UNIVERSITE PAUL CEZANNE - AIX-MARSEILLE III
INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES
MEMOIRE
pour l'obtention du Diplôme
L'Armagnac, un produit d'avenir ?
Par M. Floran BAYLE
Mémoire réalisé sous la direction de M.
Jean-Claude RICCI
L'IEP n'entend donner aucune approbation ou improbation
aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent
être considérées comme propres à leur
auteur.
Mots-clés : ARMAGNAC- SPIRITUEUX - EAUX-DE-VIE - CRISE -
MARKETING - INTERPROFESSION- AOC - BNIA - COMMERCE - VITICULTURE
Résumé :
Lé déclin de l'Armagnac de 1980 à nos jours
est indiscutable : les ventes ont été divisés par trois.
La stabilisation des sorties ces dernières années est-elle un
pallier ou un seuil avant une nouvelle phase de croissance ? A partir d'une
analyse des causes du déclin si la restructuration de la filière,
l'amélioration du produit et les politiques de relance par la
communication ont permis ce résultat ou n'ont e aucune incidence. Les
conclusions de ce constat, nous permettent d'évoquer les avenirs de ce
produit. Cette synthèse sur une eau-de-vie française abordent sur
un large éventail les problématiques du produit sur le
marché des vins et spiritueux.
à mon arrière grand-père Cyprien,
qui vécut près d'un siècle au coeur du Bas
Armagnac, « arrosant » son café quotidien de cet élixir
mystérieux qu'il appelait « tisane de pied tordu ».
SOMMAIRE
Introduction
1 Le marché de l'Armagnac et la crise
1.1 La place de l'Armagnac sur le marché des
eaux-de-vie et spiritueux
1.2 L'organisation de la filière Armagnac
1.3 Les différentes explications d'une crise de
l'Armagnac
2 Les politiques de relance du produit et l'avenir de la
filière
2.1 Un travail sur la production
2.2 La cohérence du travail effectué sur la
communication
2.3 Quel avenir pour l'Armagnac ?
Conclusion
6
« Cau segui la modo o quita lo païs. »
(Il faut suivre la mode ou quitter le pays.)
Ce proverbe bien connu des viticulteurs gascons illustre bien
le caractère évolutif du monde agricole et plus encore de celui
de l'eau-de-vie régionale, l'Armagnac : tenter de décortiquer ce
monde de l'Armagnac est une dégustation sans fin, une insertion dans un
« mundillo » au savoir-vivre particulier avec ses
règles et son travail.
Ecrire l'histoire d'un produit, réfléchir
à son avenir conduit à considérer l'ensemble de
l'organisation sociale de la production et de la commercialisation. A la
différence d'une synthèse complète sur la filière,
cette étude s'attache à mettre en lumière par le prisme du
produit les relations au sein de l'interprofession mais de manière
générale du producteur au consommateur.
L'Armagnac dans sa plus simple définition, est une
eau-de-vie obtenue par distillation de vin et vieillie en fût de
chêne dans une région précise du sud-ouest de la France aux
confins de trois départements : le Gers, les Landes et le
Lot-et-Garonne. Le décret présidentiel de 1909, appelé
« décret Fallières » a conféré
l'appellation d'origine à ce produit, un des premiers de ce genre en
France. Ce décret ne fait qu'officialiser une des premières
démarches collectives de clarification de dénomination d'un
produit issu d'un savoir faire pluri-centenaire. Il subdivise cette zone en
trois sous-appelations : Haut-Armagnac (3% de la production aujourd'hui),
Bas-Armagnac (55%) et Ténarèze (42 %) selon des critères
plus politiques que ceux géologiques initiaux. Ces identifiants sont
repris dans le décret-loi de 1936 officialisant son Appellation
d'Origine Contrôlée.
L'histoire de l'Armagnac est jalonnée de crises et de
prospérités, d'évolutions techniques. Si certains
décrètent l'Armagnac la plus vieille eau-de-vie française
- débat à des fins souvent plus commerciales qu'historiques -, il
semble difficile de dater exactement une naissance officielle. Et quelle
filiation existe entre le médicament
7
médiéval du marché de Saint-Sever et le
produit à l'ère industrielle de l'agronomie ! Rencontre d'un
produit agricole et d'une technique, le vin et la distillation, l'eau-de-vie ne
peut en tout cas préexister à la transmission du savoir-faire
technique, l'indispensable alambic transmis par les Maures. A usage curatif et
remède contre tous les maux, cette eau-de-vie appelée «
aygue ardente », est née au moyen-âge. Divers érudits
ont trouvé les premières traces dans les documents au
XVème siècle Henri Dufor1, historien
spécialiste de l'Armagnac. Le développement du commerce mondial
au XVII ème profite à l'eau-de-vie produite dans la
région. La première mention Armagnac est, selon le même
érudit, déjà liée au lieu de production puisqu'elle
est écrite sur les tonneaux d'eaux-de-vie entreposés dans les
navires en partance pour les pays du Nord.
Nous pouvons dater la naissance de l'Armagnac en tant que
produit à partir de la création de maisons de négoce au
XIXème siècle. Nous n'entrerons pas dans la polémique bien
gasconne mais représentative de l'attachement au passé des
producteurs - à propos de la plus ancienne maison de négoce
d'Armagnac entre la maison Dartigalongue installé à Nogaro en
Armagnac et la maison Castarède négociant d'eaux-de-vie mais
installée hors de la zone d'appellation actuelle auparavant. Le Gers est
au dix-neuvième siècle le premier département viticole de
France avec 17% de sa surface consacrée à la viticulture. La
crise du phylloxéra est la première crise de l'âge moderne
de l'Armagnac. Il faut attendre le décret de 1909 signé par le
président gersois Fallières pour donner « à l'or
blond l'assise régionale et l'identité oenologique qui est la
sienne aujourd'hui ».
Dans cette logique initiale d'une «
traçabilité » des produits mis en vente, les produits
viticoles se protègent des trafics et fausses appellations. Peut-on
parler d'un terroir ou d'une marque Armagnac ? La mention de terroir y est
privilégiée dans la logique des AOC viticoles. Aujourd'hui, cette
logique est remise en cause face à la concurrence des vins dits de
cépage ou de pays. Ces critères de distinction font-ils encore
sens, a fortiori pour un produit agricole transformé ? Nous reviendrons
sur cette question d'image et de goût, l'essentiel est de retenir
l'indissociabilité du produit avec son environnement.
Le produit Armagnac définit une région de
production homonyme différente de la province royale initiale. C'est un
produit différencié d'un autre pour l'acheteur grâce
à la garantie d'un lieu et d'un mode de production. Si le produit est
l'aboutissement d'une
1 DUFOR Henri, Armagnac, eaux-de-vie et
terroirs, Toulouse, éditions Privat, 1982
8
chaîne de production, il n'en reste pas moins, l'acte
fondateur d'une entreprise. Toute entreprise se crée sur l'idée
d'un produit ou d'un service. Nier cet aspect sous couvert de
privilégier exclusivement la tradition, les pratiques ancestrales ou le
« bien vivre » gascon serait un mensonge historique et conduirait
à la création d'une mythologie incapable de comprendre le monde
de l'Armagnac. L'Armagnac est un « business » pas comme les
autres, tout le monde en convient, mais il demeure un commerce.
L'aspect économique se place donc au centre de notre
réflexion. Il est donc privilégié puisqu'il nous semble la
raison d'être du produit. Ne sont pas omis les aspects socioculturels et
institutionnels qui sont intrinsèquement liés au produit fini.
Notre travail qui a pour vocation d'être une synthèse ne peut
avoir d'autre approche que globale.
Dans une démarche interdisciplinaire, l'équipe
de chercheurs de l'Université du Mirail de Toulouse sous la direction de
Bernard Kayser a réalisé en 1992 l'unique travail universitaire
sur cette production intitulé « L'Armagnac, un produit, un pays
»2 sur une commande du Patrimoine ethnologique au
ministère de la culture. Il n'existe aucun travail synthétique
sur la filière depuis cette époque. Dans une perspective plus
économique, nous notons la thèse très complète mais
déjà vieille de vingt ans écrite par Jean-Louis
Darréon et Alain Gabriel en 1988, l'Armagnac de la production
à la commercialisation : des réponses inadaptées face au
déclin3. Depuis, peu d'ouvrages4 même
pour les consommateurs si ce n'est la réédition du très
complet guide de l'amateur d'Armagnac de ... 1982. A partir de ces
ensembles de données et perspectives, il est intéressant de
décrire et d'analyser l'évolution de la situation. Pour
remédier à cette absence de sources écrites globales
depuis une quinzaine d'années, nous avons essayé de rencontrer
différents types de professionnels, d'accumuler les documents, cela dans
la limite des moyens et de temps. Loin d'être complet et exhaustif, ce
travail offre cependant un aperçu que nous avons voulu assez
précis du monde de l'Armagnac d'aujourd'hui.
Il se vend six millions de bouteilles d'Armagnac chaque
année. Cette économie est évidemment localisée dans
le « noeud gascon » de l'appellation mais n'est qu'une
activité mineure du secteur agricole. Cette activité est en
déclin depuis l' « âge d'or ». De 34000
2 KAYSER Bernard, [et al.], L'Armagnac : un
produit, un pays. Ressources patrimoniales, identités culturelles et
développement local, Presses Universitaires du Mirail, Toulouse,
1993
3 DARREON J.-C., GABRIEL A., l'Armagnac de la
production à la commercialisation : des réponses
inadaptées face au déclin, double thèse de sciences
économiques, Université duMirail, Toulouse,
1988
4 Notons LEBEL Frédéric, Esprit de
l'Armagnac, éd. Le cherche-midi, 1998 ; GELAS Philipe, L'instant
Armagnac, Bleu 17 production, 2000 ;
9
d'hectolitres d'alcool pur (Hl AP) en 1989, la production est
tombée autour de 15000 Hl AP ces cinq dernières années. Si
ces données brutes ne peuvent masquer un déclin quantitatif, il
serait trop facile de n'y voir qu'un changement du comportement des
consommateurs faisant de l'Armagnac un mauvais produit.
Le monde de l'Armagnac est aujourd'hui très
partagé entre un fatalisme impuissant vis-à-vis de la lente
agonie de ce produit d'un autre temps et les visionnaires prédisant un
âge d'or prochain ; les positions sont diverses et toutes
intéressantes. Au-delà des mots, des représentations, avec
quel degré de pertinence peuvent être entendus ces
différents discours, sur quelles logiques sont-ils fondés ? Le
terme de crise est le plus utilisé. La crise est évidente selon
de nombreux facteurs : baisse des ventes, baisse de la production et baisse du
nombre de producteurs. Cette période de dépression
économique dure depuis 25 ans. Nous ne mettrons pas en doute cette
situation, mais à partir de la crise nous verrons quelles
réponses ont été données ainsi que leurs
résultats. Lorsque nous évoquions devant eux une crise du monde
de l'Armagnac, certains professionnels montraient la hausse de leur chiffre
d'affaires et leurs performances à l'exportation. Notre travail,
même limité, s'efforce de décrypter et d'actualiser
l'économie d'aujourd'hui pour anticiper celle de demain.
Notre objectif est de comprendre quelle sera la
viabilité de ce produit dans l'avenir avec quelle forme, quel
marché,... ? D'autant que le produit Armagnac nécessite une
prospection à long terme en sa qualité même et pas
seulement en terme d'infrastructures, chose rare pour un produit alimentaire.
Le producteur doit anticiper le marché de demain, a fortiori pour un
produit qu'il faut parfois entretenir plus de quarante ans avant de la
vendre.
Dans ce but, nous nous efforçons dans une
première partie, de présenter la polymorphie des agents de la
filière et la place du produit Armagnac dans le marché
économique afin d'analyser les facteurs et les explications de la crise,
c'est-à-dire la chute des ventes d'Armagnac depuis 1978. Dans la seconde
partie, nous ferons une lecture des réponses apportées par les
différents acteurs du point de vue de la production et surtout du point
de vue de la communication et de l'image du produit (il est difficile de
critiquer les questions oenologiques et agronomiques pour un étudiant en
sciences politiques), cela nous permettra dans une logique de prospective
d'esquisser les perspectives du produit Armagnac.
10
1 Le marché de l'Armagnac et la
crise
Dans cette première partie, nous privilégierons
l'aspect descriptif pour connaître le produit et le marché (1.1)
et les acteurs économiques (1.2). Cette logique nous conduit à
évoquer les inadéquations entre l'offre et la demande. Un
ensemble de facteurs peuvent les expliquer. Nous essaierons d'identifier ces
facteurs au bout de notre raisonnement (1.3). La production et le commerce
d'alcool ont des règles spécifiques et plus
contrôlées que d'autres produits agro-alimentaire de part la
nature du produit. L'Armagnac n'en reste pas moins un produit soumis aux
aléas du jeu de la concurrence auquel la filière doit sans cesse
s'adapter. La compréhension de la situation permettra de comprendre,
voire critiquer les réponses apportées, dans la deuxième
partie de notre travail.
1.1 La place de l'Armagnac sur le marché des
eaux-de-vie et spiritueux
Si notre étude se focalise sur le produit Armagnac, il
ne peut être compris sans se référencer à un
marché, lieu où se concentre la demande. Nous essaierons de
comprendre les caractéristiques de l'Armagnac qui donnent sa
spécificité à ce produit sur le marché des
spiritueux (1.1.1). Il ne peut exister de produit que s'il se distingue
d'autres marchandises (1.1.2). Nous étudierons sa place sur son
marché naturel : celui des spiritueux, avant de s'interroger sur la
pertinence de ce marché et esquisser d'autres dimensions
économiques où s'immisce le produit Armagnac (1.1.3).
1.1.1 Les qualités du produit Armagnac
Les produits d'appellation, comme le champagne et l'Armagnac,
ont la particularité de confondre le produit, son lieu de production et
son label garant d'une origine géographique et d'un savoir-faire. Si
l'Armagnac est une eau-de-vie particulière, lointaine descendante de l'
« ayga ardente » du marché de Saint-Sever du XVème
siècle, de nombreux « éléments de la
personnalité » la caractérisent, ou comme dit Fernand
11
Cousteaux « ce qui la rend incomparable
»5. Nous verrons dans un premier temps, l'eau-de-vie non
mélangée, produit commercial direct, objet de notre étude,
puis les « produits dérivés », c'est-à-dire les
fabrications et produit non vendus comme Armagnac pur.
1.1.1.1 Des eaux-de-vie particulières
Si nous ne nous intéressons qu'aux
propriétés intrinsèques du produit et non à l'image
« Armagnac », il est possible d'établir des critères de
distinction objectifs avec les autres eaux-de-vie mais aussi au sein des
produits Armagnac.
« Quelle est la différence entre un Cognac et un
Armagnac ? » Beaucoup de consommateurs sont incapables de
différencier les deux produits gustativement selon les nombreuses
enquêtes de consommation. Cette ignorance se retrouve même chez des
acheteurs réguliers piégés lors de test
d'échantillons.
La nature du produit est une eau-de-vie : « liquides
produits par distillation de boissons alcooliques ou fruits en fermentation
dont le titre alcoométrique acquis minimum est de 37,5%
»6. Chose élémentaire certes, il n'est pas rare
de retrouver des erreurs de dénomination ou
imprécisions7. Le vin aux caractéristiques
particulières (art. 7) doit être distillé avant le 31 mars
de l'année suivant la récolte et le distillat doit être
maintenu un an au minimum en barriques de chêne.
La caractéristique essentielle du produit est son
Appellation d'Origine Contrôlée. Sans préciser les
détails techniques, elle consacre une zone de production des vins et de
distillation, une variété limitée de cépage, des
limites de rendement8, L'appellation d'origine
contrôlée, reconnue au plan européen, a un but de
protection du producteur et du consommateur. Elle « est un signe
français qui désigne un produit qui tire son authenticité
et sa typicité de son origine géographique. Elle est l'expression
d'un lien intime entre le produit et son terroir. » Surtout, le produit
« ne peut être reproduit hors de son terroir »9.
L'AOC a été créée pour le monde viticole en 1935 et
l'Armagnac a été une des premières à en
bénéficier. La distinction entre la marque, le produit et
l'origine géographique devient moins aisée, la
dénomination Armagnac peut se décliner sous les
5 COUSTEAUX Fernand, CASAMAYOR Pierre, Guide de
l'amateur d'Armagnac, Editons Privat, Toulouse, 1985, (p. 63). Voir de la
page 64 à la page 135 pour une approche plus complète
6 Art. 401-1-b du code général des
impôts
7 « Liqueur marginalisée » selon
Jean-Baptiste Robert, Les exportations de vins et spiritueux français
dans le monde, mémoire IEP Aix, 2003
8 Voir annexe 3.1 : le décret du 27 mai 2005
modifiant le décret du 6 août 1936 (
9
www.inao.gouv.fr
12
trois formes dans l'esprit du consommateur. Si l'AOC
était une garantie, la multiplication des AOC (467 aujourd'hui) a
peut-être dénaturé ce label. Les professionnels du vin se
détournent en partie des AOC vers de vins de pays pour acquérir
une plus grande liberté d'élaboration et s'adapter à la
concurrence mondiale. Peut-être l'AOC n'offre-t-elle plus une même
garantie commune pour tous les producteurs?
Les caractères de différenciation des
eaux-de-vie commercialisées sont nombreux même s'ils ne sont pas
toujours indiqués au consommateur. Nous ne retenons que les principaux
et nous les classons par ordre dans la chaîne de production : les
terroirs, les cépages, le mode de distillation, l'âge, les
mélanges.
- Terroirs
L'appellation Armagnac est subdivisés en trois
sous-appellations dits « crus » : Bas-Armagnac,
Ténarèze et Haut-Armagnac définis par le décret
Fallières 1909 puis officialisé par le décret du 6
août 1936 et retouchés par celui du 27 mai 2005. Elles ne
correspondent pas toujours à la réalité géologique
sables fauves/sols calcimorphes, la classification historique de Jules Seillan
en 1860, ni à des regroupements de producteurs. Le Bas-Armagnac est le
plus côté en général, certains vantent le «
carré magique » à cheval sur les Landes et le Gers ou le
triangle d'or (cf.carte), appelé parfois « Grand-bas » sans
aucune reconnaissance officielle. D'autres, tel André Daguin, un
célèbre restaurateur auscitain, défendent avec ardeur les
qualités des Ténarèzes. L'importance du terroir est
primordiale, les arguments historiques sont utilisés par les promoteurs
du château Neguebouc par exemple pour défendre le Haut-Armagnac,
à peine 2% de la production actuelle, reprenant les termes de
l'historien Zacharie Baqué « historien incontesté de la
Gascogne » qui affirmant le « goût supérieur » des
eaux-de-vie du Haut-Armagnac. La commercialisation s'effectue sous
l'appellation générique Armagnac pour les plus jeunes et moins
prestigieux (50% en 1980, plus de chiffres aujourd'hui, sûrement autant
aujourd'hui).
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13
-Cépages
L'AOC limite l'utilisation des différents
cépages : « baco blanc B, blanc dame B, colombard B, folle blanche
B, graisse B, jurançon blanc B, mauzac B, mauzac rosé Rs, meslier
Saint-François B, ugni blanc B. »10 Les trois principaux
sont l'ugni-blanc, le baco et la folle blanche. Le colombard est
plébiscité aussi par les viticulteurs car il donne aussi des vins
blancs corrects contrairement aux autres, destinés plus
spécifiquement à la distillation. Les cépages ont-ils un
caractère fondamental dans le produit distillé? La réponse
positive est évidente, et pourtant nous pouvons nous interroger sur
l'intérêt de la communication à partir du cépage.
Peu de producteurs indiquent l'espèce d'origine du cep de vigne.
Certains, comme le Domaine du Tariquet, commercialisent des Armagnacs
monocépages avec une référence explicite11.
Cette mise en avant du cépage contre le terroir du monde du vin a-t-elle
un sens dans le monde des spiritueux ? S'intéresse-t-on aux
variétés de canne à sucre ou de pommes de terre permettant
la fabrication du rhum et de la vodka? Il n'en reste pas moins qu'il rappelle
le caractère viticole du produit, cela valorise l'aspect artisanal et
historique de la culture de la vigne.
10 Décret du 27 mai 2005 relatif à l'AOC
« Armagnac », article 5,
11 « Les degrés naturels » une gamme de
Bas-Armagnac inédite, une sélection aux caractères
uniques, réalisée par Yves Grassa avec un 100% folle blanche et
toujours la mention des cépages
14
- Le mode de distillation
La distillation transforme le vin en eau-de-vie au moyen de
l'alambic. La caractéristique de la distillation de l'Armagnac est
l'alambic Armagnacais obligeant un unique passage en continue. Celui
utilisé pour le Cognac oblige à une distillation en deux temps
pour séparer les différents éléments du distillat.
Elle permet une meilleure maîtrise du distillateur su r
l'opération. Néanmoins, la double chauffe est autorisée
pour la fabrication de l'Armagnac jusqu'en 2019.
- Age/vieillissement
Le contact aux fûts de chêne d'une durée
minimale d'un an à compter du 1er avril après
distillation donne goût et couleur à l'Armagnac. Si certains
opérateurs insistent sur l'origine des chênes de la
propriété, c'est la durée de conservation qui est
essentielle dans le caractère de l'eau-de-vie. Le contact du bois donne
un goût caractéristique et révèle les arômes
de l'eau-de-vie. L'eau-de-vie ne vieillit qu'en fût. Le produit est
stable en bouteille à la différence du vin. Le classement des
eaux-de-vie s'effectue en fonction du temps passé en barrique. On parle
de compte 0 pour un Armagnac vieilli un an, compte 1 deux ans,...Le
vieillissement entre une diminution du volume estimé à 3% par an
due à l'évaporation. Il s'agit de la fameuse « part des
anges ». Le stockage s'il améliore l'eau-de-vie, il la
renchérissent aussi. Le caractère spéculatif de l'Armagnac
repose sur ce principe. Un bon négociant sait quand l'eau-de-vie a
atteint son meilleur potentiel de rentabilité.
- millésimes ou assemblages
L'Armagnac se commercialise sous deux formes : l'assemblage ou
le millésime, à la différence du Cognac qui ne se
commercialise que sous forme d'assemblage. L'assemblage est un mélange
d'eaux-de-vie de différentes années, on se réfère
à la plus jeune d'entre elles pour exprimer son âge. On distingue
V.S.O.P, hors d'âge, napoléon, X.O.12. Le
millésime est une eau-de-vie dont l'année indique l'année
de distillation, sans coupe, sans mélange.
-degrés d'alcoométrie
S'il doit être supérieur à 37,5°,
l'Armagnac est commercialisé avec des degrés supérieurs
à 50° parfois. En général, les opérateurs
commercialisent des eaux-de-vie avec des degrés compris entre 40 et 45
°. L'abaissement à ces taux inférieur à ceux à
la sortie
12 Voir la simplification effectuée par BNIA
tableau § 2.1.3.1
15
de l'alambic nécessite une réduction à
l'eau réalisée par adjonction en général ou un
temps de vieillissement important.
Cette classification autour des principaux critères de
distinction du produit montre l'extrême complexité
du produit Armagnac. Il résulte d'un processus
d'élaboration plus ou moins long avec une transformation. Il n'est pas
rare qu'un consommateur lambda ignore que l'Armagnac est du vin avant la
distillation. Nous disons que le produit Armagnac est divers. Loin d'être
un produit uniformisé, il est au contraire
différencié. La gamme est très large
entre un compte 1 et un vieux millésime. Cela implique chez un
même vendeur une fourchette de prix très étendue. Son
Armagnac peut se distinguer très nettement de celui de son voisin.
Enfin, il existe une traçabilité importante,
conséquence de l'AOC. Cette traçabilité informe-t-elle le
consommateur plus qu'elle ne le rassure ? Peu d'opérateurs indiquent sur
leur produit les informations substantielles à l'exception de l'origine
géographique et le degré alcoométrique.
1.1.1.2 « Les produits dérivés
»
L'Armagnac n'est pas seulement commercialisé sous la
forme d'un produis fini (62% des volumes sous formes de bouteilles en 2003).
Une part importante prend d'autres directions. Il faut relativiser l'importance
en valeur de ces volumes par la moindre qualité des Armagnacs
utilisés dans ces « produits dérivés ». Ce sont
des Armagnacs jeunes donc à faible valeur ajoutée.
Vrac : la même eau-de-vie qui est
vendue sous l'appellation Armagnac mais achetée par des embouteilleurs
extérieurs ne distillant pas. Cette activité longtemps
prépondérante (65% en 1970) est devenu marginale aujourd'hui (10%
des sorties).
Floc de Gascogne (10%) : vin de liqueur,
« type pineau de Charente », obtenu par l'association de moûts
de raisin non fermenté et d'Armagnac, le tout vieilli un an en fût
de chêne. Il bénéficie d'une AOC depuis 1977, mais si ses
ventes ont bien débuté lors du lancement, le produit s'essouffle.
« Le floc de Gascogne sauve l'Armagnac », cette confidence d'un
producteur ne se traduit pas dans les chiffres, surtout pour ces cinq
dernières années- de 1713 Hl AP en 2002 à 1029 Hl AP en
2005-. Un autre propriétaire-
16
récoltant évoque le « flop de Gascogne
». Il n'y a pas que les chiffres qui sont têtus dans l'Armagnac !
Fabrications (16%) : une utilisation de
l'Armagnac pour la réalisation de liqueurs («
pousse-rapière, belle Sandrine,...) de fruits confits (pruneaux,
cerises, framboises) ou encore d'autres produits alimentaires
(pâtisseries, charcuterie ...).
Blanche Armagnac : elle est obtenue tout de
suite après la distillation. Déclarée AOC par le
décret du 27 mai 2005 (article 11), il ne s'agit pas d'un produit
dérivé, mais d'un produit pré Armagnac (pas de
vieillissement en fût de chêne) aujourd'hui reconnu comme un «
Armagnac compte 00 » au développement commercial incertain, nous
développerons son lancement dans la deuxième partie.
Ces produits dérivés offrent un
complément de débouchés non négligeable
plutôt que de réelles opportunités de développement.
Les plafonds de vente atteints par les liqueurs et le floc de Gascogne obligent
à la modestie. Il s'agit plutôt d'un simple moyen de vente
efficace pour écouler les surplus d'eau-de-vie que de produits à
fort développement. De plus, notre étude se consacrant au produit
commercial Armagnac, nous ne traiterons pas de ces « produits
dérivés », à l'exception de la « Blanche
Armagnac » en tant qu'Armagnac non vieilli.
1.1.2 Les concurrents de l'Armagnac
Un produit doit être apprécié au travers
de son environnement de manière comparative. Evaluer un produit en
faisant fi de ses concurrents n'a pas de sens économique. Il existe une
multitude d'eaux-de-vie françaises et étrangères, sans
parler des spiritueux. En se consacrant aux qualités des produits, nous
réfléchirons au caractère de différenciation de
l'Armagnac, raison d'être du produit.
1.1.2.1 Les spiritueux : une législation
particulière
Pour la législation européenne, l'Armagnac
rentre dans la catégorie des spiritueux définis par le
règlement (CEE) n° 1576/89 du Conseil du 29 mai 1989
établissant les règles générales relatives à
la définition, à la désignation et à la
présentation des boissons spiritueuses, c'est-à-dire qui tirent
un degré alcoométrique supérieur à 15°.
Produit de consommation alimentaire, l'Armagnac demeure avant tout
considéré par le droit et le
17
consommateur comme une boisson alcoolisée. Cette
catégorie impose un régime fiscal, des contraintes commerciales,
des contrôles administratifs particuliers.
1.1.2.2 Quelques notions « macro » relatives
au marché des spiritueux
La concurrence dans le domaine des spiritueux répond
à plusieurs variables, trois apparaissent comme essentielles : la
stabilité de la consommation, l'interchangeabilité des produits,
la différence de prix.
-Evolution globale de la consommation d'alcool:
La consommation d'alcool par habitant dans le monde s'est
stabilisée ces vingt dernières années. Celle des
spiritueux subit le même sort à quelque 0,1 L d'AP. Ces chiffres
mondiaux masquent des disparités radicales entre les pays. Le taux
d'abstinence est très variable d'un pays à l'autre (de nombreux
pays de confession musulmane ont une consommation nulle voire marginale).
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18
L'évolution de la consommation d'alcool pur par
habitant montre par exemple une évolution plus
singulière13, à l'image de celle de la France de 25 l
d'AP par habitant en 1960 à 15l d'AP par habitant en 2001.
-l'interchangeabilité des produits
Les habitudes de consommation connaissent une évolution
très lente entre les familles de produits. Nous pouvons donc supposer
que le transfert de consommation du vin au spiritueux en données
globales par exemple est marginal d'une année sur l'autre sur la
période de 1960 à 2001, il n'y a pas de brusques changement de
comportements. Ce ne sont pas des produits concurrentiels. Au contraire, les
transferts de consommation au sein d'une même famille connaissent une
probabilité plus importante puisqu'il s'agit de produit quasi-identique.
La concurrence est donc essentiellement entre les spiritueux. Les vins et les
spiritueux correspondent à deux moments de consommation.
