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Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?

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par Julia Le Floc'h - Abdou
Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015
  

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B - Citoyens et salariés, l'hypothétique liberté d'informer

En France, les citoyens et agents ayant un lien de subordination avec l'institution dénoncée peuvent alerter par le biais de la voie interne mais la divulgation publique est exclue.

La loi du 6 décembre 2013 a implicitement autorisé cette dénonciation médiatique mais actuellement les ressorts de cette possibilité n'ont pas été étudiés et appliqués. L'article 1er de la loi Blandin a explicitement fait référence à une divulgation publique240.

Récemment, la Chambre sociale a jeté un trouble en apportant plus de questions que de réponses. Dans son arrêt du 30 juin 2016 (n°15-10.557), elle a signifié que les lanceurs d'alerte seraient protégés lorsqu'ils porteront à la connaissance du procureur de la République des faits de corruption mais également en cas de dénonciation à des tiers. Par cette formule, la Cour de cassation aurait-elle autorisé implicitement une éventuelle dénonciation médiatique ?

De manière générale, les agents publics ou privés sont contraints à une dénonciation interne. Ceux qui s'autorisent à divulguer publiquement sont sanctionnés pour ce choix (1). Les citoyens diffusant des alertes mais n'ayant pas un lien de subordination, sont, eux aussi, régulièrement poursuivis (2).

1 - L'utopique liberté de communication des agents privés et publics

Les exemples d'agents publics condamnés pour avoir usé de la presse sont nombreux.

Ces fonctionnaires subissent des poursuites disciplinaires et pénales au motif qu'ils ont violé leurs obligations statutaires. À l'instar de Philippe Pichon, la policière Sihem Souid fut sanctionnée pour manquement à son obligation de réserve. Elle avait alerté en interne (le Défenseur des droits et le procureur de la République) les comportements racistes, sexistes et homophobes de ses collègues policiers. Face à l'immobilisme, elle avait dénoncé publiquement ces agissements dans un livre intitulé « Omerta dans la police ». Elle fut

239 L'affaire de la journaliste Florence Hartmann démontre également la problématique de la protection des journalistes dénonçant des comportements répréhensibles et de la lisière entre journalisme et lanceur d'alerte.

240 Art. 1er de la loi Blandin : « Toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît faire peser un risque grave sur la santé publique ou sur l'environnement. L'information qu'elle rend publique ou diffuse doit s'abstenir de toute imputation diffamatoire ou injurieuse ».

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révoquée de ses fonctions. Cette sanction sera confirmée par le Tribunal administratif et la CAA au motif que son livre avait profondément dégradé l'image de l'Administration auprès de l'opinion publique241.

Pour les salariés du secteur privé, la sanction est la même s'ils usent de la presse pour alerter. La Cour de cassation, le 23 septembre 2015, a rappelé que l'exercice de la liberté d'expression ne peut constituer une faute qu'à la condition d'avoir dégénéré en abus242.

En l'espèce, le délégué général d'une association avait été licencié à la suite de propos tenus à l'encontre d'un certain nombre d'interlocuteurs internes et extérieurs de l'association. Selon la Cour d'appel de Paris, ils caractérisaient un manquement à son obligation de loyauté et un comportement en « graves contradictions avec les fonctions confiées ». La Cour de cassation avait cassé la décision car elle n'avait pas caractérisé « l'existence, par l'emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, d'un abus dans l'exercice de la liberté d'expression dont jouit tout salarié ». L'abus de la liberté d'expression du salarié doit, donc, être juridiquement caractérisé ; les propos tenus devant être injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Le but poursuivi par le salarié sera également étudié. Si ses propos avaient pour dessein la protection d'un intérêt supérieur ou légitime (comme la santé ou l'environnement), la sanction prononcée par l'employeur sera considérée comme excessive. Il appartient à l'employeur de prouver le manquement à l'obligation de loyauté et le caractère abusif des propos tenus par le salarié.

De sorte que si le salarié peut manifester ses désaccords, il est tenu par des obligations. Ainsi, la protection, dont il peut bénéficier, sera analysée sous différentes conditions.

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