B - Citoyens et salariés, l'hypothétique
liberté d'informer
En France, les citoyens et agents ayant un lien de
subordination avec l'institution dénoncée peuvent alerter par le
biais de la voie interne mais la divulgation publique est exclue.
La loi du 6 décembre 2013 a implicitement
autorisé cette dénonciation médiatique mais actuellement
les ressorts de cette possibilité n'ont pas été
étudiés et appliqués. L'article 1er de la loi
Blandin a explicitement fait référence à une divulgation
publique240.
Récemment, la Chambre sociale a jeté un trouble
en apportant plus de questions que de réponses. Dans son arrêt du
30 juin 2016 (n°15-10.557), elle a signifié que les lanceurs
d'alerte seraient protégés lorsqu'ils porteront à la
connaissance du procureur de la République des faits de corruption mais
également en cas de dénonciation à des tiers. Par cette
formule, la Cour de cassation aurait-elle autorisé implicitement une
éventuelle dénonciation médiatique ?
De manière générale, les agents publics
ou privés sont contraints à une dénonciation interne. Ceux
qui s'autorisent à divulguer publiquement sont sanctionnés pour
ce choix (1). Les citoyens diffusant des alertes mais n'ayant
pas un lien de subordination, sont, eux aussi, régulièrement
poursuivis (2).
1 - L'utopique liberté de communication des
agents privés et publics
Les exemples d'agents publics condamnés pour avoir
usé de la presse sont nombreux.
Ces fonctionnaires subissent des poursuites disciplinaires et
pénales au motif qu'ils ont violé leurs obligations statutaires.
À l'instar de Philippe Pichon, la policière Sihem Souid fut
sanctionnée pour manquement à son obligation de réserve.
Elle avait alerté en interne (le Défenseur des droits et le
procureur de la République) les comportements racistes, sexistes et
homophobes de ses collègues policiers. Face à l'immobilisme, elle
avait dénoncé publiquement ces agissements dans un livre
intitulé « Omerta dans la police ». Elle fut
239 L'affaire de la journaliste Florence Hartmann
démontre également la problématique de la protection
des journalistes dénonçant des comportements
répréhensibles et de la lisière entre journalisme et
lanceur d'alerte.
240 Art. 1er de la loi Blandin : « Toute
personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de
bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action,
dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée
ou de cette action lui paraît faire peser un risque grave sur la
santé publique ou sur l'environnement. L'information qu'elle rend
publique ou diffuse doit s'abstenir de toute imputation diffamatoire ou
injurieuse ».
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révoquée de ses fonctions. Cette sanction sera
confirmée par le Tribunal administratif et la CAA au motif que son livre
avait profondément dégradé l'image de l'Administration
auprès de l'opinion publique241.
Pour les salariés du secteur privé, la sanction
est la même s'ils usent de la presse pour alerter. La Cour de cassation,
le 23 septembre 2015, a rappelé que l'exercice de la liberté
d'expression ne peut constituer une faute qu'à la condition d'avoir
dégénéré en abus242.
En l'espèce, le délégué
général d'une association avait été licencié
à la suite de propos tenus à l'encontre d'un certain nombre
d'interlocuteurs internes et extérieurs de l'association. Selon la Cour
d'appel de Paris, ils caractérisaient un manquement à son
obligation de loyauté et un comportement en « graves
contradictions avec les fonctions confiées ». La Cour de
cassation avait cassé la décision car elle n'avait pas
caractérisé « l'existence, par l'emploi de termes
injurieux, diffamatoires ou excessifs, d'un abus dans l'exercice de la
liberté d'expression dont jouit tout salarié ». L'abus
de la liberté d'expression du salarié doit, donc, être
juridiquement caractérisé ; les propos tenus devant être
injurieux, diffamatoires ou excessifs.
Le but poursuivi par le salarié sera également
étudié. Si ses propos avaient pour dessein la protection d'un
intérêt supérieur ou légitime (comme la santé
ou l'environnement), la sanction prononcée par l'employeur sera
considérée comme excessive. Il appartient à l'employeur de
prouver le manquement à l'obligation de loyauté et le
caractère abusif des propos tenus par le salarié.
De sorte que si le salarié peut manifester ses
désaccords, il est tenu par des obligations. Ainsi, la protection, dont
il peut bénéficier, sera analysée sous différentes
conditions.
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