L'évolution de la consommation de vin de table et vin de qualité
confirme cette logique.
-Le prix des spiritueux ne dépend que faiblement du
coût des matières premières
Il est intéressant de voir que l'Armagnac a un
surcoût de fabrication en raison d'une matière première, le
vin, extrêmement plus chère que ses concurrents dans le monde des
spiritueux14. Ainsi, le jus de canne à sucre, matière
première pour réaliser le rhum est vingt fois moins chère,
le malt (whisky) cinq...
Ce surcoût ne se retrouve qu'en partie au moment de
l'achat car la matière première ne représente qu'une
faible part du prix de revient d'une bouteille d'eaux-de-vie. Ainsi, selon une
estimation réalisée par le BNIA pour une bouteille classique de
compte 515, les matières premières ne participent
qu'à hauteur de 22% au coût de revient. Les 27% de frais de
conditionnement et 8% de commercialisation sont plutôt équivalents
aux autres produits (à l'exception de la main d'oeuvre si le spiritueux
provient d'un pays pauvre). Cette équivalence dans le prix se retrouve
par l'imposition, équivalente pour tous les spiritueux depuis
l'harmonisation de 1983 (43% du coût total pour une bouteille
d'Armagnac). La concurrence sur les prix ne peut expliquer à elle seule
le désavantage
13 BESSON Danielle, « boissons alcoolisées
: 40 ans de baisse de consommation », INSEE première,
n°966, mai 2004
14 Jean-Claude Darréon, Alain Gabriel, op. cit.
p.170 , tableau III 15
15 Observatoire économique de l'Armagnac,
« «note de conjoncture et d'informations de l'observatoire
économique de l'Armagnac », n°4, octobre 2002
19
concurrentiel de l'Armagnac, il ne souffre pas excessivement
du surcoût du vin à distiller. Néanmoins, le prix est un
élément essentiel du choix du consommateur. L'application du
« droit à la fabrication » imposée aux eaux-de-vie de
céréales tel le whisky est considéré par le droit
européen comme une taxe à effet équivalent d'un droit de
douane16. Sa généralisation à l'ensemble des
eaux-de-vie entraîne une chute de 35% des ventes d'Armagnac en 1983-1984
(« infligées aux Armagnacs »17) à nuancer
par les anticipations de l'année précédant l'application
de la nouvelle fiscalité.
1.1.2.3 Le grand frère Cognac
Le Cognac est la principale eau-de-vie de raisin produite en
France. Le processus de production est le même à quelques nuances
près (cépages, mode de distillation et absence de
commercialisation sous forme de millésimes). Moins prestigieux, moins
reconnu en France et à l'étranger, l'Armagnac souffre d'un
complexe vis-à-vis du « grand frère charentais »,
traduction de résultats commerciaux opposés18. Il se
vend cinq bouteilles de Cognac pour une d'Armagnac en France, mais surtout il
se vend près de cent dix bouteilles de Cognac pour une d'Armagnac
à l'étranger. Quelques maisons de négoce sont d'ailleurs
aux mains de groupe charentais. Il n'en demeure pas moins que le produit
Armagnac sensiblement « similaire » ne peut rougir de complexe
gustatif. Nombre de spécialistes vantent la supériorité
des eaux-de-vie gasconnes après dix ans. Il ne s'agit donc pas d'un
produit inférieur. Fabian Barnes19, journaliste viticole,
invoque trois raisons à cette infériorité : la
supériorité des eaux-de-vie jeune charentaise (ugni-blanc plus
fruité), la puissance des maisons de négoce cognaçaises
pour financer les stocks contre la fragilité des maisons Armagnacaises
et le cours du Cognac (entre 0 et 10 ans il vaut le double de celui
l'Armagnac).
1.1.2.4 Quel adversaire : le whisky ?
La concurrence avec le Cognac ne peut exister que sur le
marché français vu la différence commerciale à
l'exportation. Néanmoins, tous les professionnels s'accordent pour ne
pas y voir un concurrent, mais au contraire un partenaire dans la
conquête de
16 Arrêt du 27 février 1980, 168/78,
Commission contre France
17 Fernand Cousteaux, Pierre Casamayor, op. cit.,
p.44
18
www.cognac.fr,
statistiques Cognac de la zone d'appellation limitée, vente de
bouteilles : 4O5 715 Hl AP à l'étranger, 19300 Hl AP en
France.
19 BARNES Fabian, « Aramagnac, quelques chiffres
», Vino Veritas, n°114, juillet 2005
20
parts de marché pour les eaux-de-vie de vin sur le
marché des spiritueux. Cette complémentarité est
discutable, en particulier pour le marché restreint du haut de gamme ;
pourtant le whisky est présenté comme l'adversaire de
l'eau-de-vie de vin. Les produits répondent aux mêmes
critères de sélection : alcool brun, même degrés,
même étendu de gamme, vieillissement en fût. La
différenciation de l'Armagnac doit se réaliser sur l'image, sur
ses qualités intrinsèques si l'on présuppose un gage de
qualité20. Il ne s'agit plus de « se reposer sur un
savoir-faire mais plutôt le faire savoir ». Nous reviendrons sur les
évolutions des consommations de spiritueux en France notamment.
L'idée essentielle à retenir et qui guide tout notre travail
consiste à voir dans l'Armagnac un produit qui ne se vend pas en raison
de sa faible qualité, mais d'un impossible positionnement sur le
marché des spiritueux.
1.1.3 Le nain Armagnac perdu dans le marché des
eaux-de-vie et des spiritueux
Les ventes d'Armagnac sont dérisoires à
l'échelle mondiale. Il s'agit d'un produit marginal. Par un simple
calcul, on peut l'estimer à juste 0,015% de la production totale de
spiritueux dans le monde21.Les cinq millions de bouteilles
d'Armagnac sont perdues parmi les 32 milliards de bouteilles de spiritueux
consommées par an22.
1.1.3.1 Le marché mondial : expansion
/internationalisation/ concentration
Le marché des spiritueux est un marché en
expansion relative compte tenu de la hausse de la population.
Le marché mondial des spiritueux était
estimé à 2,7 milliards de caisse de 9 litres (12 bouteilles), ce
qui représente en valeur 158 milliards de $ en 2003. Ce marché a
connu une croissance de 6,3% en volume entre 1999 et 2003, il devrait avoir une
croissance plus importante entre 2003 et 2008 avec 12,3% en volume et plus de
15% en valeur pour atteindre une somme de près de 182 milliards de $.
Cet énorme marché masque d'importantes disparités en terme
de produits et de valeurs. Les alcools bruns devraient croître à
nouveau (8% pour le Cognac et l'Armagnac) après une décennie
difficile grâce au marché asiatique. La mondialisation a
accentué les échanges du
20 Une directrice du service exportation d'une maison
de négoce, nouvelle venue dans l'Armagnac, me confiait sa confiance dans
le produit car « il était bon tout simplement »
21
22 Source des chiffres suivants : Etude
Vinexpo/IWSR-GDR, conjoncture mondiale et prospective du secteur vin et
spiritueux, 2006 ;
21
commerce mondial et transformé plus rapidement les
habitudes de consommation des spiritueux. Phénomène ancien,
notamment pour les eaux-de-vie, le commerce international des spiritueux
s'internationalise plus rapidement. Les consommateurs ne choisissent plus les
produits locaux en priorité. Les Américains sont les premiers
consommateurs de Cognac et les Français de whisky, alors qu'aucun ne
produit chacun des deux produits. La croissance ne bénéficie pas
à tout le monde équitablement. Certains produits déclinent
sur leurs marchés nationaux et ne peuvent gagner des parts de
marché à l'exportation, à l'exemple de l'Armagnac. Le
rhum, la vodka et la tequila, les alcools blancs, ont réussi à
conquérir des parts de marché considérables hors de leur
zone de consommation historique (pays sucriers, pays de l'est et Mexique) au
cours des vingt dernières années.
Cette appréciation en terme de produits
génériques ne reflète pas une autre réalité
: la prégnance de la marque. La marque donne une autre lecture du
marché des spiritueux. Est-elle plus importante que le type de produit
acheté ?
Le marché des spiritueux est constitué de grands
groupes multinationaux offrant une gamme complète de produits. Des
concentrations horizontales permettent aux grands groupes de couvrir un large
éventail de produits. Pernod-Ricard, le roi de l'anisette, illustre
cette internationalisation et la polyvalence des produits. Il avait d'ailleurs
commencé dans les années 1970 indirectement à investir en
rachetant Suze avec dans son panier la Société des Produits
d'Armagnac. Aujourd'hui deuxième groupe mondial dans les spiritueux,
l'apéritif anisé ne contribue plus qu'à 18% de son chiffre
d'affaires. Le groupe réalise à peine plus de 10% de son chiffre
d'affaires en France23.
L'Armagnac est-il réellement intégré dans
cette nouvelle donne du marché des spiritueux ? Les ventes d'Armagnac se
réalisent principalement en France, par des groupes
éclatés et à capitaux français, sans aucune
émergence d'une marque forte. L'arrivée d'un grand groupe dans la
filière de l'Armagnac avec des capitaux à investir plutôt
qu'à reculons est espéré depuis des années comme le
préconisent déjà Jean-Louis Darréon e Alain
Gabriel24
23 rapport annuel 2005/2006, Pernod Ricard,
www.pernod-ricard.com
24 « La viticulture pourrait regrouper l'offre et s'adresser
directement par l'intermédiaire d'une marque, à un distributeur
de spiritueux disposant d'une véritable force de vente et peu
impliqué dans la distribution de Cognac » DARREON J-L, GABRIEL A.,
op. cit., p.223 (II)
22
1.1.3.2 La prépondérance du marché
français
Les ventes d'Armagnac ont énormément
baissé depuis les années 1980. Les ventes ont été
divisées par trois depuis le pic de 1979 : 46 000 Hl AP vendus. Cette
baisse rapide et continue a été contenue depuis le début
des années 2000. Elles se stabilisent autour de 15 000 Hl AP, en
légère hausse ces deux dernières années, mais seuls
les deux tiers représentent des sorties en bouteilles (9411 HL AP). Il
est plus pertinent de comparer les données après la mise en place
d'une imposition unique sur les eaux-de-vie et de la taxe
sécurité sociale, en 1983. Les eaux-de-vie de
céréales devaient s'acquitter de « droit de fabrication
». Cette taxation a été interprétée par la
Cour de Justice des Communautés Européennes comme une
surimposition de produits étrangers similaires, donc condamné au
nom de la liberté de circulation des marchandises25. La sous
taxation favorisaient l'Armagnac dans des conditions différentes de
celles d'aujourd'hui. En 1985, dans les mêmes conditions fiscales
qu'aujourd'hui les sorties équivalaient à 25 000 Hl AP.
Les ventes se concentrent encore essentiellement en France,
près de 55,7 % des sorties totales de bouteilles, 4868 HL AP, contre
3872 Hl AP pour les marchés à l'exportation, soit 45,3%. En 1985,
elles représentaient. En 1977-79 22324/ 22261, 1985/1987 :
17496/16514,
Les marchés étrangers forment des zones plus
instables avec une implantation dont la pérennité est incertaine.
Si l'exportation en terme de parts de sorties ne se modifie guère
(léger déclin), les volumes ont autant baissé qu'en
France, les destinations ont changé. Il est annoncé
régulièrement de nouveaux eldorados. Les pays asiatiques à
la fin des années 1980, les pays de l'est dans les années 2000,
la Russie aujourd'hui. Les classements des pays importateurs varient même
si nous notons que la part des exportations vers l'Union Européenne
reste constante.
Ainsi, la comparaison de classement des pays importateurs en
1986 et 2005 montre une chute radicale des principaux marchés
d'exportation (divisée par trois). L'absence de destination
privilégiée n'est pas nouvelle. Le principal marché
atteint à peine plus de 7% des parts de marchés totales hors de
France aujourd'hui.
25 CJCE, 27 février 1980, Commission c/ France,
affaire 168/1978

Comparaison des principaux marchés importateurs en 1986 et
200526
1986 2005
|
Pays
|
Quantités de bouteilles importées
|
1
|
RFA
|
1207
|
2
|
Japon
|
766
|
3
|
G-B
|
628
|
4
|
Belgique
|
321
|
5
|
U.S.A.
|
286
|
|
Total
|
12500
|
|
Pays
|
Quantités de bouteilles importées
|
1
|
G-B
|
211
|
|
Espagne
|
184
|
|
Allemagne
|
125
|
|
Italie
|
119
|
|
Etats-Unis
|
117
|
|
Total
|
3872
|
23
1.1.3.3 Des résultats de vente à
nuancer
Ces résultats doivent être regardés
à l'aune de trois éléments essentiels : hausse du
marché mondial et libéralisation, type d'Armagnac vendu et
opérateurs directs qui ont réalisé ces ventes.
26 chiffres BNIA
24
Le marché mondial s'est étendu depuis les
années 1980. La hausse de la consommation a certes était
plutôt faible par rapport à l'explosion démographique mais
de nouveaux marchés sont apparus sous l'effet de la
libéralisation du commerce mondial. Nous pensons notamment à
l'ouverture des marchés de l'ancienne Europe de l'est et de
l'ex-U.R.S.S. ainsi que celui à fort potentiel de la Chine.
L'autre aspect essentiel pour traduire ses résultats
concerne le type d'Armagnac vendu. Le critère essentiel de valeur, nous
l'avons vu, est l'âge. La demande pour des eaux-de-vie de qualité
a moins souffert que celle pour des eaux-de-vie jeunes. Nous assistons à
une montée en gamme progressive, surtout à l'exportation : de la
moitié de compte 1 à 4 il y a vingt ans pour 27% en 2005.
L'exportation s'oriente dorénavant de manière ciblée sur
des marchés haut-de-gamme. Ces marchés augmentent les
exportations en valeur et compensent partiellement la chute des volumes
à condition qu'il s'agisse des mêmes opérateurs.
Les résultats de chaque opérateur
diffèrent et les nouvelles conditions du marché n'ont pas
pénalisées tous les opérateurs de la même
manière. Certains m'ont confié une chute des ventes de
moitié, d'autres arborent un grand sourire de satisfaction. Si nous ne
pouvons avoir accès aux résultats de chacun d'eux depuis vingt
ans, les deux dernières campagnes montrent que les maisons ayant investi
dans le haut de gamme s'en sortent mieux que les grosses maisons jouant sur les
volumes. Il existe des signes qui ne trompent pas. Arnaud Lesgourgues, patron
de la société Leda (Laubade et Domaines
associés) déclare : « Aujourd'hui, alors que Bordeaux
souffre, l'Armagnac nous fait vivre. C'était l'inverse dans la
décennie 1990 ».27
1.1.4 Un marché pertinent ?
Limiter le marché de l'Armagnac à celui des
spiritueux correspond à limiter l'Armagnac à ses degrés
d'alcool. Certes, les populations qui ne consomment pas d'alcool ne
consommeront pas d'Armagnac ; mais il ne faudrait oublier que la consommation
d'Armagnac n'a pas pour unique but de s'enivrer, au contraire. Cette vision
réduite fait fi des nombreuses significations de la consommation. Nous
verrons quelques pistes d'autres significations du produit Armagnac.
27 « Une stratégie très sud-ouest »,
Sud Ouest, 23 janvier 2007
25
1.1.4.1 Un produit de terroir, voire touristique
Par sa dénomination, par l'importance de l'AOC, le
produit Armagnac incarne les valeurs de son pays. Il est associé
intimement à son lieu de production. Comme le souligne Bernard Kayser :
« autour du pays, c'est une véritable image générique
de l'Armagnac qu'on veut élaborer et transmettre aux eaux-de-vie
»28. Il souligne différents traits que l'on retrouve
dans les campagnes publicitaires et les discours des producteurs : le doux
climat, paysage rural, le bien vivre, les Gascons. Ce bout de Sud-ouest dans le
flacon représente l'art de vivre d'une région. Le produit
Armagnac permet d'acheter ce pays, de se l'approprier. Cette image est une
qualité propre au produit Armagnac, même si elle ne répond
pas à des attributs d'élaboration. L'achat touristique comporte
cette dimension. Le développement du tourisme dans le Gers avec les
thermes de Barbotan mais aussi le tourisme rural «Le bonheur est dans le
pré » a multiplié les lieux de ventes d'Armagnac à la
ferme. Produit noble, authentique, l'Armagnac perd ici ses attributs spiritueux
pour devenir une matière première du pays gascon. Un simple coup
d'oeil sur l'ensemble des sites Internet des opérateurs suffit à
vérifier cette logique, surtout depuis la loi Evin. Le Gers
possède un gisement touristique limité (6 millions de
nuitées en 2002) en faible augmentation. Les 25 000 curistes attendus en
1995 ne sont que 16000 en 200229. L'image du terroir importe plus
que le poids des achats des touristes.
1.1.4.2 Un produit technique, la magie de
l'alchimie
Issu de la distillation, le produit Armagnac correspond
à une transformation quasi-magique, une alchimie. « Dès sa
sortie de l'alambic l'eau-de-vie incolore et d'une limpidité de
cristal »30, « magie de l'Homme de l'Art
»31, « le distillateur allumait sa chaudière et
conduisait sa chauffe avec une science toute empreinte de mystère,
attentif aux réactions de son dragon de cuivre, avide de flammes mais
dispensateur du trésor inestimable »32 autant de descriptions de la
distillation où l'alambic ressemble à la pierre philosophale qui
transforme le « vil » vin en eau-de-vie « or ». Cette
transmutation apparaît comme une action extraordinaire. Si cette
opération peut s'opposer à l'image d'un produit
28 KAYSER Bernard (Herges), L'Armagnac : un
produit, un pays, op. cit. , chap IV p.97-106
29 CDTL (Comité Départemental du
tourisme et des Loisirs), chiffres clefs du tourisme gersois, 2002
30
www.dartigalongue.com
31
www.barondesigognac.com
32 Fernand COUSTEAUX, op. cit., p.95
26
naturel, issu de la tradition paysanne, il peut renvoyer aux
mystères des légendes gasconnes, d'une substance dotée
d'effets surnaturels.
Il s'agit d'un lointain produit d'une proto-industrie
agroalimentaire. Selon les normes de l'Union Européenne et le
traité de Rome de 1957, l'Armagnac est un « produit industriel
» et non un produit agricole. Cette double image se retrouve dans toutes
les perceptions de l'Armagnac même si les professionnels
privilégient l'image d'un produit du terroir, naturel, en omettant le
caractère transformé du produit ou l'attribuant à des
pouvoirs presque surnaturels. Un produit d'alchimiste pour ne pas dire un
produit industriel, l'Armagnac peut profiter du caractère magique de sa
fabrication, dépassant le commun des produits mortels et
périssables.
1.1.4.3 Un produit de luxe
Un autre aspect, souvent associé aux spiritueux aux
prix élevés, concerne le luxe de l'Armagnac. Beaucoup de boissons
festives s'associent à cette idée : pensons au champagne et ses
bulles indispensables pour le faste et la fête. Dans un autre registre,
le Ricard est associé au soleil, un luxe simple, mis qui n'a pas de
prix. La rareté de l'Armagnac, l'investissement, son prix
élevé pour le haut de gamme, sont autant de facteurs qui
révèlent la capacité de l'Armagnac à investir un
monde de valeur. L'Armagnac offre du temps en flacon (fabriqué au temps
de la jeunesse), de la rareté (chaque Armagnac est
différencié), de la pureté. Associer l'Armagnac au luxe,
à une classe sociale privilégiée comporte une dimension
dépassant le simple marché du spiritueux. Cette image peut
s'oppose à l'idée de produit de paysan, du terroir, ou au
contraire le produit survivant d'une civilisation paysanne en train de
disparaître au XXIème siècle à l'heure de la
mondialisation. Dans une société de
l'éphémère, les vieilles eaux-de-vie de l'Armagnac
rassurent. « L'Armagnac, un rythme bien à lui » affirme le
slogan. Il faut favoriser cette impression, surtout lorsque des stocks
d'eaux-de-vie de compte 10 et + croupissent dans les chais, sans en faire une
exclusivité.
1.2 L'organisation de la filière Armagnac
Existe-t-il une particularité du « monde de
l'Armagnac » pour son organisation professionnelle ou répond-il
à une même exigence que les autres ? Si nous ne pouvons
27
faire une étude comparée approfondie avec
d'autres filières, il semble néanmoins que la filière
Armagnac est assez spécifique pour des raisons simples. Trois axes se
dégagent « naturellement » : la production d'une eau-de-vie
est rare, elle répond à des contraintes administratives lourdes
de par la nature du produit et elle s'ancre dans un temps historique long
appelé « tradition ». A cette particularité de
l'organisation professionnelle s'ajoute l'importance du producteur dans la
valeur commerciale. Il est donc essentiel de s'attarder sur le mode de
production et sa représentativité pour comprendre les
différentes valeurs des produits répondant à l'AOC
Armagnac afin d'appréhender au mieux les politiques de relance.
Dans un souci de simplification, pour donner aperçu
rapide et presque exhaustif de la filière, nous distinguons trois
niveaux d'acteurs : celui des agents économiques directs, c'est à
dire ceux dont l'activité est intégrée dans le processus
commercial (1.2.1), ensuite les organismes représentatifs (1.2.2) et
enfin les organismes parallèles (1.2.3).
1.2.1 Les agents économiques directs
La chaîne du producteur au consommateur, du « cep
à la bouteille », est relativement courte, néanmoins il
existe plusieurs voies33. De la vente « au chai » à
l'exportation, les modalités de logistique et de réseau
diffèrent. Notre intérêt se portera en priorité sur
les producteurs, chaînon essentiel et caractéristique de la
complexité du « monde de l'Armagnac », nous
présenterons ensuite les autres acteurs dont l'intérêt est
réduit car la problématique ne diffère guère des
autres produits vitivinicole, voire agro-alimentaires. Ils ont une importance
aux yeux des professionnels car comme le rappelle Maurice Papelorey l'Armagnac
est « un combat collectif »34.
1.2.1.1 Les professionnels (vignerons,
négociants, coopératives...)
Qui produit l'Armagnac ? Nous retrouvons dans l'Armagnac la
palette « classique » des acteurs du monde viticole. En 1992, Bernard
Kayser explique par trois facteurs les caractéristiques de la
filière : extrême diversité des acteurs, absence de groupe
dominant et absence d'organisation institutionnelle.35
33 cf. schémas de circuit de distribution et de
vente en annexes
34Lettre d'information du B.N.I.A. à
l'intention des professionnels de l'armagnac, n°25, juillet 2006
35KAYSER B. (HERGES), op. cit., 58-59
28
Nous reprendrons cette typologie, également
présente dans le guide de l'amateur d'Armagnac, avec ses
limites puisqu'il est possible qu'un même acteur récolte, distille
et vende.
Les trois types d'acteurs sont les coopératives, les
négociants et les producteurs éleveurs («
propriétaires »). Cette taxinomie est encore opérante, vingt
ans plus tard. Le BNIA l'utilise pour recenser les professionnels.
1) Coopératives
Héritières du mouvement coopératif dans
le monde agricole, la première fut crée en 1939 à
Vic-Fezensac. Elles regroupent une masse des petits et moyens vignerons
pratiquant la polyculture. Il en existe cinq. La vente de produits finis ne
représente qu'une faible part de leur chiffre d'affaires. La plupart se
contente de revendre le produit distillé ou l'eau-de-vie vieillie aux
négociants. De poids inégaux, avec des montages juridiques et
associations complexes (Armadis par exemple), parfois associées avec
d'autres activités agricoles, elles jouent un rôle essentiel mais
décroissant dans le monde de l'Armagnac d'aujourd'hui. L'échec de
l'union des coopératives viticoles de l'Armagnac créée en
1976 sur l'idée d'une politique de l'offre maîtrisée autour
de produits génériques adaptés au commerce de masse en est
une des causes. Cet échec n'a pas mis fin aux volontés de
commercialisation de produits finis des coopératives. La cave de Nogaro
(Cave des producteurs réunis), pionnière et principale
représentante, vend 10% des bouteilles d'Armagnac. Nous verrons
l'expérience de Fivigers mené par la cave de Cazaubon (cf.
infra).
2) Négociants
Le négoce (appelé les « maisons »)
achète des eaux-de-vie ou des vins de toute l'appellation pour ensuite
revendre après avoir élevé l'eau-de-vie. Cette pratique
est caractéristique de tout marché de spiritueux (porto,
rhum,...) mais aussi viticoles (champagne, bourgogne). Si les quatre
principales maisons du Cognac regroupent 80% des ventes, le nombre de
négociants Armagnacais atteint 74 professionnels36. Les
professionnels sont polymorphes. Si nous trouvons de grands groupes
internationaux (La
36 chiffres BNIA
www.armagnac.fr
29
Martiniquaise, Pernod, Rémy Cointreau) qui ont
racheté des maisons locales, le négoce est aussi une affaire
familiale pour ne pas dire de microstructures. La première maison, La
Compagnie Armagnac Ducastaing (groupe La Martiniquaise) réalise 15% des
ventes totales de bouteilles (avec notamment 25% du marché
français). Quelques regroupements ont eu lieu, mais la structure du
négoce Armagnacais demeure morcelée. A côté de
structures familiales de près de deux siècles (Croix de salles,
Castarède) de nouvelles « maisons » se créent avec
succès (ex. ADEX, maison de l'Armagnac).
3) Propriétaires
Appelés « propriétaire-récoltant
» ou « vignerons » ou producteurs par le BNIA, ils
maîtrisent du « cep à la bouteille » le processus de
fabrication de l'Armagnac. Ils sont 307 selon le BNIA Si cette pratique n'est
pas nouvelle dans le monde paysan de polyculture, la distillation
représentait une forme d'épargne pour un investissement futur
(pour la dot de la fille à marier ou achat important à venir).
L'autre part de la production appartenait aux riches propriétaires
fabriquant l'Armagnac annuellement de générations en
générations. Cette forme de production « à la ferme
» s'est développée à partir des années 1970
sous les effets conjugués des faveurs du consommateur pour le terroir
face à l'industrie agro-alimentaire, le développement du tourisme
et l'échec des structures collectives dans le domaine agricole. Cette
catégorie masque une hétérogénéité
entre des producteurs reconnus par une longue tradition familiale, d'origine
nobiliaire souvent, ou au prestige intact (Laberdolive pour citer le plus
connu) et un nombre important de producteurs moins prestigieux. Les surfaces de
production divergent également entre la micro parcelle de vigne d'un
hectare et le domaine reconstitué coincé au milieu de 900
hectares de vignes. Nous estimons à 20 % la quantité d'Armagnac
vendue par les propriétaires-récoltants, le plus important est le
domaine du Tariquet avec 2% du nombre total de bouteilles vendues (18,35 Hl
AP).
Les différents modes de production donnent naissance
à des produits différents en terme de qualité mais aussi
d'image. Le propriétaire-récoltant utilise une zone de production
réduite, ne possède pas des chais dernier cri pour la
conservation ou va favoriser l'image de produit de terroir avec une
traçabilité maximale. La logique d'une maison de négoce
peut être opposé : produit d'assemblage avec des vins des
différentes
30
sous appellation, communication sur le produit,
modernité dans les techniques de distillation. Le mode de production est
donc essentiel pour comprendre les qualités et caractéristiques
du produit fini (cf. 1.1) pour ensuite favoriser un mode de communication, une
image. Si nous constatons une succession générationnelle, la
structure de la filière n'a pas connu de modification majeure. Elle
demeure répartie entre trois types de professionnels aux
intérêts parfois divergents ce qui constitue parfois un frein au
développement d'une relance globale de l'Armagnac.
1.2.1.2 Les autres acteurs (distributeurs, vendeurs,
distillateurs)
Nous accordons une place importante à ces
professionnels parce qu'il nous semble que ce sont eux qui possèdent le
pouvoir de décision sur le produit fini. Le rôle des autres
acteurs, à la différence d'autres secteurs où le processus
commercial est plus long et plus segmenté, apparaît réduit
sur la forme du produit Armagnac. Les autres acteurs économiques sont
principalement situés en aval, à l'exception de la masse de
vignerons qui produisent le vin. Ceux-ci sont impliqués et
organisés au sein de la filière, mais ils ne font que fournir la
matière première. Dans la production, nous pensons aux
distillateurs et tonneliers, garants d'un savoir-faire traditionnel et
adapté aux techniques modernes. Il s'agit des revendeurs ou
importateurs, chaînon indispensable pour l'exportation aux dires des
professionnels. En France, l'Armagnac est vendu en grande partie (notamment
pour le haut de gamme) dans des réseaux particuliers (cavistes, BHR) et
en grande surface. Ces acteurs sont essentiels pour le relais de l'information,
les conseils et l'apprentissage du goût. Nous négligeons
volontairement ce secteur, car il nous semble que la causalité dans la
crise ne provient pas de la distribution, mais d'une inadéquation entre
l'offre et la demande dont les distributeurs ne sont que les
intermédiaires.
1.2.2 Les organismes représentatifs
Le caractère composite de la filière donne une
légitimité aux organes de représentation. Après
l'échec de l'union des coopératives, la baisse des ventes dans
les années 1980 annonçait la nécessité d'une
réforme du système de collaboration pour
31
coordonner des politiques collectives comme l'affirmaient
Jean-Louis Darréon et Alain Gabriel37.
