entre l'Allemagne qui affiche le taux de chômage le plus faible (4,3%) et la Grèce le taux le plus élevé (24,6%).

    4.2.2. Les canaux de transmission du quantitative easing à l'économie réelle sont plus ou moins efficaces

    Certains canaux de transmission du quantitative easing à l'économie réelle sont plus efficaces que d'autres. Le positif : on observe une réduction des taux d'intérêts des dettes souveraines et des autres taux de marché ainsi qu'une réduction des spreads de taux entre les pays de la zone euro, une reprise du crédit aux ménages et aux entreprises et un euro faible qui stimule les exportations. Pour le négatif : les anticipations d'inflation sont scotchées à des niveaux trop faibles, le quantitative easing n'a pas eu d'effets positifs sur les valeurs boursières européennes.

    La baisse des taux souverains s'est poursuivie et s'est répercutée sur tous les autres taux de marché, d'échéances plus ou moins longues, publics ou privés via les canaux des taux d'intérêt et des effets d'annonce (cf. Annexe 12).

    En effet, l'annonce du programme puis les achats réalisés par la BCE ont permis de continuer à faire baisser les taux à long terme des obligations souveraines. Le mouvement a été d'autant plus fort pour les pays périphériques. On note une poursuite du mouvement de convergence entre les taux des pays périphériques et les taux allemands.

    Cependant, après avoir atteints leur plus bas le 17 avril 2015, les rendements obligataires ont fortement rebondi au milieu de l'année 2015 (+80 points de base pour le Bund) nous faisant croire à un « flash crash », à l'instar de celui qu'a connu en octobre 2014 le marché des bons du trésor américain, pourtant réputé le plus liquide et le plus large du monde.

    Les taux d'intérêt atteignent maintenant des niveaux très faibles, voire négatifs sur certaines maturités courtes. Les spreads de taux entre les différentes maturités se sont considérablement réduits jusqu'à atteindre des valeurs extrêmes (40 points de base d'écart de rendements entre une obligation à 10 ans et une obligation de maturité 3 mois en avril 2015).

    On relève des signes encourageants pour le crédit. Les crédits aux ménages et aux entreprises sont repartis à la hausse en 2015 grâce à une liquidité abondante pour les banques en échange des titres risqués, des taux d'intérêt bas et de critères d'octroi réduits (cf Annexe 13). Il faut maintenant que la relance du crédit stimule l'investissement et l'emploi pour espérer relancer l'inflation.

    La baisse de l'euro face au dollar permet de gagner en compétitivité à l'export. Cette dépréciation de l'euro (cf. Annexe 14) est une bonne chose pour l'économie de la zone euro qui exporte plus qu'elle importe (balance des échanges extérieurs positive). Avec un euro dévalué, les produits de la zone euro sont plus compétitifs ce qui stimule le commerce et donc la croissance et l'inflation.

    Les anticipations d'inflation s'affichent à des niveaux encore bien trop faibles.L'annonce du QE a permis de redresser les anticipations d'inflation, en indiquant aux agents que la politique monétaire devenait encore plus accommodante et ainsi que les taux directeurs étaient amenés à rester faibles pendant une longue période (au moins jusqu'à la fin du programme d'achats d'actifs). Mais cela ne semble pas suffisant. Les anticipations d'inflation restent figées à des niveaux très faibles, traduisant ainsi un manque de confiance des individus pour le futur.

    Figure 21 : Anticipations d'inflation dans la zone euro (en %, enquête réalisée auprès de professionnels et d'experts) - Source : BCE

    La bourse n'a pas profité de l'afflux de liquidités (cf. Annexe 15) et l'effet de richesse est faible en zone euro. On s'attendait à ce que les bourses européennes grimpent en 2015 suite à l'annonce du quantitative easing (effets des portefeuilles, réduction des primes de risque et afflux de liquidités). Elles ont progressé fortement au début de l'année grâce à un triple choc favorable aux entreprises européennes (des taux qui n'ont jamais été aussi bas ce qui favorise le crédit, une baisse de l'euro qui favorise les exportations et une baisse du prix du pétrole et du coût des matières premières). Elles ont fortement corrigé le reste de l'année, effaçant les gains du début d'année, à cause du dossier grecque, du krach sur les marchés asiatiques et plus généralement des faibles perspectives de croissancemondiale et d'une situation géopolitiquecompliquée.

