Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?( Télécharger le fichier original )par Julia Le Floc'h - Abdou Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015 |
B - L'exception de citoyenneté, l'ébauche d'un fait justificatif ?Le moyen de défense intitulé « exception de citoyenneté » a été employé à de nombreuses reprises par l'avocat William Bourdon. On se basera donc sur la même notion que celui-ci304. Procédant d'un principe de droit pénal qui est l'état de nécessité (1), ce moyen de défense est observé sous le prisme des désobéissants civils et des lanceurs d'alerte (2). 1 - Le principe de l'état de nécessité, une justification à l'infractionL'état de nécessité est une cause objective d'irresponsabilité pénale, c'est-à-dire qu'elle ne fait pas obstacle à la constitution de l'infraction mais elle vient légitimer une infraction constituée. On parle, dès lors, de fait justificatif. Ce fait justificatif à l'infraction est une création prétorienne du juge Paul Magnaud, ancien Président du Tribunal correctionnel de Château-Thierry dans l'Aisne. Le 4 mars 1898305, Louise Ménard, jugée pour vol de pain devant le Tribunal correctionnel, a expliqué son geste par la nécessité de nourrir son enfant de deux ans. Ils n'avaient pas mangé tous deux depuis trente-six heures. Le tribunal va reconnaître la constitution de l'infraction mais va relaxer Louise Ménard. Le 22 avril 1898, la Cour d'appel d'Amiens confirmera le jugement. 304 Ibidem p. 197-217 305 Tribunal correctionnel de Château-Thierry, jugement 4 mars 1898, Dame Louise Ménard (Arch. dép. Aisne, 25 U 59) http://archives.aisne.fr/documents-du-mois/document-le-document-du-mois-de-janvier-59/n:85 91 L'état de nécessité peut être défini comme la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n'a d'autre ressource que d'accomplir un acte prohibé par la loi pénale mais sans pour autant que cela la rende coupable d'un fait engageant sa responsabilité pénale. L'état de nécessité prévu à l'article 122-7 du Code pénal306 doit réunir cumulativement plusieurs conditions pour trouver à s'appliquer. Celui qui invoque un tel fait justificatif doit établir, d'une part, l'existence d'un danger actuel ou imminent le menaçant, menaçant autrui ou un bien, d'autre part, le caractère nécessaire de l'acte accompli pour la sauvegarde de sa personne, d'autrui ou du bien, et, enfin, la proportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. Il faut donc, un danger actuel ou imminent, que le danger correspond en un péril grave et objectif et que la réaction à celui-ci soit nécessaire et proportionnée. Si les conditions sont pleinement constituées, l'état de nécessité viendra neutraliser la déclaration pénale de responsabilité mais l'auteur restera responsable civilement. Pour défendre les désobéissants civils, certains ont usé de cet état de nécessité. L'accueil mitigé des premiers temps tend aujourd'hui à s'effacer et une acceptation par les juges français s'amorce. Toléré dans certain cas de désobéissance civile, il a, pour l'instant, été réfuté pour les lanceurs d'alerte. Néanmoins serait-il possible prochainement d'user de ce moyen pour défendre les lanceurs d'alerte ? |
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