L'organe essentiel de l'interprofession est le BNIA, organe
central de gestion du produit auquel s'ajoutent d'autres organisations
secondaires répondant à des intérêts
particuliers.
1.2.2.1 BNIA, l'organe représentatif et
décisionnel
La réforme statutaire du BNIA intervenue en 1991 donne
pour la première fois les bases d'une structure commune et
représentative de l'ensemble de la filière38.
Créé en 1941, modifié à plusieurs reprises, le
bureau interprofessionnel coordonne les actions des opérateurs, ou du
moins les réunit dans un but de représentativité de
l'ensemble de la filière. Il est composé en nombre identique de
représentants du syndicat de producteurs (Confédération de
la Viticulture Armagnacaise) et du syndicat des négociants (Syndicat de
l'Armagnac et des Vins du Gers) à l'assemblée
générale, dans les commissions et au conseil d'administration. La
présidence est tournante. Il est financé par un
prélèvement sur les ventes des opérateurs et les vins
à distillation. L'adhésion y est « obligatoire et volontaire
»39, d'où une insatisfaction chronique de nombreux
opérateurs contre l'inefficacité d'un syndicat qui ne
défend pas leurs intérêts40. Le BNIA a un
pouvoir réglementaire et assure diverses missions dans les domaines de
la collecte d'informations (vente, stocks), de l'assistance technique, du
contrôle de qualité, de la promotion collective...41
Indépendant vis-à-vis des pouvoirs publics (sauf
pour une part non négligeable du budget de 1 million d'euros environ),
il emploie une dizaine de personnes. Son rôle est central dans la gestion
collégiale du produit puisqu'il est un centre de décision crucial
pour l'orientation de la filière.
La légitimité du BNIA peut-elle être
contestée ? Existerait-il une autre forme de
représentativité ou une dérégulation a-t-elle un
sens ? Ces questions renvoient à la logique de l'Appellation d'Origine
Contrôlé et de la marque générique et collective
37 DARREON J.-C., GABRIEL A, op. cit., p.223 (II),
« la nécessité de réduire l'incertitude dan s
l'investigation commerciale pourrait se matérialiser par
l'amélioration du système d'information du B.N.I.A., et surtout
par la recherche d'une plus grande coordination des moyens entre les
différents partenaires ; »
38 KAYSER B.,L'Armagnac, un produit, un pays,
op. cit. ; p.63
39 Sébastien Lacroix, directeur du BNIA
40 « les 14 000F qu'on lui donne, il serait mieux dans ma
poche » M.G., propriétaire, région Eauze
41 dossier presse BNIA 2006, anexe
32
Armagnac. Un ensemble d'opérateurs partage une
même « marque » Armagnac qui n'appartient à personne si
ce n'est à un décret. Le BNIA essaie de défendre au mieux
le prestige de la marque Armagnac. Ses décisions ne sont que
l'émanation d'un consensus entre les opérateurs. Pourtant, il est
souvent perçu, notamment par les opérateurs
éloignés du centre de décisions comme un organe autonome
aux mains de quelques-uns ou de l'Etat. Beaucoup, les vignerons en particulier,
ne participent pas, ou alors de loin, aux activités de cet organe
démocratique. L'idée d'une dérégulation contre
l'omnipotence du BNIA renvoie au travers des politiques contradictoires du
passé des différents opérateurs et ne peut à terme
que conduire à nuire au produit, surtout en l'absence de changement
structurel.
Comment le BNIA peut-il conjuguer les intérêts du
produit et ceux des différents opérateurs qui s'opposent par
nature ? A ce jeu du compromis, avec des moyens limités en comparaison
avec les budgets des organes décisionnels des concurrents sur le
marché, le BNIA concentre les limites des moyens d'action de l'Armagnac
(en terme de communication et de promotion les moyens alloués sont de
500 000 euros)
1.2.2.2 Les autres organisations (syndicats
représentatifs, associations,)
Les autres organisations ne jouent qu'un rôle
secondaire. Diverses, aux activités ponctuelles ou temporaires, elles ne
peuvent être considérées comme jouant un rôle
essentiel dans le monde de l'Armagnac. Elles n'en restent pas moins des acteurs
indispensables au bon fonctionnement de la filière. Loin d'être
exhaustif, nous présenterons diverses formes d'organisations
collectives.
-Les syndicats professionnels
Les deux syndicats réunissent respectivement les deux
familles de l'Armagnac : le syndicat professionnel des producteurs et le
syndicat professionnel des négociants. Leur rôle s'exprime au sein
du BNIA principalement qui coordonne les actions collectives. Au sein de chaque
structure les intérêts divergent. Les négociants ne pas
tous sur le même segment d'offres, ni les mêmes marchés et
ne souhaitent pas les mêmes communications pour l'Armagnac. De
même, le syndicat des vignerons comprend des producteurs favorables
à des structures communes et d'autres veulent garder leur
indépendance. Les groupes d'intérêts dépassent le
simple clivage producteurs/négociants. Une logique bipolaire ne permet
pas de décrypter la prise de décision au sein du BNIA.
-Les associations de promotion
33
D'autres organismes ont pour objet de la promotion de
l'Armagnac. La compagnie des mousquetaires, co-gérée avec le BNIA
favorise la promotion de l'Armagnac au travers d'une confrérie où
sont intronisés les connaisseurs et des personnalités comme Le
Roi Albert de Monaco dernièrement.
1.2.3 Les acteurs parallèles, une filière
très encadrée
La spécificité d'un produit éthylique et
l'importance de son implantation régionale impliquent d'autres acteurs
publics ou parapublics. Sans rentrer dans les détails de leurs
rôles spécifiques et des interactions avec les différents
opérateurs, il nous semblait essentiel de présenter ces
organismes.
1.2.3.1 Les collectivités locales
L'AOC s'étend sur trois départements, le Gers et
les Landes ainsi que plus marginalement Lot-et-Garonne, et deux régions,
l'Aquitaine et les midi-Pyrénées. Ce découpage
administratif si différent nuisait à une bonne coordination des
politiques locales de développement, surtout avant les
décentralisations, on parlait d' « un pays fragile ».
L'adoption d'une convention cadre le 10 novembre 2000 entre le BNIA et
l'ensemble des collectivités publiques pour un plan triennal autour de
l'Armagnac constitue un exemple de la volonté commune de coordonner et
rationaliser les politiques des acteurs. Ce plan a été
renouvelé pour les années 2004 à 2007.
-départements
L'activité départementale se caractérise
sous deux aspects. Le premier est un soutien financier et logistique via la
Direction Départementale de l'Agriculture. Les départements du
Gers et des Landes allouent annuellement une subvention au BNIA ( 40 000 €
par an pour le second42). Ils financent des opérations de
promotion des produits locaux dans une logique de promotion régionale
(excellence Gers ou Qualité Landes). Ces
activités ne diffèrent pas des actions pour d'autres productions.
Plus original est l'implication directe en tant que producteur, chaque
département possède un domaine qu'il régit lui-même
sous forme de régie. Le domaine d'Ognoas pour les Landes et le
château de Mons pour le Gers.
42 Source orale
34
-régions
Les régions jouent un rôle plus marginal. Ne
disposant pas de compétences dans le domaine agricole, le conseil
régional agit dans le domaine économique. Elle se contente de
subventionner le BNIA de manière plutôt régulière
-l'Aquitaine est moins régulière que Midi-Pyrénées-
, et de développer une aide ciblée sur certains
spécificités du monde agricole, pas en particulier sur
l'Armagnac. La région Midi-Pyrénées portent son effort
autour de quelques thèmes : le déclin des métiers ruraux,
les productions et transformations de qualité, la préservation de
l'environnement des espaces ruraux, le développement des
solidarités, la défense des origines43. Elle a
également développé son propre organisme de
développement des produits régionaux : IRQUALIM. La
filière Armagnac peut donc solliciter des financements puisque dans
chaque domaine, elle apparaît concernée.
1.2.3.2 Les organismes de contrôle
étatiques ou paraétatiques
L'agriculture est très encadrée
administrativement, a fortiori un produit éthylique et d'appellation
contrôlée. Garant de la protection du consommateur-citoyen ou
protecteur d'un produit surtaxé, le rôle de l'Etat n'en est pas
moins accusé par nombre d'opérateurs de tous les maux («
carcan étatique » selon un producteur).
-l'Institut National des Appellations d'Origine (INAO)
Il est officiellement chargé de la mise en oeuvre de la
politique française relative aux produits sous signes officiels
d'identification de l'origine et de la qualité : appellation d'origine ;
IGP ; label rouge ; STG et agriculture biologique44. Il
contrôle le respect des principes de l'AOC (authentification des
parcelles, dégustation d'agrément,...).
- VINIFLHOR
Etablissement public à caractère industriel et
commercial, successeur de l'ONIVINS depuis sa fusion par
décret45 avec l'ONIFLHOR, il n'a pas changé de mission
pour la filière Armagnac. « Il participe à
l'élaboration de la réglementation, met en oeuvre les soutiens
nationaux et communautaires et analyse l'évolution des marchés
pour les filières agricoles qui le concerne. » L'Etat a ouvert une
ligne au budget de
43
www.midipyrénées.fr
44 loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006
45 décret n° 2005-1780 du 30
décembre 2005
35
VINIFLHOR afin de participer au financement du BNIA en vertu
de la Convention cadre du 10 novembre 2000.
- les Douanes
Les eaux-de-vie font partie des produits qui relèvent
des codes NC 2207 et 2208 du tarif des douanes et qui ont un titre
alcoométrique supérieur à 1,2 % vol. Les douanes confient
par délégation une surveillance des stocks d'Armagnac et de leurs
mouvements au BNIA. Elles agissent donc peu directement.
- les directions régionales et départementales
du ministère de l'agriculture
Ces institutions administratives mettent en oeuvre les
politiques de l'Etat dans le domaine de l'économie agricole et
gèrent notamment les crédits du FEOGA et le suivi des politiques
communautaires. Elles accompagnent et contrôlent les professionnels dans
leurs démarches administratives. La position particulière e
l'Armagnac entraîne une gestion particulière pour chaque
administré selon son département. Ces institutions ont aussi un
service de statistiques agricoles.
1.2.3.3 Les chambres d'agriculture
Les chambres d'agriculture assurent une représentation
syndicale à l'ensemble des membres de la filière agricole. Elles
assurent un rôle important dans de nombreux domaines économiques.
Une certaine homogénéité syndicale entre les
différents départements et régions de l'appellation
Armagnac lors des élections de 2007. La FNSEA et la coordination rurale
sont les deux principaux sydicats représentés dans ces organes de
décision.
1.3 Les différentes explications d'une crise de
l'Armagnac
Lorsque nous évoquons une crise de l'Armagnac, nous
traduisons une baisse durable et quasi-ininterrompue des ventes depuis
l'année 1978. Une relative stabilisation apparaît ces cinq
dernières années46.
Nous traduisons aussi le malaise entretenu dans la
filière qui a conduit à des états généraux
sur l'Armagnac impliquant l'ensemble des acteurs de la filière. Essayer
d'expliquer les motifs de changement de comportement des consommateurs semble
un exercice périlleux, « des goûts et des couleurs »
chacun est libre de son choix. Il s'agit
46 cf. tableau supra
36
d'un ensemble de facteurs qui créent une
évolution des consommations. Une approche historique de l'histoire du
goût dans un temps long montre que ce changement a toujours existé
et qu'il existe une adaptabilité des sociétés à un
renouvellement des modes de consommation47. L'histoire de l'Armagnac
montre aussi une variation de la production liée aux aléas du
temps (phylloxera, guerres, mauvaises récoltes). La production
n'était-elle pas tombé à 1700 Hl AP en 1950, soit
près de dix fois moins qu'aujourd'hui ! Il n'existe donc pas toujours
une fatalité et une chute des ventes doit pouvoir s'expliquer pour
ensuite y remédier en apportant des modifications au produit et à
sa perception.
Dans une première sous partie, nous effectuerons une
typologie des acheteurs d'Armagnac (1.3.1). Puis, nous essaierons d'identifier
un ensemble de causes qui paraissent pertinentes sans être exhaustives
à l'origine de ce désaveu des consommateurs. Par souci de
clarté, nous les avons différenciées en deux types :
celles conjoncturelles et extérieres au monde de l'Armagnac(1.3.2) et,
au contraire, celles structurelles et propres à la filière
Armagnac (1.3.3).
1.3.1 Une tentative de typologie de l'acheteur
d'Armagnac
Avant d'essayer de comprendre pourquoi les acheteurs se sont
détournés du produit Armagnac, il semble essentiel d'essayer
d'identifier ces clientèles. Nous reprendrons les catégories de
Bernard Kayser puis nous en discuterons la pertinence.
1.3.1.1 La typologie de Bernard Kayser
Bernard Kayser identifie « à très grands
traits »48 trois types de clientèles pour le produit
Armagnac. Il se défend de toute subtilité et associe la
clientèle à « une image du produit ».
-La première catégorie concerne les
consommateurs qui boivent l'Armagnac « sans cérémonie »
dans les bars restaurants ou chez eux. Cet acheteur-type est peu soucieux
des
47 Notamment FLANDRIN J.-L., COBBI J.,
Tables d'hier, tables d'ailleurs, Odile Jacob, 1999
Jean-Louis Flandrin, « L'invention des grands vins
français et la mutation des valeurs oenologiques »,
Eighteenth-Century Life - Volume 23, Number 2, May 1999, pp. 24-33
ou
48 KAYSER Bernard, [et al.], L'Armagnac : un
produit, un pays., op. cit., p.
37
différents aspects de la fabrication qui créent
des éléments de distinction entre les produits Armagnac. Il se
tourne vers les eaux-de-vie jeunes à des coûts modestes.
-La deuxième s'oppose à la première. Elle
distingue un consommateur connaisseur qui est attentif à tous les
éléments de distinction de l'Armagnac. Amateur de «
typicité et de raffinement », il perçoit (ou essaie de
percevoir) les nuances tant dans les caractéristiques du produit en
lui-même que dans la présentation et l'origine du produit. Il
entretient une relation avec le produit au-delà du contenu.
-La troisième catégorie est celle des
acheteurs-offreurs de cadeau qui voit dans le produit un élément
de distinction sans maîtriser les différentes nuances et
s'intéresse plus facilement aux « éléments
extérieurs des « qualités » des eaux-de-vie » :
terroir, « propriétaires », âge ou millésime.
1.3.1.2 La pertinence de cette typologie
Cette typologie « oublie » de nombreux facteurs ;
sexe, âge, origine géographique, catégorie
socioprofessionnelle. Nous pouvons critiquer la troisième
catégorie un peu fourre-tout traduisant à la fois : la
réalisation de la moitié des ventes dans le dernier trimestre de
l'année, comme pour beaucoup de produits alimentaires haut de gamme
(foie gras, champagne,...), la symbolique des millésimes pour les
anniversaires et l'achat « touristique » au chai. Les études
de motivations d'achat49 confirment cette typologie. En
général, l'acheteur a plus de 45 ans, de sexe masculin ; il
consomme l'Armagnac en digestif. L'utilisation pour la cuisine est
également déterminant. La première catégorie
concerne des consommateurs plus âgés, retraités, pour une
consommation moins solennelle avec des Armagnacs jeunes et peu chers. La
deuxième catégorie représente une population plus
connaisseuse du produit, attentive à la distinction sociale, urbaine et
45-65 ans. Entre ces deux acheteur-type, il existe un large éventail de
consommateurs.
1.3.2 Les causes conjoncturelles
Par le terme de causes conjoncturelles, nous comprenons des
causes extérieures au monde de l'Armagnac. Ces changements affectent le
produit ou ses ventes. Ce sont des phénomènes
socio-économiques dont nous ne chercherons pas à analyser les
causes mais
49 Sources BNIA, 2003
38
à voir les conséquences sur le produit. Les
phénomènes se superposent parfois, ils peuvent aussi s'opposer
rendant la grille de lecture encore plus abscons.
1.3.2.1 le changement des goûts et les nouveaux
modes de consommation -un glissement du quantitatif vers le qualitatif
Les Français ne consomment pas des boissons comme il y
a quarante ans50. Ils consacrent une part plus faible du budget
alimentaire aux boissons alcoolisées ( de 12,4 % à 8,9%) et ils
en consomment un tiers moins . Le vin de consommation courante en est la
principale victime, la consommation de vin s'est déplacé vers des
vins de qualité. Ce glissement qualitatif ne se retrouve que
partiellement dans les autres familles. Les spectaculaires croissances des
whiskies (7% de croissance par an en volume) et du champagne (multiplié
par 5 en quarante ans) se singularisent par rapport aux autres produits. Les
Cognacs ont aussi souffert que les Armagnacs de ce changement. Ce glissement
qualitatif ne concerne pas tous les Armagnacs et peut au contraire favoriser
les eaux-de-vie de haute qualité. Les whiskies haut-de-gamme
(premiums et superpremiums dans le jargon des limonadiers)
ont su fidéliser un public de néophytes devenus connaisseurs
comme en témoigne la création d'une revue
spécialisée (Whiskymag) et le dynamisme des amateurs de
whiskies sur la Toile avec une population jeune.
-le déclin des alcools forts purs
La haute teneur en alcool du produit écoeure une grande
partie de la population, en partie féminine (la moitié du
marché des consommateurs). Les produits alcoolisés sont
aujourd'hui plus doux, plus sucrés. Beaucoup des spiritueux se
consomment avec un liquide non alcoolisé, un « soft » (de
l'eau ou des jus de fruits) pour réduire la concentration d'alcool de la
boisson. La mode des cocktails dans les années 1980 a favoriser les
alcools blancs plus neutre en goût. Or, une consommation orthodoxe de
l'Armagnac commandant de boire pure l'eau-de-vie de raisin, communiquée
par les fabricants, n'a pas permis à d'autres types d'utilisation de se
développer.
50 Danielle Besson, INSEE, op. cit.
39
Le professionnels du marché ont eux, très
tôt pris conscience de ce changement des modes de consommation Cette
adaption à la demande des consommateurs se caractérise par
l'arrivée de nouveaux produits plus soft, très sucré,
à base d'alcool fort (malibu, smirnoff ice). La
création collective du Floc de Gascogne ou la mise sur le marché
de liqueurs à base d'Armagnac comme la Belle Sandrine ont
été des réponses pour s'adapter au marché de la
part des producteurs. L'impossibilité de financer une campagne
publicitaire à grande échelle et l'absence de
différenciation significative avec les autres produits expliquent en
partie leur place marginale sur le marché actuel. Elles n'ont pas en
aucun cas supplanté le produit original, l'Armagnac.
Le déclin du « pousse-café »
Les eaux-de-vie de vin se consomme traditionnellement pur,
parfois en accompagnement d'un café en fin de repas en France. La fin
des grands banquets, une cuisine plus rapide avec une durée de temps de
présence à table réduite peuvent être des
explications plausibles. Le digestif, pratique aux origines moyen-âgeuses
et à vocation curative apparaît aujourd'hui comme « ringarde
», et pas seulement à cause des politiques de lutte contre l'alcool
au volant. Les études de motivation d'achat51 de l'Armagnac
montrent que le mode de consommation est à 95% en digestif même
s'il n'est pas toujours exclusif -l'autre réponse majeure est «
pour la cuisine » »-. L'apéritif et les cocktails sont des
réponses marginales. Le Cognac connaît le même déclin
en France, ses ventes baissent de 2% par an. Nous pouvons considérer
cette même désaffection pour une consommation traditionnelle. Ce
changement de consommation implique-t-il forcément une mutation du
produit pour le réadapter au consommateur ou un travail marketing pour
renouveler l'image de la consommation sous cette forme traditionnelle ou sous
d'autres formes ? Les deux hypothèses se tiennent. Nous
étudierons les travaux réalisés par les professionnels sur
ces aspects dans la seconde partie de ce mémoire.
1.3.2.2 le problème d'image
La représentation sociale du produit est essentielle pour
motiver l'achat.
L'ignorance du produit semble la première cause de
mévente. Beaucoup de consommateurs ignorent le produit et la
région d'origine. Le processus de fabrication du
51 sources : B.N.I.A. (2003)
40
produit et la base vinicole sont vaguement connus, mais plus
on s'écarte de la région de production, plus l'ignorance gagne.
Ensuite, la région est difficilement placée sur une carte de
France. Elle ne représente aucune entité administrative ou ville
importante, ni une destination touristique prisée. L'Armagnac de par sa
même terminaison orthographique que Cognac se rapproche de son grand
frère dans l'imaginaire du consommateur.
Une communication sur le produit permettrait de pallier cette
méconnaissance. Selon les enquêtes de perception du produit chez
les professionnels52, cette opinion se retrouve chez cavistes sur
les priorités d'action pour l'amélioration des ventes.
Le consommateur, peu sensible aux caractéristiques du
produit, peut se détourner vers d'autres spiritueux aisément
puisqu'il y retrouve soit l'alcool bon marché (première
catégorie) soit les éléments de distinction sociale qu'il
recherche (troisième catégorie). Cette clientèle
non-captive nécessite un imaginaire plus fort pour compenser l'absence
d'attachement aux caractéristiques du produit.
L'Armagnac et le digestif d'eau-de-vie de vin en
général demeurent un alcool masculin dans une
société française où les identités sexuelles
n'ont plus de frontières clairement identifiées. Il reste
associé à l'image d'une famille patriarcale. Sa consommation
répandue lors des banquets familiaux, comme les mariages, lui
confère un goût de douce nostalgie de la France d'avant. Il ne se
consomme pas seul mais dans un cadre de convivialité ritualisé.
La spontanéité ou la créativité, valeurs de la
société contemporaine ne sont pas celles de l'Armagnac. Le whisky
« on the rock » a réussi à percer en France grâce
à son image plus individuelle et moderne. Le cinéma hollywoodien
et une communication efficiente ont été des vecteurs
importants.
1.3.2.3 Les politiques d'action publique contre
l'alcool
« La politique étatique contre la consommation
d'alcool est responsable du déclin de l'Armagnac ! » ce leitmotiv
revient sans cesse dans la bouche des professionnels. Cette affirmation
victimaire peu argumentée, accompagné d'un sentiment d'injustice
et de bouc émissaire, nécessite un examen plus approfondi. Une
première évidence contraire à cette dénonciation :
si la baisse de la consommation d'alcool en France s'est réduite d'un
tiers, elle n'a pas affecté la famille des spiritueux (cf. infra).
L'Etat n'est
52 sources : B.N.I.A (2003)
41
donc pas l'unique coupable du déclin même si ses
politiques ne répondent pas à des objectifs favorables aux
opérateurs.
Nous distinguons trois types de politique étatique : la
lutte contre l'alcoolisme, la prévention routière et les
préoccupations de santé publique. Parfois, les actions publiques
ne distinguent pas forcément les trois catégories.
-La lutte contre l'alcoolisme est indiscutable pour tous les
professionnels, et depuis la fin du régime fiscal avantageux des
eaux-de-vie de vin, l'Armagnac n'est pas plus concerné qu'un autre
produit.
-Des professionnels stigmatisent les politiques de
prévention routière concernant l'alcool au volant. Les mises en
place d'un taux limite d'alcoolémie en 1970 à 1,2 g/litres et
d'un contrôle préventif en 1978 furent les prémisses de
cette politique. Son durcissement progressif a conduit à une limite de
0,5 g/L et des condamnations plus sévères53. La peur
du gendarme et la prise de conscience des conducteurs entraînent une plus
faible consommation d'alcool et la suppression du digestif. Le «
pousse-café » est le dernier alcool consommé avec une forte
teneur en alcool, donc susceptible d'augmenter le taux d'alcool dans le sang.
Les professionnels soutiennent que les taux d'alcoolémie sont trop bas,
arguant que les accidents corporels sont le fait de conducteurs avec une
alcoolisation forte (1,7 g/L) et de buveurs chroniques54.
-L'autre action générale de l'Etat concerne la
santé publique avec une volonté de modération de la
consommation d'alcool55. Cette volonté se manifeste sous
différentes formes :
Il s'agit d'abord d'une taxation importante (42% du prix d'une
bouteille d'Armagnac). Cette évolution supérieure à
l'augmentation des produits normaux a suivi celle du tabac jusqu'en 1992 puis
le taux a été stabilisé.
L'autre aspect de cette politique de santé publique est
une condamnation plus morale de la consommation d'alcool avec la loi Evin de
1991. Cette loi limite la communication pour les produits alcoolisés et
la consommation dans certains lieux comme les stades. Ces mesures ne sont pas
sans conséquences : « Dans ce contexte de diminution globale, les
Français ont modifié leurs comportements en réduisant
leur
53, «Faut-il abaisser le taux d'alcool
autorisé sur la route? », Conseil national de la
sécurité routière, mars 2004
54 idem
55 « 45 000 personnes meurent chaque année des effets
directs de l'alcool. Celui-ci est responsable de 90 % des cirrhoses du foie, du
tiers des cancers et représente la deuxième cause de retard
mental chez l'enfant et la première cause de démence avant
soixante ans. 20 % des hospitalisations en hôpital général
et 40 % des hospitalisations en psychiatrie sont imputables à l'alcool.
»
42
consommation de vin au profit des spiritueux et de la
bière et en déplaçant leur consommation en fin de semaine
(multiplication des ivresses répétitives) »56.
L'Armagnac devrait logiquement être favorisé par ce
déplacement de consommation. Il n'a pas plus d'handicaps qu'un autre
produit. Au contraire, on peut penser que la loi Evin a rétabli le poids
de la qualité intrinsèque du produit face à celui de la
publicité dans la décision de vente. Si cette loi ne «
diabolisent » pas la consommation d'alcool, elle favorise une consommation
responsable et saine. Cette loi peut devenir un atout pour un alcool de
qualité et d'une région où l'espérance de vie est
la plus longue de France.
1.3.2.4 Un âge d'or prépare des
années de plomb
Les années 1970 ont permis un développement sans
précédent de la consommation d'Armagnac du fait d'un effet de
mode dû à de nombreux facteurs, notamment l'avantage fiscal dont
il bénéficiait. Il ne s'agissait pas d'un ancrage profond dans le
marché français, mais d'un développement d'un produit
générique adapté à une consommation de masse sans
une grande concurrence internationale. Les ventes des années 1960
correspondent à celles d'aujourd'hui. En 1969, 2,8 millions de
bouteilles étaient vendues avec déjà un million de
bouteilles à l'exportation. La forte croissance des années 1970
(+12%/an) s'est accompagné d'une explosion de la quantité de vin
distillé dont la filière subit encore le poids. Les
opérateurs trop optimistes sur la croissance de la consommation du
produit ont distillé des quantités adaptées à un
développement sans fin du marché. Les années de bonnes
récoltes, la distillation a produit des quantités énormes
d'Armagnac : 116 964 HlAP et 87154 Hl AP en 1973 et 1979 par exemple, alors que
jamais plus de 45 OOO Hl AP/an n'ont déjà été
vendus. La spéculation sur un produit est risquée. La conjoncture
s'est retournée. Il faut tout reconstruire pour retrouver les
bénéfices.
1.3.3 Les causes structurelles
Les causes structurelles sont propres au monde de l'Armagnac,
à son organisation et à son marché. Sa structure
particulière ne pouvait le rendre apte à supporter les
évolutions ou du moins elle n'a pas permis ou de faire les bons choix
pour poursuivre le développement économique des années
1970. Ces caractéristiques structurelles n'ont
56 « bilan des dix ans de loi Evin »,
communiqué de presse, ministère de l'emploi et de la
solidarité, mars 2001
43
pratiquement pas changé, elles appartiennent au
patrimoine économique de l'Armagnac. Les explications sont nombreuses et
nous verrons les principaux aspects sans être évidemment
exhaustif.
1.3.3.1 L'exportation ne compense pas le déclin
du marché français
L'Armagnac ne s'est pas vraiment implanté à
l'étranger. Il profite de circonstances particulières, souvent
dans le sillage du Cognac (exemple du Japon à la fin des années
1980). L'eau-de-vie charentaise est prisée par les nouveaux riches : les
Vénézuéliens dans les années 1950, les asiatiques
dans les années 1980, les minorités noires américaines et
les Russes depuis le milieu des 1990. Certes, les professionnels peuvent se
targuer de vendre leurs produits dans ces marchés émergents, tout
le monde s'y rend avec des ambitions de bénéfices rapides.
L'absence d'implantation donne des résultats le plus souvent à
court terme, mais il faut des groupes puissants pour pouvoir supporter des
marchés à forte variation et être prêts à
investir de nouveaux marchés à long terme. La chute des ventes de
près de 20% après la crise asiatique 1998 avait entamé les
efforts réalisés par les quatre grosses maisons
cognaçaises pour redéployer un marché asiatique. Les
ventes avaient déjà subi une baisse de 20% entre 1990 et 1997. Le
redémarrage, avec de grands efforts marketing pour ne pas laisser la
place aux concurrents, a permis au Cognac de retrouver son niveau de 1989 avec
des ventes record. La pérennité de ce marché n'en est pas
plus assurée57. Ce succès ne profite pas à
l'Armagnac comme le montre la comparaison des courbes des deux spiritueux
à l'exportation58.