    Le canal de la richesse a été peu actif, d'autant plus que les actions représentent une part beaucoup moins importante du patrimoine des ménages (10% en zone euro contre 25% aux Etats-Unis). Aussi, les européens ont une plus faible propension à dépenser leur gain que les américains, ce qui limite la puissance de ce canal en zone euro.

    4.2.3. Le quantitative easing pourrait devenir un outil inefficace, voir risqué

    Le chemin semble encore long pour la BCE dans la poursuite de son objectif premier de stabilité des prix. Pourtant, à travers la réalisation de cet objectif, c'est toute sa crédibilité qui est en jeu. Comme nous allons le voir, les raisons qui peuvent nous amener à douter de sa réussite dans le futur sont multiples, tout comme les risques que le quantitative easing soulève.

    Tout d'abord, les expériences des autres banques centrales menées à l'étranger ne sont pas rassurantes : aucune des principales banques centrales (Fed, BoE, BoJ) n'a réussi à relancer les prix grâce à une politique monétaire ultra expansionniste. Les seuls résultats positifs ont été pour la croissance, comme cela a été le cas aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Au Japon, c'est encore pire puisqu'en dépit des milliards de yens déversés sur les marchés financiers par la BoJ, la bataille sur la croissance et sur les prix a échoué.

    Ensuite, nous pouvons nous demander si un objectif de taux d'inflation à 2% par an en zone euro est encore réalisable.

    Cette question me semble plus que légitime dans une zone euro « mature » où les perspectives de croissance sont de plus en plus faiblesà cause, notamment, du vieillissement de la population et de notre perte de compétitivité à l'échelle mondiale. Cependant, baisser la cible d'inflation ne semble pas être une bonne idée puisque cela agirait très certainement de façon négative sur les anticipations d'inflation des agents. La solution pour la BCE est alors d'accorder plus d'importance aux objectifs de croissance et d'emploi et moins à celui de stabilité des prix sous peine de continuer à décevoir. Cela permettrait d'éviter les biais que représentent les chocs sur les prix des matières premières à ses actions.

    Aussi, à la question de savoir si la BCE doit décider d'injecter plus de liquidités chaque mois dans le système : la réponse est difficile.

    En effet, si la BCE n'annonce pas de mesures supplémentaires, alors que l'inflation reste nulle, les marchés financiers peuvent alors douter de sa volonté à remplir son objectif de stabilité des prix ce qui entacherait sa crédibilité. Cette raison pourrait alors justifier l'annonce d'un QE2, la BCE cherchant à éviter le pire.

    Mais, le problème en zone euro n'est pas le manque de liquidité, ni d'épargne. C'est le manque de débouchés et d'opportunités d'investissement pour cette épargne. Les faibles perspectives de croissances et de développement, ainsi que le manque de visibilité et la crainte d'une détérioration des conditions économiques internationales, favorisent l'épargne de précaution au détriment de la consommation. Rajouter de la liquidité dans le système, alors que les taux sont déjà au plus bas, n'aurait aucun effet bénéfique pour la croissance et l'inflation et ne ferait qu'accroitre l'épargne de précaution.

    Par ailleurs, un autre problème inhérent au QE, souvent souligné par la littérature, est qu'il ne cherche pas à résoudre les problèmes plus profonds mais seulement à « acheter du temps ». En effet, la mise en place d'un QE retire la pression sur les autres acteurs de la politique économique (gouvernements nationaux, commission européenne) à mener des réformes structurelles, jugées pourtant urgentes, et à veiller sur leur dépense publique. Sans ce travail complémentaire le quantitative easing est un outil inefficace.

    Enfin, en plus de douter de son efficacité future, le QE comporte des risques pour la stabilité financière.

    Il y a tout d'abord un risque de pénurie des titres d'Etat. Cela concerne principalement l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Espagne qui concentrent à eux quatre 75% des rachats de dettes chaque mois. Le quantitative easing entraine un asséchement des titres publics, d'autant plus aggravé par les politiques de réduction des déficits publics, rationnant les nouvelles émissions. De plus, certains pays, notamment l'Allemagne, n'ont plus besoin de se refinancer autant qu'avant. Les investisseurs obligataires ont donc de moins en moins de papier à se mettre sous la dent, d'où un risque de « grève des vendeurs » amenant à des distorsions sur les mécanismes de primes et à une certaine nervosité sur les marchés obligataires.