Or l'Armagnac dépend encore pour plus de la
moitié de ses ventes du marché français. Celui-ci est en
déclin inexorable pour tous les segments des eaux-de-vie de vin,
même si la baisse est plus prononcée pour les eaux de vie jeunes.
Où les acteurs doivent-ils accentuer leurs efforts ?
1.3.3.2 La gestion des stocks
Une des principales difficultés de l'activité de
négoce des eaux-de-vie de vin concerne la prévision de la
période de vente du produit final. Les négociants doivent
anticiper la demande à une échelle de temps très longue
dans un marché hyperconcurrentiel où les comportements des
consommateurs fluctuent au gré des modes. Si le stockage permet une
régulation en fonction des quantités distillées selon les
récoltes
57 « Pas de chance pour le Cognac la récolte 1999
sera bonne », L'expansion, octobre 1999
58 voir annexes, expéditions de Cognac,
et les performances des ventes, il est difficile de juger la
consommation à venir. De plus, des stocks trop importants
entraînent des coûts de conservation plus importants en favorisant
une pression sur les prix. Un stock trop important d'eaux-de-vie de compte 5,
6, 7 par exemple crée une pression sur les prix de ce segment, mais les
eaux-de-vie jeunes en pâtissent aussi. Les fluctuations des
quantités distillées permettent de rééquilibrer les
ventes annuelles. Or, l'Armagnac a souffert d'une surproduction chronique
depuis les années 1970 entraînant un stock défavorable pour
un relèvement des prix et l'impossibilité de tout
écouler.
Le solde produit distillé/vente est redevenu positif en
2005 après plusieurs années négatives.
20000 15000 10000 5000 0 -5000 -10000
|
|
2002 2003 2004 2005
Quantité distilléE quantité vendue
solde
44
La diminution des stocks depuis cinq ans
Le vin destiné à produire de l'Armagnac peut
aussi être commercialisé en vin blanc de table. La hausse
qualitative du marché du vin a entraîné une modification
des vignobles et l'émergence de l'appellation vins de pays
Côtes de Gascogne. La principale caractéristique commune est
l'usage des cépages colombard et ugni-blanc. Le Gers, principal
département viticole sur les trois de l'appellation Armagnac produit
plus de 830 000 hectolitres agréés de vin blanc par an. Sur ses
20000 hectares de vignes, seules 1500 sont désormais destinées
à l'alambic. Le succès de ces vins blancs Côtes de Gascogne
-dont le meilleur représentant est le domaine du Tariquet connu
internationalement-, se caractérise par un doublement de la production
entre 1995 et 2005 et par 75% des volumes commercialisés à
l'exportation. Cette situation éclatante contraste avec le moribond
Armagnac. L'arbitrage distillation dépend du prix de vente le plus
avantageux et des variations des récoltes. La distillation permet
d'équilibrer la variation des récoltes selon les saisons. Cette
complémentarité ne joue plus lorsqu'il y a
45
une situation de surproduction vinicole chronique, et les
négociants profitent de cette situation pour abaisser le coût
d'achat de la matière à distiller. Cette spéculation ne
profite pas à un effort qualitatif régulier sur chaque
année entraînant des produits inégaux. Les viticulteurs ont
choisi leur camp : « il est hors de question de faire de l'Armagnac, du
moins pour l'instant, ce n'est pas rentable ! »59.
1.3.3.3 L'absence de marque leader
Un des principaux changements dans le commerce contemporain
consiste à vendre des marques plus que des produits. Naomi Klein a mis
en exergue ce phénomène dénonçant « une
nouvelle génération de sociétés qui se
considéraient comme des « courtiers en signification »
plutôt que comme des « producteurs de produits »60.
L'idée que l'on puisse vendre des marques plutôt que des produits
dans la logique de la viticulture française est un contresens. Toute la
communication, la représentation, est centrée sur le produit, le
réel. Le seul mot mis en avant est Armagnac. Les marques de producteurs
ont soit le nom du château ou du lieu géographique, soit le nom du
négociant ; mais il n'arrive pas à dépasser cette simple
signification. La réussite du Cognac à l'exportation s'appuie sur
un bon produit, mais elle est avant tout la réussite de quatre marques
qui se sont imposées sur les marchés notamment américains,
« parce que depuis vingt ans les « marketers » ont su la rendre
désirable »61. La moitié des acheteurs parisiens
en grandes surfaces citent « Hennessy », « Martell » ou
« Courvoisier » lorsque les sondeurs leur demandent de nommer une
marque d'Armagnac62. Une marque donne sa reconnaissance au produit,
encore faut-elle qu'elle soit connue. Elle offre un gage de prestige que ne
peut offrir une simple appellation. Aucune marque d'Armagnac ne peut être
identifiée nationalement, sans parler des marchés
étrangers. La marque d'Armagnac offre une traçabilité, un
lien direct avec le producteur, rien d'autre.
1.3.3.4 Une structuration mal adaptée
Le problème du développement des marques
d'Armagnac n'a pas changé depuis vingt ans. Les maisons de négoce
sont soit des sociétés familiales à capitaux
limités pour développer à grande échelle des
pénétrations des marchés, soit les sociétés
appartiennent à des grands groupes (Pernod, La martiniquaise, Marie
Brizard, Rémy Cointreau) depuis
59CAMPAGNE Caroline, « le vin surpasse
l'Armagnac », Sud ouest, 14 novembre 2006 60KLEIN,
NO LOGO- la tyrannie des marques, France, Actes Sud, 2001
61 « Le Cognac relancé par le Rap », op. cit.
62 Étude de motivation d'achat, BNIA, 2003
46
trente ans dans lesquels elles ne jouent qu'un rôle de
complément de gamme sans politique de développement à long
terme. Les capitaux se portent sur d'autres produits à potentiel de
croissance plus important. Pernod a quintuplé les ventes de rhum Havana
Club en dix ans et englouti de nombreux groupes étrangers. Seule Gerland
pourrait faire exception avec près de 20% des ventes d'Armagnac depuis
le rachat de Sempé en 2002 ; mais sa structure coopérative et son
organisation complexe entre les différentes filières ne peuvent
faire d'elle une entreprise comparable.
Cette absence de moyens propres fait reposer les politiques de
communication sur le BNIA avec les ambiguïtés que cela comporte. Il
se retrouve sur les grands marchés face à des géants
économiques avec lesquels il ne peut rivaliser. La pression dans les
grandes surfaces a conduit à réduire la longueur de
linéaire réservée à l'Armagnac et diminué le
panel de produits au strict minimum. L'Armagnac s'est rabattu sur le
marché des cavistes et magasins spécialisés. «
L'Armagnac est un produit qui a besoin d'être expliqué »
argue-t-on dans les milieux gersois pour expliquer ce glissement de
distribution. « En France, c'est de l'épicerie via un réseau
dense de caviste et de restaurateurs animé par 85 agents multicartes
»63 explique Arnaud Lesgourgues, propriétaire
associé de la maison L.E.D.A., pour définir sa stratégie
de distribution française. Il ne faut pas oublier que près de 40%
des sorties bouteilles concernent des eaux de vie jeunes dont la vente comme
produit fini est difficile et soumis à une intraitable concurrence. Le
marché des spiritueux est un marché compétitif avec des
produits innovants où le panel de produits s'est accru depuis une
vingtaine d'années.
Une trop lente adaptation et pour quel rattrapage
?
Le terme de crise semble trop fort pour représenter la
situation d'ensemble de la filière aujourd'hui. Nous pourrions
plutôt parler d'une lente adaptation au commerce contemporain. Les
statistiques montrent une précaire stabilisation des ventes et une
baisse des stocks. Comme le précise Sébastien Lacroix, directeur
du BNIA, «il est difficile de travailler sur l'Armagnac en raison de
l'histoire et des aspects socioculturels». L'action collective peut seule
communiquer sur l'appellation. Les pouvoirs du BNIA sont limités et
toujours sous réserve de l'accord des deux syndicats. Au-delà du
consensus
63 « Une stratégie très sud ouest »,
Sud ouest, op. cit.
47
nécessaire pour effectuer une politique globale, le
directeur du BNIA vante sa cohérence dans les actions individuelles des
opérateurs et sa régularité dans le temps et les lieux.
Plutôt que de crise nous parlerons de déclin.
Comme l'ont expliqué Jean-Claude Darréon et Alain Gabriel dans
leur thèse, La fin des années 1970 a constitué un pic de
croissance pour le produit et celui-ci a connu une chute progressive dans les
années 1980. Il nous semble que l'Armagnac a mal su s'adapter aux
changements commerciaux des années 1980 et a été victime
de ses ambitions démesurées des années 1970. Les auteurs
prophétisaient la chute des ventes des années 1990 si aucun
changement majeur dans la filière n'intervenait64. Ils
prévenaient des dangers de désunion en temps de crise avec des
actions à court terme des opérateurs aux risques et périls
de la pérennité du breuvage d'or. S'ils refusaient la «
solution miracle », ils insistaient sur la nécessité «
d'une volonté commune de défense du rayonnement du nom «
Armagnac » ». Ils misaient notamment sur le rôle central du
BNIA, seul à même de porter les couleurs de l'Armagnac avec ses
très limités moyens financiers. De nouveaux comportements sont
apparus doucement, une collaboration effective a temporairement pris le pas sur
des comportements individualistes. Les progrès enregistrés ces
cinq dernières années, et la hausse de 18% des exportations en
valeur en 2006 ne sont pas les conséquences d'un simple retournement de
conjoncture.
Comme nous avons pu le voir, la structure de la filière
nuit à une efficience indispensable dans le capitalisme contemporain
(rapidité de la chaîne de décision, investissements,
politique globale de l'entreprise,), néanmoins, il ne faut pas faire de
cette diversité un handicap insurmontable. Des
complémentarités entre les produits et entre les
opérateurs paraissent possibles, à condition de gagner en
cohérence et consensus, maîtres
mots d'une relance. Celle-ci ne peut que s'appuyer sur un marketing
de qualité, ciblé et fondé sur une collecte
d'informations actualisées et pointues du comportement du
consommateur.
64 DARREON J.C, GABRIEL A., l'Armagnac de la
production à la commercialisation : des réponses
inadaptées face au déclin, op. Cité,
«conclusion généale», p.221-223
48
2 Les politiques de relance du produit et l'avenir de
la filière
« Un pour tous et tous pour un ! » cette
devise des mousquetaires de Gascogne65, apparaît bien
difficile à mener dans le monde de l'Armagnac. Dans cette
deuxième partie de notre travail, nous verrons comment les acteurs ont
travaillé et travaillent pour redonner un élan à ce
produit. Ce produit n'est pas condamné par le marché de par sa
désuétude comme certains produits dépassés par le
progrès technique à l'image d'une radiocassette ou d'une machine
à écrire. Si « La volonté et la confiance dans le
produit sont indispensables »66, il faut la transmettre aux
distributeurs et aux consommateurs. La caractéristique du marché
des produits alimentaires pour un produit en déclin, a fortiori sur le
marché plus concurrentiel des vins et spiritueux, consiste à
remettre au goût du moment. Le succès du cousin cognaçais
avec ses deuxièmes meilleures ventes et septième année de
croissance en 2006 67 prouve qu'il n'existe pas un
dégoût du consommateur pour les eaux-de-vie de vin, obstacle
insurmontable. La volonté de relance ne s'est jamais estompée
même si elle n'a pas été exprimée clairement, ni
à bon escient. Quelles démarches ont été
entreprises avec quelle vision pour l'avenir de ce produit ; ou plutôt
quel produit permettra une survie de la filière ? Cette interaction
permanente empêche un développement d'un discours univoque. Si les
chiffres de ces cinq dernières années montrent une
précaire stabilisation des ventes, par quels facteurs doit-on l'analyser
? Est-ce le signal d'un renouveau ou juste une pause dans le déclin?
Prolégomènes : Quels objectifs pour la
filière ?
La bonne santé d'un produit se traduit-elle seulement
par une hausse des ventes en volume? Sur quels critères peut-on juger de
la bonne santé d'un produit et de sa filière ? Ces questions
dépassent la simple logique économique et tous les acteurs
n'éprouvent pas la même satisfaction face aux résultats
économiques. Notre travail se consacre essentiellement sur le produit
laissant de côté de nombreuses questions économiques et
sociales. La problématique essentielle concerne l'ensemble des formes
sous lesquelles le produit Armagnac peut espérer une
pérennité et des moyens par lesquels elle essaie d'y
65 reprise couramment par les défenseurs de
l'Armagnac, par exemple Aymeri de MONTESQUIOU, sénateur du Gers, et
Jean-Paul SEMPE, Lettre des mousquetaires de l'Armagnac, n°2,
janvier 2003
66 DARREON J.-C., GABRIEL A., l'Armagnac
de la production à la commercialisation : des réponses
inadaptées face au déclin, p.222 (II)
67 Sources B.N.I.C.
49
parvenir. L'évaluation ne peut se contenter de regarder
les ventes globales sans vision à long terme ou sans comparer avec les
quantités distillées. La cohérence est le maître mot
de toute politique globale objectifs-moyens-actions :
-une cohérence sur les produits
-une cohérence sur la communication
-une cohérence entre les produits et la communication
« Produire bon pour vendre mieux »68, la
devise des professionnels définit la
stratégie de relance de l'Armagnac: une
amélioration de la production (2.1) et une stratégie de vente et
de communication efficace (2.2) permettront d'entrevoir un autre avenir pour le
produit Armagnac (2.3).
2.1 Un travail sur la production
La qualité du produit est essentielle pour ensuite
pouvoir le commercialiser dans de bonnes conditions. Il s'agit donc d'un
préalable. Si le consommateur se détourne du produit Armagnac,
c'est la conséquence d'une insatisfaction vis-à-vis du produit,
au mieux d'une lassitude. Paradoxalement, le produit est apprécié
des consommateurs, mais il n'est pas acheté. La production ne semble pas
la première cause des méventes, elle n'est pas néanmoins
exempte de tout reproche notamment sur sa gestion. S'il est impossible d'avoir
une maîtrise totale de l'offre du produit, une gestion harmonieuse des
stocks et de la production est possible (2.1.1). Elle ne peut s'accompagner que
de politiques qualitatives (2.1.2), pour une définition claire des
produits finis (2.1.3).
2.1.1 Une gestion harmonieuse de la production et des
stocks
Nous avons évoqué dans la première partie
les problèmes d'un équilibre entre les quantités
distillées et les quantités produites. Une rationalisation de la
production permet des investissements plus sûrs et des visées
à long terme.
2.1.1.1 Une politique de maîtrise de l'offre
La maîtrise d'une politique de l'offre avec des quotas
préalablement définis était une des idées à
l'origine de la création de l'Union des Coopératives Viticoles de
l'Armagnac en 1976. La structure commune avait pour but de limiter le
caractère spéculatif de l'Armagnac, d'adapter la production
à la consommation et de garantir des
68 in La flamme de l'Armagnac, mars 2005
50
prix d'achat aux vignerons. Les perspectives de croissance
(+12%/an) nécessitaient une surproduction en fonction des
récoltes. Les négociants et les propriétaires
récoltants s'opposaient à cette logique estimant
nécessaire de conserver le caractère spéculatif de
l'Armagnac et surtout de maintenir une diversité dans l'offre des
produits. En raison de la surproduction chronique et de la montée
vertigineuse des stocks jusqu'à la fin des années 1980, la
filière a du s'organiser pour assurer un certain équilibre pour
éviter de mettre en péril la quasi-totalité des acteurs et
de brader un Armagnac invendable. Cette volonté commune a
entraîné une augmentation des pouvoirs du BNIA en 1991. Il lui est
conféré un regard sur les stocks via la délégation
de pouvoir des douanes et l'audit de 1996 sur les principales maisons lui a
permis de connaître leur état de santé. Entre une politique
stricte de l'offre et la liberté totale de production, le compromis a
donné lieu à une politique de maîtrise raisonnée de
la production autour du BNIA.
2.1.1.2 Les limitations de la production
Les limitations de la production sont toujours difficiles
à mettre en place. Elles s'inscrivent dans des politiques globales
conduites dans le cadre de la Politique Agricole Commune appliquent des moyens
différents : reconversion des agriculteurs, changement de production
(primes à l'arrachage). L'objectif final de la filière Armagnac
est d'arriver à obtenir à terme une quantité annuelle de
produit distillé en rapport avec l'évolution de la consommation.
L'exemple de la viticulture du Bas-Armagnac landais, une des principales zones,
donne un exemple significatif de ce travail sur la partie viticole de la
filière69. La surface viticole landaise a diminué de
3420 à 2524 hectares, soit de 25%. Le Bas-Armagnac représente 72%
de cette surface en 2000. Il a connu une diminution similaire. Pendant cette
même période, la concentration des exploitations viticoles a
été moindre que dans les autres départements (seulement
70% des exploitations ont une superficie supérieure à 10
hectares). Les campagnes d'arrachage menées avec les primes
européennes selon des systèmes complexes de financement
(départ à la retraite, renouvellement du vignoble) ont obtenu des
résultats significatifs sur les volumes de vin produit. Le succès
des vins blancs de pays de Gascogne, déjà évoqué, a
aussi à rééquilibrer la quantité de volume
distillé.
Cette réduction a été également
fournie par un contrôle plus strict de la vocation des vignes à
l'Armagnac. Une grande part de la surface, plus de la moitié,
était en cépages
69 lettre de l'observatoire de
l'Armagnac, n°4, octobre 2OO2
51
double fin AOC Armagnac. Le vigneron avait le choix de vendre
son vin brut ou de le distiller. Pour limiter la quantité de vin
à distiller et permettre un développement des cépages
spécifiques pour l'Armagnac, le décret du 29 mai 2005 impose un
« parcellaire Armagnacais » : une identification préalable des
parcelles destinés à la distillation auprès de l'INAO et
une déclaration d'intention de destination des vins avant le 31 juillet.
Le viticulteur ne peut donc spéculer au dernier moment en fonction des
cours.
Ces mesures s'accompagnent d'incitations financières
assez complexes provenant des différents organismes étatiques et
européens. Le BNIA n'effectue que des actions normatives et ne
subventionne en aucun cas la production agricole.
2.1.1.3 Le problème des stocks
La conséquence de cette surproduction chronique
entraîne une surcharge des stocks. Or, il ne faut pas oublier qu'une
grande part de l'Armagnac sort sous forme d'eau-de-vie jeune (50% environ)
autant pour les fabrications et vrac que pour les ventes bouteilles. En 2005,
les ventes bouteilles à partir du compte 4 n'ont
représenté que l'équivalent de 5032 Hl AP. Si une partie
supplémentaire a pu être utilisée dans les fabrications ou
vendue en vrac, la quantité n'est jamais supérieure au 7 622 Hl
AP passé du compte 3 au compte 4 cette même année. Les
stocks de compte 4 et + atteignent 135000 Hl AP. La diminution des stocks est
donc due bien plus à l'angélique évaporation qu'à
l'augmentation des ventes ou une réduction draconienne de la production
d'eau-de-vie70. En six ans 25 000 Hl d'AP ont disparu faisant passer
de « douze ans de production en stock à entre neuf et dix ans
aujourd'hui »71.La filière Armagnac paye encore
aujourd'hui le fardeau des comportements individualistes et irrationnels d'un
point de vue collectif d'il y a vingt ans. Compte tenu des stocks, la politique
commerciale est claire : il faut vendre des eaux-de-vie vieilles. Le hors
d'âge, c'est-à-dire les assemblages de plus de dix ans, est le
produit cible. Les millésimes obtenus à partir des stocks
très variables selon les années sont moins intéressants,
dans cette perspective de diminution des stocks.
70 cf. tableau et histogramme (chiffres B.N.I.A.)
71 Sébastien Lacroix, cité dans «
bien dans son temps », Sud Ouest, 14 novembre 2006
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52
L'autre problème des stocks est leur coût
d'entretien et de transmission. L'investissement réalisé ne porte
ses fruits qu'à long terme. La faiblesse financière des
structures familiales du négoce entraîne la mise en
hypothèque des biens, voire des emprunts difficilement remboursables. A
cela s'ajoutent les problèmes fiscaux et des droits de succession ayant
pour conséquence l'impossible reprise des domaines ou négoces
familiaux.
Enfin, il faut préserver un renouvellement des stocks
pour garantir l'eau-de-vie du futur. Il serait bien dommage de ne plus avoir de
matière à vendre le jour où la situation commerciale sera
meilleure. Ces objectifs nécessitent une information continue des
producteurs sur la situation commerciale, les visées à long terme
et les stratégies appliquées. Ce rôle, aujourd'hui rempli
par le BNIA, a cruellement manqué aux acteurs dans les années
1980.
2.1.2 Une recherche de qualité
Un autre objectif du BNIA consiste à accompagner les
producteurs dans leurs efforts qualitatifs de l'amélioration de l'offre
afin de mieux correspondre aux exigences des consommateurs. Les marchés
des vins et spiritueux connaissent des croissances
53
supérieures en valeur qu'en volume. Il faut donc augmenter
les qualités des produits pour maximiser les possibilités de
bénéfices.
2.1.2.1 Une spécialisation des vignerons
La tradition de polyculture du monde agricole gascon contraste
avec la spécialisation des grandes régions viticoles
françaises (Cognac, Bordeaux, Champagne). La mécanisation a
permis une augmentation radicale des rendements et des surfaces
cultivées. Cette production de vin moyen ne nécessitait pas une
spécialisation des agriculteurs. Vignes ou maïs, peu importait la
culture tant qu'il y avait du rendement. Le renouvellement des
générations, les nouvelles formations offertes aux agriculteurs
ont permis d'augmenter les compétences techniques des vignerons et
d'accompagner ainsi la montée en gamme des produits.
Cet, effort de spécialisation est accompagné par
le BNIA avec la mise en place de stage et formations techniques à
disposition des producteurs. Par exemple, pour le second semestre 2006, sont
organisés un voyage d'études en Charente et des formations sur la
qualité de la Blanche Armagnac et sur la technique sur la distillation
Armagnacaise. Les aides à la modernisation des équipements et
autres installations sont semblables à celles que touchent les autres
agriculteurs de la part du FEOGA.
2.1.2.2 Une Appellation d'Origine
Contrôlée plus stricte
Le grand combat du BNIA et de la filière depuis la fin
des années 1990 concernait la redéfinition du décret AOC
qui datait de 1936. Cette évolution était souhaitée pour
plusieurs raisons : la création de l'AOC pour la Blanche d'Armagnac, une
mise aux normes de l'AOC Armagnac et un meilleur suivi de la production. Nous
évoquerons infra la blanche d'Armagnac, et quelques
éléments importants de la refonte du décret du 29 mai 2005
après l'accord à l'unanimité du 28 mai 2004 de l'INAO. La
longueur de la procédure (six ans à partir de la demande du BNIA
et des syndicats représentatifs) s`explique par les nombreux
problèmes réglementaires soulevés par l'INAO. En
particulier, la controverse portait sur l'utilisation d'un cépage
hybride-le baco- pour une AOC. Or, le baco est le cépage majeur du
Bas-Armagnac landais et son abandon aurait bouleversé la qualité
des eaux-de-vie produites et détruit les vignobles. La réticence
de l'INAO était fondée sur des risques phytosanitaires.
L'oenologue et directrice technique du BNIA, Marie-Claude Segur, a dû
mobiliser des chercheurs pour démontrer le bien-
54
fondé et l'inoffensivité de l'utilisation de ce
cépage. L'obligation de l'élevage dans les seuls chais
agréés et identifiés par l'INAO dans l'aire de production
constitue un autre changement majeur.
2.1.3 Des produits mieux définis
L'adaptation du produit aux goûts du consommateur
nécessite une simplification des dénominations plutôt que
des produits vendus. La multiplication des termes perturbe le consommateur,
surtout lorsqu'il ignore la signification comme Napoléon ou V.S.O.P.
L'âge reste le critère déterminant.
2.1.3.1 Un exemple de diversification : la «
création » de la Blanche Armagnac
La Blanche Armagnac n'est pas un produit nouveau, mais la
volonté d'obtenir une AOC traduit l'ambition de compléter la
gamme et de développer de nouvelles approches de l'Armagnac pour un
nouveau public. Comme pour le Floc, l'AOC montre au consommateur qu'il ne
s'agit pas d'un sous-produit. L'aspect réglementaire a été
réglé avec le décret du 29 mai 2005. Pour l'aspect
technique, le BNIA et les syndicats représentatifs ont d'abord dû
travailler sur la manière de la fabriquer, puis développer
l'agrément auprès de l'INAO pur enfin former les producteurs pour
que le produit soit assez similaire et réponde aux attentes des
consommateurs. La commercialisation n'intervient qu'à partir de
l'année 2007. Ce produit permet d'atteindre le marché des alcools
blancs, un marché plus dynamique que l'alcool brun. La Blanche Armagnac
se pose sur un segment premium en concurrence avec les vodkas haut de gamme
type Zubrowka. La commercialisation s'accompagnera d'une campagne de
lancement marketing spécifique de la part du BNIA
2.1.3.2 L'adéquation du produit aux exigences du
consommateur
La volonté d'avoir une cohérence entre les
produits et les critères justifiant les différences de prix a
nécessité une redéfinition des dénominations
communes en vue de mieux orienter le consommateur. Le critère essentiel
demeure la durée de vieillissement en fût. Le BNIA a donc
conseillé une simplification des termes justifiant la garde et le type
d'assemblage. Il a également incité les embouteilleurs à
indiquer la date de mise en
55
flacon, notamment pour les millésimes. Ces nouvelles
définitions sont résumées par le tableau ci-dessous :

La définition de la qualité du produit est
dorénavant plus claire. Le « trois étoiles » pouvait
paraître supérieur à un « Armagnac Napoléon
» pour le consommateur. La hiérarchisation était difficile,
surtout lorsque le panel d'Armagnacs proposés se limitaient à
trois différents produits sur les linéaires de
supermarchés. Les dénominations d'assemblage devraient
néanmoins être précisées au consommateur, par
exemple sur la seconde étiquette, pour lui permettre de mieux comprendre
les différences de produits et de prix.
2.2 La cohérence du travail effectué sur
la communication
Un bon produit ne garantit pas de bonnes ventes, les exemples
de lente agonie sur le marché des spiritueux sont légions :
Lillet, Byrrhe, Ambassadeur. L'Armagnac doit donc
entretenir sa bonne réputation. Nous analyserons la stratégie de
communication élaborée depuis ces cinq dernières
années par le BNIA (2.2.1), nous verrons ensuite la compatibilité
de son intégration dans avec les communications des opérateurs et
des collectivités locales (2.2.2), enfin nous distinguerons la
cohérence plus spécifique d'un travail sur l'exportation et la
logique de la distribution (2.2.3).
56
Malgré l'internationalisation des modes de
consommations et l'intégration des marchés, il demeure pertinent
de distinguer la France et l'exportation en terme de communication comme
l'effectue le BNIA. Nous étudierons l'exportation dans une autre partie,
même s'il est possible que dans vingt ans cette distinction n'ait plus
lieu d'être.
2.2.1 Renouvellement et continuité de l'image de
l'Armagnac
Le terme Armagnac désignant le produit constitue
à la fois une AOC et un « produit collectif » de
différentes marques. La première est un règlement rigide,
à l'opposé du second qui vit en perpétuel mouvement
puisque possédait par un ensemble d'opérateurs aux moyens et aux
fins de communications diverses, voire opposées. La communication sur
l'Armagnac effectué par le BNIA va mettre en valeur le produit et sa
représentation. Un retournement de la conjoncture vers le produit
après des années de communication sur les valeurs
associées aux marques, c'est ce que prédisait Philippe Villemus,
professeur de marketing, dans son ouvrage La fin des marques ? Vers un
retour au produit72. Ce titre provocateur mettait en garde
contre une communication oubliant le produit lui-même. Or, les
eaux-de-vie de vin en France, deux tiers du marché de l'Armagnac,
souffrent d'une image ringarde, d'un produit désuet. Cette opinion,
partagée aussi par Alain Philippe73, directeur du BNIC
(Bureau national interprofessionnel du cognac) obligeait le BNIA à
repositionner le produit avant qu'il ne disparaisse avec ses consommateurs.
Mais, les changements radicaux d'images sont souvent désastreux car ils
fourvoient plus le consommateur qu'ils ne le réorientent. Selon
Jean-Noël Kapferer74, professeur à HEC Paris, la
réponse doit intégrer le concept de « marketing dual »
c'est-à-dire qu'il ne faut pas « choisir entre augmenter
l'implication de l'entreprise auprès de ses clients actuels ou
d'investir sur des cibles et des générations nouvelles »,
mais combiner les deux. Cette politique a été mené avec un
succès relatif par Ricard pour son anisette homonyme avec une
implication sur le terrain des jeunes (boîtes de nuit, soirées
72 Philippe VILLEMUS, La fin des marques? vers un
retour au produit, Organisation Eds d', 1996
73 « Nous nous sommes trop longtemps reposés sur
l'image vieillotte du cognac dégusté au coin du feu dans un
fauteuil en cuir... et nos consommateurs mourraient sans être
remplacés », in newzy, juin 2004
74 KAPFERER Jean-Noël, les marques à
l'épreuve de la pratique, Organisation Eds D', mars 2002
57
étudiantes) sans oublier sa clientèle
traditionnelle au moyen de son armada de 1100 commerciaux 75...
Les communicants sur l'Armagnac doivent rajeunir sa
clientèle et hausser son segment pour permettre des prix
élevés pour assurant une marge à tous les acteurs de la
filière et nuancer son surcoût de fabrication par rapport aux
autres alcools. En même temps, il faut rappeler la faiblesse des moyens
de communication du BNIA : 500000 € pour la France et l'exportation, les
limites de ses prérogatives normatives et son caractère
interprofessionnel par rapport à une marque classique. Enfin, de
nombreux aspects marketing restent entre les mains des opérateurs
particuliers.
Les objectifs de ces campagnes n'ont guère varié
et répondent en partie à ce concept de « marketing dual
», même si la fidélité au produit est importante. Il
s'agit d'accroître la notoriété de l'Armagnac et ses
spécificités, de cibler un profil masculin 25-40 ans, urbain et
de catégorie socioprofessionnelle supérieure, et de ne pas
oublier les clientèles traditionnelles.
Parmi ces différentes missions, le BNIA va travailler
dans plusieurs directions complémentaires : «
dépoussiérer l'image de l'Armagnac », associer à un
prestige et susciter le désir, rappeler son implantation territoriale et
sa vocation de partage.
2.2.1.1 « Dépoussiérer l'image de
l'Armagnac » (S. Lacroix)
Pour étayer notre argumentation, nous nous appuyons sur
les campagnes annuelles financées par le BNIA dans la presse et par voie
d'affichage. La principale difficulté est l'absence du produit vendu, le
BNIA n'est pas un commerçant. Il ne peut s'appuyer sur le visuel du
produit vendu. Il recherche à susciter le désir du consommateur
en s'adonnant à l'imaginaire et accroître la
notoriété du produit générique Armagnac.
L'année 2001 a donné lieu à une nouvelle
campagne de communication de l'Armagnac avec un changement d'image
déclinée jusqu'à aujourd'hui en différentes
campagnes. La communication maximise une sobriété
caractérisée par le fond noir avec une simple insertion se
référant au cadeau pour la fête et un jeu de
représentation avec une grappe de raisin. L'Armagnac n'est pas
représenté : ni le breuvage, ni le verre si
caractéristique, ni une référence régionale. La
volonté de toucher un nouveau public en le provoquant façon
« porno chic ». Un nouveau slogan accompagne la campagne :
75
www.ricard.fr
58
« l'Armagnac un rythme bien à lui ». Si cette
campagne a été récompensée par un prix de la part
des professionnels, peut-être s'est-elle éloignée du
produit et de la capacité d'identification par le consommateur.
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Campagnes fête des pères et fête des
mères 2001


Slogans :
« Rendons hommage à ceux sans qui nous ne serions
rien »
« Rendons hommage à celles à qui nous devons
tout »
La campagne 2003 a repris les mêmes
caractéristiques en remplaçant la grappe de raisin qui
évoque plutôt le vin dans l'imaginaire collectif par le verre
galbé rempli au tiers d'Armagnac à la couleur ambrée. La
référence au produit gagne en visibilité. Le verre
identifie la consommation traditionnelle de digestif, mais ne repose pas sur
une table,
symbole du repas, comme dans les campagnes des années
1980. Le contenant différencie l'eau-de-vie de vin des autres alcools,
c'est un élément fédérateur et
caractéristique qui est repris dans tous les visuels.
La campagne 2004 joue avec ce verre dans un jeu d'ombres et
lumières et quelques gouttes glissant sur les parois. Le nouvelle
message est « larmes de joie » dans le but de symboliser la
convivialité. Ces campagnes sont publiées dans la presse
traditionnelle et masculine (Figaro magazine, l'Equipe, Auto-Plus) et
par voie d'affichage dans des zones urbaines Toulouse, Bordeaux et Paris et des
aéroports.
Encore faut-il comparer ces communications avec celles des
concurrents. Par exemple huit annonces pleine page de spiritueux ou champagnes
publiées dans les Figaro magazine de fin d'année 2006,
au milieu des publicités pour parfums, montres et voitures haut de
gamme. Toutes montrent le produit ou une partie symbolique (bouchon,
étiquette) sur un fond monochrome sombre en général. La
moitié des représentations sont accompagnées d'un court
slogan comme « laissez votre empreinte », « l'art d'être
soi-même ». Pas de présence humaine n'est constatée,
tout comme un minimalisme absolu centré sur le produit. La promotion de
l'Armagnac ne se distingue en rien mais elle souffre de l'absence de l'objet
vendu. Elle est la seule à ne pas montrer le produit à acheter.
Si l'Armagnac s'inscrit dans la même démarche que de produits
prestigieux comme Grand-Marnier, Dom Ruinart ou Laurent
Perrier sans la même force de frappe.
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59
Ressemblances entre les communications de Champagne et
d'Armagnac
60
Il est donc nécessaire de rechercher d'autres moyens de
communication que de simples campagnes annuelles classiques aux coûts
élevés et aux retombées incertaines auprès du
consommateur comme le constate Sébastien Lacroix.
L'association avec le festival « tempo-latino » de
Vic-Fezensac, le premier festival européen de musique afro-cubaine,
déjà sponsorisé par Havana Club, s'inscrit dans
cette même logique de toucher des univers différents. Une musique
festive, tropicale et dansante contraste avec l'austérité de
l'Armagnac traditionnel consommé assis, entre intimes et de
manière solennelle. L'Armagnac y est présenté comme une
boisson pour « long drink » à l'égal du rhum. Le
cocktail vendu cette occasion « Gascon'Gas » permet de mettre en
contact un public plus jeune avec des eaux-de-vie accessibles au moyen d'une
formule mix-drink pour une consommation différente. Cette tentative se
renouvelle lors des fêtes traditionnelles de la ville de Vic-Fesanzac,
« pentecôtavic ». Ces expériences ne sont pas toujours
très concluantes malgré les succès d'un soir, le suivi
semble difficile à estimer. Loin des chais poussiéreux, de la
basquaise et du grand-père au béret, l'Armagnac rentre dans le
cercle des boissons internationales. Cela ne suffit pas à le rendre
différent et surtout demandé.
2.2.1.2 Une boisson prestigieuse
L'Armagnac n'est pas un produit inaccessible
financièrement pour tous les ménages, il ne doit pas pour autant
être banalisé au risque de perdre son image de prestige, de cadeau
et de luxe. Le BNIA a pour but de repositionner le produit sur le haut et
très haut de gamme. A l'image d'autres produits comme le champagne
associé au caviar et aux palaces, l'Armagnac doit être
présenté comme un produit supérieur pour des gens
raffinés autour de deux autres produits : le jazz76 et le
cigare. Deux axes de communication illustrent cette politique d'image plus
internationale : le festival de jazz « jazz'in Marciac » et le «
trofeo Habanos Armagnac ». Le festival de jazz de Marciac est
l'évènement annuel le plus important du département du
Gers en terme de médiatisation. Initié modestement en 1978, il
est depuis devenu un festival incontournable sur la scène
européenne et rassemble auquel le BNIA est associé depuis 1994.
Cet investissement se compose de dégustation et de campagne
d'affichage.
76 « Dans le cadre de la stratégie de
communication définie avec le groupe marketing, il a été
décidé d'investir plus et mieux le Jazz » , lettre du
B.N.I.A. n°23, avril 2004
61
L'association initiée en 2006 avec l'entreprise
habanos, leader de la distribution de cigares premium, pour
l`organisation d'un trophée « Armagnac y habanas »
récompensant la meilleure association d'eau-de-vie avec les cigares
rentre dans cette stratégie d'insérer l'Armagnac dans des univers
de luxe et de prestige L'Armagnac remplace une marque de whisky dans cette
association. L'épreuve finale se déroule au festival de La
Havane. Déjà, depuis 2003, le BNIA organisait des rencontres
dégustatives d'association d'Armagnac et de cigares auprès de
professionnels dans des hauts-lieux parisiens77.
Le cigare et le jazz rassemblent des valeurs de raffinement,
avec une accessibilité réduite pour les non-initiés. Les
associer correspond à une volonté d'ancrer l'Armagnac dans des
sphères dépassant les frontières nationales pour un monde
de connaisseurs et de fidèles. Il s'agit d'associer le produit autour de
nouveaux rituels, pas forcément incompatibles avec les anciennes
pratiques, avec des produits à forte valeur symbolique. Cette
stratégie s'accompagne de publicité dans les magazines
spécialisés pour permettre une fidélisation de ces publics
et pour provoquer ces associations ponctuelles chez les fumeurs.
La communication dans le luxe se focalise sur le produit sans
le mettre en scène. Le produit ne répond pas à un besoin,
il fait rêver. Il n'a pas un avantage comparatif, il est
unique78. Les communications du BNIA montrent cet aspect là
de l'Armagnac en insistant sur sa couleur, son contenant particulier et ...rien
d'autre. « L'Armagnac, un rythme bien à lui ». Chaque produit
est unique, donc toutes les publicités se ressemblent, étrange
paradoxe marketing. Conscient de la notoriété retrouvée de
l'Armagnac confirmé par les études de marché, le BNIA
s'organise différemment : « Nous laissons tomber les actions de
notoriété, et nous travaillons sur les metteurs en marchés
et autres prescripteurs »79.
2.2.1.3 Un produit de confidence, le pari du «
bouche à oreille »
La difficulté de communiquer efficacement sans grands
moyens conduit le BNIA à se focaliser sur des segments plus
précis qu permettent de faire comprendre les
77« Effluves et voluptés » , idem
78 DUBOIS Bernard, « Leçon de marketing,
le luxe un secteur pas comme les autres » in Les Echos, 25
février 2007
79 Sébastien Lacroix in « Bien dans son
temps », Sud Ouest, 14 novembre 2006
62
spécificités de l'Armagnac par la voie de
professionnels, de passionnés ou des nouveaux moyens de communication
comme Internet.
Partant du principe de la complexité du produit et de
son manque de notoriété, le BNIA privilégie le conseil
auprès du client. Toujours dans cet objectif de «
décloisonner » l'Armagnac, le BNIA communique prioritairement
auprès des prescripteurs qui reconnaissent les qualités du
produit. Il mène des actions sur les différents modes de vente
à l'exemple de la campagne de communication effectuée en 2005:
- Il s'attache à communiquer un maximum avec la presse
spécialisée et générale au moyen de l'organisation
de réceptions-dégustation et du travail continu d'une
attachée de presse. Cette diffusion garantit des publications sous forme
d'articles d'une longueur suffisante pour donner l'environnement du produit et
ses caractéristiques.
- Il cherche à développer des liens particuliers
avec les prescripteurs du réseau des
cafés-hôtels-restaurants (CHR) et les cavistes en
développant leurs connaissances du produit. Il a mis en place un
concours auprès des élèves de lycées
hôteliers, les prescripteurs de demain, et organise des réceptions
pour les cavistes et restaurateurs à l'occasion
d'évènements comme la Vinexpo (dégustation, diffusion
mignonnette,...). Il a également développé une plaquette
informative auprès des cafetiers pour développer une politique
cohérente de prix dans ce secteur de l'Armagnac dans
l'intérêt du diffuseur et du vendeur.
Le bouche à oreille est la plus ancienne des
méthodes de marketing et la plus efficace80 -on fait plus
confiance à ses amis qu'à l'inconnu de la
télévision-. Il s'agit surtout de la moins coûteuse, ce
sont les leaders d'opinion et les « consomm'acteurs » qui travaillent
à promouvoir le produit et non plus les espaces publicitaires.
Longtemps, l'Armagnac s'est contenté de sa simple bonne
réputation... Avec Internet, l'information se diffuse avec une
célérité extraordinaire en touchant des communautés
diverses. L'utilisation publicitaire de ce médium a donné lieu au
« marketing viral » (ou « buzzmarketing »)81. Le
buzz correspond à l'ensemble de tous les bouche-à-oreille,
commentaires échangés à tout moment à propos d'une
marque ou d'un produit. Cela englobe aussi bien les communications des
sociétés vers leurs clients que les échanges de
80 une évidence confirmée par
l'étude de BIGresearch sur un échantillon de 15000
personnes en décembre 2005 à propos sur l'influence des
différents médias dans la décision d'
achat.
www.BIGresearch.com
81« bouche oreille et marketing vrai »,
paperjam, 25 juin 2004
63
clients à clients comme l'explique Emmanuel
Rosen82. Le lancement du buzz de l'Armagnac en 2006 donne une image
branchée du produit, même si peu de gens de la filière ni
de consommateurs n'ont compris l'idée même. Il s'agit d'un
concours de vidéo sur l'Armagnac. L'évaluation des
résultats pour la campagne 2006 permet d'entrevoir une sélection
de... deux buzz !
Le buzz montre une créativité marketing et une
volonté de s'inscrire dans une modernité avec l'utilisation
d'autres médias. Il implique les consommateurs dans le produit et oblige
les professionnels à être à l'écoute des
évolutions des perceptions de l'Armagnac. Le danger devient une perte de
la maîtrise de l'image à la différence d'un discours
vertical véhiculé dans les médias traditionnels. Il est
trop tôt pour évaluer les retombées de cette nouvelle
initiative. La société Absolut, au marketing
précurseur et innovant, a effectué une campagne de marketing
viral très réussie et interactive autour de son dernier produit
avec une campagne avec des chansons de Lenny Kravitz83. Son concours
de photos numériques sur la Toile date de 2004... « A
l'époque, dans l'Armagnac on utilisait encore le Minitel ! »
2.2.1.4 Une image gasconne de festivité et
convivialité
L'ambition de travailler autour de l'environnement Sud-ouest
dépasse le simple aspect patrimonial. Il existe encore la fête de
l'Armagnac à Labastide-d'Armagnac, les écomusées ou le
développement d'un tourisme artisanal pendant la distillation. Ces
activités marginales sont plutôt destinées à ancrer
l'Armagnac dans la vie locale qu'à améliorer l'image de
l'Armagnac. « Bienvenue au pays du bien vivre » s'ajoute sur les
campagnes d'affichage. Le Gers bénéficie surtout d'une image
positive auprès des populations âgées. Selon un classement
des départements français où l'on vit le mieux
réalisé par L'Express84, le Gers n'est
plébiscité que par les seniors. Cette communication ne doit-elle
pas être centrée autour de thèmes plus porteurs
nationalement que la fête du village ou la tauromachie. Nous pensons
qu'il est plus pertinent d'utiliser une image plus dynamique comme celle du
rugby, sport en pleine ascension médiatique et fort pratiqué en
Armagnac, que « les bonnes valeurs de la campagne » pour cibler le
segment des jeunes travailleurs urbains. En novembre 2006, à l'occasion
de la rencontre au sommet du
82 ROSEN Emmanuel, «the anatomy of Buzz, How to
create Word-of-Mouth marketing», Doubleday, octobre 2000
83 LEBRUN Caroline, « La vodka fait fureur
», 01men, 18 janvier 2007
84 Pierre FALGA, Michel FELTIN, »Le
palmarès 2006 des départements heureux » in
L'Express, 11 novembre 2006
64
championnat de France de rugby Stade Français/
Biarritz, 10 maisons avaient organisé une rencontre avec une centaine de
professionnels85. L'Armagnac n'est guère associé aux
« férias » du sud ouest, il ne peut non plus y communiquer
avec des moyens conséquents. L'expérience des fêtes de
Vic-Fezensac, (événements mineurs en comparaison à celles
de Bayonne ou de Pampelune et situés hors saison touristique), montrent
des limites auprès du jeune public plus sensible au marketing
qu'à la qualité.
En terme de lieu de production agricole la Gascogne
bénéficie d'un prestige, il ne faut pas le confondre avec
l'environnement géographique qui, en dehors des zones
côtières, n'est guère attrayant pour les jeunes
populations. L'utilisation abusive de cette image d'une Gascogne festive semble
d'autant plus tronquée que l'Armagnac n'est pas la boisson des jeunes au
sein même de l'appellation.
2.2.2 Une communication complémentaire
L'aperçu des communications réalisées par
le BNIA ne doit pas faire oublier qu'il ne s'agit que d'un aspect de l'ensemble
de la communication. Le BNIA n'est délégataire que de la «
marque collective » Armagnac. Elle doit s'insérer dans deux
logiques. D'abord, une logique purement commerciale, la principale, où
elle n'est que l'aide collective aux acteurs individuels, les seuls à
vendre le produit. Ensuite, s'est développée depuis vingt ans,
une logique territoriale voire institutionnelle qui est marquée par une
prise en main de la communication par les collectivités locales à
propos des produits locaux afin de promouvoir le tourisme et l'image de marque
du territoire et de dynamiser les productions locales autour d'un label
institutionnel.
2.2.2.1 Communication collective et communication
particulière
Il est d'abord essentiel de rappeler le lien de subordination
entre les communications collectives et les communications des vendeurs. Ce
sont les mêmes qui financent les deux types. La volonté de
renforcer la communication collective autour de l'Armagnac provient des
opérateurs. Les cotisations au bureau interprofessionnel ont
augmenté de 40% depuis 2000. L'absence de
notoriété de l'Armagnac semblait la principale cause des
85 « L'Armagnac, c'est B.O.(N.) » in La flamme de
l'Armagnac, n°4, novembre 2006,
65
méventes et l'effort de communication s'est
porté sur l'appellation à une époque où les ventes
n'étaient pas stabilisées. La faiblesse des moyens de
communication des PME d'un secteur en crise faisant le reste, peu
d'opérateurs peuvent se permettre d'avoir une ligne communication dans
leur budget et beaucoup concentrent leurs efforts sur les marchés
d'exportation aux marges substantielles. Les efforts de marketing vont donc
être portés sur le produit, ce qui permet aux consommateurs ou aux
distributeurs de distinguer l'Armagnac. N'oublions pas que les études de
motivation d'achat sur la région parisienne montre que la marque
à la plus importante notoriété n'était connue que
de 16% des acheteurs d'Armagnac. Nous verrons deux aspects essentiels de la
communication des opérateurs: le packaging du produit et la
communication Internet.
2.2.2.1.1 Le packaging et étiquette: entre
tradition et modernité, un virage
Le packaging est constitué de l'emballage et du
conditionnement du produit. Il permet la reconnaissance du produit par son
apparence particulière et identifiable grâce à une
conception attrayante. C'est l'élément essentiel, surtout en
grande distribution où il sera le lien entre l'acheteur et le produit.
Le marché des spiritueux, plus que celui des vins, a connu un dynamisme
sur cet aspect du produit. Si l'inamovible bouteille de Ricard n'a pas
changé, de nombreux produits ont dû subir un « relookage
» face à l'innovation et l'agressivité des nouveaux produits
lancés sur le marché. La comparaison avec le marché des
parfums se justifie. Les contenants doivent représenter le contenu.
Néanmoins, il ne faut pas désorienter le consommateur qui
s'attache à un produit, le reconnaît. Souvent, modifier par
petites touches, les spiritueux subissent les tendances. Les bouteilles vont
être légèrement épurées, ou les fabricants
créent des contenants plus petits (Cointreau a
commercialisé une petite bouteille mieux adapter à une
utilisation occasionnelle pour la réalisation de cocktails par
exemple).
Les frais de conditionnement ne représentent qu'une
faible part du coût final, les opérateurs ont donc la
possibilité d'optimiser le contenant pour rendre attractif le produit.
Pourtant, les changements des mentalités ont pris du temps. Dans les
grandes surfaces, nous retrouvons encore la vieille basquaise avec une simple
mention Armagnac qui occupe une place superflue dans les linaires à
cause de sa largeur. Les haut de gamme sont souvent accompagnés du
coffret bois. La cohérence entre contenu et contenant est importante. Un
packaging luxueux pour une entrée de gamme dessert le produit et
66
l'ensemble de la gamme. Au contraire, l'absence de travail sur
les aspects extérieurs du produit, cas trop souvent observé,
détourne le consommateur à la vue du prix. Comment vendre un
millésime de plus de vingt dans des bouteilles communes. Comment peut-on
vouloir repositionner un produit sans modifier son aspect du produit ?
La bouteille cristallise la politique de chaque
opérateur. Certains vont conserver un format traditionnel, jouant sur le
côté artisanal/terroir du produit. Ils utilisent des bouteilles
aux formats galbées, l'écriture scripturale de l'étiquette
et le bouchon à la cire.
A l'opposé, d'autres ont fait le pari de la
modernité, notamment à l'image des whiskys haut de gamme : housse
en cuir, bouteille fine aux angles saillants, étiquette « design
».
Entre ces deux types de packaging, représentatifs des
deux familles d'achat de l'Armagnac, se décline tout un panel de
contenants86.
Les informations données sur l'étiquette
démontrent la volonté de communication. Il est aberrant de
trouver encore des millésimes sans la date d'embouteillement, a fortiori
pour du haut de gamme, malgré les recommandations du BNIA. Les mentions
minimales légales n'offrent pas beaucoup d'informations, surtout si l'on
admet la complexité du produit. A l'image des produits vinicoles qui ne
se contentent plus de l'appellation mais mentionne les cépages, les
conditions de vieillissement, la géologie du terroir, le producteur doit
apporter à sa clientèle les caractéristiques de son
produit s'il s'inscrit dans une démarche de prestations de
qualité (type de distillation, réduction alcoométrique).
Ces mentions ne peuvent être préciser par la plupart des maisons
qui les ignorent elles-mêmes, seuls les producteurs-éleveurs qui
suivent toute la chaîne du produit peuvent les communiquer. L'absence de
marque empêche une forte communication sur le nom, nous nous
répétons. Faut-il mentionner les sous-appellations ? Les
producteurs y semblent attacher. La dénomination Armagnac simple ne vaut
que pour les bas de gamme. Le Bas-Armagnac conserve son leadership
auprès des professionnels. Cependant (exemple de Neguebouc en
Haut-Armagnac), les complexes et les querelles liés au territoire ne
sont plus d'actualité, du moins sont passés au second plan. Une
preuve de maturité des opérateurs gascons...
2.2.2.1.2 L'utilisation d'Internet : la
révolution numérique en Armagnac
86 cf. annexes
67
Internet permet aux opérateurs de se doter d'une
visibilité pour tous les consommateurs. Si le temps passé sur le
Web reste inférieur à la télévision, Internet
devient une source d'information essentielle87 et l'e-commerce se
développe doucement88. Le monde de l'Armagnac n'a pu ignorer
ce changement de communication avec la clientèle. Le BNIA s'est
doté d'un site dès 2001, et de nombreux opérateurs
privés également au début des années 2000. Internet
offre aujourd'hui un environnement au produit Armagnac accessible depuis le
monde entier. Comment les professionnels utilisent-ils Internet ?
Il faut d'abord préciser que les deux principaux
opérateurs n'ont pas de site Internet. Certains ont fait le pari de la
visibilité sur la Toile avec le moyens du bord, c'est-à-dire
très souvent de manière artisanale. Nous verrons quelques aspects
de la e-communication en Armagnac : une communication minimale et similaire,
l'absence d'interactivité, la timide tentative d'e-commerce.
La plupart des sites se ressemblent. Ils se concentrent sur la
lisibilité et offre un minimum d'informations. Nous retrouvons
systématiquement :
-une description générale du produit Armagnac
avec parfois pour illustration l'alambic, les chais et la vigne, et une
présentation du domaine où nous retrouvons les
caractéristiques patrimoniales et historiques de l'affaire en rapport
avec le prestige de la famille et du château.
-une présentation de la gamme de produits
- les contacts, les repères géographiques, lieux
de vente
Aucun site n'offre une interactivité entre l'internaute
et l'opérateur ou la marque. Peu entretiennent une communication, seul
le site Tariquet offre une actualité autour de la région et des
événements locaux. Les dernières « news » de
Baron de Sigognac (société ADEX) datent de 2004. Janneau
n'a rien d'annoncé dans cette page.
Cela ressemble plus à des prospectus en version
numérique qu'à de réels sites de commerce et de
communication. Aucune vidéo, aucune animation sonore, les professionnels
n'ont pas pris en compte l'aspect publicitaire d'Internet pour le consommateur,
sans parler de l'aspect ludique. Le critère informationnel est
réduit à son
87 55% des Français déclarent
utiliser internet à la « recherche d'informations pratiques »,
Enjeux du quotidien, vague 3, TNS SOFRES, mai 2006
88 11% déclarent acheter des produits, idem
68
minimum avec une faible imagination. Nous pourrions imaginer
une actualité de l'activité, une vidéo ou webcam pendant
la distillation,...
L'adresse Internet du producteur n'apparaît d'ailleurs
même pas sur les bouteilles commercialisées.
Quelques producteurs tentent de commercialiser directement
leurs Armagnacs par Internet. La plupart y sont réticents au motif que
cela concurrence leurs revendeurs et que cela oblige à des frais d'envoi
et d'emballage trop importantes pour des commandes marginales. Un compromis
intéressant est développé par le château de Ravignan
: il ne commercialise par Internet qu'une offre découverte de ses
produits.
2.2.2.2 Les communications en partenariat avec un
territoire
L'utilisation de la région d'origine pour garantir une
qualité du produit constitue la mission initiale de l'AOC Le
problème réside dans l'absence de communication sur cette
région, « marque de fabrique » du produit AOC. Cette mission a
été pris en charge par les collectivités locales profitant
de l'augmentation de leurs prérogatives depuis les lois de
décentralisation. Cette association pour communiquer entre produits et
territoire administratif a donné lieu à plusieurs initiatives au
bénéfice de l'Armagnac : IRQUALIM (Institut Régional de la
QUALIté des produits de Midi-Pyrénées) qualités
Landes, Excellence Gers,
2.2.2.2.1 IRQUALIM
Pionnière dans la volonté de soutenir les
produits de sa région, la chambre d'agriculture régionale des
Midi-Pyrénées s'est associée dès 1992 au Conseil
Régional et à tout un panel d'institutions publiques, des
syndicats et chambres de commerce départementales. Le rôle de
l'IRQUALIM est explicite : il «a pour objet de développer une
politique régionale de qualité des produits agricoles et
agroalimentaires par toute action favorisant la mise en oeuvre et la promotion
des signes officiels de qualité dans un esprit d'aménagement du
territoire ». L'Armagnac apparaît dans la liste du fait de son
appellation d'origine contrôlée. L'IRQUALIM favorise les
communications fédératrices autour du thème
régional et offre une assistance en terme d'expertise économique
et d'organisation des filières. Le BNIA participe aux manifestations
organisées par l'IRQUALIM dans le but d'asseoir l'assise
régionale de l'Armagnac et bien évidemment
69
accroître sa popularité. Cette manière de
promouvoir complète le plan de communication du BNIA et permet de
recueillir des financements directs et indirects.
2.2.2.2.2 . Association « Excellence Gers
»
Ce « label local » original et privé a
été créé en 1998 sous l'impulsion de la chambre
d'agriculture du Gers. Ses partenaires institutionnels sont la chambre de
commerce et d'industrie et la chambre des métiers
départementales. L'association comprend des structures agricoles dont le
BNIAet Vivadour, des entreprises commerciales d'Armagnac comme
Tariquet ou les Armagnac Gelas, et des festivals locaux. La
mission première de cet ensemble hétéroclite était
de « structurer et développer des produits et services de
qualité du Gers s'inscrivant dans la Démarche Excellence Gers
:"qualité - traçabilité, environnement, accueil". Dans un
cadre général, elle dépasse le simple binôme
agriculture/ territoire pour fédérer « l'ensemble de
l'exploitation et de l'entreprise ». Elle s'appuie sur des associations et
organismes divers, tous du département mais paradoxalement les acteurs
institutionnels sont absents. S'ils subventionnent l'association comme une
autre, ils ne sont pas parties prenantes de l'organisme. Quelle est donc la
force de l'association ? Elle reconnaît les démarches susceptibles
d'avoir la reconnaissance après l'examen de commissions
d'évaluation, mais quels sont ses moyens de promotion ? Il nous semble
qu'elle implique trop d'acteurs pour avoir une cohérence dans la
communication. Quel intérêt pour les silos du Gers d'avoir l'
« excellence Gers » ? La présence aussi en tant qu'individu,
la seule personne physique, d'André Daguin fait ressembler l'association
une coterie de personnalités appartenant ayant la « gersitude
» qu'à un organisme ayant une réelle ambition de
communication. D'ailleurs les moyens financiers sont très
limités.
2.2.2.2.3 « Qualités Landes »
L'idée consiste également à promouvoir de
manière réciproque les Landes et des produits labellisés
du département. L'idée est née en 1999 sous l'impulsion du
Conseil Général des Landes au sein d'un Comité de pilotage
pour le salon de l'Agriculture de Paris 2000 en partenariat avec la Chambre
d'Agriculture. Les deux principales différences avec « Excellence
Gers » résident dans le rôle moteur joué par le
Conseil Général via son département agricole et la mise en
avant nette des produits au moyen de
70
leur filière représentative. Il ne s'agit pas de
mélanger entreprises, organismes et filières. La volonté
de donner une suite à cette collaboration a donné naissance au
label « Qualités Landes »89 en 2001 pour un plan
triennal. Reconduit en 2004, le programme a un budget de 1,5 million d'euros
pour cinq ans. L'Armagnac est impliqué via le BNIA dont une part des
subventions est comprise dans cette action. Les actions réalisées
sont, entre autres, la présence au salon international de l'Agriculture
à Paris, la réalisation d'animation en brasseries et en GMS,
l'édition de fascicules promotionnel et gastronomiques,... Cette
démarche est la plus aboutie dans l'imbrication produits et territoires.