    Aussi, l'abondance de liquidité peut amener les investisseurs, à la recherche de rendements, vers des actifs de plus en plus risqués et donc à la formation de bulles d'actifs, dont la croissance pourrait poser de sérieux problèmes de stabilité financière, même si ce risque semble limité à l'heure actuelle.

    De plus, il existe un risque pour la BCE et pour les banques centrales nationales de se retrouver avec des pertes en capital au moment de la revente des titres risqués. En effet, il y a un risque de taux bien réel (si les taux montent, la cession peut entrainer des pertes financières), surtout avec la normalisation de la politique monétaire aux Etats-Unis. Les pertes en capital nécessiteraient alors une recapitalisation de la part des Etats (règles de la comptabilité privée) ce qui remettraient en cause son principe même d'indépendance.

    5. CONCLUSION

    Comme nous avons pu le voir, nombreuses ont été les critiques faites à l'égard de la BCE concernant sa gestion des crises. Même si elle ne peut pas être considérée comme seule responsable, l'étude de sa politique monétaire conventionnelle et de ses actions non conventionnelles nous prouve qu'elle a sa part de responsabilité dans cet échec. Cela est d'autant plus vrai aujourd'hui que la zone euro peine encore à retrouver son économie d'avant crise. Aussi, nous avions noté que la BCE semblait, au départ, plus avantagée que la Fed sur les instruments à sa disposition et qu'elle pouvait s'appuyer sur les expériences du passé, bien qu'elle ait une structure complexe et un fonctionnement unique.

    Globalement, il est reproché à la BCE d'avoir été trop attentiste, de ne pas avoir assez innové, et d'avoir privilégié l'objectif de stabilité des prix, au détriment des autres objectifs. En synthèse, il faut retenir que la BCE a trop tardé avant d'entamer la baisse de ses taux directeurs et que cette baisse s'est faite de manière trop progressive. Le taux zéro aurait dû être atteint plus rapidement, comme le suggéraient les expériences du passé et celles des autres banques centrales. Plus grave, elle a commis l'erreur historique de relever ses taux au début de la crise financière. L'inondation de liquidités vers les banques a permis de débloquer le marché interbancaire mais sans réel effet sur l'économie du fait d'opérations stérilisées qui n'incitaient pas les banques à prêter. A cause de leurs faibles montants, les programmes d'achats d'actifs n'ont pas eu plus d'effets positifs sur l'économie. Il est reproché aussi à la BCE d'avoir mis en doute l'intégrité de la zone euro en refusant de jouer son rôle de prêteur en dernier ressort pour la Grèce, créant ainsi des tensions sur le marché de la dette. Ajouté à cela un manque probant de transparence et de communication, la crédibilité de la BCE de Jean-Claude Trichet s'en était retrouvée fortement entachée.

    Le remplacement, en novembre 2011, de Jean-Claude Trichet par Mario Draghi a amené un vent de renouveau à la tête de la BCE. Grace à son interventionnisme et les efforts de communication et de transparence, la BCE de Mario Draghi aura au moins réussi à rassurer les marchés à défaut d'atteindre l'objectif de stabilité des prix, condition nécessaire pour que la BCE retrouve toute sa crédibilité.

    Les mesures supplémentaires annoncées en mars 2016, à savoir un abaissement du taux directeur à 0%, une augmentation des rachats mensuels d'actifs de 60 à 80 millions d'euros et un élargissement des achats aux obligations des entreprises, prouvent bien que la BCE est prête à tout pour atteindre cet objectif. Sa tâche pour le futur s'annonce ardue, d'autant plus que depuis la fin de l'année 2015, la Fed a pris le contrepied en commençant à relever ses taux directeurs. Un numéro d'équilibriste attend donc la BCE qui devra aussi éviter de tomber, si ce n'est pas déjà fait, dans une trappe à la liquidité et faire face à de possibles risques d'instabilité financière.

    Plus que la question de la crédibilité de la BCE, c'est l'avenir même de la zone euro et de la construction européenne qui semble aujourd'hui au coeur du débat. En effet, la fracture idéologique entre les europhiles et les eurosceptiques n'a jamais semblé aussi grande. Ces derniers profitant des difficultés que rencontrent actuellement l'Europe : des perspectives de croissance faibles, une gestion difficile et délicate de la crise des migrants et des attentats sur le sol européen ont renforcé leur poids face aux premiers. Le Grexit et maintenant le Brexit viennent nous rappeler que la construction européenne est une construction fragile qui ne tient maintenant plus qu'à un fil...