Elle implique le tourisme au moyen des acteurs du tourisme landais
(Comité Départemental du Tourisme et tourisme vert). Il existe
une réciprocité formant une image commune entre les Landes et ses
produits. L'Armagnac bénéficie de l'image plus jeune des Landes,
plus océanique et touristique. L'Armagnac est trop souvent
associé avec un Gers rural et agricole.
2.2.3 L'exportation, une communication
différente
La communication à l'exportation repose sur des
critères différents que ceux de la France : l'AOC perd de sa
protection, l'identité territoriale a peu de signification, aucune
habitude de consommation en digestif, sensibilité plus prononcée
sur la marque...
Durant les années 1990, le BNIA a continué une
politique de communication collective sur l'Armagnac avec des campagnes
d'affichage et l'organisation d'événements en partenariat en
particulier avec la SOPEXA. (Société pour l'expansion des ventes
des produits agricoles). Face aux difficultés des retombées des
campagnes collectives sur les opérateurs, une politique partenariale a
été mise en place : les clubs. L'objectif est de regrouper
plusieurs maisons (=un club) sur un marché national étranger dans
le but qu'elles organisent avec le soutien du BNIA des campagnes de promotion
mieux adaptée à leurs besoins. Une maison principale s'occupe de
l'animation du club et les autres collaborent. Les droits d'entrée sont
au minimum de 1000 € (gage de motivation), toute maison peut rejoindre le
club. Ces collaborations responsabilisent les maisons et assurent un suivi de
la campagne collective avec une réelle implication des
opérateurs. Aux trois clubs initiaux (Etats-Unis, Royaume-Uni, Espagne)
se sont ajoutés
89 L'Armagnac-floc de Gascogne est un des 8
produits avec l'agriculture biologique, les volailles fermières, les
vins, les canards fermiers à foie gras, le boeuf de Chalosse , les kiwis
de l'Adour et les asperges des sables
71
deux autres clubs aux cours des années suivantes :
Italie, puis Russie. Cela montre la souplesse des actions de communication, la
capacité d'adaptation d'une structure aussi réglementée
que le BNIA et surtout une volonté commune de tous les acteurs de faire
avancer l'Armagnac au-delà des querelles intestines.
Ces clubs fonctionnent apparemment puisque la participation
des maisons augmente et de nouveaux clubs se créent. La logique de
marque, moteur pour la reconnaissance de l'Armagnac, s'inspire du modèle
cognaçais, toutes proportions gardées. La réputation du
« french brandy » est assurée par de grandes marques
internationales et l'ensemble de la filière bénéficie de
cette réputation de l'eau-de-vie. Les critiques d'une politique à
l'exportation qui ne favoriserait que les gros aux dépens des autres,
aussi justifiées soient-elles, ne peuvent faire oublier la
nécessité d'avoir un chiffre d'affaires minimum pour
développer à long terme une implantation sur un marché
étranger. Nous voyons une fois encore les limites de la structure
morcelée des affaires familiales nuire au bon développement de la
filière sur un marché de taille international dorénavant.
De plus, les campagnes de communications restent toujours les mêmes :
repas avec des prescripteurs, accueil de la presse dans l'Armagnac,
présentation dans les salons des produits français.
La communication est plus centrée sur l'image
française du produit associée au raffinement, au savoir-faire et
à la gastronomie.
2.2.4 La faiblesse de la distribution
L'Armagnac devait adapter son offre à la GMS sous peine
de disparaître selon Jean-Louis Darréon. Cette prophétie
des années 1980 n'a pas résolu les problèmes de sa
distribution en grande surface mais a montré la capacité de
l'Armagnac à s'adapter à des circuits de distribution
différents. On estime à moins de 50% l'Armagnac vendu en GMS
contre 70% il y a vingt ans. La baisse des volumes vendus dans les premiers
segments n'est pas étrangère à ce phénomène.
Il n'en reste pas moins que l'Armagnac peut survivre en passant par d'autres
circuits, générateurs de marge supérieure. Le
réseau traditionnel séduit puisqu'il prolonge la volonté
des professionnels d'un achat conseillé. Cette cible est
privilégiée en raison aussi de la bonne image de l'Armagnac
auprès de ces prescripteurs, supérieure au Cognac
même90, et de la vente de produit haut de gamme par
90 Études BNIA 2003 sur le réseau
caviste
72
ces réseaux. Néanmoins, la grande distribution
ne peut être ignorée. Si une meilleure segmentation de l'offre et
les efforts de « packaging » facilitent le choix du consommateur, les
GMS doivent-elles vendre de l'Armagnac de qualité ? Les
études91 estiment que la grande distribution va «
démocratiser » les produits haut de gamme sans pour autant que les
marques dégradent leur image. Il s'agit pour elles d'un « relais de
croissance et d'un élément de différenciation » avec
le « discount », principal adversaire des GMS en France.
Cette reconfiguration du marché entraîne les
épiceries fines à élargir leur gamme pour recruter de
nouvelles clientèles. Les opérateurs d'Armagnac ne doivent pas
rester insensibles à cette nouvelle donne et ne pas se focaliser sur un
type de distribution.
La distribution à l'étranger, plus complexe et
moins connue, passe par des importateurs locaux. Ils sont le maillon
indispensable pour pénétrer de nouveaux marchés, a
fortiori pour des PME. Leur rôle est donc essentiel, les relais de
croissance étant à l'exportation principalement et de nombreux
marchés restent sous exploités. Les clubs l'ont bien compris
puisqu'il s'agit de leurs principales cibles dans les actions.
L'ensemble des efforts réalisés depuis dix ans
commence à porter ses fruits. Les acteurs prennent l'habitude de
travailler ensemble et les stratégies collectives à long terme
semblent l'emporter sur les visions court-termistes de certains
opérateurs du passé. Il est regrettable que les opérateurs
n'anticipent pas davantage les opportunités de la nouvelle
économie et ne prennent le pari de l'innovation, surtout face à
des consommateurs ignorant le produit. L'Armagnac est-il encore un produit
d'avenir ?
2.3 Quel avenir pour l'Armagnac ?
Les tentatives d'amélioration de la production et de la
commercialisation ont pour but final une amélioration de la situation de
la filière Armagnac. La filière réduite survit et
rêve de croissance, d'un renouveau. Le produit s'est modifié
depuis trente ans, les goûts et habitudes des consommateurs aussi, mais
de nouvelles réponses devront être apportées aux
modifications futures du marché. Les anticipations apparaissent comme
essentielles. Les décisions d'aujourd'hui sont les
bénéfices de demain. Il faudra donc
91 Eurostaf, « le marché français
des produits alimentaires haut de gamme », avril 2004
73
faire des choix stratégiques pour ne jamais
s'éloigner des marchés. Nous verrons trois exemples de
développement d'opérateurs pour mieux comprendre les
différentes politiques menées (2.3.1). Et s'il nous semble que
l'Armagnac peut poursuivre son redressement sous certaines conditions (2.3.2),
son avenir demeure incertain. La reconstruction de l'Armagnac demeure
extrêmement fragile et le marché des spiritueux est capricieux
comme l'histoire l'a déjà démontré (2.3.3).
2.3.1 Trois exemples de développement
Nous évoquons sans cesse la diversité des
opérateurs d'Armagnac. Les politiques de développement
menées par quelques-uns nous permettront d'illustrer cette
hétérogénéité. Si l'Armagnac est un «
produit collectif », chaque opérateur doit faire face à ses
contraintes propres et bénéficie de situation
particulière. Les études des trois cas suivants semblent
représentatives d'une part importante de la filière et des
dynamiques opérantes.
2.3.1.1 Le château de Tariquet : la
réussite entreprenariale
Le château de Tariquet est le fleuron de la viticulture
gersoise de la fin du XXème siècle. Grâce à un sens
entreprenarial hors du commun, Yves Grassa a développé un vin
blanc à succès et agrandi le domaine hérité de ses
parents avec sa soeur en 1972 pour atteindre aujourd'hui plus de 900 hectares
de vignes et des installations dernier cri. La réussite d'Yves Grassa a
été saluée par le monde viticole international. Il a
été élu dès 1987 « meilleur vigneron en blanc
du monde ». Cette réussite dans le vin ne doit pas faire oublier
une des vocations premières du Tariquet : l'Armagnac. Si ce secteur
réalise moins de 10% des ventes, Tariquet est le premier des
propriétaires-récoltants producteurs d'Armagnac. 50 hectares de
vigne y sont consacrés avec pour moitié de cépages de
folle-blanche, cépage rare en Armagnac. S'il profite de la force de
vente et de la notoriété du vin, le secteur Armagnac est en
pleine vitalité et a su développer une stratégie
commerciale. La politique de la maison est claire : le haut de gamme à
l'exportation. La famille Grassa s'engage dans une production de haute
qualité adaptée aux standards du marché hyper premium.
Deux aspects nous semblent essentiel dans la politique de la
maison Tariquet :
-une volonté d'adapter l'Armagnac au marché
international des spiritueux
74
La famille Grassa s'est dotée d'un service de
communication et d'exportation spécifique à l'Armagnac. Il
participe activement à la promotion au travers des clubs et n'est pas
étranger à l'initiative « Armagnac y Habanas ».
Conscient de la qualité du produit, l'entreprise entretient une
communication mettant en avant les qualités de chaque produit. Elle
assure une transparence complète pour chaque bouteille en indiquant
l'âge avec date d'embouteillement, les quantités de chaque
cépage, le degré alcoométrique au dixième
près, et même parfois le numéro de fût sous acte
d'huissier... Ce souci de caractériser le produit donne la sensation
à l'acheteur de la rareté du produit et de sa méticuleuse
pureté ce qui justifie un prix élevé. Ces visées
sectorielles n'empêchent pas une gamme large qui commence au trois
étoiles. La particularité est le monocépage folle blanche
(cf. image), en rapport avec la référence croissante sur le
marché vinicole international au cépage plutôt qu'au
terroir.

Pour justifier le contenu, le contenant doit être
approprié. Dans cette logique, l'Armagnac est commercialisé dans
de fines bouteilles étirées de 70 cl assurant un maximum de
transparence pour faire apparaître la couleur du breuvage. L'addition
d'une housse en cuir pour les plus prestigieuses assure le gadget protecteur,
de la même manière que les whiskies et à la
différence du classique coffret en bois. Des carafes sont
commercialisées également pour des versions plus
prestigieuses.
75
- la défense d'un Armagnac de
propriétaires-récoltants de qualité
Cette démarche est revendiquée avec quatre
autres propriétaires récoltants commune au moyen de l'association
«5 crus légendaires en Bas-Armagnac » autour d'une charte de
qualité92 « appliquant les règles les plus
proches possibles de l'histoire de l'Armagnac, notamment en ce qui concerne son
vieillissement »93. Si cette association revendique son
ouverture, elle ressemble à un cartel revendiquant une politique de
château proche du bordelais contre un produit sous même nom vendu
par des négociants. Les critères ne sont pas tous relatifs au
simple mode de production, nous trouvons des critères patrimoniaux
(« le chai de vieillissement doit être spécifique, [...]
construit en matériaux nobles ou assimilés »). Ces derniers
sortent du champ du simple produit pour ancrer celui-ci dans des logiques
historiques.
Cette association donne une visibilité à une
conception du produit Armagnac non représenté directement au sein
du BNIA : l'opposition entre Armagnac haut de gamme et Armagnac jeune de masse
n'est pas représentée. La création de l'association est
bénéfique car elle met en commun des forces commerciales
convergentes à condition qu'elle ait une réelle utilité et
des fins purement commerciales. Une nouvelle auto appellation nuirait aux
efforts de clarification effectuée par la filière et les
querelles d'antan pourraient rejaillir....
Avec des stocks de plus de 5 500 Hl AP et des ventes de 181 Hl
AP e 2005, une forte hausse à l'exportation en volume et en valeur,
l'optimisme est de rigueur chez Tariquet.
2.3.1.2 Les Armagnacs contemporains par Fivigers : une
tentative de reconquête
Fivigers est un exemple intéressant différent de
Tariquet tant par sa forme, association de coopératives, que par sa
politique commerciale fondée des produits plus génériques
et le marché français. Il y a trois ans, Vivadour et les
producteurs du Plaimont ont créé une joint-venture
Fivigers pour relancer l'Armagnac et écouler leurs stocks
importants. La joint-venture, est partie ex-nihilo avec un
spécialiste du marché des spiritueux débauché d'une
entreprise de whiskies.
92 extraits en annexe (3.5)
93 Extraits d'un dépliant publicitaire du
château du Taiquet, mai 2006
76
A partir d'une étude de marché précise,
Fivigers a fondé sa stratégie sur le recrutement d'une nouvelle
population de consommateurs autour de produits mieux adaptés aux
goûts contemporains. Cette population consomme des whiskies et des
vodkas, pas des eaux-de-vie de vin. Il s'agit d'un immense réservoir de
population (40 % des foyers achètent du whisky chaque an, contre 2% des
foyers de l'Armagnac). Cela correspond à la volonté du BNIA de
repositionner le produit, notamment en rajeunissant sa clientèle. Pour
arriver à cet objectif, l'entreprise a du créer une nouvelle
gamme, de nouveaux produits, une stratégie commerciale.
-nouvelle gamme
Les recherches oenologiques ont conduit à une gamme
réduite et complémentaire. Cette gamme s'appuie sur la
polyvalence des modes de consommation. Celui-ci est primordial et va guider
l'acheteur dans son choix des produits, et non l'inverse. Pour chaque moment
correspond un seul produit type. Cette simplification ôte la
complexité de l'Armagnac et la difficulté du choix du segment
idéal. L'image régionale a été changée: le
terme Armagnac peu identifié est suppléé par le terme
« gascon » plus vendeur.
-Nouveaux produits :
Les quatre produits sont : un Armagnac classique hors
d'âge « Secret Gascon », un apéritif « Gascon club
», une blanche de soirée « gascon kiss » et des liqueurs
à base d'eau-de-vie. A l'exception d'un Armagnac spécialement
conçu pour l'apéritif « on the rock », aucun produit
est innovant en lui-même. Les packaging sont résolument modernes :
transparence, bouteilles étirées, étiquette colorée
avec peu d'informations.
-stratégie commerciale :
Les prix sont alignés sur le milieu de gamme. La cible
est d'abord régionale (le triangle Bordeaux-Toulouse-Biarritz) pour
donner une assise aux produits et justifier leur appellation gasconne. Elle
s'effectue dans les réseaux caviste et des BHR, avec des verres et
prospectus donnant à découvrir le produit. La stratégie
s'inscrit dans la durée, surtout avec la faiblesse de la force de vente
(structure minimale : un directeur commercial et exportation et un commercial).
La marque est nouvelle, il faut du temps pour appréhender les premiers
résultats. Le directeur commercial évalue à trois ans. Les
Armagnacs Contemporains se positionnent aujourd'hui aux alentours du
40ème vendeur avec un nombre à plus de cinq chiffres
en à peine un an d'existence.
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77
(extrait de la plaquette d'information pour les
distributeurs)
Fivigers fait le pari d'un renouveau du marché
français. C'est risqué mais possible. Ils disposent du soutien de
groupes aux finances solides qui leur permettent de s'inscrire dans la
durée et d'investir, chose rare en Armagnac. Reste à savoir si
les consommateurs vont suivre...
2.3.1.3 Le domaine de la Beroje ou de la
difficulté d'être petit
Le domaine de la Beroje à Hontanx reflète les
nombreuses difficultés de l'Armagnac contemporain. Situé dans le
rectangle d'or, à cheval sur les Landes et le Gers, disposant d'un
patrimoine architectural (château) et d'une histoire, ce petit domaine de
six hectares de vignes a tous les atouts d'un Armagnac de qualité du
terroir. Son propriétaire, co-exploitant avec son oncle à partir
de 1979 et propriétaire à part entière à la mort de
ce dernier, gascon haut en couleur et au nez légendaire, occupe un
emploi dans le civil. 7000 bouteilles vendues par an sont insuffisantes pour
faire de la l'Armagnac une activité à part entière. Il
emploie un ouvrier agricole à temps plein. La vente s'effectue
78
directement au chai ou via un réseau de professionnels.
La faiblesse des moyens financiers empêche tout investissement
conséquent. La stratégie de communication a commencé par
indiquer le château avec un panneau plus visible sur la route
départementale la plus proche ! Confiant dans la qualité de son
produit, le propriétaire s'attache à reconstruire petit à
petit un débouché. Il s'est inscrit récemment dans le club
Russie pour profiter de la situation avantageuse du produit dans le nouveau
pays.
La situation du propriétaire du domaine de la Beroje
est enviable pour un voisin, agriculteur producteur-récolant,
lancé dans l'Armagnac à la fin des années 1960 sur une
partie de ses terres et qui possède des stocks d'eau-de-vie de
qualité très moyenne sans clientèle, si ce n'est quelques
voisins et les visites des touristes égarés. Les absences de
réputation et de réseau de commercialisation condamnent ce
polyculteur à brader dans le futur son eau-de-vie.
Les limites de la production à la ferme, mode d'un
temps, montre la nécessité d'un minimum de moyens pour avoir une
structure commerciale qui puisse donner au produit l'élan de diffusion
suffisant, sans évoquer les structures et les compétences
nécessaires pour un bon vieillissement.
2.3.2 Les conditions d'une adaptation aux
marchés
La réussite de l'Armagnac, nous l'avons vu,
dépend d'une volonté d'aller chercher des parts de marché
sur des secteurs où il n'avait pas l'habitude d'être, ou du moins
de cette manière-là. Si la mobilisation des acteurs existe,
va-t-elle toujours dans la bonne direction ? La tentative des Armagnacs
contemporains sur le marché français est isolée et
peu d'opérateurs ont les moyens de mettre en place des opérations
de cette envergure. Les seuls qui appartiennent à des grands groupes
sont ceux qui investissent le moins, ceux-ci préfèrent investir
sur des produits ayant des perspectives de croissance plus sûres et plus
rentables. Il reste donc aux opérateurs à s'adapter et anticiper
au mieux les évolutions du marché. Trois conditions apparaissent
essentielles pour que l'Armagnac sorte de sa confidentialité et retrouve
un prestige perdu : soutenir l'effort qualitatif, investir massivement les
marchés étrangers et communiquer pour des « consonnaisseurs
»
79
2.3.2.1 Soutenir l'effort qualitatif : Le haut de gamme
ou la nécessité du luxe
L'effort qualitatif entrepris depuis une quinzaine
d'années doit être poursuivi par l'ensemble de la filière.
Le produit doit profiter d'une homogénéisation par le haut. La
spécificité des terroirs, des savoir-faire et des acteurs ne font
pas craindre l'aboutissement à un produit standard haut de gamme mais
converge plutôt vers une « excellence dans la diversité
». L'effort qualitatif ne doit pas être seulement en vue d'une
montée en comptes, mais un travail sur tous les Armagnacs à tous
les niveaux. Cette politique nécessite l'adhésion de l'ensemble
de la filière. La redéfinition de l'AOC, les politiques des
stocks et l'assistance technique ne sont que les prémisses d'une
redéfinition globale d'une politique commune qui permet à chaque
acteur d'exploiter au mieux ses ressources.
Les produits Armagnac correspondent à une image de
qualité qu'il faut sans cesse rehausser. Les concours de l'INAO et de la
commission technique apparaissent essentiel, et il ne faudrait pas oublier que
le produit est le fondement de toute politique de communication. L'organisation
régulière de concours d'eaux-de-vie stimule les opérateurs
et donnent une reconnaissance aux meilleurs producteurs. Si le produit est
mauvais, aucune campagne ne pourra lui donner une bonne image auprès du
consommateur. L'image de perfection véhiculée ne doit
retranscrire qu'un produit parfait.
2.3.2.2 Investir à l'exportation, les turpitudes
du commerce international
L'exportation constitue le seul relais à court terme de
croissance pour l'ensemble de la filière. Si certains opérateurs
peuvent espérer pénétrer le marché français
en profondeur, la place n'est pas disponible pour tout le monde. Seul un virage
vers de nouveaux horizons permettra à l'ensemble de la filière de
trouver sa place. Le rôle du BNIA et de la direction des relations
extérieures économiques (DREE) apparaissent indispensables pour
accompagner ces exportateurs (nous rappelons une dernière fois que le
Cognac ne réalise plus que 4% de son chiffres d'affaires en France). Ces
prétentions commerciales nécessitent un accompagnement
d'information, de technique et de
80
communication de la part du BNIA. La répartition des
dépenses au sein du budget de communication doit balancer donc en faveur
des marchés étrangers.
Le budget 2007 prend en compte cette nouvelle donne.
L'Armagnac a la possibilité de profiter de la réputation du
savoir faire français. « product of France » est une
référence mondiale sur le marché des vins et spiritueux,
il n'y a pas de raisons que l'Armagnac en soit exclu. Les actions des
opérateurs peuvent être complémentaires s'ils n'essaient
pas tous d'aller au même endroit au même moment pour se disputer
une part de marché réduite, comme au Japon à la fin des
années 1980. Les marchés étrangers sont moins stables, il
faut savoir répartir les exportations pour s'abriter des brusques
changements, parfois de nature politique (boycott des produits français
comme aux Etats-Unis en 2003) mais surtout économique (dépression
financière comme la crise asiatique de 1998).
2.3.2.3 Communiquer Armagnac : pour un «
consonnaisseur »
La communication est un élément essentiel dans
la société d'aujourd'hui. Selon Baudrillard, « la
consommation est une activité de production de significations et un
champs d'échanges symboliques »94. L'achat
dépasse le simple produit. Il est donc essentiel de donner un sens au
produit. Dans une société hypermoderne où le consommateur
est nomade95, la communication devient primordiale pour maintenir un
lien entre le producteur et le consommateur. Le produit ne se suffit plus
à lui-même. Aussi précieux soit-il, le produit ne vaut plus
rien s'il n'a plus de sens dans son environnement. Exemple connu : quelles sont
les valeurs respectives de l'eau et de l'or dans le désert ? Dans un
monde, où les messages affluent auprès du consommateur, un
vendeur doit toujours entretenir un lien avec le consommateur au travers du
produit.
L'Armagnac de par sa nature et sa complexité permet au
consommateur de se l'approprier, de ne plus être un simple consommateur
mais bien un « consonnaisseur ». La communication devient essentielle
pour que le produit n'échappe pas à l'acheteur dans un
marché hyperconcurrentiel. Cette tâche difficile revient à
utiliser tous les moyens qui permettent à l'individu de ressentir un
attachement au produit. Les opérateurs communiquent donc sur les
caractéristiques du produit mais donnent un sens à la
consommation d'Armagnac. Ce sens évolue et la communication avec.
Concrètement, le
94 BAUDRILLARD Jean, La société de
consommation, 1970, Paris
95 LIPOVETSKY Gilles, les temps hypermodernes,
Grasset, 2004
81
consommateur cherche aujourd'hui à mieux
connaître le produit consommé, à mieux l'apprécier.
Mais, il ne faut pas oublier que "dans la communication, le plus
compliqué n'est ni le message, ni la technique, mais le
récepteur." (Dominique Wolton).
2.3.3 Un avenir plein d'incertitudes
La réussite du produit Armagnac dans l'avenir
dépend de nombreux facteurs rarement identifiables et souvent
imprévisibles. L'investissement dans l'Armagnac sur une échelle
de temps très long constitue donc aujourd'hui un placement à
risque. Si la prise de risque n'entraîne pas des bénéfices
importants, personne ne veut investir. Or, nombre de domaines d'activité
offrent des bénéfices plus intéressants et plus sûrs
que l'Armagnac. Condamner aussitôt l'Armagnac, ce serait, sans doute,
oublier trop vite la valeur symbolique d'un produit noble et la passion qui
anime tous les acteurs de la filière. Néanmoins, il existe
quelques facteurs déjà évoqués brièvement
qui conditionnent l'avenir de l'Armagnac.
2.3.3.1 Politiques publiques de lutte contre l'alcool
et Armagnac
Malgré sa diminution de plus d'un tiers en trente ans,
la consommation d'alcool est présentée de plus en plus comme un
grave problème de santé publique. Il est « la
deuxième cause de mortalité évitable en France avec 45 000
morts »96, il est lié à « un tiers des
incarcérations pour crimes, la moitié des violences conjugales,
un tiers des violences conjugales »97, « un fardeau
financier pour la collectivité de 1,42% du PIB ». La politique de
lutte contre l'alcoolisme n'entraîne-t-elle pas des changements dans la
perception des produits alcoolisés en France et dans le monde. Les
députés favorables au vin et au terroir seraient des «
pousse au crime »98. Si les discours prohibitionnistes sont
inexistants, la perception médicale et économique de l'alcool ne
serait-elle pas annonciatrice d'un changement radical et rapide des politiques
publiques à son égard ? Les politiques anti-tabac ont dans un
temps relativement bref modifié sa consommation, son coût et
surtout sa perception. La lutte contre l'excès d'alcool est à
différencier de la lutte contre la consommation d'alcool, mais il ne
faut pas négliger l'étroitesse de la frontière entre les
deux discours. La culture du vin et de l'eau-de-vie est solidement
96 Etats généraux de l'alcool, Mission
Interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, 2005
97 propos d'Hervé CHABALIER, rapporteur de la
mission de réflexion et de proposition sur la lutte contre l'alcoolisme,
interview in Le Monde du 24 novembre 2005
98 idem
82
ancrée en France, cependant dans une perspective
à long terme il est logique de s'interroger. La riposte médicale
a d'ores et déjà commencé avec les démonstrations
des bienfaits d'une consommation modérée d`alcool. En 1992, le
professeur Renaud99 dévoile dans ses travaux le «
french paradox » révélant les bienfaits du vin pour
les maladies coronariennes. L'Armagnac n'est pas en reste, et peut-être
l'Armagnac redeviendra-t-il un jour le médicament des origines, avec les
études du professeur Nicholas Moore100 analysant l'action
d'extraits d'Armagnac sur l'agrégation plaquettaire. Cela
révèle des vertus cardio protectrices. A quand l'Armagnac de
retour dans les pharmacies ?
2.3.3.2 Anticiper les modifications des habitudes
La modification des pratiques de consommation et des
goûts sera le facteur de modification du produit Armagnac.
Peut-être verra-t-on se généraliser les mélanges
d'Armagnac avec du Coca-cola à la manière de consommation des
minorités noires des Etats-Unis ou un retour du digestif ?
Vraisemblablement, les deux à la fois. Dans une société
où les codes sociaux se brouillent, les pratiques sociales ne se
réfèrent plus seulement à des normes familiales,
culturelles ou professionnelles mais se construisent autour de
différents univers dépassant les anciens clivages. La
consommation d'Armagnac pourra répondre à une nouvelle mode du
monde virtuel de « second life » dans une extrapolation
futuriste. L'Armagnac virtuel deviendrait la consommation
privilégiée des personnages, dans le monde économique
parallèle101. Les limites constatées de la
communication virale avec le buzz de l'Armagnac supposent encore un
délai important. Pourtant, il semble que si l'Armagnac poursuit sa
longue histoire, il connaîtra des hauts et des bas. Les consommateurs se
détourneront du produit, peu de produits peuvent prétendre
à une stabilité des ventes ad vitae eternam, encore
moins une croissance continue. Les produits meurent-ils ou l'Armagnac, boisson
privilégiée des anges, est-elle déjà sur le paradis
terrestre ? Beaucoup y ont cru et ont entraîné les producteurs au
bord de la faillite. Espérons que cela servira de leçon à
tous les Prométhée
99 RENAUD S., De LORGERIL «M. Wine, alcohol,
platelets and the French paradox for coronary heart disease.»
Lancet 1992;
100 UMAR A, DEPONT F., JACQUET A., LIGNOT S., SEGUR M.C.,
BOISSEAU M., BEGAUD B., MOORE N., «Effects of Armagnac or vodka on
platelet aggregation in healthy volunteers: a randomized controlled clinical
trial». Thromb Res. 2005;115 :31-7.
101 « Un laboratoire grandeur nature où tous les
produits peuvent être testés... et même achetés,
voire consommés. Les marques en rêvaient, Second Life le leur
offre sur un plateau. Ce jeu en ligne, sorte de simulation sociétale
virtuelle, défraye la chronique depuis plusieurs mois » «
La vie rêvée des marques sur le net », Les
Echos, 27 octobre 2006
gascons. Une anticipation rationnelle et mesurée des
évolutions du marché évite des catastrophes
économiques. La filière a aujourd'hui la capacité de
prévenir des comportements à risques. Mais l'Armagnac ne perdra
pas jamais son caractère spéculatif.
2.3.3.3 La capacité d'adaptation au
marché
Les acteurs de la filière sont-ils capables de
s'adapter au marché ? Les nouveaux vignerons doivent connaître les
tendances commerciales pour préparer au mieux les produits de demain.
Les maisons s'activent-elles toujours au bon moment pour démarcher vers
de nouveaux horizons. La réactivité des acteurs est essentielle.
Elle se complète par une bonne coordination à chaque niveau de la
filière. Le faible développement du commerce en ligne et le
départ des linéaires des grandes surfaces pourraient à
terme compromettre les perspectives de croissance de l'Armagnac.
L'évocation d'un investissement d'un grand groupe donnant une
crédibilité financière et commerciale internationale de
l'appellation revient épisodiquement, mais aucune voix sérieuse
ne s'est manifestée depuis très longtemps. L'extraordinaire
croissance des ventes en 2006 atteignant 15,7% en volume et 16,6% en valeur par
rapport à 2005102. Comme l'affirme Philippe Casteja ,
président de la Fédération des Exportateurs de Vins (FEVS)
: " Nos produits ont profité du dynamisme mondial, en particulier aux
Etats-Unis et en Asie. Cependant, cette embellie ne doit pas faire oublier la
nécessité de poursuivre le travail amorcé dans la
filière viticole » 103. Ce rappel du travail à
fournir vaut pour l'Armagnac. La forte croissance si elle se poursuit attirera
des investisseurs et permettra aux maisons de dégager des fonds propres
pour devenir plus compétitifs et communiquer davantage pour conforter
leur parts de marché. En seront-ils capables en laissant de
côté les comportements individualistes et déraisonnables
des visées de bénéfice à court terme, rien n'est
moins sûr... « L'Armagnac, un temps bien a lui ».
83
102 Sources : Fédération des exportateurs de vins
et spiritueux (FEVS)
103 2006 est une année record pour les exportations
françaises de vins et spiritueux,
www.vitisphère.com,
20 février 2006
84
Conclusion
La stabilisation des ventes d'Armagnac ces cinq
dernières années et la croissance des exportations en 2006
permettent d'affirmer que l'Armagnac est en sortie d'une phase de
déclin. Une nouvelle phase de croissance s'amorce : le symbole de ce
renouveau devrait être la supériorité des ventes en
bouteilles à l'exportation sur celles du marché national cette
année. L'Armagnac réalise enfin sa mondialisation. La meilleure
croissance en valeur qu'en volume montre aussi sa montée en gamme,
caractérisée par la baisse de la part des eaux-de-vie jeunes
depuis dix ans.
Ces indicateurs de tendance peuvent être
expliqués par la réussite des politiques mises en oeuvre depuis
une dizaine d'année et présentées dans notre travail :
-une compréhension des causes du déclin
-une cohérence entre les politiques
d'amélioration du produit et de sa commercialisation avec les nouvelles
perspectives du marché des vins et spiritueux
-une organisation collective plus puissante permettant des
actions de meilleure envergure et rationnelles.
Le produit Armagnac n'a pas changé... Son image, sa
commercialisation et ses acteurs, eux ont changé !
La production s'est adaptée aux nouvelles techniques
modernes permettant une meilleure qualité, une maîtrise accrue de
ses évolutions et une régularité des produits
commercialisés d'une année sur l'autre.
L'Armagnac devient synonyme de modernité et de terroir.
Il symbolise, encore de manière fragile, une continuité
temporelle entre tradition et avenir. La Gascogne n'est plus seulement une
terre de production de qualité pour une bonne qualité de vie,
elle incarne un art de vivre unissant la force du collectif, des valeurs
simples et solides et un goût de la fête immodérée.
.
La commercialisation a changé. Les vendeurs n'ont plus
peur d'essayer, de se différencier avec des moyens originaux, sans
jamais oublier les conditions draconiennes imposées par le
marché. La nouvelle génération de producteurs a
apporté un savoir-faire appris dans les grandes écoles
d'ingénieurs et de commerce en conservant l'héritage familial.
Leur dynamisme contraste avec l'inertie des maisons des grands groupes .
85
Les acteurs ont modifié leurs relations
professionnelles. Ils ont compris les vertus de la solidarité en temps
de crise, même si cela s'est réalisé dans la douleur. . Ils
ont su se fédérer avec le soutien important des
collectivités locales.
Les vieilles habitudes peuvent ressurgir, surtout en
période de croissance
Tous ces efforts suffiront-ils pour offrir à l'Armagnac
une nouvelle prospérité ? L'espoir est entretenu par une grande
partie de la filière. La dynamique du discours ne doit pas faire oublier
la persistance de problèmes:
-la destination des stocks trop importants d'eaux-de-vie de
compte 10+,
-la question de la juste répartition des fruits de la
croissance et l'éternel conflit négociants/vignerons,
- la baisse continue du marché français (la
moitié des ventes) malgré les campagnes de communication,
-l'absence de réelle notoriété à
l'étranger avec des marchés à fortes fluctuations.
Ce serait donc oublier les leçons de l'histoire que de
crier victoire trop tôt. La filière a un potentiel qui permet
d'envisager l'avenir avec plus de certitudes qu'il y a dix ans. Les
défis économiques se renouvellent, les professionnels sont
avertis. S'ils ne veulent pas laisser leur élixir aux anges ou le
reléguer dans les limbes de la société de consommation,
ils doivent poursuivre « à feu continu » pour distiller
l'avenir de l'Armagnac.
86
3 ANNEXES
3.1 Décret du 27 mai 2005 relatif à
l'appellation d'origine contrôlée « Armagnac »
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'agriculture, de l'alimentation,
de la pêche et de la ruralité, du ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie, du ministre des petites et moyennes
entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et
de la consommation et du ministre délégué au budget et
à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement,
Vu le règlement (CE) no 1576/1989 du Conseil du 29 mai
1989 établissant les règles générales relatives
à la définition, à la désignation et à la
présentation des boissons spiritueuses ;
Vu le règlement (CE) no 1493/1999 du Conseil du 17 mai
1999 portant organisation commune du marché vitivinicole et les
règlements pris pour son application ;
Vu le code général des impôts ; Vu le code
des douanes ;
Vu le code rural ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le décret no 2001-510 du 12 juin 2001 portant
application du code de la consommation en ce qui concerne les vins, vins
mousseux, vins pétillants et vins de liqueurs ;
Vu la proposition du comité national des vins et
eaux-de-vie de l'Institut national des appellations d'origine des 27 et 28 mai
2004,
Décrète :
Article 1
Seules peuvent bénéficier des appellations
d'origine contrôlées « Armagnac », « Bas Armagnac
», « Armagnac-Ténarèze », « Haut Armagnac
» initialement définies par le décret du 6 août 1936
et de l'appellation d'origine contrôlée « Blanche Armagnac
» les eaux-de-vie répondant aux conditions fixées par le
présent décret. Article 2
1° Seules peuvent bénéficier des appellations
d'origine contrôlées « Armagnac », « Blanche
Armagnac » les eaux-de-vie provenant de vins issus de raisins
récoltés sur des parcelles ayant fait l'objet d'une
procédure d'identification et situées dans l'aire
géographique de production constituée de l'ensemble des communes
des zones de production des raisins définies au 2° du
présent article .
2° Seules peuvent bénéficier de l'appellation
d'origine contrôlée « Bas Armagnac », les eaux-de-vie
provenant de vins issus de raisins récoltés sur des parcelles
situées dans la zone de production définie ci-après et
ayant fait l'objet d'une procédure d'identification :
Département du Gers
Arblade-le-Bas, Arblade-le-Haut, Avéron-Bergelle, Ayzieu,
Barcelonne-du-Gers, Bascous, Bétous, Bourrouillan, Bretagne-d'Armagnac,
Campagne-d'Armagnac, Castex-d'Armagnac, Caumont, Caupenne-d'Armagnac, Cazaubon,
Courrensan, Cravencères, Dému, Eauze, Espas, Estang,
Fustérouau, Gée-Rivière, Houga (Le), Lannemaignan,
Lannepax, Lanne-Soubiran, Larée, Laujuzan, Lelin-Lapujolle,
Lias-d'Armagnac, Loubédat, Luppé-Violles, Magnan, Manciet,
Margouët-Meymes, Marguestau, Mauléon-d'Armagnac,
Maulichères, Maupas, Monclar, Monguilhem,
87
Monlezun-d'Armagnac, Mormès, Mourède, Nogaro,
Noulens, Panjas, Perchède, Ramouzens, Réans,
Sainte-Christie-d'Armagnac, Saint-Germé, Saint-Griède,
Saint-Martin-d'Armagnac, Salles-d'Armagnac, Sarragachies, Séailles,
Sion, Sorbets, Tarsac, Termes-d'Armagnac, Toujouse, Urgosse, Vergoignan et
Vic-Fezensac (sections 179 A, 179 B et 179 C).
Département des Landes
Aire-sur-l'Adour (partie rive droite de l'Adour),
Arthez-d'Armagnac, Betbezer-d'Armagnac, Bourdalat, Castandet,
Cazères-sur-l'Adour, Créon-d'Armagnac, Escalans, Frêche
(Le), Gabarret, Hontanx, Labastide-d'Armagnac, Lacquy (partie à l'est de
la route Bordeaux - Pau), Lagrange, Lussagnet, Mauvezin-d'Armagnac,
Montégut, Parleboscq, Perquie, Sainte-Foy (partie à l'est de la
route Bordeaux - Pau), Saint-Gein, Saint-Julien-d'Armagnac, Saint-Justin,
Vignau (Le) et Villeneuve-de-Marsan (partie à l'est de la route
Bordeaux-Pau).
Seules peuvent bénéficier de l'appellation
d'origine contrôlée « Armagnac-Ténarèze »
les eaux-de-vie provenant de vins issus de raisins récoltés sur
des parcelles situées dans la zone de production définie
ci-après et ayant fait l'objet d'une procédure d'identification
:
Département du Gers
Aignan, Ayguetinte, Bazian, Beaucaire, Beaumont, Belmont,
Béraut, Bezolles, Blaziert, Bonas, Bouzon-Gellenave, Caillavet, Callian,
Cassaigne, Castelnau-d'Auzan, Castelnau-sur-l'Auvignon, Castelnavet,
Castéra-Verduzan, Castillon-Debats, Caussens, Cazaux-d'Anglès,
Cazeneuve, Condom, Fourcès, Gazaupouy, Gondrin, Justian,
Labarrère, Lagardère, Lagraulet-du-Gers, Larressingle,
Larroque-Saint-Sernin, Larroque-sur-l'Osse, Lauraët,
Loussous-Débat, Lupiac, Maignaut-Tauzia, Mansencôme, Marambat,
Mirannes, Montréal, Mouchan, Pouydraguin, Préneron, Riguepeu,
Romieu (La), Roquebrune, Roquepine, Roques, Rozès, Sabazan,
Saint-Arailles, Saint-Jean-Poutge, Saint-Orens-Pouy-Petit,
Saint-Paul-de-Baïse, Saint-Pierre-d'Aubézies, Saint-Puy-Tudelle,
Valence-sur-Baïse et Vic-Fezensac (sauf les sections 179 A, 179 B et 179
C).
Département de Lot-et-Garonne
Andiran, Calignac (parcelles D224p, D225p, D226 et D228), Fieux,
Francescas, Fréchou, Gueyze, Lannes, Lasserre, Lavardac (partie comprise
entre la Gélise et la Baïse), Meylan, Mézin, Moncrabeau,
Nérac, Poudenas, Réaup-Lisse, Sainte-Maure-de-Peyriac,
Saint-Pé-Saint-Simon, Sos et Villeneuve-de-Mézin.
Seules peuvent bénéficier de l'appellation
d'origine contrôlée « Haut Armagnac » les eaux-de-vie
provenant de vins issus de raisins récoltés sur des parcelles
situées dans la zone de production définie ci-après et
ayant fait l'objet d'une procédure d'identification :
Département du Gers
Antras, Armentieux, Armous-et-Cau, Auch, Augnax, Aurensan,
Auterive, Barran, Bassoues, Beaumarchés, Bernède, Berrac, Biran,
Boucagnères, Brouilh-Monbert (Le), Brugnens, Cahuzac-sur-Adour, Cannet,
Castelnau-d'Anglès, Castelnau-d'Arbieu, Castéra-Lectourois,
Castillon-Massas, Castin, Céran, Cézan, Corneillan,
Couloumé-Mondebat, Courties, Crastes, Duran, Durban, Fleurance, Galiax,
Gavarret-sur-Aulouste, Gazax-et-Baccarisse, Goutz, Goux, Haulies,
Isle-de-Noé (L'), Izotges, Jegun, Jû-Belloc, Juillac,
Labarthète, Labéjan, Ladevèze-Rivière,
Ladevèze-Ville, Lagarde, Lahitte, Lalanne, Lamazère,
Lamothe-Goas, Lannux, Larroque-Engalin, Lasserade, Lasséran,
Lasseube-Propre, Lavardens, Leboulin, Lectoure, Ligardes, Loubersan,
Louslitges, Marciac, Marsolan, Mascaras, Mas d'Auvignon, Maumusson-Laguian,
Mérens, Miramont-d'Astarac, Miramont-Latour, Mirepoix,
Montaut-les-Créneaux, Montégut, Montesquiou, Montestruc-sur-Gers,
Nougaroulet, Orbessan, Ordan-Larroque, Ornézan, Pauilhac, Pavie,
Pergain-Taillac, Pessan, Peyrusse-Grande, Peyrusse-Vieille, Peyrusse-Massas,
Pis, Plaisance, Pouy-Roquelaure, Préchac, Préchac-sur-Adour,
Preignan, Projan, Puycasquier, Puységur, Rejaumont, Riscle, Roquefort,
Roquelaure, Saint-Aunix-Lengros, Saint-Avit-Frandat, Sainte-Christie,
Sainte-Radegonde, Saint-Jean-le-Comtal, Saint-Lary, Saint-Martin-de-Goyne,
Saint-Mézard, Saint-Mont, Sansan, Sauvetat (La),
Scieurac-et-Flourès, Ségos, Tasque, Terraube, Tieste-Uragnoux,
Tourdun, Tourrenquets, Urdens, Verlus et Viella.
3° Seules peuvent bénéficier des appellations
d'origine contrôlées « Armagnac », « Blanche
Armagnac », « Bas Armagnac », «
Armagnac-Ténarèze » et « Haut Armagnac » les
eaux-de-vie élaborées à partir de raisins vinifiés
dans l'aire géographique de production constituée de l'ensemble
des communes des zones de production des raisins définies au 2° du
présent article , distillées et élevées et/ou
vieillies dans ladite aire.
Article 3
L'identification des parcelles est effectuée sur la base
de critères relatifs à leur lieu d'implantation.
88
Ces critères ont été fixés par le
comité national des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des
appellations d'origine ci-après le comité national en sa
séance des 11 et 12 février 2004 après avis de la
commission d'experts désignée par ledit comité à
cet effet.
Tout producteur désirant faire identifier une parcelle de
vigne en effectue la demande auprès des services de l'Institut national
des appellations d'origine ci-après l'INAO avant le 15 mars de la
première année de récolte du raisin destiné
à la production d'eaux-de-vie d'appellation d'origine
contrôlée.
Au plus tard pour la campagne 2007-2008, la liste des parcelles
identifiées pour lesquelles une demande a été
déposée avant le 15 mars 2007 est approuvée par le
comité national après avis de la commission d'experts.
A partir de la campagne 2008-2009, la liste des nouvelles
parcelles identifiées est approuvée chaque année par le
Comité national des vins et eaux-de-vie, après avis de la
commission d'experts susvisée.
Les listes des critères et des parcelles
identifiées sont consultables auprès des services de l'INAO et du
syndicat de défense intéressé.
Article 4
Les vins destinés à l'élaboration des
eaux-de-vie d'appellation d'origine contrôlée visées
à l'article 1er du présent décret proviennent des
cépages suivants : baco blanc B, blanc dame B, colombard B, folle
blanche B, graisse B, jurançon blanc B, mauzac B, mauzac rosé Rs,
meslier Saint-François B, ugni blanc B.
Article 5
1° Les vignes produisant les vins destinés à
l'élaboration d'eaux-de-vie d'appellation d'origine
contrôlée visées à l'article 1er du présent
décret sont plantées et taillées selon les dispositions
suivantes :
a) Densité de plantation :
Les vignes présentent une densité minimale de 3
000 pieds à l'hectare. L'écartement entre les rangs ne peut
excéder 3 mètres et l'écartement entre les pieds sur le
rang doit être au minimum de 0,90 mètre.
Les vignes en place avant le 29 mai 2005, qui ne respectent pas
les dispositions du précédent alinéa, continuent à
bénéficier pour leur récolte du droit à être
destinées à l'élaboration d'eaux-de-vie d'appellation
d'origine contrôlée définies à l'article 1er du
présent décret, jusqu'à leur arrachage et au plus tard
jusqu'à la récolte 2029 incluse sous réserve que les
exploitations concernées souscrivent auprès des services de
l'INAO un échéancier individuel de reconversion des vignes en
cause, établi selon les modalités suivantes :
- à compter de la récolte 2009, 20 % au minimum
des superficies des parcelles identifiées de l'exploitation sont
conformes à la densité et aux écartements définis
ci-dessus ;
- à compter de la récolte 2014, 40 % au minimum des
superficies des parcelles identifiées de l'exploitation sont conformes
à la densité et aux écartements définis ci-dessus
;
- à compter de la récolte 2019, 60 % au minimum
des superficies des parcelles identifiées de l'exploitation sont
conformes à la densité et aux écartements définis
ci-dessus ;
- à compter de la récolte 2024, 80 % au minimum
des superficies des parcelles identifiées de l'exploitation sont
conformes à la densité et aux écartements définis
ci-dessus.
Le non-respect de cet échéancier entraîne la
perte du droit à l'appellation d'origine contrôlée pour la
récolte issue des parcelles identifiées qui ne répondent
pas aux dispositions ci-dessus relatives à la densité et aux
écartements.
b) Les deux modes de taille suivants sont autorisés :
- taille Guyot simple ou double ;
- cordon.
Quel que soit le mode de taille, la charge maximale ne doit pas
dépasser 80 000 yeux francs par hectare.
2° Le bénéfice des appellations d'origine
contrôlée visées à l'article 1er du présent
décret ne peut être accordé aux eaux-de-vie provenant de
vins issus de jeunes vignes qu'à partir de la deuxième
année suivant celle au cours de laquelle la plantation a
été réalisée en place avant le 31 juillet.
Article 6
89
Tout producteur qui souhaite produire des vins destinés
à l'élaboration d'eaux-de-vie d'appellation d'origine
contrôlée visées à l'article 1er du présent
décret doit souscrire chaque année une déclaration
d'affectation de parcelles destinées à la production
d'eaux-de-vie d'appellation d'origine contrôlée auprès des
services de l'INAO, au plus tard le 31 juillet de l'année de la
récolte concernée.
Cette déclaration comporte notamment la liste des
parcelles (références cadastrales et superficies).
Elle est présentée sur un imprimé
délivré par les services de l'INAO. Article 7
Seuls les vins issus de la même récolte
résultant de la fermentation de tout le jus de goutte,
complété ou non par le seul jus de presse correspondant, peuvent
être destinés à l'élaboration des eaux-de-vie
d'appellation d'origine contrôlée visées à l'article
1er du présent décret.
L'enrichissement et le sulfitage des vendanges, des moûts
et des vins sont interdits.
Les vins sont distillés sans leurs lies grossières
mais ils doivent contenir leurs lies fines.
La distillation intervient précocement.
Au moment de la distillation, les vins présentent :
- un titre alcoométrique volumique naturel compris entre
7,5 et 12 % vol. ;
- une acidité volatile au maximum de 12.24 meq/l (soit 0,6
g/l de H2SO4) ;
- une teneur en SO2 total de 20 mg/l maximum.
Pour une récolte déterminée, et notamment
pour des raisons liées aux conditions climatiques, les titres
alcoométriques volumiques naturels minimum et maximum et
la teneur maximum en acidité volatile peuvent être modifiés
par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture
et des finances sur proposition du comité national, après avis du
syndicat de défense intéressé.
Article 8
La distillation peut se réaliser à partir
d'alambics à débit continu, dits alambics « Armagnacais
» ou type principal, ou d'alambics à repasse à distillation
discontinue, dits type accessoire, définis ci-après. Toutes les
parties des alambics au contact des vins, vins épuisés en alcool,
vapeurs et condensats sont en cuivre.
Dans chaque atelier de distillation doit fonctionner au moins un
alambic de type principal au cours de la campagne considérée.
Toutefois, les ateliers ne respectant pas cette obligation peuvent continuer
à distiller uniquement au moyen d'alambics de type accessoire
jusqu'à la récolte 2019 incluse.
1° Type principal : distillation continue au moyen
d'alambics du type Armagnacais :
L'alambic Armagnacais est constitué de deux ou trois
chaudières superposées surmontées d'une colonne à
plateaux et d'un ensemble de chauffe-vin réfrigérant, enfermant
un serpentin. La colonne de distillation ne peut comporter plus de quinze
plateaux, le nombre de plateaux de concentration étant limité
à deux. La capacité totale des chaudières doit être
au moins égale à celle des organes de réfrigération
comprenant chauffe-vin et réfrigérant mais ne peut excéder
40 hectolitres. L'alambic Armagnacais est chauffé à feu nu par du
gaz, du bois ou du charbon.
L'alambic Armagnacais fonctionne à alimentation continue,
sans élimination spécifique de produits de tête ou de
queue, ceux-ci devant être obligatoirement recyclés. Il doit
permettre le passage, du vin à l'eau-de-vie, de
l'intégralité des alcools supérieurs. Les modifications
thermiques, tant en ce qui concerne le chauffe-vin que le
réfrigérant, doivent être obtenues au moyen de serpentins,
à l'exclusion de tout autre dispositif.
Le volume de la production en alcool pur par vingt-quatre heures
ne peut excéder une fois et demie celui correspondant à la
capacité de l'ensemble des organes de réfrigération.
Toutefois, une tolérance de 25 % en plus de cette production est admise
pour les appareils dont les chaudières présentent une
capacité totale inférieure à 3 hectolitres.
Le titre alcoométrique volumique des eaux-de-vie est
compris entre 52 % et 72 % dans le récipient collecteur journalier des
eaux-de-vie.
90
2° Type accessoire : distillation en deux temps au moyen
d'alambics à repasse :
L'alambic à repasse est composé essentiellement
d'une chaudière à chargements successifs, d'un chapiteau, avec ou
sans chauffe-vin, et d'un serpentin avec appareil réfrigérant. Il
est chauffé à feu nu par du gaz, du bois ou du charbon. La
capacité totale de la chaudière ne doit pas dépasser 30
hectolitres, avec une tolérance de 5 %, et le volume en charge est
limité à 25 hectolitres par chauffe. Toutefois, les
chaudières d'une capacité supérieure peuvent être
utilisées, à condition qu'elles soient exclusivement
réservées à l'opération de première chauffe
en vue de l'obtention du « brouillis », que leur capacité
totale ne dépasse pas 140 hectolitres, avec une tolérance de 5 %,
et que le volume de vin mis en oeuvre ne dépasse pas 120 hectolitres par
chauffe.
Le titre alcoométrique volumique des bonnes chauffes,
après la seconde distillation ou repasse, est compris entre 52 % et 72 %
dans le récipient collecteur journalier des eaux-de-vie.
Article 9
Les alambics Armagnacais ou à repasse doivent être
agréés par le comité national sur proposition d'une
commission d'agrément des alambics :
- avant leur mise en service pour tous les nouveaux appareils
achetés neufs ou d'occasion ; - après toute transformation.
La composition et le fonctionnement de la commission
d'agrément des alambics sont fixés par un règlement
intérieur établi après avis des organisations
professionnelles intéressées et approuvé par le
comité national. Article 10
Au début de chaque campagne de distillation, les
utilisateurs doivent informer les services de l'INAO de la date d'allumage des
alambics.
A l'issue des opérations de distillation, une
déclaration de fin de travaux doit être souscrite auprès
des services de l'INAO sur un imprimé fourni par ledit organisme.
Une copie des déclarations d'allumage des alambics et de
fin de travaux est transmise à la direction générale des
douanes et des droits indirects au titre des obligations en matière de
contributions indirectes.
La distillation des vins au moyen de l'un des
procédés visés à l'article 11 ci-dessus doit
être effectuée au plus tard le 31 mars de l'année qui suit
celle de la récolte.
Pour une récolte déterminée, cette date peut
être avancée par arrêté du ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de
l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité,
pris sur proposition du comité national après avis des
organisations professionnelles intéressées.
Article 11
Les eaux-de-vie d'appellations d'origine contrôlées
« Armagnac », « Bas Armagnac », «
Armagnac-Ténarèze » et « Haut Armagnac »
destinées à la consommation humaine directe sont
conservées, dès la fin de la période de distillation,
pendant une période minimale d'un an à compter du 1er avril de
l'année qui suit la récolte, dans des récipients en bois
issu de chêne d'espèces sessile, pédonculé ou leur
croisement.
Seules peuvent bénéficier de l'appellation
d'origine contrôlée « Blanche Armagnac » les eaux-de-vie
élevées pendant une période minimale de 3 mois en
récipient inerte pour la couleur et qui ne présentent aucune
coloration.
Les eaux-de-vie qui, après avoir satisfait aux
dispositions du décret relatif à l'agrément des
eaux-de-vie prévu à l'article 14 du présent décret,
bénéficient de l'appellation d'origine contrôlée
« Blanche Armagnac » ne peuvent être revendiquées et
commercialisées en appellation d'origine contrôlée «
Armagnac », « Bas Armagnac », «
Armagnac-Ténarèze » et « Haut Armagnac ».
Les eaux-de-vie sont élevées et mises en
vieillissement dans des chais identifiés sur la base de critères
fixés par le comité national en sa séance des 27 et 28 mai
2004 après avis des organisations professionnelles
intéressées.
Les listes des critères et des chais identifiés
sont consultables auprès des services de l'INAO et du syndicat de
défense intéressé.
Les services de l'INAO établissent la première
liste des chais identifiés au plus tard pour la campagne 2007-2008.
91
Par dérogation au 3° de l'article 2 du présent
décret, les eaux-de-vie peuvent être élevées et
mises en vieillissement dans des chais situés en dehors de l'aire
géographique de production définie audit article .
A compter de la campagne 2007-2008, seuls peuvent
bénéficier de ladite dérogation les chais situés en
dehors de l'aire géographique de production dont la liste est
approuvée par le comité national. Cette liste sera établie
sur la base de critères fixés par le comité national
après avis de la commission d'experts désignée à
cet effet.
A l'intérieur des chais d'élevage et de
vieillissement identifiés, ne peut être logé aucune autre
eau-de-vie, distillat de vin ou alcool en vrac que les eaux-de-vie
d'appellation d'origine produites dans l'aire géographique
définie à l'article 2 du présent décret.
Article 12
Seules peuvent être mises à la consommation les
eaux-de-vie d'appellation d'origine contrôlée définies
à l'article 1er du présent décret présentant un
titre alcoométrique volumique minimum de 40 %.
Article 13
Pour permettre le contrôle des conditions de production,
tout opérateur intervenant dans l'élaboration des eaux-de-vie
d'appellation d'origine contrôlée définies à
l'article 1er du présent décret tient à jour une
comptabilité matière ou tout document permettant le suivi et la
traçabilité de chacun des produits. Ces registres sont tenus
à la disposition des agents chargés du contrôle.
Article 14
Un décret relatif à l'agrément des
eaux-de-vie à appellation d'origine contrôlée «
Armagnac », « Blanche Armagnac », « Bas Armagnac »,
« Armagnac-Ténarèze » et « Haut Armagnac »
définit les conditions auxquelles doivent satisfaire les eaux-de-vie en
vue de leur circulation en dehors des chais d'élevage et de
vieillissement.
Article 15
Les eaux-de-vie pour lesquelles sont revendiquées les
appellations d'origine contrôlées définies à
l'article 1er du présent décret ne peuvent être
déclarées, après la récolte, offertes au public,
expédiées, mises en vente ou vendues sans que dans les documents
d'accompagnement et les documents commerciaux, sur les étiquettes,
récipients quelconques et sur tout support publicitaire les appellations
d'origine susvisées soient accompagnées de la mention «
appellation contrôlée » en caractères très
apparents.
Article 16
L'emploi de toute indication ou de tout signe susceptible de
faire croire à l'acheteur qu'une eau-de-vie a droit aux appellations
d'origine contrôlées « Armagnac », « Blanche
Armagnac », « Bas Armagnac », «
Armagnac-Ténarèze », « Haut Armagnac », alors
qu'elle ne répond pas à toutes les conditions fixées par
le présent décret, sera poursuivi, conformément à
la législation générale sur les fraudes et sur la
protection des appellations d'origine.
Article 17
Le décret du 6 août 1936 modifié relatif
à l'appellation d'origine contrôlée « Armagnac »
est abrogé. Article 18
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la
ruralité, le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce,
de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation et le
ministre délégué au budget et à la réforme
budgétaire, porte-parole du Gouvernement, sont chargés, chacun en
ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui
sera publié au Journal officiel de la République
française.
Fait à Paris, le 27 mai 2005.
Jean-Pierre Raffarin Par le Premier ministre :
Le ministre de l'agriculture, de l'alimentation,de la pêche
et de la ruralité, Dominique Bussereau
Le ministre de l'économie,des finances et de l'industrie,
Thierry Breton
Le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de
l'artisanat,des professions libérales et de la consommation, Christian
Jacob
Le ministre délégué au budget et à la
réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement,
Jean-François Copé
92
3.2 Statuts du Bureau Interprofessionnel de l'Armagnac
de 1994
Le 4/7/94
BNIA
STATUTS
(approuvés par l'Assemblée
Générale du Jeudi 30 Juin 1994)
1 - CONSTITUTION
En application de la loi du 1er Juillet 1901
La Confédération de la Viticulture Armagnacaise
(COVA) représentant la viticulture et la production
Le syndicat de l'Armagnac et des Vins du Gers représentant
le négoce.
créent un organisme interprofessionnel, doté de
la personnalité civile qui prend le nom de Bureau National
Interprofessionnel de l'Armagnac (BNIA) dont le siège social est
situé place de la Liberté à Eauze 32800, et qui est
appelé à se substituer à l'institution du même nom
dont l'existence et l'activité résultent du décret du 8
Janvier 1962, dont l'abrogation sera demandée en même temps que
sera demandée, en application de la loi du 10 Juillet 1975 et du
décret du 10 Mars 1981, la reconnaissance du nouvel organisme.
2 - OBJET
Le BNIA en liaison, en tant que de besoin, avec l'INAO:
· centralise les statistiques et les
renseignements d'ordre économique, technique et pratique
nécessaires à sa propre action et à l'action des
Professionnels.
· met en oeuvre les délégations de
compétence que les Ministres concernés estiment devoir
lui confier.
· élabore, adopte, met en oeuvre
et fait appliquer les accords interprofessionnels, notamment
ceux qui sont rendus obligatoires par arrêté
ministériel.
· participe au contrôle de la
qualité des eaux-de-vie produites et offertes à la
vente, notamment en ce qui concerne la tenue des comptes d'âge.
· veille à la stricte application des
usages locaux, loyaux et constants et au respect des règles
fixées par le décret du 6 Août 1936 modifié
concernant l'élaboration et le commerce de l'Armagnac.
· apporte aux récoltants, aux
coopératives et aux commerçants l'assistance technique et
pratique qui leur est utile pour assurer le renom de l'Armagnac.
· procède ou fait procéder
à toutes études concernant la production et la
commercialisation des eaux-de-vie d'Armagnac.
· assure la promotion collective de l'Armagnac
et contribue à la recherche d'une politique globale
d'équilibre de la production, du vieillissement et des
débouchés.
3 - ASSEMBLEE GENERALE
Dans le cadre de l'objet du BNIA L'Assemblée
Générale détient tous les pouvoirs sauf ceux qui
relèvent statutairement du Conseil de Direction ou du Président.
Elle peut donner mandat au Conseil de Direction pour l'exercice de ces
pouvoirs.
93
Toutefois elle NE PEUT PAS DONNER DELEGATION pour:
· approuver et rendre applicables les
accords interprofessionnels.
· modifier les statuts et
éventuellement dissoudre le BNIA
· établir le règlement
intérieur ou le modifier.
· voter les budgets
prévisionnels.
· approuver comptes de résultat et
bilan.
· élire le Président.
· désigner les membres du Conseil de
Direction et les Présidents des Commissions
spécialisées. Participent à l'Assemblée
Générale avec voix délibérative:
* 12 Représentants de la Production
désignés par la Confédération de la
Viticulture Armagnacaise et qui constituent la famille de la Production.
* 12 Représentants du Négoce
désignés par le Syndicat de l'Armagnac et des Vins du
Gers et qui
constituent la famille du Négoce.
Les membres des familles sont désignés
pour 3 ans. En cas de décès, de démission ou de
retrait de mandat, il est procédé par l'organisme concerné
à des désignations complémentaires pour la durée
restant à courir jusqu'au terme du mandat initialement fixé.
Chacun des deux organismes sus-nommés désigne
parmi ses représentants un Président de famille qui pourra en
tant que de besoin, réunir séparément, sous sa
présidence, les membres de sa famille.
Si le Président n'est pas un Professionnel, il
préside l'Assemblée Générale sans prendre part au
vote.
Sont invités aux Assemblées
Générales et peuvent ainsi que leurs éventuels
représentants participer aux débats avec voix consultative:
· Pour chacun des départements, du Gers, des Landes
et du Lot et Garonne:
W Le Préfet,
W Le Président du Conseil Général
W Le Président de la Chambre d'Agriculture
W Le Président de la Chambre de Commerce et d'Industrie
W Le Directeur Départemental de la D.E.D.D.I.
W Le D.D.A.F.
· Pour chacune des régions:
Midi-Pyrénées et Aquitaine:
W Le Directeur Régional de la D.G.C.C.R.F. W Le
Délégué de l'ONI.VINS
W Le Président de l'INAO
W Le Président du Comité Interprofessionnel du
Floc de Gascogne. W Le Directeur du Laboratoire d'Eauze
W Un représentant de la grande distribution,
ainsi que toute personne que le Président du BNIA,
l'Assemblée Générale, ou le Conseil de Direction
jugeraient bon de consulter.
L'Assemblée Générale se
réunit une fois par an sur convocation du Président et
délibère sur les points de l'ordre du jour proposés par le
Conseil de Direction.
94
Elle ne délibère valablement que si elle
réunit une majorité de membres ayant voix
délibérative. Chaque membre présent peut détenir un
pouvoir d'un membre absent de sa propre famille. Si ce quorum n'est pas
atteint, l'Assemblée Générale est convoquée
à une deuxième réunion.
Les décisions sont prises à la majorité
absolue des membres présents ou représentés.
Toutefois, pour l'approbation des accords
interprofessionnels, pour la modification des statuts, éventuellement
pour la dissolution du BNIA, ainsi que pour l'élaboration et la
modification du règlement intérieur et pour l'élection du
Président, le vote n'est acquis que si le porte parole de chaque famille
rapporte la position au moins majoritaire de son groupe portant avis conforme
au vote.
En sus de l'Assemblée Générale annuelle,
des Assemblées d'information pourront être organisées en
tant que de besoin, sur décision du Conseil de Direction.
Tout délégué au BNIA ayant, par ses
fonctions, accès à des informations privées concernant un
ressortissant, a un devoir de réserve lui interdisant de les divulguer
ou d'en faire un usage personnel.
4 - CONSEIL DE DIRECTION
Le Conseil de Direction est présidé par le
Président du BNIA
Sur proposition des familles, le Conseil de Direction est
composé, outre éventuellement le Président, s'il n'est pas
un Professionnel de:
? 5 représentants de la Production choisis parmi les
délégués à l'Assemblée
Générale.
? 5 représentants du Négoce choisis parmi les
délégués à l'Assemblée
Générale.
parmi lesquels figurent les Présidents de Famille et le
Président du BNIA (lorsqu'il a été élu parmi les
professionnels).
En cas de décès, de démission ou de
retrait de mandat, il est procédé à des
désignations complémentaires pour la durée restant
à courir jusqu'au terme du mandat initialement fixé.
Le Conseil de Direction est convoqué à la
diligence du Président. Il a capacité à
délibérer valablement dans tous les domaines de compétence
qui lui sont propres et notamment ceux précisés aux deux
alinéas ci-dessous, et dans ceux qui, n'étant pas
réservés à l'Assemblée Générale, ont
fait l'objet de la part de cette dernière d'une délégation
de pouvoir.
Il lui appartient de préparer l'ordre du jour de
l'assemblée Générale ainsi que les
délibérations de cette
dernière.
L'organisation interne du BNIA, les décisions de
recrutement et éventuellement de licenciement du directeur et des
membres du personnel ainsi que la détermination du montant des
rémunérations sont de la compétence du Conseil de
Direction. Il confie au Président l'exécution de ces
décisions.
Le Conseil de Direction ne peut valablement
délibérer que, si au moins six de ses membres sont
présents, les pouvoirs des absents n'étant pas admis.
Le Conseil de Direction rend compte à l'Assemblée
Générale de ses décisions et de l'exécution de
celles-ci.
5 - COMMISSIONS SPECIALISEES
Deux commissions spécialisées permanentes sont
créées:
? Commission Technique
? Commission de Promotion et de Communication.
L'Assemblée Générale peut en
outre créer les Commissions spécialisées permanentes ou
temporaires qui lui paraissent souhaitables.
L'Assemblée Générale nomme, de
préférence parmi les membres du Conseil de Direction, les
Présidents de toutes les Commissions spécialisées et peut
laisser le soin au Conseil de Direction de désigner les autres membres
qui peuvent être choisis soit parmi les membres de l'Assemblée
Générale, soit parmi d'autres professionnels, soit parmi des
personnalités qualifiées extérieures à la
filière.
Les Commissions spécialisées sont des organes
d'étude, de réflexion, d'avis, de propositions. Les
décisions consécutives à leurs travaux sont de la
compétence soit du Conseil de Direction soit de l'Assemblée
Générale.
6 - PRESIDENT
Le Président est élu par l'Assemblée
Générale pour une durée de 3 ans dans les conditions
précisées à l'article 3, avant dernier alinéa.
Il doit être choisi de préférence parmi les
membres délibérants du BNIA
A défaut, il est choisi parmi les personnalités
qualifiées ne relevant pas des familles.
Si le Président est choisi parmi les représentants
de l'une des familles
- le Président de la famille dont n'est pas issu le
Président du BNIA occupe les fonctions de vice-
président du BNIA
- au terme du mandat présidentiel de trois ans, le
nouveau Président est obligatoirement choisi
parmi les membres de l'autre famille.
- si le mandat présidentiel est interrompu par
décès ou démission, le Président est
obligatoirement
choisi parmi les membres de la même famille jusqu'au terme
du mandat initialement fixé.
- dans les deux cas visés ci-dessus, les deux familles
peuvent se mettre en accord pour élire un Président ne relevant
pas des familles.
Si le Président est choisi parmi les
personnalités qualifiées ne relevant pas des familles: - le
Président ne prend pas part aux votes;
- les Présidents de chaque famille occupent les fonctions
de vice-présidents.
Les vice-présidents assistent en tant que besoin le
Président, qui peut leur confier des missions permanentes ou
temporaires.
Le BNIA est normalement représenté en justice
et dans les actes de la vie civile par le Président qui, avec
l'assentiment du Conseil de Direction peut être suppléé par
un vice-président ou un autre membre du Conseil de Direction.
Le Président est en outre chargé:
· de présider l'Assemblée
Générale et les réunions du Conseil de Direction.
· d'animer les diverses instances du BNIA
· de contrôler l'activité du personnel
· de faire exécuter les décisions
· d'assurer ou de faire assurer l'ensemble des relations
publiques du BNIA
· de veiller à la gestion administrative et
financière du BNIA dont il a la pleine responsabilité et
qui peut donner lieu de sa part à délégation
de signature avec l'assentiment du Conseil de Direction.
Le Président doit rendre compte au Conseil de Direction
des décisions qu'il a été amené, en cas d'urgence,
à prendre seul ou avec les vice-présidents.
95
7 - DIRECTEUR
96
Sous l'autorité directe du Président dont il est
le collaborateur permanent et auquel il rend compte
régulièrement, le Directeur, dans le cadre de l'organisation
interne du BNIA définie par le Conseil de Direction, dirige le
Personnel, et assure l'exécution de toutes les missions qui lui sont
confiées.
Il assiste à toutes les réunions de
l'Assemblée générale, du Conseil de Direction, et des
Commissions spécialisées, (et y prend part avec voix
consultative).
Il peut recevoir du Président délégation de
signature conformément à l'article 6.
Il propose au Président les recrutements, promotions,
et éventuellement licenciements des membres du personnel.
Il se tient en permanence au courant de tous les
éléments concernant la gestion et l'activité technique et
promotionnelle du BNIA, ainsi que de l'environnement économique
général relatif à la production viticole et à la
production et à la commercialisation de l'eau-de-vie d'Armagnac.
8 - BUDGET ET RESSOURCES DU BNIA
Le budget annuel voté par l'Assemblée
Générale est communiqué au Ministère de
l'Agriculture et au Ministère de l'Economie et des Finances.
Les ressources du BNIA sont les suivantes:
- cotisations interprofessionnelles, dons, legs et subventions. -
rémunération des prestations et contrepartie des fournitures. -
toutes autres ressources qui ne sont pas interdites par la loi.
Chaque exercice social a une durée d'une
année qui commence le 1er Janvier et finit le 31
Décembre.
9 - CONCILIATIONS ET ARBITRAGES
Les litiges pouvant survenir à l'intérieur des
familles à l'occasion de l'application des accords interprofessionnels
et des avenants de campagne sont soumis à une commission de conciliation
composée de deux membres du Conseil de Direction non directement
impliqués à l'affaire, n'appartenant pas à la même
famille et désignés par leurs pairs.
La Commission de Conciliation dispose d'un délai d'un
mois pour aboutir à un accord entre les parties, à compter du
jour où elle est saisie par l'une des parties.
En cas d'échec de cette procédure, l'affaire est
portée devant un arbitre désigné par le Conseil de
Direction suivant la nature du litige soit parmi les magistrats de l'ordre
judiciaire, soit parmi les hautes personnalités relevant soit des
organismes professionnels concernés soit des activités
économiques en rapport avec l'Armagnac.
L'arbitre prend seul sa décision dans un délai d'un
mois à compter de la saisine par le Conseil de Direction.
Fait à EAUZE le 30/6/1994
Le Président, Le vice-Président, Le
Trésorier, Le Secrétaire,
M. PAPELOREY F. FAGET J.H. D'ORGLANDES P. GELAS
3.3 Schéma des circuits de vente de
l'Armagnac
Production de matière distillable
|
Activité vins
et
aicoois
d'Etat
Distillation
VltI Liture
Stockage
viticulture
Distillation négoce
Stockage négoce région
Produits
dérivés (Floc)
Embouteillage
Distribution (négociants-
Activité
négociants - éleveurs etlou
matière
distributeurs négociants première
distributeurs)
97
Embouteillage
(bouilleurs de
cru
,
coopératives)
Vente directe
Vente
distributeurs
Vente directe
98
3.4 Schéma du circuit de distribution de
l'Armagnac (négociant) :

Négoce éleveur! embcuteilleur
t
Négoce distributeur
J
Centrales d'achat
J
CHR
Commerce de detail independantetlou
specialise
GMS
Consommation
CIRCUITS DE DISTRIBUTION DE L'ARMAGNAC

99
3.5 Dépliant de l'association « 5 crus
légendaires »

3,6 Exemples de tarification
les prodll tc
Les prix s'entendent en Euros, toutes taxes comprises,
départ de p
Nos Produits
P.U. TTC P
52f
(341,10 FF) -
1393,57 FF)
60
84 f'
(551,00 FF)
120
1797,15 FF) -
7,5€ (<9,2o FF}
7r5 €
(as, FFy a
58f
(380,46 FF)
102€
(56 Fr)
'Ognaas - Armagnac Millésime 1986
I(70 cl)
Médaille de Bronze - Concours Cenéal Agricole Paris
2063
°gnosie - Armagnac Millésime 1981
l(zo cl)
Médaille de Bronze - Canmura général
agricole 1998 a na
a
'051F10215 - Armagnac Millésime 1973
,(M70 Cl)
édmile de Bronze - Concours Général Agncoie
Paris 7003 Médaille tl'Dr Conwvm des Eaux de Vie Eauze en .7062
Ognoas - Armagnac Millésime 1965
'M
6 Iedai Île d'Agent - Concours Mondial de
Bruxelles 2001 AI Ténor - Floc de Gascogne blanc
d)
Aliénor - Floc de Gascogne rosé
Coffret Hélios - Armagnac Millésime 1986
.(M7-0 cl)
edaIlle de Bronze - Concours Général Agricole Paris
_CO3 - Alambic .1804
Coffret Hélios - Armagnac
Millésime 1970
nal spirite challenge 2005 éda ne~d'Agent Paris .col
Quadra - Armagnac Millésime 1979
.150 dl 18 f'
Métlaille tl'Dr- Concoursnéra
gél agricole 1999- Sélecte, Revue du (110,67 FF)
|
Prix de la comma. Dont Fra,s de p
Va
Livraison ers
Montant des c 5
max.-non Co
Conformément a l'article 34 de la loi TL modification, de
rectification
|
|
|
APPELLATION ans ARMAGNAC CONTA OLEE
TARIF D'ARMAGNAC
EN BOUTEILLE DE 0.70CL
|
100
ANNEE 2005 ANNEE 2005.
TARIF valable pour la France métropolitaine seulement
MILLESIMES
( sélection)
|
DEGRÉ
|
TTC(T.V.A. 19,6% incluse )
|
en euros
|
en francs
|
Hors d'Age
|
43
|
18
|
118,97
|
1992
|
45
|
20
|
131,19
|
1990
|
45
|
22
|
144,31
|
1987
|
45
|
26
|
170,55
|
1986
|
45
|
28
|
183,67
|
1985
|
45
|
30
|
196,79
|
1983
|
45
|
33
|
216,47
|
1981
|
45
|
37
|
242,79
|
1980
|
43
|
40
|
262,33
|
1979
|
43
|
43
|
282,06
|
1978
|
43
|
45
|
295,18
|
1977
|
43
|
47
|
308,3o
|
1976
|
43
|
50
|
327,98
|
1975
|
43
|
52
|
341,10
|
1974
|
43
|
54
|
354,22
|
1973
|
43
|
60
|
393,57
|
1971
|
43
|
65
|
426,37
|
1970
|
40
|
73
|
478,85
|
1966
|
40
|
88
|
577,24
|
1964
|
40
|
98
|
642,84
|
1962
|
40
|
103
|
675,64
|
1952
|
40
|
142
|
931,46
|
1951
|
40
|
146
|
957,7o
|
1946
|
40
|
160
|
1046,53
|
Pour les millésimes ne figurant pas sur celle
sélection, veuillez nous consulter...
Livraison - l ou 2 bouteilles : 6 E l'unité I de 3
à II bouteilles : forfait 17 E
- à panic de 12 bouteilles : gratuité ( pour la
mémé destination )
Reglement : Par cheque ou virement bancaire à la Caisse
d'Epargoe
pp d~c:lJ~ 26, me Camot- 40800 Aire sur Adour 16 485
/00040 /04925732546 /69
s.ce.a. IJJ [G . alti t3eaen 32460 LE
NOUGA-FRANCE Tél.: 05.62.08.91.37 Fax 05.62.08.91.24
101
3.7 Estimation des prix de revient de l'Armagnac

102
3.8 Classement des ventes en bouteilles des
professionnels

103
3.9 Communication « Qualités Landes
»

104
Bibliographie :
Ouvrages généraux sur l'Armagnac
:
Principaux :
COUSTEAUX Fernand, CASAMAYOR Pierre, Guide de l'amateur
d'Armagnac, Editons Privat, Toulouse, 1985
DARREON J.-C., GABRIEL A., l'Armagnac de la production
à la commercialisation : des réponses inadaptées face au
déclin, double thèse de sciences
économiques, Université duMirail, Toulouse,
1988
KAYSER Bernard, [et al.], L'Armagnac : un produit, un pays.
Ressources patrimoniales, identités culturelles et développement
local, collection « Etats des lieux »,Presses Universitaires du
Mirail, Toulouse, 1993
Complémentaires :
ARMAGNAC Chantal(Photographies de Régine Rosenthal),
Armagnac, les noces de la vigne, du chêne et de l'homme, - Editions
La Renaissance du Livre, Collection Saveurs Gourmandes et Art de Vivre, 2001
DUFOR Henri, Armagnac, eaux de vie et terroirs,
Editions Privat - Toulouse (316 p)
GELAS Philipe, L'instant Armagnac, Bleu 17 production,
2000 ;
LEBEL Frédéric, Esprit de l'Armagnac,
éd. Le cherche-midi, 1998 ;
PUJOL Alain, Armagnac, feu de vie, Editions Mollat -
Bordeaux - Diffusion du Seuil, 1995 SOURBADERE Gilbert, L'Armagnac,
histoire, terroir et eaux-de-vie, Collection "Gascogne Insolite" -
Publication Chambre d'Agriculture du Gers
Autres ouvrages :
BAUDRILLARD Jean, La société de
consommation, 1970, Paris
FLANDRIN J.-L., COBBI J., Tables d'hier, tables
d'ailleurs, Odile Jacob, 1999
KAPFERER Jean-Noël, les marques à
l'épreuve de la pratique, Organisation Eds D', mars 2002
KLEIN Naomi, NO LOGO- la tyrannie des marques, France,
Actes Sud, 2001
LIPOVETSKY Gilles, les temps hypermodernes, Grasset, 2004
VILLEMUS Philippe, La fin des marques? vers un retour au
produit, Organisation Eds d', 1996
Publications :
Lettre des mousquetaires, La flamme de l'Armagnac, Lettre de
l'Observatoire économique de l'Armagnac, lettre du BNIA
Presse régionale : Sud Ouest
Presse nationale : Le Figaro, Le Monde,
L'Humanité,
Presse économique : Les Echos, Capital, La Tribune, La
revue financière, L'expansion
105
Ressources électroniques (non exhautif):
Site du BNIA :
www.Armagnac.com
sites de producteurs d'Armagnac :
www.barondesigognac.com,
www.domaineacacias.fr ,
www.Armagnacbriat.com ,
www.Armagnac-ravignan.com,
www.tariquet.com,
www.buscamaniban.com,
www.frenchArmagnac.com ,
www.dartigalongue.com,
www.Armagnac-larressingle.com
,
www.gelas.fr ,
www.janneau.net ,
www.Armagnac-gimet.com ,
www.Armagnac-gascogne.com,
www.monluc.fr ,
www.Armagnac-castarede.fr
,
www.Armagnac-jean-cave.com
,
www.chateaudecassaigne.com
,
www.Armagnacdelord.com
, ...
sites producteurs spiritueux :
www.pernod.com,
www.hennessy.com,
www.martell.com,
www.absolut.com, ..
sites institutions :
www.bnic.com , www.who.int ,
www.landes.org, ...
sites de webzines :
www.invinoveritas.apic.be
,
www.chazellet.com,...
106
Remerciements
A tous ceux et celles qui m'ont initié à la
connaissance de l' «or blond» et permis de mener à bien la
réalisation de cette modeste étude :
M. Jean-Claude RICCI, mon directeur de mémoire,
M. Sébastien LACROIX, directeur du BNIA,
Mme Colette REMAZEILLES, directrice adjointe et toute
l'équipe du BNIA,
M. GEORGACARACOS, domaine de Langajan,
M. L'HUILLIER, domaine de La Beroje,
M. JORDANA, domaine de l'Arepic,
M. de RAVIGNAN, château de Ravignan,
Mme DARTIGALONGUE, maison Armagnac Croix-de-Salles,
Mlle CHOMAT, service exportation domaine du Tariquet,
M. RANDE, directeur de la cave coopérative de Cazaubon,
M. LECHAT, directeur commercial du pôle Armagnac de
Fivigers,
Mme CASTAREDE, maison Castarède,
Mme GUILLARD, direction de l'agriculture du conseil
Général des Landes,
Et tous ceux que j'ai croisés entre chais et vignes sur
les chemins d'Armagnac.
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107
TABLE DES MATIERES
Introduction 6
1 Le marché de l'Armagnac et la crise 10
1.1 La place de l'Armagnac sur le marché des eaux-de-vie
et spiritueux 10
1.1.1 Les qualités du produit Armagnac 10
1.1.1.1 Des eaux-de-vie particulières 11
1.1.1.2 « Les produits dérivés » 15
1.1.2 Les concurrents de l'Armagnac 16
1.1.2.1 Les spiritueux : une législation
particulière 16
1.1.2.2 Quelques notions « macro » relatives au
marché des spiritueux 17
1.1.2.3 Le grand frère Cognac 19
1.1.2.4 Quel adversaire : le whisky ? 19
1.1.3 Le nain Armagnac perdu dans le marché des
eaux-de-vie et des spiritueux 20
1.1.3.1 Le marché mondial : expansion
/internationalisation/ concentration 20
1.1.3.2 La prépondérance du marché
français 22
1.1.3.3 Des résultats de vente à nuancer 23
1.1.4 Un marché pertinent ? 24
1.1.4.1 Un produit de terroir, voire touristique 25
1.1.4.2 Un produit technique, la magie de l'alchimie 25
1.1.4.3 Un produit de luxe 26
1.2 L'organisation de la filière Armagnac 26
1.2.1 Les agents économiques directs 27
1.2.1.1 Les professionnels (vignerons, négociants,
coopératives...) 27
1.2.1.2 Les autres acteurs (distributeurs, vendeurs,
distillateurs) 30
1.2.2 Les organismes représentatifs 30
1.2.2.1 BNIA, l'organe représentatif et décisionnel
31
1.2.2.2 Les autres organisations (syndicats
représentatifs, associations,) 32
1.2.3 Les acteurs parallèles, une filière
très encadrée 33
1.2.3.1 Les collectivités locales 33
1.2.3.2 Les organismes de contrôle étatiques ou
paraétatiques 34
1.2.3.3 Les chambres d'agriculture 35
1.3 Les différentes explications d'une crise de
l'Armagnac 35
1.3.1 Une tentative de typologie de l'acheteur d'Armagnac 36
1.3.1.1 La typologie de Bernard Kayser 36
1.3.1.2 La pertinence de cette typologie 37
1.3.2 Les causes conjoncturelles 37
1.3.2.1 le changement des goûts et les nouveaux modes de
consommation 38
1.3.2.2 le problème d'image 39
1.3.2.3 Les politiques d'action publique contre l'alcool 40
1.3.2.4 Un âge d'or prépare des années de
plomb 42
1.3.3 Les causes structurelles 42
1.3.3.1 L'exportation ne compense pas le déclin du
marché français 43
1.3.3.2 La gestion des stocks 43
1.3.3.3 L'absence de marque leader 45
1.3.3.4 Une structuration mal adaptée 45
Une trop lente adaptation et pour quel rattrapage ? 46
108
2 Les politiques de relance du produit et l'avenir de la
filière 48
Prolégomènes : Quels objectifs pour la
filière ? 48
2.1 Un travail sur la production 49
2.1.1 Une gestion harmonieuse de la production et des stocks
49
2.1.1.1 Une politique de maîtrise de l'offre 49
2.1.1.2 Les limitations de la production 50
2.1.1.3 Le problème des stocks 51
2.1.2 Une recherche de qualité 52
2.1.2.1 Une spécialisation des vignerons 53
2.1.2.2 Une Appellation d'Origine Contrôlée plus
stricte 53
2.1.3 Des produits mieux définis 54
2.1.3.1 Un exemple de diversification : la « création
» de la Blanche Armagnac 54
2.1.3.2 L'adéquation du produit aux exigences du
consommateur 54
2.2 La cohérence du travail effectué sur la
communication 55
2.2.1 Renouvellement et continuité de l'image de
l'Armagnac 56
2.2.1.1 « Dépoussiérer l'image de l'Armagnac
» (S. Lacroix) 57
2.2.1.2 Une boisson prestigieuse 60
2.2.1.3 Un produit de confidence, le pari du « bouche
à oreille » 61
2.2.1.4 Une image gasconne de festivité et
convivialité 63
2.2.2 Une communication complémentaire 64
2.2.2.1 Communication collective et communication
particulière 64
2.2.2.2 Les communications en partenariat avec un territoire
68
2.2.3 L'exportation, une communication différente 70
2.2.4 La faiblesse de la distribution 71
2.3 Quel avenir pour l'Armagnac ? 72
2.3.1 Trois exemples de développement 73
2.3.1.1 Le château de Tariquet : la réussite
entreprenariale 73
2.3.1.2 Les Armagnacs contemporains par Fivigers : une tentative
de reconquête 75
2.3.1.3 Le domaine de la Beroje ou de la difficulté
d'être petit 77
2.3.2 Les conditions d'une adaptation aux marchés 78
2.3.2.1 Soutenir l'effort qualitatif : Le haut de gamme ou la
nécessité du luxe 79
2.3.2.2 Investir à l'exportation, les turpitudes du
commerce international 79
2.3.2.3 Communiquer Armagnac : pour un « consonnaisseur
» 80
2.3.3 Un avenir plein d'incertitudes 81
2.3.3.1 Politiques publiques de lutte contre l'alcool et Armagnac
81
2.3.3.2 Anticiper les modifications des habitudes 82
2.3.3.3 La capacité d'adaptation au marché 83
Conclusion 84
3 ANNEXES 86
3.1 Décret du 27 mai 2005 relatif à l'appellation
d'origine contrôlée « Armagnac » 86
3.2 Statuts du Bureau Interprofessionnel de l'Armagnac de 1994
92
3.3 Schéma des circuits de vente de l'Armagnac 97
3.4 Schéma du circuit de distribution de l'Armagnac
(négociant) : 98
3.5 Dépliant de l'association « 5 crus
légendaires » 99
3.6 Exemples de tarification 100
3.7 Estimation des prix de revient de l'Armagnac 101
3.8 Classement des ventes en bouteilles des professionnels
102
3.9 Communication « Qualités Landes » 103
Bibliographie : 104
TABLE DES MATIERES 107