    6. BIBLIOGRAPHIE

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    WYPLOSZ C. La crise de la zone euro et les deux BCE. Revue d'économie financière (No. 113), 01/2014, p. 61-76

    3. L'interventionnisme assumé par la BCE était attendu, mais aura-t-il été suffisant pour annoncer une reprise en 2016 ?

    AFEP. Flash économique : politique monétaire européenne et stratégie de communication [en ligne]. Disponible sur : < http://www.afep.com/uploads/medias/documents/Flash_eco_0614-Politique_monetaire_et_strategie_de_communication.pdf>(consulté le 04.03.2016)

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    Banque centrale européenne. Encadré 1 : Le programme étendu d'achats d'actifs du Conseil des gouverneurs. Bulletin économique (No. 1), 2015, pp. 17-21

    BLOT C., CREEL J., HUBERT P, et al. Que peut-on attendre de l'assouplissement quantitatif de la BCE ? Revue de l'OFCE, n°138, 2015, 26p

    CARRE E. Les politiques monétaires non conventionnelles de la BCE : théories et pratiques. L'économie politique (n° 66), 02/2015, p. 42-55

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    COEURE B. La fascination pour la BCE prospère dans le vide du politique. L'économie politique (n°66), 02/2015, pp 7-19

    ECB. The role of the central bank balance sheet in monetary policy. Economic Bulletin (No. 4), 2015 [en ligne]. Disponible sur : < https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/art01_eb201504.en.pdf>(consulté le 04.03.2016)

    ECB. The ECB's forward guidance. Monthly Bulletin, 04/2014, pp. 65- 73

    LACOUR J. BCE : la transparence a minima. Les Echos, 10/02/2014

    VILLERS S. Quantitative easing : la BCE a-t-elle besoin d'en rajouter ? La Tribune, 18/11/2015

    7. ANNEXES

    Annexe 1 : Principaux indicateurs économiques de la zone euro

    Annexe 2 : Opérations de refinancement de la BCE (en milliards d'euros)

    Annexe 3 : Actif du bilan de l'Eurosystème

    Annexe 4 : Taux de croissance et d'inflation annuels moyens par pays en zone euro

    Annexe 5 : Taux d'intérêts des dettes publiques à 10 ans (en %)

    Annexe 6 : La trappe à la liquidité

    Annexe 7 : Actifs éligibles et actifs utilisés comme collatéraux par la BCE (au 2ème trimestre 2014, montants en milliards d'euros)

    Annexe 8 : Achats réalisés par la BCE dans le cadre du QE (valeur comptable fin de mois, en milliards d'euros)

    Annexe 9 : Clé de répartition des Etats au capital de la BCE

    Annexe 10 : Canaux de transmission du quantitative easing à l'économie réelle

    Annexe 11 : Taux de croissance mensuels du PIB en zone euro (en %)

    Annexe 12 : Taux d'intérêts des dettes publiques de la zone euro et du marché monétaire et interbancaire

    Annexe 13 : Crédit et taux d'emprunt bancaire en zone euro

    Annexe 14 : Principaux taux de change

    Annexe 15 : Principaux indices boursiers européens

    Annexe 1 : Principaux indicateurs économique de la zone euro

    Sources : BCE, Eurostat

    Annexe 2 : Opérations de refinancement de la BCE (en milliards d'euros)

    Sources : BCE, Eurostat

    Annexe 3 : Actif du bilan de l'Eurosystème

    Source : Banque Nationale de Belgique

    Annexe 4 : Taux de croissance et d'inflation annuels moyens par pays en zone euro

    Source : Eurostat

    Source : Eurostat

    Annexe 5 : Taux d'intérêts des dettes publiques à 10 ans (en %)

    Source : BCE

    Annexe 6 : La trappe à la liquidité

    L'existence de la trappe à la liquidité a été postulée par John Maynard Keynes dans la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936). Elle a été reprise en 1937 par John Richard Hicks et Alvin Hansen dans le cadre du modèle économique IS/LM, qui montrent que la politique monétaire peut devenir inefficace dans des conditions de dépression.

    Paul Krugman, économiste néo-keynésien, redéfini en 1998 le cadre théorique de la trappe à la liquidité pour mieux analyser la situation au Japon, suite à l'éclatement de la bulle immobilière en 1991.

    Krugman résume la situation de trappe à la liquidité ainsi : « Dans un pays avec de mauvaises perspectives de croissance à long terme - dues par exemple à des tendances démographiques non favorables - le taux d'intérêt réel de court terme nécessaire pour égaler l'épargne et l'investissement devrait être négatif. Comme le taux nominal ne peut pas être négatif, le pays « a besoin » par conséquent d'inflation attendue (expected inflation). Si les prix étaient parfaitement élastiques, l'économie obtiendrait l'inflation dont elle a besoin, quelques soit la politique monétaire ; si nécessaire en faisant baisser les prix maintenant de telle sorte que les prix puissent augmenter dans le futur. Mais si les prix actuels ne sont pas flexibles à la baisse, et que le collectif attend une stabilité des prix sur le long terme, l'économie ne peut pas obtenir le niveau d'inflation attendu dont elle a besoin ; et dans cette situation l'économie se retrouve elle même dans une situation où l'expansion monétaire, à court terme, quelques soit sa taille, est inefficace ».

    En situation normale, une politique monétaire expansionniste a pour effet principal de faire baisser le taux d'intérêt nominal, par l'augmentation de la quantité réelle de monnaie dans l'économie. On assiste à un déplacement de la courbe de l'offre de monnaie vers la droite (l'offre est verticale car contrôlée par la banque centrale) et à une diminution du taux d'intérêt d'équilibre (du point 1 au point 2).

    Modèle de la trappe à la liquidité - Source : Krugman (1998)

    Cependant, lorsque les taux nominaux se trouvent trop proches de zéro, toute politique monétaire expansionniste devient inefficace. La raison est simple : le taux d'intérêt directeur ne peut pas descendre en dessous de 0%, à cause de la fonction de réserve de richesse assurée par la monnaie. En effet, avec des taux d'intérêt négatifs, tout agent rationnel préfèrerait détenir des espèces plutôt que de prêter. Cela reviendrait à vouloir posséder des titres qui rapporteraient moins que la monnaie et le marché des capitaux disparaîtrait, ce qui n'est pas rationnel.

    Que faire en cas de situation de trappe à la liquidité ? Krugman évoque alors plusieurs pistes : des réformes structurelles, des réformes fiscales mais surtout il suggère de continuer la politique monétaire expansionniste. Les actions de la banque centrale, qui s'engagent à la stabilité des prix comme objectif de long terme, sont perçues comme des actions temporaires. Krugman attribue donc cette situation à un manque de crédibilité des banques centrales. Au contraire, il affirme qu'une politique monétaire expansionniste permanente pourrait être efficace dans le sens où elle créerait chez les individus des anticipations d'inflation. Une politique monétaire efficace dans une situation de trappe à la liquidité nécessite donc que la banque centrale agisse de manière crédible pour permettre à l'inflation de se produire.

    Annexe 7 : Actifs éligibles et actifs utilisés comme collatéraux par la BCE (au 2ème trimestre 2014, montants en milliards d'euros)

    Sources : BCE

    Annexe 8 : Achats réalisés par la BCE dans le cadre du QE (valeur comptable fin de mois, en milliards d'euros)

    Source : BCE

    Annexe 9 : Clé de répartition des Etats au capital de la BCE

    Banque centrale nationale

    Clé répartition %

    Capital apporté à la BCE

    Banque Nationale de Belgique (Belgium)

    3,5%

    268 222 025,17 €

    Deutsche Bundesbank (Germany)

    25,6%

    1 948 208 997,34 €

    Eesti Pank (Estonia)

    0,3%

    20 870 613,63 €

    Central Bank of Ireland (Ireland)

    1,6%

    125 645 857,06 €

    Bank of Greece (Greece)

    2,9%

    220 094 043,74 €

    Banco de España (Spain)

    12,6%

    957 028 050,02 €

    Banque de France (France)

    20,1%

    1 534 899 402,41 €

    Banca d'Italia (Italy)

    17,5%

    1 332 644 970,33 €

    Central Bank of Cyprus (Cyprus)

    0,2%

    16 378 235,70 €

    Latvijas Banka (Latvia)

    0,4%

    30 537 344,94 €

    Lietuvos bankas (Lithuania)

    0,6%

    44 728 929,21 €

    Banque centrale du Luxembourg (Luxembourg)

    0,3%

    21 974 764,35 €

    Central Bank of Malta (Malta)

    0,1%

    7 014 604,58 €

    De Nederlandsche Bank (The Netherlands)

    5,7%

    433 379 158,03 €

    Oesterreichische Nationalbank (Austria)

    2,8%

    212 505 713,78 €

    Banco de Portugal (Portugal)

    2,5%

    188 723 173,25 €

    Banka Slovenije (Slovenia)

    0,5%

    37 400 399,43 €

    Národná banka Slovenska (Slovakia)

    1,1%

    83 623 179,61 €

    Finlands Bank (Finland)

    1,8%

    136 005 388,82 €

    Total

    100,0%

    7 619 884 851,40 €

    Dernière mise à jour le 01/01/2015

    Source : BCE

    Annexe 10 : Canaux de transmission du quantitative easing à l'économie réelle

    Annexe 11 : Taux de croissance mensuel du PIB en zone euro (en %)

    Source : Eurostat

    Annexe 12 : Taux d'intérêts des dettes publiques de la zone euro et du marché monétaire et interbancaire

    Taux d'intérêts des dettes publiques à 10 ans (en %) - Source : BCE

    Taux d'intérêts des dettes publiques de la zone euro notées triple A et de différentes maturités (en %) - Source : BCE

    Taux du marché monétaire et interbancaire de la zone euro (en %) - Source : BCE

    Annexe 13 : Crédit et taux d'emprunt bancaire en zone euro

    Crédit bancaire dans la zone euro (variation annuelle, en %) - Source : BCE

    Coût d'emprunt bancaire dans la zone euro (en %) - Source : BCE

    Annexe 14 : Principaux taux de change

    Source : BCE

    Annexe 15 : Principaux indices boursiers européens

    Cours de bourse des principaux indices boursiers européens (Base 100 au 31/12/2012) - Source : abc bourse

    * 1Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Grèce (2001), Slovénie (2007), Chypre et Malte (2008), Slovaquie (2009), Estonie (2011), Lettonie (2014), Lituanie (2015)

    * 2 Neuf membres à la Bank of England (BOE), douze membres à la Federal Reserve (Fed)

    * 3La raison principale de la création de la Bundesbank en 1957 fut la stabilité des prix : l'Allemagne ayant fortement souffert d'hyperinflation au cours de la période de l'entre-deux-guerres

    * 4 Reserve Bank of New Zealand Act, 1989

    * 5 Théorie quantitative de la monnaie (Fisher)

    * 6 No INcome, no Job, no Asset

    * 7 Slogan présidentiel de 2004 de Bush : « The ownership society »

    * 8 Ecart entre le taux de l'Euribor 3 mois et le taux de l'EONIA. Il est utile pour mesurer le risque de crédit sur le marché interbancaire et plus globalement évaluer l'état de fonctionnement du système bancaire.

    * 9Ecart entre le taux de l'Euribor 3 mois et celui des bons du trésor à 3 mois. Le Ted spread est un indicateur du risque sur le marché interbancaire.

    * 10 Avant eux, d'autres auteurs avaient effectué ce même travail. Cependant, ils s'étaient focalisés sur la situation aux Etats-Unis. Paul Krugman avait montré en mars 2009 que la récente crise s'apparentait comme moins grave que celle de 1929 au travers d'un graphique comparatif sur l'évolution de la production industrielle.

    * 11« LTRO » ou long term refinancing operations

    * 12 MV = PT

    M = Stock de monnaie en circulation, P = Niveau des prix, V = Vitesse de circulation de la monnaie, T = Volume des transactions

    * 13 Triangle délimité par Londres, Milan et Hambourg

    * 14 Grèce, Portugal, Sud de l'Italie

    * 15 L'excédent budgétaire d'un pays doit être au moins aussi important que la différence entre le taux d'intérêt de la dette et le taux de croissance de l'économie, multiplié par le ratio d'endettement : S = (r - g)D

    * 16« credible promise to be irresponsible » (Krugman, 1998).

    * 17 Organisme de coopération et de développement économique

    * 18 0,05% pour le taux de refinancement, 0,30% pour le taux de facilité de prêt marginal et -0,20% pour le taux de facilité de dépôt

    * 19Achats prolongé jusqu'à mars 2017 (annonce faite par Mario Draghi le 3 décembre 2015)






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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon